KIBLIND 72 - Météo

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Discussion

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Mes Nuits de boue La journaliste Marie-Lou Morin, passée notamment par L'Obs, Grazia et I-D, nous raconte ses tracas météorologiques en période festivalière. Et non, Woodstock n'est pas la règle. Ça a commencé il y a quelques années déjà… Quand, par une terrible corrélation de faits indiscutables, on a décidé de me surnommer « la guigne ». À la suite de ça, le pouvoir de la pensée magique a fait le reste. Un surnom peut enfermer les gens de façon irrémédiable dans ce qui constitue leurs plus grandes angoisses. Mon angoisse, à moi, c’était la météo. Indomptable et imprévisible, elle a pu gâcher les meilleurs moments de mon existence. Et m’a certainement fait perdre mon insouciance. La malédiction s’abat sur moi telle Tantale et sa famille. Voilà, c’est dit : partout où je passe, le beau temps trépasse. Il y a bien eu ce mois d’avril 2003 où, lors d’un voyage scolaire, j’ai vu Venise couverte de neige… Mais « la guigne » date bien de 2015. Baleapop, SaintJean-de-Luz. Six ans que le festival existe déjà, et on me l’a promis, malgré le climat capricieux du Pays basque, jamais une goutte de pluie. Avec allégresse, je mets donc deux maillots de bain, trois robes et des espadrilles dans ma valise en me voyant déjà springbreaker au bord de l’océan. Alors que je rejoins mes amis, arrivés plut tôt, au bord de la piscine, le temps est à la fête. Direction le parc

Ducontenia pour découvrir ce que le collectif Moï Moï, instigateur du festival, a préparé. Devant la mélancolie de Flavien Berger, le temps se brouille. L’odeur de pétrichor commence à se faire sentir. La terre sèche se couvre peu à peu de pluie, et exhale ce mélange d’humus et de roche si particulier. C’est beau, mais je commence à m’inquiéter. On ne tiendra jamais tous sous ce chapiteau si ça dégénère. Puis une pluie diluvienne s’abat sur le parc. Alors que Jessica93 déroule toute la noirceur de son shoegaze dans une gadoue démiurgique, facilitant (ou pas) les pogos déchaînés, c’est la coupure électrique, fatale. Je suis couverte de boue, les gens dévalent les pentes tout autour de moi. Sur le chemin du retour, alors que personne ne veut nous prendre en stop (on a clairement l’air d’une bande de punks à chien), la pluie continue de tomber : elle durera trois jours. Le lendemain, alors que ma chevelure a pris des airs de perruque de Louis XIV, et que je suis la risée de ma colocataire de chambre, les festivaliers m’assurent qu’ils n’ont jamais vécu un Baleapop comme celui-ci. Mes amis me regardent, et conviennent unanimement que ma venue n’y est pas pour rien dans tout ça. La « guigne » est née.


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