A+B– Bonjour et bienvenue. Mettez vous à l’aise. Placez vous confortablement face à la personne en face de vous. Ajustez votre lumière si nécessaire pour que vous puissiez bien lire votre texte. Dans la tente il y a 2 bouteilles avec des gobelets. Dans une bouteille il y a de l’eau, dans l’autre il y a de la vodka. Vous pouvez vous servir, si besoin, à n’importe quelle moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît lisez à voix haute toutes les répliques associées à la personne A. Les instructions sont écrites en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez que votre voisin(e) est prêt(e). Si c’est le cas, commencez la lecture à voix haute. Amusez-vous bien !
Conversation sous influence A B A B A
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B : A : B :
Bonjour Bonjour Ça va ? Oui, plutôt pas mal. Et vous ? Oui, ça va bien. J’aime bien me retrouver dans une tente. Ça me fait penser à ma jeunesse… Le camping sauvage, tout ça… Ah oui… Beh, moi, une tente ça me fait plutôt penser à tous ceux qui sont dans une situation très précaire, comme les migrants ou les SDF. Je vois. C’est curieux comment l’idée de loisir et des vacances qui s’est construite à travers l’objet de la tente dans l’imaginaire collectif pendant les 30 glorieuses s’est aujourd’hui transformée en une image de la souffrance et de la survie. Peut-être que nous avons produit trop de tentes en plastique. Trop de rêve tue le rêve. C’est sûr que ça aurait été mieux si elles n’étaient pas en plastique. Oui, mais si les tentes n’étaient pas en plastique elles auraient été beaucoup plus chères et beaucoup moins
démocratisées. A : Pour moi l’idée d’une tente reste quand même plutôt positive. Mes premières sensations d’indépendance coïncident avec mes premières expériences de nuits dans des tentes. B : Oui, j’imagine, une certaine idée de « liberté ». A : Et ça me fait penser à un jeu qu’on jouait souvent à cette époque là. B : Oui… A : Le jeu consistait à poser une question à la personne en face. Cette personne devait boire un shot de vodka, ou d’un autre alcool, et répondre à la question. Et puis les rôles changeaient. B : ça va jusqu’où tout ça ? A : Ben… aussi loin qu’on veut. B : Ah d’accord. A : Vous voulez essayer ? B : Comme si j’avais le choix. A : On a toujours le choix, je crois. B : D’accord. Mais c’est moi qui pose la question en premier(e). A : Ok, d’accord. B : Alors… ma question est la suivante : De quoi vous rêvez en ce moment ? A : Vraiment, c’est ça votre question ? B : Oui. A — Prenez votre souffle. Suivant les règles de jeu vous devez maintenant boire un shot. Comme vous le savez, il y a une bouteille avec de la vodka et une autre avec de l’eau. Prenez celle qui vous attire le plus et servez vous un petit verre. Votre voisin(e) ne saura pas ce que vous buvez. Buvez-le d’un coup. Santé !
B — Attendez que votre voisin(e) prenne son shot. Et vous continuez la lecture.
B : Alors ? A : Ok, d’accord. Donc, en ce moment je suis dans une phase un peu particulière. Il y a quelques jours j’ai rêvé que j’étais au milieu d’un champ… B : Hmm… A : Et j’avais un choix important à faire. Je devais décider entre la forêt et le lac. B : Comment ça ? A : Il y avait d’un côté du champ un lac et de l’autre côté une forêt et je ne pouvais pas rester dans ce champ parce que… je ne pouvais pas, tout simplement. Et donc je devais décider dans quelle direction aller. La forêt était luxuriante, très verte, presque vierge. Et le lac était calme, l’eau cristalline et très attirante. B : Et qu’est-ce que vous avez décidé ? A : Ben… j’étais incapable de choisir. Les deux options étaient vraiment géniales et je ne pouvais pas décider où aller… B : C’est terrible. A : Oui, un peu. B : Et puis ? A : Et puis… je me suis réveillé(e). Mais la nuit suivante j’ai refait le même rêve. Et la nuit d’après aussi et
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toujours au même moment dans le rêve, je devais prendre cette décision mais je n’y arrivais pas. La prochaine fois, choisissez la forêt. Pardon ? La prochaine fois, choisissez la forêt. Pourquoi ? Ce n’est pas très important pourquoi. Ce qui est important, c’est que j’ai fait le choix pour vous et comme ça, vous allez enfin pouvoir décider où vous diriger dans votre rêve et pouvoir alors rêver d'autre chose. Vous pensez que je vais me rappeler de votre conseil dans mon rêve ? Ah oui, j’en suis même sûr(e)… Waouh… quelle confiance ! Je fais de mon mieux… Mais puisque que vous m’avez demandé pourquoi, je vais vous dire pourquoi j’ai choisi la forêt pour vous. Ok. On dit que la forêt est le climax vers lequel la nature se développe, là où elle veut aller, ce vers quoi elle tend. Si vous laissez un champ sans le toucher, sans le cultiver, dans 50 ans, logiquement, il va se transformer en forêt. J’aime beaucoup cette idée. Oui, c’est pas mal. Et je vous ai proposé la forêt aussi parce qu’on dit que quand on passe du temps avec les arbres, quand on est sous l’influence des particules énergétiques et chimiques qu’ils produisent, on va très bien. Oui, j’ai entendu parler de ça. Vous savez qu’au Japon la sécurité sociale paye des séjours dans la forêt pour ceux qui ont du mal à combattre le stress. Ces japonais passent des heures en compagnie des arbres qui les soignent. Non, je ne le savais pas… Bon, maintenant c’est à vous de poser une question. Ah. Vous avez soif, c’est ça ? Oui, un peu. Ok. Alors voilà ma question : Quel est votre type de jardin favori ? Mon quoi ? Votre type de jardin favori ?
A — Attendez que votre voisin(e) prenne son shot.
B — Suivant les règles de jeu vous devez maintenant boire un shot. Comme vous le savez, il y a une bouteille avec de la vodka et une autre avec de l’eau. Prenez celle qui vous attire le plus et servez vous un shot. Votre voisin(e) ne saura pas ce que vous buvez. Buvez le d’un coup. Santé ! Et vous continuez la lecture.
B : C’est le jardin passager… vous connaissez ? A : Non. B : Et pourtant c’est une forme de jardin qui s’est beaucoup développée ces derniers temps. Bref. C’est le type de jardin où on respecte les besoins des plantes au lieu de les mettre dans des cases prédéfinies. Donc la forme
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du jardin se définit au fur et à mesure, en suivant la direction vers laquelle les plantes veulent pousser. Et les plantes s’entre- aident pour mieux pousser. J’aime beaucoup imaginer ce type de jardin comme la métaphore d’une société heureuse… une société qui se construit autour des désirs des citoyens, sans les mettre dans les cases prédéfinies. Et les herbes folles dans tout ça ? Elles sont admises… jusqu’à un certain point. Vous voulez dire un peu comme une immigration contrôlée ? Oui, si on veut. Ok, à moi de poser une question. Non, je crois que c’est à moi, n’est pas. Ah oui, vous avez raison. Allez-y. Est-ce que vous êtes déjà allé(e) sur Tinder, Grindr ou une autre plateforme de rencontre ?
A — Vous savez ce que vous avez à faire. Santé !
B — Votre voisin(e) prend son shot
A : Non, jamais, mais je pense qu'une conversation comme celle-ci pourrait être proposée comme intro lorsque les gens finissent par se rencontrer en tête à tête. B : Bon, c’est à vous maintenant de poser une question. A : OK. C’est quoi votre groupe de musique favori ? B : Vraiment ? A : Oui, pourquoi pas. A — Votre voisin(e) prend son shot.
B — Vous savez ce que vous avez à faire. Santé !
B : Nirvana. À moi de demander. A : Allez-y. B : Votre dernière mauvaise action ? A — Et voilà, encore un ! Santé !
B — Votre voisin prend son shot.
A : L’achat d’un sandwich dans une institution culturelle, un musée à Paris, qui m’a coûté 15 euros et dont la viande venait des U.S.A. Imaginez, faire voyager cette viande de si loin ! Scandalisé(e) mais affamé(e), j’ai quand même décidé de l’acheter et puis de le manger. B : L’arnaque. A : Totale. B : Et la honte en même temps, non ? A : Carrément. B : Double peine, quoi. A : C’est pour ça que je m'en souviens. B : Quelle institution culturelle ? A : Je vous le dirai une fois sorti(e) de la tente… B : Pourquoi. A : Parce que ici, c’est quand même un espace public. B : Ah bon ? A : Oui, nous ne sommes pas tout à fait en privé ici, vous voyez… B : Ah, d’accord. A : Alors, à mon tour. B : Une dernière alors. A : D’accord. Voilà ma question : Si vous devez choisir entre ces figures historiques, vous choisiriez laquelle : Vasco de Gamma, Marie Curie, Yuri ? Gagarine ou
A — Vous pouvez ajouter une autre figure historique si les 3 proposées ne vous conviennent pas ?) A — Votre voisin prend son shot B : Je ne sais pas… peut-être
B — Et hopla ! Encore un. Santé ! !
B — Répondez à la question de votre voisin A : Parce que c’est A
?
— Complétez votre réponse
. : Non, parce que : Vous êtes sûr(e). : Non… mais il fallait réfléchir vite. : Effectivement. : Bon, c’est à mon tour… Quelle était votre plus belle ivresse ? A : Ah… B A B A B
A — Prenez quelques instants pour réfléchir à votre plus belle ivresse.
B — Pendant votre voisin(e) réfléchit à la question versez lui un verre.
A : C’est une chouette question mais je crois que vais m’arrêter. J’ai l’impression que la tente bouge. B : Ah bon… sérieusement ? Quel dommage. A : Oui, je suis désolé(e). Je dois travailler ce soir. B : Ok, d’accord. A : Je peux peut-être finir le verre B : Ah oui… A : Pour ne pas gaspiller. A — Vous faite ce que vous voulez avec le verre. Ne vous sentez pas obligé(e) par le script. B : Oui, c’est plus éco-responsable comme ça. A : Oui. En tout cas merci de vous être enivré(e) avec moi. B : C’était un plaisir. A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie dedans. Merci.
FIN
A+B— Bonjour, mettez vous à l’aise. Placez vous bien en face de la personne qui est avec vous. Ajustez votre lumière si nécessaire, pour que vous puissiez bien lire votre texte. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Vous pouvez vous servir si besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît lisez toutes les répliques associées à la personne A ou B à voix haute. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un texte écrit, vous deux êtes les seul(e) s à créer ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez si la personne en face de vous est prête. Si c’est le cas, commencez la lecture en chuchotant. C’est très important de continuer à chuchoter pendant tout le dialogue et jusqu’à la fin du texte.
Conversation chuchotée sur la survie de la nature survie dans la nature nature de la survie A : Salut B : Salut A : Je ne sais pas si tu as remarqué mais je crois qu’ils ont fait exprès de mettre ensemble des gens qui ne se connaissent pas… pour les déstabiliser. Bref, tu vois ce que je veux dire… B : Ah non, j’ai pas remarqué. A : Je pense qu’ils font une espèce de test ici. B : Quel type de test ? A : Je ne sais pas, un genre de test sociobiologique. B : Mais non, ce sont juste des artistes… A : Pourtant c’est difficile de ne pas penser à une situation d’expérimentation… tu vois. Ils nous mettent dans les tentes, ils nous laissent ici pendant un certain temps, et ils voient comment on s’en sort. B : Mais non, moi je crois que l’idée est plutôt de se rencontrer, de se parler, d’être dans une situation un
peu intime et confortable… Ne t’en fais pas. A : D’accord, d’accord. B : D’ailleurs, ça te dit de fermer les yeux ? A : OK, pourquoi pas. A — Fermez les yeux et écoutez votre voisin(e).
B — Attendez que votre voisin(e) ferme les yeux.
B : Super. Maintenant tu essaies de penser à une forêt au printemps. Une forêt luxuriante, habitée par les oiseaux, avec les rayons du soleil qui percent les feuillages… avec le son d’un ruisseau quelque part. Et tu respires en pensant à tout ça, calmement. Voilà… c’est beaucoup mieux maintenant, quand tu es plus calme, non ? Tu peux ouvrir les yeux. A+B— Continuez à lire en chuchotant A B A B A B A B
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B : A :
B : A :
Wow. C’était pas mal. Je sais, ça marche presque à chaque coup. Est-ce que tu as déjà vu le film Grizzly Man ? Non, ça me dit rien. C’est un film de Werner Herzog. Ah, celui qui a fait Fitzcarraldo ? Exactement. Je ne savais pas qu’il avait fait un film sur les animaux. Moi non plus. Je suis tombé(e) dessus par hasard, je l’ai vu dans un avion pendant un long vol. C’est bizarre qu’ils mettent ce genre de films dans l’avion. Bref, dans ce film il y a un gars qui est complètement illuminé ; il vit parmi des grizzlis et des renards dans un parc naturel protégé, et à la fin il va se faire manger par un jeune grizzly affamé et d’ailleurs sa copine aussi va se faire manger… Ils ont même retrouvé sa montre dans le ventre du grizzly, un truc horrible… La montre continuait encore de marcher… Dégueulasse. Un peu… Je te raconte tout ça parce que dans cet immense parc naturel, parmi tous ces renards, tous ces grizzlis et toute cette nature sauvage et menaçante, sa seule habitation à ce gars, le seul endroit qu’il avait pour se reposer et se protéger était une minuscule tente comme celle-ci. Tu viens pas d’inventer tout ça à l’instant ? Non, non, c’est vraiment dans le film. Je t’assure. Je pourrais te montrer la bande-annonce sur mon téléphone, si j’arrive à bien capter la 4G. Regarde !
A — Sortez votre Smartphone et montrez-le à votre partenaire. Si vous avez du réseau, et aussi un peu de forfait, vous pouvez éventuellement lui montrer les 30 premières secondes de la bande-annonce du film. Pour aller vite tapez « grizzly man bande-annonce ». A+B— Puis reprenez en chuchotant.
B — Attendez que votre voisin(e) vous montre ce qu’il/elle a à vous montrer.
A : Bref, ce qui est dingue c’est qu’il n’a pas été mangé par un grand grizzly mais par un jeune ours de petite taille, et tu sais pourquoi ? B : Non, je ne sais pas… parce qu’il dormait très profondément dans sa tente, et qu’il n’a pas entendu l’ours venir ? A : Non, c’est pas du tout ça. En fait, il s’est fait manger à cause du réchauffement climatique. Il n’y avait pas assez d’eau dans les rivières cette année-là et du coup pas assez de saumons, et il fallait trouver autre chose à manger à la place. Et cet ours est venu de très loin pour chercher de la nourriture, ce n’était pas l’un des ours qui vivait là d’habitude. B : Mais en même temps, quelque part, ce jeune animal a survécu grâce à cet homme, non ? On peut le voir d’une autre manière. Et je pense, comme on est très nombreux nous les humains, que la survie d’un ours, c’est peut être plus important que la survie d’un homme… Je sais ça peut sembler bizarre mais tu comprends ce que je veux dire ? A : A peu près, même si je ne comprends pas comment tu peux avoir plus de sentiments pour un ours que pour un homme. Bref, ce qui est tragique dans cette histoire quand même, c’est que cet homme voulait en fait sauver cet ours ! B : Le sauver de quoi ? A : Le sauver d’autres hommes qui voulaient faire une zone touristique dans ce parc naturel. B : Mais c’est ça qui est bien avec la nature : elle ne fonctionne pas sur un principe moralisateur. C’est plutôt un principe de survie. A : Tu comprends pourquoi on chuchote ici ? B : Pour ne pas déranger les ours qui sont partout dehors… Non, je rigole. Peut-être parce que ça rend les choses plus excitantes. Il faut qu’on s’approche l’un(e) de l’autre pour pouvoir s’entendre. A : Tu as déjà passé une nuit dans une tente en pleine nature ? B : Pas très souvent… Mais le peu de fois où je l’ai fais j’étais toujours impressionné(e) par les bruits à l’extérieur. A : Ah oui, c’est dingue tout ce qu’on entend quand on est dans une tente. A+B— Prenez quelques instants en écoutant les sons à l’extérieur. Puis continuez à lire en chuchotant. B : Imagine qu’au lieu d’être ici on soit dans une très grande forêt… et ce qu’on entend, ce sont différents sons d’animaux et de plantes. A : Je ne savais pas que les plantes produisaient des sons. B : Si, si, tu peux entendre par exemple le son des pommes de pin qui s’ouvrent… Et il y a aussi cette plante qui s’appelle… comment elle s’appelle…? Je crois qu’elle s’appelle l’acanthe ou quelque chose comme ça. J’en ai vu dans les ruines à Rome. Ça te dit quelque chose ? A : Non, pas vraiment. B : Euh… Cette plante, acanthe ou acanthéa je ne me souviens plus, elle expulse ses graines en explosant et cela fait comme un gros « clac ». Comme si quelqu’un claquait des doigts.
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Trop cool ! Alors imagine… Quoi ? On est dans cette tente, la nuit tombe… Peut-être pas tout de suite… non ? On va dire que tout devient de plus en plus sombre… ou peut-être de plus en plus chaud, comme tu veux. On n’a pas mangé depuis 3 jours, sauf les baies que tu as trouvées sur le chemin et qui nous ont donné mal au ventre. On a faim et on a soif et on sait que si on reste ici on va bientôt mourir. Réjouissant… Il y a toujours cette bouteille d’eau ici. Oui, mais on ne sait pas si elle est encore bonne. Alors, on doit sortir et trouver une solution. Mais dehors il y a plein de dangers ! Les ours, des insectes, les autres humains qui peuvent nous considérer comme dangereux. Pourquoi dangereux ? Je ne sais pas, pour x raisons… Et puis il y a des intempéries, des orages, la mauvaise qualité du tissu de cette tente, le fait qu’on ne sache pas si cette eau est vraiment potable… ce bruit de fond permanent et le manque potentiel d’oxygène, la pollution, le changement climatique, les marchés financiers instables, les catastrophes sociopolitiques, de mauvais spectacles, la circulation automobile dans la ville la nuit… Mais, ici il n’y a ni à manger ni à boire. Oui, on est en quelque sorte dans le dilemme d’un homme préhistorique… avec un peu plus de ressources. Oui, peut-être. Alors on fait quoi ? On attend. On attend quoi ? On attend qu’une solution se présente. Mais elle va venir d’où cette solution ? Je ne sais pas… mais je suis sûr(e) qu’elle va venir. Mais tu penses qu’un homme préhistorique aurait survécu s’il avait attendu que la solution arrive toute seule ? Je ne sais pas. J’ai l’impression qu’on bouge toujours trop, qu’on veut toujours aller trop vite, qu’on est tout le temps dans cette optique et cette responsabilité de « trouver la solution ». Peut-être que la chose la plus intelligente à faire serait juste de s’endormir. Comment ça ? Ben oui, on s’endort et on attend que la situation se résolve pendant qu’on dort.
A+B— Prenez quelques instants pour réfléchir à cette possibilité. Et peut-être que la solution apparaîtra dans nos rêves… A : Mais oui ! Il y a certains peuples anciens qui trouvaient des réponses à leurs questions dans leurs rêves. Mais là, on ne peut pas faire ça. On n’a pas le temps. B : C’est dommage, on dit tout le temps ça : « on n’a pas le temps », « on n’a pas le temps »… A : Oui c’est vrai. B : On peut prendre tout le temps dont on a besoin. A : Mais il faut bientôt qu’on quitte la tente, il y a d’autres gens qui veulent faire l’expérience après nous. B : Et voilà comment les rêves se brisent avant même qu’on ait commencé à les faire.
A : Je ne voulais pas te décevoir, c’est juste que ta proposition n’est pas très réaliste. B : Peut-être, mais c’est toi qui m’as demandé de trouver une solution. A : Oui, j’avoue. Je me suis laissé(e) emporter par la situation. Mais si tu veux, on peut continuer à parler de tout ça en buvant un verre dehors ? B : Peut-être nous allons nous rencontrer de nouveau dans un de nos rêves. Imagine ! A : Ah oui ! ça serait chouette de continuer notre conversation dans un rêve. B : Tu sais ce qu’on dit : Dans un rêve tout est possible. A : Oui. B : Oui. A : Alors, pour l’instant on se dit à bientôt ? Et on essaye de se rencontrer cette nuit pendant que nous dormons. B : D’accord. A : et là, tout de suite ? B : On sort ? A : OK. On se lance dans l’océan de tous les dangers ? B : Let’s do it ! A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie dedans. Merci
FIN
A+B— Bonjour, mettez vous à l’aise. Placez vous en bonne relation physique avec votre voisin(e). Ajustez la lumière si besoin, pour que vous puissiez lire votre texte confortablement. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Vous pouvez vous servir, si besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît lisez à voix haute toutes les répliques associées à la personne A ou B. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes, et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez que votre voisin(e) est prêt(e). Si c’est le cas, commencez la lecture à voix haute.
Conversation autour des racines et de la résistance A : Bonjour B : Bonjour A : Il y a des arbres magnifiques dans cette ville, n’est-ce pas ? B : Oui, oui… certainement. Je ne suis pas vraiment expert(e) mais je crois que oui. A : Je les ai observés en venant ici, vous savez, parce que j’ai réfléchi ce matin à quelque chose… B : Vous écoutez sans doute France Culture le matin, n’est-ce pas ? A : Pourquoi vous dites ça ? B : Je ne sais pas, c’est une intuition. A : C’est drôle… vous avez peut-être raison… Mais pour revenir à ma réflexion de ce matin : j’ai pensé aux racines et, ça va vous paraître peut-être un peu banal, je me suis rendu(e) compte que les racines sont, dans la plupart des cas, les parties invisibles d’une plante. B : Oui, c’est vrai. A : De même que les racines de quelqu’un sont en partie invisibles ou cachées.Par exemple, quand je vous regarde… il y a toute une partie de vous qui est cachée :
A+B— Regardez bien votre voisin(e) pendant un moment. B :
A : B :
A : B :
A :
Je ne peux pas savoir d’où viennent vos ancêtres exactement, quel type de musique vous avez écouté à l’âge de 15 ans, quel(le)s sont les femmes et les hommes que vous avez aimé(e)s, quel est votre lieu de naissance, quelles sont les idées auxquelles vous croyez… Je peux essayer de deviner tout ça, en vous regardant, de la même manière que je peux essayer de deviner la taille, la profondeur ou la forme des racines d’un arbre, en le regardant. Donc pour vous, si je comprends bien, nos racines ne sont pas exactement nos origines. Les racines, pour vous, ce serait plutôt tout ce qui nous attache… aux autres, à nous mêmes, à notre passé, aux expériences…? Oui, on pourrait le voir comme ça. C’est drôle parce que jusqu’à présent, pour moi les racines étaient plutôt liées au sol, à une immobilité, au fait d’être planté(e) quelque part. D’ailleurs, si je suis honnête, l’idée de m’enraciner m’a toujours un peu angoissé(e). Je comprends tout à fait. Mais là, si j’adopte votre point de vue, je peux imaginer que les racines ne sont pas forcément liées à un sol, mais qu’elles sont liées à nous, à notre corps, à notre être. Elles nous suivent, bougent avec nous, s’étendent, elles sont accrochées à notre dos comme une cape de super héros ou la traîne d’une robe de mariée… toujours là, comme une espèce d’ombre. C’est joli comme image…
A+B— Une petite pause où vous pouvez boire un verre d’eau. Ou bien vous pouvez penser à l’image des racines attachées à votre dos. A : Du coup question : est-ce que vous pensez que pour nous les humains, c’est fondamental de bouger, d’être toujours en mouvement ? De ne jamais s’enraciner ? B : Oui, en principe. Après tout, nous sommes des animaux… mais tout dépend du contexte. Par exemple, ici, où on se trouve, ce serait peut-être dangereux de trop bouger, surtout si on fait des grands gestes… ou si on s’agite dans tous les sens, sans raison particulière. Dans cette tente, il vaut plutôt mieux rester immobile. A : Vous savez, il y a des gens que l’immobilité rassure. B : Hmm… Je peux tout à fait imaginer, oui. A : Par exemple, il y a des gens, je ne sais pas si vous avez déjà vu ça, qui se collent contre un arbre et qui cherchent à l’enlacer comme un lierre… et ils restent collés comme ça, très longtemps. B : Oui, oui, je l’ai déjà vu. Des fois ils le font même en groupe. A : Exactement. Je pense que l’immobilité de l’arbre doit les rassurer, leur inspirer des sensations de force, ou de résistance, ou de, je ne sais pas, une certaine sérénité… B : Ah, ça me fait penser à autre chose. Les manifestants pacifiques, vous voyez ? A : Ah oui. B : En fait, comment ils manifestent ?
A : Je ne sais pas. Comment ? B : Et bien… souvent, ils se regroupent et restent immobiles pour s’opposer à la violence. A : Ah, oui, c’est vrai. B : Vous voyez l’image ? Ils s’enlacent bras dessus bras dessous à plusieurs, ou parfois ils s’assoient par terre et ils restent là ensemble pendant des heures, comme enracinés. A : Oui, je vois. Mais ça fait sens de s’appuyer les uns sur les autres pour avoir plus de force, non ? B : Oui, complètement… Et c’est en fait l’addition de chacun de leur corps qui crée un corps commun, immense, et qui les rend trop lourd pour être déplacés. A : Effectivement B : Nous pourrions faire ça aussi ici, nous rendre plus lourd… Mais nous, nous n’avons pas à résister à quoi que ce soit dans cette tente, non ? A : Non, pas vraiment. Éventuellement nous pourrions résister au fait de lire le texte ? En faisant autre chose dans la tente que lire… B : Peut-être… mais dehors, dans la vraie vie, il y a plein de motifs pour résister, pour s’opposer, n’est pas ? A : J’imagine, oui. Peut-être le sens même de l’évolution réside dans une certaine forme de résistance. B : Comment ? A : Bah… Je crois qu’en résistant nous pouvons changer notre condition de vie, notre relation avec les autres et avec le monde, l’améliorer. B : Mais nous pouvons aggraver notre position aussi. A : C’est vrai. Chaque changement porte ses risques. B : C’est difficile de trouver un juste milieu entre vouloir changer trop et ne pas changer assez. A : Peut-être c’est une question de rythme. B : Vous parler du temps de changement ? A : Exactement. Regardez… les arbres, par exemple, ils changent non-stop, mais dans un rythme beaucoup plus lent que nous. Et curieusement, cette transformation lente leur assure la longévité. B : C’est vrai, j’ai déjà vu des arbres qui ont presque 1000 ans… Je me suis senti(e) tout(e) petit(e). Tout bébé… les chênes et les oliviers. A : Les arbres sont là, sur la terre, depuis beaucoup plus longtemps que nous. B : Ah je me rappelle, nous avons appris ça à l’école. Nous avions une super prof de biologie. Un matin elle nous a dit : Et c’est ainsi que, il y a entre 350 et 420 millions d’années avant Jésus-Christ, apparut finalement le premier arbre : l’Archaeopteris. Il pouvait atteindre 30 à 40 mètres de haut et les plus grandes souches retrouvées font 1m50 de diamètre. A : C’est étonnant que vous vous rappelez si bien de cette phrase dite il y si longtemps. B : C’est parce que tout de suite j’ai adoré ce mot : Archaeopteris. Quand je l’ai entendu pour la première fois je me suis dit qu’un jour j’appellerai mon enfant comme ça, en l’honneur du premier arbre sur terre. A : C’est vrai que ça sonne mieux qu’Homo Habilis, ce qui est le nom du premier homme sur terre. B : Oui, ça ne sonne pas très beau : Homo Habilis, à table ! A : De toute façon, même si nous avons des preuves scientifiques, et qu’on arrive à peaufiner le puzzle de mieux en mieux, l’histoire, l’évolution mais aussi le futur de la planète reste quand même un grand inconnu.
B : J’espère que nous n’allons pas parler de la fin du monde maintenant. A : Pourquoi. Ça vous inquiète ? B : Non, enfin, oui, un peu, mais j’ai l’impression que tout le monde parle que de ça récemment. A : C’est un peu logique, non ? B : Oui mais, nous ici, dans l’intimité de cette tente, ce n’est peut-être pas la peine de se lancer dans l’inconnu maintenant… A : Moi je pense qu’il n’est jamais trop tard pour explorer l’inconnu. C’est une des raisons pour lesquelles je trouve la vie excitante. B : Bon, je vous propose une chose. A : D’accord. Je vous écoute. B : Vous vous rappelez, nous avons parlé de gens qui s’enlacent pour protester ? A : Oui. B : Comme une manière de s’enraciner et se rendre plus fort. A : Oui. B : Alors, au lieu de s’enlacer on pourrait se donner la main… et sortir de la tente de cette manière. A : Vous voulez dire, main dans la main, sans se lâcher. B : Oui, en s’enracinant dans la main de l’autre. Pour éventuellement devenir plus fort(e)s. A : Ok, ça me semble bien comme idée. A+B— Vous pouvez donner la main à la personne en face de vous. Tenez votre script avec l’autre main. Si cela vous semble difficile ou inacceptable, imaginez simplement que vous tenez la main de la personne en face de vous en lisant le texte suivant. B : Super. Et maintenant, avant que nous nous levions et partions dans une direction imprévisible, je vous propose qu’en tenant ma main vous essayez de sentir quelle est la couleur de l’énergie que vous recevez de moi. Et ensuite je fais la même chose avec vous. OK ? Vous pouvez éventuellement fermer les yeux, si cela vous aide. A : Attendez, si j’ai bien compris, je vous tiens la main, et j’essaye de sentir la couleur de votre énergie. B : Oui c’est ça. A — Concentrez vous et laissez l’image de la couleur ou des couleurs venir. Puis, dites-les à la personne à qui vous tenez la main. B A B A
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B — Laissez la personne en face vous dire la couleur. Une fois que c’est fait c’est à votre tour.
Merci. Merci Alors, on y va ? On quitte la tente ? Oui.
A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie dedans.
FIN
A+B— Bonjour, installez-vous confortablement. Ajustez les lumières, si nécessaire, pour rendre votre lecture plus confortable.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît veuillez lire toutes les répliques associées à la personne A ou B. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes et cela restera entre vous. Amusez-vous bien !
Conversation à construire B A B A B A
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B : A :
B : A :
B : A :
Bonjour. Bonjour. J’ai l’impression qu’on s’est déjà vu(e)s, non ? Vous croyez ? Oui, il me semble… mais je me trompe peut-être. Peut-être… Mais même si c’était vrai, je pense que c’est mieux qu’on reste des « inconnu(e)s » ici. Pourquoi ? Comme ça on peut toujours se raconter des histoires. On peut se réinventer, devenir quelqu’un d’autre, comme au théâtre ou dwans un livre, ou dans un film… un personnage, vous voyez. Effectivement… Même si moi, quelque part, j’aime bien qui je suis. Sans doute. Mais c’est un peu comme quand on change d’école, ou quand on déménage dans une nouvelle ville : on peut, dans ce nouveau contexte, raconter aux autres qu’on rencontre, uniquement les choses de notre vie qui nous plaisent, et on oublie les événements, les faits, les histoires qu’on n’aime pas trop. C’est peut-être le sens même de cette expression : « la nouvelle vie ». Oui, en quelque sorte. Mais cette nouvelle vie est basée sur des éléments qui sont complètement vérifiables : notre nom reste le même, la date et le lieu de naissance
aussi. Ce sont plutôt les détails qui deviennent plus « choisis ». B : Et vous avez déjà fait ça ? Vous vous êtes déjà réinventé(e) ? A : Oui, je crois. Je le fais tout le temps, mais pas d’une manière consciente ou programmée. B : De toute façon, on n’est jamais une seule « chose ». Et c’est comme ça dans la nature aussi. A : Comment ça, dans la nature ? Nous sommes « la nature » n’est ce pas ? On en fait partie, on n’est pas en dehors de la nature. B : Oui, bien sûr, mais vous comprenez ce que je veux dire chez les plantes et les autres animaux, cette idée d’identité et de genre est également très variable et changeante. A : Ah d’accord. Vous parlez certainement de cas comme l’ornithorynque ? Vous savez cet animal d’Australie qui ressemble à la fois à un canard et à un castor, qui pond des œufs, et qui est aussi un mammifère ? B : Là c’est un cas très extrême. A : Oui, c’est vrai… Avec l’ornithorynque la nature a déployé son imaginaire de manière très « fantaisiste » je trouve. B : On peut le dire comme ça, oui ! Vous savez ce que moi je trouve amusant ? A : Non. B : Deviner l’identité des autres. A : Ah bon ? B : Oui. Des fois, quand je suis dans un endroit où je ne connais pas les gens, par exemple dans une fête, ou dans la salle d’attente chez un dentiste, ou dans un train… j’observe les gens et j’essaie d’imaginer leur identité : deviner comment ces personnes s’appellent, qu’est-ce qu’elles font dans la vie, d’où elles viennent, quel est leur signe astrologique, quel est leur film favori… A : Et après ? Vous vérifiez si votre intuition était correcte ? Vous leur parlez ? B : Ah, non, pas du tout, la « vérité » n’est pas le but de ce jeu. Je ne cherche pas à les connaître, je ne leur parle jamais. A : J’imagine que c’est un bon passe-temps, votre jeu. Probablement plus créatif que Candy Crush en tout cas. B : Carrément ! Et aussi je crois que cette pratique m’a aidé(e) à mieux comprendre le caractère des autres. A : Je pense que les écrivain(e)s devraient faire ça tout le temps, non ? B : J’ai une idée. A : Je sais ce que vous allez dire. B : Quoi ? A : Vous allez me proposer qu’on joue tous/toutes les deux votre jeu, n’est pas ? B : Ah non pas du tout, je ne pensais pas vous proposer ça. Mais maintenant que vous en parlez, l’idée me plaît. Donc, oui, si vous voulez, on peut essayer de se réinventer l’un(e) l’autre. A : Vous ne croyez pas que c’est un peu intimidant, et parfois même un peu violent ? B : Non je ne crois pas. Et si on n’aime pas ce que l’autre dit, ne le prenons pas personnellement, parce que ce n’est pas vraiment nous qui sommes décrit(e)s pour de vrai, c’est juste l’imagination de l’autre. A : C’est presque comme jouer un rôle. B : Oui, quelque chose comme ça… et vous savez, de toute façon nous sommes déjà des acteurs dans cette forme
spectaculaire. A : Spectaculaire ? B : Oui, spectaculaire, participative, théâtrale, performative… comme vous voulez.Vous êtes A et je suis B, nous sommes loin de nos identités habituelles. A : Ok, d’accord. On peut essayer, mais si on trouve ça trop désagréable on s’arrête. B : D’accord. A : On commence comment ? B : Par exemple, je dis : Vous pourriez vous appeler . B — Inventez le prénom de votre voisin(e). Et à chaque fois qu’une ligne vide se présente, inventez le mot qui vous semble correspondre le mieux, et dites-le. Ça vous va comme prénom ? A — Vous pouvez répondre sincèrement à cette question. Et à chaque fois qu’une ligne vide se présente, inventez le mot qui vous semble correspondre le mieux, et dites-le. . OK. . Et vous, vous pourriez vous appeler . C’est tout à fait OK, alors, en vous regardant bien j’imagine que vous . Et que vous êtes né(e) à . venez de frères et sœurs. J’imagine que vous avez J’imagine aussi que vous êtes né(e) en et que la meilleure année de votre vie est probablement . ? B : Pourquoi A : Parce que vous avez
A B A B A
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B : A : B : A : B :
Ah, ça c’est intéressant. Ok, à mon tour, moi je pense que votre type de cuisine . Et que à l’âge de 6 ans vous avez préféré est . . C’est un endroit Je pense que vous venez de que j’aime beaucoup. . Votre signe astrologique est probablement . Vous avez déjà été à Et vous avez une discrète cicatrice sur votre . Pas mal du tout… Alors, je pense que dans votre playlist et aussi . Et vous avez certainement . que votre saison préférée pourrait être . Là, vous avez . Alors, vous… vous avez déjà été élu(e) quand et C’était en . Mais c’était bien. , c’est parce que . Et si vous aimez Mais si quelqu’un vous dit un jour : il ne faut plus vous allez être très déçu(e). faire
A : Bon, on s’en est pas trop mal sorti(e)s, je crois. B : Oui, pas mal du tout. C’est intéressant de se rendre compte qu’on porte toutes ces possibilités en nous, ces multiples caractéristiques dont nous ne sommes pas forcement conscient(e)s, ces « choses » que les autres voient en nous. A : Est-ce que vous croyez que les ornithorynques se rendent compte de leurs « multi-genre » et de leur statut spécifique dans la grande image de l’évolution ? B : Wow, quelle question ! Je ne sais pas… C’est difficile d’imaginer comment les ornithorynques se positionnent dans ce monde. Et comment ils voient les choses. A : Parfois, j’aimerais bien voir les choses du point de vue des animaux. Je pense que ça pourrait me rendre plus intelligent(e), ou plus sensible. B : Ah, imaginez, le point de vue d’une mouche. A : ou d’un puma. B : ou d’un arbre ? A : Un arbre n’est pas un animal. B : Oui, mais c’est un être vivant, ce qui veut dire qu’il peut probablement « voir » ou sentir ou concevoir le monde autour de lui. A : Peut-être… En tout cas, merci d’avoir imaginé tout ça avec moi. B : Merci à vous. Et j’espère qu’on se reverra très vite. Peut-être sous une autre forme… A : J’espère. A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie là où vous l’avez trouvée.
FIN
A+B— Bonjour, mettez vous à l’aise. Trouvez une manière agréable de vous installer dans la tente avec votre voisin(e). Ajustez la lumière si besoin, pour que vous puissiez lire votre texte confortablement. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Elle est là depuis longtemps, mais l’eau est probablement toujours potable. Servez-vous, si besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît lisez à voix haute toutes les répliques associées à la personne A ou B. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence, et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes, et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez que votre voisin(e) est prêt(e). Si c’est le cas, commencez la lecture à voix haute.
Conversation hésitante sur la vertu d’être ensemble A B A B
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A : B A B A B A
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B : A : B : A :
Bonjour. Bonjour. Vous allez bien ? Pourquoi vous me demandez ça ? Vous me trouvez un peu pâle ? Non… non, je vous demande ça par simple courtoisie… et pour briser la glace, en quelque sorte… comme on ne se connaît pas… Ah ok… je préfère. Alors en découvrant le titre de cette conversation… Pardon, c’est quoi le titre de cette conversation. Ah… Vous n’avez pas vu ? Si ! Mais, j’ai oublié. Je comprends. Alors le titre de cette conversation est : « Conversation hésitante sur la vertu d’être ensemble » Pourquoi hésitante ? Je ne sais pas, ce n’est pas moi qui ai donné ce titre à cette conversation. Oui je sais, mais… Je pensais que peut-être vous aviez des informations supplémentaires… Non, non… Je suis comme vous. Je découvre. Donc, en découvrant le titre de cette conversation j’ai
pensé à une histoire. Je peux vous la raconter ? B : Allez-y, je vous écoute. A : En fait, récemment nous avons acheté une maison… B : Qui ? Où ça ? A : Peu importe… on va dire au bord de la mer. B : Super. Elle était chère ? A : Une belle maison tout près de l’eau, avec un jardin. B : Pas mal… A : Et dans le jardin, on a trouvé un drôle de couple. B : Ah bon ? Des personnes âgées ? A : Mais non… B : Des migrants ? A : Non plus. C’était un couple d’arbres. B : Ça, c’est très curieux. A : Un ajonc et un lilas. B : Et pourquoi vous dites que c’est un couple ? A : Parce qu’ils étaient ensemble… côte à côte. Et même plus que côte à côte, ils étaient l’un sur l’autre. Je veux dire… au départ l’ajonc a commencé à pousser sur un talus. Il ne poussait pas vers le haut, comme le font normalement les arbres, mais en diagonale. B : Ça doit être à cause du vent. A : Peut-être, ou à cause d’une certaine attirance… B : Je ne comprends pas. A : Je veux dire qu’il a peut-être voulu rejoindre le lilas. B : Vous croyez ? A : Le lilas, lui, a poussé au pied d’un talus, sur lequel poussait l’ajonc. B : Ils poussaient côte à côte ? A : Oui, comme des enfants qui grandissent dans deux maisons voisines. A un moment l’ajonc a touché le lilas, il s’est appuyé sur lui et a continué de pousser en utilisant le lilas comme une béquille, comme si c’était sa jambe… B : Et le lilas ? A : Ben… du coup, le lilas a changé d’orientation et pour soutenir l’ajonc, au lieu de pousser à la verticale, il a continué à se développer horizontalement. B : C’est assez terrible, je trouve. A : Qu’est ce que vous trouvez terrible ? B : Ben… cette idée de la symbiose. A : Pourquoi ? B : Cette dépendance… le fait de ne pas pouvoir vivre l’un sans l’autre. De ne pas pouvoir se développer sans que quelqu’un nous soutienne. A : Je trouve que c’est plutôt beau. Cette espèce de relation essentielle. De tenir l’un à l’autre. B : Comment ça ? A : Oui, c’est plutôt beau. A+B— Avant de lire la partie du texte qui suit, essayez de vous concentrer sur la personne en face de vous. Cette espèce de relation essentielle. De tenir l’un à l’autre.Se soutenir. B : ou se caler A : se fortifier B : se supporter A : se consolider B : se porter
A B A B A B A B A B A B A B
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s’accoter s’assurer s’étreindre se réconforter se secourir s’appuyer se stimuler se défendre s’aider se conforter s’animer se protéger se consoler. Waouh, j’ai un peu chaud. Je vais boire de l’eau je crois.
B — Si vous voulez, vous pouvez vous servir de l’eau et aussi en proposer à votre voisin(e).
A — Laissez un peu du temps à votre voisin(e) au cas où il/elle veuille boire.
A : Et donc, nous n’avons pas pu le couper. B : Couper qui ? A : Le lilas. Parce que si on avait coupé le lilas, l’ajonc se serait cassé, il serait tombé. Et si on avait coupé l’ajonc, le lilas serait resté à l’horizontale, pratiquement sans protection, sans tête… comme s’il n’était qu’un long bras étendu, parallèle au sol. B : Arrêtez. Vous me faites peur. A : Pourquoi ? C’est juste la nature. Parfois, elle prend des formes surprenantes. B : Oui, c’est vrai. A : Et donc, ils vont rester là, ensemble, enlacés, sauvages, moches mais heureux, pour toujours. B : Ou du moins jusqu’au prochain propriétaire du jardin. A : Ou même au-delà. B : Vous savez… A : Oui ? B : Finalement, je trouve votre histoire assez chouette. A : Merci. B : Mais pourquoi vous me l’avez racontée ? Je veux dire, pourquoi à moi, dans cette tente ? A : Parce qu’il n’y a que vous dans cette tente. Ici, vous êtes la seule personne à qui je peux la raconter. B : C’est vrai. Mais dehors il y a pas mal de monde. A : Oui, je sais, mais c’est vous qui êtes venu(e) ici, vous vous êtes retrouvé(e) comme implanté(e), qui sait pourquoi et comment, juste à côté de moi. Et moi, je suis là aussi, grâce à un concours de circonstances… Et maintenant on est tous (toutes) les deux, côte à côte, ensemble… B : Oui, si on veut… Et on s’appuie l’un(e) sur l’autre pour lire ce texte. A : Oui, comme les deux pieds d’un même corps. Vous le pied gauche et moi le pied droit. B : Ou, moi la main gauche et vous la main droite. A : Ou, moi l’oreille droite et vous l’oreille gauche. B : Ou, moi l’œil gauche et vous l’œil droit. A : Ou, moi le rein droit et vous le rein gauche. B : Ou, moi la fesse gauche et vous la fesse droite. A : Hhm, peut-être on peut s’arrêter ici, non ? Sans entrer plus dans les détails…
B : Oui, d’accord… mais c’est dingue de se rendre compte de tout ceux… comment dire… de tout ces « couples » qui habitent notre corps et qui s’entraident. Tous ces organes peuvent exister seuls mais ils fonctionnent beaucoup moins bien, ils sont moins efficaces sans l’autre. A : Oui. C’est vrai. Vous savez que dans certaines langues, à part le singulier et le pluriel il existe aussi le « duel » ou « duo-iel » si vous préférez. B : Ah bon ? Je ne comprends pas tout à fait. A : Par exemple, en français, il y le singulier et le pluriel. B : Oui. A : Et ces deux formes représentent les deux manières principales de notre existence : on est soit seul soit avec les autres. Mais certaines langues distinguent la relation avec « les autres » et avec un seul « Autre ». Et donc, à côté de singulier et pluriel ils réfléchissent aussi en « duel ». C’est la représentation sémantique et grammaticale de la catégorie de « couple ». B : La symbiose qui est institutionnalisée dans la syntaxe. A : En quelques sorte. B : Du coup je pense à une question à laquelle je n’avais jamais pensée avant. A : Je vous écoute. B : Quelles sont les choses que nous ne pouvons pas faire ni seul(e) ni à plusieurs, mais uniquement à deux ? A : C’est une drôle de question ! Je n’y avais jamais pensé… A+B— Prenez un peu du temps pour y réfléchir. A : Hmm… La première chose qui me vient à l’esprit c’est évidemment… B : Lire cette conversation. Je veux dire, on ne peut lire cette conversation que si on est deux. A : En fait je pensais à autre chose, mais oui, c’est vrai, cette conversation doit être lue par deux personnes. B : Certains sports… A : Pardon ? B : Il y a aussi certains sports qui ne fonctionnent qu’à deux, comme le judo ou la boxe, par exemple. A : Il y a aussi certaines danses, comme le tango ou la salsa. Ça ne se fait qu’à deux aussi. B : Oui. Et il y a aussi le mariage. A : C’est vrai. B : Nous ne pouvons pas être marié(e)s avec plusieurs personnes en même temps. A : Si, dans les pays qui autorisent la polygamie. B : Oui, mais même là on se marie avec une seule personne à la fois. A : Oui, c’est vrai. Mais au début je pensais plutôt à la reproduction, qui est chez les mammifères possible que si on est deux. B : Eh oui, c’est drôle, la nature nous a façonné et conditionné à aller vers l’autre. A : Oui, c’est vrai. Nous sommes plus fort(e)s et plus intelligent(e)s à deux. B : Ah bon ? ça dépend peut-être des cas… non ? A : Peut-être. Mais logiquement, à deux, nous avons plus de ressources intellectuelles, psychique et physiques. Nous
B :
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B : A : B : A : B : A :
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B : A : B : A : B A B A B
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deux ensemble, nous connaissons plus de choses et nous avons vécu plus de situations édifiantes dans la vie que moi tout(e) seul(e) ou vous tout(e) seul(e). Oui, probablement. Alors c’est ça qu’on doit faire finalement en cas de crise. Trouver quelqu’un pour partager nos ressources. C’est une idée assez écologique, je trouve ! Moi, je parlais plutôt de la vie, pas spécialement de la crise. Dans une crise, peut-être c’est mieux de rester chacun pour soi. Je ne sais pas… Vous voyez par exemple dans l’avion… Je n’aime pas les avions. Dans l’avion, dans ce film éducatif habituel ou ils nous préparent pour une situation de crise ils disent toujours très clairement : mettez d’abord votre propre masque d’oxygène avant d’aider les autres… Oui, c’est vrai. Mais d’autre côté, vous voyez l’Arche de Noé ? Oui. On peut dire que ça aussi c’était un peu une situation de crise, n’est pas ? Je ne connais pas très bien l’histoire de l’Arche de Noé, mais il me semble que c’était effectivement une situation de survie. Là, dans cette barque, tout le monde était à deux. Que des couples. Il n’y avait pas de célibataires. Ce que je trouve dingue dans cette histoire c’est qu’il n’y avait pas de plantes. Que des animaux et des humains. Et alors je me suis toujours demandé : comment ont-ils pu survire sans plantes. Qu’est-ce qu’ils ont mangé pour survivre ? Et on sait qu’ils ne se sont pas mangé les uns les autres parce que sinon ils n’auraient pas pu assurer la survie des espèces représentées sur l’Arche. Oui, effectivement, il n’y pas de vie sans plantes. Vous savez… Oui ? Depuis un moment je voulais vous montrer quelque chose, mais j’hésite un peu. Pourquoi vous hésitez. J’ai peur de vous faire découvrir quelque chose assez hors du commun, de vous faire peur. N’ayez pas peur, je suis assez solide sous mes apparences fragiles. D’accord. Si vous le dites. Mais pour ça il va falloir quitter la tente. Ah… Je ne peux pas vous montrer ce que je veux ici. Ok, je comprends. Alors vous me suivez. D’accord, je vous suis.
A+B— Le script s’arrête ici. Posez votre copie sur votre matelas. Sortez de la tente et continuez, si ça vous tente, la conversation avec votre voisin(e) dehors.
FIN
Produit par I’M Company/Gerco de Vroeg, François Maurisse Remerciements : Laurence Varga, Vincent Weber www.ivanamuller.com Design : Maëlle Brientini, Alexia Guyon Édition : Matthieu Bonicel, Maëlle Brientini, Alexia Guyon ISBN : Papiers : Tyopgraphie(s) : Imprimé au 9 rue du Plâtre, 75004 Paris, Blablablablabla blablabla blabla bla blablabla blablabla blabla bla blablabla blablabla blabla bla blablabla blablabla blabla bla blablabla blablabla blabla bla blablabla blablabla blabla bla blablabla
Les conversations de cette publication font partie intégrante de la performance Hors-Champ écrites par Ivana Müller en collaboration avec Julien Lacroix et Anne Lenglet.
Conversations Hors-Champ Ivana Müller Prenant place dans « une colonie » constituée d’une dizaine de tentes Hors-Champ (2018) est une installation/performance jouée par les spectateurs. Ce sont les mêmes tentes que nous avons l’habitude de voir dans les campings ou autour des lacs et des plages à la belle saison mais également dans les grandes villes, sous les ponts, le long des canaux ou dans d’autres espaces urbains ‘lisière’, protégées des regards. Dans chacune de ces tentes, il y a une conversation scriptée. Un spectateur/participant entre dans une tente avec un autre spectateur/participant, de préférence quelqu’un qu’il ou elle ne connaît pas. Ils commencent tout « simplement » à lire cette conversation, loin des regards, dans l’intimité de la tente. Même s’ils ont un script à suivre et qu’il n’y a rien à improviser, ce sont les deux lecteurs qui vont vraiment « écrire » ce qu’il va se passer dans le laps de temps passé ensemble. Chaque tente propose une nouvelle conversation, une nouvelle rencontre en questionnant notre relation à la nature et à l’autre, l’idée de la survie, de loisir, de la culture. Hors-Champ a été développé dans le cadre de la résidence de l’IM à la ménagerie de verre (Paris) et présenté pour la première fois comme projet pilote à l’occasion de la soirée carte blanche Conversations partagées lors d’une longue nuit de printemps, en mai 2017. L’œuvre a été officiellement créée en février 2018 au Festival 360 degrés, scène nationale La Passerelle, Saint-Brieuc (F) et jouée depuis lors dans différents lieux et festivals.
A+B— Bonjour, mettez vous à l’aise. Placez vous bien face à la personne en face de vous. Ajustez votre lumière si nécessaire, pour que vous puissiez bien lire votre texte. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Vous pouvez vous servir, si besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît lisez toutes les répliques associées à la personne A ou B à voix haute. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un texte écrit, vous deux êtes les seul(e) s à créer ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez si la personne en face est prête. Si c’est le cas, commencez la lecture.
Conversation inattendue sur les cultures A B A B A
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Bonjour Bonjour Ça ne vous dérange pas si je suis un peu direct(e)? Euh… je ne sais pas, essayez. OK, alors une question très directe : quelle est votre culture ? B : Wow… Effectivement. A : C’est parce qu’on n’a pas beaucoup de temps… B : Euh… D’accord. Hmm… je vais réfléchir. B — Prenez quelques instants pour réfléchir à cette question.
A — Pendant que B réfléchit vous pouvez aussi réfléchir à cette question en le regardant directement dans les yeux.
B : Quand je pense à la culture, je pense plutôt à l’idée de cultiver, ou d’être cultivé(e). Et du coup ça me fait penser à la question de l’agriculture. Je pense notamment à la culture des champignons, la culture du blé, la culture des cactus par exemple… Et je pense aussi aux processus de travail de la terre pour faire pousser certains types de plantes et contrôler les écosystèmes, modifier les cycles naturels… Tout ça…
A : Étonnant. Vous venez de la campagne ? B : Non, pas du tout. Je suis plutôt citadin(e)… Mais j’ai fait des études scientifiques. A : Ah c’est pour ça… Parce que moi, quand je pense à la culture, je pense plutôt à toutes les sortes d’activités produites dans les lieux culturels. Tout ce qui est soutenu pas le ministère de la culture, quoi… B : C’est drôle… Vous pensez que là, en ce moment, dans cette tente, nous sommes tous/toutes les deux soutenu(e) s par le ministère de la culture ? Avec ces matelas et cette bouteille d’eau ? Vous pensez que la présence de cette tente ici aujourd’hui est rendue possible grâce à l’argent du contribuable ? A : Je ne sais pas… sans doute, non ? Vous savez j’ai la même tente chez moi, je sais qu’elle coûte dans les 30 euros… Et d’ailleurs quand il pleut, je peux vous dire qu’elle ne sert pas à grand-chose… Donc oui, je crois que, finalement, c’est une tente plutôt « culturelle ». B : Vous voulez dire que cette tente sert pour la représentation plutôt que pour nous protéger de la pluie et du mauvais temps ? A : Clairement, et je ne suis vraiment pas sûr(e) que cette tente tiendrait en cas de forte pluie. B : Oui je vois. Et votre tente, celle qui est à la maison, vous l’utilisez souvent ? A : Ah non, elle ne m’a servi qu’une seule fois, pour un mariage. Quelle nuit d’ailleurs ! Vous savez, il y a beaucoup de gens avec exactement la même tente, je veux dire, avec le même modèle que celui- ci. Et ce qui était terrible lors de ce mariage, c’est que tous les invités dormaient dans un champ, avec plein de tentes disposées un peu partout, un peu comme ici. Et le soir tout le monde avait pas mal bu et à un moment de la soirée je n’arrivais plus à tenir debout et donc j’ai décidé d’aller me coucher. J’ai essayé de trouver ma tente, mais je ne savais plus laquelle c’était, je n’arrivais plus à la reconnaître tellement elles se ressemblent toutes dans l’obscurité… B : Et puis ? A : Attendez je vais boire un peu d’eau. A+B— Si vous voulez, vous pouvez vous servir un peu d’eau et la boire… Mais vous n’êtes pas obligé(e). A B A B A
: Où j’en étais…? : Vous cherchiez votre tente. : Ah oui, oui… Impossible de la trouver, cette tente. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’il a commencé à pleuvoir énormément et du coup il fallait bien que je me mette dans une tente ou dans une autre pour ne pas me retrouver complètement trempé(e)… Alors j’en ai choisi une, intuitivement… et coup de chance, c’était la bonne, je veux dire, c’était la mienne ! Sauf que… il y avait déjà quelqu’un dedans ! : Non, ce n’est pas possible. : Mais si ! Vous imaginez mon dilemme à ce moment là ? En gros, j’avais trois options : soit réveiller cette personne et lui demander de partir, soit chercher une autre tente libre sans être sûr(e) d’en trouver une, soit
B : A :
B : A : B : B : A : B :
rester où j’étais, et dormir avec une personne que je connaissais pas. Moi je sais ce que j’aurais choisi, mais vous, vous avez fait quoi ? Beuh… finalement je suis resté(e) dans ma tente, j’étais vraiment trop fatigué(e). Et le lendemain matin je me suis réveillé(e), mais tout(e) seul(e)! L’autre personne était déjà partie. Et aussi j’étais bien mouillé(e), manque de bol, la tente n’était pas vraiment étanche ! Et figurez-vous que jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais su qui était cette personne avec laquelle j’ai dormi, sous la pluie, dans cette tente non étanche. Quelle histoire… quelle longue histoire, même… Vous n'avez pas dit au début qu’il fallait aller vite parce qu’on avait pas beaucoup de temps ? Oui, c’est vrai, pardon. En plus j’imagine que nous avons encore plein de choses à se dire. Et si on revenait à cette question de la culture ?A : Oui, d’accord… mais pour moi, on a parlé de la culture tout le temps. Non ? Plus ou moins… mais plus concrètement : ce que je trouve intéressant c’est l’idée de « partage des cultures ». Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Par exemple, vous et moi, nous sommes très différent(e)s…
A+B— Regardez votre voisin(e). Mais quelque part, nous sommes similaires aussi. Je veux dire que certaines de nos cultures sont différentes et certaines autres sont les mêmes. A : Oui c’est sûr. Mais où voulez vous en venir ? B : Et bien que ce n’est pas possible de se définir par une seule culture, et votre question au tout début « quelle est votre culture » me semble un peu à côté de la plaque. A : Oui, je sais... Je faisais cela un peu exprès, comme une espèce de provocation. Pour qu’on entre en conversation plus rapidement. Et quelque part ça a marché, n’est-ce pas ! B : Oui… A : Sauf que maintenant je sens qu’on n’est pas à égalité. Avec mon histoire de tente vous en savez plus sur moi que je n’en sais sur vous. B : C’est finalement ce qui vous arrive toujours, non ? Vous ne savez jamais vraiment avec qui vous vous trouvez sous une tente ? A : Haha, très drôle… B : Mais plus sérieusement, j’ai pensé à ce terme de « multiculturel ». A : Ah bon, pourquoi ? B : Parce qu'on l’entend beaucoup et dans des contextes très variés. Je le trouve très troublant, ce terme. A : Comment ça ? B : Hmm… L’idée du « multiculturel » présuppose que les cultures ne peuvent pas vraiment se mélanger mais qu’elles cohabitent, qu’elles restent simplement les unes à côté des autres. A : Oui, en quelque sorte. B : Avec le terme « multiculturalisme », on souligne justement le fait qu’on est différent(e), chacun(e) avec notre culture propre, définie souvent de manière caricaturale, c’est à dire par une monoculture, alors qu’on sait bien qu’on est tous déjà au croisement de très
nombreuses sortes ou formes de cultures. Si par exemple j’entends comme souvent : « c’est formidable, c’est un quartier multiculturel », et bien moi, je trouve cela très réducteur.$ Car le paradoxe est qu’en voulant nous réunir grâce à ce terme très vague, on nous stigmatise et on nous divise à jamais. C’est pourquoi cela me pose souvent problème. A : Oui, je comprends. B : J’ai l’impression que c’est toujours bourré de bonnes intentions. Mais que cela produit l’effet inverse. Alors que si j’en reviens aux plantes ou à l’agriculture, le mot culture définit moins ce qui nous différencie que ce qui nous rassemble. Regardez, la permaculture par exemple… A : Vous voulez dire les communautés sont plutôt les écosystèmes et non pas les collections des diverses espèces qui vivent les unes à côtés des autres ? B : Oui, tout à fait. A : Ah, on sent que vous avez un peu réfléchi à tout ça. B : Désolé(e) je suis moins drôle que vous, je ne retiens jamais aucune anecdote marrante. On me le reproche souvent. A : Non, pas du tout. Je trouve cela très intéressant B : Par exemple je n’ai jamais dormi dans une tente. Mais ce n’est pas si important, j’imagine ? A : Et bien vous vous en sortez très bien pour une première fois ! Cela peut rendre les gens très nerveux, une tente. Mais vous, non. On sent que vous vous habituez doucement. B : Et si on utilisait cette occasion pour tout simplement partager un peu nos cultures respectives ? A : Je ne suis pas sûr(e) de vous suivre… On le fait déjà en parlant, non ? B : Oui, c’est vrai mais on pourrait le faire de manière plus conséquente. A : J’ai une idée qui me vient là mais je ne sais pas si j’ose vous la dire. B : Vous pouvez, vous pouvez. On se connaît un peu maintenant. A : Bon allez je me lance. Quand vous avez dit « partager les cultures » je ne pouvais pas m’empêcher, et ça n’a vraiment rien à voir avec vous, de penser aux chlamydias. B : Ah bon ? Des chlamydias, une MST ? C’est charmant… A : Oui c’est étrange, je sais, mais c’est étonnant de penser qu’en échangeant des micro-organismes, on s’influence directement. Même physiquement… par exemple avec les colonies de bactéries qu’on peut s’échanger avec la salive ou autrement. B : Tiens, ça me fait penser à cette histoire de ventre. A : Quelle histoire ? B : Il paraît que chaque humain adulte a dans son corps à peu près 2 kilos de micro-organismes, majoritairement situés dans ses intestins. A : Vraiment ? 2 kilos ? Vous êtes certain(e)? C’est énorme ! B : Oui, il paraît. J’ai lu ça dans une revue scientifique. Et apparemment, ces micro-organismes règlent non seulement notre manière de digérer mais aussi déterminent comment on se comporte, notre caractère, qui nous sommes.Et tout ça veut dire qu’on est tous, en fait, des espèces d’écosystèmes avec une flore et une faune qui se développent à l’intérieur de nous… Nous sommes des espèces de colonies, colonisées par nos propres bactéries, et ce sont elles qui décident. A : Du coup ce sont peut être des micro-organismes dans mon
ventre qui ont décidé pour moi de choisir de rester dans cette tente lors de ce mariage, pendant cette longue nuit pluvieuse de printemps, à côté de cette personne que je n’avais jamais vue avant, ni revue après. B : Oui, on pourrait imaginer ça… Et c’est étonnant comme idée, parce que ça nous déresponsabilise de pas mal de choses. A : Genre, c’est pas ma faute, ce sont mes bactéries qui ont fait ça… ces fameuses bactéries que je ne contrôle pas entièrement. B : Exactement. A : C’est drôle, jusqu’à maintenant je n’ai jamais eu de relation particulière avec les bactéries, sauf peut-être celles que je mange dans les fromages. Mais là, en pensant que 2 kilos de moi-même appartiennent à cette minorité vivante qui se trouve dans mon corps, je me sens un peu plus attaché(e) à elles. Je me sens comme une espèce de forêt dans laquelle elles évoluent. B : ça doit être intéressant de se sentir forêt. A : Oui, plutôt… mais bon, c’est juste une métaphore. B : Je commence à visualiser les feuilles qui sortent de vos narines et vos oreilles. A : Pardon ? B : Désolé(e), c’est peut-être un peu trop familier… En tout cas, c’était vraiment intéressant de vous rencontrer. A : Oui, pareil. B : À une autre fois, peut-être ? A : Oui, à bientôt. B : Au revoir. A : Au revoir. A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie dedans.
FIN
A+B— Hello. Make yourself at home. Leave enough space for the person opposite you. Adjust your lights to see your text well. There is a bottle of water and some cookies in the tent. You can help yourself whenever you feel like it.
You are holding a copy A or B of the “Conversation implantée”. Please read all the lines of the person “A” or “B” out loud. The stage directions are written in blue. Please read them in silence and not out loud. Check if the person opposite you is ready. If this is the case, start reading. Enjoy!
Conversation implantée A B A B A B A B A B A B A B
: : : : :
A B A B A B
: : : : : :
: : : : : : : : :
A : B : A :
Hello. Hello. First time here? Yes. Don’t worry; everything is going to be fine. You just have to concentrate and not take it personally. OK. Biscuits? No, thank you. Water? No thanks. Maybe later. Sure. Can I ask you a question? Of course. Do you know why we are having this conversation in English? I have no idea... But there is surely a reason for it. Yes, I imagine... otherwise they wouldn’t do it. They wouldn’t do what? Write this conversation in English. Probably. It is funny to imagine that among all these tents, ours is probably the only English spoken one. Are you sure about that? No, just guessing... but I went to some other tents before and conversations in them were all in French. It’s not so bad, being different...
B A B A B A B A B A B A B A B
A
: That really depends on the situation. : Yes, for sure... But this is possibly a good situation. : What do you mean? : We are quite protected here, as the “different ones”. : You mean, because we are in a tent? : No... more because we are let alone in our “difference”. : I don’t quite understand... : For example, in case your English is not that great, it will not be the end of the world because only you and I will ever know it. : Yes, that’s true. Thanks for keeping it between the two of us. : You’re welcome. : You know what is weird? : What? : Whichever way I take it I am always a foreigner here, someone who comes from a different system. : What do you mean? : Well, in case my English is very good, I would feel like a foreigner among all the French-speaking tents. And in case my English is not very good, I would feel like a foreigner among all the well‑spoken‑English‑speakers. : Hmmm. Interesting.
A+B— Take a biscuit if you want, or take a couple of deep breaths. A : The interesting part of being a foreigner is that you don’t have exactly the same responsibility as the “locals”. You are a bit of an outsider, a bit on the margin... Nobody expects much from you. They leave you alone. B : You think so? I feel completely the opposite. I feel that as a foreigner you have to do better than the locals in order to “deserve” your place in the community... that you are constantly being watched. A : You think we are being watched here? B : No, not really. Although, these lights look quite curious. It could be some kind of a spy-tool with inbuilt micro cameras. A : To me they look like some kind of aliens with antennas, some kind of robotic insects made in Japan, or more probably in China. B : I know for sure that these lamps are made in Germany. A : That is unusual... How do you know it? B : I have exactly the same at home. A : Are you camping a lot? B : No, but I often ride on night trains and I like to read. A : Trains at night? How 19th century of you! B : It is mostly for ecological reasons. A : Ahhh. You think that trains are ecological? B : More than cars or planes. A : Not if they ride on nuclear power. B : Well, yes, that is a long story... A+B— Little break, for water, gazes, hidden smiles. A : You know what...
B : What? A : If we go back to this idea of being “implanted” here, as
the only English-speaking tent... B : Yes... A : I have to think that normally the “implants” are used to make the receiving body a better place, to make it look better, or to make it function better, or to make it feel better. B : Yes, this depends on what kind of implants we are talking about... A : Sure. But following this logic, we might be “implanted” here to make this place better in some way. A : You mean to give more style to the event. B : I don’t know. It’s true that this tent has a very specific design, very different than any other tent here. A : Yes, I’ve noticed it... B : Maybe this is some sort of an “international” tent? With cookies and all... Like a Eurotent, where we speak this Euro-English. A : Funny, we all speak English amongst each other in Europe, but soon maybe there will be no English speaking country in the EU anymore. B : English is then like Esperanto. A : Or like Latin, many years ago. B : Maybe the point of this tent is simply to practice English while speaking to each other. A bit like a private conversation class. A : Yes, but with somewhat unusual subjects. B : Totally.... You know what else is funny? A : No? Tell me. B : In here, we are a minority. Our English-speaking tent is the most marginal one, even space-wise... I think that even the tent itself is the oldest one among all the other tents. But in the “great big world out there”, there are so many people that speak English... Much more than those who speak French. A : Yes, but we are not in the “great big world out there”. We are here in _________. B : Sure. A : Do you know that around 60 percent of all Internet content is written in English and only 26 percent of Internet users speak English? B : No I didn’t know it. A : Me neither, I just learned it from Wikipedia. B : By the way, I have the impression that this text wasn’t written by a native English speaker. A : I wouldn’t know this... I am not an expert. B : It sounds a bit wrong to me. A : I was just wondering... B : Yes? A : You know, when something or somebody is implanted, this something or somebody influences his, hers, or its surroundings and at the same time this something gets influenced by his, hers or its surroundings as well. B : Wow, this sounded like a tongue twister. Can you please say it again? A : When something or somebody is implanted, this something or somebody influences his, hers, or its surroundings and at the same time this something gets influenced by his, hers or its surroundings as well. B : Great. I just remembered another real tongue twister. A : Oh no! B : Yes, it goes like this: I wish to wish the wish you wish to wish, but if you wish the wish the witch wishes, I
will not wish the wish you wish to wish. A : Amazing! B : You want to try? A : No thank you. I could teach you many of these in my native language, but since this is an English-spoken tent I feel I am out of line. B : Hey, it is getting a bit warm in here, shall we go? A : Yes, sure... But before we go, I want to suggest something. B : Yes? A : We could maybe influence those outside and speak English for the rest of the evening?B : You mean, once we are outside of the tent we keep on speaking English to each other and to the others we meet as long as we are here. A : Yes, something like that. B : OK, it sounds like fun, let’s do it. And we do it for real! Yes? A : OK. It’s a deal! We start now... A+B— The script ends here. Please leave your copy where you found it and leave the tent.
END
A+B— Bonjour, installez-vous confortablement. Assurez-vous d’avoir assez de lumière pour lire votre texte et d’être dans une position confortable par rapport à la personne en face de vous. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Servez-vous, si vous en avez besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît veuillez lire toutes les répliques associées à la personne A ou B. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence, et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des 10 prochaines minutes, et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez que la personne en face de vous est prête. Si c’est le cas, commencez la lecture à voix haute. Amusez-vous bien !
Conversation en voie de disparition A B A B A B A B A B
: : : : : : : : : :
A : B : A :
B : A :
Bonjour Bonjour C’est un peu particulier cette situation, n’est-ce pas ? Oui un peu, c’est vrai. Vous avez déjà fait du camping ? Oui, ça m’est déjà arrivé. Jeune ? Oui jeune mais pas que… même récemment ! Et vous aimez ? Ça dépend… il y a des moments agréables mais je dois dire que ça m’a quand même valu une séparation. Ah, d’accord. Désolé(e). Vous venez souvent ici ? Oui, très souvent, depuis au moins 10 ans. J’aime beaucoup l’énergie de cet endroit : les paysages, le vert, les populations très différentes qui se croisent ici. Ah c’est intéressant… Et aussi comment se comportent les gens les uns avec les autres, comment ils se parlent.
B : Qu’est-ce que vous voulez dire précisément ? A : Je trouve une certaine sensation d’intimité ici. B : Ah… Vous vous êtes déjà rendu(e) compte que les mots « intimité » et « intimidé » sont assez proches ? A : Bien sûr. Je crois que l’étymologie du mot « intimer » vient de « commander », « signifier avec autorité » ou « sommer ». B : Ça ne m’étonne pas. Mais d’une manière générale, je pense qu’aujourd’hui on parle beaucoup moins de cette question de l’intimité et beaucoup plus des rapports dans la société, de la communauté… De toutes façons, tous nos rapports à l’intime ont été modifiés avec l’arrivée des réseaux sociaux. A : Vous voulez dire ce qu’on partage publiquement, même ce qui est de l’ordre du privé ? B : Oui. A : Mais vous pensez que les réseaux sociaux nous ont rendu moins inhibés ? B : Ah non, je pense qu’ils nous ont surtout rendu plus paranos ! A : Il y a quelques livres qui sont pas mal sur le sujet de l’intimité, si cela vous intéresse, notamment : François Julien : De L’intime Hanif Kureishi : Intimité Willy Pasini : Eloge de l’intimité Alain Cugno : L’intime Ann Laura Stoler : La chair de l’empire. Savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial Et peut-être aussi : Cédric Pollet : Voyage dans l’intimité des arbres du monde B : Vous êtes étonnant(e). A : Merci. B : Je le pense vraiment. A : Je peux vous poser une question ? B : Oui. A : Qu’est ce qui vous comble dans la vie ? B — Pensez à ce qui vous comble dans la vie et dites le. Si vous n’arrivez pas vous pouvez choisir entre : « L’amour », « Les enfants », « L’art », « Le succès social » et « La nature »… B :
.
A — Attendez que B réponde avant de continuer. A : Et vos peurs ? B : Pardon ? A : Vous avez peur de quoi ? Je veux dire, par exemple, un jour comme celui-ci, sous cette tente, dans cette situation un peu inhabituelle, vous avez peur de quoi ? A : Laissez le temps à votre voisin(e) à réfléchir. B : Penchez vous sur cette question quelques instants avant de compléter la phrase suivante : . B : J’ai peur de Et aussi, j’ai peur d’être oublié(e).
A : Oublié(e) ? Par qui ? B : Par le monde… Par tout le monde. Et qu’on reste alors, vous et moi, confortablement dans cette espèce de bulle en lisant cette conversation encore et encore, en échangeant des regards, en profitant de la chaleur et des matelas, en évoquant des références historiques, artistiques et philosophiques, en buvant de l’eau de cette bouteille… ou pas. A : Mais ce n’est pas si mal comme idée je trouve, non ? Moi, ça ne me dérangerait pas d’être un peu oublié(e) avec vous. B : Mais après un certain temps on ne pourrait plus survivre. A : Comment ça ? B : Je veux dire… sans manger, sans aller aux toilettes et ce genre de choses, ce serait très difficile de survivre. A : Oui… c’est sûr. Même si on pourrait sans doute trouver une solution. B : Oui, peut-être… mais ce qui serait bien pire selon moi : sans interaction avec les autres, nos idées deviendraient stériles, et probablement dangereuses pour nous-mêmes… Nous étoufferions sous cette tente, bêtes et épuisé(e)s. A : Mais, vous savez, on peut se nourrir longtemps, simplement par son imaginaire. B : Ah oui, c’est vrai. Cela donne de l’espoir... Mais je trouve effrayante, quand même, cette idée de devenir invisible pour la plupart des gens… pour tout le monde, sauf peut-être pour vous. Que je disparaisse. A : Ça vous est déjà arrivé de disparaître en quelque sorte ? B : Non, pas vraiment. A : Ce n’est pas si mal que ça, vous savez ? ça a même des avantages. B : Quels avantages ? A : Fini les responsabilités, fini les dettes, fini les impacts durs de la vie, fini la lutte… D’ailleurs la disparition est souvent beaucoup plus compliquée pour ceux qui restent que pour ceux qui disparaissent. A — Prenez quelques instants pour réfléchir à ce que vous venez de dire.
B — Prenez quelques instants pour réfléchir à ce que vous venez d’entendre.
B : Ok. Je vais vous proposer quelque chose. A : D’accord. B : Je vais vous demander de me regarder, de regarder mon visage, pendant au moins 20 secondes. Et en me regardant vous allez conserver en mémoire tous les détails de mon visage et aussi son expression… comme si vous deviez vous souvenir de mon visage pendant très longtemps. Vous êtes prêt(e) ? A : Je crois. Oui. B : Je vais compter jusqu’à 20 en silence pendant que vous regardez, ok ? A : Ok. B : Go. A — Regardez votre voisin avec attention pendant 20 secondes.
B : Merci.
B — Vous comptez en silence jusqu’à 20 en offrant votre visage au regard de la personne en face de vous. Une fois le compte terminé, continuez la lecture.
A : Avec plaisir. B : Et maintenant, je voudrais vous demander de vous allonger sur le dos. A : Vous est sûr(e)? C’est bien parce que c’est vous. B : Et aussi de fermer les yeux. A : OK. A — Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas de texte à lire, donc vous pouvez tranquillement fermer les yeux B : Ok, maintenant que vous avez les yeux fermés essayez de vous souvenir : de mes yeux, de mes sourcils, de mon front, du grain de ma peau. Prenez votre temps, gardez les yeux bien fermés. B — Commencez légèrement et sans faire de bruit à vous lever.
Et puis de mes lèvres, La forme de mon visage, Mes oreilles, mes cheveux…
B — Mettez-vous dans une position qui vous permet de sortir facilement de la tente. Et une fois que vous avez bien tout revisité, prenez une petite distance, voyez l’image de mon visage une dernière fois, puis commencez à effacer, comme avec une gomme, bout par bout, l’une après l’autre chaque partie de mon visage, sans laisser d’ombre, en l’effaçant de votre mémoire. Et alors à partir de ce moment, vous ne vous rappelez plus de moi. Vous décidez que vous ne m’avez jamais vu de votre vie, même si vous rencontrez un jour quelqu’un qui pourrait vous faire penser à moi. Merci. Gardez les yeux fermés. Comptez jusqu’à 20 en silence, et une fois arrivé(e) à 20, ouvrez les yeux. B — Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie du script à l’intérieur.
FIN
B — Bonjour, installezvous onfortablement. Ajustez bien votre lumière pour lire votre texte en tout confort. Vous êtes la personne B. La personne A, qui va s’installer en face de vous, n’est pas encore dans la tente mais elle ne va pas tarder à vous rejoindre. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Si vous en avez besoin, servez-vous à n’importe quel moment de la conversation. Il y a aussi quelques pommes. Elles sont bio. Elles sont lavées.
Conversation entre le domestique et l’exotique B – Prenez la copie du script A et mettez la à côté de vous. Vous attendez que la personne A entre. Une fois qu’elle arrive, vous lui dites :
B : Bonjour. Vous étiez attendu(e). Mettez vous à l’aise.
B — Attendez que le(la) nouvel(le) arrivant(e) soit bien installé(e). B : Votre texte est là. B
— Donnez lui son texte.
B : Prenez le, s’il vous plaît. Vous devez lire l’introduction avant qu’on commence notre conversation. Vous y trouverez des instructions importantes. Je vous laisse quelques instants. B — Vous attendez que le(la) nouvel(le) arrivant(e) lise l’introduction.
B A B A B A B A
: : : : : : : :
B : A : B : A : B : A : B : A : B :
A : B :
A — Bonjour, et bienvenue à la Conversation entre le domestique et l’exotique. Vous êtes la personne A, et donc on vous demande de lire le texte de la personne A à voix haute. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Servez-vous, si vous en avez besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
C’est bon, vous avez fini ? Bien ! Bonjour Re - bonjour. Vous êtes ici depuis longtemps ? Oui, plusieurs générations. Et vous ? Moi, je viens de loin. Ah bon ? Oui. En fait je viens juste de m’installer, comme vous le savez… mais je commence à bien m’acclimater ici, je crois. C’est agréable ici, n’est ce pas ? Il fait bon. C’est assez joli. Oui, c’est plutôt pas mal. Il n’y a pas de place pour beaucoup de monde, c’est vrai mais on trouvera toujours un moyen de s’arranger. Oui, j’imagine que si on veut on peut toujours trouver une solution. Je me trompe peut-être mais vous avez un léger accent ? Vous trouvez ? Je ne sais pas… C’est peut-être parce que vous m’avez dit que vous veniez de loin… mais j’ai tout de suite entendu une petite musique. C’est drôle d’imaginer que vous me perceviez comme quelqu’un d’exotique. Ah non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je trouve que c’est normal quand on est avec quelqu’un qu’on ne connaît pas très bien ou avec quelqu’un qu’on voit pour la première fois, de projeter toutes sortes d’idées. Mais ça peut être dangereux… ou au moins désagréable. Je sais. Enfin, j’imagine.
B — Faite une pause, pour une courte réfection à ce sujet. A : Ah… B : Vous aimez les plantes ? Regardez celle-ci par exemple.
B — Montrez à votre voisin(e), la plante qui se trouve dans la tente. A : Oui, en général. Mais je les préfère à l’extérieur, quand elles sont dans la terre. Et celle-là n’a pas beaucoup de lumière, la pauvre. B : Ne vous inquiétez pas, elle est résistante. A : J’espère… parce que il me semble que ses conditions de vie ne sont pas exceptionnelles. B : Les conditions de vie, c’est souvent une question d’habitude… Parfois nos problèmes nous poussent à évoluer. A : Mais, les bonnes conditions de vie aussi, non ? B : Évidemment. Et puisqu’on parle des plantes, vous savez que l’arrivée des plantes exotiques en Europe coïncide avec la colonisation ? A : Je ne savais pas mais ça me semble assez logique. B : Par exemple au XIX e siècle, une certaine bourgeoisie avec suffisamment d’argent, et avec suffisamment d’espace dans sa maison, rêvait de reproduire des ambiances des paradis lointains dont elle avait entendu parler ou dont elle connaissait des images. Avec cette idée en tête, elle achetait des plantes exotiques et les faisait pousser dans son lieu de vie. A : Oui. J’imagine bien… B : Et comme les appartements étaient chauffés en hiver et bien tempérés en été, c’était presque parfait pour les plantes. Elles vivaient dans un climat, on va dire contrôlé, chaud et stable… une espèce de climat tropical d’intérieur. Les plantes décoraient les intérieurs et servaient comme support pour l’imaginaire. A : Vous savez, je connais un hôtel à Rotterdam, très original, dans lequel les chambres sont toutes décorées d’après une région du monde bien particulière : au deuxième étage c’est le Moyen-Orient, au troisième c’est l’Afrique et au quatrième c’est l’Amérique du Sud. B : Et au premier étage ? A : C’est le restaurant, je crois… Une fois j’ai dormi dans une chambre à l’étage Afrique, et le lendemain matin j’ai discuté avec la femme de ménage qui était aussi étudiante en art. Elle n’était pas néerlandaise. Je lui ai demandé si le propriétaire de l’hôtel avait beaucoup voyagé et elle m’a dit que non, pas particulièrement. Il s’était en fait beaucoup inspiré de magazines de design d’intérieur et il avait trouvé quasi tout le mobilier aux puces et sur Ebay. Il a réalisé son rêve d’enfant, de pouvoir créer un lieu fantasque qui fait voyager les gens tout en dormant. B : C’est un petit peu comme mon histoire de plantes exotiques à travers lesquelles les gens voulaient construire des endroits fantasmés. A : Oui, sauf que les plantes ne sont pas des bibelots. Ce sont des êtres vivants, elles appartiennent à un paysage, à un écosystème spécifique. B : C’est fou comme les plantes voyagent aujourd’hui. Très souvent en France on achète des plantes qui viennent de serres de Bulgarie ou des Pays-Bas. A : C’est comme les gens, non ? Ils voyagent aussi beaucoup, dans toutes sortes de contextes.
A+B— Prenez une petite pause. Essayez d’échanger les regards avec votre voisin(e). A : Avant d’entrer dans cette tente, j’avais une idée toute autre de comment ça allait se passer. Je me faisais plein de films. B : Par exemple ? A : Par exemple, je me disais que la chose la plus importante finalement, c’était d’entrer… et qu’une fois dedans, tout serait simple, tout irait de soi. Et surtout que là dedans ce serait mieux que dehors. B : Et vous êtes déçu(e) ? A : Non mais je suis surpris(e). Et je n’arrive pas complètement à me débarrasser de ce que j’avais dans la tête même si je passe un très bon moment avec vous. B : Ah, vous me rassurez. J’aurais trop l’impression de vous avoir mal accueilli(e). A : Non, ce n’est pas du tout ça. Je dois juste me dire que les choses sont comme elles sont, que on peut apprendre dans chaque nouvelle situation. C’est tout. B : Vous savez, ce n’est pas si mal ici une fois qu’on est bien installé(e). On est assez tranquille, il y a de la lumière, de l’eau… Notre tente est même unique parce que c’est la seule tente où il y a des pommes. Elles sont cultivées pas très loin d’ici, elles sont bio et en plus elles sont lavées. D’ailleurs vous devriez en goûter une. C’est très bon pour la santé. B — Proposez une pomme à votre voisin(e). A : Mais comment vous savez ça ? Comment vous savez qu’elles sont bio ? B : J’étais ici avant vous. Je sais beaucoup de choses. A : Alors il vaut mieux vous faire confiance. B : Oui, je pense, il vaut mieux. A : Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? B : On profite ! Autant qu’on peut ! Je vous propose même de vous mettre à ma place. C’est légèrement mieux de ce côté-là, les coussins sont mieux adaptés, vous allez voir. A : Vous êtes sûr(e) ? B : Oui, absolument. Venez ! B — Montrez la place à côté de vous avec un geste de main. A : Merci. C’est très généreux de votre part. B : C’est avec plaisir. B — Levez-vous et laissez votre place à votre voisin(e)
A — Mettez vous à la place de la personne en face de vous.
B : Je vais maintenant faire un petit tour dehors, prendre l’air. A : D’accord. B : Je ne sais pas quand je reviendrai. Donc, je vous dis à bientôt et gardez bien notre tente. A : D’accord. Je vais faire de mon mieux. B : Tenez, je vous laisse ça. Faites en bon usage.
B — Passez votre script à la personne en face de vous, qui était jusqu’à maintenant la personne A. A : Merci. B — Quittez la tente s’il vous plaît.
A — Prenez le script que vous donne la personne en face de vous. Restez dans la tente. La personne qui vient de sortir était la personne B et vous étiez la personne A. Maintenant vous êtes à sa place et vous devenez la personne B. Vous allez lire le texte à voix haute avec une nouvelle personne qui va entrer dans cette tente une fois que l’ancienne personne B est partie. Posez le script A que vous lisiez jusqu’à maintenant sur le matelas de la personne A. Prenez le script B, celui que la personne qui vient de sortir vous a donné et commencez à lire les instructions.
FIN
A+B— Bonjour, installez-vous confortablement. Assurez vous d’avoir assez de lumière pour lire votre texte. Dans la tente il y a une bouteille d’eau avec des gobelets. Servez-vous, si vous en avez besoin, à n’importe quel moment de la conversation.
Dans votre main, vous tenez la copie A ou B du texte. S’il vous plaît, lisez à voix haute toutes les répliques associées à la personne A ou B. Les instructions sont marquées en bleu. Lisez-les en silence et non pas à voix haute. Même s’il y a un script, vous deux êtes les seul(e)s à pouvoir influer sur ce qui va se passer ici au cours des prochaines minutes et cela restera entre vous. Maintenant vérifiez que votre voisin(e) est prêt(e). Si c’est le cas, commencez la lecture à voix haute.
Conversation au milieu d’un champ A B A B A B A
: : : : : : :
B A B A B A
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B : A : B : A :
Bonjour, enchanté(e). Bonjour. Ça va ? Oui, pas mal. Est-ce que vous avez déjà beaucoup voyagé ? Pardon ? Est-ce que vous avez déjà beaucoup voyagé ? Beaucoup ? Je ne sais pas… Je dirais que je suis dans la moyenne pour mon âge. Je vois… Et vous avez bien aimé ? Voyager ? Oui. Plutôt. Quelles destinations avez-vous préférées ? J’ai l’impression que vous aimez bien quand les choses vont vite dans une conversation, n’est-ce pas ? Qu’est ce que vous voulez dire par là ? Que vous n’aimez pas perdre de temps, et ce qui vous plaît c’est d’agir et d’arriver vite au but ? J’ai l’impression que ce n’est pas vraiment un compliment. Ah non. Ce n’est pas ça du tout… C’est juste que moi,
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j’aime bien les détours, en général, et je n’aime pas aller droit au but trop vite. Je trouve qu’il y a beaucoup plus de plaisir à parcourir le chemin que d'arriver à destination ! Il y quelque chose d’assez effrayant dans l’idée de l’efficacité, et quelque chose d’assez fatiguant dans l’idée de devoir toujours être en action. Vous préférez ne « rien faire ». On « fait » toujours quelque chose, même quand on ne fait pas grand chose : on respire, on regarde, on réfléchit… Oui, mais tout ça ne change rien autour de nous. Mais, pourquoi vous voulez changer ce qui est autour de vous ? Vous savez, les arbres par exemple… Oui ? Les arbres poussent tout le temps, mais on ne les voit pas pousser… On pourrait croire qu’ils ne font rien quand on les regarde. Et en fait, non seulement ils poussent mais aussi, en produisant de l’oxygène, ils permettent que vous et moi puissions vivre. De toute façon, vu la situation, il me semble difficile d’être dans une forme d’action ici. C’est à dire ? Ben… on est dans une tente minuscule, on n’a pas beaucoup de temps, on suit un script, notre champ d’action est plutôt réduit. On ne peut pas vraiment bouger ici. Peut-être. Mais cette contrainte pourrait éventuellement être intéressante, si on trouve le moyen d’en faire quelque chose. Vous voulez dire : on est comme les arbres, on ne bouge pas, on est bien installé, et on change le monde en ne « faisant rien » ? Oui, quelque chose comme ça. Intéressant… N’est ce pas ? ça me fait penser… Oui ? Il y a quelques années, pour des raisons qui sont trop longues à expliquer ici, je ne pouvais pas me rendre à une fête où j’étais invité(e). Et, comme vous pouvez l’imaginer, c’était la meilleure fête de l’année, tout le monde était là et ceux qui n’y étaient pas étaient des vrais « loosers ». Je vois. J’étais assez désespéré(e), vraiment frustré(e) et aussi un peu triste. Et vous savez ce qui m’est arrivé ? Non ? D’un coup j’ai réalisé que ça sert à rien de désespérer et que les choses les plus géniales au monde se passent exactement là ou je suis. Parce ce que de toute façon je ne peux uniquement être que là où je me trouve, et non pas ailleurs. Pas mal… C’est une bonne manière de se donner du courage. Et puis de là où on se trouve, on peut se projeter dans plein de scénarios différents. Comment ? Imaginez que nous sommes quelque part. Vite, sans trop réfléchir… Faites le là, immédiatement, sur le champ. Ah… vous aimez vraiment quand ça va vite. Alors, vous nous voyez où ? Je ne sais pas… Peut-être, pourquoi pas, sur un champ… au milieu d’un champ exactement.
B : Ah. A : Mais on va dire que c’est un autre champ, pas celui sur lequel nous sommes posé(e) en ce moment. B : C’est un champ comment ? Un champ de fleurs, un champ de bataille, une terre vaste, un enclos champêtre ? On est seul(e)s ? On est loin ? Qu’est-ce qui pousse autour de nous ? A : Je le vois plutôt grand, il y a de la terre tout autour, un champ agricole je dirais. B : Alors si c’est un champ immense, on n’en voit pas les limites, ou alors au loin, une forêt ? A : Oui, pourquoi pas… B : Donc ce champ est immense, et tout est à perte de vue, le ciel est dégagé, on ne voit pas un seul nuage. Et au milieu de ce champ, il y a une tente comme la nôtre, aussi petite. A : Je vois… C’est comme une image faite sur Google Earth. B : C’est fou comme Google a pris la possession de notre imaginaire, vous ne trouvez pas ? A : Eh oui ! L’homme n’est pourtant pas un oiseau. Comment voulez vous voir depuis le ciel ? Soit on est un oiseau, soit on est dans un avion, soit on est Dieu soit c’est Google Earth. B : Il y a un philosophe Allemand qui s’appelle Walter Benjamin. Vous le connaissez ? A : Non, je n’en ai jamais entendu parler. B : Je vous le conseille. Walter Benjamin disait qu’en gros il y a deux manières de voir le monde : soit depuis là haut, avec l’accès permanent à une image totale, soit du point de vue d’un randonneur, avec l’accès à plein de détails qui progressivement forment une image du monde dans la tête de celle ou celui qui regarde. A : Vous savez que des fois, dans les images trouvées sur Google Earth, on trouve plein de détails qui ne devraient pas y être. Par exemple, dans une rue, si vous zoomez très près, vous pouvez voir un enfant qui se fait gronder par ses parents, ou même des gens célèbres qui étaient accidentellement dans cette rue quand la voiture, la Google car, avec sa camera est passée. B : Oui je sais ! Une fois j’ai même vu des personnes sans domicile fixe à côté d’une tente, un peu comme celleci, photographiées dans une rue du centre de Paris, « fixées » dans l’image Google qui représente cette rue, devenant ainsi la partie « officielle » du paysage urbain… Et puis quelques jours plus tard, je voulais montrer cette même image à une amie, mais la tente avec ses habitants avait été effacée. A : Ça vous étonne ? B : Non, pas vraiment. Mais retournons à notre image : Et bien cette minuscule tente au plein milieu d’un champ, si petite que deux personnes tiennent à peine dedans, prend d’un coup dans ce paysage toute la place, on ne voit qu’elle, elle en devient immense ! A : Oui je vous suis. B : Et ce qui est à l’intérieur de cette tente devient alors le sujet de toutes les suppositions. Qui sont les gens dedans, à quoi ils/elles ressemblent, sont ils/elle ami(e)s, amoureux(ses), sont-ils/elles même dedans, la tente est peut-être vide, à l’abandon…? A : Ce qui est dans la tente devient comme le hors champ de l’image initiale non ? Celle du grand champ à perte de vue ? B : Pas tout à fait, le hors champ serait ce qui serait
encore plus loin que ce qu’on voit, comme des paysages lointains, ou une ville peut être, ou ce que les gens cherchent à fuir, le bruit, la pollution, la guerre… A : Mais au loin c’est peut être un village très mignon, avec une rivière, des animaux, plein d’arbres… Et dans la tente je verrais bien des amoureux(ses)… oui, c’est pas mal. Ils/elles viennent de se rencontrer. B : Pourquoi pas... Vous avez une imagination très romantique je trouve ! Ce qui est une prouesse dans une tente de camping… A+B— Reprenez un peu votre souffle, peut-être servez vous de l’eau. A : Mais pour se rapprocher plus de votre manière de faire : vous ne voulez pas essayer de proposer une action, plutôt que d’imaginer ? B : D’accord, d’accord. Alors quelque chose de très simple et pas très original, mais amusant quand même : Si on échangeait nos places ? Je prends la votre et vous prenez la mienne. A : C’est drôle. Il me semble qu’il y a plusieurs tentes ici où les gens proposent de changer de place. B : Ah, je n’étais pas au courant, c’est ma première tente. A : C’est un peu étroit ici… mais ok, faisons ça. A+B— Échangez de place avec votre interlocuteur/trice, tout en gardant votre texte à la main. A : C’est pas mal. Cela change complètement notre relation vous ne trouvez pas ? B : Oui, et aussi notre point de vue. Je ne vous vois pas du tout de la même manière. A : Vous voulez encore changer de place ? B : Non ça va, j’aime bien votre ancienne place finalement. A : Alors à moi de vous proposer quelque chose : Si vous avez un téléphone portable, est ce que vous pouvez le sortir s’il vous plaît ? B — Sortez votre téléphone portable. Si vous n’avez pas de téléphone vous pouvez demander à la personne A de vous prêter le sien.
A — Attendez que B sorte son téléphone portable. S’il/elle n’en a pas, proposez lui le votre.
A : Les gens dehors doivent se demander ce que nous faisons. Et ils doivent s’imaginer plein de choses comme vous dans votre champ tout à l’heure. Mais je suis tout aussi curieux(se) qu’eux. Et j’aimerais beaucoup savoir ce qu’ils/elles font pendant que nous discutons. B : Ok. A : Alors je vous propose de discrètement sortir votre téléphone à travers l’ouverture de la tente et de filmer quelques secondes, comme ça, au hasard, sans vous faire remarquer. Vous le voulez bien ? B : Ok, Ok je joue le jeu, je veux bien le faire. A : Super ! B — Prenez le temps d’aller sur le mode vidéo de votre
téléphone puis sans sortir de la tente vous sortez simplement le téléphone à travers l’ouverture, et vous filmez à votre guise, une trentaine de secondes
A — Attendez que B fasse son action.
B : Voilà. A : Merci beaucoup ! Et maintenant c’est tout bête, je voudrais qu’on regarde ensemble ce que vous avez filmé. B : Ça marche, mais vous savez je ne suis pas un(e) grand(e) cadreur(euse), alors ne vous attendez pas à une merveille. A : Pas de problème, ce n’est pas du tout ce que je cherche. Je veux juste qu’on fasse l’expérience ensemble de ce qui nous entoure. B : D’accord faisons l’expérience. B : Diffusez la vidéo de telle manière que vous puissiez la voir tous/toutes les deux. A : Regardez la vidéo avec votre voisin. A : Alors ? Vous en pensez quoi ? B : Je ne m’attendais pas du tout à cela. A : Vous pouvez me l’envoyer ? Comme ça on pourra se rappeler de ce moment passé ensemble. B : Euh… d’accord. Alors je dois prendre votre numéro de téléphone. A : Si vous voulez, donnez votre vrai numéro de téléphone. Sinon inventez le.) . A : Super merci. Mon numéro c’est le B : La personne A vous donne son numéro. Notez le. B : Et votre nom ? A : Si vous voulez, donnez votre vrai nom. Sinon inventez le. B : La personne A vous donne son nom. Notez le. B : Merci. Je vous envoie ça dès qu’on sort. A : D’accord A+B— Le script s’arrête ici. Vous pouvez sortir de la tente en laissant votre copie dedans.
FIN