KIBLIND 78

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KIBLIND Magazine Numéro Faits divers



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👀 ÉDITO — 4 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Le fait divers est un pauvre petiot. Personne n’a voulu s’en occuper, alors il a vite été classé au rayon des actualités dont on ne sait que foutre. Là, il retrouve ses petits copains, plus ou moins gore, plus ou moins anecdotiques, perdus comme lui. Mais il tient sa revanche. En touchant nos goûts les moins avouables, il saura agripper par le colbac jusqu’au lecteur le plus snob. À la fois racoleur et dramatique, il vient former des nœuds étranges dans notre cerveau qui ne peut s’empêcher d’être dégoûté et d’en redemander. Notre rapport à lui est d’une inquiétante étrangeté mais la chose est acquise : c’est de la drogue pure. C’est que le fait divers nous touche. Il est cet extraordinaire tombé au milieu de l’ordinaire, convoquant des gens qui, de près ou de loin, nous ressemblent. Il est rare que les autres affaires faisant la une des journaux nous soient à ce point proches. Bien rares sont ceux qui côtoient les ministres, les sportifs de haut niveau, les typhons ou les dirigeants étrangers. Surtout les typhons. Or, les faits divers ont l’art de se dérouler dans des endroits et des contextes qui nous sont familiers ou, au pire, dont on a aucun mal à se faire une idée précise. Et c’est dans cette réalité palpable – et qu’on sent d’ailleurs un peu molle – que surgit l’impossible, l’incongru, le tragique. Devant nos yeux, une histoire incroyable se crée là où nous ne pensions possible que l’ennui. Mieux encore, c’est une histoire que l’on peut comprendre et circonscrire. Elle prend place dans une longue lignée commencée il y a fort longtemps avec les propres fistons d’Adam et Ève. Il est la concrétisation rude des déviances de l’être humain lorsqu’il penche trop fort vers ses plus mauvais côtés. Et nous connaissons tous ces mauvais versants. Là où la géopolitique, la technologie et la grande roue du monde peuvent nous effrayer par trop de complexité, l’horreur décrite par les faits divers reste de notre domaine de compréhension. Faut-il, alors, s’automolester si nous avons la faiblesse de nous pelotonner sous notre plaid pour écouter ces contes des temps modernes ? Non, se prélasser devant un Faites entrer l’accusé ne sera jamais du domaine de l’illicite. Pitié, non. Pourtant, à force de les entendre, ces histoires, à force d’être ensevelis sous ces meurtres, ces braquages, ces viols, ces disparitions, on pourrait ne plus y prêter la seule attention qui vaille : les écouter comme des histoires vraies, vécues par de vrais humains qui méritent, au-delà du racolage, toute notre empathie.

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Directeur de la publication : Jérémie Martinez / Direction Kiblind : Jérémie Martinez - Jean Tourette - Gabriel Viry Comité de rédaction : Maxime Gueugneau - Elora Quittet - Jérémie Martinez Team Kiblind : Alizée Avice - Guillaume Bonneau - Agathe Bruguière - Sarah Grafa - Alix Hassler - Guillaume Huby Romane Lechleiter - Mathilde Neto - Alanis Olivier - Solène Pauly - Guillaume Petit - Justine Ravinet - Charlotte Roux Déborah Schmitt - Eva Spalinger - Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Contributeurs : Angelo Careri - Éditions Réalistes - Brendan Kemmet Réviseur : Raphaël Lagier Direction artistique : Kiblind Agence Imprimeur : Musumeci S.p.A. / www.musumecispa.it Papier : Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni / Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g, Arena natural Bulk 90g et Symbol Freelife Gloss 200g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Lector (Gert Wunderlich) Édité par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon. 27 rue Bouteille - 69001 Lyon / 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris - 04 78 27 69 82 Le magazine est diffusé en France et en Belgique. www.kiblind.com / www.kiblind-store.com ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. Merci à Matthieu Sandjivy. THX CBS. Contact : magazine@kiblind.com


1>12/03/22 Jan Martens • Alan Lucien Øyen • Collectif A/R • Adi Boutrous •

Youness Aboulakoul • Kaori Ito & Yoshi Oïda • Jeanne Brouaye • Maëlle Reymond

MAISONDELADANSE.COM © Klaartje Lambrechts / Licences : 1-054424, 2-1054425, 3-1054423


👀 SOMMAIRE — 6 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

4

Édito / Ours

6

Sommaire

8

In the mood

17

Intro Faits divers

24

Invitation Angelo Careri (Revue Immersion) La banalité au bout de la manette

28

En couverture : trampoline

34

Créations originales Faits divers

44

Dossier - Rien que les faits ?

48

Invitation Brendan Kemmet Angelo Di Marco, "le Maître"

54

Invitation La bibliothèque idéale : Éditions Réalistes

56

Citations

57

Playlist Faits divers : Xavier Dupont de Ligonnès

58

Imagier - Affaires sensibles

69

Sélection Kiblind

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Square2



👀 IN THE MOOD — 8 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

IN THE M👀D Vous croiserez dans cette entrée quelques objets illustrés rencontrés par bonheur ces derniers mois lors de nos pérégrinations visuelles. Pour ce numéro, vous aurez même la chance de vous balader en la charmante compagnie d'Andrew Cunanan* grâce à la sémillante illustratrice Agathe Bruguière.


👀 9 — IN THE MOOD

* Vous savez, le brave type qui a tué Versace dans American Crime Story

CHEVALIÈRE ■ → Samuel Eckert pour Noémie Pichon instagram.com/samueleckert noemiepichon.fr

VINYLE ■

Il fait si chaud ce soir de Kacimi → Artwork par Mélodie Sylvestre instagram.com/me_lo___die instagram.com/____kacimi___ AFFICHE ■

Meme Fest → Artwork par Núria Just nuriajust.com

LIVRE ■ À L’ARRACHE (ed. Barbapop) → Graphisme par Félicité Landrivon avec Églantine Marcel felicite.land eglantinemarcel.fr barbapop.com

K7 ■

Malandro demais vira bicho de FEBRE90’S → Artwork par F. M. F / Skorpio 30.000 instagram.com/skorpio_30000

PSG - Manchester City au Parc des Princes → Artwork par Nevil Bernard via Monsieur L’Agent nevilbernard.com monsieurlagent.com

ÉCHARPE ■

→ George Greaves instagram.com/georgegreaves_ printedgoods.net

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

AFFICHE ■


👀 IN THE MOOD — 10

AFFICHE ■ → JOSEF MINOR instagram.com/josefminor

Les illustrations vaporeuses de Josef Minor aux formes délirantes et aux couleurs obsédantes sont tellement fascinantes qu’on se surprend à n’employer que des adjectifs qui terminent par -antes. Même si l’artiste de Chicago sait faire plein de choses, on a décidé de lui parler en particulier des affiches qu’il prend à cœur d’illustrer. Salut Josef, te rappelles-tu le tout premier poster que tu as créé ? C’était pour un spectacle d’humour appelé le Haters Club que mes amis Kate O’Connor et Danny Catlow avaient mis en place à Chicago. C’était ma toute première commande. À ce moment-là, je ne faisais pas forcément de travail sur la typographie, je m’étais donc concentré uniquement sur l’illustration, qui représentait un cœur anthropomorphe se faisant poignarder par le bout pointu d’un autre cœur plus gros. Tu fais beaucoup d’affiches pour des concerts et groupes. Quel est ton lien avec la scène musicale ? J’en ai effectivement fait quelques-unes mais je pense qu’une bonne partie de mes affiches a été faite pour des spectacles d’humour. Habitant à Chicago, je suis ami et je vis avec beaucoup de comédiens, donc c’est comme ça que tout a commencé. En ce qui concerne la musique, j’ai grandi en jouant de la musique et c’était mon principal intérêt jusqu’à l’université. Beaucoup d’amis et de connaissances de ma région natale du Colorado se sont beaucoup impliqués dans la scène DIY de Denver, du coup mes premières affiches et pochettes de disques ont été créés dans ce contexte... Comment travailles-tu sur la texture et la typographie de tes affiches en général ? J’arrive à avoir des textures en utilisant des scans de différents types de papier et en les manipulant sur Photoshop. En ce qui concerne les typographies, j’essaie de trouver des licences gratuites en ligne et ensuite, je les modifie et retravaille sur Photoshop. Les typographies basiques me paraissent vraiment aseptisées, alors j’adore jouer avec elles autant que possible.

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Tu fais aussi des bandes dessinées, peux-tu nous en dire plus ? Pour moi, c’est à travers les bandes dessinées que tout a commencé. Ma première bande dessinée disponible à la vente a été faite pour Colorama (un incroyable petit studio d’impression berlinois géré par Johanna Maierski). En général, j’adore l’art qui implique de la narration et des séquences même si (et surtout si) c’est super abstrait. Il y a quelque chose qui me fascine là-dedans. Depuis le livre pour Colorama, j’en ai fait quelques-uns, un livre collectif pour Can Can Press et un autre nommé Cold Cube 06 qui sortira prochainement chez Cold Cube Press et qui contient le travail de plusieurs artistes géniaux. Quelles sont tes inspirations graphiques ? Ça change tout le temps, mais je deviens un amateur d’anciens livres d’art et de catalogues design. Récemment, j’ai eu un livre des schémas de Kōhei Sugiura et ça a été super inspirant. Les illustrations scientifiques faites à la main des années 1950 à 1980 m’inspirent aussi énormément. Je les vois un peu comme des bandes dessinées abstraites en soi.


👀 11 — IN THE MOOD

PINS ■ → Andrey Kasay andreykasay.com

CALENDRIER KARDASHIAN ■

→ Mc Squirrel instagram.com/mcsqurrl

AFFICHE ■

Campagne pour les médiathèques à Stuttgart → Artwork par Bareis Nicolaus bareis-nicolaus.com

JEU MÉMO ■

Memoriza Tus Derechos #01 → Alexander Medel pour Buena Pista Social Club instagram.com/alexandermedel buenapista.cl

Too Smooth World vol.1 de Too Smooth Christ et Childhood Intelligence → Artwork par Alexis Jamet alecsi.com instagram.com/toosmoothchrist

AFFICHE ■

Radio Grenouille fête ses 40 ans → Artwork par Léa Djeziri instagram.com/lea.djeziri radiogrenouille.com

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

VINYLE ■


👀 IN THE MOOD — 12

FLYER ■ Carton d’invitation CACC Exposition Randa Maroufi → Artwork par Atelier Tout Va Bien ateliertoutvabien.com clamart.fr

K7 ■ Entre Collines et Désert de Sosu Inn → Par Thomas Carretero instagram.com/thomasceman miserelabel.bandcamp.com

AFFICHE ■

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

3ème édition du Festival du Format Court → Artwork par Marie Larrivé marielarrive.com formatcourt.com

VINYLE ■

Voyage to Mars de Munya → Artwork par Azaazelus instagram.com/azaazelus instagram.com/munyamusic

VINYLE ■

BD ■

Gigs Posters → Par Nicolas Oulès mondozero.com

Diorama de Bon Enfant → Artwork par Thomas B. Martin et Daphnette Brisé instagram.com/ nobiggiethom instagram.com/ daphnette_brisso instagram.com/ enfant.bon


👀 13 — IN THE MOOD

LIVRE ■ → MARTA CARTU martacartu.com

On ne la connaissait que peu. Après tout, c’est pas fastoche de comprendre un compte Instagram écrit tout en espagnol, et puis, souvent, le visuel prime sur le langage. On est tombés en amour avec la bande dessinée Hola Siri de Marta Cartu comme de tout son univers. On lui a posé des questions sur ce nouveau bébé cosmique. Salut Marta, quelle est l’histoire derrière ce fabuleux livre qu’est Hola Siri ? Le livre parle de la vie de l’assistant vocal Siri en tant que vraie personne. Dans la bande dessinée, on peut voir sa routine, ses aspirations et ses problèmes. Ça reflète la façon dont nous communiquons aujourd’hui et également une sensation de gêne relative à notre époque.

Hola Siri est ta première bande dessinée, mais tu as fait plusieurs fanzines avant cela. Peux-tu nous en dire plus ? Je fais mes propres fanzines depuis plusieurs années. J’ai imprimé le tout premier en sérigraphie quand j’étais en Erasmus en France, et je n’ai pas arrêté depuis. Les fanzines me permettent de m’exprimer rapidement et directement, en parlant des sujets qui me touchent au jour le jour. Je peux aussi me faire plaisir avec le format et les distribuer dans des circuits qui me permettent de me constituer une communauté. Comment as-tu appris l’illustration ? Quand j’étais adolescente, je recopiais des mangas que j’aimais et je les dessinais pour moi. J’utilisais les livres pour apprendre et j’ai aussi pris des cours de dessin. Ensuite, j’ai étudié les beaux-arts à l’université. J’ai donc des bases académiques, mais j’ai aussi beaucoup pratiqué par moi-même. Quelles sont tes inspirations graphiques ? Mon feed Instagram est sûrement ma plus grosse inspiration. Mais bien sûr, je suis aussi inspirée par les auteurs de bandes dessinées comme Amanda Baeza, Daniel Clowes et Jeffrey Brown.

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Quels sont tes futurs projets ? Je travaille sur une nouvelle bande dessinée et je prépare aussi un projet d’exposition. J’ai très hâte de le partager !


👀 IN THE MOOD — 14

AFFICHE ■ Concert de Night Beats à San Diego → Artwork par Andrew McGranahan instagram.com/andrew_mcgranahan thenightbeats.us

VINYLE ■

Abysses de Philip Pentacle → Artwork par Timothée Boubay instagram.com/timothee_boubay instagram.com/philip_pentacle

FANZINE ■ Festival Visions →Par Sammy Stein cargocollective.com/ sammystein festivalvisions.com

AFFICHE ■ The Rave Prod. Project x Fugaza → Artwork par Niklas Apfel niklasapfel.com

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JEU ■ Guess the Doggy → Journey of Something journeyofsomething.com lisengmin.com

RAQUETTE DE PING PONG ■ → Marylou Faure pour Art of Ping Pong maryloufaure.com theartofpingpong.co.uk

LIVRE COLLECTIF ■

Still Here Still Life → Par Tess Smith Roberts et Zena Kay instagram.com/stillherestilllife


15 — IN THE MOOD

OBJET ■

→ MARIE-YAÉ instagram.com/marie.yae Ensorcelés par ses vases aux formes féminines et par à peu près tout le reste, on s’est fendu de quelques questions à Marie-Yaé, celle qui savait transformer la matière en joliesse...

Salut Marie-Yaé, comment t’es-tu formée en illustration ? En troisième, j’ai pris des cours de dessin d’observation qui m’ont appris à regarder. Puis j’ai fait une prépa où on m’a fait découvrir l’art conceptuel. Ensuite, je suis allée aux Arts Décoratifs de Paris où j’ai découvert plein de techniques de reproduction d’une image (gravure, sérigraphie, jet d’encre, etc.) et plein de personnes passionnées de BD, d’illustrés… On dirait que tu as expérimenté tous les médiums possibles : le papier, la céramique, la toile… Quel est le prochain sur la liste ? Un jour, des pierres… Un jour. Pour tes céramiques par exemple, comment décides-tu des thématiques ? Mon dessin est très spontané et les thématiques se décident-dessinent en aval, en regardant ce que j’ai produit. En ce moment, je fais beaucoup de personnes qui se replient sur elles-mêmes, se font un câlin, dorment, défendent ou consolent quelqu’un, etc. Je ne sais pas encore sous quelle thématique je les regroupe, mais elles disent définitivement quelque chose de ce qu’ont été ces (mes) dernières années. La femme et les chats semblent être des sujets récurrents pour toi, peux-tu expliquer pourquoi ? Elles-ils arrivent, sans convocation de ma part ! Je pourrai vous en dire plus quand elles-ils partiront de mes dessins :-)

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Où peut-on trouver tes créations ? Pour l’instant, on peut les trouver chez Amano Studio et Klin d’Œil. Je vais aussi mettre à jour mon site en 2022 (to-do list infernale !). Mais ce que je préfère, c’est faire des marchés et des salons, pour rencontrer plein de monde et discuter avec les gens tout en montrant/faisant manipuler ce que je fais ! Et puis j’espère faire d’autres expositions aussi ! Merci pour cette invitation dans cette rubrique !


Dans les bibliothèques de la Métropole de Lyon

Aimons

encore !

20—23 janvier 2022 Soutenu par :

Consultez le programme sur

grandlyon.com/nuitlecture

Création :

— Illustration : Hélène Bertholier — Mise en page : ...bigbang.fr

toujours !

Aimons


Développement d'une nouvelle forme écrite du « faits divers » grâce à la naissance de la gazette et des nouvelles à la main.

Naissance de la grande presse et du Petit Journal de Polydore Millaud en 1863 et du Petit Marseillais en 1868. L'affaire Troppman (1869) marque le retour en force des faits divers : Le Petit Journal imprime un nombre incalculable de journaux grâce à cette affaire scandaleuse. Naissance du magazine hebdomadaire Les FaitsDivers Illustrés (19051910). Il était sous-titré « Les événements les plus récents : les romans les plus célèbres ».

XVI siècle e

XVIIe siècle

Les « faits divers » commencent à paraître dans les occasionnels appelés également les canards (drôle de nom).

XVIIIe siècle

L'ouverture des audiences au public en 1789 : permet aux spectateur·rice·s et journalistes d'assister aux procès, entraînant peu après au XIXe la montée et l'intérêt du fait divers criminel.

XIXe siècle

Intérêt des artistes et écrivains pour les faits divers criminels. Ex : Dessins de Théodore Géricault sur le crime d'Antoine Bernardin Dualdès, un député.

Fin XIXe siècle

Apparition des journaux spécialisés dans les faits divers.

XXe siècle XXe siècle

XXe siècle

Naissance du magazine hebdomadaire L'Oeil de la Police (1905-1910). Même principe que Les Faits Divers Illustrés. Sa couverture est glaciale et sanglante, elle représente la scène horrifiante du fait divers dont il est question. La dernière page reprend les autres faits divers en France et à l'étranger.

Le XIXe, l'âge d'or du fait criminel Si regarder un film d’horreur vous file déjà la frousse, soyez heureux de ne pas avoir vécu parmi les hommes du XIXe qui eux, vivaient ce film pour de vrai. Ce siècle est souvent représenté comme l’âge d’or du fait divers criminel, et pour cause ! Avec des titrailles choquantes, des illustrations plus sanglantes que jamais, un taux de criminalité en hausse, et des artistes et écrivains qui trouvent inspiration dans les crimes les plus violents de la période : se sentir en sécurité était un luxe.

👀

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GRANDS

FAITS DIVERS

Les « grands » faits-divers ont marqué la France : saurez-vous retrouver le nom de chacune de ces affai res ? Le principal intéressé, faux médecin, a écopé de 26 ans de prison. Ancien militaire devenu tueur, il est responsable du meurtre de Maëlys et d’Arthur Noyer. On l’appelle le tueur de l’est parisien. « L’ogre des Ardennes » a été condamné deux fois à perpétuité pour les meurtres de 8 jeunes femmes et adolescentes. 3 décennies de rebondissements : une enquête qui dure depuis près de 36 ans. Quintuple meurtre non élucidé, elle est communément appelée « la tuerie de Nantes ». Survenue à Marseille, cette affaire a relancé le débat sur la peine de mort. Condamné à mort pour le meurtre d’un couple d’Anglais et de leur fille, en août 1952, près de sa ferme, en Haute Provence, le vieux paysan sera gracié en 1960. Emile Louis est l’un des plus célèbres tueurs en série français. Elle a pris la même tournure que l’affaire Dutroux, survenue en 1996 en Belgique. Son nom a d’ailleurs la même résonance…

Affaire Grégory Affaire Christian Ranucci Affaire Dupont de Ligonnès Affaire Dominici Affaire Jean-Claude Romand Affaire d’Outreau Michel Fourniret Nordhal Lelandais Guy Georges Affaire des « disparues de l’Yonne »

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Naissance du magazine Le Nouveau Détective (1928 à aujourd'hui). Il existe toujours depuis 93 ans. Il proposait des dessins très réalistes réalisés par Angelo Di Marco.

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17 — INTRODUCTION

S R E V I D S T I FA Le FAIT DIVE RS est souven t défini par la il n’est ni polit négative : ique, ni socia l, ni économiq Inclassable, il ue, ni culture a sa propre ru l. brique dans les un joyeux po t pourri d’acc journaux, idents, de meu de vols et au rtres sordides tres « chiens , écrasés ». En il concerne pe général, u de monde di rectement.


👀 INTRODUCTION — 18

POURQUOI RAFFOLONS-NOUS

DES FAITS DIVERS ? Au détour d’un kiosque à journaux, d’une page internet, d’un dîner en famille, d’une discussion avec la voisine, nous sommes aussi révoltés que fascinés par les faits divers qui parcourent le pays. Car, admettons-le, nous sommes tous un peu voyeurs, irrésistiblement attirés par ces sorties de piste un peu trash de l’ordinaire, du normal, de la morale. Ils sont en effet thérapeutiques ces faits divers, ils nous permettent de relativiser nos petits problèmes et grosses questions du quotidien. ­ Qu’est-ce qu’une régularisation URSSAF face au meurtre violent et sanglant dont on aurait pu être victime ? Ils nous rappellent qu’on est au fond chanceux, qu’il nous reste encore du temps avant qu’une histoire comme celle-ci, comme celle-là, ne frappe à notre porte. D’ailleurs, si on avait été courir dans les bois du coin, comme on s’était promis de le faire il y deux semaines, sisi c’est bien pour ta santé, on aurait peut-être fini comme ce·tte joggeur·se assassiné·e, ouf. Et puis, les faits divers nous inondent de sensations fortes, nous ramènent honteusement à nos bas instincts. Ce·tte courtier·e en assurances à l’existence si rangée, qui a pu sans crier gare devenir un.e tueur·se sanguinaire, nous fascine et parle étrangement à un nous primaire, animal. Ces personnes normales qui vrillent soudain, ces histoires ahurissantes qui surgissent au milieu de nos quotidiens, nous rappellent qu’on pourrait être autre, que la vie pourrait avoir un autre sens, et que tout ceci ne tient qu’à un fil. Elles nous renvoient tout simplement aux soubassements de la condition humaine. Le genre journalistique des faits divers sait user de ces traîtres ressorts psychologiques,

au point de nous entraîner avec eux dans un jeu d’indices, d’investigations, de rebondissements, de détails croustillants, qui nous rapprochent de la fiction. On se voit détective, on élabore des théories, on en parle autour de nous, on en fait toute une histoire. Les faits divers nous occupent, nous questionnent, nous font, au fond, nous sentir pas trop mal à notre place.

KIBLIND Magazine → 78 → Fait divers

FAIT DIVERS OU AFFAIRE ? Les politiques nous ont habitués à des affects stupéfiants, qui secouent non seulement les blanches chaumières mais aussi les plus hautes sphères de l'État. Sexe, drogue, argent, pouvoir, mensonge, rythment ces affaires variées dans des styles toujours renouvelés. Maître MICHEL ☹ GRAND MÉDIUM ☺

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Mais si faits ils sont, peut-on pour autant les considérer comme divers ? Ce qui nous fascine tant dans les faits divers, c’est notre proximité supposée avec les protagonistes, tant géographique que sociale. On aurait pu les connaître, croiser leur route, ça pourrait nous arriver. Or on doit bien admettre qu’on a du mal à se projeter dans la vie de nos dirigeants, que les emplois fictifs, hôtels 5 et autres lieux d’infractions, nous semblent bien lointains. Et puis, heureusement, si les affaires sont souvent glauques, il y est peu question de meurtres, ouf.

LE FAIT DIVERS, UN FAIT SOCIÉTAL De tout temps, tous les hommes ont semblé bien accrochés à ce type d’histoires. Déjà, les citoyens athéniens frémissaient avec les tragédies de Sophocle ou d’Eschyle, souvent bien lugubres et en famille, et les enfants tremblaient face aux psychopathes qui peuplent les contes de fées. Ces fables nous parlent d’histoires macabres universelles et se sont révélées de beaux best of, avant que de nouveaux circuits ne permettent à la rumeur d’identifier le voisin du bourg du coin. Car les faits divers nous rapprochent, ils nous permettent de créer du lien social : on en parle, on partage l’effroi, on suit la fin de l’enquête, on s’émeut ensemble. Finalement, il nous permet d’éprouver et de confirmer nos limites, individuelles mais aussi collectives. Enfin, pour chaque divers, il y a forcément un coupable. Le type ou la nana qui vrille, certes, mais aussi, parfois, la police, les médias, le système

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éducatif, la société toute entière. À travers chaque histoire, chacun règle ses comptes avec lui-même, avec les autres, avec qui il veut.

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APPEL À TÉMOINS est une émission de télévision française, diffusée sur M6, en direct, depuis juin 2021. Le but : mobiliser les téléspectateur·rice·s et recueillir des informations permettant d’explorer de nouvelles pistes et de relancer des affaires pour l’instant sans issue. Chaque épisode se consacre à trois affaires criminelles françaises non élucidées et permet aux familles des victimes d'apporter leur témoignage, complété par l'avis de spécialistes (procureurs, commissaires, etc.). L'émission est construite en partenariat avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice et les téléspectateur·rice·s sont invité·e·s à apporter tout témoignage pouvant être utile à l'enquête. Pour cela, un Numéro Vert et une adresse mail sont spécialement mis en place.

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Ambiance thriller pour ravir un public fasciné par les affaires criminelles, les « true crimes » cartonnent sur les plateformes de streaming. Pour créer ces séries documentaires, souvent inspirées de faits divers réels, les plateformes font appel à des scénaristes de cinéma qui travaillent habituellement dans la fiction. Le fait divers est très propice à une présentation sur ce mode, avec des rebondissements et une dimension feuilleton tout en exploitant la fascination du public pour les affaires criminelles.

Comme l’affirme Lucie Jouvet-Legrand, sociologue et spécialiste de la criminologie :

« Les faits divers ont toujours fait recette car l’encre et le sang se marient bien ».

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De la mythique Faites entrer l’accusé qui a donné ses lettres de noblesse au fait divers, en passant par Chroniques criminelles sans oublier Au bout de l'enquête, la fin du crime parfait ? (France 2), les émissions de faits divers continuent d’abonder sur nos écrans. On vous laisse choisir la vôtre dans notre programme TV : France 2

Samedi • 14H00

AU BOUT DE L'ENQUÊTE, LA FIN DU CRIME PARFAIT ? Présentée par Marie Drucker, cette émission sur les affaires non résolues révèle les secrets des plus grandes énigmes criminelles. Le plus : le criminologue Alain Bauer, spécialiste en herbe de la criminologie, apporte un éclairage unique. TFX

Samedi • 21H05

RMC Story

Dimanche • 21H05

Chérie 25

Mardi • 21H00

FAITES ENTRER L'ACCUSÉ

SNAPPED

Émission pionnière, rendue célèbre par son ambiance, sa rigueur éditoriale et le talent de conteur de Christophe Hondelatte qui tient les auditeurs en haleine avec ses récits captivants.

Présenté par Évelyne Thomas, Snapped est le seul prime de faits divers dédié aux États-Unis. À l'image des programmes d'outre-Atlantique, c'est riche en témoins, en archives qui font froid dans le dos (scène de crimes, vidéos des auditions de suspects...). Addictif comme un bon vieux feuilleton américain !

BFMTV

W9

Dimanche • 13H00

CHRONIQUES CRIMINELLES

AFFAIRE SUIVANTE

ENQUÊTES CRIMINELLES

Présentée par Julie Denayer, cette émission propose deux faits divers, un français, l'autre américain. Reconstitutions ponctuées d'effets sonores et visuels à gogo : âmes sensibles s’abstenir !

« Le magazine qui décrypte chaque semaine l'actualité police-justice » : l’émission revient sur les affaires en cours. Rythme de JT, intervenants divers, le tout dans un décor de tribunal.

Reconstitutions sur musique d'outretombe, nombreux témoins, narration neutre. La présentatrice, Nathalie Renoux, lance les sujets puis donne la parole aux experts (avocats, psychologues…).

NRJ12

RMC Story

Lun. au ven. • 12H15 et 19H35

CRIMES ET FAITS DIVERS : LA QUOTIDIENNE NRJ12

NON ÉLUCIDÉ

Lundi • 21H05

CRIMES NRJ12

Jeudi • 17H35

HÉRITAGES Expert du fait divers télé, Jean-Marc Morandini propose de nombreux rendez-vous : entouré d’une équipe d’expert·e·s, il décortique des histoires aussi vraies qu’effrayantes. Goût pour le pathos avec l'émotion d'invités en plateau, mix fait divers et people, les clés de la réussite sont au rendez-vous !

Emission créée en 2008 et présentée par Arnaud Poivre d’Arvor et Jean Marc-Bloch, et avec l’intervention de l’avocate Negar Haeri. Chaque épisode retrace l’une des grandes affaires criminelles françaises non élucidées, racontée comme une véritable fiction policière, avec la présence des présentateurs sur les lieux où se sont déroulés les faits et l’enquête. Indirectement l'émission espère réveiller des témoignages susceptibles d'apporter des éléments nouveaux aux enquêteurs. Elle a d’ailleurs permis de clôturer deux dossiers.

PAS VU À LA TV

Les audiences moyennes par émission RMC Story

FAITES ENTRER L'ACCUSÉ

W9

ENQUÊTES CRIMINELLES

NRJ12

CRIMES ET FAITS DIVERS

TFX

CHRONIQUES CRIMINELLES

RMC Story

NON ÉLUCIDÉ

RMC Story

INDICES

BFM TV LCI

1,1 Million 700 000 568 000 452 000 341 000 292 000

AFFAIRE SUIVANTE

205 000

LE GRAND DOCUMENT

83 000

Source → Médiamétrie

10,7 % 3,2 % 2,3 % 2% 1,4 % 1,3 % 1,2 % 0,4 %

KIBLIND Magazine → 78 → Fait divers

Dans le cas de Grégory, c’est un scénariste et réalisateur de thrillers venu du grand écran, Gilles Marchant (Qui a tué Bambi?) qui a été choisi pour adapter le drame en 5 épisodes sur Netflix. Avec des archives inédites et une atmosphère de film noir, Grégory contient tous les ingrédients d’une recette qui a fait ses preuves auprès d’un public jeune et international. En 2019, deux des dix documentaires Netflix les plus vus en France étaient consacrés à des histoires sordides.

SCOOP → LE CHAUFFARD ÉTAIT UN DANGEREUX MANIAQUE → SCOOP → LE MARI INFIDÈLE ENTERRE SA FEMME VIVANTE

FA IT LE SD S IV ÉM ER IS S À SIO LA NS TÉ DE LO U CH R E PRO

J

19 — INTRODUCTION

E

OUP D C

télé


👀 INTRODUCTION — 20

S R E V I D S T I FA NTIÈRE O R F S SAN E FRANC ër t-du-Lorou Saint-Vincen

CANADA

Golden

Une météorite traver se le toit de la maison d’une femme et atterit sur son oreiller.

RUSSIE

erLe bouch atrick P charcutier stallé in Lehoux a uteur de un distrib ant son ev rillettes d Saintde magasin , u-Loroüer Vincent-d he. rt dans la Sa

JAPON

Tomtor

Sept habitant·e·s meurent après avoir bu de l’antiseptique. Deux autres sont dans le coma.

CHINE

INDE

SIL BRÉ inas dia de M Brasilan nte me te Un hom n essaim u t ir de fu s en sautan le d’abeil lac et se n dans u ger par an fait m nhas. a des pir

Lorsque l’on pense « faits divers », on songe aux mauvaises rencontres, aux terribles accidents, aux psychopathes, aux serial killers et autres zinzins en liberté. Pourquoi est-on si négatif ? Et si le fait divers pouvait se révéler heureux ?

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

FAITS DE JOIE

AFRIQUE DU SUD Ngcobo Un homme de 42 ans est arrêté avec le sexe de son neveu, disparu quelques jours plus tôt, dan s son portefeuille.

Okayama

Un conducteur de train poursuit en justice son employeur après s'ê tre vu retirer 43 centim es d'euro sur son salair e.

Chongqing

Un homme drogué jette de l’argent par sa fenêtre située au 3e étage et crée un embouteillage en bas de chez lui.

Moradabad

Un homme, déclaré mort après un accident de moto, est retrouvé bien vivant, quoique un peu froid, après de longues heures passées à nal Chen la morgue. E IND or s s d’ uet és sou q a s p v Des retrou chevelu n t e s n t s o e s e aï. oup mm les t eux ho de Dub e d c e n d a ven pro

ÉSIE INDON Tangerang is brûle tro La police is b a n n ca e tonnes d er débarrass pour s’en te u e to et drogu par les une ville ns. o ti a n a ém

DANS LA CATÉGORIE…

C'est un mal pour un bien

On n’est pas passé loin

Les miracles existent

Le récent accident d’un camion Super U en Guadeloupe. Plus de peur que de mal pour le conducteur, et surtout, des centaines d’heureux. L'entreprise a en effet permis aux nombreux passants de se servir plutôt que de jeter toutes les denrées à la poubelle.

La palme revient sans nul doute à l’histoire des tueurs à gage chinois. Le pitch (bien réel) : un homme d’affaires, M. Qin décide d’embaucher un tueur à gages afin d’éliminer son rival, M. Wei. Plus fastoche semble-t-il qu’un bras de fer commercial. Le premier homme de main décide de sous-traiter le crime, offrant à un second assassin la moitié de la somme promise. Il s’avère que ce deuxième brigand a la même idée, un petit manège qui va se répéter jusqu’à un cinquième homme, qui accepte la funeste mission pour une somme dérisoire (12 000 € environ). Estimant que la récompense n’en valait pas la peine, ce dernier tueur contacte sa cible et lui propose un arrangement à l’amiable. M. Qin, Mister luckiest guy on earth.

On dénombre de nombreuses histoires de chutes - du 10e étage d’un immeuble au haut d’une falaise - aux issues incroyables. On entend par là : ne pas mourir, s’en sortir avec quelques fractures voire quelques égratignures. La chance à des os solides ou à un bosquet douillet en contrebas. À ce petit jeu, un enfant de 6 ans s’en est tiré de belle façon, au Mans. Ce dernier a survécu après être tombé de la voiture de son ­­grandpère et s’être fait rouler dessus par deux véhicules. Une double fracture à la jambe « seulement » pour ce petit gars miraculé. Alleluia !

Joyeux Noël !

SCOOP → IL OFFRE UN AMANT À SA FEMME → SCOOP → PRISONNIÈRE D'UN MANIAQUE SEXUEL → SCOO


👀

GRANDS ENQUÊTEURS

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FRAN CE 6 Une énig me du p ère sujette à une plain Fouras est te de no téléspect mbreux ateurs. 7

INDONÉSIE fait appeler Abcdef Un garçon de 12 ans se de mots croisés. fan est e Ghijk, car son pèr TURQUIE 8 Porté disparu et saoul, il part icipe à sa propre recherche dans les bois .

RÉPONSES

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

PENSANT AVOIR RELIÉ LES POINTS D’UNE ENQUÊTE QUI SEMBLE PATINER CÔTÉ POLICE.

SCOOP → ELLE AVAIT UNE MORTE POUR RIVALE → SCOOP → UN SADIQUE L'ATTENDAIT À SON RETOUR DU BAL

o Gabrielle Petit l’influenceuse es dizaines lqu que de t Depuis la disparition de san pas à son compte a explosé à le nombre d’abonnés photos de son road trip s quand elle publiait des la jeune de ps cor le que de milliers d’abonné·e· rs . Alo à plus d’1 million age travers les États-Unis cé, rentré seul du voy 19 septembre, son fian le vé rou ret été a fille herché par la police. rec ent ivem act est , disparu pendant lequel elle a

FRANC E Un homme, frappé par une mamie d'une partie lors de loto, fin it à l'hôpita l.

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INFO — 2 INTOX — 3 INTOX — INFO — 6 INTOX — 7 INFO —

LE CA S DE

5

PROCESSUS COLLECTIF

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1

Les réseaux sociaux, nouveau terrain de jeu pour les amateurs de faits divers ? Ces dernières années, une nouvelle forme d’addiction s’est développée pour le « true crime » 3.0. Grâce à leurs écrans, les internautes ont désormais accès aux mêmes connaissances que les vrais enquêteurs. À travers les partages, les interactions, les « j’aime », les abonnements, les followers, les réseaux sociaux nous donnent accès à tout un tas d’informations qui, mises bout à bout, permettent de savoir ce que font les gens dans leur quotidien. Des internautes en profitent pour traquer les indices donnant accès aux clés des affaires non résolues. Tout un chacun se mobilise pour enquêter, on parle même de

La dernière affaire en d at

Quand les internautes s’improvisent

21 — INTRODUCTION

FAITS DIVERS ET RÉSEAUX SOCIAUX


👀 INTRODUCTION — 22

Si la cartographie française du fait divers se concentre avant tout sur des lieux bizarrement regroupés dans la diagonale du vide (big up aux lecteur·rice·s Aubussonnais·e·s), il est des faits divers qui touchent des territoires et des victimes inattendus, au point qu’on ne les considère plus tant comme les « chiens écrasés » d’antan. Il est, cher·ère lecteur·rice, des faits divers qui apparaissent dans le champ de la musique, du cinéma, de la mode, comme un cheveu sur la soupe. Ceux-là ne touchent pas nos voisins ou le boulanger du coin. Ceux-là touchent les stars de notre enfance, celles de nos grandsparents, de nos petits cousins. Dernier exemple en date, l’accident tragique sur le tournage du film de Joel Souza, Rust. Alors qu’il joue une scène, Alec Baldwin tire sur la directrice de la photographie Halyna Hutchins. L’arme à feu était chargée et la fiction prend alors un tournant fatal. Rideau. L’accident fait couler beaucoup d’encre et, pour cause, il a tous les codes du fait divers : inattendu, tragique, sordide. Quand il s’agit de nos vedettes préférées, stars des écrans et des baladeurs MP3, le fait divers nous met dans tous nos états.

DANIEL BALAVOINE

MARCEL CERDAN

PAS TOI DANIEL, PAS TOI…

Non pas qu’une vie vaille mieux qu’une autre, mais quand un potentiel artistique se voit brutalement stoppé par un banal, soudain, glaçant, accident ou assassinat, le « T’as pas entendu ?! » est vite remplacé par un post hommage sur nos réseaux sociaux afin de faire savoir au monde notre tristesse infinie face à un tel gâchis de génie. Et force est d’admettre que le monde du cinéma, celui de la musique ou de la mode, n’ont pas été épargnés. Finalement, la Meuse et les Vosges n’ont pas le monopole de l’accident ou du meurtre violent. Mais quand on regarde de plus près : plus la notoriété de la victime est élevée, plus le fait divers tend à devenir fait de société, notable. Les hommages nationaux pleuvent et dans tout ça on en oublie que le fait est tout aussi sensationnel et incongru, divers. Certaines de ces histoires portent d’ailleurs leurs lots de mystères non résolus, d’enquêtes falsifiées et de complots en tous genres. À en voir la cause de ces différentes morts, on en vient à se dire qu’on n’est pas si éloignés d’Otis Redding, de Glenn Miller ou de James Dean. Que ce sont eux, ç’aurait pu être nous, ça a été d’autres aussi. Et ça pour le coup c’est réconfortant, happy ending.

OTIS REDDING

BUDDY HOLLY

GLEN MILLER

LE DESSIN D’AUDIEN C E

FAITS DIVERS & CULTURE

BABY, THERE'S NO OTHER CRIMINAL, YOU KNOW THAT I'LL BE… Se prendre autant de flash en pleine poire que Britney Spears lors de sa mise en tutelle, voilà ce qui attendait les accusés lors de leur venue au tribunal et cela jusqu’au milieu du 20ème siècle. Dans les années 1920/1930, on assiste à une multiplication des appareils d’enregistrement entraînant de nombreux dérapages lors des procès. Celui de Gaston Dominici en 1954 est un très bon exemple et surtout un déclencheur. Pendant l’audience, ce sont plus de 150 journalistes accrédités et trente photographes qui se déchaînent pour obtenir la meilleure photo, le brouhaha règne et le procès est plusieurs fois perturbé. Résultat ? Jean Minjoz, député, présente une proposition de loi visant à « interdire la radiodiffusion, la télévision et la photographie des débats judiciaires ». La loi sera définitivement adoptée le 6 décembre 1954. Elle s’atténue par la suite grâce à la loi du 11 juillet 1985 qui autorise l’enregistrement mais seulement pour la constitution d’archives historiques. C’est donc le dessin qui devient le médium idéal pour illustrer une affaire. DESSINE-MOI UN COUPABLE

accident d’hélicoptère

accident d’avion

accident d’avion

accident d’avion

accident d’avion

SHARON TATE

JOHN LENNON

MORIZIO GUCCI

GIANNI VERSACE

TUPAC

assassiné dans sa villa

assassiné devant chez lui

assassiné sous le porche de son bureau

assassiné sur les marches de sa villa

assassiné dans sa voiture

NOTORIOUS BIG

PIER PAOLO PASOLINI

MARVIN GAYE

DJ MEDHI

PHILIPPE ZDAR

Le croquis d’audience appelé aussi dessin d’audience est un dessin d’après nature réalisé au cours d’un procès. Il est autorisé de par sa discrétion, mais également du fait qu’il réside purement dans un principe d’interprétation. Cette pratique existe en réalité depuis bien longtemps, autrefois ce sont les gravures qui permettaient de représenter les grands procès. Les personnes qui réalisent ces croquis se nomment (attention très original) les dessinateurs d’audience. Ils sont assez nombreux, mais peu d’entre eux exercent uniquement cette activité. Le dessinateur doit avoir une bonne mémoire et doit surtout être réactif pour capturer le bon moment du procès.

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

EMPLES DE QUELQUES EX JUDICIAIRES RS EU DESSINAT

assassiné en se rendant à la radio après un after

assassiné sur une plage

assassiné par son père avec l’arme qu’il lui avait offert plus tôt

PAUL WALKER

JAMES DEAN

ISADORA DUNCAN

accident de voiture

accident de voiture

étranglée par son foulard pris dans une roue de sa décapotable

chute mortelle à travers sa passerelle de verre dans son domicile

chute mortelle causée par un garde-corps défectueux

DE TUPAC À BALAVOINE EN PASSANT PAR PAUL WALKER OU ENCORE VERSACE, PETIT TROMBINOSCOPE NON EXHAUSTIF DE CES ÉTOILES PARTIES TROP TÔT… (PLUS BESOIN DE POSTER AU DEATH ANNIVERSARY AVEC UN TEL HOMMAGE, C’EST CADEAU).

BENOÎT PEYRUCQ Plus de 15 ans qu'il est dans le métier. Collabore avec l'AFP. Ses dessins apparaissent dans Libération, Le Figaro, Canal+. Travaille à l'aquarelle. NOËLLE HERRENSCHMIDT Reconnue dans le milieu depuis les années 90, son travail est apparu dans Le Monde. Elle a réalisé les croquis des procès Barbie, Papon, Dumas, Clearstream. ELISABETH DE POURQUERY Autrefois en école d’illustration et de bande dessinée. En France, deux femmes vivent de cette profession, elle est l'une d'entre elles.


HISTOIRE VRAIE !

HISTOIRE VRAIE !

HISTOIRE VRAIE !

HISTOIRE VRAIE !

👀 23 — INTRODUCTION

ET SI ÇA VOUS ARRIVAIT À VOUS ? MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU

« J’AI COUCHÉ AVEC UN HOMME-CHAT » MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU

C’était le 11 juin dernier, un vendredi printanier souriant sous le soleil. Ce jour-là, Ludivine L.* se rend à 18.30 au « Bout du Monde »*, un bar qui jouxte la Cathédrale Saint-Étienne, dans le quartier historique de Limoges* pour faire la rencontre de Sacha T.*. Les terrasses venaient tout juste de rouvrir suite à l’annonce de l’acte 2 du déconfinement. « Les gens recommençaient à sortir et il fallait arriver tôt pour être sûr de trouver une place », se souvient Ludivine L..

« JUSQU’À PRÉSENT CE GARÇON ÉTAIT NORMAL. »

Sacha T. était déjà là et l’attendait. La trentaine, brun, mal rasé, avec un petit style citadin jeans-besace, il correspondait à la description du site de rencontres sur lequel ils avaient échangé leurs premiers mots. Les discussions reprennent, en tête-à-tête cette fois-ci, avec des sujets classiques comme le travail, le cinéma et les goût musicaux, ou encore la finale de Top Chef. Ils découvrent qu’ils ont vécu presque au même endroit et prenaient le même bus sans jamais s’être aperçus. Magie du hasard. Au fil de la conversation les verres s’enchaînent. « Ils servaient un très bon gin dans ce bar ; un gin fumé », précise Ludivine L.. Vers 22.00, ils quittent les lieux pour aller boire une bière en cannette sur les berges de la Vienne. Le courant passe bien entre eux ; ils s’embrassent. Puis ils vont chez lui pour le dernier verre, juste avant la nuit.

Les jours suivants, quelques messages sont échangés. Dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 juin, peu après minuit, Ludivine L. rentre de soirée. Elle décide d’inviter à son tour Sacha T. à son domicile et lui envoie un SMS. « Jusqu’à présent ce garçon était normal », justifie-t-elle.

Soudain, Sacha T. se met à parler avec une voix d’enfant. « Une voix que je n’arrive même pas à imiter », poursuit Ludivine L., « et il me dit, avec sa petite voix aigüe : “J’ai le syndrome de Peter Pan ! Mais là ça va aller mieux parce que je vais avoir une nouvelle psy.” » Elle commence à se questionner sur lui. « Et si c’était un malade ? ». Sur cette réflexion, Sacha T. commence à se frotter contre elle, à se gratter et à miauler, comme un chat. Ludivine L. est très surprise, et considère la scène de l’extérieur, comme si elle regardait un film. Ce qui arrive lui semble totalement improbable, surtout à elle qui a horreur des chats : « Je les trouve arrogants. Ils agitent leur queue seulement par intérêt, pour obtenir quelque chose. Je déteste les chats, qui se courbent, se frottent et se faufilent entre les jambes en miaulant. » Les yeux écarquillés, saisie de stupeur, elle lui jette : « Alors là, les chats, c’est pas possible ! Je déteste les chats ! Arrête tout de suite ! » À ces mots, Sacha T. recule, se met à quatre pattes, tend son corps en arrière et, la dévisageant, lance dans sa direction un cri perçant comme un souffle sec : un cri de chat. Frappée d’effroi, choquée, Ludivine L. se tourne sur le côté de son lit. Figée par la peur, elle reste immobile jusqu’à ce que la fatigue la rattrape et elle sombre dans un sommeil de plomb. Au matin, Sacha T. a disparu. Pas de trace dans l’appartement, ni mot sur le buffet à l’entrée près du porte-manteaux. Mais sur la table de la cuisine, consciencieusement déposée sur le torchon qui sert à essuyer la vaisselle, la queue encore frémissante, une petite souris à moitié dévorée git agonisante comme un trophée. Ce mercredi-là, Ludivine L. se promit que ce serait son dernier plan Tinder.

MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU MIAOU

* Les noms et les lieux ont volontairement été modifiés pour préserver l’anonymat des protagonistes.

→ Textes : S. Grafa, A.Hassler, R. Lechleiter, S. Pauly, C. Roux & J. Tourette → Mise en page : A. Bruguière & G. Bonneau

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Au petit matin, vers midi, Ludivine L. rentre chez elle, tandis que Sacha T. se rend à un déjeuner de famille.

Sacha T. arrive vers 02.00. Visiblement il avait lui aussi vécu une première partie de soirée festive, et le couple passablement alcoolisé se retrouve dans la chambre de Ludivine L..


👀 INVITATION — 24

La banalité au bout de la manette

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Rédacteur en chef de la revue Immersion, Angelo Careri a également un job auquel nombre d’étudiants n’oserait même rêver : il enseigne l’histoire du jeu vidéo. Gamer et philosophe à la fois, Angelo Careri raconte ces moments notables où des histoires réelles du quotidien ont su s’infiltrer dans l’univers paradoxalement hyper-fantastique du jeu vidéo.


👀 25 — INVITATION KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Les faits divers marquent en général l’arrivée fracassante, la plupart du temps circonscrite à une simple rubrique en bas de page, du sensationnel dans notre quotidien. N’est-ce pas aussi paradoxalement l’une des ambitions des jeux vidéo : l’interruption, savamment contenue dans les bornes de votre écran, d’une parenthèse inattendue ? Si l’association entre les deux ne va pas de soi, les jeux vidéo se sont pourtant intéressés dès les années 1980 aux faits d’actualité les plus cocasses. La plupart du temps sur un mode parodique, même si certains développeurs n’ont pas hésité, dans le passé, à s’inspirer d’événements bien réels. — Parodier les faits divers. Il y a sans doute quelque chose de contre-intuitif à assimiler les faits divers, qui s’ancrent dans le quotidien, avec l’univers des jeux vidéo, que l’on associe plus volontiers à des prouesses extraordinaires et à des mondes fantastiques. Mais les exemples d’une association des deux ne manquent pas. Pendant les années 1980, la majorité des titres créés en France se fondent ainsi sur des genres littéraires existants, et en particulier sur les romans policiers. Certains studios n’hésitent alors pas à puiser dans l’actualité pour trouver l’inspiration et attirer le chaland. Cette période, particulièrement riche et foisonnante, est aujourd’hui mieux connue, notamment grâce au travail des historiens Alexis Blanchet et Guillaume Montagnon, auteurs d’Une récente Histoire du jeu vidéo en France. On y apprend que l’une des particularités du jeu d’aventure à la française, c’est qu’il se destine à un public avant tout local. Ce qui explique aussi qu’on y trouve recyclés les codes et les références que partage l’ensemble de la population française. Et une certaine propension à la parodie dans la manière dont la presse contemporaine y est représentée. Dans la séquence d’introduction de Pépé Béquilles (1987), on lit ainsi que « tous les journaux (Dauphinois enchaîné, Ici Annecy, Seconde) étaient présents à la conférence de presse de Marcel Dugland [sic] sur le vol scandaleux de ses précieuses béquilles à la clinique ». Ou encore, sur la jaquette de Roger et Paulo (1984) : « Roger le déménageur, rendu fou par le soleil, jette par la fenêtre tous les meubles d’un appartement. Paulo, son collègue, arrivera-t-il à le calmer avant qu’il s’en prenne à la propriétaire ellemême ? ». Tout un programme… qui fait office en réalité de prétexte à un plagiat peu subtil de Donkey Kong. Créés à l’époque par de très jeunes adultes, à l’humour souvent douteux, certains jeux reprennent ainsi volontiers à leur compte la rhétorique des faits divers, pour l’adapter à des situations plus ou moins propices à l’amusement.


👀 INVITATION — 26 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Cette irruption sur un mode absurde de personnages ancrés dans la vie quotidienne des Français est le marqueur d’un média qui se cherche encore. Si les moyens technologiques sont encore limités, à l’âge du micro-ordinateur, tout semble prétexte à l’aventure vidéoludique, y compris les situations les plus triviales. Dans Chomedu (1988), il faut ainsi récupérer ses indemnités à l’ANPE, et dans Amélie Minuit (1985), on incarne une secrétaire à la recherche d’un dossier égaré... On est donc bien loin des quêtes initiatiques et des mondes peuplés de créatures fantastiques, telles que celles que l’on retrouve à l’époque dans The Legend of Zelda. Certes, en France aussi, la science-fiction et l’heroic fantasy dominent. Mais certains titres empruntent surtout à la rubrique faits divers : Le Crime du parking (1985) nous propose par exemple d’élucider le meurtre d’une certaine Odile Conchoux, tandis que La Java du privé (1986) nous plonge à son tour dans une sordide histoire d’adultère digne d’une enquête de Nestor Burma. — Surfer sur l'actualité. Il faut dire que ces titres français (près de 400 références pour la seule décennie des années 1980) sont créés à la va-vite, par des équipes de deux ou trois personnes au maximum. Et si les coûts sont moindres, le marché aussi, et celui-ci se révèle particulièrement fluctuant. Le parc informatique est en effet un terrain en perpétuelle évolution, avec des dizaines de micro-ordinateurs qui se font la compétition et qui disparaissent parfois du jour au lendemain. D’où, parfois, l’envie de surfer sur une actualité pour vendre davantage de disquettes et de cassettes. L’un des exemples les plus parlants de ce phénomène est le titre Cessna over Moscow (1987), développé par les Chalonnais de CobraSoft, et qui se base sur un curieux fait divers. En mai 1987, l’aviateur allemand Mathias Rust décolle d’Helsinki à bord d’un Cessna avec un seul projet en tête : créer « un pont imaginaire » au-dessus du rideau de fer. Sans en avoir l’autorisation, et sans que la défense aérienne de l’URSS ne parvienne à le détecter ou à l’arrêter, il pénètre ainsi dans l’espace aérien russe et se pose près de la Place rouge, en face du Kremlin. L’affaire, très embarrassante pour les autorités locales, fait les gros titres de la presse mondiale. Quelques semaines plus tard, CobraSoft édite alors Cessna over Moscow, un jeu qui exhibe fièrement la photo de Mathias Rust sur son écran-titre, et que la famille du jeune Allemand va s’empresser d’essayer de faire interdire.


👀 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Visuels dans l'ordre d'apparition : SoftHawk – Pépé Béquilles, 1987 / Infogrames – Roger et Paulo, 1984 / Nintendo – Donkey Kong, 1982 / Amstrad CPC – Chomedu, 1988 / Froggy Software – Le crime du parking, 1985 / Patrick Dublanchet – Amélie Minuit, 1985 / Froggy Software – La Java du privé, 1986 / Cobra Soft – Cessna Over Moscow, 1987 / Cobra Soft – L'Affaire Rainbow Warrior, 1985 / The Pixel Hunt, ARTE France, Figs – Bury me my love, 2019 / Colossal Order, Tantalus Media – Chirper, Cities : Skylines, 2011 / Rockstar Games – Radios stations, Grand theft Auto, 1997 / Bethesda Softworks, Bethesda Game Studios – Capital Post, Fallout 3, 2008 / Nintendo, The legend of Zelda, 1986

27 — INVITATION

Il faut dire que ce n’est pas la première fois que Bertrand Brocard, qui a créé CobraSoft quelques années plus tôt, donne dans le « programme événementiel ». Avec Dossier G. L’affaire du « Rainbow Warrior » (1985), il s’attaque ni plus ni moins au scandale du Rainbow Warrior, lors duquel le gouvernement de François Mitterrand coule le navire amiral de la flotte de Greenpeace, en faisant un mort au passage. Mais pas question ici de se mêler sérieusement de politique : à l’époque, le magazine Tilt salue ainsi un logiciel garanti « 100 % non sérieux », et insiste sur sa dimension humoristique. — La crédibilité en question. Est-ce à dire que les jeux vidéo sont condamnés à ne traiter de l’actualité que sous une forme parodique ? Pas forcément : aujourd’hui, on trouve de nombreux jeux politiques ou qui abordent des faits de société. Récemment, pour rester en France, le jeu Enterre-moi mon amour (2019) évoquait ainsi avec subtilité, en se basant sur de véritables témoignages, le parcours d’une migrante syrienne. Certains game designers, comme l’italien Paolo Pedercini, sont par ailleurs coutumiers d’une approche qui conjugue rigueur journalistique et activisme politique : le chercheur américain Ian Bogost parle à ce propos de « jeux persuasifs ». Mais on quitte alors très nettement le terrain du fait divers. Car si ce dernier peut se révéler significatif, et révélateur de certaines dynamiques qui traversent la société, il se caractérise aussi et surtout par son aspect anecdotique. C’est donc encore une fois du côté de la parodie qu’il faut chercher si l’on veut retrouver la trace de leur présence dans des jeux plus récents. Ils y ont d’ailleurs surtout pour fonction de rendre les mondes virtuels plus crédibles : les émissions radio dans Grand Theft Auto, Chirper (Twitter) dans Cities : Skylines, le Capitol Post dans Fallout 3… Les titres de presse apparaissent dans d’innombrables titres, la plupart du temps sous une forme fictionnelle, et en faisant souvent la part belle aux actualités les plus loufoques. Cette présence de la presse dans les jeux vidéo joue pourtant un rôle important : favoriser l’immersion, en accentuant l’impression de mondes cohérents, qui ressemblent à celui que nous connaissons. Cette stratégie, les jeux vidéo la partagent avec les autres médias digitaux, qui sont désormais des objets hypermédiatiques, et qui recyclent toutes les autres formes visuelles, sonores et écrites, en un montage complexe d’informations.


EN COUVERTURE — 28

trampoline

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👀


→ Maneki Cat

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Trampoline est une artiste japonaise de 29 ans vivant à Tokyo et la jeune maman d’un enfant de trois ans qui pimente ses journées de travail. Si elle œuvre aujourd’hui dans le domaine de l’illustration, la jeune Tokyoïte a longtemps travaillé dans d’autres sphères lui permettant de rencontrer ses contemporains et de mieux les cerner. Ses illustrations sont aussi mystérieuses et simples que leur autrice. À travers ces quelques questions, nous avons tenté d’en savoir un peu plus sur la discrète créatrice qui nous a immédiatement séduits par ses personnages hybrides et son étrange atmosphère ludique et contrastée. Trampoline aime partir des mots pour créer ses images. Elle griffonne toujours pour commencer les expressions ou phrases qui vont par la suite donner vie au dessin. Pour ce numéro, on lui a proposé d’écrire « faits divers » et d’imaginer le monde qui va avec. 29 — EN COUVERTURE

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→ Mixing


→ Eden

J’aime mélanger les dessins sombres et très pop à la fois, créer une atmosphère étrange mais aussi ludique, enfantine. J’adore jouer sur ces paradoxes. Ça se retrouve également dans mes personnages. Par exemple, je vais dessiner un personnage mignon qui pleure ou qui a une grande ombre sur son visage. Je suis attirée par ces visuels contradictoires. Cette « bizarrerie » qui existe dans mes illustrations est un peu le reflet de ce que pourrait être le cerveau, l’imagination d’un petit enfant. Sinon, il n’y a pas de grand message dans mes dessins.

Comme crées-tu cette sensation de mystère dans tes illustrations ?

2021 a été pour ainsi dire une année assez chargée avec beaucoup de choses (surtout au second semestre), mais la plus grande nouvelle est sans doute que mon fils de trois ans peut désormais changer de vêtements tout seul ! Les enfants grandissent si vite, ça m’étonne toujours.

Comme s’est déroulée cette année ?

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→ Tulpa


« Cette "bizarrerie" qui existe dans mes illustrations est un peu le reflet de ce que pourrait être le cerveau, l’imagination d’un petit enfant ».

→ Proposition 1 - Kiblind Cover

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→ Proposition 2 - Kiblind Cover

Notre vie quotidienne est faite d’innombrables « incidents » et « nouvelles » de toutes tailles, mais nous ne les connaissons pas tous, et nous sélectionnons finalement inconsciemment les sujets qui vont nous intéresser. Cette illustration exprime l’extraordinaire relation entre ces « nouvelles » et les « personnes » du point de vue d’un tiers. Je n’avais pas vraiment pensé à la continuité entre le premier et le deuxième croquis, mais quand j’ai pris conscience des deux espaces, la pièce et le moniteur (ou fenêtre), c’était finalement comme une structure à deux étages ! La deuxième image est aussi dessinée du même point de vue que la première.

Comment as-tu imaginé la couverture ?

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J’adorais dessiner quand j’étais petite. Enfant, je passais mes journées chez mes grands-parents à dessiner. En grandissant, je dessinais moins, mais mon intérêt pour le design et la culture visuelle s’est développé au fil du temps. J’ai étudié dans une école d’art à Kyoto, puis j’ai arrêté après environ un an parce que j’ai commencé à sentir que j’étais socialement immature et que la vie universitaire n’était pas suffisante pour moi. Après cela, j’ai coupé avec l’illustration pendant huit ans et j’ai essayé divers métiers. Ces diverses expériences avec toutes ces personnes d’âges et de sexes différents ont eu beaucoup d’influence sur moi, et cela se ressent encore aujourd’hui. Jusqu’à l’année dernière, j’ai fait une pause, mais après la naissance de mon bébé, j’ai retrouvé le plaisir de m’exprimer dans mon quotidien et j’ai repris ma production.

Quel est ton parcours ?

Mes personnages sont à la fois humains et inorganiques (jouets et objets). Je cherche quelque chose entre les deux. Je pense que les visuels simples et pop sont bons pour transmettre de petites émotions aux gens. J’aime beaucoup dessiner des personnages et des animaux de petite taille depuis que je suis enfant, mais ce n’est que très récemment que j’ai développé réellement mon style.

Comment qualifierais-tu tes personnages ?

J’essaie généralement d’exprimer d’abord mes idées avec des mots. D’ailleurs j’écris chaque fois que je trouve des mots que j’aime ou des visuels qui semblent intéressants. Ce sont généralement des phrases courtes d’environ une ligne. Sur la base de ces innombrables mots, j’esquisse une image très simple sur mon iPad (surtout pour avoir une idée de l’emplacement). Une fois que j’ai choisi un motif central pour l’image, je remplis la zone qui l’entoure avec une myriade d’idées pour la rendre visuellement cohérente avec le thème. J’ajoute et soustrais ensuite des images au fur et à mesure que je dessine, mais souvent, je ne connais pas l’image définitive avant la fin.

Quelle est ta méthode pour dessiner ?

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👀 → No title


→ No title

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→ No title

→ Interview : J. Martinez

J’aime beaucoup la texture analogique et la couleur de l’encre. La première fois que j’ai imprimé en riso, je suis tombé amoureuse du rendu. Mais il y a tellement de choses que je ne sais pas encore sur l’impression ! Il y a assez peu de studios riso au Japon et je n’ai imprimé pour l’instant qu’au format A3 ; du coup, j’aimerais bien essayer d’imprimer des formats plus grands. J’aimerais aussi faire plus d’impression expérimentale et tester des rendus différents. Ça sera sans doute le cas pour ma prochaine exposition !

Pourquoi travailler souvent en riso ?

La musique est probablement la chose qui m’influence le plus. La pop, le rock mais aussi la variété que l’on entend un peu partout en ville. Enfant, j’aimais aussi beaucoup les bandes dessinées alternatives et les courts métrages d’animation japonais et du monde entier.

Quelles sont tes influences ?

Je travaille actuellement sur une figurine de personnage en PVC. Je prévois de la vendre lors mon exposition personnelle qui se tiendra à Tokyo en mars prochain. Je suis toujours en train de créer le modèle 3D, mais ça va être très mignon et j’ai hâte de le voir terminé. C’est ma première tentative de création d’une figurine, donc c’était très excitant ! Je prévois également d’avoir une autre exposition solo en août mais cette fois je n’utiliserai pas la risographie, que j’ai souvent utilisée dans le passé. C’est encore au stade de projet, mais il y a de fortes chances que j’utilise le « Giclee Print », et je suis assez excitée à l’idée de créer des visuels différents de tout ce que j’ai fait auparavant. Et puis je travaille actuellement sur des illustrations pour le magazine culturel japonais « POPEYE ». C’est un projet qui présente les chambres et les lieux de travail d’artistes du monde entier. Je fournis une petite illustration de plan d’étage pour chaque numéro, et c’est un grand honneur pour moi d’avoir mes illustrations présentées dans un magazine que je lis depuis que je suis jeune. C’est aussi un plaisir d’être impliquée dans la musique, la culture et la mode.

Peux-tu nous parler de quelques projets qui ont compté pour toi ?

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👀 CRÉATIONS ORIGINALES — 34

CRÉA TIONS ORIGI NALES Diable, qu’il n’a pas dû être facile ce thème-là. Bienheureusement, nous avons filé le bébé à d’autres, bien plus talentueux, bien plus doués de leurs mains et de leur cerveau pour faire passer comme une lettre à la poste ces histoires de meurtres, braquages, kidnappings et autres joyeusetés.

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Car si ces faits divers sont passés dans la culture populaire et qu’ils sont aujourd’hui sujets à racolage voire à rigolade, ils n’en restent pas moins des histoires vraies ayant affecté l’existence de personnes réelles. Les huit artistes ont donc dû se débrouiller avec une histoire à résumer, une empathie à conserver et de la beauté à donner. Mais ces gens-là ont balayé le défi imposé et ont brillé, dans ces créations originales, de leur immense talent. Remercions donc chaleureusement, Rémy Mattei, Lucile Ourvouai, Mayumi Tsuzuki, Sander Ettema, Lucas Burtin, Andrés Magán, Corentin Garrido et Hippolyte Jacquet : les travaux sont incroyables.


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instagram.com/remymattei

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Rémy Mattei | Le petit Grégory

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Tsuzuki Mayumi | Redoine Faïd

instagram.com/tsuzuki_mayumi

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instagram.com/sander_ettema

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Sander Ettema | Issei Sagawa

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Andrés Magán | Christophe Rocancourt

instagram.com/a.mag.an

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instagram.com/lucas_burtin

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Lucas Burtin | Doris Payne

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👀 CRÉATIONS ORIGINALES — 40 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Hippolyte Jacquet | Wolfgang Beltracchi instagram.com/hippolytejacquet


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instagram.com/kumoonna

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Kumoonna | Jane Toppa

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Corentin Garrido | Toni Musulin

instagram.com/corentin.garrido

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👀 Elle aurait pu faire l’objet d’une anecdote puis être oubliée comme tant d’autres, mais l’affaire de la disparition du petit Grégory a été entourée d’une telle part d’ombre qu’elle fascine encore. Il faut dire que de nombreux éléments étaient annonciateurs de ce jour de 1984 où Grégory, quatre ans, est retrouvé mort dans la rivière de la Vologne. Depuis plus d’un an, un « corbeau » tenace proliférait des menaces de mort à la famille Villemin, sous couvert d’histoires de jalousie et d’argent. Le suspect : Bernard Laroche, cousin du père de Grégory, sera abattu d’un coup de fusil un an après, alors qu’un autre suspect est désigné ensuite… Le mystère reste encore aujourd’hui entier, malheureusement pas comme le petit Grégory.

Issei Sagawa Pour Issei Sagawa, l’étape dans une relation qui vient juste après le bisou sur la bouche est la consommation de la chair de sa partenaire. Au sens propre (et très sale à la fois). En 1981, le Japonais alors étudiant à Paris invite une amie hollandaise chez lui et puis finit tout simplement par la manger en prenant soin de photographier chaque étape, dans un but « artistique ». Il sera interné puis extradé vers le Japon. Remis en liberté (seulement) quatre ans après, l’homme écrira des livres et deviendra même la mascotte d’une publicité pour un restaurant de viande. Heureusement, Issei avouera ensuite dans un documentaire qui lui est consacré qu’il regrettait d’« avoir mangé Renée » sans avoir pu à son tour « être mangé par Renée ». Une notion d’équité qui fait plaisir à entendre.

Doris Payne « Diamonds are a girl’s best friends » chantait Marilyn et ce n’est pas Doris Payne qui la contredira. C’est dans les années 1950 que démarre la carrière de voleuse de diamants de Doris Payne. Jouant de ses charmes et de sa prestance, l’Américaine parvient rapidement à faire des doublés en mettant dans sa poche à la fois les vendeurs et plus discrètement, les bijoux qui brillent. Avec un modus operandi soigné, celle que l’on décrit comme l’une des plus célèbres et prolifiques voleuses de diamants du XXe siècle aurait volé pour plus de 2 millions de dollars de bijoux aux États-Unis et ailleurs. À chaque sortie de prison et malgré ses 86 ans, Doris continue d’ailleurs régulièrement de se faire prendre la main dans le sac.

Jane Toppan

FAITS DIVERS ILLUSTRÉS

Redoine Faïd Il y a les réalisateurs de films et puis ceux qui font de leur vie du pain bénit pour les premiers. Braqueur ayant le sens du spectacle, Redoine Faïd braque, oui, mais avec des masques de politiciens. Prisonnier puis auteur mégalo écumant les plateaux TV, le gaillard de la région parisienne se repent. Bon, et puis merde alors, le doux son des Kalachnikov lui manque à notre Redoine. Un braquage foireux et un mort et puis voilà, le revoilà à la case départ. Continuant d’écrire son scénario sensationnel, Redoine s’échappera de prison une première fois à l’aide d’explosifs en 2013 puis une seconde en se barrant, tranquille, en hélico en 2018.

Christophe Rocancourt Quand la prof d’anglais baragouinait des trucs sur les « selfmade-men » et l’« American Dream », la majorité s’en foutait. Mais pas Christophe. À 24 ans, et après quelques larcins, le résident de Honfleur dans le Calvados décide de passer aux choses sérieuses. Grâce à sa gouaille sans pareille, il réussit à devenir ami avec Elton John ou encore Meryl Streep en se faisant passer notamment pour un héritier des Rockefeller. Celui que l’on appelle désormais « l’escroc des stars » vole et fraude à tout va. Percé à jour, il revient en France après un séjour en prison, puis recommence ses petites magouilles avant de se faire prendre à nouveau. Désormais libre, Christophe Rocancourt s’est épanoui dans une furtive carrière d’auteur (curieux point commun à plusieurs personnes présentées dans cette page) et coule des jours heureux au Bec-Hellouin en Normandie.

Wolfgang Beltracchi Avec ses longs cheveux blancs et sa dégaine de hippie, Wolfgang Beltracchi n’a pas le starter-pack du brigand. Et pourtant. Il faut dire que l’Allemand a été à bonne école : petit, il observait son peintre en bâtiment de père produire des copies bon marché des tableaux de Rembrandt, Picasso et Cézanne. Une fois passé les folles années 1970, le brillant artiste décide de perpétuer la tradition familiale et devient faussaire d’art. Ses faux étaient si convaincants qu’il réussit à vendre par exemple un faux Molzahn à la veuve de l’artiste et à tromper des experts. Après des années de faux tableaux vendus et de chèques à cinq chiffres encaissés, Wolfgang et sa complice de femme se font finalement choper en 2010. La sentence ? Purger leur peine dans une « prison ouverte », qu’ils pouvaient quitter pendant la journée pour travailler ensemble dans un studio photo. Dur.

Toni Musulin Il aurait pu être serveur ou caissier chez Monop comme tout le monde. Mais non, son truc à Toni, c’était de conduire des gros camions blindés remplis d’oseille. Ça lui a donné quelques idées, comme ce jour de novembre 2009 à Lyon, où il transbahute 11,6 millions d’euros, soit 50 gros sacs de billets, de son fourgon à un Kangoo (excellent choix) avant d’aller les déposer dans un box. La police fait vite le lien et récupère le butin. Seulement, la rondelette somme de 2,5 millions manque à l’appel. Mais manque de bol, Toni est parti se balader à moto en faisant notamment un crochet par Naples où il achète un lecteur DVD pour passer le temps. Dix jours plus tard, il se rend à la police de Monaco (clinquant jusqu’au bout notre Toni) avec plus ou moins 100 balles sur lui. Oups.

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« Devenir la plus grande tueuse au monde », voilà ce qu’aurait répondu la petite Jane si sa maîtresse le lui avait demandé. Quand on observe une petite fille avec deux couettes et quelques dents de lait manquantes dire ça, c’est presque mignon. Mais quand on sait que c’était vraiment la volonté de la susnommée « Jane la joie », c’est moins mignon. Bien accrochée à ses objectifs, Jane a tué une trentaine de personnes dans sa vie. Son petit truc à elle ? Faire des patients de l’hôpital où elle travaille en tant qu’infirmière des cobayes qu’elle empoisonne avec de la morphine. Juste pour le plaisir de les sentir tressaillir puis partir dans ses bras.

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Le petit Grégory


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RIEN QUE

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L

e fait divers est un tremblement de terre. À sa suite apparaissent des monts et des gouffres, des arêtes et des failles, créant un paysage là où il n’y avait rien. Sordide ou absurde, minable ou dramatique, son jaillissement soudain dans un quotidien ronflant le rend fécond. Ne dit-on pas des héros de ces faits divers qu’ils sont « des individus sans histoire » ? C’est précisément parce que l’histoire naît à ce momentlà, au cours de l’apparition explosive de l’extraordinaire dans l’ordinaire. Dans la cassure ainsi créée s’immiscent alors les interprétations, les narrations, la création. Les artistes Clod*, Anouk Ricard et Mathieu Chiara se sont infiltrés dans ces brèches et ont fait de ces sautes d’humeur du destin le sel d’une partie de leur création. Si le traitement narratif et la destination de leurs œuvres diffèrent, tous ont vu dans cette irruption de l’inattendu une fascinante machine à illustrer. Pourtant, le propre des faits

LES FAITS ?

divers, c’est qu’ils sont vraiment arrivés, avec toutes les répercussions que cela implique pour le spectateur, la conscience et les victimes. Le produit est inflammable mais le mets est de choix.

Claude Voirriot alias Clod* dessine, c’est son métier. Et une partie de ce métier consiste à illustrer les articles de la rubrique faits divers du journal quotidien Le Parisien. Un rapide coup d’œil à son site internet et l’incompréhension pointe le bout de son nez. Clod* use de couleurs vives et joyeuses dans des compositions très graphiques avec une petite touche de naïveté. Mais comment diable s’est-il retrouvé à devoir se coltiner les horreurs du quotidien ? « Pendant deux ans, j’ai illustré les faits divers du Parisien, mais pour moi,

Illustration de Clod* pour l’article « Faux médecin, dangereux gourou », Le Parisien, 9 août 2021 Sujet : un type souffrant d’un cancer est mort en suivant les conseils d’un naturopathe qui lui conseillait de se soigner par des jeûnes et des tisanes.

et je leur ai montré ce que ça donnait. Les journalistes ont été super emballés. » Et pour cause, puisque Clod* est arrivé comme une sorte d’illustrator ex machina pour le journal. Avec lui, « ils ont trouvé une solution à un problème qu’ils avaient : c’est que certains faits divers n’avaient pas d’iconographie pour les représenter parce que c’était des sujets hyper sensibles comme la pédophilie ou le terrorisme. Quand ils ont vu les dessins, ils se sont dit “voilà la solution”. » L’iconographie des faits divers est en effet une gageure pour


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Illustration de Clod* pour l’article « Dix ans à attendre le procès de son agresseur », Le Parisien, 15 avril 2019 Sujet : l’extrême lenteur de la justice.

les journaux. Là où les photos seraient soit trop choquantes soit trop redondantes, l’illustration permet de s’extirper de la réalité trop crue et de poser un filtre sur ce qui s’est vraiment passé. Cette vitre teintée entre l’histoire vraie et le lecteur, Clod* la pose avec minutie et subtilité. Un défi d’autant plus grand qu’il s’agit d’un service express. Travailler pour un quotidien pose deux conditions : le fait est frais et il n’est pas forcément choisi. « Souvent, c’est hyper rapide, ils m’appellent dans la journée et il faut rendre quelque chose pour le soir. Le journaliste n’a même pas encore écrit le

« ILS ONT TROUVÉ UNE SOLUTION À UN PROBLÈME QU’ILS AVAIENT : C’EST QUE CERTAINS FAITS DIVERS N’AVAIENT PAS D’ICONOGRAPHIE POUR LES REPRÉSENTER PARCE QUE C’ÉTAIT DES SUJETS HYPER SENSIBLES COMME LA PÉDOPHILIE OU LE TERRORISME. QUAND ILS ONT VU LES DESSINS, ILS SE SONT DIT “VOILÀ LA SOLUTION”. »

« IL Y A PLEIN D’ASTUCES TECHNIQUES, TU PEUX UTILISER LES MÉTAPHORES, LES PROVERBES, LES CONTES, LES LÉGENDES POUR T’AIDER À TROUVER DES IDÉES [...] » Conseil n° 1 et l’évidence même étant donné la périodicité de la chose : il faut être vachement réactif. Là-dessus, Clod* ne se contente pas de son QI himalayen, il pioche dans les trucs et astuces qu’il a élaborés au fil du temps. « Il y a plein d’astuces techniques, tu peux utiliser les métaphores, les proverbes, les contes, les légendes pour t’aider à trouver des idées.

Par exemple, je me souviens d’un sujet où une famille d’accueil abusait sexuellement des enfants, ça m’a tout de suite fait penser à l’ogre et au Petit Poucet.

Illustration de Clod* pour l’article « Soupçon de viols dans une famille d'accueil », Le Parisien, 14 mars 2017 Sujet : le père d’une famille d’accueil est responsable d’agressions sexuelles sur une dizaine de mineurs accueillis au fil des ans, faits dénoncés plusieurs fois par des travailleurs sociaux en vain. Illustration de Clod* pour l’article « Hypnose, souffle du diable... l’incroyable escroquerie ! », Le Parisien, 29 juin 2020 Sujet : les policiers cherchent à recenser les victimes d’un gang qui dépouillait des femmes après les avoir hypnotisées ou droguées. Une escroquerie d’ampleur sur fond de superstition dans la communauté chinoise.

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

papier, il me dit juste “j’ai un sujet sur ça, est-ce que tu prends ?”. » Comme Clod* n’est pas bégueule, il répond très souvent oui. « J’ai refusé une fois un papier parce que c’était une enquête sur les milieux sportifs gangrenés par du salafisme. Ça se passait pas loin de chez moi, donc j’ai préféré ne pas prendre le risque qu’on me fasse chier après. Sinon, j’en refuse par manque de temps ou quand c’est de la pédopornographie. Une fois que tu as déjà trouvé une ou deux idées, c’est difficile de trouver des idées là-dessus. »

Car dans le cas de l’illustrateur parisien, il faut que le cerveau réponde vite et bien. Un challenge qui va bien au dessinateur qui aime quand la commande lui titille la matière grise. « Je suis stimulé par le fait de trouver une réponse à un problème et du coup, je fais totalement abstraction du côté sordide du fait divers. C’est assez bizarre parce que les sujets sont hyper graves et glauques, mais le challenge de trouver une idée l’emporte et donc, je fais abstraction du fait divers en lui-même. » Un défi pas évident à relever puisque l’article n’est pas encore écrit et, donc, les éléments assez faméliques au moment du coup de fil de la rédaction. « Je travaille avec les journalistes en direct. Je prends les trois notes qui me vont et je ne demande pas trop de détails, justement pour ne pas entrer trop dans le vrai. J’ai jamais le titre, et ça c’est vraiment embêtant, parce que c’est top pour rebondir. Par contre, je dois savoir l’angle qu’il va prendre. » Une fois les renseignements pris, la magie opère. Magie, oui, mais avec méthode.


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C

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Illustrations extraites des tomes de Faits Divers d’Anouk Ricard publiés aux éditions Cornelius

Dans mon dessin, ça se voit tout de suite. » Parce que les événements relatés sont souvent sordides et dramatiques et qu’ils concernent de vraies personnes, Clod* use ainsi de détours iconographiques et bannit le réalisme. « Il ne faut surtout pas être direct parce qu’il y a des trucs où tu peux pas. C’est difficile de représenter les choses telles qu’elles sont vraiment. » En outre, la représentation visuelle d’un article engage une somme de responsabilités dont la perpétuation des clichés n’est pas la moindre. Là aussi le dessinateur a sa solution : « Je travaille vachement avec des silhouettes, j’essaie de ne pas tomber dans la représentation avec la couleur de la chair. Des fois, mes personnages sont verts. Résultat : on ne peut pas trop s’identifier. » Des pincettes nécessaires prises avec la réalité pour éviter de troubler, choquer ou insulter dans un journal lu par des dizaines de milliers de personnes. Cette responsabilité du dessinateur de presse, Anouk Ricard et Matthieu Chiara l’ont mise dans un coin sombre de leur bureau. Eux, les faits divers, ils en rigolent.

A contrario de Clod* qui se voit imposer des sujets de faits divers à illustrer, les dessinateurs Matthieu Chiara et Anouk Ricard ont le luxe de les choisir euxmêmes. Mais comment donc devienton intéressé de son plein gré par les agissements les plus sombres des humains dont nous faisons partie ? Dans le cas d’Anouk, on ne peut pas parler initialement d’une passion dévorante pour le genre. C’est un projet de commande qui a été la porte ouverte vers ce long chemin terreux. Lorsque le magazine Le Tigre lui propose d’intervenir ponctuellement dans

OD L

INTERVIEW

👀 LE FAIT DIVERS QUE TU AS PRIS LE PLUS DE PLAISIR À ILLUSTRER ? Une histoire d’amour entre un gardien de prison et une détenue. LE FAIT DIVERS QUE TU AS REFUSÉ D’ILLUSTRER ? Un fait divers sur un homme qui violait des bébés  ;( LE FAIT DIVERS QUI T’A FAIT LE PLUS MARRER ? Le jardinier de Brigitte Bardot qui prenait des photos d’elle quand elle se douchait pour les revendre aux paparazzi.

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

LE FAIT DIVERS QUI T’A SEMBLÉ LE PLUS IRRÉEL/LUNAIRE ?

« JE TRAVAILLE VACHEMENT AVEC DES SILHOUETTES, J’ESSAIE DE NE PAS TOMBER DANS LA REPRÉSENTATION AVEC LA COULEUR DE LA CHAIR. DES FOIS, MES PERSONNAGES SONT VERTS. RÉSULTAT : ON NE PEUT PAS TROP S’IDENTIFIER. »

Un Américain qui est mort d’avoir tiré des feux d’artifice depuis sa tête.


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MA T CH ses pages, la dessinatrice lyonnaise décide contre toute attente de se concentrer sur les faits divers. « Je me suis demandé ce que je pouvais faire dans un magazine comme Le Tigre, qui soit à la fois ancré dans la réalité et qui me permette de m’amuser et puis voilà, j’ai eu cette idée-là. » Matthieu, lui, entretenait déjà cette appétence pour les histoires légèrement sordides dans les couloirs de la HEAR où il a étudié à Strasbourg. « Je repense souvent à une expo sur les faits divers qu’on avait faite en collectif mais il y a aussi une revue, un journal satirique qu’on avait mis en place avec un pote. »

« L’INTITULÉ EST TRÈS CONDENSÉ DONC FORCÉMENT AUSSI FAUSSÉ, CE QUI CRÉE UNE TOURNURE ET UN DÉCALAGE. IL Y A UN CÔTÉ HUMORISTIQUE ET HUMOUR NOIR QUI SE CRÉE DÈS LE DÉPART. »

Quand on demande aux deux artistes d’expliquer ce qui les intéresse en particulier dans les faits divers, tous deux clament à l’unisson : « l’humour ». Bon, c’est vrai, il y avait assez peu de chances pour qu’ils nous répondent « le sang et les sanglots ». Pour Anouk, le titre maladroit qui semble avoir été écrit à l’arrache un jour de grande fatigue est indéniablement l’atout charme du fait divers de presse. Matthieu aussi, d’ailleurs, avoue une certaine sensibilité pour celuici : « L’intitulé est très condensé donc forcément aussi faussé, ce qui crée une tournure et un décalage. Il y a un côté humoristique et humour noir qui se crée dès le départ. » En liant un dessin à un titre souvent écrit dans le but de surprendre ou de choquer, Matthieu pense amener « une certaine poésie » et rendre ainsi « plus digeste quelque chose d’un peu dégoûtant ». Le travail de recherche des sujets est d’ailleurs soumis à quelques conditions pour que la magie opère : « Il faut qu’il y ait de la matière dans le titre mais que ça n’aille pas trop loin, que je puisse le compléter, qu’il y ait un intérêt à ce qu’il y ait un dessin. » Critère primordial

Couverture du livre Pulp Mixtions publié aux éditions Anamosa Faits divers illustrés par Matthieu Chiara et publiés dans KIBLIND

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EU HI RA T AR I

INTERVIEW 👀 LE FAIT DIVERS QUE TU AS PRIS LE PLUS DE PLAISIR À ILLUSTRER ? Pour le plaisir du dessin, pourquoi pas « Grèce : turista générale dans un hôtel de luxe » ? (C’est presque un titre de film !) Petit plaisir graphique de mettre un peu de « matières » sur les beaux habits. Sinon j’ai pas mal ri en dessinant celui-ci : « Il tue son chien qui lui faisait penser à son ex-compagne ». LE FAIT DIVERS QUE TU AS REFUSÉ D’ILLUSTRER ? Y en a énormément. En gros ce sont des histoires trop purement sordides que je n’arrive pas à contrebalancer avec une fiction humoristique. LE FAIT DIVERS QUI T’A FAIT LE PLUS MARRER ?

« Il viole le chien de sa compagne : cette dernière lui pardonne et se marie avec lui. » Si c’est pas la bonne, celle-là…

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« Une “serial déféqueuse” [l’expression est tip-top, ça paraît presque élégant] recherchée par la police dans le Colorado » (J’aime bien qu’on entende un peu « colon » dans « Colorado »). On a de l’aventure, tout ça... LE FAIT DIVERS QUI T’A SEMBLÉ LE PLUS IRRÉEL/LUNAIRE ?


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Couverture du livre Dessins variés, Effets divers publié aux éditions Le Monte en L’Air

INTERVIEW

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Faits divers illustrés par Matthieu Chiara et publiés dans KIBLIND

LE FAIT DIVERS QUE TU AS PRIS LE PLUS DE PLAISIR À ILLUSTRER ? Le premier parce que je m’amuse plus quand je fais quelque chose de nouveau. LE FAIT DIVERS QUE TU AS REFUSÉ D’ILLUSTRER ? Tout ce qui était trop grave et dont je n'avais pas envie de me moquer, soit avec des morts, des viols ou des enfants victimes. LE FAIT DIVERS QUI T’A FAIT LE PLUS MARRER ? « Il tente de changer ses excréments en or et met le feu à l’immeuble. » LE FAIT DIVERS QUI T’A SEMBLÉ LE PLUS IRRÉEL/LUNAIRE ? « USA : elle met du ciment dans les fesses de sa patiente. »

que prend aussi en compte Anouk lors de sa sélection pour les deux tomes Faits divers édités chez Cornelius : « Il faut que le titre ne soit pas trop drôle non plus. Il ne faut pas qu’il y ait tout dans le titre, sinon moi, je n’apporte plus rien. »

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

« IL FAUT QU’IL Y AIT DE LA MATIÈRE DANS LE TITRE MAIS QUE ÇA N’AILLE PAS TROP LOIN, QUE JE PUISSE LE COMPLÉTER, QU’IL Y AIT UN INTÉRÊT À CE QU’IL Y AIT UN DESSIN. » Autre point commun dans la méthode de travail des deux dessinateurs : une bible numérique nommée faitsdivers. org. C’est sur ce site, dont la phrase d’accroche accueillante est « Retrouvez l’actualité des faits divers : meurtres, crimes, enlèvements, disparitions, accidents, insécurité, justice », qu’ont été méticuleusement sélectionnés les faits divers illustrés dans les ouvrages de Matthieu Chiara et Anouk Ricard. Sans oublier cependant de prendre moult

pincettes : « Ceux que je vire, ce sont des sujets assez compliqués, comme souvent, les sujets autour du viol. C’est quand même très difficile. Il y a des sujets qui te posent plus de problèmes que d’autres, c’est pas un jugement de valeur mais des ressentis », confesse l’auteur de BD parisien. Une limite que s’est fixée également Anouk Ricard : « Je me suis tenue à ne pas prendre de choses trop trash parce que ce sont des vraies personnes. Je ne voulais pas faire de l’humour sur des viols ou même sur des meurtres. » Trop tentée, Anouk s’est pourtant autorisé une ou deux sorties de route, et on la comprend : « C’est vrai, y en a un dans le dernier tome, c’est “Il tue son beau-père avec un slip”, il y a quand même

« C’EST VRAI, Y EN A UN DANS LE DERNIER TOME, C’EST “IL TUE SON BEAU-PÈRE AVEC UN SLIP”, IL Y A QUAND MÊME UN MORT. MAIS BON, COMME C’EST AVEC LE SLIP, ÇA PASSE ».


👀 49 — DOSSIER

un mort. Mais bon, comme c’est avec le slip, ça passe ». Si tous deux ont des méthodes de sélection similaires et ne prennent pas en compte la réalité derrière le fait divers, les deux artistes illustrent pourtant l’information de manière différente. Challenger, Matthieu s’est donné la contrainte de représenter chaque fait divers à l’aide d’un seul dessin dans ses livres Dessins variés, effets divers (éditions du Monte-en-l’Air) et Pulp Mixtions (éditons Anamosa). « J’avais envie de cette rapiditélà. J’aurais pu le penser en plusieurs cases, mais on entre alors dans une temporalité qui est moins immédiate, et pour moi, la rapidité a un intérêt pour cette petite mécanique de l’humour. Tout ne tient pas non plus en une case, car l’intitulé en soi est déjà un premier temps. » Pour relater au mieux l’histoire qu’il a envie de raconter à travers une seule case, Matthieu ruse et n’hésite pas à jouer avec les traits. « Parfois, je fais un trait plus souple si le personnage doit être plus élégant. Il va y avoir une position plus approximative et tremblante pour un clochard par exemple. Il y a une association de ce trait avec ce qu’on doit ressentir par rapport au personnage. »

Anouk, elle, s’accorde plusieurs cases pour raconter une histoire en passant « par des chemins détournés, par le biais de l’absurdité ». « Le premier que j’ai fait, c’est “Une boulangerie attaquée au camion-benne”. Bon déjà, pourquoi un camion-benne ? Et puis, qui va attaquer une boulangerie ? Donc, je me suis dit que le mec s’était planté, qu’il voulait braquer une banque et qu’il a mal vu. » Qu’il soit traité de telle ou telle manière, imposé ou choisi, le fait divers fascinera donc toujours les dessinateurs qui, par leurs traits vifs, désacralisent le tragique et replacent le jeu d’esprit et la blagouze au centre du forum. Un truc plutôt bienvenu lorsque l’on vit dans une époque de doux dingues comme la nôtre.

Faits divers illustrés par Matthieu Chiara et publiés dans KIBLIND

→ Textes et propos recueillis par É. Quittet & M. Gueugneau → Mise en page : A. Avice

Illustrations extraites des tomes de Faits Divers d’Anouk Ricard publiés aux éditions Cornelius

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

« PARFOIS, JE FAIS UN TRAIT PLUS SOUPLE SI LE PERSONNAGE DOIT ÊTRE PLUS ÉLÉGANT. IL VA Y AVOIR UNE POSITION PLUS APPROXIMATIVE ET TREMBLANTE POUR UN CLOCHARD PAR EXEMPLE. IL Y A UNE ASSOCIATION DE CE TRAIT AVEC CE QU’ON DOIT RESSENTIR PAR RAPPORT AU PERSONNAGE. »


👀 INVITATION — 50 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Angelo Di Marco, « le Maître » Lorsque l’on est allés toquer à la porte de l’autoproclamé « reporter du crime » Brendan Kemmet, nous savions que nous avions visé juste. Auteur de nombreux ouvrages autour du grand banditisme dont la biographie du célèbre braqueur Antonio Ferrara, Le Roi de la Belle (Cherche-Midi, 2008) et récemment, Maghreb Connection (Robert Laffont, 2021), le journaliste nous raconte ici le plus grand dessinateur de faits divers, Angelo di Marco. Une version plus longue est à déguster dans le génial L'art du crime, paru en 2015, aux Éditions Steinkis. Les visuels présents ici sont tirés de l'ouvrage.


👀 51 — INVITATION KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Facile de résumer Angelo Di Marco. Deux mots suffisent : « le Maître ». Indiscutablement. Et en matière d’illustrations de faits divers, nul ne peut dépasser le Maître. Pour moi, son travail reste associé aux plus importants faits divers survenus en France depuis l’aprèsguerre, des années 1950 jusqu’aux années 2000. Une époque très riche. Une sacrée période pour un dessinateur. Angelo Di Marco a accompagné toute une époque. Dans ses dessins, il s’attachait, disait-il, à capturer le moment qui précède le drame. L’ultime demi-seconde avant que le couteau ne s’abatte sur la victime apeurée. L’instant avant que le psychopathe ne serre le cou de l’enfant qu’il avait enlevé. Le quart de seconde avant que le train n’avale les deux amants ficelés aux rails. Terrifiés. Terrifiant ! Di Marco avait une appétence particulière pour les meurtriers de femmes, les histoires violentes et tragiques pour lesquelles il donnait sa pleine mesure : l’homme qui tombe la tête la première sur les rails du métro alors qu’une rame arrive est un de ses chefsd’œuvre. De l’épouvante pure pour quelques francs en kiosque... Ces chutes spectaculaires étaient sa grande spécialité. Ainsi, au moment de chroniquer à sa manière l’évasion de Mesrine à la Santé en 1978, il immortalise l’ennemi public numéro 1 de l’époque montant dans une voiture, tandis qu’un complice chute du mur de la prison, sous les coups de feu de la police. Un dessin statique d’Angelo Di Marco, cela n’existe pas. Pour le beau livre que lui ont consacré les éditions Steinkis en 2015, il s’agissait d’accompagner de textes certaines de ses illustrations fameuses. J’ai eu l’honneur d’être choisi pour les écrire. Le titre de cet ouvrage : L’Art du crime. Tout un programme ! Lors d’un règlement de comptes en Corse, Di Marco dépeint un corps-à-corps furieux avec le tireur casqué sur une place de village, tandis qu’en arrière-plan, il semble déjà trop tard pour la « cible », un homme, que l’on voit la tête jetée en arrière, assis dans sa voiture. Probablement mortellement touché. Et tant pis si aucune vitre du véhicule n’est brisée, rendant fort improbables les coups de feu dans cette direction... la véracité des faits et des situations n’est pas l’important pour Angelo Di Marco. L’important, c’est de marquer les esprits, d’attirer les regards. Il y a toujours un petit côté surréaliste et improbable chez le Maître. Comme cette femme qui coupe avec des ciseaux le tuyau d’oxygène de son mari cloué sur un lit d’hôpital. Et puis certains titres invraisemblables choisis par des rédacteurs en chef : « L’amant pervers jetait ses maîtresses à la mer », en une de l’hebdomadaire Qui ? Police


👀 INVITATION — 52 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

dans les années 1970. On voit une jeune femme, la cuisse ferme et la poitrine opulente, s’écraser dans l’eau, tandis que l’amant, en tuxedo banc et nœud papillon, n’a pas encore achevé son geste de la propulser dans le vide. Notons au passage que lors de l’écriture des textes pour Steinkis, je me suis aperçu après quelques recherches que certaines des affaires racontées et splendidement illustrées dans le Détective de la fin des années 1970 étaient de pures inventions ! Comme cette femme retrouvée emmurée quelque part aux ÉtatsUnis, ou ce dompteur qui « jette sa maîtresse aux fauves ». Peu importe, finalement, tant que c’est spectaculaire, accrocheur. Cet aspect exagéré n’a peut-être pas servi la place réservée aux faits divers dans la presse. Si ces dessins ravissent les collectionneurs, les articles en question posent quelques questions déontologiques. Mais ça, Di Marco n’y est pour rien. En revanche, « L’ancien policier tue 17 fois, en plein Londres » est une histoire authentique. Elle ne semble pas avoir vraiment inspiré le Maître, pour une fois, qui livre un dessin assez fade et peu spectaculaire. Dennis Nilsen, était pourtant un authentique serial killer à Londres qui découpait ses victimes chez lui, bouchant ensuite les canalisations au 23 Cranley Gardens... Mais jamais de sang chez Di Marco ! A priori. Je n’en ai pas trouvé en tout cas. Même quand un cannibale dévore un mollet. C’est dramatique mais jamais macabre. On a beaucoup parlé des « plans cinématographiques » de Di Marco. En vérité, l’artiste s’inscrit dans la grande tradition de l’illustration de presse début de siècle (le XXe) comme celles, fameuses, du Petit Journal, quand la Bande à Bonnot échangeait des coups de feu avec les policiers du préfet Lépine. Ces nombreuses unes ont elles aussi marqué les esprits. C’était avant l’essor de la photographie qui va faire disparaître, temporairement, le dessin de presse. Accident minier, feu dans un hospice ; Angelo Di Marco fut un chroniqueur insatiable de son époque. Ce qui frappe des années après, c’est avant tout la modernité du trait de Di Marco. Ses dessins des années 1960 pourraient presque être publiés tels quels aujourd’hui. Je pense à l’attentat du Petit-Clamart contre le Général de Gaulle en 1962. Un petit chef-d’œuvre avec ses tueurs de l’OAS à l’affût alors que s’élance la DS présidentielle. Une fraction de seconde avant les tirs. Personnellement, j’avoue un faible pour son illustration de l’article « Le train déraille dans le bayou infesté »... Une scène apocalyptique. Un train qui chute d’un pont, des


👀 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Visuels dans l'ordre d'apparition : Angelo Di Marco – Mesrine Abattu, Paris, 1979 – Vendetta en Corse, Corte, 1990 – L'amant pervers jetait ses amantes dans la mer – Elle achève son mari sur son lit d'hôpital, Cologne, 1975 – Coup de grisou à Forbach, Forbarch, 1985 – Le dompteur jette sa femme aux fauves, Hellbronn, 1979 – Dennis Nilsen, un serial killer à Londres, Londres, 1983 – Horreur à l'hospice, Beauvais, 1985 – L'attentat du Petit Clamart, 1962 – L'affaire du Petit Grégory, Lépanges-sur-Vologne, 1984-1987 – Le train déraille dans le bayou infesté, 1993 – Nadine Vaujour la fille de l'air, Paris, 1987 – Le drame du barrage de Malpasset, Fréjus, 1959 – Il attache sa femme et son rival sur les rails, Dortmund, 1978

53 — INVITATION

passagers projetés dans le fleuve, des crocodiles qui rôdent... une terrible catastrophe ferroviaire. Le « carnage dans le Bayou » en septembre 1993 dans l’Alabama fait 47 morts, dont cinq membres d’équipage, et 103 blessés. Une des pires catastrophes ferroviaires des États-Unis. Sauf qu’aucun alligator n’a jamais dévoré de passagers ! Le nom et surtout le trait d’Angelo Di Marco restent forcément associés au magazine de faits divers Détective et ses différentes émanations plus ou moins réussies des années 1960 et 1970 : Qui ? Police, Qui ? Détective, etc. Ses unes affichées en kiosque ont sans nul doute fait vendre du papier. C’était d’ailleurs le but en faisant la place belle au dessinateur. C’est dans ces pages que l’on retrouve Egon Abbenhaus, sa femme Evelyn, et l’amant Alfred Siegler, attachés aux rails. Le mari, la femme et l’amant, soit le triptyque préféré de Qui ? Police dans ces années 1970 déclinantes. Angelo Di Marco ne doit pas être réduit à ces récits folkloriques. Du petit Grégory à la mort de Mesrine, de l’attentat du Petit-Clamart à ceux d’Action directe, du drame de la mine de Forbach à l’incendie du dancing « Le 5-7 » en 1970, du barrage de Fréjus qui cède en 1959 et engloutit la ville aux tueurs du Parc de Saint-Cloud (affaire Sermeus et Vivier) en 1956, jusqu’à Nadine Vaujour, la fille de l’air qui fait évader son mari de prison (1986), il aura tout dessiné. Le dessin de presse connaît depuis quelques années une nouvelle jeunesse avec les nombreux « mooks » arrivés sur le marché, certains comme Alibi étant d’ailleurs spécialisés dans le domaine du crime et du polar, ce qui se rejoint peu ou prou. Il reste aussi incontournable dans les salles d’audience des tribunaux, en particulier aux assises, là où les photographes sont interdits de cité, du moins pendant les débats. Le genre, on le voit, est loin d’être mort. Reste à voir apparaître un digne successeur du Maître. Pas facile. Car il était le « roi des reporters-dessinateurs », comme le proclamera un article à sa mort. Le titre n’est pas usurpé.


👀

de s

Weegee, catalogue d’exposition, Collectif, Gallimard On peut difficilement trouver plus approprié que le travail de Weegee pour approcher le fait divers de façon graphique. Ce catalogue présente la collection Berinson exposée au musée Maillol en 2007. Weegee était un photojournaliste qui travaillait à New York dans les années 1930 et 1940 et écoutait les fréquences de police depuis sa voiture afin de capturer les scènes de crime avant qu’elles ne refroidissent. Beaucoup de ses photos sont très dures, mais son sens de la composition et du noir et blanc est tel qu’on a parfois le sentiment qu’elles sont extraites d’un film noir. Elles transpirent en tout cas l’ambiance d’un roman de Chandler.

1.

Cette ville te tuera, Yoshihiro Tatsumi, Cornélius Tatsumi ne se cantonne absolument pas aux faits divers, mais il y a régulièrement puisé son inspiration pour écrire ses récits courts. Pour le cofondateur du gekiga, c’est un moyen d’apporter le substrat réaliste inhérent à ce nouveau style, et, de fait, on ressent cette dimension à la lecture, par exemple dans la nouvelle Le Collier de chien. On sent une violence latente dans le travail de Tatsumi qui reflète sa vision de la société japonaise des années 1960 et 1970 alors en plein bouleversement.

2.

Les Os creux, la tête pleine, Nicolas Pegon, Réalistes Pour son premier livre, Nicolas Pegon part du fait divers américain iconique qu’est le school shooting mais en détourne l’issue (le meurtrier tue un autre élève qui s’apprêtait lui-même à faire un massacre) pour interroger la vision du monde misanthrope et nihiliste du protagoniste qui a repris sa vie sans l’aboutissement dramatique qu’il avait l’intention de lui donner. Son dessin très contrasté et « tendu » contribue à renforcer la froideur du personnage qui est aussi le narrateur.

4.

Sabrina, Nick Dnraso, Presque Lune Presque Lune a vraiment eu le nez creux en publiant Nick Dnraso (Beverly en 2017, Sabrina en 2018) dont le dessin naïf dissimule une grande brutalité. Sabrina a été enlevée, puis assassinée par un homme qui a filmé le meurtre puis fait circuler la vidéo. Ce fait divers est en fait un prétexte pour traiter de la circulation de l’information et des tendances complotistes qui animent les États-Unis d’aujourd’hui, mais l’auteur éprouve en plus une profonde empathie pour ses personnages qui rend la lecture de Sabrina particulièrement éprouvante. C’est la seule bande dessinée à avoir été sélectionnée pour le Man Booker Prize.

3.

New York: The Big City, Will Eisner, Kitchen Sink Press Pour un éditeur Réalistes, et vu la thématique, ce serait dommage de faire l’impasse sur Will Eisner, monument du dessin réaliste américain qui a dressé, dans les années 1970, un portrait en touches de la ville de New York par le biais d’histoires courtes de ses habitants. Leurs sujets et longueurs varient mais l’on sent, comme chez Tatsumi, que certaines puisent leur inspiration dans les minor news stories des quotidiens locaux. À la différence de l’auteur japonais, Eisner a cependant une approche plus douce de ses contemporains. L’ouvrage a d’abord été publié en France (sous le nom Big City) par Albin Michel en 1986, puis par Glénat en 1999, et désormais par Delcourt (sous le nom New York Trilogie).

5.

es

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Biblio

LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE — 54

d é

s n o iti

t s ali


55 — LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE

Quand on voit les bandes dessinées qui en sont sorties, que peut-on faire d’autre que d’avoir une confiance aveugle dans les éditions Réalistes ? On a donc demandé à Ugo Bienvenu, Charles Ameline et Cédric Kpannou de nous conseiller cinq livres en relation avec les faits divers, et comme prévu, ils ont tapé dans le mille.

1.

2.

3.

5.

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

4.


👀 CITATION — 56

« Comme il serait « Leur injustice, leurs actes

intéressant, ce fait racistes et autres

divers où l’on voit trois L’armistice pour les nôtres qu’il

personnes assassinées, la fasse signer à d’autres

si vous étiez du nombre, On est en guerre, frérot, et c’est

mon cher ami ! » Jules KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

juste un simple fait divers »

Renard dans Journal, Sniper dans Fait divers, 2001

1887-1910


👀 57 — PLAYLIST

D N U O F Michel Polnareff Coucou, me revoilou ! « Coucou, me revoilou, c’est bien moi devant vous. Coucou, me revoilou, comment ça va chez vous ? » J’ai rêvé plusieurs fois que je chantais ce refrain, ça m’avait l’air tellement réel… Vous savez, ces quelques secondes où lorsque vous vous réveillez, vous n’êtes pas capable de comprendre si cela s’est passé dans votre esprit ou dans la réalité. Barbara - Nantes La voix et les émotions de Barbara, il n’y a pas de comparaison possible. J’aime particulièrement ce morceau car comme elle, j’ai un temps pensé que la ville de Nantes avait toujours ce teint blafard, et je me suis toujours demandé pourquoi. NTM - Police Mon petit côté ACAB, j’ai jamais trop aimé la police. Heureusement, je ne l’ai pas souvent croisée dans ma vie. The Tallest Man on Earth The Gardener The Tallest Man on Earth, c’est un chanteur suédois que j’affectionne particulièrement. Je me sens apaisé lorsque je l’écoute. D’ailleurs, cette chanson s’intitule « Le jardinier » et jardiner, c’est aussi une activité qui m’apaise depuis toujours. Alors imagine les deux à la fois.

Jamo Thomas I Spy for the FBI Je vous ai déjà dit que j’avais été un agent secret en Amérique ? Elvis Until It’s Time for You to Go Cette chanson d’Elvis, un des artistes qui a fait naître en moi mon amour pour les States, me touche au plus profond. Elle parle de l’amour éprouvé pour quelqu’un différent de soi et de résilience aussi, du fait qu’il faut aussi savoir laisser partir l’être aimé. Chris Ball Catch Me If You Can Celle-là, elle me fait un effet spécial. Je sais pas comment dire, mais quand je l’écoute, ça me rend guilleret et prêt à tout. Je l’écoutais beaucoup il y a une dizaine d’années. Cocoon - Chase the Devil En ce moment, je travaille beaucoup sur moi-même. Lorsque j’effectue ma séance de yoga quotidienne, je mets un point d’honneur à consacrer les cinq dernières minutes à des exercices me déchargeant des mauvaises énergies. C’est donc devenu un rituel pour moi d’écouter ce morceau inspirant lorsque je pratique les postures de la déesse et du papillon. Kanye West - Monster Au final, je pense que c’est celle-là qui me résume le mieux.

→ Propos recueillis par : É. Quittet → Mise en page : D. Schmitt

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Florent Pagny Ma liberté de penser Ces dernières années, j’ai opté pour un mode de vie minimaliste. Tout ça a démarré lorsque j’ai regardé les épisodes de l’émission de Marie Kondo sur Netflix et puis, cette lubie ne s’est jamais arrêtée. Pour moi, il est important de se débarrasser du superflu si l’on veut vivre en accord avec soi-même. Alors, voilà, j’ai fait beaucoup de tri, mais comme pour Florent, ce qui m’importe, c’est qu’il me restera toujours ma liberté de penser.

Voilà dix ans que les autorités le cherchent partout dans le monde, en assumant une petite préférence pour les monastères et les aéroports. Il nous a suffi d’un coup de fil à un pote de pote pour le retrouver. Emballé à l’idée de nous livrer tous ses petits secrets (ou presque), Xavier Dupont de Ligonnès a accepté de nous dire ce qui tournait en boucle dans sa playlist en ce moment. PS : BFM TV, inutile de nous appeler, on lâchera rien.


👀 IMAGIER — 58

IMAGIER Affaires sensibles

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

À chacun ses petits plaisirs, c’est un fait entendu. Il en est un, pourtant, qui est partagé par de nombreuses personnes : écouter l’émission Affaires sensibles de Fabrice Drouelle. C’est le nôtre, c’est celui de Simon Bailly et d’un nombre de citoyens français passant sans aucun doute le million. L’émission, traitant des petites et grandes affaires de notre passé récent, de celles qui sont passées dans notre mémoire commune, sonne doux à l’oreille de ceux qui aiment ronronner devant le transistor. Mais cette gourmandise radiophonique ne suffit pas à Simon Bailly. Car non content de sa passion Fabrice Drouelle, il en rajoute une couche en illustrant pour son plaisir personnel les émissions les plus marquantes. Et le voici qui se retrouve avec, sur les bras, une quantité impressionnante de ces affiches fictives. Amoureux de longue date de sa ligne claire élégante, Kiblind lui a proposé de se débarrasser de quelques-unes de ces petites merveilles, en les plaçant malicieusement dans son numéro Fait divers. → simon-bailly.com


59 — IMAGIER

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Berry

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👀 IMAGIER — 60 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Pauline Dubuisson


61 — IMAGIER

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Loch Ness

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👀 IMAGIER — 62 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Parc de Saint-Cloud


👀 63 — IMAGIER KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Le Fantôme de l'Opéra


KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Josacine

IMAGIER — 64

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👀 65 — IMAGIER KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Affaire Weidmann


KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

Simon Bailly | Affaires sensibles - Vostok

IMAGIER — 66

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LE POLARIS CORBAS

SCÈNE RÉGIONALE 04 72 51 45 55 • www.lepolaris.org

vendredi 28 janvier

LOOKING FOR CYRANO Collectif 5

comédie héroïque

samedi 5 février

LA NUIT DÉS’ÉQUILIBRE(ÉE/S) humour / chanson / hip-hop / cirque

4 spectacles - 1 expo interactive - 1 banquet

vendredi 4 mars

LE CHANT DU VERTIGE Cie Lapsus

cirque pour demain

dimanche 20 mars

LA FENÊTRE

C Entre Eux Deux Rives ie

théâtre d’objets et illusions

samedi 2 avril

BURNING (JE NE MOURUS PAS ET POURTANT NULLE VIE NE DEMEURA) L’Habeas Corpus Cie cirque augmenté

vendredi 8 avril

s +++ mes xpo r e o f s de tes peti a s e d iném du c ...

LE DERNIER OGRE Cie le Cri de l’Armoire

histoires d’ogres


👀 69 — SÉLECTION PRINT

> Sélection Kiblind Print par Maxime Gueugneau

s t n a v i V s De

254 pages, 29 € → editions2024.com

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

SOMBRES ■ Il revient en ce moment à nos oreilles d’étranges palabres. De celles qui voudraient réécrire l’histoire, glorifier les infâmes et nier l’horreur. Des inepties dangereuses et tellement mensongères qu’on se retrouve muets devant leur insanité. Dans des cas comme ceux-ci, il est salvateur de se tourner vers la vérité, de remettre les faits à leur place et de redire une nouvelle fois combien il a fallu de courage et de dignité à quelques-uns pour s’opposer à l’inepte que certains voudraient minimiser aujourd’hui. La BD de Raphaël Meltz, Louise Moaty et Simon Roussin est en cela une bouffée d’air frais, à la fois brillante dans sa conception et subtile dans son propos. Des Vivants retrace l’histoire du réseau du Musée de l’Homme qui lutta contre l’occupant nazi et ses larbins français. Nous sommes en 1938, et la structure nouvellement créée à Paris se confronte déjà au fascisme et au racisme qui tambourine aux portes de son pays. Il devra bien vite choisir entre se soumettre ou défendre concrètement la philosophie qui l’anime : l’humanisme. Sans véritable hésitation ni aucune expérience, ses membres vont prendre le parti de la résistance et entretenir la flammèche de l’espoir au moment où la lutte contre les ennemis est encore balbutiante. Ils vont, évidemment, en payer le prix. L’histoire contée par les trois auteurs pèse un millier de tonnes et la responsabilité face à l’Histoire est immense. On saura gré à Raphaël Meltz, Louise Moaty et Simon Roussin d’avoir su s’en sortir avec une intelligence hors du commun. Le parti pris par les trois artistes est ainsi radical mais important. Plutôt que de couvrir la réalité des faits par un texte original et forcément factice, ils ont opté pour la retranscription exacte des écrits et témoignages des acteurs du réseau du Musée de l’Homme. Ainsi, ce qui peut être perdu en fluidité gagne en authenticité et chaque mot présent dans Des Vivants vient alors frapper le lecteur par sa réalité toute crue. Le récit tragique et magnifique de ces hommes et femmes combattant l’abject avec les moyens du bord étreint, dévaste et absorbe celui qui tient, bouche bée, le livre. Et c’est au tour du remarquable dessinateur et metteur en image Simon Roussin d’entrer en scène, d’articuler ces différents témoignages et de rendre aux actions de ces résistants de la première heure toute leur tension. En plus de ce style magnifique que nous admirions déjà, nous découvrons ici Simon Roussin en formidable narrateur pictural, offrant une prise visuelle époustouflante de beauté et d’ingéniosité aux documents épars utilisés par les scénaristes. Aussi fort dans la forme que dans le fond, Des Vivants est une bande dessinée qui met la triste période actuelle face aux faits, face à son passé méprisable et face à ces fous qui ont gardé vivante notre dignité. → Des Vivants de Simon Roussin, éditions 2024,


👀 SÉLECTION PRINT — 70

he c n a m i D pour toujours

KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

REPOS ■ Que fit donc Dieu le 7e jour selon tout un tas de

bouquins ? Il se reposa. Mais l’histoire ne dit pas s’il s’emmerda comme un rat mort, et si cela n’a pas quelque chose à voir avec la frénésie avec laquelle, depuis, il picote l’humanité pour son simple plaisir. Nous avons, nous, simples humains, une petite idée de la démangeaison qui est née de ce jour de rien du tout. Le confinement du printemps 2020 et les différentes facéties de la pandémie ont pesé un petit peu sur les esprits et ont filé des fourmis dans les pognes à pas mal d’entre nous. Hector de la Vallée et les éditions FP&CF ont transformé cet ennui de fait en or et donné une suite au bien-aimé Le Monde existe même quand je dors. Dimanche pour toujours est le nouveau recueil du Nantais, rempli de ses dessins pour la presse allant de Society à Perspective syndicale en passant par Mon Lapin Quotidien. Même principe que pour son livre précédent mais époque toute différente. L’œil désabusé et l’humour noir qu’il accole généralement à l’actualité prennent ici une tournure tout autre alors que la dépression et le désespoir étaient l’ambiance générale. Hector de la Vallée était devenu l’homme de la situation. Tout au long de ces quelque 300 pages, le dessinateur de nos temps obscurs tient la grande forme, creusant allègrement le puits où nous étions enfoncés, avec le cynisme de circonstance. Si la pandémie ne truste pas 100 % des dessins, elle reste néanmoins comme une toile de fond gluante et joue directement ou indirectement sur une grande majorité des tableaux réalisés. Images qu’on sait gré à Hector de la Vallée de rendre toujours intrigantes et bizarres, cohérentes en somme avec le propos en cartouche. Avec un style qui n’appartient qu’à lui-même, descendant des gravures de naguère avec un noir et blanc sans nuance, frère d’armes des Honoré et Willem pour les plus contemporains, Hector de la Vallée continue son travail de sape en nous parlant d’aujourd’hui avec la langue des bouchers. Une œuvre entre poésie macabre et idées noires qui risque bien de rester comme le meilleur témoignage de cette époque absurde. → Dimanche pour toujours d’Hector de la Vallée, éditions FP&CF, 292 pages, 24 € → editionsfpcf.com

L’Épopée infernale HÉROÏSME ■ Las, vous en avez soupé des Tintin, Spirou et autres Corto Maltese. Comme nous vous comprenons. Qui sont-ils, ces freluquets, à part des touristes de seconde zone bénéficiant de défraiements professionnels et qui nous font croire que s’enfoncer dans la gueule du loup permet de se poser en aventurier ? Les héros, les vrais, sont d’une autre trempe. Les héros, les vrais, dorment à même le sol de Charente, subissent les fourberies de l’industrie éditoriale et la misogynie d’un milieu qui a bien du mal à faire de la place aux femmes. Les héros, les vrais, ce sont des héroïnes : les autrices de BD. Aux sceptiques, aux mécréants, Émilie Plateau propose de changer de peau l’espace de deux ou trois heures. Et il se trouve que le génie humain a trouvé l’invention idoine pour éprouver une empathie sévère. Oui, vous l’avez deviné, L’Épopée infernale est un Livre dont vous êtes l’héroïne. Mettant ses pas dans les pas d’une illustre lignée, elle en évince toutefois les inutiles folklores que sont les dragons, les enchanteurs, les châteaux merveilleux et tous ces machins fantasy qu’on ne risque pas croiser dans la rue. Tandis qu’un mail un peu sec de votre éditeur, voilà qui sent le concret. Un festival de BD paumé dans la cambrousse, on peut le toucher. Un prix prestigieux qui n’honore quasiment jamais les femmes, c’est ça la vérité du monde de la BD. Les bases étant posées, l’aventure peut commencer. Et autant vous dire que la partie s’annonce serrée. Les choix sont cornéliens et rares sont ceux qui amènent à la gloire. Le plus souvent, on finit par mourir de contrition dans son lit ou par vendre des fanzines. Le Graal, le Fauve, ne s’obtiendra que par la ruse et le coup de bol. Le talent n’y est malheureusement pour rien. L’Épopée infernale vous prendra certes sous son emprise à grands coups d’humour impeccable et d’aventures trépidantes, mais il ne faut pas oublier sa mission principale : pointer et dénoncer les coins sombres du monde la BD. En cela, la forme du Livre dont vous êtes l’héroïne est plus qu’un gadget. Elle est le meilleur moyen, parmi tous, de faire entrevoir les difficultés rencontrées par les autrices dans un champ artistique qu’on penserait progressiste et humain. En ce sens, L’Épopée infernale fait bien mieux que nous divertir, elle manifeste. → L’Épopée infernale d’Émilie Plateau, Misma éditions, 280 pages, 16 € → misma.fr


👀

ciel

DEPARDIEU ■ Lyonnais par nature, nous connaissons mal le centre-ouest de la France. Il est donc des noms qui titillent notre

NOIR FUTUR ■ Alors, comment qu’il va Art Spiegelman ? La superstar et néanmoins prophète de l’underground semble

aller pépère. Le voilà sorti de sa torpeur créatrice pour illustrer une nouvelle de Robert Coover, après 10 ans d’évitements de toute publication en papier relié. Évidemment, c’est l’événement pour tous ceux – et nous en sommes – qui scrutent les moindres faits et geste du cofondateur de Raw et auteur de Maus. Mais cette stupéfiante réapparition cache peut-être une meilleure nouvelle : la mise à portée de main d’un texte de Robert Coover, trop rare dans nos librairies. Essayez donc de trouver, aujourd’hui, les écrits de Robert Coover dans votre échoppe préférée, c’est un défi. Pourtant, avec ce Street Cop, il vient prouver à la France entière – l’Amérique est déjà au courant – qu’il est une plume de première qualité. L’histoire de ce truand passé du côté des flics dans un monde dont la technologie s’est rendue maîtresse est une plongée rugueuse dans un futur tel que nous le redoutons. Au milieu du tumulte des robots-policiers, des drones et d’un urbanisme en perpétuel mouvement, reste l’homme, capable de sentiments. Une anomalie, dans une société qui paraît bien incapable de faire naître quelque mouvement du cœur. Dans un croisement entre roman hard-boiled à l’ancienne et dystopie très contemporaine, l’art de Robert Coover consiste à ne pas se laisser emporter par le décor qu’il déploie. Concentré sur son héros, il s’adresse à notre esprit en nous dévoilant les pensées qui agitent ce flic de rue, amoureux éperdu et citoyen désabusé. Et le dessinateur prodige là-dedans ? Il se contente de ponctuer le texte en délivrant une demi-douzaine de doubles pages et quelques cabochons. Oui, mais pour des fans transis, c’est déjà beaucoup. Et dans une nouvelle qui demande tant d’efforts à l’imagination, la béquille illustratrice d’Art Spiegelman nous donne un fier coup de pouce. Et le dessinateur new-yorkais fait mieux que figurer le foutoir installé par Robert Coover : il en prolonge la folie, l’humour et l’explosivité. Au milieu de tout ça, il laisse traîner notre héros esseulé, part d’humanité dans ce chaos dingo. Deux excellentes nouvelles dans un seul livre, c’est beaucoup. → Street Cop de Robert Coover, illustré par Art Spiegelman, Flammarion, 112 pages, 14 €. → editions. flammarion.com

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imaginaire et éveillent notre curiosité. Châteauroux n’est pas le moindre parmi ces territoires fantasmés. Châteauroux, la ville de Gérard Depardieu, de Michel Denisot et du sacro-saint club de football de La Berrichonne, c’est tout de même quelque chose. En attendant de s’envoler vers ces paysages inconnus de nous, nous pouvons toujours nous pencher sur la dernière bande dessinée de David Prudhomme, Du Bruit dans le ciel, qui nous conte son installation et sa vie de préadolescent à Grangeroux, hameau en périphérie de la préfecture de l’Indre. Évidemment, le programme de l’auteur fameux n’est pas de jouer au guide touristique. Il n’en reste pas moins que la description par le menu de ces années d’éveil sur les sentiers du Berry est une formidable raison de se pencher sur la zone. Car l’histoire de Grangeroux est la nôtre, celle d’une France qui s’urbanise, qui s’en émeut et qui vit d’espoirs et de déceptions quant à l’aménagement de son territoire. En formidable narrateur qu’il est, David Prudhomme entremêle habilement son histoire personnelle avec celle de son nouveau pays, fort marqué par la base militaire américaine toute proche. Celle-ci, qui fera vivre toute la région de longues décennies après la guerre, autant financièrement que par les mille légendes qu’elle a suscitées, n’est plus que l’ombre d’elle-même. De projets bancals en miroirs aux alouettes, la zone ne s’en sort pas et devient ce fantôme d’un passé prospère rappelant toujours plus cruellement les jours fastes. Un bouleversement majeur, mais qui reste finalement une désillusion de plus pour un territoire qui peine à se maintenir à flot. David Prudhomme s’était déjà penché sur les terres de son enfance. Mais guillerettement, se concentrant plutôt sur la truculence de ses habitants, dans une Oisiveraie dont on retrouve ici certains des héros. Là, le regard se fait plus analytique, plus froid, plus dur, bien que la tendresse transpire de chacune des pages. Par les yeux de l’enfant égaré, puis par ceux de l’adulte ayant fui, il use de son ressenti à travers les âges pour décortiquer les drames de cet îlot de vie qui perd peu à peu de sa prestance et dont l’avenir est bouché par un brouillard pesant, que personne n’a l’intention de dégager vraiment. Grâce à un dessin aussi humble que sublime, déployant ses nuances de gris pour une agglomération qu’on peine à imaginer autrement, il narre ces années de transition de la région castelroussine avec une finesse dont peu de commentateurs de cette fameuse France moyenne peuvent se targuer. Du Bruit dans le ciel nous met le nez dedans et avec une force rare. → Du Bruit dans le ciel, Futuropolis, 208 pages, 25 € → futuropolis.fr

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s t i o t s Sur le NORMCORE ■ Tout commence avec une envie de pisser.

Une des anicroches pénibles et récurrentes de nos sorties en ville. Et puis la voiture est garée loin. Tout ça va mettre notre héroïne et alter ego autrice Mandy Ord en retard à sa séance de cinéma sur les toits. Pas grave, de toute façon la séance ne commence pas avant que le soleil ne se couche. La voilà finalement bien calée, avec son pote Greg pour mater Ghostbusters, un film qui va la renvoyer à son enfance, à Bill Murray et aux improbables coïncidences qui le relient à elle. Tout roule. À vue d’œil, rien de tout cela n’est extraordinaire et surtout ne mérite pas qu’on y consacre 192 pages. Sauf que si. Ce récit autobiographique et premier roman graphique de l’autrice australienne Mandy Ord, paru initialement en 2007, a ceci de magique qu’il fait de la normalité une expérience aux confins de la mystique et de la psychologie. D’une soirée plutôt ordinaire – tout le monde connaît par cœur Ghostbusters et une projection sur les toits, c’est cool, mais bon –, Mandy Ord fait une étude de notre cerveau, sur la façon qu’il a de tisser des fils entre les faits et les gens, aussi éloignés soient-ils, et ainsi de réenchanter un quotidien trop souvent anodin. Se rendant compte que les deux derniers livres qu’elle a achetés, Sur le fil du rasoir de Somerset Maugham et Rencontres avec des hommes remarquables de George Gurdjieff, sont au cœur de la vie de Bill Murray, l’héroïne se prend à rêver que le hasard n’existe pas : « Ce que j’aimerais comprendre, c’est ce que Bill Murray, Sur le fil du rasoir et Gurdjieff ont à voir avec moi. » Rien, évidemment, mais le jeu en vaut la chandelle. De moments anodins en contextes routiniers, Mandy Ord prend le temps de nous immerger dans un quotidien qui peut parfois prendre des allures surnaturelles. Comme la ville qui, vue des toits, ne ressemble en rien à celle que nous usons chaque jour, l’existence peut parfois prendre une autre tournure quand on se laisse aller à y dénicher les coïncidences et autres hasards heureux. Le dessin, également, envoie le lecteur dans l’ailleurs. La vie de l’autrice y est traitée à gros traits noirs, son visage même est celui d’un cyclope, ajoutant la bizarrerie et l’incongru là où il n’y a que routine. Son traitement en noir et blanc franc, proche des essais bédéastes de Frans Masereel, vient donner à l’histoire des contours fantastiques. Une histoire banale, une histoire qui nous ressemble, nous qui ne rêvons qu’à l’extraordinaire et appelons de nos vœux qu’il intervienne enfin dans nos vies. → Sur les toits de Mandy Ord, The Hoochie Coochie, 192 pages, 17 € → thehoochiecoochie.com

Un Vis familieage r MISE À JOUR ■ Le plaisir de retrouver Michael DeForge ne se limite pas à l’admiration de son trait volubile et de ses couleurs

explosives. Le Canadien est également maître dans l’art d’emprunter au réel ses caractères les plus dérangeants pour en faire des fictions à la fois extravagantes et tristement familières. Les éditions Atrabile, en suivant consciencieusement les aventures du bédéaste, nous font le don d’une œuvre aussi séduisante dans la forme que radicale dans le fond. Un Visage familier, la huitième sortie de DeForge dans la maison genevoise, continue ainsi de donner corps à sa vision désabusée de nos sociétés en marche. Dans un monde gouverné par les nouvelles technologies, où chacun de ses éléments (corps, rues, bâtiments, etc.) est soumis à une optimisation perpétuelle, une employée du gouvernement voit sa compagne disparaître après une énième mise à jour. Occupant ses journées à lire des plaintes qui ne seront jamais traitées, la voilà elle aussi personnellement en proie à la colère, à la culpabilité et au désespoir. Partie à la recherche de son amour, elle met en parallèle sa détresse et le désenchantement de ses concitoyens face à un monde dont les améliorations constantes ne parviennent pas à cacher la froideur et la tyrannie. Jusqu’à vouloir à tout prix entrer dans un groupe de résistance où, croit-elle, sa femme se serait engagée. Une société qui va trop vite, guidée par le progrès et la performance, et qui lâche dans la côte ses membres les plus vivants, ça nous dit effectivement quelque chose. Mais au-delà du constat terrible, l’auteur ne se laisse pas sombrer dans la pure indignation. Dans le tourbillon de ce futur instable et sombre, le Canadien parvient à maintenir le fil rouge d’une histoire sensible, en y ajoutant sa dose d’humour et un graphisme toujours plus époustouflant. Un Visage familier se lit d’autant plus goulûment qu’il parvient subtilement à nouer les fils du global et du personnel, pour au final toucher à la fois le cœur et la raison. → Un Visage familier de Michael DeForge, éditions Atrabile, 176 pages, 17 € → atrabile.org


JEUDI 10 & VENDREDI 11 FÉVRIER À 20H

OLIVIA GRANDVILLE

DÉBANDADE DANSE

Saison 2021-2022 janvier - juin TNG-VAISE ET ATELIERS-PRESQU’ÎLE

©Fräneck

MARS

Pangolarium

Nicolas Liautard et Magalie Nadaud

JANVIER

TRACK

Céline Garnavault, Thomas Sillard Laurent Duprat-L.O.S. Cie La Boîte à sel

Ersatz

Julien Mellano Collectif AÏE AÏE AÏE

Terairofeu

Marguerite Bordat et Pierre Meunier La Belle Meunière

FÉVRIER

FIRE OF EMOTIONS : PALM PARK RUINS Pamina de Coulon BONNE AMBIANCE

Encore plus, partout, tout le temps

Collectif L’Avantage du doute

CRARI OR NOT CRARI

Émilie Anna Maillet Compagnie Ex Voto à la Lune

Je suis une fille sans histoire Alice Zeniter

ATLAS

Yann Deval et Marie-G. Losseau

Un Monde meilleur, épilogue

Benoît Lambert et Christophe Brault La Comédie de Saint-Étienne - CDN

AVRIL

Faillir être flingué

Guillaume Bailliart avec Théodore Oliver - Groupe Fantômas, MégaSuperThéâtre

Les jambes à son cou

Jean-Baptiste André Association W

MAI

Le Petit Théâtre du Bout du Monde Opus II Ézéquiel Garcia-Romeu Théâtre de la Massue

Normalito

Pauline Sales - Compagnie À L’Envi

JUIN

AEVUM

Clément-Marie Mathieu L.I.E - Laboratoire de l’Inquiétante Étrangeté

LIEU VIVANT D’EXPÉRIENCES ARTISTIQUES – LYON 1ER

WWW.TNG-LYON.FR 04.72.53.15.15 Crédit Photo : Marc Domage


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FACILE ■ Pendant que nous patientons, la langue pendante, et que son dernier bébé, Les Rigoles, s’amuse à faire le tour de la terre, étant édité ici ou là (chez Drawn & Quarterly pour l’Amérique du Nord, par exemple), Brecht Evens ne semble pas pressé de sortir un nouveau livre. Tant mieux, qu’il le laisse mûrir, que son cerveau prenne bien le temps de pétrir cette pâte créative qu’il a si bonne. N’empêche que nous sommes toujours là, nous, avec la même tronche de débile, toutes papilles dehors, à baver sur nos sets de table. Alors Actes Sud BD, prenant pitié devant le triste spectacle, a lâché à l’automne de quoi nous rendre plus présentables. Idulfania est ainsi une nouvelle parution vieille. Nouvelle, car pour les pauvres Français francophones que nous sommes, les strips présentés dans cet objet oblong sont tout à fait inédits, ceux-ci étant parus dans le magazine belge flamand Bruzz. Vieille, car ces travaux proviennent de la période 2009-2011. Il y a plus de 10 ans, eh oui. Alors que nous goûtions aux fruits sucrés de la jeunesse, Brecht Evens, lui, bûchait et se voyait confier la réalisation de petites blagues hebdomadaires par un magazine-agenda culturel de Bruxelles. Devant la lourde tâche d’être drôle chaque semaine, l’auteur choisit de prendre la tangente et de créer un nouveau monde à côté du nôtre. Idulfania, puisque c’est son nom, lui sert ainsi de terrain de jeux sans limite pour exprimer les situations les plus absurdes et les plus surréalistes. Farcissant l’univers fantasy de rois, de reines, de créatures mythiques et d’autres bestioles impossibles, il peut tout se permettre puisque lui seul connaît les limites physiques et morales de son territoire. Si Idulfania est une œuvre de commande, elle est aussi une œuvre de jeunesse et la fougue l’emporte régulièrement sur la raison, avec réussites souvent et déchets parfois. Mais c’est la vie. L’intérêt d’Idulfania, outre le fait de s’en payer une bonne tranche, réside aussi dans le dessin dont Brecht Evens est l’un des maîtres contemporains. À ce titre, Idulfania est à la fois rassasiant pour nous qui sommes addicts, mais aussi indicatif de l’évolution de l’auteur flamand. Le gars était déjà clairement au-dessus du lot en 2009, mais on sent combien il y avait encore de la marge pour approcher de la leçon des Rigoles. Ce fanatique de George Grosz, aux couleurs enchevêtrées et aux perspectives brisées, a su avec le temps maîtriser ses intuitions, être plus précis dans son geste et cadré dans son projet esthétique. Idulfania nous le montre que trop bien, ajoutant à l’humour bienvenu un aspect documentaire capital sur un des bédéastes majeurs du XXIe siècle. → Idulfania de Brecht Evens, Actes Sud BD, 64 pages, 18 € > actes-sud.fr


Ce Livre est-il heureux que tu le lises ? QUESTION ■ Le monde est si mystérieux qu’il mérite bien qu’on

le secoue fort pour obtenir quelques réponses. C’est ce que font l’écrivaine Anne Terral et la dessinatrice Amélie Fontaine dans Ce Livre est-il heureux que tu le lises ?, en lui mettant dans la vue quelques-unes des interrogations qui nous tarabustent depuis des siècles. « Les murs regrettent-ils de ne jamais marcher ? » ou encore « Lorsqu’un poisson pleure, la mer est-elle un petit peu plus salée ? » sont de ces questions rudes mais nécessaires lancées par Anne Terral. Amélie Fontaine se fait un plaisir de les illustrer avec toute la science graphique qu’on lui connaît. Elles créent à elles deux de sublimes et drôles petits tableaux. → Ce Livre est-il heureux que tu le lises ? d’Anne Terral et Amélie Fontaine, Actes Sud Junior, 40 pages, 15,90 € → actes-sud-junior.fr La perle couv.indd 1

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Dinosaures

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Marin, Féli

x et l’île aux oiseaux FRONTIÈRES ■ L’être humain est ainsi fait que c’est un con.

Mais il ne s’agit pas d’être fataliste, car il arrive que les choses s’arrangent. Ainsi dans cette histoire que nous conte Erwan Bargain, au sujet d’un naufragé qui rencontre par hasard un Marin, Félix deuxième habitant, la bêtise et l’île crasse qui consiste à dresser aux oiseaux un mur au milieu de l’île ne durera Erwan Bargain Julia Wauters pas jusqu’à la fin. À un moment, la raison et la fraternité prennent le dessus. Puisse-t-on s’inspirer de l’histoire de Marin et Félix pour notre monde réel et puisse-t-il, ce monde, ressembler aux dessins de Julia Wauters car ils sont beaux à se damner. → Marin, Félix et l’île aux oiseaux d’Erwan Bargain et Julia Wauters, Hélium, 40 pages, 16,90 € → helium-editions.fr

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JURASSIQUE ■ Nostalgique des dinosaures (et nous savons que vous êtes nombreux), soyez récompensés de votre fidélité soixantemille fois millénaire. L’illustrateur et graphiste Bastien Contraire vient ici panser vos plaies avec cet admirable documentaire qui respecte ses héros tout en leur donnant l’éclat d’une vision graphique renouvelée. À la manière du sérigraphe, il jouxte les aplats de couleurs osées pour créer des silhouettes à l’efficacité graphique indéniable, jouant en outre sur la taille de ces êtres vivants hors du commun. En plus d’être beau et malin, Dinosaures étonnera les enfants et les incultes par de petites touches informatives soulignant ce que l’image insinuait déjà. → Dinosaures de Bastien Contraire, La Partie, 56 pages, 22 € → lapartie.fr

Comme les baleines, ils remontent respirer à la surface.

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CYCLE ■ Le tant aimé duo Matthias Arégui/Anne-Margot Ramstein est de retour après L’ABC des tracas, Avant/après et Dedans/dehors, et on ne peut pas dire que ce soit une mauvaise nouvelle. Comme ses précédents, La Perle s’amuse avec la narration, optant cette fois-ci sur le silence pour faire passer les émotions. Nous y suivons une perle, pêchée par un jeune amoureux pour sa belle, qui vogue de pie en couronne, de couronne en voleur, de voleur en bouche d’égout, etc. pour se retrouver des décennies plus tard sur le doigt de celle à qui elle était destinée. Graphiquement sublime, La Perle prouve à tous que la poésie et l’émotion peuvent très bien se passer de mots. → La Perle de Matthias Arégui et Anne-Margot Ramstein, La Partie, 56 pages, 19 € → lapartie.fr

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LE

La Perle

DES KIDZ N I CO


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Marie Jacotey est sagittaire. C’est peut-être pour ça qu’elle dessine si bien les Amazones qui hantent Filles Bleues, Peur Blanche, son premier film, réalisé à quatre mains avec Lola HalifaLegrand. Ce court-métrage étrange, spectral et fantasmatique, s’est déjà distingué sur la scène internationale, avec une entrée envenimée dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2020. Pas étonnant finalement, tellement c’est beau et bizarre, comme une Fleur du mal.

AMAZONES ■

Les films de Marie Jacotey

Touchée par le dessin dès l’enfance, elle suit comme une flèche la voix royale du dessin pur, qui la mène d’abord aux Arts Déco de Paris. Inscrite en section « Image imprimée », elle y travaille essentiellement la technique et l’application tous supports durant cinq années : gravure, sérigraphie, textile, etc., et autres expérimentations immersives. Tout ça pour revenir aux crayons de couleurs ? « J’ai jamais quitté les outils de base pour dessiner. J’aime dans le dessin le côté immédiat, simple, direct : une feuille, un crayon, un dessin. Et j’aime d’ailleurs dessiner avec tout ce qui me passe sous la main. » Pour compléter cet enseignement pratique, elle continue son parcours en poussant les portes du Royal College de Londres. Ici, dans cette prestigieuse école fine art, elle développe son style propre, sa singularité, sa pratique « artiste », ce qui lui permet d’approfondir son travail d’auteur, de conception artistique. Mais surtout, elle y fait la rencontre de Lola Halifa-Legrand. Lola écrit, beaucoup : des histoires courtes, des histoires longues, des scénarios de BD, de cinéma, et tout un tas de fictions. Et c’est elle qui va lui proposer de travailler ensemble sur un projet de court-métrage d’animation.

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Parti d’une feuille grattée de quelques lignes et de traits de crayons, le projet évolue rapidement. Notamment par l’entremise de son ami Ugo Bienvenu (couverture du Kiblind n°71 « Mystique ») très investi dans la maison de production d’animation Miyu, qui les présente à son directeur Emmanuel-Alain Raynal. La réalisation peut commencer avec de vrais moyens, et surtout l’aide de Leo Schweitzer et Ugo, qui développent des pinceaux spéciaux pour animer ses dessins sur TV Paint à partir d’une tablette Cintiq. Lola peaufine l’écriture et Marie avance au crayon : 122 plans, chaque décor fixe, et tous les éléments qui viennent se placer sur les fonds comme les nombreux personnages. Au total plus de 10 000 dessins sont réalisés, avec l’aide d’une équipe de 5 animateurs et une armée de stagiaires. Puis passées les phases d’animation, de colorisation, de composing, 9 mois plus tard les 9’52 de film sont enfin prêtes à être diffusées. Filles Bleues, Peur Blanche est une fantasmagorie dessinée aux crayons de couleurs, sur le thème de la jalousie. « On est toutes les deux obsédées par l’analyse des relations sociale. Et à l’époque du film, on s’intéressait particulièrement aux relations de couple. On est alors parties d’une discussion de café sur l’impact de la jalousie et l’anxiété qu’elle peut provoquer, surtout dans les histoires naissantes : les fantasmes et les peurs qui s’autogénèrent à l’égard de la vie passée de notre conjoint. Une sorte de jalousie rétrospective, basée sur rien et absolument irrépressible. » C’est ce qui arrive à Flora, l’héroïne du film, qui dans un délire parano voit défiler toutes les ex de son copain Nils. Des ex fantasmées évidemment, toutes magnifiques : plus belles, plus fortes, plus indépendantes qu’elle, sorties de sa tête comme des Athéna, comme une tribu de femmes fatales archétypales. La sensation est puissante, portée par un univers surréaliste à la violence exagérée, assistée d’une musique d’outre-monde. Et les regards de ses femmes-fantômes laisse une impression persistante au fond des yeux, qu’on garde longtemps, longtemps, après le réveil. → Filles Bleues, Peur Blanche est visible sur Kiblind.com, assorti de nombreux dessins de Marie Jacotey.

Animation par Jean Tourette


Illustration et création graphique : Clément Lefèvre

Du 28 mars au 3 avril 2022

Toute l’info sur

cinecourtanime.fr

Soutenu par


par E. Quittet

SÉLECTION ANIMATION — 78

CLIP

P A CL

Quand le clip vient sublimer une musique qui est déjà de toute beauté, alors là, l’extase est maximale. Chaque mois sur notre site kiblind. com, nous consacrons une sélection en l’honneur de cette magnifique invention qu’est le clip musical animé. Qu’il soit en 2D, en 3D, en stop motion, ou encore dessiné à la mano, le clip illustré est partout et il a fière allure. Alors on a décidé de s’y intéresser de près et de poser des questions à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur·rice chargé·e de retranscrire la musique en images. Retrouvez tous les clips animés qui nous ont tapé dans l’œil ainsi que des interviews des réalisateur·rices sur kiblind.com.

CLÉMENT WALKER – SANS TOI ILLUSTRATION/ANIMATION : ALBANE CHAUMET Salut Albane, peux-tu nous raconter la naissance de ta collaboration avec Clément Walker pour ce clip ? Je connais Clément depuis longtemps. Nous avons travaillé ensemble sur différents projets en animation où il composait la musique. Lorsqu’il m’a dit qu’il sortait un EP et dès que j’ai eu la chance d’en écouter les premiers extraits, j’ai instantanément visualisé des couleurs et des textures. Cette pop psyché mélangeant synthés, cordes et cris d’oiseaux m’a donné envie de développer un univers visuel multicolore et fourmillant de détails. Alors je lui ai proposé une collaboration pour un clip. Quelles références/directives t’a-t-on données avant d’attaquer la conception de ce clip ? Le projet musical de Clément est un concept-album qui raconte l’odyssée de l’Homme bleu, un humanoïde venu de l’espace. Dans « Sans toi », il découvre la rupture amoureuse. Il fallait donc rester dans ce sujet. Clément souhaitait également que le clip fasse écho au reste de l’histoire de son personnage : il y est question d’un pêcheur de perles, de sirènes, d’une île tropicale et de bien d’autres choses. J’ai donc disséminé des éléments un peu partout dans les plans afin que l’on puisse poser un regard nouveau sur ces images lorsque tous les morceaux seront sortis. Sur le plan esthétique, Clément connaît bien mon travail et il m’a fait confiance.

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Quel degré de liberté as-tu pu t’accorder pour réaliser ce clip, notamment pour en imaginer l’histoire ? Excepté les envies de Clément que je viens d’évoquer, j’ai eu carte blanche donc une totale liberté autant sur le plan narratif que sur le plan graphique. Dans les paroles de la chanson, le sujet de la rupture est évident. J’ai voulu le décaler légèrement et avec mon producteur, Clément Treboux (Melting Productions), nous avons imaginé l’histoire de cette plante qui dépérit malgré tous les efforts de son jardinier amoureux. Peux-tu nous raconter les différentes étapes de conception du clip de la première idée à la réalisation finale ? J’avais une liste d’envies de départ – l’appartement cabinet de curiosités, le balcon aux plantes luxuriantes, les objets magiques, l’île imaginaire – et je me suis servie de la métaphore florale comme fil conducteur narratif pour les regrouper. Mes premières impressions à l’écoute du morceau étaient chromatiques et tout naturellement, la couleur a pris une place de premier plan dans le projet. Je l’ai voulue vive, éclatante, en remède à la mélancolie du morceau. À la fin, la fleur jusqu’alors rabougrie s’enflamme d’une palette chatoyante, en célébration du pouvoir de la couleur. Pour parler de la conception de manière plus technique, j'ai réalisé une animatique à partir du scénario : étape qui m'a permis de vérifier

si l'enchaînement et le rythme des plans me plaisaient et collaient à la musique. Puis, j'ai peint à la gouache les éléments de chaque plan. Il me tenait à cœur de réaliser mes images originales en grande partie à la main, sur du papier, avec de la peinture. J'aime quand les coups de pinceau et le grain du papier viennent envahir les écrans ! J'ai ensuite scanné mes originaux que j'ai utilisés pour construire mes images sur Photoshop. Et enfin j'ai importé ces fichiers sur After Effects pour faire l’animation. Tu as réalisé l’illustration mais aussi l’animation de ce clip, comment t’es-tu formée dans ces deux domaines ? J’ai fait mes études à l’ENSAD où j’ai beaucoup hésité entre ces deux disciplines. Finalement, c’est en animation que je me suis spécialisée. J’ai très vite été séduite par les possibilités infinies qu’offre ce domaine artistique qui a un côté art total. Je trouve toujours très excitant de me dire que dans le cadre du même projet, il va être question d’écriture, de mise en scène, d’image, de jeu d’acteur, de musique, de bruitages et je suis sûre que j’oublie des choses ! Maintenant, je travaille sur des projets en animation et aussi en illustration, celui-ci était l’occasion idéale de combiner les deux. En plus de ces deux disciplines bien prenantes, tu fais aussi de la broderie et de la céramique. Quel est le prochain skill à ajouter à ta liste ? J’aimerais beaucoup fabriquer des tapis, j’y réfléchis depuis plusieurs mois. Je pense également développer une recherche entre la vidéo et l’animation avec des décors et des costumes peints… Je ne manque ni d’envies, ni d’idées ! → instagram.com/albane_cho → instagram.com/clementwalker


jeu vidéo

animati

o 3D D B n illustratio

Illustration : Océane LEPELLETIER, étudiante de 5e année cinéma d’animation

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👀 SQUARE — 80 KIBLIND Magazine → 78 → Faits divers

SQUARE² SQUARE² est une nouvelle BD originale publiée chaque dimanche sur le compte Instagram de KIBLIND. Le principe : chaque semaine pendant un mois, un artiste que nous avons choisi dessine un strip qui doit respecter les règles graphiques suivantes : un carré central / 4 côtés / 4 cases / 4 couleurs. Ici, une variation autour du carré jaune proposée par Maria Jesus Contreras.

SQUARE² • Chapitre 9 - Partie 1/4 Maria Jesus Contreras À suivre sur : instagram.com/kiblind_magazine


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