Dossier cornouaille 2013 manon velly

Page 1

La Pointe du Raz De la naissance d'un lieu emblématique à sa reconnaissance en tant que Grand Site de France.

Manon VELLY Cercle des Bruyères Beuzec-Cap-Sizun


SOMMAIRE SOMMAIRE

Page 1

INTRODUCTION

Page 2

I- La Naissance du mythe « Pointe du Raz » A- Le Raz de Sein. B- L'Enfer de Plogoff C- Les feux de la Pointe du Raz D- Notre Dame des Naufragés E- Le petit port de Bestrée F- La Baie des Trépassés

Page 3 Page 3 Page 3 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6

II- Des artistes au service de sa renommée A- Cambri et son voyage en Finistère à la fin du XVIIIè siècle C- Une production littéraire qui ne cesse de s'accroître au cours du XIXè siècle B- L'affirmation d'une certaine renommée tout au long du XXè siècle

Page 6 Page 6

III- La création de la Pointe du Raz en tant que site touristique A- Les premiers touristes B- Les guides de la Pointe du Raz C- Des hôtels au bout du monde D- La Pointe du Raz dans la Seconde guerre mondiale. E- « Sauvons la Pointe du Raz » !

Page 8 Page 8

IV- L'opération Grand Site de France A- Des premiers projets sans résultats. B- Les années 1990 et la relance d'une opération Grand Site pour sauver la Pointe C- La construction d'un nouveau site D- 2004 : la Pointe du Raz reconnue Grand Site de France !

Page 10 Page 10 Page 10

CONCLUSION

Page 12

BIBLIOGRAPHIE ET REMERCIEMENTS

Page 13

ANNEXES

Page 14

1

Page 6 Page 7

Page 9 Page 9 Page 10

Page 11 Page 11


INTRODUCTION

« Si l'on me demandait quelle côte de l'ouest donne la plus grande impression, je dirais celle de la

Bretagne, aux sauvages et sublimes promontoires de granit qui finissent l'ancien monde et cette pointe hardie, la Pointe du Raz, qui défie les tempêtes et domine l'Atlantique . »1

Cap rocheux situé à l'ouest de la commune de Plogoff 2 dans le Finistère et s'enfonçant dans la mer d'Iroise, la Pointe du Raz est l'un des lieux les plus emblématiques de nos côtes bretonnes. Flaubert et Maxime du Camp, dans leur ouvrage Par les champs et par les grèves , parlent de ce bout de terre : « Ici se termine l'ancien monde : voilà son point le plus avancé, sa limite extrême. Derrière vous est toute l'Europe, toute l'Asie, devant vous, c'est la mer et toute la mer ». Ainsi considéré comme étant le début ou la fin du monde, cet ancien camp gaulois, est devenu au fil des siècles l'un des sites symbolisant le plus fortement l'identité bretonne et comme étant l'un des plus visités au monde. S'élevant à 72 mètres au dessus du niveau de la mer, Henry Queffelec y voyait lui, le « squelette d'un gigantesque monstre préhistorique » ;demeurant ainsi comme étant l'un des monuments naturels des plus insaisissables où été comme hiver, les ciels changeants offrent à ce bout de terre un visage sans cesse renouvelé. Quelqu'un qui s'y aventurent y découvre une étonnante vitalité, où les vagues et les liserés d'écumes, les courants et les bouillonnements offrent à l'être humain un chaos grandiose et saisissant. S'enfonçant comme une lame dans des eaux pour le moins tourmentées, la Pointe du Raz est bien souvent comparée à un oiseau de mauvais augure pour les marins. Mieux vaut être un navigateur aguerri pour s'aventurer dans ce raz aux courants pouvant être porteurs de mauvaises nouvelles. Lorsque la mer monte en furie, les récifs peuvent vite se transformer en abris funestes. Notre Dame des Naufragés qui s'élève avec grâce sur ce site, veille sur les navires qui osent s'y aventurer. Nulle surprise alors, que ce bout du monde ait attiré curieux et voyageurs ! C'est ce que nous allons découvrir à travers ce dossier.

1 2

Citation de Jules Michelet Voir Annexe 1

2


I- La Naissance du mythe « Pointe du Raz » A- Le Raz de Sein

L'île de Sein située à 5 km à l'ouest de la Pointe du Raz, est séparée de la Pointe par un passage maritime parcouru par de violents courants. Depuis des siècles, ce passage entre la Pointe et l'île, appelé « Raz de Sein »3, est réputé comme étant très dangereux pour la navigation. Un dicton populaire en atteste : « nul n'a passé le raz sans mal ou sans frayeur ». Nombreux sont les naufrages et ceux qui ont perdu la vie dans ces courants de tous les dangers et dans ses vagues vertigineuses... Ce coin de mer est notamment réputé pour la pêche du bar où le poisson y est assez foisonnant. Les « ligneurs », ces pêcheurs de l'extrême, traquent le bar dans des endroits difficiles au milieu des courants, de la houle et sous la menace des rochers à fleurs de coques.

B- L'Enfer de Plogoff L'Enfer de Plogoff et sa Cheminée du Diable est une galerie creusée par la mer dans les roches de la Pointe du Raz. Ce lieu n'inspire guère confiance, car la légende lui prête une sinistre réputation. C'est là que, au cours des tempêtes, on peut entendre gémir les âmes des noyés, des trépassés... Yacinthe Le Carguet retrace dans une de ses productions la légende de « l'Enfer de Plogoff » qui lui a été compté par M. Guilcher, maire de l'île de Sein à l'époque. Il y est dit qu'un jeune seigneur de Kerlaz tomba amoureux d'une jeune fille de l'île de Sein et qu'il l'épousa malgré que François le Sû (habitant de Sein) ai annoncé à l'îlienne qu'il était préférable pour elle d'épouser un marin de cet île. La jeune fille quitta ainsi l'île avec le seigneur pour y rejoindre son château. Cependant personne n'accepta la demoiselle au palais, si bien que le jeune homme dû bien vite reprendre avec elle la route de Sein. Il embarqua seul avec la jeune fille et gagna le large à force de rames . A peine en mer, la tempête gronda et une lame plus forte que les autres poussa la barque vers la terre de la Pointe du Raz. Le lieu où périrent les amants fut appelé le « Trou de l'Enfer »... Presque impossible d'accès, ce coin de la Pointe n'est autre qu'un gouffre, une galerie creusée par la mer au fil des siècles. Une percée béante qui s'emplit d'eau aux fortes marées.

C- Les feux de la Pointe du Raz 1- Le« Bec du Raz »

En 1826, un rapport de la commission des phares prévoit l'installation d'un « phare de premier ordre » à feux fixe à la Pointe du Raz. La situation particulière de la Pointe et la dangerosité des eaux environnantes pour la navigation, aussi bien militaire que marchande, motivent ce choix d'implanter un phare sur ce site. Ce dernier, une tour carrée de 15 mètres de hauteur, est mis en chantier en 1838. Sur ce « bec du Raz », le feu est allumé en 1839. Il fait écho au phare de l'île de Sein situé à 5 km de la Pointe, et qui est mis en service la même année. Le phare de la Pointe du Raz a brillé constamment pendant 47 ans avant d'être transformé en sémaphore en 1892. La mise en service du phare de la Vieille dans le raz de sein le 15 septembre 1887, scella le sort du phare de la Pointe. Ses feux s'éteignirent définitivement en 1887. Les progrès de la communication étaient de tels en cette fin du XIXè siècle, que les sémaphores furent mis à contribution pour les télégraphies sans fils. Ainsi, un poste plus spécialement dédié aux transmissions est installé sur place . Pour recevoir les communications et pour servir de relais, le poste de télégraphie est par la suite complété d'une antenne. Rien de bien réjouissant dans le paysage !

Poste de Télégraphie sans fil au bout de la Pointe. 3

Le « Bec du Raz » transformé en sémaphore.

Voir Annexe 2

3


2- « La Vieille ». En dépit de l'allumage des phares de Sein et de celui du Bec du Raz en 1839, les parages de la Pointe du Raz restent dangereux. C'est donc pour éviter les naufrages, que la commission des phares engage en 1860 une campagne d'étude pour éclairer les eaux environnantes de la Pointe du Raz. En 1872, en raison des difficultés liées à l'accostage, le projet de construction du phare de la Vieille dans le raz de Sein est sur le point d'être abandonné. D'autant qu'à cette époque, le chantier du phare d'Armen situé plus au large dans la chaussée de Sein, était déjà entrepris. Mais après plusieurs tergiversions, le projet de la Vieille est remis en selle. C'est deux années avant que s'allume le phare d'Armen, soit en 1882, que sont entreprises les premières approches de la roche où est construite la Vieille, appelée aussi « Gorlébella »(la plus éloignée de la Pointe). Sa construction s'étale de 1882 à 1887. Véritable donjon de pierre, cette tour rectangulaire de 24 mètres de hauteur, culminant à 33 mètres au dessus du niveau de la mer, doit son architecture au souhait de la distinguer des autres phares. Le 15 septembre 1887, ses feux sont allumés pour la première fois. Le phare est également équipé d'un signal de brume en novembre 1913 puis, automatisé en 1995. Dans le même temps où les feux de la Vieille sont allumés, la construction de la tourelle de la Plate, appelée aussi « Petite Vieille », commence. Il faudra 22 années pour terminer sa construction suite aux incidents de 1856 où la Plate est « décapitée » de son rocher.

3- « Tévennec » C'est aussi la commission de 1860 qui propose l'installation d'un phare sur le rocher de Tévennec. La construction de ce dernier et de sa maison d'habitation commence le 12 mars 1869. Six ans après le début des travaux, dans la nuit du 15 mars 1875, le premier feu clignotant du « phare maudit » s'alluma. Transformé en feu permanant à gaz en 1910 après une décision de l'Administration, Tévennec devient ainsi le premier phare automatisé suite aux nombreux drames qui se sont succédés sur son rocher. En effet, la légende raconte que ses gardiens (et leur famille pour certains) entendaient des cris glaçants et des voix leur criant : « Kerz Kuit ! Kerz Kuit ! » - « Va-t-en ! Va-t-en ! ». Nombreux sont donc ceux qui ont perdu la tête ! Mais d'après une explication plus réaliste, les « voix » étaient celles de la mer et du vent s'engouffrant dans une grotte située sous le phare...

D- Notre-Dame-des-Naufragés A la Pointe du Raz, elle est incontournable, tournant résolument le dos aux gens venant de la terre et offrant son salut aux gens de la mer. Haute et fière devant l'océan, comme pour conjurer les mauvais sorts du parfois cruel océan, Notre Dame des Naufragés 4 vieille sur les marins depuis 109 ans. Le 8 avril 1904, par une lettre pastorale, Mgr Dubillard annonçait à ses diocésains l'érection d'une statue à la Pointe du Raz : « Répondant à l'appel du Souverain Pontife, nous célébrons cette année le grand anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Conception. Nous avons pensé que la Bretagne devait à Marie quelque chose de plus spécial en cette circonstance. […] Un artiste de grand talent, bien connu en France, le sculpteur Godebski, nous offre un groupe monumental qu'il avait taillé pour les côtes bretonnes dans les carrières de Carrare, en souvenir de son fils mort au Tonkin. […] Une fois la détermination prise, nous avons dû désigner l'endroit où serait placé le monument. Il existe sur nos côtes bretonnes, une pointe bien connue des marins du monde entier, dominant de 100 mètres une mer parsemée d'écueils et de récifs, ces terribles passages connus sous le nom de Raz de Sein. C'est cet endroit que l'avis de notre conseil et des hommes de l'art nous ont choisi pour l'emplacement de Notre Dame des Naufragés. Cette statue devait être initialement érigée à Plounéoour-Trez, commune des Côtes d'Armor, en hommage aux sauveteurs en mer. Cependant, compte tenu du contexte politique difficile (préparation de la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905), cela ne pu avoir lieu. Le sculpteur français Cyprian Godebski (1835-1909) la proposa alors à l'Evêque de Quimper, Mgr Dubillard, à condition d'être associé au choix du site. Le site de la Pointe du Raz est alors retenu. Le 18 février 1904, l'Evêque se rend sur le site pour déterminer l'emplacement du monument, accompagné du chanoine Abgrall, responsable des plans du piédestal. Ce même jour, Mrg Dubillard rencontre Yves Kersaudy, habitant de Lescoff (dernier village avant la Pointe), qui offre alors gratuitement le terrain où est érigée la Statue, à l'Evêché de Quimper. La préfecture maritime de Brest autorise l'élévation du monument le 8 avril 1904, à condition que celle-ci ne gène pas la vue des marins du sémaphore. 4

Voir Annexe 3

4


Cette sculpture en marbre de Carrare représentant la vierge aux naufragés est constituée de trois éléments : la vierge, l'enfant et un marin naufragé. Cet ensemble de 6 mètres de haut pèse ainsi 11 tonnes (le marin naufragé : 7 tonnes et la vierge avec l'enfant Jésus : 4 tonnes) et repose sur un piédestal de 4m50 dessiné par M le Ch. Abgrall, architecte de métier. La vierge, haute de 3 mètres domine tout le monument, regardant l'Ile de Sein et la vaste mer sans cesse traversée par les vaisseaux. Pour saisir de façon nette et précise la pensée de l'artiste, il faut se représenter la mer en fureur, les barques et les équipages brisés contre les écueils ou ensevelis sous les flots. Un jeune marin, victime de la tempête, après s'être débattu avec énergie contre la violence des courants, aperçoit tout-à-coup sur la rive proche, la Vierge au blanc manteau portant une étoile au front et dans les bras l'enfant Jésus qui tend ses petites mains au malheureux naufragé. Celui-ci, guidé et soutenu par l'apparition, se dirige à force de bras vers le rocher sauveur. Bientôt il y arrive et tandis qu'il s'y cramponne de la main gauche, sa main droite se tend avec espoir vers les bras qui viennent à sa rencontre. Le groupe de Notre Dame des Naufragés fut acheminée en train de Gênes jusqu'à Quimper puis transporté le mardi 24 mai de la gare de Quimper à la Pointe du Raz par deux charrettes tirées par neuf et six chevaux. La statue fut mise en place le 19 juin 1904 sans incidents. L'inauguration de la statue eu lieu le 3 juillet 1904. Dès l'aube, de nombreux pèlerins arrivent en calèches et en char à banc des diverses communes du Cap-Sizun, de Douarnenez, du Pays Bigouden et d'ailleurs. Vers 9h30, la procession commence à se former dans la cour de l'hôtel du raz de Sein et se met en route à 10h vers le monument. La procession est escortée d'une foule nombreuse. La messe solennel est alors célébrée par Mr Belbeoc'h (supérieur du petit séminaire de Pont-Croix), le diacre Mr Cloarec (recteur de Brénilis), le sous-diacre Mr Kersaudy (vicaire de Plozevet). Le déjeuner est offert par Monseigneur à ses principaux invités à l'hôtel Keradennec. Dans l'après-midi, le cortège se reforme et se rend en procession jusqu'à la statue pour célébrer les vêpres. C'est le cardinal Laboure, archevêque de Rennes qui préside et qui donne sa bénédiction. Pour clore la fête, le barde Taldie est présent pour lire une ode de sa composition. On estime le nombre de pèlerins et de curieux présents à la Pointe du Raz pour cette occasion à 20 000. Ayant été cédée par le sculpteur en personne à l'évêque de Quimper, cette statue reste aujourd'hui propriété de l'évêché et non de la commune de Plogoff.

L'inauguration de la statue le 3 juillet 1904.

La face postérieure du monument porte l'inscription suivante :« Cette statue, œuvre et don du sculpteur Godebeski, érigée par les soins de Mgr Dubillard et par la piété de ses chers diocésains, en l'honneur de la patronne des marins, à l'occasion du jubilé de l'Immaculée Conception et en témoigne de vive reconnaissance envers la charité catholique pour ses généreux secours pendant la crise sardinière (1903), a été bénite et inaugurée solennellement par son Eminence le Cardinal Laboure, en présence de plusieurs évêques et d'un immense concours de prêtres et de fidèles le 3 juillet 1904. »

E- Le petit port de Bestrée Dernier havre de paix avant les tourments du raz de Sein, la petit port de Bestrée, au pied d'une falaise abrupte et dans un parfait isolement, a longtemps servi de refuges aux barques de pêcheurs (notamment pour la langouste), de point de départ pour les gardiens de phares de la Vieille, d'Armen et de Tévennec, et, de point de départ pour le ravitailleur de Sein. Il y a un demi-siècle encore on y embarquait pour l'île !

5


Abrité par une digue naturelle renforcée par la main de l'homme en 1885 pour éviter que les lames n'emportent les installations, le port n'est pas pour autant totalement à l'abri des grandes tempêtes. Enchâssé dans un abri improbable, le petit port de Bestrée sert souvent de port refuge pour des pêcheurs à la peine, contraints de stopper là quand la mer ne permet plus de passer le raz, et n'a jamais été délaissé par les pêcheurs locaux.

Le port abri de « Bestrée ».

Préparatifs pour la pêche aux langoustes à Bestrée.

F- La baie des Trépassés. Vers le nord de la Pointe, un sentier côtier nous conduit à la Baie des Trépassés. Ce banc de sable et de dunes situé entre la Pointe du Raz et la Pointe du Van, participe par son nom à l'ambiance et à l'image qui à été donné depuis plus d'un siècle au Cap Sizun et à sa pointe la plus extrême. Une terre de violence où les hommes affrontent une mer des plus impitoyables. Il est donc dit, selon les légendes qu'on peut entendre dans ce bout de terre, que si les gémissements des noyés jaillissent de l'Enfer de Plogoff, leurs corps s'échouent dans cette baie. Henri Queffélec rapporte que « son sable pâle est fait des ossements broyés ». Venu à Pont-l'Abbé en 1879, Guy de Maupassant écrit quant à lui qu'il va rejoindre sa mère en Bretagne et faire « à pied le tour des côtes de ce pays qu'on dit magnifique ». La Baie des Trépassés est selon lui « une crique de sable d'une inoubliable mélancolie, d'une tristesse inquiétante, donnant, au bout de quelques temps, l'envie de partir, d'aller plus loin. Une vallée nue avec un étang qui paraît mort, aboutit à cette grève effrayante. Cela semble l'antichambre du séjour infernal ». Il est aussi raconté, selon les anciennes légendes celtes célébrant le roi de Cornouaille Gradlon, que cette « baie des âmes », aurait été le théâtre de la splendeur de la mythique ville d'Ys, engloutie par les flots. Les étangs situés à l'est de la Baie sont notamment appelés « les étangs d'Ys ». Cependant, cette Baie au nom sans équivoque ne fut pas toujours appelée ainsi. En effet, avec le temps, la « Baë en aon » (la baie de la rivière) est devenue la « Baë en anaon » (la baie des Trépassés)...

II- Des artistes au service de sa renommée A- Cambri et son voyage en Finistère à la fin du XVIIIè siècle Le premier ouvrage où la Pointe du Raz est évoquée est Voyage dans le Finistère où état de ce département par le citoyen Cambry en 1794. La France est à ce moment là en Révolution et les biens du clergé sont nationalisés, tandis que ceux de la Couronne et des Emigrés le seront bientôt. La Nation se trouve ainsi propriétaire d'un patrimoine extraordinaire, que l'Assemblée décide de répertorier. L'ambition est de donner à la France, le tableau de ses richesses historiques et artistiques. Cambry est donc envoyé à la Pointe de la Bretagne pour illustrer ce bout de terre. C'est en romantique, parlant de la Pointe du Raz, qu'il écrit dans son ouvrage : « Là, sur ce rocher sauvage, quand le rocher plonge dans l'Occident, lorsque la mer s'élève, gronde, annonce une tempête : esprits sublimes, philosophes profonds, âmes fortes et mélancoliques, poètes exaltés, venez méditer en silence ».

6


B- Une production littéraire qui ne cesse de s'accroître au cours du XIXè siècle Au cours du 19è siècle, la Pointe du Raz fait l'objet d'une importante production littéraire. Avec entre autres, Gustave Flaubert et Jules Michelet qui donneront une grande envie à leurs lecteurs de découvrir ce site. En 1833, Jules Michelet décrit dans La revue des deux mondes, une impression de voyage enchanté en ce bout de terre : « Asseyons-nous à cette formidable Pointe du Raz, sur ce rocher miné, à cette hauteur de trois cents pieds d'où nous voyons sept lieux de côtes. C'est ici, en quelque sorte, le sanctuaire du monde celtique. […] Ces sifflements qu'on croirait ceux de la tempête sont crierien, ombres des naufragés qui demandent la sépulture. ». Dans la revue La Mer en 1856, Michelet y décrit ensuite un site brumeux, légendaire, celtique et fantastique. Autant de termes qui colleront durablement à l'image de la Bretagne et qui s'illustreront particulièrement en ces rochers du bout du monde. En 1847, dans ses carnets fondateurs de l'ouvrage Par les Champs et par les Grèves, Gustave Flaubert indique en parlant de la Pointe du Raz que « l'homme n'est pas fait pour vivre là, pour supporter la nature à autre dose ». A travers le portrait que l'écrivain dresse du site (« trou satanique, bouleversements, replis, indescriptibles couleurs des roches sous-marines »), il semble qu'il n'ait retenu que douleur et dureté de l'endroit. Ce n'est pas l'avis de François Coppé qui s'en revient de la Pointe du Raz, tout décoiffé, plein d'ivresse et de vers à venir : « La littérature contemporaine a malheureusement abusé du mot sublime ; c'est pourtant le seul qui puisse qualifier le coup d'enthousiasme que m'ont donné la Pointe du Raz et la Baie des Trépassés. On arrive à ces solitudes, limites de l'ancien monde, par un aride pays assez semblable à celui qu'on trouve dans les ascensions de montagnes, quand on approche du sommet. […] Je reviens de la Pointe du Raz, ivre de mer, de ciel et de vent ; et, si j'essaye un jour de fixer ce souvenir, ce sera dans la noble forme du vers, que semble imposer à mon esprit le rythme majestueux de l'océan ». La première lithographie de la Pointe du Raz est publiée en 1856 dans La Bretagne contemporaine par Félix Benoist. Yacinthe Le Carguet, bigouden de naissance et nommé percepteur du canton de Pont-Croix en 1880, a laissé quant à lui une œuvre considérable retraçant la vie de la population capiste. On y retrouve plusieurs poèmes5 écrits par ses soins, dont notamment certains dédiés à la Pointe du Raz : «Beg Ar Raz » en 1896 et « Ôde à la Pointe du Raz » en 1904 pour l'inauguration de Notre Dame des Naufragés . Il semblerait que l'auteur ne fut pas insensible au charme qu'y peut s'en dégager. José Maria de Heredia décrit lui aussi dans son poème « Armor »6 le voyage qu'il entreprit à la Pointe.

C- L'affirmation d'une certaine renommée tout au long du XXè siècle La Pointe du Raz fut aussi un lieu où la grande tragédienne, Sarah Bernhardt, aimait passer du temps. Avant d'élire domicile à Belle-Ile-en-Mer, l'actrice a consacré de nombreux séjours à ce site naturel . L'Illustration raconte : « Elle se faisait promener dans une barque au pied des hautes falaises et, armée d'un fusil, elle tirait les mouettes du littoral. Un jour, elle orna sa voiture de ces blancs trophées. Sur son passage, c'étaient des vivats sans fin poussés par les femmes et les enfants qui avaient eu le privilège de l'entendre chanter dans la maison du sémaphore où on l'accueillait en amie... ». Un des lieux de la Pointe du Raz porte même son nom. Parmi les rochers, on trouve un endroit où les roches, taillées par les flots, font penser à un fauteuil. Ce dernier fut baptisé comme étant « Le fauteuil de Sarah Bernhardt ». En octobre 1937, Julien Gracq, dans Lettrines 2, raconte qu'il se rend à la Pointe du Raz. « Le car allégé s'enleva comme une plume pour attaquer l'ultime raidillon qui escalade le plateau du Cap, et tout à coup la mer que nous longions depuis longtemps sur notre gauche se découvrit à notre droite, vers la Baie des Trépassés et la Pointe du Van : ce fut tout, ma gorge se noua, je ressentis au creux de l'estomac le premier mouvement du mal de mer. J'eus conscience en une seconde, littéralement, matériellement, de l'énorme masse derrière moi de l'Europe et de l'Asie, et je me sentis comme un projectile au bout du canon, brusquement craché dans la lumière. Je n'ai jamais retrouvé, ni là, ni ailleurs, cette sensation cosmique et brutale d'envol enivrante , ex-hilarante à laquelle je ne m'attendais nullement. » Louis Le Cunff, dans Feux de mer en 1954, évoque quand à lui le raz de Sein et un dicton breton : « Etre enez hag er beg/eman berred ar goazed ». Ce qui se traduit ainsi : « Entre l'île et la 5 6

Paul Cornec, Hyacinthe Le Carguet : un passeur de mémoire en Cap-Sizun, page 314 et 317. Voir annexe 3

7


pointe, c'est le cimetière des hommes ». Il commente ainsi qu'en ce bout de terre : « Pas de croix, pas de plaque dans ce cimetière. Rien que l'éternelle et formidable pulsion de l'Océan, roulant dans ses courants et ses marées les épaves et les corps sans vie, jusqu'aux sables luisant de a Baie des Trépassés ». Ainsi, la pointe, de romantique devient romanesque et alimentée par des histoires de naufrages, par des anecdotes dramatiques, est progressivement mise en légende. Toute une littérature s'en empare et l'on parle à l'infini des forces telluriques, du vent infernal et de la mer déchaînée. Un paysage de tragédie ! Cette phase de mise en image de la Pointe du Raz parcourt le XIXè siècle et assoit ainsi progressivement sa réputation de chaos du bout du monde tout au long du XXè siècle.

III- La création de la Pointe du Raz en tant que site touristique A- Les premiers touristes

Imposant de majesté sous un soleil rayonnant, terrifiant de beauté quand le brouillard s'abat sur la pointe, le site naturel de Plogoff attire les foules dès la fin du XIXè siècle. En effet car après Cambry, Flaubert ou encore Michelet, et avec l'essor du chemin de fer et notamment l'arrivée du Youtar dans le Cap Sizun, voici les premiers touristes à arpenter les falaises du site à partir des années 1880. Les voyageurs débarquent sur le quai d'Audierne et sont accueillis par des voitures hippomobiles prêtent à les conduire à la Pointe du Raz ! Ainsi très vite, des familles très fortunées d'abord, puis plus modestes ensuite veulent voir ce site, cette Pointe du Raz et toutes ses curiosités. Pour agrémenter le circuit, pour donner du pittoresque à leur sortie et pour repartir du site tout étourdis d'émotions, les touristes cherchent à visiter ses moindres recoins. La Porte de l'Enfer est notamment devenue un passage obligé de la visite. On s'y presse, on y pose et on s'en amuse du fait de son nom...et pourtant, l'Enfer n'est souvent pas très loin ! Les rochers au nom insolites (La Main, le Chapeau du Général, la Tête de Louis XVI ou le Menhir...), le petit port de Bestrée, ou encore la Baie des Trépassés sont aussi des lieux incontournables de la visite de la Pointe. Un journaliste du journal l'Illustration, rapporte en 1929 dans une de ses compositions que « Des milliers de touristes parcourent chaque été, la plate forme qui sert de boulevard à la pointe extrême et défilent le long des étroits sentiers qui serpentent en lacets autour de l'échine rocheuse ». Pour rendre la visite plus confortable et pour éviter tout risque de chute, les touristes s'offrent généralement les services d'un guide qui les conduit là où ils n'oseraient pas s'aventurer tout seul.

Une voiture en partance pour Audierne.

Des touristes en visite à la Pointe du Raz.

B- Les guides de la Pointe du Raz 1- Les premiers guides Dorénavant , s'ouvre un nouvel âge pour la Pointe du Raz, celui de sa mise en valeur. Pour cela, la création de guides touristiques, liée à l'essor du tourisme, va jouer un rôle décisif dans la découverte et la reconnaissance de ce site ! Dans un premiers temps, les premiers guides touristiques littéraires, comme ceux d'Adolphe Joanne, retiennent la Pointe du Raz comme étant l'un des principaux lieux à visiter. Très tôt d'ailleurs, ceux-ci orientent et organisent la visite. Le Guide Bleu en 1924 (successeur de Joanne) dans son

8


édition de 1924, décrit une visite « type « de la Pointe : « L'excursion complète de la Pointe du Raz se fait généralement ainsi, on quitte à Lescoff la voiture qui va attendre à l'ancien phare. De Lescoff, un sentier conduit en quelques minutes à la baie des Trépassés. De là, par un sentier longeant au bord des falaises la côte nord de la pointe, on se dirige vers la pointe extrême et l'on termine cette promenade en faisant le tour de cette pointe pour venir reprendre la voiture à l'ancien phare ». Les premiers touristes arrivent donc sur le site et ils sont encadrés ! En effet avec l'essor du tourisme et l'arrivée massive des visiteurs, de vrais services vont s'organiser avec le temps et notamment des guides particuliers pour leur bonne connaissance du site. Par crainte de l'endroit, les premiers visiteurs vont tout d'abord faire de plus en plus fréquemment appel aux enfants et aux bergers du coin pour leur faire visiter la Pointe. Ces gamins du pays, pas encore en âge de partir en mer pour la pêche, connaissent la Pointe dans ses moindres recoins, même les plus escarpés. On apprend que « du port du Loch ou de la chapelle St Yves, les guides guettent les touristes, prêts à sauter sur le marchepied des véhicules pour proposer une visite ». Les enfants prenaient ainsi toute leur part pour guider les curieux et c'étaient pour eux l'occasion de se faire un peu d'argent et de contribuer à la vie de la famille. Le guide Joanne développe en 1900 que les touristes pratiquent l'escalade sur les rochers escarpés de la Pointe avec l'aide de ces guides locaux : « Au-delà de l'enfer de Plogoff, on fait le tour de la Pointe en s'accrochant des pieds et des mains aux anfractuosités des versants rocheux que l'on voit audessus de soi plonger dans une mer écumante ». Clou de la visite, les guides aguerris attrapaient avec force les dames à la taille et les faisaient valser dans le vide au-dessus de la mer, bien cramponnés à la falaise. Choyés par ces touristes bourgeois en mal de sensations, les guides étaient le plus souvent rémunérés au pourboire. Pour quelques sous, ils offraient un inoubliable tour du site avec escalades et acrobaties !

2- L'après seconde guerre mondiale et la mise en place de guides particuliers professionnels Après la seconde guerre mondiale et la renaissance du tourisme au niveau local, les services des guides particuliers vont être coordonnés par la mairie de Plogoff. Ainsi, seuls les marins pêcheurs et les marins de commerce en retraite sont autorisés à exercer le métier de guide à la Pointe du Raz. Pour l'organisation de la visite, la mairie s'octroyait un tiers du prix demandé aux touristes. Le deuxième tiers couvrait le coût de l'assurance, et le dernier tiers était versé aux guides. Jusque dans les années 1970, les guides connurent une certaine heure de gloire, hissant des liens singuliers avec les touristes en leur faisant découvrir les moindres recoins escarpés et dangereux de la Pointe du Raz . Mais aujourd'hui, et pour des raisons évidentes de sécurité, il n'est plus possible de visiter le site dans les mêmes conditions ! C'est ainsi que la Pointe du Raz devient un site d'excursion à la journée, à partir de Tréboul ou d'Audierne. Peu à peu les hôtels de ces deux villes effectuent à la Pointe des aménagements légers, écuries pour changer les chevaux ou encore étals de plein-air pour la vente de petits objets souvenirs.

Jeune guide de la Pointe du Raz.

Jean Mével, guide de la Pointe du Raz jusque dans les années 1980.

9


C- Des hôtels au bout du monde Avec l'essor du chemin de fer dans le dernier quart de siècle et l'appui des municipalités qui virent dans l'afflux potentiel de touristes une chance incroyable de développement, le tourisme devient une aubaine pour les commerçants du coin de faire des affaires. Sur ce site grandiose des constructions poussèrent comme des champignons dès le début des années 1900. En effet, les deux premiers hôtels sortent de terre en 1909. Après la création de l'office de tourisme d'Audierne en 1912 et après la première guerre mondiale, la Pointe du Raz devient un véritable germe de stations. Jusqu'à cinq hôtels sont créés sur la lande de ce bout de terre, dont un hôtel du Touring Club de France qui symbolise l'intervention d'une organisation nationale sur le site et le changement de statut de la Pointe du Raz dans le premier quart de siècle des années 1900 !

Le premier hôtel de la Pointe.

Fiche de renseignements de l'hôtel du Raz de Sein.

D- La Pointe du Raz dans la seconde guerre mondiale La dimension stratégique du site de la Pointe du Raz n'a pas échappé aux autorités allemandes durant la seconde guerre mondiale. Celles-ci y installent des garnisons très importantes et de nombreux ouvrages de défense et de surveillance pendant l'occupation. Les hôtels seront aussi réquisitionnés par les troupes. La plupart des constructions seront incendiées et les hôtels rasés par les troupes à leur départ du site au moment de la libération de la France. Le site reste aujourd'hui encore truffé de blockhaus allemands, reliés par un réseau de souterrains.

E- L'explosion touristique de l'Après Guerre Après la seconde guerre mondiale, l’attractivité et la renommée du site s'accroît considérablement. La mise en place des congés payés et le développement des infrastructures de transport permettent au tourisme de se déployer fortement en France. Un timbre-poste, œuvre d'Henry Cheffer, va jouer un rôle important pour la renommée et la popularité du site à cette époque là. Cette édition représente l'image de la Pointe et de ses rochers vu du sud, celle qui deviendra par la suite l'image stéréotype de la Pointe du Raz dans le monde entier. Des habitants de Plogoff commencent petit à petit à aménager des étals légers, faits de tréteaux et de baraquements forains, sur la pointe. Des parkings sont improvisés sur la lande ou le long des voies d'accès, pour les nombreux cars qui arrivent de Douarnenez ou d'Audierne. La pointe du Raz, s'affiche dorénavant comme l'un des principaux sites visités de la région ! Un musée et de nouveaux hôtels sont construits sur le site ou en périphérie du site : l'Iroise en 1954, Armen et le Relais de l'Atlantique peu après à la baie des Trépassés. En 1958, les élus locaux décident de contenir le développement d'installations commerciales précaires regroupant les activités et en proposant des structures salubres. En 1962, une cité commerciale composée de 14 commerces est réalisée à 300 mètres de l'extrême pointe, ainsi qu'un parking de deux hectares en bitume rouge. La pointe du Raz ressemble alors à un vaste espace fortement urbanisé, doté certes d'une vue magnifique, mais au détriment d'un couvert végétal qui s'appauvrit...

10


Carte postale de la Pointe du Raz au début des années 1990

F- « Sauvons la Pointe du Raz » ! Dès le début des années 19OO et la construction des premiers hôtels, le développement du site de la Pointe du Raz est anarchique. De nombreuses automobiles roulent à même la lande et dénaturent progressivement le site ! Ainsi au fil du temps, l'image de la pointe du Raz se ternit et plusieurs personnalités françaises et locales, notamment plusieurs artistes, tirent la sonnette d'alarme. En 1929, dans l'Illustration, René Villard dans un article au titre évocateur, « Sauvons la Pointe du Raz », pose les problèmes liés à cette fréquentation en forte croissance, dont l'érosion des sols. Le Touring Club de France, lui aussi conscient des problèmes liés à une surfréquentation touristique et soucieux de la pérennité du site, saisit le préfet d'une demande de classement. Celui-ci est obtenu en 1942 mais ne concerne que la partie la plus extrême de la Pointe.

IV- L'opération Grand Site de France A- Des premiers projets sans résultats Devant de tels dommages, recensés en plusieurs hauts-lieux français, l'Etat réagit. En 1969 déjà, une première liste de « Grands Sites » nationaux à préserver , dont la Pointe du Raz, est publiée. Mais aucune suite n'est donnée à ce projet. En 1976, une nouvelle opération « Grands Sites » est lancée par Michel d'Ornano, ministre de la Qualité de la vie. La volonté ministérielle est double : procéder à la remise en état de ces sites prestigieux dégradés par une fréquentation intensive et les intégrer à une ambiance politique de développements touristiques. La Pointe du Raz mais aussi la baie des Trépassés et la Pointe du Van (pointe située au nord de la baie) forment un vaste ensemble retenu comme projet pilote. Au programme : reconstruction d'une large bande naturelle continue en arrière du trait de côte, repli des aménagements commerciaux et axes de circulation automobile, destruction du parking et de 1300 mètres de route ainsi que de tous les bâtiments existants à l'exception du sémaphore, création d'un réseau de chemins pédestres et mise en souterrain des réseaux de fils aériens. A cette époque là, le site de la baie des Trépassés souffre lui aussi d'une vraie dégradation du milieu naturel, avec des parkings sauvages installés sur le cordon de galets et les dunes proches. Là, le projet « Grand Site » propose de déplacer les hôtels et les habitations vers le nord et de détruire la route. Un axe de remplacement serait créé, en arrière de l'étang, en utilisant le tracé des chemins ruraux existants. Enfin, à la Pointe du Van, on pratiquerait la destruction de 200 mètres de route et l'on déplacerait le parking. L'année suivante, en 1977, le Conseil général du Finistère donne un avis favorable à ce dessin ambitieux, mais le dossier pose des problèmes aux commerçants de la Pointe du Raz qui n'entendent pas déménager. Nous en sommes là quand est annoncé le projet de centrale nucléaire au village de Feunteun Aod, situé non loin de la Pointe du Raz, en 1978 . Les gardes mobiles arrivent alors et le projet de « Grand Site » de la Pointe du Raz est abandonné...

B- Les années 1990 et la relance d'une Opération Grand Site pour sauver la Pointe ! Peu à peu, les cicatrices engendrées par le projet de centrale nucléaire se referment et le projet de protection de la Pointe du Raz, de la baie des Trépassés et de la Pointe du Van est remis en selle ! La

11


fréquentation touristique des pointes du Raz et du Van, et de la Baie des Trépassés augmente et passe de 300 000 par an en 1970 à 500 000 en 1990. Les conséquences sont prévisibles : l'extrémité de la Pointe du Raz est mise à nue. En 1989, la Société d'Etudes et de Protection de la Nature en Bretagne (SEPBN) réalise un diagnostic phytoécologique et considère que 6 hectares de la Pointe du Raz sont fortement dégradés. Le piétinement des touristes est dévastateur pour le site... Cette dégradation extrême a provoqué localement une prise de conscience, et sous l'impulsion des pouvoirs publics, les élus locaux ont adhéré à l'idée de restituer au site autant qu'il était possible, un aspect naturel et d'en réorganiser fondamentalement le mode de fréquentation. Ainsi, en 1989, le ministère de l'Environnement relance le projet de Grand site . L'intérêt et l'urgence de l'Opération Grand Site de France furent reconnus au plan national et concrétisés par l'inscription de la Pointe du Raz dans la liste des projets éligibles au programme de réhabilitation des grands sites nationaux dégradés, par le Conseil des Ministres du 22 novembre 1989. En 1991, le Syndicat Mixte pour l'Aménagement et la Protection de la Pointe du Raz et du Cap Sizun, présidé par Ambroise Guellec , voit le jour et imagine un nouvel aménagement du site.

C- La construction d'un nouveau site Ce nouveau projet, prévoit dans un premier temps la démolition de la cité commerciale actuelle et du parking au niveau du sémaphore, puis dans un second temps, la construction d'une entrée du site, avec ses commerces et ses parkings, à 900 mètres environ du bout de la Pointe, dans un vallon dominant le petit port de Bestrée. Des navettes seront mises en place pour transporter la population jusqu'au sémaphore, ainsi que des panneaux éducatifs ou encore des activités pédagogiques. Le lieu est entièrement redessiné et végétalisé, et des sentiers seront aménagés afin de canaliser les touristes. L'ensemble formera un ensemble touristique de qualité. Lors d'une importante campagne médiatique, l'hebdomadaire Le Point lance un vaste mouvement en vue de la protection du littoral et propose une souscription nationale au bénéfice du Conservatoire et de la Pointe du Raz. Les médias parlent de « beauté déflorée », de « perte de virginité du lieu » dans un florilège de métaphores sur la dégradation, le piétinement, l'anéantissement de la végétation et le déchaussement des pierres. Il faut donc réagir ! La symbolisation de la Pointe continue, elle devient l'emblème du littoral à préserver en France. Et c'est ainsi que la nouvelle Pointe du Raz est là, et bien là. La végétation repousse progressivement et la nature reprend petit à petit ses droits. La Pointe du Van quant à elle, s'est vue supprimée son parking qui fut remplacé par un nouvel aménagement intégrant le pavillon d'accueil. A la Baie des Trépassés, un parking et un espace sanitaire, intégrés dans le paysage, sont créés. Les dunes sableuses se sont vues être protégées des véhicules par des délimitations prévoyant des accès piétonniers à la plage. Au terme des travaux de restauration en 1996, le Syndicat Mixte de la Pointe du Raz s'est vu confier la gestion du périmètre qui va de la Pointe du Raz à la Pointe du Van, assurant en outre toutes les actions de communication, d'information et de sensibilisation au respect de ces espaces fragiles.

D- 2004 : la Pointe du Raz reconnue Grand Site de France ! Au vu des travaux réalisés et des résultats obtenus, le site mythique de la Pointe du Raz (accompagné de la Baie des Trépassés et de la Pointe du Van) obtient le 17 juin 2004 le label Grand Site de France. Avec l'Aven d'Orgnac, le Pont du Gard, et le Massif Sainte Victoire, la Pointe du Raz fait donc partit du groupe des quatre premiers sites ayant obtenu cette reconnaissance, décernée par le Ministère de l'Ecologie. Ce périmètre de 200 hectares devient par ailleurs le seul site breton labellisé Grand site de France ! En 2012, le syndicat mixte de la Pointe du Raz, la Communauté de Communes du Cap Sizun, le Conservatoire du Littoral, le Département du Finistère, la Région Bretagne, en partenariat avec l'Agence Ouest Cornouaille Développement et l'Agence de Développement Touristique du Finistère, ont travaillé de concert à l'élaboration d'un nouveau projet. Celui-ci a pour but de conquérir le label Grand site de France avec un périmètre étendue vers les côtes nord du Cap-Sizun. Ce nouveau périmètre, baptisé « La Pointe du Raz en Cap-Sizun », comprend le périmètre original de l'Opération Grand Site de France de 2004, puis s'étend sur les communes de Plogoff et de Cléden Cap-Sizun, et enfin s'étire sur les communes de Goulien et de Beuzec-Cap-Sizun pour une surface totale de 2024 ha. Ce label Grand Site de France est accordé au site « La Pointe du Raz en Cap-Sizun »7 le 21 décembre 2012 par le ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'Energie. 7

Voir annexe 4

12


CONCLUSION

Défi de la terre face à une redoutable mer d'Iroise, la Pointe du Raz s'est ainsi imposée au fil des années comme étant l'un des sites les plus emblématiques de nos côtes bretonnes et françaises. En un siècle, la Pointe du Raz a changé de sens . Elle était un site extrême, en pointe occidentale, elle est devenue un mythe. A la fin du XIXè siècle, les rares visiteurs, ces artistes, devinaient sur ce granit isolé du bout du monde, le tragique et le légendaire ! Sa beauté sauvage, a inspiré de nombreux écrivains, qui par leurs récits ont contribué à la renommée nationale et internationale de ce bout de terre. Le mythe de la Pointe du Raz s'installait peu à peu, faisant de cet éperon de granit, une étape incontournable des voyageurs attirés par les curiosités naturelles et découvrant ainsi la région bretonne. Dès l'arrivée des premiers curieux, les installations touristiques apparaissent et la fréquentation ne cesse de s'amplifier, apportant avec elle les potentialités d'une économie touristique naissante pour la population capiste. Mais progressivement, la question des problèmes que peuvent engendrer une surfréquentation touristique du site se pose. Dès l'entre deux guerre, des voix commencent à s'élever contre les constructions anarchiques qui voient le jour sur la lande, contre une expansion commerciale violeuse d'une beauté simple. Classé depuis 1943, site national depuis 1989 et Grand Site de France depuis 2004 (puis une nouvelle fois en 2012 avec l’extension du périmètre), l'aménagement et la protection du site sont devenus des priorités. Aujourd'hui, c'est l'homme qui s'adapte au site, et non plus l'inverse ! Au fil du temps le site de la Pointe du Raz s'est ainsi imposé, non seulement comme une porte d'entrée touristique majeure de la Bretagne, mais aussi comme un de ses symboles incontournables. Image d'un territoire qui s'élance à l'assaut de l'océan, point final de l'Europe et de l'Asie, elle est perçue comme le support privilégié de l'imaginaire, constituant pour le visiteur un lieu d'épanouissement du sacré, du mythe et de la légende.

13


BIBLIOGRAPHIE – – – – – – – –

ABRAHAM Jean-Pierre, Cap Sizun : La Pointe du Raz, Actes sud / Editions Locales de France, 1997. COUILLOUD Nathalie, Promenades littéraires en Finistère, Coop Breizh, 2009. CORNEC Paul, Hyacinthe Le Carguet : un passeur de mémoire en Cap-Sizun, Editions du Cap-Sizun, Finistère, 2007. DUIGOU Serge– Jean-Michel Le Boulanger, Cap-Sizun : Au pays de la Pointe du Raz et de l'Île de Sein, Editions Palantines, Plomelin, 2005. GOARDON Henri, Le Cap Sizun Autrefois, Edition Le Signor, Le Guilvinec, 1980. GOURIN Cédric, La Pointe du Raz et l'Île de Sein, Editions Alan Sutton, Monts, 2010. TALBOT Jacques, Audierne et le Cap-Sizun, Editions Alain Sutton, 1997. TANTER Frédéric, « Notre-Dame des Naufragés », Chrétientés de Basse-Bretagne et d'ailleurs, p. 343 à 364, Société archéologique du Finistère, 1998.

Sites internets consultés : – – – – –

http://www.la-pointe-du-raz.com/ http://cartes-postales.cap-sizun.com/ http://www.plogoff-pointeduraz.com/documents/statuenotredamedesnaufrages.pdf http://www.plogoff-pointeduraz.com/page.php?rubrique=patrimoine_pointeduraz http://www.audierne.info/pages/capsizun/villes/plogoff/loisirsplogoff/notredamedesnaufrage s.htm

REMERCIEMENTS Remerciements à M. Frédéric TANTER, à M. Jean-Yves LE BRUN, au Syndicat Mixte de La Pointe du Raz, à Mme Marie POULHAZAN et à M. Frédéric FAUSSIER.

14


ANNEXES Annexe 1 :

Carte du Cap Sizun

Annexe 2 :

Carte maritime reprテゥsentant le Raz de Sein entre la Pointe du Raz et l'テ四e de Sein.

Annexe 3 :

Notre Dame des Naufragテゥs

15


Annexe 4 :

ARMOR Pour me conduire au Raz, j'avais pris à Trogor Un berger chevelu comme un ancien Evhage ; Et nous foulions, humant son arôme sauvage, L'âpre terre kymrique où croît le genêt d'or. Le couchant rougissait et nous marchions encor, Lorsque le souffle amer me fouetta le visage, Et l'homme, par delà le morne paysage, Etendant un long bras, me dit : Sell euz ar-mor ! Et je vis, me dressant sur la bruyère rose, L'Océan qui, splendide, et monstrueux, arrose Du sel vert de ses eaux les caps de granit noir ; Et mon cœur savoura, devant l'horizon vide, Que reculait vers l'ouest l'ombre immense du soir, L'ivresse de l'espace et du vent intrépide.

Annexe 5 :

Périmètre du label Grand Site de France pour « La Pointe du Raz en Cap-Sizun ».

16


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.