Magazine IT n°918

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EN COUVERTURE

Prévoyez l’évolution du coût du photovoltaïque avec Jean-Bernard Saulnier.

Jean-Bernard Saulnier Directeur du programme énergie du CNRS

Le stockage est une priorité La France, pays du nucléaire, est-elle à l’aube d’une révolution énergétique ? Elle veut se doter d’une industrie solaire apte à rivaliser avec les géants allemands, japonais, chinois… Jean-Bernard Saulnier, qui dirige le programme de recherche sur l’énergie au CNRS, fixe les priorités technologiques.

Japon, dont les champions de l’électronique se sont tournés tôt vers le photovoltaïque, la France manque d’industriels de rang mondial. Mais les positions évoluent. Les énergéticiens français, comme Total, désormais s’y intéressent. Côté recherche, avec l’Institut national de l’énergie solaire, la France s’est dotée en 2006 d’un laboratoire qui peut rivaliser avec les meilleurs spécialistes internationaux. Un outil précieux car, pour réduire le prix du kilowattheure, l’innovation va s’accélérer.

Au lieu de disperser des minicentrales sur tous les toits, pourquoi ne pas les rassembler sur de vastes centrales solaires au sol ? J.-B. S. La difficulté majeure n’est pas

l’endroit où l’énergie est produite. Mais son intermittence. Si un particulier consomme sa propre électricité, aucun problème. En revanche, si elle est massivement injectée sur le réseau, on risque de ne pas savoir gérer la suralimentation. Centraliser la production d’énergie solaire ne résoudra rien. Le stockage de l’électricité renouvelable devient une priorité de recherche urgente. Pour franchir les pics de consommation, on ne dispose aujourd’hui que du pompage de l’eau vers les lacs de montagne, trop peu

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nombreux en France, et… des centrales thermiques, un comble pour une énergie “propre”. On parle beaucoup du photovoltaïque, mais peu du thermique à concentration. Sont-ils concurrents ? J.-B. S. Ces deux filières sont totalement

différentes. Leur intermittence est leur seul point commun. Les enjeux du thermique à concentration portent sur le choix des matériaux, qui doivent résister à des températures de plus de 1 000 °C, sur l’optique, l’alignement et le nettoyage des miroirs. Quant au photovoltaïque, la fabrication des panneaux en silicium cristallin est déjà au stade industriel. Avec la hausse des volumes installés, cette technologie, encore trop chère, aura un prix compétitif dans les cinq ans. Cet essor du silicium cristallin rend-elle caduque la recherche d’autres technologies photovoltaïques ? J.-B. S. Les solutions innovantes ne pour-

ront qu’accélérer le déploiement du photovoltaïque. Il y a dix ans, la profession ne parlait que du silicium cristallin. Même s’il bénéficie encore de la maturité de ses procédés de fabrication, sa suprématie va rapidement être contestée par les cellules à couches minces. La France doit miser sur cette technologie pour bâtir sa filière solaire. Les couches minces n’ont pas besoin d’être fondues

ccL’EXPERT

Jean-Bernard Saulnier dirige au CNRS le programme énergie, qui réunit 1 000 chercheurs autour de trois objectifs technologiques : améliorer l’efficacité énergétique, produire de l’énergie à bas carbone et optimiser les vecteurs d’énergie (chaleur, électricité, hydrogène).

à 1 300 °C comme le silicium cristallin. Elles sont moins consommatrices en énergie. À plus long terme, arriveront les cellules en polymères et celles dépassant, grâce aux nanosciences, les 40 % de rendement. Mais les débouchés de chaque technologie dépendront surtout de leur fiabilité. Ainsi les cellules en polymères, dont le point faible est la durée de vie, donneront peut-être naissance à du photovoltaïque jetable ! cm cc PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS BLOSSEVILLE tblosseville@industrie-technologies.com

B. LEVY

La France a-t-elle les moyens d’innover dans le solaire ? Jean-Bernard Saulnier. Contrairement au


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