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Petit Biscuit Spécialité rouennaise
Petit Biscuit est vite devenu grand, et n’a pas laissé beaucoup de miettes en chemin. En une poignée d’années, ce nom choisi un peu au hasard, “sans histoire particulière”, juste parce qu’il voulait un blaze “francophone”, résonne désormais aux quatre coins de la planète électronique, évocatrice d’electro planante et mélodique. Et dire que tout a démarré comme dans un conte de fées moderne pour le jeune producteur rouennais : un premier tube, Sunset Lover, composé dans sa chambre d’ado en 2016, à 16 ans à peine, posté sur Internet en mode DIY, les millions de vues puis les grosses scènes mondiales. Après quatre ans de pause, Mehdi Benjelloun, son patronyme à l’état civil, 23 piges aujourd’hui, fait son retour sur scène, “à la maison”, le samedi 10 juin sur la scène des concerts de l’Armada de Rouen.
Comment as-tu vécu et digéré cette explosion totalement folle ?
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La musique, le visuel, les réseaux sociaux, j’avais tout fait moi-même dans ma chambre. J’ai posté ce son sur Soundcloud et il a pris direct. C’est assez magique et inexplicable pour l’amateur que j’étais alors. En quelques semaines, Sunset Lover a atteint le million de vues sur Soundcloud, c’était fou à l’époque. Et puis il a continué à vivre et à être partagé. Sur le moment, concentré sur ma musique, sur la préparation des premiers concerts, j’étais dans le rush, je voyais bien que les choses prenaient de l’ampleur, mais je n’ai pas trop réalisé. C’est quand je me suis posé, en 2019, que j’ai pris conscience de ce qui s’était passé.
Ta carrière musicale, était-ce une évidence ou le hasard de la vie ?
Comment as-tu vécu la redescente après l’énorme succès de Sunset Lover et comment confirmer après une entrée en matière aussi tonitruante ?
Sunset
La redescente, c’est se dire que l’on n’est pas là pour reproduire un tube, ni regarder les stats des nouveaux morceaux en les comparant à ce tube incontrôlable. Sunset Lover a dépassé mon projet et, quelque part, ne m’appartient même plus. Je le vois comme une leçon d’humilité. Même si j’y crois moyennement, j’ai probablement eu un coup de chance, en tout cas je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre. J’étais aussi peut-être un peu en avance sur ce qui se faisait musicalement, et c’est pour ça que ça a marché. Alors je vais essayer d’être encore en avance.
Je n’y avais jamais songé, même si je pratiquais la musique depuis tout petit, violoncelle d’abord puis composition avec mon premier ordi. Mais la musique était juste un exutoire, une bulle pour un ado un peu introverti. Au contraire, imaginer jouer ma musique devant des gens, avoir des contraintes, me faisait flipper. J’étais jeune, je pensais juste à faire ce que j’aime. Même après le bac, j’ai essayé de continuer les études supérieures. Bon, ça a tenu six mois… Le Zénith de Paris, complet, a servi de déclic. Je me suis dit “tu peux t’y mettre à 100 %, arrête de jongler”.
Quelles sont tes influences musicales et comment définis-tu ta musique ?
Je m’inspire de tout ce que j’écoute, hip hop, rock, pop, folk… Pour moi, ce qui est important, ce sont les mélodies. Puis j’essaie de trouver le sound design qui correspond le mieux. Parfois l’acoustique s’impose, parfois ce sont des nappes très électroniques, plus brutales. Ça reste de la musique électronique, bien sûr, mais j’ai du mal à décrire ma musique aujourd’hui, car je chante beaucoup maintenant, en tous cas sur ce qui s’apprête à venir…
Une carrière dans la musique, je n’y avais jamais songé, c’était juste un exutoire, une bulle pour un ado un peu introverti
On t’a connu ado et frêle, on retrouve un jeune adulte hyper-musclé de 23 piges,qu’est-ce qui a motivé ton impressionnante transformation physique ? D’autant que l’hygiène de vie n’est pas particulièrement centrale dans la musique électronique ?!
Les choses ont changé, même si ce n’est pas le cas de tout le monde. En 2023, pour gérer les concerts, les voyages, on pense davantage à sa santé. Je ne suis pas le seul, même si c’est vrai j’ai beaucoup charbonné à la salle. Pendant le Covid, bloqué chez moi, je me suis mis au sport et c’est devenu une passion. Ça me détache de la musique.
Tu as joué au festival Coachella et régulièrement aux Etats-Unis. Entretiens-tu ce qui ressemble à l’American Dream ?
Il y a sûrement une part de rêve américain. Je ne sais pas si je me vois y vivre mais j’aime beaucoup ce pays. Il m’a bien accueilli. La culture électronique est tellement forte là-bas qu’ils sont souvent en avance sur nous. Mais j’aime énormément les festivals français et leur proximité avec le public. Je vis toujours à Rouen, où j’ai construit mon studio avec vue sur la campagne. J’ai essayé Paris mais ça ne me convenait pas.
Ton troisième album est dans les startingblocks.Quand sort-il ? Et pourquoi cette grosse pause depuis 2020 ?
Avec le Covid, je n’ai pas pu défendre sur scène mon deuxième album, Parachute, sorti en 2020. J’avais besoin de digérer et de passer à autre chose. Je bosse en indépendant, avec mon propre label, donc j’ai pu le faire. J’ai aussi beaucoup travaillé techniquement. Je ne voulais pas non plus monter sur scène pour jouer d’anciens titres. Mon nouvel album m’a pris du temps mais il n’a pas été accouché dans la douleur. Je n’ai pas de date précise, mais il sort cette année. Je jouerai d’ailleurs quelques exclus à l’Armada.

Quel est ton lien avec l’Armada ? Et que prépares-tu sur scène ?
Un mélange de choses plus organiques, avec ma gratte et ma voix, et d’autres plus électroniques. Je veux un show dansant qui balance bien et visuellement compréhensible. Les gens doivent pouvoir comprendre ce que je joue, ce qui n’est pas toujours le cas dans l’electro. L’Armada ? Ça a toujours été un moment cool à Rouen. La ville bouge. Petit, j’ai bien sûr visité les bateaux mais je me rappelle aussi avoir vu Iggy Pop à neuf ans. La prog’ des concerts a toujours été éclectique et je suis vraiment content de m’y produire pour cette première date de ma tournée. La presqu’île est vraiment un super endroit : il n’y en a pas de meilleur à Rouen pour une grosse fête !
Propos recueillis par Albert Lourdes