Article - Jože Plečnik

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JANET BENOIT S5SA / Méthodologie de l’écriture / 2021-2022 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble

NOURRIR

LA

MODERNITÉ

PAR

L’HISTOIRE

:

JOŽE PLEČNIK, CRÉATEUR D’UNE CAPITALE HUMANISTE



INTRODUCTION

5. Larousse, Architecture : Styles et Courants 6. ibid

« Jože Plečnik est à Ljubljana ce que Haussmann est à Paris, ce que Gaudí est à Barcelone. 60 ans après sa mort, son héritage a encore une longue vie devant lui. »1 Du 16 au 31 juillet 2021, en Chine, s’est tenue la 44ème session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO lors de laquelle ont été inscrits de nouveaux biens sur la liste du patrimoine mondial, dont Les oeuvres de Jože Plečnik à Ljubljana2. Cette inscription a permis de remettre en lumière cette année le travail architectural et urbanistique de Jože Plečnik, l’architecte le plus connu de Slovénie qui pourtant demeure relativement méconnu en Europe et dans le reste du monde. Mais qui est cet homme et quelle est son œuvre ? Né en 1872, il étudie et se forme auprès d’Otto Wagner, à Vienne, avant de quitter la capitale autrichienne pour retourner dans sa ville natale, Ljubljana, en automne 1921. Dès lors, il s’engage dans le projet d’embellir en profondeur l’image de la ville, autrefois provinciale, par la construction d’édifices publics remarquables, de places publiques singulières et de promenades agréables. Son projet est guidé par un objectif précis, explicité par Danielle Laouénan, membre du laboratoire AAU3 : « donner à Ljubljana une image digne de sa nouvelle fonction de capitale du peuple slovène, en la dotant de monuments aux formes “nobles”, puisées dans un répertoire antique. 4» 4

1. Ainsi s’achève le reportage proposé par France 3, Ljubljana, la capitale slovène rend hommage à Joze Plecnik

2. Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la sciences et la culture, Le Comité du patrimoine mondial inscrit quatre sites culturels et un site naturel sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO

3. Ambiances, Architectures, Urbanités 4. Bibliothèque de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, Plecnik, l’Ange du bizarre, par Danielle Laouénan

7. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.10

En effet, une des principales caractéristiques de l’architecture de Plečnik est l’utilisation du langage de l’architecture classique (antique, renaissance italienne, baroque...), qu’il considère compréhensible et connue par tous. Le Larousse définit la notion d’architecture classique à travers deux civilisations antiques : le monde grec et le monde romain, dans lesquels apparaissent des éléments d’architecture considérés “classiques”, comme la structure colonne-entablement, les éléments décoratifs (frises et frontons) ou encore l’emploi de certains matériaux (marbre, pierre massive, brique…)5. Cependant, c’est ici que réside toute la complexité de la pensée architecturale de Plečnik car elle s’inscrit au cœur du mouvement moderne qui rejette pourtant cet héritage classique, en étant « débarrassé de références historiques ou d’emprunts à des formes du passé »6­. Cette ambiguïté ne peut pas être mieux éclairée que par l’historien slovène Peter Krečič, qui indique, dans l’introduction de sa monographie sur l’architecte, qu’un des critiques d’architecture de l’époque a saisi « la modernité de l’oeuvre au sein même des formes traditionnelles et [...] la nécessité de mettre en valeur le “double visage” de Plečnik. En effet, l’artiste n’est jamais aussi intéressant, aussi original, que quand dans ses œuvres “vibrent les deux cordes”, la corde traditionnelle et la corde moderne »7. C’est donc à travers l’étude et l’analyse des projets suivants : Le Siège de la compagnie d’assurances Vzajemna, La Bibliothèque Nationale et Universitaire, Le Mur romain à Mirje, Les interventions urbaines axées, L’église St François d’Assise de Siska et la Place Croate que nous nous poserons la question suivante : Dans quelle mesure Jože Plečnik réinvente et s’approprie le vocabulaire de l’architecture classique pour nourrir sa vision moderne et humaniste de la capitale slovène ? Afin d’y répondre, nous nous intéresserons dans un premier temps au réemploi du langage classique dans l’architecture de Plečnik, puis dans un second temps nous changerons d’échelle pour nous interroger sur ce réemploi dans le projet urbain de l’architecte, et enfin terminer par une réflexion sur la portée humaniste de sa pensée. 5


RÉAPPROPRIATION D’UN ARCHITECTURAL CLASSIQUE

LANGAGE

Une influence classique très visible... « The architectural language represents an architectural vocabulary in which columns, walls, corners, cornice, doors, windows are included. [...] The metamorphosis of the familiar, particularly classical architectural elements, buildings and spaces into new, personal expressions is characteristic of Plečnik’s distinctive architectural expression. »8 Cette citation met en évidence la présence d’éléments directement associés au vocabulaire de l’architecture classique, tels que les colonnes ou les corniches, dans la pensée de l’architecte. Ce dernier s’approprie ces éléments jusqu’à même en créer une série de variantes (Fig.1), que des photographes contemporains prennent plaisir à sublimer et à en révéler tous les détails lors d’expositions.9 Le premier bâtiment que nous pouvons analyser à travers sa mise en œuvre d’éléments classiques est le siège de la Compagnie d’Assurances Vzajemna rénové par Plečnik de 1928 à 1930. En effet, l’architecte a « recourt à des colonnades qui entourent un ovale projeté à l’angle de la rue »10 et développe une « utilisation d’éléments plastiques aux différents étages »11 qui confèrent à l’édifice des « proportions monumentales ».12 distinctive architectural expression. »8 L’auteur de ces propos, Peter Krečič, affirme ensuite que « Les deux formules - l’angle garni de colonnes et l’aménagement du premier étage - dérivent de la Renaissance italienne et des colonnades de l’Antiquité. »13 (Fig.2) La bibliothèque nationale et universitaire, construite à Ljubljana de 1936 à 1941, est le second édifice pensé par Plečnik qui nous permet de mettre en évidence son influence classique. 6

8. Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik p.146 Figure 1 : Variations de colonnes d’inspiration classique Source : UNESCO (Dossier de nomination, p.146) 9. Mentionnées dans le reportage de France 3, Ljubljana, la capitale slovène rend hommage à Joze Plecnik.

10. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.106 11. ibid 12. ibid 13. ibid

Figure 2 : Façade et colonnade du siège de la Compagnie d’Assurances Vzajemna à Ljubljana Source : https://www.triglav. eu/sl/mediji/vizualna-gradiva

7


En effet, la bibliothèque, considérée comme son oeuvre la plus monumentale, possède un hall d’entrée que l’architecte relie « à la salle de lecture, située au premier étage, transversalement, par une longue colonnade et par un escalier »14(Fig. 3). Cet espace qui s’étend sur trois étages est effectivement occupé par un péristyle monumental15, élément qui correspond par définition à une galerie de colonnes faisant le tour intérieur ou extérieur d’un édifice16, en écho direct au vocabulaire architectural classique.(Fig.4) Jože Plečnik utilise donc un vaste vocabulaire classique pour composer ses projets d’architecture, mais pourtant, « si le vocabulaire est là, il est dévié ou plutôt dévoyé. »17

14. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.129 15. Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik p.42 16. Selon la proposée par

définition Wikipédia

17. Bibliothèque de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, Plecnik, l’Ange du bizarre, par Danielle Laouénan Figure 3 : Bibliothèque nationale et universitaire, plan, 1936-1941 Source : http://ccat.sas.upenn.edu

au coeur du processus de réemploi et de réinvention L’architecte slovène va effectivement puiser dans le langage de l’architecture classique, afin de nourrir son propre vocabulaire architectural. En effet, si nous continuons l’analyse du siège de la Compagnie d’Assurances Vzajemna, nous pouvons remarquer que Plečnik utilise la brique de couleur rouge-ocre dans la conception des pilastres juxtaposant la façade de l’édifice18. Ainsi, il s’éloigne du langage architectural classique qui voudrait qu’une colonne soit fabriquée par des matériaux considérés “nobles” à l’époque ancienne (pierre de taille, marbre…). On distingue ainsi que l’architecte s’approprie davantage la forme que la matérialité de l’objet classicisant, qu’il va d’ailleurs concentrer vers l’angle du bâtiment « pour pouvoir mieux les mettre en relief »19. Quant à la Bibliothèque nationale et universitaire (Fig.5), la réinvention de l’héritage classique se fait principalement sur la façade. En effet, le projet fait suite à la démolition d’un palais post-renaissance20 et Plečnik, pour en combler le vide, « reprit son volume et ajouta sur la façade des pierres de réemploi »21. 8

Figure 4 : Bibliothèque nationale et universitaire, Le péristyle et l’escalier monumental Source : https://www.tripadvisor.com

18. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.107 19. ibid

20. Communiqué de presse d’exposition, Joze Plecnik, architecte, Centre Georges-Pompidou. p.9 21. ibid

Figure 5 : Bibliothèque nationale et universitaire, vue aérienne Source : https://hiddenarchitecture.net

9


On retrouve plus précisément une alternance de pierres et de briques, ce qui crée « des jeux de texture sur l’extérieur du bâtiment »22 faisant référence aux structures mixtes des maisons vernaculaires du Krast, une région de la Slovénie. Cette texture murale va donc monumentaliser un jeu de dialogue entre l’ancien et le nouveau. L’idée d’une réinvention classique et du réemploi du vocabulaire associé est ainsi prédominant dans le travail de l’architecte slovène, ce qui peut être résumé ainsi : « The compositional principles are universal, the materials in most cases local, and the needs modern. »23

22. Communiqué de presse d’exposition, Joze Plecnik, architecte, Centre Georges-Pompidou. p.9

Plan of ancient EmonA N

23. Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik p.146 XXX

I XXX

XXIX XXX

V

XXV

III

XXX

VI

XXX

XXX

III

VII

XXX

II

XLI

XXX

VIII

XXX

IV XXX

IX

XVII

LA VISION URBAINE DE LA CAPITALE, EN DIALOGUE AVEC LA PASSÉ

I

XXIV

XL

XIX

XXII

XLII XXI

XLIII

XX XXIII

XLIV

XLV

IX

VIII

XXV

X

XXV

XXV

II

I

XI

XLV

I

VII

XII

VI

XIII V

XVII IV

I XIV

II

XVI

III

XV

XVa

L’héritage d’une ville romaine... Le dialogue classique et moderne de Plečnik est également présent à l’échelle urbaine de Ljubljana. Pour mieux comprendre l’influence de l’architecte, il faut faire un peu d’histoire. En effet, la capitale de la Slovénie était autrefois la ville romaine d’environ 5 000 habitants connue sous le nom de Emona. L’historien Peter Krečič nous informe d’ailleurs que « [...] il importe beaucoup pour Plečnik que sa ville ait des origines romaines et il souhaite mettre cet aspect en évidence dans les plans de la ville. »24 Le plan de l’ancienne ville romaine fortifiée (Fig.6) met en lumière l’existence de murs de fortifications, que l’architecte a voulu restaurer en ayant pour objectif de donner l’impression qu’il s’agit d’un site archéologique.25 Quelques travaux ont été effectués jusqu’en 1938, desquels sont apparus des éléments antiques comme la pyramide, la colonnade et les gradins (Fig. 7) qui témoignent que « les souvenirs de jeunesse de Plečnik en matière d’architecture [...] romaine jouèrent un rôle important dans le dessin des plans. »26 10

F IG U R E 7 2 : Plan of ancient Emona

24. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.97

25. Anonyme, Slovénie Secrete, Les édifices géniaux de Plecnik a découvrir lors d’une visite de Ljubljana

26. Communiqué de presse d’exposition, Joze Plecnik, architecte, Centre Georges-Pompidou. p.9

situated in the map of contemporay Figure 6 proposed : Plan components. de la ville romaine Emona Ljubljana with superposé sur le plan de Ljubljana d’aujourd’hui Source : UNESCO (Dossier de nomination, p.85)

Empire. In 1461 the diocese of Ljubljana was established and the church of St. Nicholas became the cathedral. Medieval Ljubljana evolved around three squares: first around the square of Stari trg, then around the square of Mestni trg and the Novi trg square on the other side of the Ljubljanica. All three parts had independent walls. The first two were wedged between the Castle Hill and the river and developed along the main road that formed funnel-shaped squares as it expanded. Only Novi trg was rectangular, and this part of the town had a moat around the wall that ran from the Ljubljanica along today’s Zoisova Street (hence its nickname the Figure 7 : Vue du passage central avec sa Source p.51-53) 85: UNESCO (Dossier de nomination, Chapter 2 — Description

pyramide,

parc

et

réemploi

de

colonnes

d’origine

11


14° 32′ 34″ E

N

3 — Promenade along the Embankments and Bridges of the Ljubljanica River

46° 2′ 56″ N; 14° 30′ 20″ E

0m 500 m 1000 m

14° 32′ 36″ E

1500 m

4 — Church of St. Michael

46° 0′ 44″ N; 14° 30′ 21″ E

Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik

6 — Plečnik’s Žale – Garden of All Saints

14° 29′ 7″ E 46° 0′ 25″ N

35. ibid p.115

46° 4′ 3″ N; 14° 31′ 43″ E

5 — Church of St. Francis of Assisi

46° 4′ 6″ N; 14° 29′ 49″ E

2 — Roman Walls in Mirje

34. ibid p.114-115

46° 2′ 45″ N; 14° 29′ 54″ E

33. ibid p.114

1 — Green promenade from Trnovo Bridge along Vegova Street with the National and University Library to Congress Square with Zvezda Park

32. ibid

SCALE 1:25.000

31. ibid

46° 4′ 45″ N

46° 2′ 52″ N; 14° 30′ 12″ E

30. ibid

WGS 84: Lon (λ) = 14° 29′ 4″ E

29. ibid NOMINATION DOSSIER — Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik

12

28. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.113

434

Jože Plečnik débute ses travaux de développement urbanistique de la ville de Ljubljana à partir des années 30. Ambassadeur d’une pensée nouvelle et autodidacte, il voit la ville plutôt comme « un récit d’un genre particulier ou comme un thème musical »28. Autrement dit, ce sont ses propres souvenirs, comme les voyages quotidiens chez sa soeur ou encore lorsqu’il « accompagnait son père à travers la ville »29 qui vont former chez lui « une image complète, un système constitué essentiellement de quatre ou cinq axes spatiaux qui composent la base de son réseau urbain »30. C’est grâce à cette image de la ville que l’architecte décide des espaces publics majeurs dans lesquels il compte intervenir. Ces derniers se situent sur deux axes principaux (Fig.8) : l’axe terrestre, dans un premier temps, est traduit par différentes interventions : « un bout de chemin pavé »31, « l’élargissement du pont de Trnovo »32, « un kiosque en forme de cylindre coupé »33 etc… Peter Krečič précise que ces interventions ne sont pas placées au hasard, et que « Plecnik marque d’abord l’espace choisi par un monument [...], puis qu’il complète le cadre dans un deuxième temps »34, tout en gardant un grand réemploi de l’architecture classique, car « sa méthode urbanistique se rapproche du projet d’urbanisation de Rome promu par le Pape Sixte IV au XVIIème siècle : on indiquait les places et on les reliait entre elles par des obélisques élancés »35.

P RO P ERT Y

au centre d’interventions urbaines axées

WGS 84: Lat (φ) = 46° 4′ 44″ N B U FFER ZO N E

27. Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik p.50

DAT E: 13 September 2019 SO U RCES: Basic topographic map TTN5 Ljubljana, digital cadastral map, © The surveying and Mapping Authority of the Republic of Slovenia. Cultural Heritage Register, © Ministry of Culture of the Republic of Slovenia

Il est également intéressant de noter que l’architecte s’est assuré que la reconstruction ne nécessitait pas de grandes interventions dans la structure même de la ruine27, et qu’il s’est, en parallèle, concentré au dessin de parcs de parts et d’autres du mur dans le simple but de le sublimer. Ainsi, il montre ici encore son attachement à la culture architecturale classique qu’il accueille dans la pensée moderne de la ville qu’il développe.

46° 0′ 26″ N

Figure 8 : Situation des réalisations architecturales et urbanistiques de Jože Plečnik, axe terrestre et axe aquatique Source : UNESCO (Dossier de nomination, p.22)

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Dans un second temps, les interventions urbaines de Plečnik s’implantent sur un autre axe : l’axe aquatique, le long de la rivière Ljubljanica, où « la verdure prend une place prépondérante et, parfois, elles se substitue à l’architecture qu’elle remplace par une “architecture verte” : coupoles de saules, colonnes de peupliers, murs de haies, pelouses en guises de quais... »36. Cette citation met en avant, dans un premier lieu, la figure de l’architecte/jardinier et, dans un second lieu, le lien entre le champ lexical des éléments d’architecture classiques et celui de la végétalisation, concept abordé au sein du mouvement moderne. Tout cela témoigne donc du réemploi et de la réinvention de ce vocabulaire antique par Plečnik dans la conception de la ville moderne. D’un point de vue général, il est possible de considérer la nouvelle Ljubljana de Jože Plečnik comme une réinvention de cités classiques, notamment grecques. C’est d’ailleurs ce que nous explique l’auteur et professeur d’histoire de l’art américain Noah Charney lorsqu’il s’entretient, dans le cadre d’un podcast, avec Stéphanie Craig, une bloggeuse passionnée d’histoire et de voyage : « In the city of Ljubljana, each of the public structures that would have been in a greek polis / an ancient greek town was built by Plečnik. There was a theatre, there was an acropolis, there was a stadium, there was a marketplace, there was a meeting place, each of them is like a checklist… And this is not something that Plecnik could have planned, but it’s a funny coincidence because he mentioned that he’d like to transform Ljubljana into a new Athens [...] »37. En effet, tous les éléments constituant la cité d’Athènes trouvent équivalence dans le projet urbain de Plečnik, avec, comme dernier exemple, le cimetière central de Žale conçu de 1938 à 1940 qui fait écho à la nécropole. Cela illustre donc une nouvelle fois que même à échelle urbaine, la vision moderne de l’architecte se manifeste par un réemploi de l’héritage du passé. 14

LA PORTÉE HUMANISTE ET AUTHENTIQUE De la kinesthésie architecturale... 36. ibid

38. Espace Sauzet et Carballar architectes, Principes/Théorie et méthode Disponible sur https:// www.sauzet-architectes.fr/

37. Stephanie Craig. The history fangirl podcast, Reinventing the Dragon city of Ljubljana, Septembre 2017, 19’57’’ Disponible sur Spotify.com

39. Stephanie Craig. The history fangirl podcast, Reinventing the Dragon city of Ljubljana, Septembre 2017, 22’07’’ Disponible sur Spotify.com

Nous allons nous intéresser, pour terminer, à la manière dont l’architecte Jože Plečnik met avec authenticité son réemploi de l’architecture classique à l’œuvre d’une architecture et d’une urbanisation centrée sur l’humain, sur la perception du corps dans l’espace et de ses différents sens. D’un point de vue architectural, c’est à dire à l’échelle de l’édifice, l’architecte joue effectivement avec différents dispositifs permettant à l’homme se mouvant dans l’espace de percevoir des phénomènes, qu’ils soient symboliques ou purement visuels. On peut ainsi parler de kinesthésie architecturale, que les architectes Camille Carballar et Maurice Sauzet définissent ainsi : « Il s’agit d’associer un mouvement provoqué du corps à une perception extérieure. Ce recours aux inscriptions corporelles n’a pas été inconnu de l’architecture classique. On monte vers les lieux saints ou les monuments d’autorité. »38 On retrouve cette notion dans la Bibliothèque nationale et universitaire de Plečnik. En façade, par exemple, le jeu de texture entre la pierre et la brique, que nous avons abordé ultérieurement, ainsi que les fenêtres qui s’avancent vers l’extérieur, permettent de créer une dynamique murale qui évolue au fur et à mesure que le corps déambule près de l’édifice. (Fig. 9) Noah Charney détaille ce propos dans le podcast proposé par Stéphanie Cairn : « [...](The library) has a very distinctive facade [...] which has projecting bays and the windows are out at an unusual angle, so as you move, you see this incredible texture on the surface of the building and that’s what a lot of people remark when they visit the city ».39 Ce phénomène kinesthésique est donc purement visuel, et nous retrouvons, à l’intérieur de la bibliothèque, un autre phénomène cette fois-ci symbolique. 15


En effet, le hall d’entrée est conçu de manière à être relativement sombre, de manière à ce que lorsque le corps se déplace et emprunte l’escalier assombri, il se dirige vers la salle de lecture lumineuse et bien éclairée. (Fig.10) Ainsi, selon Peter Krečič, « Plečnik veut évidemment proposer une métaphore de l’idée selon laquelle “des phénomènes de l’ignorance nous remontons lentement et avec peine vers la lumière de la science”. Plečnik qui arrive à sacraliser presque tout, interprète cette lumière comme étant l’illumination divine ».40 L’église St François d’Assise de Siska (Fig.11), bâtie par Plečnik de 1925 à 1927, est un autre projet plaçant l’homme au coeur dans la pensée créatrice, car l’architecte fait le choix de placer l’autel presque « au centre de l’édifice et ce lieu est entouré d’une promenade un peu surélevée et bordée de colonnes pour les processions qui permettait aussi une assistance plus intime à l’office. »41 Le corps est donc presque invité à déambuler autour de l’autel, lui donnant par ce moyen une grande importance. Les sens visuels et kinesthésiques du corps humain sont ainsi mis en évidence par ces deux projets qui proposent différents dispositifs vus auparavant, physiques ou symboliques, touchant la perception des visiteurs. Ces projets sont donc témoins de la volonté pour l’architecte slovène de placer l’homme au cœur de ses projets d’architecture.

40. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.129

41. Communiqué de presse d’exposition, Joze Plecnik, architecte, Centre Georges-Pompidou. p.5

Figure 9.a : Croquis de texture de la façade de la bibliothèque avec son rapport à la rue Source : UNESCO (Dossier de nomination, p.164)

Figure 9.b : Photographie des éléments de façade de la bibliothèque : pierres, briques et bow-windows Source : https://hiddenarchitecture.net

Figure 10 : La salle de lecture de la bibliothèque et sa grande luminosité Source : https://www.admagazine.fr

Figure 11 : L’église St François d’Assise de Siska éclairée par les derniers rayons du soleil, 1925-1927 Source : https://www.visitljubljana.com

à la ville promenade Le constat est le même à l’échelle urbaine : l’architecte place l’homme au centre de sa pensée à travers le concept de parcours dans la ville. Selon l’historien Krečič, « le premier à illustrer la méthode de Plečnik est Dušan Grabrijan, avec sa théorie de la “marche de l’architecte dans la ville” à partir de la maison de Trnovo ».42 16

42. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.113

17


En effet, une des clés de lecture du plan urbain de l’architecte est de considérer que les interventions urbaines sont placées « de sa propre demeure jusqu’à l’espace en face de l’église de Trnovo »43. Entre ces deux points, l’architecte « aménage la rue Emona et l’aplanit, afin d’obtenir l’accès le plus aisé possible vers l’église »44 ou encore crée les Trois Ponts (Fig.12), véritables entrées vers le vieux centre-ville qui constituent « un point capital où se croisent beaucoup de lignes directrices »45. On remarque alors que le but est de rendre la déambulation urbaine la plus agréable possible pour les habitants de la capitale. Ces derniers sont également invités par l’architecte à vivre une grande expérience corporelle dans la promenade donnant accès au château du Tivoli (Fig.13) : « La rangée de réverbères sur leur socle en béton offre à la promenade un bel accompagnement vertical, un véritable collier. De chaque côté de la promenade, se succèdent à intervalles réguliers des groupes d’arbres, d’arbustes et de fleurs qui, au fur et à mesure qu’on s’approche du château, deviennent plus épais et se mêlent aux arbres de haute futaie, ils se fondent, sans coupure visible, dans l’aménagement [...]. La vue du bas de la promenade ou celle du sommet, au pied du château du Tivoli, avec la silhouette de la colline, est indiscutablement la plus belle vue de Ljubljana à cette époque »46. L’aménagement de la Place Croate (Fig.14) de 1932-1939 est également une conception qui prend en compte l’homme et ses déplacements au sein de l’espace urbain : l’architecte va concevoir, dans cette parcelle pourtant parfaitement orthogonale, une place de forme ovale. Le rectangle est ainsi coupé dans les angles pour « y inscrire une ellipse régulière dont le périmètre est délimité par un muret »47 et où « à chaque angle, se trouvent les entrées, reliées entre elles par des allées qui se croisent au centre de cet espace, souligné par un cercle parfait. »48. Cette conception fait la synthèse de la vision humaniste et kinesthésique de l’architecte 18

43. KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Pierre Mardaga, Avril 1995. p.113

44. ibid

45. ibid p.116

Figure 12 : Les Trois Source : https://www.visitljubljana.com

Ponts,

Figure 14 : La Place Croate, Source : https://mapio.net/pic/p-77241311/

1940

Figure 13 : Le parc Tivoli et Source : https://www.visitljubljana.com

sa

promenade

1932-1939

46. ibid p.122

47. ibid p.136

48. ibid

19


pour l’espace urbain, où les formes élémentaires (rectangle, cercle, ellipse...) sont mises en dialogue et où les déplacements des corps sont privilégiés. C’est donc à travers ces différents exemples que nous pouvons affirmer que l’homme est bel et bien accompagné au sein de la capitale slovène, qui peut ainsi être qualifiée d’humaniste grâce à la pensée unique et avant-gardiste de l’architecte Jože Plečnik.

51. Ibid, 1h43’26’’

CONCLUSION Le projet de Jože Plečnik est en somme une réelle réinvention du langage architectural classique, qu’il réemploi au service de la conception d’architectures et de projets d’urbanisme mettant, dans la plupart des cas, l’humain au centre de la pensée. En effet, nous avons vu que l’architecte va nourrir ses idées nouvelles par des éléments classicisants et anciens, comme les colonnes, les bâtiments constituant les cités antiques, l’utilisation de certains matériaux etc… et cela aboutit à une conception spatiale et architecturale qui marie le nouveau et l’ancien, le classique et le moderne, le passé et le présent. Plečnik établit par conséquent son propre vocabulaire moderne, mais pas vraiment moderne non plus… Quand d’autres architectes du mouvement moderne rejettent cet héritage du passé, lui l’accueille et le traduit à sa propre manière dans le but de nourrir sa modernité. Cette ambiguïté le place, selon Domenico Luciani, architecte paysagiste italien, comme une des principales figures “d’autres modernités”. C’est d’ailleurs le titre qu’il donne à la conférence qu’il tient le 17 mars 2011 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris où il résume le travail de Plečnik comme étant un « retour à la classicité, besoin de longue durée et besoin de laisser quelque chose qui passe à travers les générations »49 et où il qualifie l’espace social de l’architecte slovène de « métamorphose de l’antique et de l’ancien »50. 20

Il conclut son propos en affirmant que Plečnik fait partie des « figures et des œuvres qui ont traversé la phase de gloire de la modernité et qui ont porté jusqu’à nous un patrimoine qui nous aide à affronter notre monde et notre temps. »51 Ces idées peuvent nous inviter à porter une réflexion sur l’héritage culturel, artistique, architectural et autres domaines du passé, et sur son emploi et sa traduction dans la ville d’aujourd’hui et celle de demain. Quels en sont les enjeux ? Quelles sont les conséquences d’une conception contemporaine centrée sur le passé et d’une qui n’en prend pas compte ? Ici réside peut-être finalement le fondement du rôle de l’architecte, bâtisseur du monde qui entremêle les générations.

49. Domenico Luciani, Oeuvres et figures d’autres modernité, de 1930 à 1980, 17 mars 2011, Cité de l’Architecture et du patrimoine, Paris, 53’09’’ 50. Ibid, 1h41’15’’

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BIBLIOGRAPHIE OUVRAGE - KREČIČ Peter, Plecnik, une lecture des formes. Edition Pierre Mardaga, Avril 1995. 258p REPORTAGE - « Ljubljana, la capitale slovène rend hommage à Joze Plecnik » [En ligne] Vidéo mise en ligne par France 3 le 29/11/2018 sur Youtube (7’22’’). URL : https://www.youtube.com/watch?v=RRumaK25lwA (Consulté le 04/12/21) SITES INTERNET - Site officiel de l’UNESCO, Le Comité du patrimoine mondial inscrit quatre sites culturels et un site naturel sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, [En ligne] Mis en ligne le 28/07/2021, URL : https://whc. unesco.org/fr/actualites/2320/ (Consulté le 03/12/21) - Site officiel de l’UNESCO, Les œuvres de Jože Plečnik à Ljubljana – une conception urbaine centrée sur l’humain, [En ligne] Mis en ligne en 2021, URL : https:// whc.unesco.org/fr/list/1643/ (Consulté le 10/12/21)

DOSSIERS - Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The Timeless, Human Capital Designed by Jože Plečnik, Janvier 2020, 425p URL : https://whc.unesco.org/fr/list/1643/documents/ - Dossier de presse, Exposition Joze Plecnik, architecte Centre Georges-Pompidou, galerie CCI, du 12 mars au 26 mai 1986, 13p, URL : https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cGEAL4z ARTICLES EN LIGNE - « JOŽE PLEČNIK WORKS IN LJUBLJANA » [En ligne] mis en ligne le 05/12/2015 URL : https:// divisare.com/projects/304898-joze-plecnik-mirankambic-works-in-ljubljana (Consulté le 10/11/21) - Danielle Laouénan, Plecnik, l’Ange du bizarre, Bibliothèque de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, [En ligne] Mis en ligne le 15/08/2017. URL : https://bipat.nantes.archi.fr/2017/08/15/ plecnik-lange-du-bizarre/ (Consulté le 05/12/21) - Slovenie.info, Karst, une merveille naturelle cachée.. [En ligne] Date de mise en ligne inconnue. URL : https://www.slovenia.info/fr/histoires/karst

- Larousse, Architecture : Styles et Courants, URL : https:// www.larousse.fr/encyclopedie/divers/architecture__styles_ et_courants/185954 [En ligne] (Consulté le 10/12/21)

- ADmagazine, Le Ljubljana de Plecnik, [En ligne] Mis en ligne le 13/01/2015. URL : https://www.admagazine.fr/architecture/balade/diaporama/le-ljubljana-de-plecnik/6365

- Wikipedia, Péristyle, URL : https://fr.wikipedia.org/ wiki/P%C3%A9ristyle [En ligne] (Consulté le 28/11/21)

- Museum and Gallery of Ljubljana, October marks a 100 years since Plečnik settled in his house in Trnovo, [En ligne] Mis en ligne le 7/10/2021. URL : https:// mgml.si/en/plecnik-house/news/997/october-marks-a100-years-since-plecnik-settled-in-his-house-in-trnovo/

- Espace Sauzet et Carballar architectes, Principes/Théorie et méthode, URL : https://www.sauzet-architectes. fr/principes1.php [En ligne] (Consulté le 20/11/21) 22

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PODCAST

TABLE DES ILLUSTRATIONS

- Stephanie Craig. The history fangirl podcast, Reinventing the Dragon city of Ljubljana, Septembre 2017, 36’37’’ URL : https://open.spotify.com/episode/55LRWYRNB4zITQxUk2x839?si=smZqKhfAQhGCtGpMlDq4DA&nd=1

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RETRANSCRIPTIONS CONFÉRENCES

AUDIOVISUELLES

de couverture : Pont plecnikien au premier plan et église franciscaine de l’Annonciation Source : https://www.admagazine.fr/architecture/balade/diaporama/le-ljubljana-de-plecnik/6365 [en ligne] (Consulté le 19/12/2021)

DE

- Domenico Luciani, Oeuvres et figures d’autres modernité, de 1930 à 1980, 17 mars 2011, Cité de l’Architecture et du patrimoine, Paris, 1h44’09’’. [En ligne] URL : https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/oeuvres-et-figures-dautres-modernites-1930-1980 (Consulté le 20/11/21) - KREČIČ Peter, Joze Plecnik and the Making of a Capital, 5 Octobre 1999, 1h15’42’’ [En ligne] URL : https:// www.youtube.com/watch?v=CEdYjyLtMqc&t=1316s (Consulté le 15/11/21)

Figure 1 : Photographe : Urša Purkart

Source : Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The timeless, Human Capital Designed by Joze Plecnik. p.146. Disponible au téléchargement sur https://whc. unesco.org/fr/list/1643/documents/ [en ligne] (Consulté le 19/12/2021)

Figure 2 : Photographe : Nejc Lasič

Source : https://www.triglav.eu/sl/mediji/vizualna-gradiva [en ligne] (Consulté le 06/12/2021)

Figure 3 : Plan d’origine, Joze Plecnik

Source : http://ccat.sas.upenn.edu/george/plecLIB.html [en ligne] (Consulté le 28/11/2021)

Figure 4 : Photographe : Anonyme

Source : https://www.tripadvisor.com.au/Attraction_Review-g274873-d6582184-Reviews-National_and_University_Library-Ljubljana_Upper_Carniola_Region.html [en ligne] (Consulté le 20/12/2021)

Figure 5 : Photographe : Anonyme Source : versity-library/

https://hiddenarchitecture.net/nuk-national-and-uni[en ligne] (Consulté le 21/11/2021)

Figure 6 : Plan officiel

Source : Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The timeless, Human Capital Designed by Joze Plecnik. p.85. Disponible au téléchargement sur https://whc.unesco.org/fr/list/1643/documents/ [en ligne] (Consulté le 10/12/2021) 24

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Figure 7 : Photographes : Urša Purkart et Matevž Paternoster

Source : Dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Ljubljana: The timeless, Human Capital Designed by Joze Plecnik. p.51-53. Disponible au téléchargement sur https://whc. unesco.org/fr/list/1643/documents/ [en ligne] (Consulté le 10/12/2021)

Figure 8 : Plan officiel Source : ibid p.22

Figure 9.a : Croquis d’analyse, UNESCO Source : ibid p.164

Figure 9.b : Photographe : anonyme

Source : https://hiddenarchitecture.net/nuk-national-and-university-library/ [en ligne] (Consulté le 19/12/2021)

Figure 10 : Photographe : anonyme

Source : https://www.admagazine.fr/architecture/balade/diaporama/leljubljana-de-plecnik/6365 [en ligne] (Consulté le 18/12/2021)

Figure 11 : Photographe : Miran Kambič

Source : https://www.visitljubljana.com/fr/poi/leglise-saint-francois/ [en ligne] (Consulté le 19/12/2021)

Figure 12 : Photographe : Dunja Wedam

Source : https://www.visitljubljana.com/fr/visiteurs/decouvrez/activites/ tourisme/article/les-oeuvres-de-plecnik-a-ljubljana/ [en ligne] (Consulté le 21/12/2021)

Figure 13 : Photographe : Darko Pavlović

Source : https://www.visitljubljana.com/it/poi/parco-tivoli/ [en ligne] (Consulté le 21/12/2021)

Figure 14 : Photographie aérienne : Anonyme

Source : https://mapio.net/pic/p-77241311/ [en ligne] (Consulté le 20/12/2021)

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