Mars 2013

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ÉDITORIAL

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Toute chose a un prix

T

outes ces choses que nous achetons. Toutes ces choses que nous désirons. Toutes ces choses que nous jetons. Toutes ces déceptions. On nous vend du rêve, on nous vend de beaux moments et nous achetons tout comme des cons. L’éducation est une de ces choses pour lesquelles on paie et comme pour bien des choses pour lesquelles on paie, on se verra déçu après coup. Il était justement question ces jours-ci de financement universitaire dans le cadre du Sommet sur l’enseignement supérieur. La modulation des frais de scolarité selon le programme d’étude n’a heureusement pas été retenue. Il aurait s’agit de faire comme en Ontario où un étudiant en médecine ou en droit paie plus cher qu’un étudiant en littérature. Ce genre de système est justifié par le fait que la formation de certains professionnels coûte plus cher, mais aussi parce que ces futurs professionnels pourront facilement rembourser leur dettes étant donné leur futur énorme salaire. Bref, on fait payer les futurs riches, pas les riches actuels. Donc pas question d’augmenter les taux d’imposition des plus fortunés, mais laisser s’endetter ceux qui devraient l’être plus tard ça oui aucun problème. Au final, ce sont les banques qui sont gagnantes avec un tel système puisque ce sont elles qui empocheront tous les intérêts de ces pauvres futurs riches. La solution retenue lors du Sommet est plutôt celle d’une indexation à 3 % combinée à une possible augmentation de l’aide financière aux études, ce qui revient aussi à mettre l’argent dans les poches des institutions bancaires. Il est évidemment important de déterminer comment financer l’enseignement supérieur, mais ne faudrait-il pas d’abord faire la lumière sur ce que l’on veut financer? Une machine à fabriquer des diplômés ou un système de transmission du savoir? Le financement n’est pas le seul problème auquel l’enseignement supérieur fait face, le faible niveau exigé pour réussir en est un bien plus grand. Les universités reçoivent de l’argent de l’État selon le nombre d’étudiants inscrits. Elles ont donc intérêt à accepter n’importe quel étudiant et à tout faire pour les garder, tous. Le niveau de difficulté se doit donc d’être gardé bas. Rien pour encourager la rigueur et pour pousser les étudiants à se dépasser. Il est évidemment possible d’apprendre et même de développer un certain niveau de compétences durant son parcours universitaire, mais ce n’est pas essentiel pour l’obtention d’un diplôme. En plus de pouvoir acheter plein d’objets plus inutiles les uns que les autres, le commun des mortels peut aussi, moyennant un effort dérisoire, se procurer un diplôme universitaire. La facilité

DAVID JEKER, AGRONOMIE RÉDACTEUR EN CHEF DE L’AGRAL rend la réussite banale et minimise le sentiment d’accomplissement pourtant important pour plusieurs. On aura beau mettre tout l’argent du monde entre les mains des dirigeants de nos belles universités, ce n’est pourtant pas ça qui va permettre la formation de meilleurs êtres humains. La qualité de l’enseignement ne devrait pas se mesurer en chiffre, mais plutôt à la qualité des citoyens formés. Au moins notre diplôme ne se retrouvera pas à la poubelle comme toutes ces autres choses que nous achetons. En plus du bout de papier, nous garderons aussi gravée en notre mémoire une petite partie de ce qu’on nous a enseigné, mais aussi quelques beaux moments qui, eux, au moins n’ont pas de prix.


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