Frédéric Lavaud - Journal à Part 10

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PORTRAITS D’ARTISTES

me tombait sous la main. J'ai commencé à accumuler des matériaux. Au début j'étais paralysé par toutes les possibilités qu'ils offraient, je n'osais pas trop les toucher. J'ai commencé par travailler des moulages, pour dupliquer mes premières créations. Puis j'ai trouvé le processus trop long. J'y passais trop de temps et d'énergie alors que le plus important, c'était de créer !

© Margaux Lefevre

“La Magie de la matière”

Frédéric Lavaud

L’échappée

© Frédéric Lavaud

Le métal, une matière froide ? Déshumanisée ? Certainement pas ! Sous les doigts de fée de Frédéric Lavaud, voilà qu'il devient plein de vie, onirique. Né en 1967, l'artiste est un touche-à-tout. Plein de ressources, il aime détourner, s'approprier les objets. Il travaille d'abord à l'Opéra de Lille en tant que constructeur et décorateur, puis au Théâtre de la Salamandre, actuel Théâtre du Nord : un contact avec le monde artistique qui le marquera de son influence. Il sera ensuite pris d'un besoin vital d'exprimer sa créativité. Aujourd'hui, il est en perpétuelle recherche de nouveauté. De son travail plein de fraîcheur se dégage une personnalité forte et atypique. Il s'approprie la matière, l'espace. C'est tout un univers qui se dégage des mains de Frédéric Lavaud. Un univers plein de poésie où la masse du métal s'évapore pour laisser place à des figures aériennes, où les surprises sont permanentes, aussi bien pour le public que pour l'artiste. Celui-ci se laisse en effet volontiers porter par son imagination, curieux de voir où elle le mènera. Un délicieux voyage !

© Frédéric Lavaud

Hope

Pourquoi un tel intérêt pour les matériaux de récupération, le métal ? J'ai essayé de nombreux matériaux. J'avais conscience que je pouvais m'exprimer par la création mais je ne savais pas comment. Au départ je pensais devenir peintre… et puis j’ai commencé à ramasser tout ce qui

Un jour j'ai entendu un artiste dire à la radio « Il faut accepter de se tromper, de rater, de faire des choses moches. Ce n'est pas grave ! ». Ça m'a libéré, je me suis lâché. J'ai fait « n'importe quoi » (rires). J'ai commencé mes premières expositions grâce à Bénédicte Dubart, qui a été ma première acheteuse. J'ai commencé à explorer les matériaux de récupération, à les assembler en trois dimensions. Des personnages, des tableaux en volume, des mobiles de toutes sortes... Ça a duré quelques années. J'avais du mal à trouver une unité dans mon travail, à présenter des pièces par thèmes ou par séries. Plus ça allait, moins je trouvais de matériaux intéressants à collecter. Avant, c'était facile de trouver du métal, on pouvait aller chez les ferrailleurs, il y avait les encombrants aussi. Maintenant c'est devenu beaucoup plus compliqué. Finalement, à force de chercher des solutions, j'ai découvert comment souder de petits fils de fer. Je me suis limité à ça et à la tôle, ce qui m'a ouvert de nouvelles et passionnantes voies de création. Ce sont des matériaux simples mais qui permettent de tout faire. C'est comme dessiner dans l'espace ! #10 - LE JOURNAL À PART

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Comment vous est venue la vocation artistique ? Ma mère créait des spectacles de marionnettes. J'avais ça dans un coin de la tête. Mais comme je n’étais pas hyper bon à l'école, je n'ai pas été pris aux Beaux-Arts. La création, c'est venu après. J'ai commencé par faire des tas de petits boulots pour gagner ma vie ! Ça s'est imposé à moi plus tard, comme une nécessité absolue. Pourquoi ? Je ne sais pas. C'était il y a quinze ans, et depuis je n'ai pas lâché. Parlez-nous de vos débuts en tant qu'artiste ? En 2001, je venais d'avoir de gros problèmes de santé, j'étais un peu déprimé. Une amie, Caroline Blondeau, était dans un atelier à Marcq-en-Barœul avec Bénédicte Dubart. Elle m'a proposé de venir travailler avec elles. C'était formidable, j'ai bénéficié de leur énergie, on s'est très bien entendu. Caroline a commencé à travailler sur des expositions chez elle, avec une douzaine d'artistes. C'était mes premières expositions. J'avais un endroit pour travailler, un pied dans les expositions, une énergie pour avancer... Ça a été une sorte de thérapie personnelle. Pour créer un univers tel que le vôtre, de quoi vous inspirez-vous ?

© Frédéric Lavaud

Je m'inspire de tout ce que j'ai emmagasiné au fil du temps, toutes les expériences vécues. Mes images d'enfance, mes souvenirs, des films... J'ai des tas d'influences, c'est un gros mélange ! S'y ajoute une dimension que j'ai acquise avec mes problèmes de santé et ma réflexion sur le monde dans lequel on vit. Il y a la notion de fragilité, qu'on saisit ou pas selon son état d'esprit. Chacun y trouve ses références. Je ne veux pas donner un sens définitif à mon travail, cela reste ouvert et en constante évolution.

Motel

© Margaux Lefevre

Quelle personne vous a le plus marqué dans votre carrière d'artiste ? Je pense que c'est François Boucq. Je le connais depuis mes 9 ans et il est un exemple pour moi. Mon parrain en quelque sorte. Il trace sa route, il sait ce qu'il veut. Il ne dévie pas et persévère. Et puis, il fait son métier de dessinateur sérieusement sans se prendre trop au sérieux. L'humour, c'est précieux !

Détails de “Sculpture Pub”

Quand vous commencez une œuvre, quel est votre état d'esprit ? Je fais le vide. J'adore être totalement pris par ce que je fais dans la création. C'est l'état idéal. On est en train de créer, on s'oublie, on oublie son corps, on est attentif à ce qui vient, on s'adapte au matériau.

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LE JOURNAL À PART - #10

Même si vous vivez dans le présent, quels sont vos projets ? Étant donné que je travaille avec cinq galeries, ça m’occupe pas mal… Une à Nantes, aux Pays-Bas et en Pologne et deux à Lille : Lill'Art, rue des Vieux Murs, et Lasécu, rue Bourjembois à Lille Fives. Donc si j’avais un projet, ce serait de précéder davantage mes expositions, faire en sorte qu'elles ne soient pas trop rapprochées, avoir du temps pour travailler sereinement et continuer le plus longtemps possible !

http://frederic-lavaud.overblog.com Propos recueillis par Olivia Lecocq & Laurence Delacroix


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