Kiblind 84 - Discothèque

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KIBLIND M agazine Numéro Discothèque
illustration festival 7 → 8 octobre 2023 KIBLIND présente Les SUBS ENSBA Lyon on vous dit tout sur instagram → @if_illustrationfestival et aussi ici → illustration-festival.com

« Pour cette collaboration avec Lyf, j’avais envie de créer une illustration pleine de couleurs, dans une atmosphère joyeuse et festive. J’y ai représenté une artiste sur son stand, qui vend ses œuvres lors d’un marché de créateurs. J’aime l’idée que les formes et les couleurs de mes dessins se répondent. Ici, j’ai voulu jouer avec une composition excessivement équilibrée, une presque symétrie de l’image, qui est finalement scindée par l’action de payer : les deux mains et le téléphone font circuler le regard. Autrement dit, j’ai voulu insister sur le fait qu’une vente de la part d’un petit créateur est avant tout un échange humain entre deux personnes. Et bien sûr, je trouvais rigolo de travailler sur la mise en abîme, en ajoutant un cadre autour de l’image par exemple, car cette vendeuse, cela pourrait être moi !

www.lyf.eu | @lyfpay
Direction Artistique : KIBLIND Agence

UNE TERRASSE AQUATIQUE DES FLOTS DE RENDEZ-VOUS ARTISTIQUES

BLEU 3 MAI → 8 OCTOBRE 2023
Conception graphique Hartland Villa ILicences R-2022-004254, R-2022-003944, R-2021-013751,R-2021-013749 Imprimeur KVC print GOGO PENGUIN EZRA COLLECTIVE OUMOU SANGARÉ ANNE PACEO MULATU ASTATKE MESHELL NDEGEOCELLO BALLAKÉ SISSOKO VINCENT SEGAL VINCENT PEIRANI EMILE PARISIEN L E E F I E L D S LAKECIA BENJAMIN SAMARA JOY DE LA SOUL LIVE BAND & GUESTS Le Jazz n'est pas mort JAZZ Villette à la présentent jazzalavillette.com 30 août / 10 septembre 2023 Grande Halle de La Villette Philharmonie de Paris Atelier du Plateau Studio de l’Ermitage La Dynamo Villette Makerz
KIBLIND Agence

5 JUILLET – 17 SEPTEMBRE

GRAVER LA LUMIÈRE

L’estampe en 100 chefs-d’œuvre, de Dürer à Picasso

EN COLLABORATION AVEC LA FONDATION WILLIAM CUENDET & ATELIER DE SAINT-PREX

Nous y voilà. Une dernière lampée de Tropico pour les braves, une gorgée de Soho pour les fous. On a bien fait de passer au Brice cet aprèm. Ici, tu te pointes pas avec le survêtement Kappa. Ou alors c’est que t’as pas bien compris où tu mettais les pieds. Le Titan. La plus grande discothèque à cinquante bornes à la ronde. Il s’agit d’être chic, d’avoir l’air vieux et de pas trop zigzaguer en s’approchant de l’entrée. Le videur ne te connaît pas, ne t’aime pas et n’en a rien à foutre de niquer ta fête. Le rythme cardiaque s’accélère dans la queue. Vite, crapoter pour se donner de la contenance. C’est pas qu’on fume, hein. Mais ça fait partie de l’ensemble. Il faut se la jouer cool, en plus du reste. Comme si c’était pas la première fois que tu faisais autre chose que regarder la Trilogie du samedi un samedi soir. Surtout tu dis rien, tu sais bien que t’as pas tout à fait terminé ta mue. Enfin si, mais il t’arrive de dérailler. Et si on fait pas d’erreur jusqu’au bout, on pourra rentrer. À l’entrée, un monsieur que t’as pas envie d’embrouiller te lâche l’angélique « c’est bon ». Les portes du paradis en forme de rideau de velours à l’aspect suspect s’écartent enfin. Les projos t’éclatent la tronche en plus de viser tes boutons les plus dégueulasses, comme à dessein. Le son est merdique, ringard et beaucoup trop fort. Et puis on dirait que tous les vieux les plus creepy se sont donné rendez-vous ce soir. Mais c’est pas grave. Ce soir, la caméra de la vie fait un gros plan sur toi. Et bon sang, tu rates pas ton coup. Tes pas de danse s’enchaînent comme si tu fêtais les 25 ans de Motown, tu rigoles pour la plus nulle des blagues et tu hurles n’importe quel hit pourri parce que la musique que tu trouvais si nase te coule maintenant dans les veines. Le temps passe comme les voitures, tu es au courant et tu en profites. Dix ans après, tu seras tellement con que tu la renieras cette discothèque, et avec virulence encore. Jusqu’à dire à tout le monde que tu n’y es jamais allé, que t’étais pas ce genre de personne, que tu préférais gratter une guitare sur la plage ou fumer une chicha chez des potes. Pourtant, il n’y a pas de doute : c’est ici et maintenant que tu passes la meilleure soirée de ta vie.

Directeur de la publication : Jérémie Martinez / Direction Kiblind : Jérémie Martinez - Jean Tourette - Gabriel Viry

Comité de rédaction : Maxime Gueugneau - Elora Quittet - Jérémie Martinez - Jean Tourette

Team Kiblind : Guillaume Bonneau - Agathe Bruguière - Romane Chevallier - Magda ChmielowskaLéa Coisssard - Léa Guiraud - Margot d’Hérouville - Guillaume Huby - Mélodie Labbé - Maxime Lechleiter - Romane

Lechleiter - Titouan Lorinquer - Lara Mottin - Alanis Olivier - Solène Pauly - Guillaume Petit - Charlotte RouxMorgane Samson - Léa Santoro - Déborah Schmitt - Éva Spalinger - Sara Thion - Olivier Trias - Marlène Zablocki

Réviseur : Raphaël Lagier

Direction artistique : Kiblind Agence

Imprimeur : Musumeci S.p.A. / www.musumecispa.it

Papier : Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni / Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g

Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g, Arena natural Bulk 90g et Symbol Freelife Gloss 200g

Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Lector (Gert Wunderlich)

Édité par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472

27 rue Bouteille - 69001 Lyon / 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris - 04 78 27 69 82

Le magazine est diffusé en France et en Belgique. www.kiblind.com / www.kiblind-atelier.com

ISSN : 1628-4146

249 RCS Lyon

Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteur·rice·s .

Tous droits strictement réservés. Merci à Matthieu Sandjivy. THX CBS. Contact : magazine@kiblind.com

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ÉDITO — 8 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

lieu infini d’art, de culture et d’innovation direction

Joël Pommerat

Future Islands

Arthtur Amard

Rémi Fortin

Simon Gauchet

Blanche Ripoche

Saïdo Lehlouh

Bouside Ait Atmane

Asynchrone

Némo – Biennale

internationale des arts

numériques de la Région Île-de-France

Élise Chatauret

Thomas Pondevie

Jungle

Fabien Gorgeart

Alice Ripoll

Alice Diop

Macha Gharibian

Sharon Eyal

Saison 23-24

Circulation(s)

Festival de la jeune photographie européenne

Valère Novarina

Rodolphe Burger

Bertrand Belin

Olivier Cadiot

Labelle

Nicola Delon

Benoît Bonnemaison-Fitte

Ronan Letourneur

Arthur H

Thomas Bellorini

Adrien Soleiman

BERLIN Yves Degryse

Lucie Antunes

Bérangère Jannelle

Bertrand Bossard

Claire Diterzi

Festival Impatience

Festival

Les Singulier·es

Art Point M

Fanny Bouyagui

Alexandra Tobelaim

Juliette Navis

Tamara Al Saadi

Hashem Hashem

Chloé Dabert

Stéphanie Aflalo

Jules Sagot

Tommy Milliot

Yacine Sif El Islam

Olivier Martin-Salvan

Clément Sibony

Boris Charmatz

Marie-Sophie Ferdane

Olivier Marguerit

Festival

Séquence Danse Paris

Alessandro Sciarroni

Naïf Production

Anne Teresa

De Keersmaeker

Mathieu Desseigne-Ravel

Michel Schweizer

Olivier Dubois

Youness Aboulakoul

Marco da Silva Ferreira

Alexandre Roccoli

Leïla Ka

Alexander Vantournhout

Chloé Moglia ...

104.fr

José-Manuel Gonçalvès
SOMMAIRE — 10 08 10 12 21 28 32 38 47 48 54 58 60 61 62 73 86 Édito / Ours Sommaire In the mood intro disco Invitation Jean-Christophe Sevin En couverture Thomas Merceron Créations originales Citations Dossier Faites la fête Invitation Apolline Bazin La bibliothèque idéale de TRAX Citations Playlist Discothèque Patxi [Furie, Sheitan Brothers] Boules à facettes Sélection Kiblind Square2 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque ��
C M J CM MJ CJ CMJ N KIBLIND_TLMD_20x26.pdf 1 13/06/2023 16:48:59

IN THE M��D

Vous croiserez dans cette entrée quelques objets rencontrés par bonheur ces derniers mois lors de nos pérégrinations visuelles. Pour ce numéro, nous avons même croisé la route d'heureux·se·s fêtard·e·s.

Pas de panique, l'illustratrice

Marlène Zablocki a su les contenir avec brio.

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IN THE MOOD — 12

■ FANZINE BibiandPeggy

Par Elsa Klée et Romane Bourdet Édité par Colorama elsaklee.com

@romane_bourdet colorama.space

BAGUE ŒUF AU PLAT ■ En argile et perles Par Moshifk mochifk.base.shop

AFFICHE ■ Concert de Japanese Breakfast et Andy Shauf à Chicago

→ Artwork par Mashen Lo manshenlo andyshauf.com japanesebreakfast.rocks

■ BOUGIES CHATS Par Love U Candle etsy.com/shop/LOVEUCANDLE

■ PIN’S Nancy Pin Set Par Secret Headquarters et Bubbles thesecretheadquarters.com bubbleszine.com

■ SINGLE JuntodeNósde Diogo Strausz (Cracki Records)

→ Artwork par Sun Bai sunbai.net @diogostrausz @cracki.records

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IN THE MOOD — 13

REVUE MILLE COSMOS ■ @revue_millecosmos

Engagée et écologique, la revue Mille Cosmosest née il y a peu et a pourtant déjà beaucoup de choses à dire. Zoom sur cette revue au regard pointu qui, grâce à de nombreux langages artistiques dont celui de l’illustration, élucide quelques mystères des temps présents et futurs.

Bonjour Mille Cosmos. Pouvez-vous nous présenter votre revue ?

Bonjour Kiblind ! Mille Cosmos est une revue d’écologie lancée en 2022. Elle fusionne les approches scientifiques, artistiques et politiques. Le sous-titre raconte en peu de mots notre philosophie : « des lieux, des récits, des luttes ». Nous partons des lieux car nous tenons à ce que les pensées que nous relayons soient incarnées dans un territoire, ou plus encore, qu’elles émergent du territoire lui-même. Nous voulons également partager la multiplicité et la richesse des histoires qui s’érigent contre les récits dominants du progrès et de l’exceptionnalisme humain. Et enfin, parce que rien ne peut se passer sans luttes, nous relayons des manières de s’organiser collectivement, en résistance à un système fait d’injustices sociales et environnementales. Chaque numéro comporte des formats variés (entretiens, reportages, bande dessinée, littérature, photographie, extraits sonores…) avec un·e artiste invité·e au sein du dossier central. Notre premier numéro portait sur les écologies déviantes. Le deuxième interroge notre rapport à la mort en temps de crise écologique et sociale.

MilleCosmosa pris la suite de la revue Paysageur. Quelles nouvelles envies/ réflexions ont amené ce changement ?

Paysageur entendait réinscrire le paysage dans un récit immersif et en mouvement à travers la pratique de l’arpentage. Nous la présentons comme une revue « qui pense avec les pieds », c’est-à-dire qui sort d’un rapport strictement contemplatif ou savant au territoire. Avec Mille Cosmos, nous avons souhaité offrir une revue qui embrasse dans toute son ampleur le bouillonnement écologique en cours – dans ses dimensions à la fois intellectuelles, sensibles et politiques. Car notre conviction est que la crise écologique et sociale que nous traversons appelle, bien plus que des solutions « de surface », un changement cosmologique profond. Nous avons envie d’être des passeur·euses de récits, de savoirs et de pratiques militantes. Nous travaillons aussi à faire de la revue un objet de lecture accessible au plus grand nombre, car l’écologie –  qui se définit avant tout par son attention aux relations  – a fondamentalement à voir avec les questions sociales.

Une part importante est accordée à l’illustration dans MilleCosmos. Comme notre environnement est voué à changer, diriez-vous que les illustrateur·rices, tout comme les photographes, peuvent être considéré·es comme des archivistes ? Nous sommes particulièrement sensibles au travail de mémoire, mais nous envisageons surtout l’activité des artistes visuel·les comme accompagnant ou engageant des mutations de nos sensibilités et de nos imaginaires, en écho aux bouleversements actuels. D’où notre volonté de multiplier les regards et les formes de langages pour offrir une revue foisonnante et immersive, qui touche à notre façon même d’être au monde et de nous lier aux autres, et qui dessine des pistes. En ce sens, l’iconographie est aussi importante que le texte. Nous travaillons avec des artistes engagé·es dans leurs pratiques et qui contribuent à faire bouger les lignes. Ce deuxième numéro s’ouvre ainsi avec un portfolio de la photographe Yohanne Lamoulère, accompagné d’une conversation : il s’agit d’une artiste qui bouscule le rapport aseptisé à l’image et au corps et milite pour une pratique collective de la photographie.

Sur quels critères sélectionnez-vous les illustrateur·rices avec qui vous travaillez ? Les critères sont divers et liés aux sujets abordés –  bien que nous tenions à sortir d’un rapport texte/image strictement illustratif. Pour le dossier du deuxième numéro, intitulé « La mort est-elle écologique ? », nous souhaitions aller à l’encontre de l’imagerie sombre habituellement liée à la mort dans notre société. Nous avions envie d’un festival de couleurs, pour matérialiser l’inscription de la mort dans le cycle de vie. Le travail de Jesús Cisneros, artiste invité de ce numéro, correspondait parfaitement à cette approche sensible et résonnait en tout point avec les thématiques de notre dossier (cycle de la matière, hybridation des corps, politiques mortifères du colonialisme et du capitalisme…). Parfois, nous avons des besoins plus spécifiques, comme les illustrations scientifiques, et nous faisons alors appel à des artistes comme Ève Barlier ou Marianne Tricot, qui maîtrisent ce langage visuel. C’est aussi une question de rencontres, comme celle avec Maya Mihindou, qui est à la fois écrivaine et artiste visuelle, et qui fait partie de notre comité éditorial. Nous adorons ce qu’elle fait, et les sujets que nous abordons résonnent particulièrement avec ses propres questionnements. Elle a ainsi réalisé pour nos deux premiers numéros des articles complets –  écrit et images.

Avez-vous d’autres projets d’édition en cours ? Un prochain numéro ?

Nous souhaiterions développer notre collection de livres de photographie –  au sein de laquelle nous avons déjà publié Arbres-Troncs de Zoé van  der  Haegen, un travail photographique et plastique sur le parc national transfrontalier de Kalmthout, entre la Belgique et les Pays-Bas, touché par plusieurs incendies et des pratiques extractivistes. Quant au prochain numéro de Mille Cosmos, il est en cours d’élaboration pour une parution au printemps 2024 !

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■ LIVRE POUR ENFANT

Whatdodogsdreamof? (Owl & Dog Playbooks)

Illustré par Joe O’donnell

Écrit par Claudio Ripol et Yeonju Yang donnieodonnell.bigcartel.com @claudio_ripol @yeonju_yang_ owlanddog.com

■ EP DIGITAL (BONUS VERSION)

SitBackDiscode KX9000 (Pont Neuf Records)

→ Artwork par LIORZH – Gabriel Picard @liorzh_ @kx9000 @pontneufrecords

■ LIVRE

WereAllGoingToDieAnyway

de Kyle Platts (Jumbo Press) kyleplatts.com shop.jumbo-press.com

GAMELLE ■ Par Aurore Carric barbusseburo.com

■ VERRES TULIPES En céramique Par Kiwi Poca kiwipocashop.etsy.com

AFFICHE ■ ACID Cannes 2023

→ Artwork par Xavier Lissillour @xavierlissillour lacid.org

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■ AFFICHE

La Douve Blanche Festival

→ Artwork par Sophie Hauser (SPH OZR) sphozr.com ladouveblanche.com

EP DIGITAL ■

Haïkude Léo Kobuta

→ Artwork par Marie Mori @marie_mori_mm @leo.kobuta

■ VINYLE (DOUBLE LP COMPILATION)

Jacques Tati - Swing (Born Bad Records et Les films de mon oncle)

→ Artwork par Virginie Morgand virginie-morgand.com

@bornbadrecords @jacquestatiofficiel

■ AFFICHE

Soirée dessinée Drink and Draw par Grafik au musée de la BD de Bruxelles

→ Artwork par Noémie Fatio noemiefatio.ch grafik.brussels comicscenter.net

AFFICHE ■

Exposition commune au Sterput - Bruxelles autour de la BD QuelquesMinutesavantque leTempss'arrêtede Doublebob Par Marion Jdanoff et Doublebob palefroi.net @_doublebob_ @sterput.bxl @editions_fremok

SWEAT-SHIRT ■ Poleron Poison Par Belena Bels @belenabels

CHAISES DE CAMPING POUR ENFANTS ■ Par Tess Smith-Roberts

Avec My Little Tiger tesssmithroberts.co.uk mylittletiger.co.kr

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SAC DE RANDONNÉE ■ → NICOLAS OULÈS & ATELIER REBIÉ @nicolas.oules @atelierrebie

Leur amour pour les personnages bodybuildés et le travail bien fait les a réunis, et de cette union est né un beau bébé : un sac de randonnée illustré par Nicolas Oulès et fabriqué par l’Atelier Rebié. Il s’agissait d’en savoir un peu plus sur cette collab de qualité française.

Hello Nicolas ! Peux-tu nous en dire plus sur ta collab avec l’Atelier Rebié ?

Salut ! Mon ami Aymeric de l’atelier Rebié travaille initialement sur des sacs sur- mesure pour la randonnée et le vélo, on s’est vite retrouvés sur des centres d’intérêt communs : les motifs de camouflages saugrenus, le matériel technique ainsi qu’une esthétique singeant gentiment les Soviétiques, avec ces personnages balèzes, taillés pour le gros ouvrage. Une volonté de détourner ces codes nous a lancés sur la production d’un sac hybride à la croisée de nos univers ; la montagne et la ville. Cette collab est un pack qui s’intitule «  Gravir jusqu’au pire  », constitué d’un sac de randonnée multiusages, d’un tirage risographie A3 d’un visuel déclinant le motif présent sur le sac, ainsi que d’un pin’s à l’effigie du chat aux bras stéroïdés présent sur la boucle.

Comment as-tu pensé ce visuel pour qu’il soit en phase avec un objet aussi spécifique qu’un sac à dos de randonnée ?

Le gabarit prévu pour le sac amenait un volume ajustable, une fois déplié il est assez haut, le concept d’un motif d’échafaudage correspond à ces proportions, il s’étale en hauteur comme en largeur.

Mon visuel se calque donc sur ce schéma de répétition, en utilisant comme structure des personnages robustes (parfois segmentés comme des statues), ainsi que des chiens et des chats. Tous se soutenant à bout de bras/ de pattes dans un élan commun pour former cet échafaudage, grimper toujours plus haut, pour atteindre la cime d’un building ou d’une montagne, avec des copains chiens et des copains chats !

Les couleurs du motif, orange, jaune et gris, font écho aux couleurs présentes sur les vêtements utilitaires et équipements techniques afin d’être vu en montagne ou en milieu hostile. Elles se raccordent sur plusieurs éléments, la boucle orange métallisée, ainsi que sur les bordures et élastiques, jaunes. Un chat stéroïdé (présent en easter egg dans le motif) se retrouve aussi gravé sur le clip central et sur le pin’s.

Est-ce que cette collab t’a donné envie d’accoler tes illustrations à d’autres types d’objets, et si oui, lesquels ?

Avec ce genre de collaboration, j’aime le fait de pouvoir toucher des personnes différentes du public de niche auquel ce type d’objet se trouve habituellement restreint. Je viens du fanzine DIY, donc réfléchir à la forme du support de l’illustration reste une problématique qui m’a toujours plu. Pour l’événement de sortie du sac à La Chemise Club à Bordeaux, j’ai produit des modules de présentation du sac qui reprenaient les éléments du motif avec un néon coloré. Cette déclinaison m’a donné envie d’accoler mes illustrations sur d’autres supports, comme des objets destinés aux enfants, des lampes, des meubles, un arbre à chat, ou même des couverts ! Si ces objets pouvaient être utiles et fonctionnels en plus d’être décoratifs, c’est encore mieux !

Quelle serait ta collaboration rêvée ? Travailler sur des projets destinés aux enfants, avec la thématique animalière, très souvent présente dans mes visuels, cela me plairait. Ça offrirait un aspect ludique.

Au -delà de ça, j’ai toujours aimé travailler sur des grosses surfaces, comme les fresques, j’adorerais collaborer avec des architectes, des bâtiments aux formes d’illustrations de chat, de chien ou autres, selon les échelles de taille, ce serait intéressant !

Quelles sont tes actualités à venir à titre personnel mais aussi avec ton collectif Mondo Zero ?

Il y a le prochain tome du livre Le Cinéma français c’est de la merde (le titre parle de lui -même) qui devrait sortir dans quelques temps, pour lequel j’ai fait quelques dessins sur d’obscurs films français. Concernant Mondo Zero, mon collectif avec lequel nous produisons des recueils d’illustrations, on s’apprête à sortir une petite édition sur le travail de Jean Turner, artiste spatial infatigable qui nous tient à cœur. La sortie est prévue avec une exposition de son travail à Disparate dans le cadre du Zinefest, début juillet à Bordeaux.

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ARTWORKS ■ → Dexter Maurer @dextermaurer

Comme un éclair, chaque nouveau dessin de Dexter Maurer frappe instantanément. Alors, quand il vient en plus incarner des albums de talentueux musicien·nes, le choc esthétique est total. On a discuté avec celui qui a fait naître sur sa tablette les artworks sublimes de Muddy Monk, Mairo, Bonnie Banane ou encore The Weeknd.

Hello Dexter, peux-tu nous raconter la phase de recherche et de travail derrière cette pochette d’un cavalier sans tête pour Mairo ?

J’ai été contacté par Mairo pour illustrer la cover de son nouveau projet, et ils avaient déjà une direction artistique en tête qui s’articulait autour d’un personnage sans tête avec une hache noire.

Du coup, j’ai d’abord réalisé quelques croquis de ce personnage fictif et j’ai essayé de donner un côté vieux film d’horreur 80’s mais il manquait quelque chose… un cavalier sans tête, sans monture c’est comme illustrer saint Georges sans dragon. Alors je lui ai demandé si on pouvait inclure une monture pour que cela fasse sens, et là est venue l’idée du chameau, du décor, etc. Pour se rapprocher de ses origines.

Quel a été ton degré de liberté ici par rapport aux demandes du label ?

Pour ce mandat, j’ai été chanceux car l’équipe avait déjà préparé un moodboard calqué sur mon travail et leurs attentes. Ce sont les seules contraintes que j’ai eues, mais en réalité quand des clients arrivent avec un topic qui matche autant ce que j’aime faire, j’ai une grande sensation de liberté !

Tu réalises souvent des pochettes de disques (Muddy Monk, SANTO, etc.), qu’est-ce qui te plaît le plus dans cet exercice ?

Personnellement j’écoute pas mal de musique lorsque je dessine et cela a toujours fait partie de mon processus créatif. Le fait de réaliser une illustration qui dépeint l’univers musical d’un album me paraît assez naturel.

Tu t’es également frotté à l’animation pour les clips de Muddy Monk et The Weeknd. Est-ce une discipline dans laquelle tu aimerais t’investir plus ?

Si j’avais une équipe d’animateurs autour de moi, je dois avouer que cela rendrait l’exercice plus agréable… Mais voir nos images prendre vie est si satisfaisant que l’on peut vite oublier le côté très chronophage de ce medium.

Tu sembles très inspiré par l’heroic fantasy, quelles sont les œuvres (littéraires, cinéma) qui t’ont attiré vers cet univers ? Gamin, mon père me lisait la trilogie du Seigneur des anneaux ainsi que les Harry Potter. Les films animés d’Hayao Miyazaki m’ont également beaucoup marqué. Cela a fortement contribué à développer mon imagerie fantaisiste et mes goûts pour l’illustration. J’aime l’idée qu’une illustration est une fenêtre vers un monde où les règles quile régissent sont les limites de notre imaginaire.

Avec quel artiste (musicien) rêverais-tu de collaborer ?

Je pense que j’adorerais illustrer l’univers de Tyler the Creator et de King Gizzard and the Lizard Wizard. Et pour mes artistes francophones je dirais Hamza, et la Fève !

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[du haut vers le bas] → LiFE, LEX, 2020 (Mary Joy Recordings) S.O.S., Bonnie Banane, 2022 (Péché Mignon - Grand Musique Management) SANTORAMA, SANTO, 2022 (Epic) Mylenium, Muddy Monk, 2020 (Half Awake) Omar Chappier, Mairo, 2023 (Monde Libre) Solitaires, Ateyaba, 2021 (Universal Music Division Capitol Music France)

■ STICKERS Par SanQian sanqian.cargo.site @wabhuatongbooks

■ SAUCISSE En céramique Par Marie Chanteur @wobblystudio

■ FANZINE

FosfatinaQuarterly#2

De Cynthia Alfonso et Óscar Raña

Édité par Fosfatina Ediciones rapapawn.bigcartel.com editorialelvira.com

BANDE DESSINÉE ■ Youfeedfirelikeit'sahorse De Marco Quadri marcoquadri.com

AFFICHE ■ Soirée Aurora organisée par Enhancing Life Unit → Artwork par Anaïs Rallo anaisrallo.bigcartel.com @enhancing_life_unit

AFFICHE ■

Festival Qui va piano va sano par Microqlima → Artwork par Zoé Coulon faune-studio.com microqlima.cool

�� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque IN THE MOOD — 19

26 JUIN → 1ER SEPT. 2023

AMUSEZ-VOUS SOUS LE SOLEIL DE LA MÉTROPOLE DE LYON

DANS LA MÉTROPO L E 2023 ENSEMBLE

PLUS DE 200 ACTIVITÉS GRATUITES

POUR TOUTES ET TOUS !

Programme et inscriptions

grandlyon.com/été

Communication Métropole de Lyon — 30 mai 2023 3:46

En 1928, le meuble servant de rangement aux disques microsillons est officiellement baptisé une discothèque. Quelques décennies plus tard, les disques s’échapperont de leurs étagères de salon étriquées pour être joués dans des lieux dédiés où ils ne seront plus destinés un usage privé mais à un usage public : les discothèques.

15 février 2022

Les établissements de nuit français peuvent enfin rouvrir leurs portes après deux années de restrictions et de fermetures successives

6 décembre 2021

Après des mois de restrictions, Jean Castex annonce la fermeture complète des boîtes de nuit à cause du Covid-19

2009

Un décret fixe dorénavant l’heure limite de fermeture des discothèques à 7 heures du matin partout en France

5 juillet 2008

Unighted by Cathy Gue a rassemble Martin Solveig, David Gue a, Joachim Garraud, Carl Cox et Tiesto au Stade de France jusqu’au petit matin

1997

La SACEM reconnaît le statut d’artiste remixeur aux compositeurs de musique électronique, dès lors qu’ils utilisent des œuvres existantes

1993

L’ancien Club San Rafael devient le Privilège à Ibiza et est consacré par le Guinness World Record Book comme la plus grande boîte du monde, avec ses toits de 25 mètres de haut, ses nombreuses salles à l’air libre et sa capacité d’accueil de 10 000 personnes

1980's

On estime à 4 000 le nombre de discothèques ancrées sur le territoire français

Plus qu’un lieu à la façade décrépie et à l’enseigne clinquante, la discothèque a été et est toujours un lieu refuge, même si elle a pu changer de forme et de nom en plus d’un siècle. Elle est le théâtre du lâcher-prise, le lieu de tous les possibles où la vie du quotidien est rangée au vestiaire pour quelques heures.

1920's

On nomme officiellement « dancing » l’établissement où l’on se rend pour danser

En France, sous l’Occupation, les « zazous » se réunissent secrètement dans les caves pour danser autour de gramophones portatifs qui leur perme ent de passer des disques. À Berlin et à Hambourg, les « Swingjugend » font de même

1942

Jimmy Saville est le premier à sortir du studio de la radio anglaise dans laquelle il travaille pour se produire devant un public, ses disques sous le bras

1947

Ouverture du Whisky à Gogo par Paul Pacini à Saint-Germain, le premier club moderne français

1956

Ouverture de Chez Régine par sa célèbre tenancière rue du Four à Paris

1970

L’incendie du dancing « Le 5-7 » à Saint-Laurent-du-Pont fait 146 morts

1971

Alex Rosner construit la première table de mixage pour DJ à la demande du DJ résident du club

The Haven à New York, Francis Grasso

1920's

Création du SNDLL, le premier et seul syndicat patronal professionnel consacré aux discothèques

11 août 1973

DJ Kool Herc mixe dans le Bronx à une soirée reconnue pour avoir lancé le mouvement hip-hop

Les exploitants n’ont pas à demander d’autorisation aux artistes interprètes ni aux producteurs d’un morceau avant de le diffuser, mais sont tous sommés de contribuer à la rémunération des ayants droit via un versement annuel à la SPRE.

La rémunération sera ensuite reversée aux artistes interprètes via l’Adami et la Spedidam, et aux producteurs de disques par la SCPP et la SPPF. Pour les boîtes de nuit, le barème s’élève à 1,65 % du chiffre d’affaires.

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque 1 — INTRODUCTION 👀
Début 1940
Comment sont rémunérés les artistes joués en club ?
2 1 — INTRODUCTION 👀

Comme tous les lieux du quotidien, la discothèque ne déroge pas à la règle et s’expose sans complexe sur grand écran. Pas rares au cinéma, les scènes de boîte ont leur esthétique propre et leurs clichés.

Souvent, c’est en suivant un personnage de dos que l’on découvre cet eldorado de la nuit. Qu’elles se déroulent en intérieur, en extérieur, au sous-sol ou sur un rooftop, ces scènes reprennent généralement les mêmes codes

Des gens qui dansent lascivement

Qui s’amusent sur une musique s’échappant

d’un jukebox d’un DJ set d’un concert en live

Le son y est fort, à tel point que les personnages sont obligés de hausser le ton pour communiquer entre eux

On s’y déhanche un verre à la main, transpercés par les lumières aveuglantes des stroboscopes qui finissent de troubler les sens et de couper les danseur·euses de la réalité

Ces divers marqueurs font de la discothèque un lieu à l’esthétique unique perme ant aux cinéastes de signifier une rupture par rapport au quotidien.

Lieu de la fête par excellence, la boîte de nuit est aussi et surtout propice aux relations sociales et aux rapprochements physiques, qu’ils soient romantiques ou plus violents. Elle est aussi conséquemment la porte ouverte vers toute sorte de dérapages entraînés par la consommation d’alcool et de drogue. Appelant au lâcherprise, cet écrin de liberté caché de tous révèle dans le même temps la personnalité et les limites de chacun. Pas étonnant donc que les réalisateur·rices d’ici et d’ailleurs voient ce paradis artificiel comme le terrain idéal pour révéler les différentes face es des personnages de leurs films.

1C — 2F — 3H — 4G — 5B — 6A — 7I — 8J — 9E — 10D

séance n° 1

LA FIÈVRE DU SAMEDI SOIR

John Badham 1977

séance n° 2

LA GRANDE BELLEZZA

Paolo Sorrentino2013

séance n° 3

DELACRÈMELACRÈME

Kim Chapiron 2014

séance n° 4

BLACK SWAN

Darren Aronofsky 2011

séance n° 5

MEKTOUB, MY LOVE CANTO UNO

Abdellatif Kechiche 2018

séance n° 6

LOVE

Gaspar Noé 2015

séance n° 7

TRAINSPOTTING Danny Boyle 1996

séance n° 8

séance n°

POLISSE

Maïwenn 2011

séance n° 9

SCARFACE

Brian De Palma 1984

séance n° 10

LA BOUM

Claude Pinoteau 1980

scène

scène

A

Un couple se dispute violemment au milieu de la piste de danse, sous des lumières vertes aveuglantes

scène

scène

B

Des filles enchaînent des mouvements lascifs autour de barres de pole dance sur un morceau trance de Legend B

Des filles enchaînent les mouvements lascifs autour de barres de pole dance sur un morceau trance de Legend B

scène

scène

C

Avec sa chemise col pelle à tarte, Tony enflamme les dalles lumineuses qui servent de piste de danse, sous une boule à face es et sur une bande-son culte

scène

scène

D

Deux adolescents dansent un slow, coupés du monde qui les entoure, au milieu d’un salon reconverti en dancing

scène

scène

E

Une fusillade éclate au beau milieu d’une soirée en boîte

Une fusillade éclate au beau milieu d’une soirée en boîte

scène

scène

F

Des dizaines de personnes à l’apparence chic se me ent à reproduire à la perfection la chorégraphie du hit populaire « Mueve la colita » de El Gato, autour d’un personnage impassible, fumant sa cigare e

scène

scène

G

Nina danse sur un morceau des Chemical Brothers sous les lumières vertes et rouges d’un club, en ayant pris de l’ecstasy

Nina danse sur un morceau des Chemical Brothers sous les lumières vertes et rouges d’un club, en ayant pris de l’ecstasy scène

H

Les bien nommés Justice et Kavinsky mixent en boîte lors d’une soirée étudiante

scène

scène

I

Mark aperçoit au loin une fille portant une robe scintillante adossée au bar et tombe instantanément amoureux d’elle

scène

scène

J

Fred exécute un solo de danse seul au milieu de la piste sur le morceau disco « Stand on the word » de KEEDZ

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque 👀 INTRODUCTION — 2 2
séance
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Arriveras-tu à retrouver les films correspondant à ces scènes cultes de boîte de nuit ? séance
Avec sa chemise col pelle à tarte, Tony enflamme les dalles lumineuses qui servent de piste de danse, sous une boule à face es et sur une bande-son culte
Deux adolescents dansent un slow, coupés du monde qui les entoure, au milieu d’un salon reconverti en dancing
scène
Les bien nommés Justice et Kavinsky mixent en boîte lors d’une soirée étudiante
Fred exécute un solo de danse seul au milieu de la piste sur le morceau disco « Stand on the word » de KEEDZ
Des dizaines de personnes à l’apparence chic se me ent à reproduire à la perfection la chorégraphie du hit populaire « Mueve la colita » de El Gato, autour d’un personnage impassible, fumant sa cigare e
Un couple se dispute violemment au milieu de la piste de danse, sous des lumières vertes aveuglantes
Mark aperçoit au loin une fille portant une robe scintillante adossée au bar et tombe instantanément amoureux d’elle
Arriveras-tu à retrouver les films correspondant à ces scènes cultes de boîte de nuit ?
👀 Réponses

TUTO KUDURO

Avec « Danza Kuduro », Lucenzo est apparu comme le sauveur de toute une génération de clubbers en perdition, a einte d’une déprime goût Michoko en subissant à chaque occasion les Madison endiablés de l’ancienne génération.

La seule chanson qui m’ambiance encore Mélanie 98 il y a 2 ans

Confessait Mélanie il y a deux ans dans l’espace commentaires du clip du morceau qui cumule des centaines de millions de vues.

Une chanson qui touche l’âme Cédric 36 il y a qlq jours

Surenchérissait tout bonnement Cédric il y a tout juste quelques jours.

Taillée pour les dancefloors, « Danza Kuduro » a biberonné toute la jeunesse des années 2010. Le Girondin Lucenzo n’a pourtant rien inventé. En 1996, c’est l’artiste et chorégraphe angolais Tony Amado qui a mis au point le premier une chorégraphie s’inspirant des pas lascifs d’un Jean-Claude Van Damme aussi sexy qu’ivre dans Kickboxer. Ce e danse accompagnera alors son morceau « Cuidado com a boca ».

1

STUDIO 54

hot spot de la jet-set new-yorkaise

En l’honneur de Dolly Parton, le club légendaire transforme son dancefloor en ferme avec des chevaux, des ânes, des poulets (rien que ça) !

3 LE PALACE

théâtre de la vie nocturne parisienne

Un bal vénitien extravagant y est organisé avec un public vêtu de costumes du XVIIIe siècle, en toute simplicité. Une invitée arrive même dans une gondole portée par des pompiers. Une entrée fracassante puisque celle-ci finira par une chute, oups.

ANECDOTES LES PLUS FOLLES DE BOÎTES

Le Studio 54 de New York, le Berghain de Berlin, le Palace de Paris, The Warehouse à Chicago… Celles et ceux qui les ont fréquentés parlent encore de ces discothèques avec des paille es plein les yeux. Petit retour en arrière sur ces clubs mythiques... Saurez-vous trouver quelle histoire est trop perchée pour être vraie ?

2 BERGHAIN

temple des nuits techno berlinoises

Été 2016, le Berghain est frappé par la foudre en plein DJ set. Privée de climatisation, la foule (déjà légèrement vêtue) se déshabille complètement et continue de danser jusqu’à la fin du set.

4 THE WAREHOUSE

berceau de la house music de Chicago

Pas d’alcool dans ce haut lieu de la house : l’ambiance était donnée par des générateurs de fumée et des éclairages psychédéliques.

5 B018

si vous n’avez encore jamais expérimenté le kuduro rond comme une queue de pelle, on vous offre un cours de ra rapage

J'adore les discothèques. Dans 20/30 ans, il n'y en aura plus.

Entre 2008 et 2020, 1100 discothèques ont fermé en France

club souterrain culte de Beyrouth

Une nuit d’hiver, le club enfoui sous terre finit inondé suite à une pluie diluvienne. La foule se retrouve trempée, les platines du DJ cessent même de fonctionner, mais rien n’arrêtera la fête parce que le show must go on.

Certains redoublaient donc d’efforts pour faire entrer de l’alcool, comme ce petit filou qui, par un procédé ingénieux, fabriqua une combinaison en seconde peau dans laquelle il était possible de stocker jusqu’à 1,5 litre d’alcool réparti sur tout son corps. Spoiler : il se fit choper !

RETOURNE TON MAG POUR DÉCOUVRIR QUELLE HISTOIRE EST BIEN TROP FARFELUE

4 — C’est sûrement arrivé dans l’histoire de la teuf mais là, c’est un mytho.

On lève

On fait une pointe avec le pied gauche

On met son poids du corps sur la jambe gauche

On fait une pointe avec le pied droit

On répète le mouvement plusieurs fois en insistant bien sur le balancement des fesses

On fait un tour sur soi-même

ET C’EST REPARTI POUR UN TOUR

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque 3 — INTRODUCTION 👀
On croise la jambe gauche derrière On croise la jambe droite derrière Pas vers la droite Pas vers la gauche On décroise On décroise On sautille sur la jambe droite On sautille sur la jambe gauche Trois pas en arrière On lève la jambe gauche la jambe droite X3
5
2 3 — INTRODUCTION

TU RENTRES PAS ! ENTERTAINMENT SYSTEM TU RENTRES ?

Tu portes des lune es de soleil et arbores une chemise blanche ouverte

Tu as caché une poche de rosé dans ton sarouel

Ton pote Alex est trop bourré et vous tentez une « Week-end at Bernie’s »

POUR LE PLUS GRAND MALHEUR DE LA BOÎTE, ÇA PASSE

Tu as une bouteille de Get 27 cachée dans ta poche arrière

TU TE MOQUES DE QUI ?

NON, ET NE REVIENS PLUS JAMAIS

Tu as cassé un bracelet fluo sur ton visage et tu t’en es foutu partout

SI TU VAS À L’AMNESIA AU CAP D’AGDE, YOU’RE IN

Tu as moins de 18 ans et tu as volé le passeport de ton père

Tu chantes dans la file d’a ente

PARTENAIRE PARTICULIER et il est 22h35

DANCING IN LA DISCOTECA

PARTENAIRE PARTICULIER et il est 2h45

AMENO DORI ME, AMENO

DANCING IN THE STREETS

👀 INTRODUCTION — 4 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
KIBLIND® INTRODUCTION — 2
START START START

Découpez les vêtements et accessoires placés autour du personnage, habillez-le à votre goût et prenez la vérité en pleine face. Alors, plutôt destiné·e à vous retrouver au Berghain, au Pacha Club, au Sacré ou au Madison ?

DIS-MOICOMMENTTUT'HABILLES JETEDIRAIQUITUES DIS-MOICOMMENTTUT'HABILLES JETEDIRAIQUITUES

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque 5 — INTRODUCTION 👀 2 5 — INTRODUCTION
NEW

Si vous avez vécu à la campagne, vous connaissez sans doute ce e résonance monstre et brumeuse qui entoure la vallée et provient de l’unique boîte de nuit du coin. Mais qu’est-ce que ces jeunes soûlards sans le sou écoutent encore ?

ANNÉES70 → 1

Booba ? ABBA ?

DancingDirty ?

Retour rapide sur l’évolution des rythmes qui ont bercé nos bien nommées discothèques ces dernières décennies.

The Hustle — Van McCoy & The SoulCitySymphony(1975)

→ Textes : E.Qui et, M. Samson, S. Pauly, M. Labbé, R. Lechleiter, & M. d’Hérouville → Mise en page : G. Bonneau

ANNÉES 70

2HighEnergy—EvelynThomas(1984)

2 You Make Me Feel (Mighty Real)— Sylvester(1978)

3 Into the groove — Madonna(1985)

ANNÉES 80

ANNÉES 90 ANNÉES 2000

ANNÉES 2010

JUKEBOOOOOOOOOOOOOOX

ANNÉES 80 → 1 Searchin ’(IGo aFindaMan)—HazellDean(1983)

2 InDaClub—50Cent(2003)

ANNÉES

ANNÉES 2000→1JennyfromtheBlock

— Jennifer Lopez (2002)

2 Soirée Disco — Boris(1995)

3 Alive Mondotek(2007)

2 Insomnia 2 0 — Avicii(2015)

ANNÉES 90 → 1 AllThatSheWants—AceofBase(1992)

2010 → 1 You UsedtoHoldMe—CalvinHarri s(2010)

3 Lean On — MajorLazer(ft . DJSnake&MØ)(2016)

La soul et le disco font virevolter les pa es d’eph et claquer les talonne es des bo ines des danseur•reuses d’ici et d’ailleurs. L’émission Soul Train diffusée à la télé à partir de 1970 va même amener la discothèque directement dans le salon des Américain·es.

Le disco laisse doucement sa place au R&B, à la dance-pop et à la hi-NRG (High Energy), qui nous vient de San Francisco et de la scène LGBTQ+. Avec ce dernier, le tempo est accéléré, la musique plus énergique, et les interprètes sont essentiellement des voix féminines. C’est l’alter ego anglo-saxon de l’Italo Disco, genre qui sera particulièrement successful dans les night-clubs du Royaume-Uni.

Le boum boum des basses, les riffs synthétisés, la musique électro simpliste (et les paroles qui vont avec) : l’eurodance (euro-house, euro-NRG) règne en maître dans les discothèques pendant les années 90. La French Touch creuse aussi son sillon et s’invite dans de nombreux clubs.

La pop et le R&B font suer les clubbers à pantalons taille basse du monde entier. En France, la tecktonik met des étoiles dans les yeux et devient un style musical à part entière qui emprunte les codes du jumpstyle et du hardstyle.

La trance et la techno progressive existaient bien avant les années 2010 mais c’est dans ce e décennie que les discothèques européennes connaissent l’émergence de titres planétaires largement écoutés par la Gen X.

3FreakOut—Chic(1978)

3Aroundtheworld — Daft Punk (199 7 )

COMMENT CRÉER SON AFFICHE DE DISCOTHÈQUE EN QUELQUES ÉTAPES SIMPLES ET EFFICACES

Choisissez le papier avec la couleur la plus fluo possible Fouillez la catégorie « Fantaisie » de dafont.com pour trouver la typo qui représente le plus votre établissement Grossissez la typo du nom de votre tête d’affiche jusqu’à ce qu’elle touche les bords Écrivez tout le texte en noir pour réduire les frais lors de l’impression chez Copytop Rendez la mention « gratuit pour les filles » bien visible Usez et abusez de Wordart pour transformer votre texte Fabriquez votre colle à base de farine et retapissez les murs des bourgades se situant dans un périmètre de 20 km

À VOUS LE SUCCÈS MIROBOLANT ET LA QUEUE

👀 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque INTRODUCTION — 2 6
À L’ENTRÉE

LES COMMANDEMENTS DU PARFAIT CLUBBER

Comme on le sait tou·tes, le monde de la nuit peut aussi être hostile, un volet prévention a donc aussi toute sa place dans ce numéro. Quelques conseils pour passer une soirée d’enfer et rentrer en toute sécurité :

Pour toi, se pimper pour sortir en boîte, c’est…

Hors de question. De toute façon. Tu feras tomber ton tee-shirt blanc col V dès tes premières minutes sur le dancefloor

Une évidence (et accessoirement, le vigile ne te laissera pas rentrer sinon)

Pas se prendre la tête : un jogging et des baskets feront l’affaire

Sortir ta plus belle chemise hawaïenne

Ton plaisir en boîte, c’est…

Te déchaîner avec tes potes sur « Crazy Frog » en hurlant

Découvrir des lieux insolites, faire des rencontres, et… planer

Dodeliner de la tête dans une ambiance lounge Lancer une chenille à tout moment

Ton style de musique en boîte, c’est…

Un Maluma bien caliente De l’Acidcore à balle

Le dernier son techno à la mode Un petit Patrick Sébastien bien vitaminé

L’ambiance de boîte qui te plait le plus…

qui donne aussi des cours d’aquagym au camping du coin.

Tu es une piña colada. Sucrée, trop sucrée. Tu reconnais le DJ

car tu es déjà assez fracassé comme ça…

Tu es une 8.6 chaude en canne e. Cela te tsuffi pour faire la fête

tu sirotes avec flegme au Baron, ton club préféré.

Tu es un Espresso Martini, un cocktail sélect et rare que

boîtes 3 salles/3 ambiances, le Macumba est ton terrain de jeu favori.

Tu es un Vodka-Redbull (a ention à la tachycardie). Adepte des

Sol collant, salle à moitié remplie, tu t’en fiches, rien ne pourra t’arrêter dans ton kiff avec tes potes !

Une ancienne friche industrielle reconvertie, authentique et recycled

Ambiance tamisée, tout le monde se snobe, mais ça a le mérite d’être chic Ambiance

7 — INTRODUCTION 👀
1
2
3
4 👀 Réponses 1
2
tropicale avec sable aux pieds et canon à mousse
Charge ton téléphone et mange avant ton départ
4
5
et
du
le
6
7
3
Samu............................ Pompiers................... Police-secours......... Le numéro d’urgence unique en Europe.............. LESNUMÉROS D'URGENCE 15 18 17 112
Laisse chez toi le maximum d’affaires et garde seulement le nécessaire
Procure-toi un couvercle antidrogue, des bouchons auditifs, préservatifs et éthylotests en amont de ta soirée ou à l’accueil de la boîte
N’hésite pas à aller prendre l’air une fois à l’intérieur
à te reposer loin
bar et du son si tu en ressens
besoin
Bois de l’eau régulièrement
Alerte les gérants, les barmen-barmaids et/ou les secours si tu vois quoi que ce soit d’anomal ou de possiblement grave Rends-toi en club avec des potes en qui tu as confiance et préviens des personnes du lieu où tu te rends
2 7 — INTRODUCTION KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

Le DJ

Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et chercheur, Jean-Christophe Sevin a consacré une thèse à l’étude sociologique des raves et de la musique techno. Passionné par la culture sound system, il raconte l’évolution de la figure du bien nommé disc jockey à travers les décennies.

�� INVITATION — 28 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

L’histoire du DJ est celle d’un intermédiaire entre le public et les musiciens, qui devient un point de passage obligé puis un artiste et une star de la musique. Le DJ est d’abord un homme de radio, tant son histoire est intimement liée aux technologies de transmission et de production sonore. Dans les années 1930, certains ont l’idée d’enchaîner les disques en imitant le déroulement d’un concert ou d’un bal à l’aide d’intermèdes en forme de conversations imaginaires avec les musiciens. Le succès du programme « make-believe ballroom » de Martin Block sur une station new-yorkaise, montre que passer des disques à la radio plutôt que d’inviter des musiciens à jouer en direct, comme c’est l’usage, est une formule prometteuse. Dans l’après-guerre, le DJ est celui qui donne sens à la musique pour les baby-boomers, ainsi qu’il apparaît dans American Graffiti de Georges Lucas. Son crédit est important auprès de cette génération qui entre bientôt en contradiction avec les normes d’une société en décalage avec sa jeunesse.

Alan Freed est alors un nouveau type de DJ qui ne se contente pas de diffuser du rock’n’roll mais propage l’enthousiasme et s’engage pour cette musique, en ne dissimulant pas ses racines noires. À la fin des années 1950, la radio est devenue le point de passage obligé dans la fabrique du succès, ce qui engendre des dessous-de-table pour favoriser la promotion de tel ou tel disque. Cette forme de corruption désignée par le terme « payola » (pay to play) contribue à jeter le discrédit sur la figure du DJ, même si la majorité d’entre eux n’est pas impliquée dans ce type de pratique. Avec le scandale de la « payola », on trouve en Alan Freed une victime expiatoire d’une société prise de panique morale face au rock’n’roll. Un autre type de DJ naît avec le disco et le hip-hop dans les années 1970, qui développe une approche nouvelle des platines et du dispositif de diffusion pour les transformer en instrument. Les DJ disco mixent de la soul, du funk et du R’n’B pour en faire une musique nouvelle, avec l’objectif de faire danser et de ne pas lâcher les danseurs sur la piste. Pour cela, ils s’ingénient à créer un continuum rythmique en détournant et en bricolant leurs dispositifs, et de petites inventions ont des conséquences esthétiques et sociales importantes. Au Sanctuary, une ancienne église de Manhattan transformée en club, Francis Grasso est le premier à utiliser un disque de feutrine placé sous le disque vinyle pour maintenir ce dernier immobile sans que la courroie

�� INVITATION — 29 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

d’entraînement de la platine ne surchauffe. Il peut ainsi le libérer au bon moment à l’endroit qu’il avait préalablement repéré à l’aide d’un casque d’écoute branché à la console de mixage.

C’est à cause de ce désir de continuité que le format des disques s’allonge avec le maxi 45-tours, le média de la culture DJ qui offre la possibilité de graver des morceaux plus longs et d’une qualité sonore meilleure que les 45-tours aux sillons rapprochés. Il faut mentionner l’influence majeure de l’approche jamaïcaine sur les musiques pratiquées par les DJ. Qu’il s’agisse du dub dans les studios ou des sound systems qui permettent aux producteurs de tester quasiment en direct leurs productions sur le public,et où les deejays chargés d’animer la session développent un art vocal du toasting qui est une source du hip-hop. DJ Kool Herc, un Jamaïcain immigré dans le Bronx, y lancera les block parties sur son sound system, à la recherche lui aussi d’un continuum rythmique à base de breakbeat sur lesquels les MC animent la session. Les DJ hip-hop poussent plus loin en tirant des sons jamais entendus de leurs platines. L’invention du scratch du diamant sur le disque dont on crédite Grand Wizzard Theodore, qui accompagne intialement la structure rythmique, popularisé par la prestation de Grand Mixer DST dans le "Rockit" d’Herbie Hancock, se transformera ensuite en un art sonique abstrait. Quant au sampler, il n’a pas été fabriqué par et pour les DJ mais c’est néanmoins l’usage créatif non prévu par ses concepteurs qui peut créditer les DJ comme des sortes de co-inventeurs, tant l’industrie s’adaptera à leurs recodages des machines. Si le beat-maker reste souvent un DJ, le hip-hop prend ensuite une direction dans laquelle les MC relèguent à l’arrière-plan ceux qui leur ont permis d’entrer en scène. La house music naît des développements du disco dans les clubs de New-York et Chicago qui offrent aux minorités sexuelles et raciales des espaces d’expression et d’affirmation. Après que le disco eut été déclaré mort à la fin des années 1970, il retourne dans l’underground où les DJ poursuivent leurs expérimentations. Frankie Knuckles, officiant au Warehouse qui donnera son nom à la house music, ajoute à ses platines et à sa console de mixage une boîte à rythmes et un magnétophone quatre pistes, toujours dans la même optique de recherche d’une

�� INVITATION — 30 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

intensification du dancefloor. Ce dernier n’est pas un simple réceptacle mais un espace d’échange et de circulation d’affects, car ce sont aussi les réactions des danseurs qui valident ou non les choix des DJ et orientent leurs productions. Si bien que les publics des clubs de Chicago peuvent être considérés comme les co-inventeurs de la house, de l’acid-house ou de la techno. C ’est par exemple la réaction du public au son détourné de la TB 303 (un bassliner de la marque Roland tombé en désuétude), inaugurant l’acid house, qui valide la découverte de DJ Pierre et DJ Spanky. Et c’est au Music Box de Ron Hardy que les Belleville Three de Detroit, Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson, viennent en ce milieu des années 1980 tester leurs productions. À la fin des années 1980, la diffusion de la house et de la techno en Angleterre y rencontre un succès énorme et les musiques électroniques deviennent progressivement un phénomène de masse en Europe. Une nouvelle figure du DJ apparaît alors, celle du DJ star avec lequel un rapport scénique et visuel est reconstitué, alors qu’il tendait à s’effacer au profit du rythme et du dancefloor. Les musiques électroniques sont devenues une industrie, notamment avec leur « festivalisation » qui s’affirme au milieu des années 2010 dans une économie de la musique orientée vers le « live ». Le DJ organique des espaces communautaires ne disparaît pas pour autant, et ceux qui par exemple officient dans les free-parties ou les sound systems reggae-dub restent dans un rapport non spectaculaire avec leur audience. La massification des musiques jouées par les DJ signe leur reconnaissance mais cela n’entame pas leur diversité.

Pour aller plus loin :

Bill Brewster and Frank Broughton, Last Night a DJ Saved My Life : The History of the Disc Jockey, Headline book publishing, 1999.

Tim Lawrence, Love Saves the Day: A History of American Dance Music Culture, 19701979, Duke University Press Books, 2004.

Ulf Poschardt, DJ Culture, Editions Kargo, 2002.

Simon Reynolds, Energy Flash: A Journey through Rave Music and Dance Culture, Soft Skull, 2012.

�� INVITATION — 31 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Visuels dans l’ordre d’apparition : Make Believe Ballroom (1949), Wolfman Jack dans American Graffiti (1974), Alan Freed (1950s), Francis Grasso, DJ Kool Herc, Frankie Knuckles, Grand Wizzard Theodore, Theodore Livingstone, TB-303 Roland Bass Line

Thomas

Merceron

�� EN COUVERTURE — 32 KIBLIND Magazine → 84 → Discothhèque

Ses visuels en noir et blanc marquent les esprits, son style vif et impactant imprime la rétine.Le jeune artiste parisien, formé aux Arts décoratifs de Paris, brille de jour comme de nuit et c’est assez naturellement que nous lui avons confié la couverture de ce numéro « Discothèque ».

Après quelques illustrations réalisées pour le New Yorker, le New York Times ou l’Hémicycle, et des posters édités chez Quintal Atelier, Thomas Merceron poursuit son chemin, rétrofuturiste, romanesque et lumineux.

EN COUVERTURE — 33 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèqque

Comment as-tu imaginé cette image ?

Pour cette image, j’ai fait un dessin qui est environ deux fois plus grand que la taille du magazine. Au pastel, si on veut des détails, il faut voir en plus grand forcément. J’ai eu des surprises avec la technique car en fonction du pigment du pastel et du papier, ça réagit différemment. C’était une envie sur le moment, travailler avec de la matière. C’est vrai que pour les commandes, je dessine beaucoup à la tablette ou à l’encre de Chine, deux techniques où les traits se ressemblent beaucoup. C’est en grande partie pour des questions purement pratiques avec les nombreux allers-retours que nécessitent les commandes. Là, pour la couverture pour Kiblind , je voulais revenir à quelque chose de différent, en lien avec une expression artistique personnelle, même s’il s’agit évidemment d’une commande. J’avais envie de rajouter un peu de matière, en jouant sur les contrastes noir et blanc et des nuances de couleurs plus douces. Sur tablette, j’ai tendance à aller plus vite, c’est sans doute psychologique aussi… Les traits sont effaçables donc j’y vais quoi. Mais moi, à la base, ce que j’aime, c’est le dessin précis, le temps long, l’aspect méditatif, et là j’ai pu retrouver tout ça pour cette couverture. Les dessins faits à la main sont pour moi toujours plus parlants, plus sensibles, ils transmettent plus d’émotion, même si c’est souvent après un temps (trop) long de réflexion…

As-tu été étonné qu’on associe ton travail à ce thème, discothèque ?

Mon attachement au noir, aux contrastes, aux jeux d’ombres, c’est vrai que je me sens assez à l’aise avec le monde de la nuit et j’étais ravi de pouvoir entrer encore plus dans le vif du su jet avec cette couverture. Je travaille aussi pas mal avec des touches de couleur qui jouent avec ces noirs et ces blancs, et qui peuvent rappeler la lumière du soir.

�� EN COUVERTURE — 34 KIBLIND Magazine → 84 → Discothhèque

Que t’apporte le travail à la tablette, en particulier pour les commandes ?

Avant, je travaillais exclusivement en noir et blanc mais à l’encre de Chine, donc sur un temps long aussi. Quand je suis passé à la tablette, ça a raccourci incroyablement les délais tout en gardant une proximité de style avec l’encre. Et le numérique m’a aussi ouvert sur la couleur, que je retravaille maintenant à la main avec les pastels. Je passe surtout beaucoup de temps à me demander si je fais bien de faire tel ou tel dessin donc la tablette m’a permis d’y aller, de me lancer. Et paradoxalement, de conserver ce lien avec la matière, le papier, vers lesquels je suis content de retourner à l’occasion. Tu peux nous dire quelques mots sur ta formation ?

J’ai fait un lycée d’arts appliqués à Vauréal qui était super. Il faut dire qu’à la base, j’étais même pas pris… Quand à 15 ans, t’apprends que t’es pas admis dans une formation de dessin… Bon, j’étais sur liste d’attente et j’ai pu intégrer le lycée finalement. Ça s’est super bien passé, avec des amis que je garde encore aujourd’hui et avec qui on a partagé pas mal de choses depuis. Ça m’a donné les bases du design en réalité. Et j’étais préparé à la conception de commandes, entre autres… J’ai été sensibilisé aux liens entre l’art et le monde professionnel, aux arts appliqués dès le lycée. Ensuite j’ai à nouveau un peu galéré pour trouver une école pour finalement être accepté à Paris à l’école Duperré en design graphique imprimé. C’était super formateur, en particulier dans des domaines comme la typographie dont j’ai appris l’importance avant d’y retrouver des points communs avec ma pratique : la gestion des espaces, des blancs, des pleins, des déliés… Mais bon j’allais en cours avec ma clé

USB… Je dessinais pas, je faisais du graphisme. Donc j’ai fait un an du BTS et j’ai postulé à la première année aux Arts décoratifs de Paris, pour assurer le coup. J’ai été pris et j’ai fait tout mon cursus là-bas, en images imprimées. Les élèves étaient incroyablement doués et les moyens étaient dingues. Si on a de l’ambition, on peut aller au bout de ses projets. Au niveau des profs, c’était un peu plus compliqué… Mais c’est souvent inégal. Et puis j’ai fait mon mémoire pendant la période du Covid. J’ai fait mon Erasmus à Bruxelles à LERG et mon mémoire pendant le confinement. Pour mon grand projet, en dernière année, en janvier j’avais encore rien, quelques croquis et rien d’autre. Mais c’est aussi ma façon de travailler : j’ai besoin de prendre le temps pour faire mûrir la réflexion, le projet avant de me lancer. Pour le personnel enseignant, c’était un peu difficile à comprendre qu’après plusieurs mois de travail, j’arrive avec juste quelques dessins au brouillon… Mais dans ma tête c’était OK ! Et ça a roulé tout seul au final. J’ai été diplômé il y a un an et demi. Et puis j’ai enchaîné avec une sixième année en stage au studio Hermès.

EN COUVERTURE — 35 ��

Et alors

ça t’a permis d’appréhender le métier différemment de voir de l’intérieur cette grande maison ?

J’arrivais avec malgré tout une petite confiance en moi, en sachant où je voulais aller en termes de dessin, mes qualités et mes défauts. Je me suis évidemment trouvé confronté à une culture d’entreprise avec le prisme de la hiérarchie, des rapports de force…Moi, j’étais beaucoup plus détaché même si j’essayais d’être efficace malgré tout. J’ai quand même découvert une maison, franchement, c’est assez dingue. J’ai visité le « Faubourg », leur première boutique à côté de l’Élysée, et c’est vraiment un musée le truc… Les artistes sont épanouis avec des équipes pour eux, des gens qui sont là pour le dessin, en respectant les univers de chacun. C’est le cas en particulier pour la personne qui choisit les artistes, qui garde le lien avec eux, et qui propose aux différents services (maroquinerie, bijoux, mode, etc.) des artistes qu’elle a repérés. Moi, j’étais assistant graphiste et j’adaptais, parfois je redessinais des éléments de dessins des artistes pour les appliquer à d’autres produits. Il s’agissait d’adapter par exemple le visuel d’un carré à un bracelet en reprenant uniquement certains éléments, en redessinant aussi parfois des parties qui n’existaient pas, « à la manière de ». J’avais aussi des commandes, pour créer des visuels pour des invitations par exemple avec plus de latitude, plus d’espace pour exprimer ma personnalité, une DA à part. C’était assez formateur. Et je reviendrai peut-être un jour, qui sait. Et l’entrée dans la vie professionnelle ?

J’ai eu la chance d’enchaîner à la sortie du stage. Métal Hurlant m’a contacté très vite. C’est un projet qui n’est toujours pas sorti, assez long, à propos du Metaverse mais, en tout cas, je n’avais pas trop de questions à me poser. C’était ma première commande. Et puis j’ai eu la chance d’enchaîner avec des commandes de presse avec le New York Times, l’Hémicycle, etc. J’ai eu de la chance de ne pas devoir véritablement aller chercher des clients. Mais la question va forcément se poser. Je fais pour l’instant quasiment exclusivement des commandes éditoriales pour des magazines, des journaux. En même temps, j’essaie tout simplement d’apprendre le métier dans ses autres aspects, au contact d’agents par exemple : la négociation, la paperasse, etc. Des choses qu’on n’a pas apprises à l’école ! Mon travail personnel est plutôt dans les moments de creux. Je fais des croquis, des croquis… Et il faut que j’essaie de développer ma boutique. J’aimerais bien que mon travail se diffuse « naturellement » à travers mes posters. Et aussi pouvoir creuser mes idées d’exposition.

�� EN COUVERTURE — 36

Quels sont tes projets du moment ?

J’ai refait des illustrations pour l’Hémicycle et j’ai un gros projet en attente mais qui n’est pas encore validé, en lien avec les Jeux olympiques. Si ça se fait, j’aurai pas mal de boulot pour quelques mois… Et avec Quintal Atelier, avec qui j’édite aussi des posters, on va sortir à la fin de l’année mon projet de diplôme. Un truc pas forcément vendeur, en noir et blanc, sans texte, mais qui laisse le temps à la méditation et au dessin. C’est une sorte de roman qui traite de la contemplation, c’est pourquoi il y a des temps longs et pas de dialogue. L’histoire retrace le parcours psychologique d’un individu lors d’une balade en fin de journée. Deux chemins s’entrecroisent alors, celui qu’il prend avec son corps, et celui dans lequel il s’engage avec son esprit. Pour finir, ta discothèque préférée ? Je n'ai pas encore fait le tour de tous les univers possibles des discothèques. Pourtant j'adore danser, et ce qui compte c'est la musique. Je ne veux pas aller en discothèque pour écouter le top 50 spotify. Je préfère largement être surpris. l'électro fait souvent bien le travail. Après la musique afro, latino, tout ce qui bouge, moi ça m'emporte ! Ensuite avec mes amis on fait attention à l’ambiance et au respect d’autrui. Les boîtes dites gays sont les mieux de ce que j'ai vu pour le moment. Mes amies surtout ne se font plus accoster et tout le monde s'y sent beaucoup plus libre. C'est un moment partagé avec des gens que j'aime et c'est ce qui m'importe. Surprise, je n'y vais pas tout seul.

EN COUVERTURE 37 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèqque

CRÉA TIONS ORIGI NALES

Est-il si loin que ça, le temps des chaînes en or qui brillent, des ensembles Jennyfer et des petits pas synchronisés ? Le temps des discothèques ne meurt pas car il est parvenu à se faire une petite place, là, tout au milieu de notre petit cœur.

Alors que nous le chérissions rien que pour nous, que nous le cachions dans une pièce secrète de notre âme, nous avons décidé de lui refaire voir la lumière du jour. Et pour faire revivre ces moments-là avec le faste et la beauté qu’ils méritent, nous avons demandé à la fine fleur de l’illustration contemporaine de nous décrire leur fantasme du samedi soir, leur lieu mythique, leur plus grande discothèque du monde. Pour avoir partagé cela avec nous et l’avoir fait avec autant de joliesses, nous disons merci à Carolina Moscoso, Luis Mazón, NOY, Sarah Böttcher, Théophile Bartz, Mathias Martinez, Laura Ottone et Téo Transinne. Et à samedi prochain.

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque CRÉATIONS ORIGINALES — 38 ��
CRÉATIONS ORIGINALES — 39 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Carolina Moscoso l Lux, Lisbonne carolina-moscoso.com
�� CRÉATIONS ORIGINALES — 40 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Luis Mazón l Magic, Barcelone mazonluis.com
CRÉATIONS ORIGINALES — 41 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
[NOY] l Wazuka Town, Kyoto instagram.com/noy.z.cancelling
�� CRÉATIONS ORIGINALES — 42 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Sarah Böttcher l Möbel Olfe, Berlin instagram.com/sarahboettcher_
CRÉATIONS ORIGINALES — 43 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Théophile Bartz l Le Soleil de la Butte, Paris instagram.com/tlbb75
�� CRÉATIONS ORIGINALES — 44 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
instagram.com/mathias___martinez
Mathias Martinez l Diamant Doré
KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Laura Ottone l Bobby Bar, Scionzier instagram.com/laura_ottone
�� CRÉATIONS ORIGINALES — 46 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Transinne l Le Bec de Jazz,
instagram.com/teotransinne
Téo
Lyon

« Going to the discotheque / Getting high

« La chanteuse Sheryfa Luna sera présente à Lisieux, le 24 juin 2023, pour un showcase à la discothèque Le Millenium. Au programme,

/

anciens tubes, dédicaces et séances photo. »

Article de Lucas Larcher, Ouest-France.fr, publié le 30 mai 2023.

�� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque CITATIONS — 47
and getting wrecked
I don’t wanna go to school / I just wanna break the rules » Charlie XCX, « Break the rules »

Si la discothèque est un haut lieu de la fête, la bande dessinée n’est pas en reste. Question cotillons et musique forte, elle sait y faire. Astérix finit toujours par se la mettre dans un banquet, Hopey et Maggie ne sont pas les dernières dans Love and Rockets et Aude Picault en a même fait l’actrice principale d’un de ses classiques : Fanfare. Ne vous inquiétez pas, le marathon de la marrade continue encore aujourd’hui. Dans leurs albums respectifs, Paul Descamps (Zboing zboing , Poubelles city stories), Lisa Blumen (Avant l’oubli , Astra Nova) et Marie Spénale (Millie & Catsou à l'Ultra fiesta) y font référence plus ou moins explicitement, via une atmosphère ou une rupture narrative, ou carrément comme thème de l’histoire. Oui, mais pourquoi ? Et, peut-être plus important, comment ? C’est armés de nos plus jolis fanions que nous sommes allés demander à ces trois-là quel service pouvait rendre l’espacetemps festif dans la construction d’une bande dessinée, mais aussi avec quels petits tips nous pouvions dessiner ces moments, qui sont autant des explosions graphiques qu’une question de ressentis.

Zboing zboing de Paul Descamps n’est pas une grande boum en tant que telle. Elle raconte une journée de copains lycéens aux prises avec une bande rivale autant qu’avec l’administration. Rien de folichon pour qui a vécu son secondaire comme un traumatisme. Ce qui est d’ailleurs le cas de l’auteur. Sauf que lui avait la technique. « Quand j’étais ado, ma vie n’était pas ouf mais je faisais grave semblant dans ma tête. » Une astuce d’auto-manipulation mentale qu’il a reprise et améliorée pour son premier livre qui ne ressemble à aucun autre. Plutôt que de s’enfoncer dans le morne quotidien de notre jeunesse boutonneuse, il en a fait un opéra-rock, lorgnant autant du côté de Starmania que de Jojo’s Bizarre Adventure. Ainsi, le livre devient fête, une fête picturale et musicale qui sonne comme jamais. « J’ai fait un quotidien rêvé. Un rêve de lycée », lâche-t-il, et celui-ci devait absolument passer par la musique. « Ça m’a toujours touché. J’écoute vraiment beaucoup de musique, et ça me

parle. J’essaie de ne jamais être dans le silence. Cet amour est sincère. » Alors, de la passion, le Marseillais est naturellement passé à la concrétisation. « Je ne fais pas de musique mais j’aime bien écrire des paroles. J’aime bien les comédies musicales, mais pas forcément leur musique. Et je me suis dit, là c’est stylé, c’est une comédie musicale où tu peux mettre ta propre musique. » Et Zboing zboing naquit dans ce grand mariage de la surboum et de l’épineuse question du trouble adolescent.

Mais ce n’est pas la première fois qu’il rendait son dû à la party, comme en témoignent ces pages superbes de Poubelles city stories, un fanzine auto-édité en 2022 où la révolution se passe à Strasbourg et, parfois, au dancing. Si la fête se mêle de ses dessins, c’est qu’elle est présente dans sa vie, tout simplement. «

C’est important dans ma vie. Je ne suis pas un teufeur mais j’aime beaucoup quand même. À Strasbourg, on avait même un collectif avec lequel on organisait des raves. »

�� DOSSIER — 48 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
↑ Illustration tirée de Zboing zboing par Paul Descamps, Éditions Matière, 2022 ↑ Illustration tirée de Zboing zboing par Paul Descamps, Éditions Matière, 2022
« Dans les mangas, il y a pas mal d’onomatopées qui vont prendre de la place dans les pages et rythmer le tout.
J’ai compris au bout d’un moment que mon dessin pouvait faire ça »

Et puis, grâce à cette outre-dimension qu’elle représente, la fête est aussi l’occasion pour Paul Descamps de subir à la fois des chocs esthétiques et des chocs émotionnels. « Parfois, c’est tellement beau, une fête, que ça provoque une forte émotion. Quand tout se passe bien, que les gens s’amusent, c’est beau. » Le but du passage à la planche de dessin devient alors évident : « On essaie de faire revivre ces émotions. Ce ne sera jamais vraiment pareil, mais on essaie. »

La singularité de la fête, ce moment suspendu, est aussi un outil chez Lisa Blumen, d’autant plus que ses deux bandes

dessinées ont trait à une fin (de vie ou du monde) imminente. « Dans mes histoires, j’essaie de présenter plein d’aspects et de ne pas rester dans une note trop négative. Mes BD n’ont pas des thèmes très joyeux. J’avais envie de parler de choses différentes. De dire que même avant la fin du monde ou avant un départ sans retour d’un ami proche, il y a aussi des moments de légèreté, des moments drôles et absurdes. Je trouve que la fête peut ramener ça. J’essaie toujours d’intégrer ça pour relâcher les tensions. Même si ça peut en entraîner d’autres ensuite. »

Effectivement, chez elle, la fête n’est jamais gratuite. Elle est un acte moteur de sa narration. Car l’autrice d’Astra Nova et Avant l’oubli s’attache autant à la jouissance de l’événement qu’à son pouvoir perturbateur. Une façon de faire basculer ses personnages dans un état d’esprit qui vient bouleverser le récit.

« Dans beaucoup de mes histoires, mes personnages sont en train d’avoir un déclic de type “oh et puis merde”. Et c’est à ce moment-là qu’intervient la fête. Ça leur permet de mettre de côté les conventions sociales. La fête intervient comme un prétexte et un moyen de lâcher prise et de vivre pour de vrai, de ressentir plus de choses, d’être plus en contact avec les gens ». Cette déconnexion ou plutôt cette ouverture au monde que permet ce genre d’événement vient troubler les certitudes de ses héros, d’autant plus inflexibles, dans ses deux bandes dessinées, que l’avenir est plutôt compromis.

PAUL DESCAMPS - LA BOÎTE QUI TE FAISAIT RÊVER ADOLESCENT ?

Ben je suis pas sûr que j’imaginais aller en boîte ou quoi… j’étais vraiment un boloss.

- TON MEILLEUR SOUVENIR DE SOIRÉE ?

Une fois, j’étais dans un appart d’étudiants ingénieurs je crois et je connaissais pas trop les gens mais je les aspergeais avec un biberon et tout… c’était pas mal. Surtout à un moment, il y avait un canapé avec deux jeunes qui vomissaient dans des bassines et un couple qui s’embrassait juste à côté. C’est super nul à raconter mais la photo est trop bien.

- LA MEILLEURE CHANSON POUR ENFLAMMER LA PISTE ?

« Love is Drugs » – Cartier

God. Enfin c’est peut-être pas enflammant mais je pense que personne ne peut ne pas aimer cette chanson.

- COMMENT TU IMAGINES LA BOÎTE DU FUTUR ?

Je sais pas franchement… j’espère que l’entrée sera gratuite, avec des boissons pas chères et des artistes bien payé·es. J’aime bien aussi les soirées en extérieur, ça pourrait être pas mal de démocratiser les toits ouvrants. Beaucoup de miroirs et des sols qui glissent bien sous les pieds, c’est pas mal pour danser.

DOSSIER — 49 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
↑ Couverture de la BD Millie & Catsou à l'Ultra Fiesta, Nathan, 2023 ↑ Illustration tirée du fanzine Poubelles City Stories de Paul Descamps, 2022
Ainsi, le livre devient fête, une fête picturale et musicale qui sonne comme jamais.
→ Illustration tirée de Zboing zboing par Paul Descamps, Éditions Matière, 2022

« Pour Avant l’oubli, c’était une possibilité d’action avant la fin du monde. La plupart des gens quand on leur demande, il y a ceux qui veulent rester en famille et ceux qui veulent s’éclater la tronche. Je partais de ce postulat-là : les gens disent qu’ils feraient ça, mais qu’est-ce qu’ils feraient vraiment ? Et à chaque fois je revenais avec cette idée de créer du lien avec les gens. C’est pas que s’éclater et prendre un max de drogues. C’est pas ça l’intérêt. »

Et ces instants qui pourraient sembler anecdotiques et nihilistes deviennent, dans le travail de la Parisienne, un temps de réflexion profonde et de remises en question. « Dans Avant l’oubli, au début de la fête, le personnage principal dit à son pote que “de toute façon, plus rien n’a d’importance”. En fait, c’est tout l’inverse de ce qui est dit dans le bouquin : si, justement,

tout a de l’importance. Et encore plus à ce moment-là. Faire la fête pour oublier, c’est pas ça l’idée. Alors il va rencontrer quelqu’un à la fête et il va vraiment se passer quelque chose de chouette. Une histoire d’amour. La fête était un prétexte pour dire que même si on a l’impression que c’est YOLO, on met toujours du sens dans tout. »

C’est dans cette communion bruyante et exacerbée que Lisa Blumen se place pourtant au plus près des individus. Car, paradoxalement, c’est là qu’ils vont faire valoir qui ils sont vraiment. « J’aime bien l’idée que ce soit un prétexte social, mais que chacun en fasse ce qu’il veut. Dans les deux livres, il y a des contre-soirées où les personnages s’extraient de la fête en cours pour avoir un moment hors sol ailleurs. Par exemple Nova ne veut pas participer au karaoké, donc elle va se mettre un peu plus loin. »

Ce n’est pas Marie Spénale, autrice de la BD pour enfants Millie & Catsou à l'Ultra fiesta, qui dira le contraire. La liberté de chacun et la folie des autres sont les points cardinaux de son livre dans lequel ses deux personnages abandonnent leur ronflant quotidien pour se laisser porter par l’effusion. « La fête est par définition un lieu d’expression où les choses ne sont pas prévues et figées. » Contrairement à une certaine période de notre existence récente où tout était très très contraint. « Quand j’ai fait cet album, je l’ai pensé de manière un peu égoïste. Je ne me suis pas dit “qu’est-ce que je pourrais faire comme album pour parler à des enfants ?”, je me suis plutôt demandé ce dont j’avais envie de parler. Il y a l’effet

confinement qui a un peu joué. J’avais envie de retrouver cette vie sociale plus intense et plus joyeuse. » Un album comme une thérapie, comme un plaisir à aller rechercher après des temps difficiles. « C’est un livre que j’ai fait un petit peu pour me donner des leçons à moi-même en me disant qu’il faut être capable de lâcher du lest. Ça parle de fête mais aussi de petites anxiétés sociales, de difficultés à faire la fête. C’était un peu ça qui m’a intéressé dans ce sujet : aller chercher un lâcher-prise. » Un laisser-aller mental qui va de pair avec une explosion graphique en forme de catharsis. « Visuellement, forcément il y a aussi quelque chose d’hyper dense, d’hyper fun à mettre en image. Ça permet de créer des images très fouillées. » Mais d’ailleurs, ça se dessine comment, une fête ?

Avec Zboing zboing de Paul Descamps, le tumulte et le lâcher-prise propres aux moments de liesse sont décelables au premier regard. Ici et là, d’un coin à l’autre de la page, les éléments graphiques tourbillonnent, rebondissent et virevoltent dans un fourmillement qu’on n’a aucun mal à raccrocher au sujet. Son titre avait déjà annoncé la couleur : Zboing zboing sera un livre qu’on écoutera en plus de le lire. C’est d’abord grâce à une utilisation spontanée et non moins méticuleuse de la typographie que l’auteur réussit à rendre le récit ultra-dynamique. « Dans les mangas, il y a pas mal d’onomatopées qui vont prendre de la place dans les pages et rythmer le tout. J’ai compris au bout d’un moment que mon dessin pouvait faire ça, alors que c’était pas forcément voulu au départ. » Se laissant porter par cette heureuse découverte, Paul Descamps disperse ainsi des paroles et des onomatopées où bon lui semble. « Ça me faisait rigoler de faire des choses un peu baroques avec beaucoup d’écriture sur les vêtements et les personnages », nous confesse-t-il, en révélant d’ailleurs tout le soin apporté au choix des vêtements de ses personnages.

�� DOSSIER — 50 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
↓ Double page extraite de la BD Millie & Catsou à l'Ultra fiesta de Marie Spénale, Nathan, 2023 ↑ Planche tirée de la BD Millie & Catsou à l'Ultra Fiesta, Nathan, 2023
« Dans Astra Nova, je voulais que la fête soit un peu too much et qu’elle n’ait rien à voir avec l’histoire.»

LISA BLUMEN - LA BOÎTE QUI TE FAISAIT RÊVER ADOLESCENTE

?

Le Bus Palladium à Paris. J’y suis allée plus tard, et même si la boîte était sur la fin et que ça n’était plus très rock, je m’y suis bien amusée !

- TON MEILLEUR SOUVENIR DE SOIRÉE ?

Ce n’était pas vraiment une soirée, parce que c’était au petit matin, mais je sortais d’une fête bruyante et obscure et dehors il faisait jour et tout était calme. J’ai vu deux oiseaux noirs et blancs voler dans le ciel et s’embrasser comme dans le tableau de Braque. Ça m’a fait me sentir en vie.

- LA MEILLEURE CHANSON POUR ENFLAMMER LA PISTE ?

« Smalltown Boy » de Bronski Beat.

- COMMENT TU IMAGINES

LA BOÎTE DU FUTUR ?

Je pense que les gens vont avoir de plus en plus besoin de décompresser avec ce futur qui s’annonce pas très fun... Donc les boîtes seront indispensables ! Mais elles seront peut-être plus abordables et accessibles.

Ça pourrait être quelque chose hors du système, autogéré, en extérieur, un peu comme la fête de fin de l’humanité dans Avant l’oubli peut-être ?

Colorés, extravagants, taillés à la perfection... Les looks survitaminés des lycéens de Zboing zboing s’apparentent plus à ceux des célébrités qui franchissaient la porte des Bains Douches à son apothéose qu’à ceux portés par les élèves du lycée Jules Ferry du coin.

« Les tenues sortent de mon imagination. Mais bien sûr, on voit des choses et on les recrache sans faire attention. J’étais beaucoup sur Prince au moment de la réalisation de Zboing zboing, il était très stylé avec ses vêtements, ses guitares, etc. », nous dit-il. Une référence plutôt appropriée quand on sait les fêtes dantesques que celui-ci organisait chez lui à Minneapolis. « J’aime bien que chaque personnage soit un héros. Tout le monde est le personnage principal de sa vie. Même dans la foule, je voulais que chacun se démarque », ajoute Paul. Et ce pari est réussi quand on constate la manière dont les corps de chaque personnage occupent l’espace et créent, page après page, une spirale d’énergie qui vient chercher le lecteur pour ne plus jamais le laisser repartir. Dans Poubelles city stories, c’est grâce à des lumières hypnotisantes émanant du plafond de ce qui s’apparente à une boîte que les tenues plus sobres des personnages révèlent tout leur éclat.

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92 C'est quoi, ce bordel ?!! 93
↑ Illustration tirée de Astra Nova de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2023 ↑ Illustration tirée de Avant l'oubli de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2021 ↑ Illustration tirée de Astra Nova de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2023 ↑ IIllustration tirée du fanzine Poubelles City Stories de Paul Descamps, 2022
« C’est assez chouette de faire ces dessins- là. Parce qu’il y a des personnages, du mouvement, c’est un moment de création un peu joyeux. »

Grâce à de nombreux filtres dont la bien nommée « lueur externe », celui qui a « pas mal roulé sa bosse sur Photoshop » illumine ses dessins pour qu’ils soient aussi incisifs qu’un stroboscope en pleine face. Chez Lisa Blumen, la fête est plus discrète, et pourtant toujours utilisée comme un élément narratif puissant permettant de marquer une rupture avec le reste du récit. Elle est le moyen de mettre en avant des sentiments contradictoires, de l’enchantement à l’enfermement. Que ce soit dans Astra Nova ou dans Avant l’oubli, on y pénètre toujours grâce à une pleine page.

Une fois le seuil franchi, les lumières et éléments figuratifs légers et colorés de la première nous entraînent vers une douce décadence : « Dans Astra Nova, je voulais que la fête soit un peu too much et qu’elle n’ait

rien à voir avec l’histoire. Même graphiquement, le fait qu’il y ait ce personnage kawaii, ces petits scintillements, c’était pour rendre la fête grotesque et faire un contraste avec Nova, qui est habillée en blanc et très rigide et qui se retrouve propulsée dans une fête très second degré. » Même si toutes deux interviennent à des moments graves, la célébration d’Avant l’oubli provoque pourtant un tout autre sentiment.

« C’est assez net parce qu’il y a cette espèce d’orgie avec plein de cases partout et des corps qui s’entremêlent. Il y a un étouffement avec trop de corps partout. C’est assez évident que le personnage n’en peut plus et qu’il fuit », nous raconte-t-elle.

MARIE SPÉNALE

-

LA BOÎTE QUI TE FAISAIT RÊVER

ADOLESCENTE ?

J’ai grandi au fond de la campagne, la seule boîte dont je connaissais le nom, c’était le Galaxy, abrégé en Galax’. Mes copines du collège échafaudaient des plans complexes pour y rentrer, à base de talons et fond de teint bien plâtré. Le Galax’ a hélas fait faillite avant que j’aie l’âge d’y aller...

- TON MEILLEUR

SOUVENIR DE SOIRÉE ?

Je garde un souvenir ému de mes études à Paris, à boire du vin de cubi avec mes copines, sur les quais de Jussieu en faisant des bonjours aux bateaux-mouches...

- LA MEILLEURE CHANSON POUR

ENFLAMMER LA PISTE ?

J’aimerais avoir un choix stylé, mais la vérité, qui peut résister à « La Moulaga », de Jul et Heuss l’enfoiré ?

- COMMENT TU IMAGINES LA BOÎTE DU FUTUR ?

À peu près exactement comme dans ma BD ! J’attends des appels de promoteurs, qu’on mette ça sur pied.

�� DOSSIER — 52 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
↓ Illustration extraite de la BD Millie & Catsou à l'Ultra fiesta de Marie Spénale, Nathan, 2023 90 Tchin !
← Illustration tirée de Astra Nova de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2023 ↓ IIllustration tirée du fanzine Poubelles City Stories de Paul Descamps, 2022 ↑ Illustration tirée de Avant l'oubli de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2021
« Parfois, c’est tellement beau, une fête, que ça provoque une forte émotion. Quand tout se passe bien, que les gens s’amusent, c’est beau.»

Avec l’utilisation du silence et de la réduction des dialogues également, elle marque un changement de tension. « Il est dans sa bulle. Il ne voit plus rien, il n’entend plus rien. C’est un bad trip cette fête. Au début il s’amuse un peu, il danse un peu, puis ça devient un peu l’enfer. C’est aussi pour ça que je ne voulais pas qu’il y ait de texte ou de bulles. »

Comme les personnages de ses bandes dessinées, l’illustratrice nous confesse ressentir elle-même une certaine perplexité face aux sentiments que peut entraîner la fête.

Heureusement, lorsqu’il s’agit de la dessiner, Lisa Blumen ne rechigne pas à la tâche : « C’est assez chouette de faire ces dessins-là. Parce qu’il y a des personnages, du mouvement, c’est un moment de création un peu joyeux. Ça vient soulager le dessin, mettre un autre rythme, un peu de légèreté. » S’il en est une autre qui a pris plaisir à dessiner la fête, c’est bien Marie Spénale. « Pour cette BD, j’ai complètement abandonné le genre d’obligations que je me mettais dans le dessin. Je me suis juste mise à dessiner avec moins de crayonnés, comme ça m’amusait », se réjouit-elle. Cette liberté artistique se ressent d’ailleurs d’entrée, dans la manière dont le récit est découpé : « Dans Millie & Catsou à Ultra Fiesta, il y a une grande double page qui représente cette grande fête et on va aller chercher dedans les endroits qu’on a envie de voir d’un peu plus près. Dans la grande image principale, il y a de petites pastilles qui vont renvoyer vers de petites histoires indépendantes les unes des autres mais qui se passent toutes dans cette fête », nous explique Marie Spénale. Bien qu’adressée aux enfants, la fête racontée dans cette BD ne représente pas pour elle une célébration bien éloignée de celles dont on a l’habitude : « J’ai repris des choses de la fête qui sont assez intemporelles qu’on soit enfant ou adulte. Finalement, qu’est-ce qui définit une fête d’adultes ? Je n’ai pas eu l’impression de faire un vrai travail d’adaptation. » Outre les éléments qui rappellent des moments de joie et de fun, à l’instar du trampoline, l’illustratrice s’est allègrement servie de la typographie pour rendre compte de l’atmosphère de la fête : « Entendre le bruit et avoir cette impression de brouhaha, ça faisait partie du livre. Il fallait donc trouver des astuces pour que ça s’intègre bien. C’est passé par des trucs bêtes mais par exemple, toute la typographie est dessinée à la main pour que je puisse avoir des onomatopées qui viennent s’intégrer, pour qu’il n’y ait pas de grosses différences entre le numérique et mon dessin ».

En effet, chaque petite histoire présente dans le livre est accompagnée d’une onomatopée soigneusement choisie, ajoutant une ambiance sonore supplémentaire à la lecture.

« Les onomatopées donnent un truc un peu plus marrant à lire, et directement une ambiance. Par exemple, si je dis qu’une histoire s’appelle “chomp chomp”, on a des bruits de bouche qui viennent en tête, c’est l’idée d’immersion ». En plus de la dimension sonore apportée à ses histoires, l’esthétique festive de la BD de l’illustratrice a été renforcée grâce à une esthétique colorée et vintage éclatante. « Graphiquement, j’ai quand même essayé de faire un truc assez psychédélique, années 70 »,s’amuse-t-elle.

C’est par toutes ces astuces que Marie Spénale, Paul Descamps et Lisa Blumen ont su capturer l’énergie, la joie, les tensions et les questionnements propres à la fête. Lieu d’expression, de liberté et de lâcher-prise dans le vrai monde, la fête peut devenir un sujet propice au relâchement et au plaisir sur papier, et il serait bien dommage de s’en priver.

DOSSIER — 53 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
↑ Illustration tirée de Zboing zboing par Paul Descamps, Éditions Matière, 2022 ↑ Illustration tirée de Avant L'oubli de Lisa Blumen, L'employé du moi, 2021 ↓ Illustration tirée de Zboing zboing par Paul Descamps, Éditions Matière, 2022 Rédaction par : É. Quittet et M. Gueugneau
« J’ai repris des choses de la fête qui sont assez intemporelles qu’on soit enfant ou adulte. Finalement, qu’est-ce qui définit une fête d’adultes ? Je n’ai pas eu l’impression de faire un vrai d’adaptation.travail »

Sous les paillettes, la rage

Pourquoi les fêtes LGBTQ+ sont si précieuses

Co-fondatrice du média culture queer féministe Manifesto XXI et autrice d’un livre sur le drag à paraître à l’automne 2023, Apolline Bazin nous parle de l’importance de la fête pour la communauté LGBTQ+.

�� INVITATION — 54 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

Plonger dans les nuits LGBTQ+ est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées. J’y ai découvert les joies du dancefloor, le drag, ma bisexualité (entre autres). Au fil du temps, j’ai aussi appris que c’est un pan d’histoire culturelle passionnant, à la croisée du militantisme, des arts et de la dance music. La longue lutte pour les droits LGBT a d’ailleurs commencé dans un bar : dans la nuit du 26 au 27 juin 1969, des femmes trans, des hommes gays et des butchs se sont rebellé·es contre une énième descente de police au Stonewall Inn à New York. Après cette révolte, au fil du mouvement de libération gay, les bars sont devenus des lieux de vie encore plus importants pour la communauté naissante. Mais il ne faut pas croire qu’il n’y avait pas de fêtes queers avant cette date clé ! La plupart étaient privées, mais l’euphorie festive des années folles a vu naître de nombreux lieux gays. Aux États-Unis, cette période porte même le nom de Pansy Craze, « vogue des tapettes ». Avant que les nazis ne s’emparent du pouvoir, Berlin comptait des dizaines de bars gays et lesbiens, ce n’est donc pas un hasard si les premières associations homosexuelles et travesties se sont créées en Allemagne à cette époque. Les fêtes sont des moments indispensables et parmi les rares espaces (relativement) safe qui existent. Avant Internet, les applis de rencontre et les quelques médias LGBT qui existent, la seule manière de rompre l’isolement (et/ou de pécho), c’était de sortir dans un bar ou une soirée. Encore aujourd’hui, les moments de joie nocturne sont essentiels pour se découvrir et rencontrer des ami·es. J ’aime à penser que dans les moments de grâce qui se produisent parfois sur le dancefloor, il se crée des liens invisibles entre les corps qui dansent ensemble et se retrouvent par la suite en manif ou ailleurs. La fête permet de faire corps, de créer une mémoire physique de la joie partagée. Les nuits queers sont des lieux de résistance mais aussi d’innovation artistique dont de nombreux artistes ont émergé. Déjà, la communauté LGBT naissante a inventé l’esprit du clubbing moderne quand le public gay a embrassé la vogue du disco. Ensuite vint l’art du DJing : parmi les pères fondateurs de la house music de Chicago, il y a Frankie Knuckles et Larry Levan, deux hommes gays noirs. Espace

�� INVITATION — 55 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

de célébration des gays et trans latinos et noir·es, la ballroom scene a aidé un nombre incalculable de talents à s’épanouir, du danseur Willy Ninja au producteur Kevin Aviance. Cette culture mêlant excellence artistique et solidarité continue de se développer à travers le monde, dont en France où naissent de nouvelles légendes. Depuis toujours, la magie des fêtes LGBTQ+ permet, pour qui le souhaite, de se transformer le temps d’une nuit ou pour toute la vie. C’est dans les cabarets de Madame Arthur et du Carrousel que les femmes trans organisent leurs réseaux de solidarité dans les années 1960. De ces scènes naissent les premières icônes trans connues du grand public, Coccinelle et Bambi. Les cabarets et les premières troupes drag ont aussi créé des espaces de rencontre pour la communauté. Naviguant entre arts de la scène et fête, les drag queens sont les piliers de nombreuses soirées. Les nuits des Blitz Kids de Londres sont restées mémorables pour leur sens du style. Elles symbolisent les prémices d’une nouvelle génération de queers, une jeunesse dont l’expérience de genre est fluide. Dix ans après à New York, le turbulent mouvement des Club Kids a chamboulé les codes du clubbing, du drag et de la mode. Toute cette créativité, cette constellation d’espaces-temps, contribue à faire de certains clubs des lieux de mémoire habités par des fantômes illustres et des ombres anonymes joyeuses. Les riches heures d’une boîte deviennent des mythes que l’on regrette de ne pas avoir connus, comme le Pulp, le paradis perdu des lesbiennes à Paris qui a fait débuter des DJ et productrices lesbiennes légendaires : DJ Sextoy, Jennifer Cardini, Chloé Thévenin, Maud Geffray. Parfois on serait presque tenté·e de dire que certain·es avant nous savaient mieux s’amuser… En tout cas, perso, j’aurais adoré connaître la soirée Barbie Poufiasse organisée au bar lesbien le Scandalo ! S’intéresser à l’histoire de la fête dans la culture LGBT, c’est une manière de rencontrer des aîné·es, de s’imaginer appartenir à des lignées, alors que dans le reste de l’histoire officielle de la société, c’est l’invisibilité des vies dites minoritaires qui prévaut. Les fêtes LGBTQ+ sont aussi souvent mises au service d’une cause de récolte de fonds pour soutenir une association ou pour aider une personne trans à payer ses frais médicaux,

�� INVITATION — 56 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

une tradition qui remonte sans doute plus loin que les années 1980 mais qui a joué un rôle clé dans l’épidémie de VIH/sida. Pour les survivant·es de cette hécatombe, la fête était un lieu d’exutoire de sa peine, comme le montre bien 120 battements par minute de Robin Campillo. Mais, si flamboyantes que soient les nuits LGBTQ+, ces bulles de libertés restent fragiles. Déjà, certaines fêtes connaissent une forme de capitalisation qui, souvent, leur fait perdre leur force. Le prix d’un événement conditionne la composition de son public, et c’est d’autant plus vrai quand on s’adresse à une communauté globalement précaire. L’explosion du collectif techno Possession, de l’underground à l’échelle mondiale, est emblématique de cette tension : peut-on toujours se revendiquer queer (et sous-entendu engagé) quand l’entrée de la soirée coûte 25 € ou plus ? Par ailleurs, créer des lieux par et pour les LGBTQ+ (et les faire perdurer) est une bataille. Les lesbiennes et les personnes trans disposent de beaucoup moins d’espaces dédiés ; à Paris, ces lieux se comptent sur les doigts d’une main. Enfin, il y a la haine LGBTphobe qui menace toujours et frappe au cœur des nuits refuges : le 12 juin 2016 à Orlando, une tuerie de masse par fusillade ôte la vie à 50 personnes au club le Pulse. Si sortir la nuit n’a jamais été sans danger, l’année 2022 a bien été marquée par une augmentation des attaques contre les drag shows aux États-Unis, il y a eu une tuerie au Club Q de Colorado Springs, et deux bars ont été attaqués à Oslo et Bratislava. Malgré des décennies de combat acharné et de génie festif généreux, on en est donc « encore là ». Des personnes queers à la fête peuvent encore mourir de s’amuser, de vivre simplement, parce que cette vision d’altérité heureuse est intolérable pour certains. Pourtant, il faut continuer de danser, jouir, rire et aimer, pour qu’un jour advienne l’utopie harmonieuse aperçue entre deux flashs de stroboscopes.

�� INVITATION — 57 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Visuels dans l'ordre d'apparition : Jean Ranobrac - 27 Kindergarten, Compilation - BBX #2 (2023), Eris Drew & Octo Octa - Devotion EP (2018), POSE, Sylvester - Do You Wanna Funk (1990), Kiddy Smile - House of God (2018), Sébastien Lifhitz - Bambi, le documentaire (2013), Honey Dijon - Black Girl Magic (2022), Honey Dijon feat. Channel Tres - Show Me Some Love (2022), Robin Campillo - 120 Battements Par Minute (2017), Sexy Sushi - Marre Marre Marre (2008)

Objet imprimé choyé depuis plusieurs décennies, le magazine TRAX conte la musique électronique et la culture vivifiante qui s’est construite autour d’elle au fil des albums et des révolutions. C’est donc tout naturellement vers la team de chez TRAX que nous nous sommes tourné·es lorsqu’il a fallu trouver le client idéal pour nous soumettre sa bibliothèque idéale « Discothèque ».

1. La bibliothèque idéale de TRAX pour Kiblind

2.

3.

4. 5.

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque �� LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE — 58

1.

Jamaica, Jamaica – Catalogue de l’exposition à la Philharmonie de Paris, La Découverte, 2017 Né de l’exposition JAMAICA JAMAICA ! à la Philharmonie de Paris (2017), cet ouvrage permet de comprendre comment une si petite île (sa superficie excède à peine celle de la Corse),) est devenue en quelques décennies une figure exceptionnelle de l’histoire de la musique. On y apprend, sous la plume de l’économiste Thomas Vendryes, que les Jamaïcain·es sont d’extraordinaires consommateur·ices de musique – un élément essentiel d’identité culturelle et sociale. Les illustrations font ainsi la part belle à la culture du sound system, qui peut transformer n’importe quel lieu en piste de danse. On y découvre également les origines du dancehall, cet « enfant terrible » du reggae né dans les quartiers défavorisés du pays. Mention spéciale aux textes de la chercheuse Carolyn Cooper, qui est la première, et toujours l’une des seules, à présenter une analyse féministe des dancehall queens, ces danseuses qui ont conquis le dancefloor jamaïcain en réclamant leur droit au désir sexuel, avant de partir à l’assaut du monde entier.

2.

The Haçienda : How Not to Run a Club, par Peter Hook, Simon & Schuster, 2010

Écrit par Peter Hook, bassiste des groupes Joy Division et New Order, The Haçienda : How Not to Run a Club narre l’histoire de la légendaire boîte de nuit du même nom à Manchester. Hook y décrit l’ascension du club ouvert en 1982 par New Order et son label Factory Records, rapidement devenu le point de collision entre la culture rock et la house naissante. On y découvre aussi la mauvaise gestion de la boîte, ses finances déficitaires et ses problèmes de drogue qui ont finalement conduit à sa fermeture en 1997. Les expériences personnelles de Hook en tant que copropriétaire du club fournissent un aperçu unique du monde de la vie nocturne de l’époque. Plus de vingt ans après sa fermeture, le club se trouve toujours sur toutes les lèvres des Mancuniens, devenu icône culturelle, puis victime de ses propres excès. Si vous avez vu et adoré le film 24 Hour Party People et que vous voulez vous plonger un peu plus dans cette histoire, foncez sur ce récit brut et fascinant.

3. La nuit du 5-7,

C’est l’un des plus terribles faits divers qu’ait connus le monde des discothèques en France. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1970, en Isère, 146 jeunes gens meurent brûlés vifs dans l’incendie du 5-7, un dancing où ils assistaient à un concert de rock. Tous, ou presque, avaient moins de vingt-cinq ans. Huit jours plus tard, Charles de Gaulle décède à l’âge de 79 ans dans sa propriété de ColombeyLes-Deux-Églises. C’est en écho à la tragédie du 5-7 que l’hebdomadaire satirique Hara-Kiri titrera sa une « Bal tragique à Colombey : 1 mort », ce qui lui vaudra une interdiction de publication et donnera naissance à Charlie Hebdo. Mais derrière la portée politique de cet événement, le livre de Jean-Pierre Montal raconte surtout l’adolescence et le désenchantement dans la France d’après Mai 68. Un livre bouleversant qui raconte une jeunesse prise au piège, dans une époque qui la dépasse. Rétrospectivement, difficile de ne pas penser aux attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan.

4.

Ten cities, par J. Hossfeld, Spector Books (2020)

On le sait, chaque ville a son identité, son ADN. Et bien souvent, c’est dans les clubs qu’il est le plus facile de ressentir l’énergie qui agite l’espace urbain et qui lui donne sa saveur et sa singularité. Ce livre énorme de 560 pages publié par la très belle maison d’édition Spector Books revient donc sur l’histoire de 10 villes par l’intermédiaire de 10 clubs qui les ont fait vibrer, entre 1960 et 2020. Voyageant entre Nairobi, Lisbonne, Berlin, Kyiv, Lagos, Luanda, Le Caire, Naples, Johannesburg et Bristol, cette sélection a l’intelligence de ne pas tomber dans une vision occidentalo-centrée de la fête, comme c’est encore trop souvent le cas. Sorti en pleine période de Covid-19 et de confinements, ce livre mêlant photographies et essais rappelle à quel point les clubs sont des laboratoires nocturnes absolument essentiels qui ouvrent la porte vers des modes de vie différents et sur cette altérité qui fait la sève du monde de la nuit.

5.

The Trap, de Vincent Desailly, Hatje Cantz, 2019 Depuis le début des années 2010, Atlanta est devenu non seulement la capitale mondiale du hip-hop mais aussi l’épicentre du mouvement trap qui influence la pop aux quatre coins du monde. Pourtant, la ville n’a pas été fondamentalement transformée pour autant. Dans les quartiers sud et est d’où sont originaires la plupart des rappeurs locaux, la vie suit son cours loin des clichés gangster souvent associés à la trap. C’est à cette réalité que le photographe français Vincent Desailly a décidé d’aller se confronter afin de raconter avec une délicatesse rare le quotidien de ceux qui gravitent autour de cette musique. On y découvre les rues d’Atlanta mais aussi ses clubs de strip-tease qui jouent un rôle de laboratoire pour toute la scène trap. Les DJ y passent en exclusivité les nouveaux morceaux locaux. Si le public et les danseuses réagissent, le futur hit est mis en ligne dans la foulée. Bref, une autre forme de discothèque, avec des barres de métal.

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque �� LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE — 59

« Carcassonne (11000) : à vendre, un fonds de commerce de bar de nuit – discothèque, situé au cœur d’une ville étudiante du sud de la France. […] Lieu emblématique du monde de la nuit sur son secteur, sa réputation n’est plus à faire. » Annonce postée le 7 mars 2023 sur le site placedescommerces.com

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Kiblind Magazine → 84 → Discothèque �� CITATION — 60
«
Je pense qu’on est un peu les médecins du samedi soir, on soigne le moral des jeunes disons » – Un entrepreneur de bals ambulants dans le documentaire Samedi soir en province , réal. Jean-Michel Destang, 1995.

LA PLAYLIST DISCOTHÈQUE DE

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PART.1 DO

AT THE DISCO DISCOTECA

RICKY WILLIAMS

Aller en discothèque en rollers, c’est OK ?

GARY’S GANG

Sifflet, percussions, cuivres, tu attends que le DJ coupe bien les basses dans le break pour t’envoler vers le soleil à facette au retour du groove.

DAVID KENO

HOUSE

Il est à peine 1h du matin ici, tu sens que la pression dans la boîte noire commence à monter, tes voisins pleins de paillettes musclent leur danse.

FRANZ SCALA

C’est la saison de Roland-Garros, j’espère que t’as prévu un petit bandeau pour contenir la sueur.

IAMNOTAROBOT

DISCO

RUBBER ROOM

Un poil trop entêtant cette histoire.

LIBRA DISCOTHEQUE MEET CLAUDIA

2016 2012 2018 ITALO

Au Brésil aussi, on sait mettre le feu au dancefloor.

PARADISIO

2009 NU DISCO ITALO DISCO DISCO 1997 EURO HOUSE

Bonjour, nous sommes en 1983, toutes les discothèques installées au bord de la mer Adriatique vibrent au son électronique de l’italo discoteca, un classique du clubbing libre et solaire qui sent bon les Wayfarer et la gomina.

Oui je sais, c’est kitsch, mais pourquoi se forcer à faire l’autruche, ici on vénère la discothèque sans aucune retenue.

FRANÇOIS VALÉRY

Car sans elle ou lui, il n’y a pas de discothèque.

Quittet → Graphisme : A. Bruguière

�� 61 — PLAYLIST KIBLIND Magazine → 84 → Dsicothèque
Là il est plutôt 6h du matin, on attend tous que le soleil se lève, et il ne va pas tarder. → Propos recueillis par : É.
GABRIELLA FAVA
DISCOTHEQUESOUL
Membre de Furie et des Sheitan Brothers, Patxi a écumé la France en long, en large et en travers et a pu se produire dans ses dancings les mieux gardés. Lorsque nous lui avons demandé sa playlist « discothèque », l’artiste lyonnais a pris l’affaire au pied de la lettre et on n’en attendait pas moins.
1971 2009 FRENCH
FUNK ITALO DISCO 1978
BOOGIE 1984 ELECTRONIC DISCO

Boule à facettes

Au milieu de tout ce foutoir, elle règne. Elle plane, fière et supérieure, dans les cieux de ce monde sombre et délétère. Les brebis égarées que nous sommes, aux visages tordus par l’effort d’une contorsion corporelle plus que suspecte, lèvent alors les yeux et se retrouvent nimbées des couleurs de la justice et de la vérité. Elle guide le troupeau vers les champs fertiles de la danse et de la joie, nous transformant en apôtres du bonheur pour tous. En un mot comme en cent, la boule à facette nous illumine. Aussi nous fallait-il la remercier une bonne fois pour toutes : elle est le symbole de la fête réussie et des chorégraphies avant-gardistes. Alors nous nous sommes munis d’une pelle et d’une pioche et avons plongé dans la mine d’or de la création dessinée. Nous en avons ressorti les pépites qui se trouvent dans les pages qui suivent pour concocter un maxi best-of des plus belles représentations de celle à qui nous devons tout. Chère boule, accepte ce menu présent, si tu nous en crois dignes.

BOULE À FACTTES — 62 ��
KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
IMAGIERBOULE À FACTETTES �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Molesti instagram.com/manonmolesti
Manon
�� IMAGIERBOULE À FACETTES KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Alice Bloomfield instagram.com/bl00mfield

Petrouchkaka instagram.com/petrouchkaka

IMAGIERBOULE À FACTETTES �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
�� IMAGIERBOULE À FACETTES KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Tess Smith-Roberts instagram.com/tesssmithroberts
IMAGIERBOULE À FACTETTES �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Aproh instagram.com/aprohdite
Adèle
�� IMAGIERBOULE À FACETTES KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Rena Nishioka
instagram.com/rena.nishioka
IMAGIERBOULE À FACTETTES �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Lauren Martin instagram.com/laurenmartin_studio

Orn-in

�� IMAGIERBOULE À FACETTES KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Dejsakulri instagram.com/wunmoon

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Sidi Larbi Cherkaoui / Ballet du Grand

Théâtre de Genève

Dimitris

Papaioannou

Lia Rodrigues

Marco da Silva

Ferreira

Hortense Belhôte

Compagnie XY

Dorothée

Munyaneza

Zora Snake

Maguy Marin

Ballet de l’Opéra

national du Rhin

Monsieur K.

Trisha Brown / Noé Soulier

Ousmane Sy

Mellina Boubetra

Gaëlle Bourges

São Paulo Dance Company

Sylvère Lamotte

Jonas&Lander

François Chaignaud & Geoffroy Jourdain

Patricia Allio

David Coria

Phia Ménard

Aurélien Bory

Gandini Juggling

Les Idoles

Marlene Monteiro

Freitas / Ballet de l’Opéra de Lyon

Sankofa Danzafro

Joachim Maudet

Cirque Le Roux

Mathilde Monnier

La Cousinade

Jan Martens

Femke Gyselinck

Saïdo Lehlouh

Dominique Bagouet / Catherine Legrand

Trajal Harrell

Cirque Éloize

Sharon Eyal +

Hofesh Shechter /

GöteborgsOperans Danskompani

Mehdi Kerkouche

Régine Chopinot

Compagnia TPO

Jeune Ballet du CNSMD de Lyon +

House On Fire

Histoire(s) de la danse Cosmologies

8E Festival

Conception : Trafik.fr Licences 1-LR22-1137, 2-LR22-1138, 3-LR22-1139
Maison de la danse Lyon 24
maisondeladanse.com Abonnez-vous ! à partir de 4 spectacles
Maison + Ateliers + Danse

> Sélection Kiblind

Clocki

CRÉPUSCULE ■ Les idoles ne veulent montrer qu’une seule face. Celle, brillante et humble, d’un être parvenu à se hisser au-dessus du niveau des hommes tout en paraissant l’égal de tous. Mais il y a bien un revers à la médaille. La dissonance cognitive issue de cet état d’entre-deux, moitié nous moitié dieu, tend quelques ressorts dans notre cerveau, jusqu’à fatalement en rompre certains. Prenons l’exemple de Clocki dont les gloires et les déchéances nous sont contées par Mathias Martinez dans sa superbe BD du même nom. Clocki est la star du petit-déjeuner, de la cour de récré, du goûter, de tout ce qui rythme la vie des enfants. C’est un réveil anthropomorphe aux aiguilles en tire-bouchon et à l’humeur toujours rigolarde. En 1955, il règne en maître sur l’esprit de nos chers bambins, à tel point qu’un parc d’attractions lui est dédié. C’est cet espace fantastique, coincé entre le rêve et la réalité, qui servira de fil rouge aux divers chapitres du livre. Il sera le symptôme des vicissitudes traversées par Clocki, entre alcoolisme, renaissance et extinction définitive. Mathias Martinez, pour nous parler des superficialités de la célébrité, nous embarque donc dans les grands huit de ce lieu fanfare qu’est le parc d’attractions. Adoré, délaissé, jalousé, saboté, rempli de fantasmes en même temps qu’obéissant à l’avidité la plus crasse qui se niche derrière la belle histoire de Clocki, le parc est un nœud de contradictions. À la manière d’un documentariste omniscient, le jeune auteur nous livre les histoires de celles et ceux qui font vivre le lieu, depuis son absurde star jusqu’à ses agents d’entretien. Dans son élan extraordinaire, le dessinateur pousse tous les curseurs à fond et ce qu’il détruit bruyamment d’une main, il le reconstruit de l’autre. Il n’y a pas de haine, ni d’adoration de la part de celui qui a grandi à quelques pas de Disneyland Paris, simplement une fascination brûlante que chaque page déroule en soufflant sur les braises.

Et ce n’est pas son dessin qui mettra le pied sur la pédale de frein. Inspiré par les cartoons américains des années vingt (Betty Boop, entre autres) et par l’ébouriffante imagination de Winsor McCay (dont un des fanzines reprend superbement le Little Nemo), Mathias Martinez laisse son crayon remplir la page de personnages impossibles, de situations improbables et d’arabesques enchanteresses. Inédite, inouïe et inoubliable, cette première œuvre cartonnée de ce diplômé de la HEAR laisse les yeux tourner dans leurs orbites et le cerveau faire des bonds pendant une lecture qu’on espère jamais finie. Garanti sans redescente.

→ Clocki de Mathias Martinez, Misma, 128 pages, 22 € → misma.fr

SÉLECTION PRINT — 73 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

Creuser Voguer

LABEUR ■ À la pêche à la barbe, je ne veux pas aller, maman. Je ne veux plus non plus caresser les mognoles, livrer en bibinettes et dresser le pijaunes. Les emplois inventés par Delphine Panique pour son nouvel album Creuser voguer n’ont pas le goût de reviens-y. Ce qui s’en dégage est plutôt le fumet du casse-toi et n’y retourne pas. Précaires, prenants, pénibles, peu payés, insensés et à durée déterminée, ils traînent avec eux tout ce qui encombre le principe même du travail. Si ces métiers n’existent pas, ils reflètent quand même très bien les problématiques du monde réel. Un monde où ce sont toujours les mêmes qui s’occupent de faire ce que personne ne veut faire. En faisant le choix de la fiction, Delphine Panique n’euphémise pas le propos, bien au contraire.

C’est dit dans l’avant-propos, d’ailleurs. Delphine Panique y raconte son expérience sur une BD-documentaire. Elle y raconte sa gêne de parler pour d’autres, tout en ne pouvant faire sien le propos de ses planches. Pour pouvoir affirmer pleinement sa subjectivité et, paradoxalement, être le plus authentique possible, elle choisit de nous mentir. En façade du moins. Car si les emplois évoqués sont faux, la souffrance endurée par celles qui y mettent les mains est bien réelle. En dix histoires à l’ambiance pas ouf, narrant ces vies terrassées par le travail, ces mères seules, ces adolescentes trop tôt sorties de l’école, l’autrice dresse le portrait d’une dimension parallèle aux problématiques identiques à la nôtre. Et c’est édifiant.

Pourtant, il ne faut pas penser que l’heure est seulement au combat et au sérieux à tout crin. Comme à son habitude, Delphine Panique laisse passer les rayons de l’humour et de la poésie pour laisser au lecteur le droit de souffler. Le dessin n’est pas en reste pour redonner le sourire au regardeur. Son mélange de simplicité dans le trait et de grande rigueur dans les compositions offre de sublimes pages dans lesquelles l’adage du « less is more » est plus qu’un simple slogan. La maîtrise du gaufrier est également confondante par endroits, comme ces premières pages du Grand gori où le bateau s’éloigne du quai aussi bien dans l’histoire que sur la page même. Après Orlando et En Temps de guerre, Delphine Panique continue, avec Creuser voguer, de mettre le sel sur les coins sombres de nos sociétés. Un sel aussi piquant pour l’esprit que ragoûtant pour les yeux et qui affirme l’autrice comme l’une des plus intéressantes de la production actuelle.

→ Creuser voguer de Delphine Panique, Cornélius, 248 pages, 24,50 € → cornelius.fr

Dum Dum

TRAUMATIQUE ■ Et puis Lukasz Wojciechowski fit son retour. Après Ville nouvelle et Soleil Mécanique, ses deux précédents et excellents albums parus chez Çà et Là, l’auteur adoré revient par chez nous pour nous donner une leçon de singularité. Armé du logiciel AutoCad, habituellement dédié à la réalisation de plans, l’architecte de formation gratte une fois de plus les cicatrices de l’Europe centrale des années 1930. Avec son style si particulier, effet d’un outil technique à part et d’une science rare de la mise en page, il convoque dans le même temps la figure de son arrière-grand-père et les obsessions d’Alexander Döblin pour les poussières sous le tapis d’une Allemagne au bord du nazisme.

Jeune vétéran de la première guerre mondiale qu’il a effectuée du côté de l’Allemagne, le Polonais Stan Wojciechowski vient s’installer à Berlin après un long séjour en hôpital et des études de dessinateur technique. La capitale allemande est en pleine modernisation avec l’arrivée de l’électricité dans toute l’agglomération, un nouveau système ferroviaire et des quartiers tout neufs, prêts à accueillir la main-d’œuvre qui ne manque pas d’être attirée par tant de brillant. Au milieu de tout ce bruit et de toute cette fureur futuriste, Stan est pris à la gorge. Et les symptômes post-traumatiques de la boucherie de 14-18 se font de plus en plus forts, entre crises et accès de violence. À travers la figure de son aïeul, Lukasz Wojciechowski convoque toute l’époque. Une ère de transformation totale où l’on reconstruit une mythologie de la modernité sur le brasier encore brûlant d’une guerre qui a foutu en l’air des millions de gens. La folie de son arrière-grand-père est le miroir d’une période sans transition qui a vu naître les plus grands espoirs et les pires horreurs. Car derrière la lumière des néons flambant neufs, du cinéma et de la mobilité fulgurante, c’est bien le bruit des bottes qui commence à se faire entendre, jusqu’à mettre tout le reste en sourdine. L’immensité du sujet abordé trouve dans le dessin géométrique et épuré de l’auteur un foyer dans lequel il peut déployer toute sa nuance. Ouste les effets de manche et le spectaculaire. Tout tient dans un trait, deux, dans une construction narrative aussi humble que juste et dans la montée en tension d’un homme et d’une société d’un même élan. Le tour de force graphique n’en est plus un : il est un outil parfaitement adapté aux volontés et à l’intelligence d’un auteur hors norme.

→ Dum Dum de Lukasz Wojciechowski, Çà et Là, 272 pages, 25 €

→ caetla.fr

�� SÉLECTION PRINT — 74 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

The Red

Naturellement Monkey

AVENTURE ■ Il y a bien un moment où il faudra élire Joe Daly président de tout ce foutoir. Son prix spécial du jury à Angoulême 2010 ne suffit pas, c’est évident. Bien qu’il récompense justement son incroyable série Dungeon Quest, il ne doit pas être considéré comme un crédit suffisant à l’immense débit que nous avons envers l’auteur sud-africain. Malheureusement, les pauvres citoyens que nous sommes n’avons pas la prise nécessaire sur le cours du monde pour offrir à ce génie les manettes de notre civilisation. La réédition de The Red Monkey par L’Association nous donne cependant la possibilité d’éponger un peu de notre dette. Achetons-le en masse et rendons cet homme riche à millions, ce sera déjà pas mal. En plus de nous amender envers l’un des plus grands cerveaux de notre temps, l’acquisition de cette nouvelle ancienne BD, parue à l’origine en 2009, nous permettra de passer un excellent moment au cours duquel action, absurdité et complot mondial font un pacte d’ébaubissement. Pour faire court, vous êtes, en ouvrant ce livre, face à un mutant véritable qui croise les ambitions de Tintin et de Eh, mec elle est où ma caisse ? L’histoire en un mot : Dave est un auteur de comics, docteur en procrastination. Alors, quand son pote Paul lui propose de partir à la recherche d’un capybara échappé de son enclos, il dit oui, avec plaisir. Il met alors sans le savoir le pied dans un scandale immobilier tentaculaire et écocide qui le mènera vers les plus périlleuses péripéties. Heureusement, il a des pieds en forme de mains de singe. Au-delà d’une imagination à toute épreuve, il y a chez Joe Daly cette capacité à fusionner ironie et premier degré qui met le lecteur en état d’hébétude parfaite. Car si The Red Monkey singe la mécanique tintinesque et son dessin en ligne claire, ce n’est pas pour s’en moquer. C’est avant tout pour en saluer la puissance en même temps que pour précipiter le tout dans un monde actuel aux accents malades affirmés. Le goût du dialogue trop long et de la mise en scène trop lente vient apporter ce décalage subtil à un hommage bien réel. La marrade, certes, mais avec cette même attention à transporter le lecteur dans une aventure trépidante, aux rebondissements aussi incroyables que crédibles dans le cadre de ce contrat étrange qui lie irrémédiablement l’artiste au lecteur. Dans ce spectacle de funambule, il n’y a souvent qu’un pas entre le ratage complet et le chefd’œuvre. Joe Daly a choisi la deuxième option.

→ The Red Monkey dans John Wesley Harding de Joe Daly, L’Association, 80 pages, 24 €

→ lassociation.fr

VIRUS ■ C’est quand même étonnant, ce que nous réserve le futur. Dans Naturellement, le nouvel album de Yannis La Macchia, un virus informatique se transmet aux êtres humains. Et l’effet est du genre terrible puisqu’il provoque la transformation des individus en statues aussi effrayantes que majestueuses. Oh, bien sûr, la situation n’était pas rose avant cela avec ses villes bunkérisées et ses paysages désolés. Disons que ça en rajoute une bonne couche et que, comme tout bon événement, il en profite pour faire bouillir les interactions sociales. C’est sur celles-ci, plus particulièrement au sein d’une communauté autonome, que se penche l’auteur suisse. Ou comment on gère l’enfer. Pour Yannis La Macchia, la fin est toujours une sorte de début. On l’avait vu dans Les Bâtisseurs, son précédent effort, réédité ces jours-ci chez Atrabile. Le livre nous comptait l’obsession architecturale de survivants sur une île déserte, en même temps qu’il déployait l’amour de son auteur pour le dessin gratuit. Ici encore, l’apocalypse n’est pas l’éradication de tout. Il fait même pousser des choses, mauvaises herbes et fleurs jolies tout ensemble. C’est cette ambiguïté qui se trouve creusée le long d’un récit choral qui suit un brave surfeur, un Musclor faiblard, un écologiste tatillon et un addict jamais redescendu de sa dernière prise, celui qu’on surnomme aimablement « pupute ». Cet anti-héros prendra le lead sur l’histoire puisque c’est en grande partie lui qui provoque ou subit les événements. D’ailleurs, son comportement absurde consistant à hurler « nature » sur tous les tons en même temps qu’il verse de l’essence sur les plantes sera l’occasion d’un tacle deux pieds en l’air sur certains acteurs du monde réel. De ce brouhaha inconcevable naîtra tout de même un enfant dans le récit et une foule de coups d’œil avisés de l’auteur sur le vivreensemble en temps d’incompréhension totale. Sur maintenant, quoi. Une dystopie qui pourrait déraper bien vite si Yannis La Macchia ne prenait pas sur lui d’arranger les pages comme une symphonie. Balayant très régulièrement le gaufrier et parsemant la page de grands et petits dessins, d’encarts et d’incises, de bulles et de silences, l’auteur est un chef d’orchestre de talent. Il guide les yeux et la pensée du lecteur par une mise en page au rythme fluctuant mais solide, sans beaucoup d’équivalents on doit dire. Là-dedans s’ébat un dessin toujours aussi fascinant et collant parfaitement à l’atmosphère figue et raisin de la narration. Tour à tour subtil ou grossier, nuancé et contrasté, grandiose et riquiqui, il donne à voir l’ambivalence de cette fin du monde pas si pire. Ce qui nous donne un livre hautement transmissible.

→ Naturellement de Yannis La Macchia, Atrabile, 264 pages, 30 €. Disponible également en numérique chez Collection RVB pour 9,50 € en librairie ou 6,50 € sur le site

→ atrabile.org – collectionrvb.com

SÉLECTION PRINT — 75 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
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Quelques Minutes Un jour,

le soir après que le temps s’arrête

DÉAMBULATION ■ Il est des livres qui aiment se promener sur les frontières. Des zigzagueurs, des fuyants, des baladeurs. Quelques Minutes après que le temps s’arrête est de ceux-là, qui offrent au lecteur une expérience de lecture inqualifiable ; ou plutôt des expériences, selon la tournure que prendra la discussion entre l’œuvre et son récepteur. Les errements de son héros, Minute, emprunteront les chemins que le spectateur aura bien voulu lui ouvrir, selon la langue dans laquelle celui-ci aura bien voulu parler. DoubleBob fait-il de la bande dessinée, de la poésie, de la cartographie ou marmonne-t-il simplement ses rêveries à l’attention de celui ou celle qui voudra bien lui faire un peu de place ? Tout dépend de nous.

DoubleBob produit une œuvre qui lui est propre et qu’il ne tient pas à affubler d’un quelconque label. Oui, QMAQLTSA sort bien dans une maison d’édition de bande dessinée. Quoique. La Belge Frémok ne nous a pas habitués à suivre l’autoroute gaufrière. Elle aussi aime prendre des sentiers peu ou pas empruntés. Mais, mettons. Mettons que les sept carnets qui constituent le très beau coffret rassemblant le dernier projet du Français soient effectivement de la bande dessinée. Après tout, texte et dessins se mélangent, apportant l’un à l’autre un soutien mutuel. On peut même, parmi les mille et un éléments textuels et graphiques qui parsèment ces pages, déceler ici et là quelques cases, voire même un arc narratif. Ainsi, nous suivons Minute, sans abri mélancolique, dans une déambulation poétique à la recherche de miettes de soleil, de moments où on peut se cacher à l’intérieur du temps, des objets d’une civilisation perdue, la nôtre. Il rencontrera Agafia, amour et amie, avec qui partager ce goût des choses impossibles, cette exploration à deux niveaux, mental et pédestre. QMAQLTSA est encore bien d’autres choses : un témoignage, une confession, un mode d’emploi, une méditation, un album de musique (à écouter sur Bandcamp), un carnet de notes, une élucubration, une promenade. Il est difficile de décrire globalement ce qu’il en est de ce projet. Il est mouvant. Le trait fragile et les phrases sibyllines qui tracent la route de ce livre auront une résonance différente pour chacun de nous. Selon là où votre œil fixera la page, sur tel schéma, sur tel visage, telle architecture ou tel objet inconnu, son écho sonnera différemment et les boutons actionnés ne seront pas les mêmes pour tous. Une lecture complexe et intime où pourtant le soleil perce à l’attention de tous. C’est bizarre, mais pas d’inquiétude : ce n’est que de la magie.

→ Quelques minutes après que le temps s’arrête de DoubleBob, Frémok, 336 pages, 24 €

→ fremok.org

ERRANCE ■ Ici on suit un homme. On le suit d'abord aujourd'hui. Quand il a atteint le plafond de son découvert. Le jour – enfin, le soir – où il ne pourra pas s'acheter son croissant quotidien, le jour – enfin, le soir – où il aura faim. Et puis on le suit la veille, où il tombe amoureux. Mais la fille descend du métro une station avant lui. Il n'a pas osé lui demander de l'argent. Il a fait comme elle et regardé des vidéos sur son téléphone. Lui a-t-il vraiment parlé d'ailleurs ? S'agit-il vraiment de son amie ? Est-ce que c'est celle qui lui a raconté qu'elle trouvait chaque matin des pièces d'or sous son oreiller, reçues parce qu'elle a mangé le cœur d'un oiseau d'or ? Des pièces en chocolat. Le cœur d'un poulet. On le suit enfin, l'avant-veille, où il a dépensé les 400 euros de son découvert. Giacomo Nanni est cette fois allé droit au but. Après Acte de Dieu et Tout est vrai, où il prenait les chemins sauvages de l'animalité pour parler de catastrophes très humaines, il se concentre ici sur la route principale. Mais la surface n'en est pas pour autant plus lisse. Cette focalisation sur l'homme, sur la banalité du tragique, loin des terribles évènements du 13 novembre ou du séisme de L'Aquila qu'il évoquait dans ses précédents albums, n'en fait pas un livre moins fort. Si il ne s'y passe pas grand chose, la détresse y est à chaque page présente et vient, à bas bruit, nous retourner le cœur. On se déplace, dans ce journal intime à rebours, dans l'espace et le temps d'un individu seul, pauvre et mentalement à bout de souffle. Avec son écriture naïve, comme dépassée par la situation, et évacuant les effets de manche, l'auteur italien nous plonge sans filtre dans les pensées troubles de cet homme, à peine conscient de la situation dans laquelle il se trouve. On erre avec lui dans les rues de Paris, dans les vidéos Youtube, dans une recette de cœur de poulet, dans des souvenirs à la vérité chancelante. On se balade hier, avant-hier, aujourd'hui avec cette personne que rien ne semble pouvoir sauver. En trois jours et un personnage, Giacomo Nanni parvient à convoquer un universalisme de la solitude, une communauté du drame. Il en pointe un pour les évoquer tous, ces anonymes qui divaguent entre réel et fantasme en se rêvant autrement pour ne pas être ce qu'ils sont. Le dessin suit la même route, prenant minutieusement les informations de la rue pour en faire une zone mixte qui n'est déjà plus la réalité. Avec sa technique singulière de trame, cette fois réalisée à la main et au rétroprojecteur, l'artiste crée un univers propre, aussi beau que stupéfiant, dont les couleurs sublimes s'effacent peu à peu pour laisser la nuit tomber. Il faut lire les bandes dessinées de Giacomo Nanni, car nous avons là un maître à l'œuvre. → Un jour, le soir de Giacomo Nanni, Ici-Même, 96 pages, 24€ → icimeme-editions.com

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Spectacles + Rencontres + Expo + Clubbing

Adi Boutrous

Alessandro Sciarroni

Alexander Vantournhout & not standing

Anne Teresa De Keersmaeker, Meskerem Mees, Jean-Marie

Aerts, Carlos Garbin & Rosas

Boris Charmatz - Tanztheater

Wuppertal Pina Bausch & [terrain]

Catarina Miranda

Catherine Gaudet

Christos Papadopoulos & le Ballet de l’Opéra de Lyon

Collectif ÈS

Collectif FAIR-E

Collectif Petit Travers & le Quatuor Debussy

Compagnie Dyptik

Compagnie Non Nova – Phia Ménard

Dimitris Papaioannou

Flora Détraz

Fouad Boussouf – le Phare CCN du Havre

Normandie

François Chaignaud & Théo Mercier

Julien Creuzet

Katerina Andreou

laGeste & hetpaleis

(LA)HORDE & le Ballet national de Marseille

Lia Rodrigues

Marco da Silva Ferreira

Marlene Monteiro Freitas

Mélissa Guex

Nach

Nicolas Barry

Peeping Tom

Qudus Onikeku

Rachid Ouramdane

Sidi Larbi Cherkaoui & le Ballet du Grand Théâtre de Genève

Silvia Gribaudi

Tamara Cubas

Tom Grand Mourcel

Tumbleweed

Vincent Dupont & Charles Ayats

Vinii Revlon

Yoko Omori

Yuval Pick – CCNR

PLATEFORME

Anna Massoni

Annabel Guérédrat

Dalila Belaza

Diana Niepce

Marie Gourdain & Felix Baumann

Mellina Boubetra

l yon— mé tropole—région 2 0 e b i ennal e d e l a danse 0 biennale de la danse 09—30sept2023 labiennaledelyon.com Identité visuelle : Ekta –photo : Les jolies choses , Catherine Gaudet © Julie Artacho

E.1027

AZUR ■ La route est sinueuse et à flanc de falaise. Il faut faire attention. Mais Gréco la connaît parfaitement. Voilà des années qu’elle habite une maison à Roquebrune-Cap-Martin, un village de la Côte d’Azur planté entre Menton et Monaco. Des années aussi qu’elle fait sa petite promenade matinale sur le sentier des douaniers qui longe la mer. Depuis là, elle observe la villa E.1027, joyau moderniste conçu par Eileen Gray et son amant Jean Badovici. Elle rêve de l’acheter, de s’y installer et de retrouver l’odeur de ses souvenirs, quand elle y entrait régulièrement et qu’elle y croisait le monde de l’art et de la décoration qui fut toute sa vie. Agnès Hostache, en adaptant le livre de Célia Houdart, nous raconte une nouvelle fois l’impact des lieux sur nos vies, ce qu’ils nous font, ce qu’on leur fait et la façon dont ils nous enferment. Après la squatteuse des plafonds de Nagasaki, la Lyonnaise se penche cette fois sur la mélancolie de cette jeune retraitée de l’architecture intérieure qui persiste à vivre dans le rétroviseur tendu par les falaises de Roquebrune. Il faudra un cadenas brisé sur la villa de ses rêves et la rencontre avec deux jeunes artistes insouciants pour relancer une machine rouillée par les murs qui l’entourent. Sans effets spéciaux et avec un suspense plutôt soutenable, Agnès Hostache nous laisse glisser le long des habitudes troublées de cette femme qui a vécu pour l’amour de l’art et les amitiés illustres. C’est précisément cette narration douce et ce sens du transport qui fait tout le sel des livres de cette ancienne architecte. Avec l’air de ne pas y toucher, elle allume les lumières de la réflexion, vient cliquer sur des raisonnements enfouis et nous propose d’observer les différences entre la vie et la mémoire, entre les murs et l’horizon. Pour cela, son dessin épuré, basé sur de grands aplats colorés, offre le couffin parfait. D’une beauté assez rare et d’une subtilité apaisante, les cases se contemplent bien plus qu’elles ne se scrutent. Et bientôt, les formes s’ajustent, se déplacent et troublent notre vision. Elles abandonnent leur valeur narrative et descriptive pour servir de tremplin métaphysique, d’incubateur à pensée voyageuse. Les vêtements figuratifs tombent alors peu à peu par terre pour laisser place à des prémices d’abstraction, et nous voilà bientôt enrobés par les idées plutôt que par une histoire. Et voilà, Agnès Hostache a réussi son pari : bouleverser en douce et en profondeur notre rapport au monde.

→ E.1027 d’Agnès Hostache, Le Lézard Noir, 272 pages, 26 € → lezardnoir.com

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— J’aime bien. — C’est bizarre ? — Un peu moche. Mais c’est le bon moche. 173 172 192 193
Nous commencâmes à nous voir rituellement les fins d’après-midi. Louison arrivait souvent maquillé et vêtu de tenues qu’il improvisait chaque jour.

L’ÉCOLE DES MÉTIERS DU DESSIN

Enseignement supérieur

> Prépa Dessin / LYON & ANGOULÊME

Formation en 1 an

> Dessinateur Praticien / LYON

Formation en 3 ans / Diplôme visé de niveau 6

> Dessinateur 3D / LYON

Formation en 3 ans / Diplôme visé de niveau 6

> Spécialisation en édition multimédia, cinéma d’animation ou jeu vidéo / LYON

Formations en 2 ans après bac+3 / 1 titre RNCP et 2 certificats d’école de niveau 7

> Storyboard & Layout / ANGOULÊME

Formation en 2 ans / Certificat d’école

Formation continue

Pour développer ses compétences en storyboard, illustration traditionnelle et numérique, narration et mise en scène de personnages, création de décors, mise en couleur pour la BD.

Organisme de formation référencé

Ecole membre

Yihui CHANG, étudiante de 5 e année édition multimédia
3D animation jeu vidéo illustration BD cohl.fr

LECOIN DES KIDZ

vent

Quelle est donc cette chose qu’on ne voit pas, qu’on ne peut saisir mais qui agit tellement sur nous et les éléments qui nous entourent ? Le vent, pardi. Le dessin épuré et rondelet d’Amélie Fontaine vient s’amuser avec le (très jeune) lecteur pour lui faire prendre conscience de cette force si particulière. Chez les grands, on admire encore une fois le sens de la composition et l’amour des formes de cette grande illustratrice dont chaque livre déploie encore un peu plus le talent sans bornes. Alors, on pousse l’enfant un peu plus loin et on se plonge tout seul dans ces pages magnifiques.

→ Grand vent d’Amélie Fontaine, Actes Sud Jeunesse, 22 pages, 13,50 €

Iggy est un chien. Ce qui arrive. Mais c’est un lévrier afghan, ou un truc comme ça. En tout cas, il a les poils longs. Et c’est tout le sel de cette petite histoire qui décrit, par la voix de son pote le chat, le quotidien du toutou qui n’aime rien d’autre que de s’assembler avec ce qui lui ressemble. Des spaghettis, des lacets, la pluie ou la vitesse et voilà sa queue qui remue. C’est déjà un peu drôle. Mais ça devient d’autant plus intéressant quand Janik Coat saisit son crayon pour des jeux graphiques gouleyants autour du trait, pâte à modeler infiniment.

→ Iggy d’Alex Cousseau et Janik Coat, Les Fourmis rouges, 32 pages, 14,80 €

→ fourmisrouges.fr

Le Grand Un cortège de fourmis

Labyrinthe portant mille fois leur poids

Lise demande à ses parents de construire un labyrinthe géant. Soit. Mais la tâche est rude pour les vioques qui, au milieu de leurs travaux, doivent prendre un mois de repos. Lorsque la famille revient, le labyrinthe est devenu forêt vierge, avec tout plein d’animaux dedans. Encore mieux ! Le premier album de Coline Hégron est une merveille graphique dans lequel le dessin de la jeune artiste mange toutes les pages et le cerveau du lecteur avec. Couleurs foudroyantes et perspectives extravagantes se mêlent à une mignonnité puissance mille. Une première pierre dans une carrière qu’on veut suivre à tout prix. → Le Grand Labyrinthe de Coline Hégron, Albin Michel Jeunesse, 56 pages, 18 €

→ albin-michel.fr

On croirait d’abord à un imagier à forte connotation entomologique. On y voit des fourmis, pas mal de fourmis, transporter des choses, pas mal de choses. Ce défilé d’insectes affublés des objets du quotidien s’égare pourtant bien vite du côté du carnaval graphique, de la parade au bon goût d’expérience visuelle. Loïc Ubraniak et Baptiste Filippi, pour leur première incursion à deux dans la littérature jeunesse, ont choisi la manière aventureuse. Formes impossibles, Pantones crachant leurs mille feux et absurdité mise au premier rang sont les ingrédients géniaux de cet album inouï.

→ Un cortège de fourmis portant mille fois leur poids, de Loïc Ubraniak et Baptiste Filippi, 4048, 34 pages, 16 €

→ editions2024.com

�� SÉLECTION PRINT — 80 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Coline HÉGRON Le grand labyrinthe Coline HÉGRON Grand Iggy

Les rêves étranges de Flóra Anna Buda

Les films de Flóra Anna Buda sont beaux comme des rêves étranges. Chaque plan, chaque image, pourrait être un tableau exposé dans une galerie onirique, sensorielle et sensuelle. Les couleurs se superposent comme des pensées, des souvenirs parfois refoulés, dans des paysages où la nature comme la ville deviennent des hallucinations. Tout y est maîtrisé, millimétré et rythmé avec talent, la condition finalement pour offrir à l’œil – et à l’esprit qui est derrière – la possibilité de l’évasion.

Flóra Anna Buda a grandi dans la banlieue de Budapest, bercée par un environnement artistique. Son père est sculpteur, et durant son enfance elle traînait souvent dans son atelier où il y avait beaucoup de statues de nus et de copies en gypse de statues grecques. Ses frères et sœurs ont étudié l’art et elle regardait souvent des films d’art et d'essai avec son frère. « Je dessine depuis que j’ai 2 ans, et j'ai commencé à rêver de devenir réalisatrice vers l'âge de 9 ans. » Elle découvre l’animation, et particulièrement les films animés d’Europe de l’Est, ce qui se ressent si fort dans les traits de ses dessins. « Mes parents ne me laissaient pas regarder Disney et les dessins animés ; c’est peutêtre ces restrictions qui ont généré une envie subconsciente de m’intéresser encore plus à l’animation. » Plus tard, ce sont les clips de Michel Gondry qui l’incitent à dessiner des personnages et commencer à imaginer qu’ils puissent s’animer. Elle étudie dans des écoles d’art dès la primaire, et décide ensuite de s’orienter vers la mode et le design du cuir. Très vite, elle s’aperçoit qu’elle est plus concentrée sur le mouvement et les personnages des mannequins que sur les robes. « J’adorais ce que j’apprenais, mais rapidement mon intérêt pour le cinéma et mon amour du dessin m’ont décidée pour l’animation. Alors j’ai candidaté et j'ai été acceptée à la MOME [la prestigieuse université d’art appliqué Moholy-Nagy de Budapest]. Fabriquer des chaussures me manque encore parfois. »

Les influences de Flóra Anna Buda sont nombreuses et issues de tous les univers artistiques : Dziga Vertov, Niki de Saint Phalle, Rihanna, le Marquis de Sade, Anaïs Nin, Alain Robbe-Grillet, Wim Wenders, Kelly Reichardt, entre autres, et elle pourrait continuer cette liste à l’infini. Des sources qui résonnent dans ses films, d’où se dégagent une immense sensibilité et un érotisme charnels. Elle l’analyse encore par les effluves du milieu esthétique dans lequel elle a grandi. « J’étais entourée de corps féminins nus sous forme de statues et de dessins ; mais au-delà de leur influence, il y avait une attirance générale et une aisance très personnelle que je trouve dans la nudité et le toucher. »

Sans s’attacher à des sujets particuliers, elle cherche à créer quelque chose d'honnête, de direct, sans filtre. « Je pense que l'un de mes plus grands défis est de choisir des sujets qui sont très difficiles à aborder, qui ont été considérés comme des tabous pendant longtemps, et de trouver un moyen de les montrer avec amour et sincérité. »

�� SÉLECTION ANIMATION — 82 KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
Entropia (2019), 11’, MOME Anim Entropia (2019), 11’, MOME Anim

Entropia, son film de fin d’étude à la MOME, réalisé en 2018, annonce immédiatement les hautes ambitions artistiques de la jeune réalisatrice. Des lignes, des mouvements érotiques, une langueur traînante, des couleurs chaudes, des textures ciselées, des ombrages, des soleils orange sanguine de fin d’après-midi, des lèvres pourpres en forme de fraise, le bruit du vent dans les feuilles, des seins qui deviennent des îles au milieu d’une rivière d’eau calme, puis une sirène qui se déclenche pour annoncer la fantaisie, l’irrationalité d’une histoire qui passe en forme de spasmes, comme un songe sans parole, comme une rêverie étrange et esthétique. On se laisse aller dans une aventure désordonnée sans même chercher à lutter contre l’incompréhension ; mais au contraire un lâcher-prise s’impose devant la beauté des tableaux qui se succèdent, devant l’entropie, justement, de cette progression en forme d’incertitude dans ces mondes étranges.

La bande-son, intitulée par suggestion "Mulholland Drive", n’est d’ailleurs pas innocente à l’ambiance très lynchéenne qui émane de cette première œuvre.

Alors, récompense méritée d’un travail minutieux, le film est sélectionné dans les plus grands festivals et remporte le TEDDY Award du meilleur film d’animation à la Berlinale de 2019.

Ses films sont comme des illustrations qui dansent. Le second, 27, confirme ce qui était déjà à l’œuvre dans Entropia et qui séduit si bien le regard. Ses outils préférés sont l'aquarelle, le crayon de couleur et l’encre, combinés à d’autres techniques et une recherche de nouveaux matériaux. « Pour 27, j'ai travaillé essentiellement en numérique ; mais pendant le développement, j'ai dessiné de nombreux portraits au crayon de couleur pour étudier les émotions du film et comprendre comment le jeu des acteurs devait fonctionner. J’ai peint quelques dessins conceptuels qui étaient en quelque sorte des illustrations, puis j'ai eu peur de ne pas pouvoir animer dans ce style. Mais mon producteur Emmanuel-Alain Raynal m’a dit d'oublier les compromis et de rêver grand, alors je me suis lancée. J'ai essayé de garder le même style : j’ai peint tous les arrière-plans et dessiné toutes les poses. Il m’a fallu un an et demi juste pour le développement visuel et technique, et j'ai également composé le processus de coloration du film. Ensuite, une formidable équipe de professionnels m'a rejoint pendant encore un an et demi et nous avons réalisé ce film ensemble. Mais comme en animation, il faut prendre beaucoup de décisions à l'avance, il était important pour moi de laisser 15 % du film en suspens afin de pouvoir trouver de la nouveauté et de la motivation même à la fin de la production. »

Entropia commençait avec la naissance d’une mouche ; 27 s’ouvre sur le plan d’une punaise qui grimpe le long d’une bouteille au goulot brisé. Une nappe sonore pareille à celle de son précédent film, qui laisse imaginer qu’on prolonge l’histoire, du moins qu’on est plongés dans le même genre d’univers parallèle. Ici aussi les corps sont des décors, qui se découpent sur un ciel texturé. Un fantasme, un rêve érotique. Alice a 27 ans aujourd’hui et s’ennuie en famille. « Vie de merde ! Petit con, va. » Alors elle sort, prend un peu de drogue et s’envole au-dessus des toits d’une ville sans étoiles peuplée d’enseignes. Sa vision se déforme et elle voit des silhouettes psychotropes absorber son horizon. Alice tombe comme l’autre Alice dans un trou hallucinatoire, portée par le son électrique d’arcs-en-ciel fluorescents sous l’œil de la lune rouge, l’incitant à reprendre sa rêverie voluptueuse au milieu des champs. Jusqu’à chuter, vraiment, inévitablement, afin que le cycle soit bouclé.

Le film, beau comme une toile, a embarqué tout le monde à Cannes cette année et a reçu fin mai la Palme d’or du meilleur court-métrage. Normal : c’est un vrai chef d’œuvre. Depuis, elle travaille en parallèle sur plusieurs petits projets d'art plastique, tout en réfléchissant à de nouvelles idées pour ses prochains films. « Tout ce que je sais, c'est que je veux travailler avec de l'encre et du graphite, pour essayer quelque chose de nouveau. Peut-être aussi de la prise de vue réelle… »

Les films de Flóra Anna Buda sont visibles sur Kiblind.com

SÉLECTION ANIMATION — 83 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
27 (2023), 10’38, MIYU Production et BODDHA Films 27 (2023), 10’38, MIYU Production et BODDHA Films 27 (2023), 10’38, MIYU Production et BODDHA Films 27 (2023), 10’38, MIYU Production et BODDHA Films

Quand le clip vient sublimer une musique qui est déjà de toute beauté, alors là, l’extase est maximale. Chaque mois, sur notre site kiblind.com, nous célébrons le clip musical animé. Qu’il soit en 2D, en 3D, en stop motion, ou encore dessiné à la mano, le clip illustré est partout et il a fière allure. On vous présente ici deux clips illustrés récents qui nous ont coupé la chique. Et pour en parler, qui de mieux que les personnes qui les ont illustrés et animés ?

CLIPCLAP

PI JA MA

LES SITES DE RENCONTRES

ILLUSTRATION/ANIMATION: ALICE MONVAILLIER

→ L'histoire

Le clip raconte l’expérience de Pauline (Pi Ja Ma) lorsqu’elle cherchait l’amour sur les sites de rencontre. La première partie parle de la galère que peuvent représenter ces sites : profils identiques à la pelle, côté additif des applis, rendez-vous foireux, etc. La deuxième partie quant à elle parle de l’après, lorsque Pauline rencontre enfin l’amour, dans la vraie vie cette fois !

→ La réalisation

La première partie du morceau raconte la galère que peut être la recherche d’un·e amoureux·se sur les sites de rencontres, en opposition à la deuxième partie qui parle du sentiment de légèreté ressenti lors du début d’une relation amoureuse, le personnage ayant trouvé l’amour entre les deux parties. J’ai donc voulu que cette dualité soit également présente dans l’animation. Pour les deux parties, je n’ai pas vraiment fait de storyboard, j’avais les idées principales en tête, et j’ai laissé mon imagination se développer au fur et à mesure de la conception du clip. Pour la première partie, j’avais la possibilité de faire boucler certains passages, car la musique présentait des répétitions. En termes de temps, je pouvais donc faire de l’animation traditionnelle en dessinant toutes les images, technique très chronophage mais que j’aime particulièrement. La musique était très rythmée, j’ai donc essayé de caler les images sur ce rythme pour garder l’esprit très dansant de cette partie. Au niveau des éléments dessinés, je suis restée assez proche de ce qui est raconté dans les paroles, des choses très concrètes sur l’expérience de Pauline. La deuxième partie est plus vaporeuse au niveau de la musique, et plus abstraite et poétique au niveau des paroles. Je voulais exprimer ce sentiment de flottement, de lâcher-prise qu’on peut ressentir lors d’une rencontre. J ’ai donc choisi d’utiliser un logiciel d’animation qui me permettait d’avoir des mouvements plus lents et fluides que pour la première partie. C ’était aussi un moyen d’accélérer mon rythme de production des animations : j’avais cinq semaines pour réaliser un clip qui dure presque cinq minutes, un sacré défi ! Les couleurs sont également différentes. Pour la première partie, j’ai choisi une palette de couleurs très précise ; pour la deuxième, j’ai voulu créer un univers plus psychédélique, l’éventail de couleurs est beaucoup plus large.

→ Les inspirations

L’univers de Pauline, qui mélange des registres assez drôles, poétiques et un peu enfantins, m’a tout de suite parlé pour imaginer le clip. J ’ai très rapidement imaginé des personnages rigolos, des formes simples, arrondies, qui collent bien avec la voix douce de Pauline. J ’avais aussi envie que l’esthétique du clip ait un petit côté rétro, avec des couleurs qui ressemblent à celles des dessins animés des années 80, pour ajouter un côté décalé. J ’avais aussi à cœur que l’animation fonctionne avec la rythmique du morceau, la musique en elle-même a donc été le principal guide lorsque j’ai dû imaginer les scènes et les mouvements.

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PEARL AND THE OYSTERS FT. LAETITIA SADIER READ THE ROOM

ILLUSTRATION /ANIMATION : MICKEY MILES

→ L'histoire

Compte tenu du peu de paroles, la musique n’offrait pas beaucoup de possibilités narratives. Il y a juste la phrase « read the room » qui se répète pendant toute la durée du morceau. En plus de ça, le groupe m’a donné la liberté de faire ce que je voulais. Ils m’ont juste dit de rester dans une veine rétro-scientifique comme j’ai l’habitude de faire. Presque immédiatement m’est venue l’idée d’en faire une expérience de réalité augmentée. Le personnage principal a le choix de se brancher sur un monde spécifique et de l’expérimenter de fond en comble. Que ce soit une croisière vers une destination relaxante, un casino avec des machines à sous, un château qu’il faudrait défendre face à un dragon ou des extra-terrestres qu’il faudrait combattre dans un jeu vidéo. J’ai interprété le titre de la chanson de la même manière qu’un ordinateur pourrait « lire » un logiciel.

J’ai aussi façonné le personnage principal à partir de moi-même pour montrer la façon dont j’ai imaginé ces images quand j’ai écouté la musique. La première fois que j’ai expérimenté la réalité virtuelle, j’ai immédiatement pensé au rêve lucide. C’est l’immersion ultime...

→ La réalisation

J’aime à penser que mon approche consiste à utiliser des méthodes traditionnelles avec des outils modernes. Le type d’animation que je réalise aurait pu être facilement accompli par un petit studio dans les années 70, mais en tant qu’artiste indépendant, j’ai besoin d’utiliser des outils comme mon iPad pour accélérer le processus.

Je suis autodidacte, donc les mouvements dynamiques et compliqués sont quelque chose que j’ai encore du mal à maîtriser. Au lieu de cela, je me concentre sur ce que je peux faire, c’est à dire accorder plus d’attention à la composition d’une scène et trouver un moyen de captiver ou d’engager le public dans les limites de mes compétences techniques. J’ai passé ma vie à analyser de l’animation, à regarder attentivement chaque scène, parfois image par image. Toutes mes animations sont réalisées grâce à un support numérique, mais j’applique les mêmes règles qu’un animateur traditionnel.

Toutes les animations que j’ai réalisées ont été illustrées dans Procreate. L’arrière-plan est regroupé en couches, placé derrière les personnages et les autres objets. J ’utilise la méthode du « pelage d’oignon » pour les éléments mobiles de la scène. Une fois que le cadre est prêt, j’exporte l’ensemble de l’image au format JPEG. Je n’ai pas d’ordinateur portable et je suis donc limité à mon iPad, ce qui signifie que je ne peux pas utiliser des logiciels comme Adobe Premiere, qui faciliteraient vraiment le processus d’édition. J ’utilise une application de montage vidéo simple et gratuite qui me permet d’importer chaque image et d’ajuster chaque image à 0,10 image par seconde. Cela signifie que je monte image par image et que si j’ai besoin de changer quelque chose, je dois identifier les images exactes et recomposer la scène dans Procreate.

Au cas où vous seriez curieux d’en savoir plus sur le temps que ça me prend, j’ai réussi à animer cinq secondes du clip en une journée de travail et j’ai terminé « Read the Room » en moins d’un mois.

→ Les inspirations

Les « créatures » sont souvent non réfléchies, je me tiens loin de tout ce qui est trop conceptuel. Si j’intellectualise mon travail en l’effectuant, je finis avec une page blanche. Mon envie première était de me dépoussiérer le subconscient et de laisser sortir les petits troglodytes de la caverne encéphalique.

Pour vivre la lecture de ce papier de façon optimale, allez donc voir nos sélections mensuelles des clips animés sur kiblind.com. Avec le son et l’image, c’est plus sympa quand même.

Propos recueillis par : É. Quittet

SÉLECTION ANIMATION — 85 �� KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque

SQUARE²

SQUARE² est une BD originale publiée chaque dimanche sur le compte Instagram de KIBLIND. La saison 2 a débuté en juillet 2022. Le principe : chaque semaine pendant un mois, un artiste que nous avons choisi dessine un strip qui doit respecter les règles graphiques suivantes : un carré central / 4 côtés / 4 cases / 4 couleurs. Ici, une variation autour du carré bleu proposée par Antoine Cossé.

KIBLIND Magazine → 84 → Discothèque
À
�� SQUARE — 86
SQUARE² • Saison 2 – Chapitre 12 – Partie 3/4 Antoine Cossé
suivre sur instagram.com/kiblind_magazine
oute
Poésie
Monde Centre dramatique national Saison 23 – 24 Direction Pauline Bayle theatrepublicmontreuil.com Théâtre Public Montreuil TPM
Tu Pourrais Me dire T
la
du

chaillot théâtre national de la danse

saison 23 →24

Mehdi Kerkouche

Gisèle Vienne

Nacera Belaza

Lucinda Childs & Robert Wilson

Fanny de Chaillé

Zaho de Sagazan

Amala Dianor

Rachid Ouramdane

Sharon Eyal & Gai Behar

Angelin Preljocaj

Sidi Larbi Cherkaoui

Fanny de Chaillé

Hortense Belhôte

Batsheva Dance Company etc.

chaillot danse

theatre-chaillot. fr

© zoo, designers graphiques

MAIF SOCIAL CLUB | SEPTEMBRE 2023 - FÉVRIER 2024

Florence Doléac Ballooon sur mer

Septembre 2023

Cie Zone Critique Earthscape - Octobre 2023

Cie À Tulle Tête

Toupie or Not Toupie

Octobre 2023

Sonorium

Billie Eilish - When we all Fall Asleep Where Do We Go ? Octobre 2023

Erwann Cadoret

Slow Park (attention, fauves fragiles) - Octobre 2023

Cie Difé Kako

Tonton Mimil - Octobre 2023

Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet et Blanche Ripoche

Le Beau Monde - Novembre 2023

Sonorium

Aphex Twin - Selected Ambient Works 85 -92 - Novembre 2023

Collectif Impatience

Lumen Texte - Novembre 2023

Julien Fournet et L’Amicale

Ami.e.s il faut faire une pause Novembre 2023

Cie Klankennest - Nid Sonore Bébé Pärt - Novembre 2023

Cie À Demain J’espère

ObsolèteS - Novembre et Décembre 2023

Nicolas Heredia - La Vaste Entreprise - La Fondation du Rien Décembre 2023

Sonorium Aja - Ajasphère Décembre 2023

Sonorium

Ibrahim Maalouf & Oxmo Puccino Au pays d’Alice Décembre 2023

Cie Le Bel après-minuit

Mamie elle fait que des pulls blancs parce que la neige lui manque Décembre 2023

Cie Juscomama

Les Petites Géométries

Janvier 2024

Keti Irubetagoyena

Rejouer l’archive, octobredécembre 1940 | Nous serons éphémères mais immenses Janvier 2024

37 rue de Turenne Paris 3

Julie Nioche-Cie A.I.M.E.

Spirales - Janvier 2024

Cie CHOUETTE il pleut

Ce matin là - Janvier 2024

Collectif Les Particules Raphaël Gouisset

Remède à la solastalgieprélude - Février 2024

Cie la Croisée des Chemins Comme un souffle Février 2024

Cie Espère un peu Bovary - Février 2024

Cie Prédüm

C’est tes affaires ! Février 2024

Ludicart - Jean-Robert Sédano et Solveig de Ory

Les roues du chant Février 2024

Cie Ki ProductionsKitsou Dubois

La Chaise – Février 2024

Gratuit - maifsocialclub.fr

MAIF - Société d’assurance mutuelle à cotisations variables - CS 90000 - 79038 Niort cedex 9. Entreprise régie par le Code des assurances. Conception et réalisation : Studio de création MAIF - Crédit photo : ©Stéphanie Gressin
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EXPOSITION 8 JUIN — 5 NOVEMBRE 2023
Ron Mueck, Mass , 2016-17 , dimensions variables, National Gallery of Victoria, Melbourne, Felton Bequest, 2018. © Ron Mueck. Photo : Tom Ross.

À LA FRENCH

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