Definir l interet communautaire

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Définir l'intérêt communautaire

Définir l'intérêt communautaire

L'intérêt communautaire est une notion essentielle de la vie intercommunale, puisqu'il constitue, pour certaines compétences, le « marqueur » des interventions respectives des communes et des communautés. Faute de définition législative ou réglementaire, sa simplicité n'est qu'apparente et il est en réalité devenu, aujourd'hui, un outil de mise en œuvre des projets politiques du bloc local. Ce Dossier d'experts a pour but de donner une vision complète et synthétique de cette notion et d'aider les acteurs locaux à procéder à des définitions de l'intérêt communautaire sécurisées sur le plan juridique. Il tente d'abord de définir l'intérêt communautaire et recense de manière exhaustive, depuis la publication de la loi « Notre » en particulier, sa présence au sein des compétences et des types de communautés concernées (communautés de communes, d'agglomération, urbaines).

Après avoir été juriste pendant 8 ans et soutenu en 2006 une thèse sur la coopération intercommunale, Anne Gardère est devenue avocat au barreau de Lyon en 2008. Elle a dirigé pendant 8 ans le pôle « droit de la coopération intercommunale et des institutions locales » au cabinet P. Petit à Lyon. A la tête de son propre cabinet depuis février 2016, elle intervient, tant en conseil qu'en contentieux, auprès des collectivités territoriales et des EPCI. Elle publie de nombreux articles dans des revues spécialisées.

d’EXPERTS

D. Milland, A. Gardère

Après plus de 20 ans dans la fonction publique territoriale, dont 15 au sein de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais dont il a été directeur juridique puis directeur général adjoint, Didier Milland a décidé d'exercer la profession d'avocat dans son propre cabinet, ouvert en février 2016. Il intervient auprès des collectivités territoriales et des EPCI dans les différents domaines du droit public.

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Il aborde ensuite de manière très pragmatique les modalités de définition de cette notion et les conséquences induites sur les agents, les moyens et les structures syndicales existantes.

d’EXPERTS

Didier Milland Anne Gardère

www.territorial-editions.fr ISSN : 1623-8869 – ISBN : 978-2-8186-1116-6



Définir l'intérêt communautaire

d’EXPERTS Didier Milland

Avocat au barreau de Grenoble

Anne Gardère

Avocat au barreau de Lyon, docteur en droit public

Groupe Territorial CS 40215 - 38516 Voiron Cedex Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 Retrouvez tous nos ouvrages sur http://www.territorial-editions.fr

Référence DE 807 Juillet 2016


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© Groupe Territorial, Voiron ISBN : 978-2-8186-1116-6 ISBN version numérique : 978-2-8186-1117-3 Imprimé par Reprotechnic, à Bourgoin Jallieu (38) - Août 2016 Dépôt légal à parution


Sommaire Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.7

Partie 1 L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition Chapitre I Une notion récente et simple (en apparence seulement). . . . . . . . . . . p.13 A - Une naissance à la finalité initiale claire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13 1. L’intérêt communautaire conçu initialement comme « amortisseur » des effets des principes de spécialité et d’exclusivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13 2. Subsidiarité et proximité, une argumentation contestable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.14

B - Tentative de définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.15 1. Il ne se confond pas avec l’intérêt communal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.16 2. Il ne se confond bien évidemment pas avec l’intérêt départemental ou régional. . . p.16 3. Il ne se confond pas non plus avec deux notions défuntes : « l’intérêt commun » et « l’intérêt dépassant manifestement l’intérêt communal ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.17 4. Enfin, il ne se confond pas avec un jeune cousin : l’intérêt métropolitain . . . . . . . . . . p.18

Chapitre II La présence de l’intérêt communautaire dans les structures intercommunales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.20 A - Les structures non concernées : les syndicats intercommunaux, métropoles et syndicats mixtes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.20 1. Les syndicats intercommunaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.20 2. Les métropoles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.20

B - L’intérêt communautaire est présent dans les compétences des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.21 1. La loi NOTRe : l’approfondissement des compétences des EPCI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.22 2. La présence de l’intérêt communautaire au sein de chaque type d’EPCI. . . . . . . . . . . p.24 3. Récapitulatif de la présence de l’intérêt communautaire par compétence et par structure. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.28

Sommaire

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3. Les syndicats mixtes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.21

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Chapitre III Quelques exemples d’articulation avec d’autres compétences et outils. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.29 A - En matière d’aménagement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.29 1. La problématique des ZAC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.29 2. Aménagement et urbanisme sont des compétences différentes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.30

B - En matière de voirie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.31 1. Voiries et parcs de stationnement : la délicate question de la réforme du stationnement sur voirie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.31 2. La définition de l’intérêt communautaire en matière de voirie rend impossible une intervention par la voie de la délégation de maîtrise d’ouvrage. . . . . . . . . . . . . . . p.32

C - En matière d’action sociale d’intérêt communautaire. . . . . . . . . . . . . . p.33

Partie 2 Modalités de définition de l’intérêt communautaire et effets Chapitre I Les modalités de définition de l’intérêt communautaire. . . . . . . . . . . . . . p.37 A - Organes compétents, règles de majorité et délais. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.37 1. Organes compétents et conditions de majorité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.37 2. Les délais pour définir l’intérêt communautaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.38

B - Les critères de définition de l’intérêt communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.39 1. Des critères modulables. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.39 2. Des critères évolutifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.40

Chapitre II Les conséquences de la définition de l’intérêt communautaire . . p.43

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A - Les conséquences sur les agents de droit public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.43

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1. La nécessité pratique de prendre en compte, le plus en amont possible, les exigences en termes de ressources humaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.43 2. Le formalisme inhérent au transfert des agents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.44 3. Les garanties offertes aux agents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.47 4. Le cas spécifique des agents de droit privé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.49

B - Les conséquences sur les moyens juridiques et matériels d’exercice des compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.50 1. Les biens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.50 2. Les contrats et conventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.54

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C - Les conséquences sur les syndicats préexistants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.56 1. Les cas de simple évolution des syndicats préexistants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.56

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2. Les cas de dissolution des syndicats préexistants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.60

Sommaire

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Introduction

1. Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, JO du 8 février 1992. 2. Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, JO du 13 juillet 1999.

Introduction

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À vrai dire, on ne sait plus trop d’où il vient... : Depuis quand existe-t-il ? Où l’a-t-on rencontré la première fois ? À quoi sert-il ? Quelle définition peut-on en donner ? Et d’ailleurs, trouve-t-on dans l’arsenal législatif et réglementaire une définition de ce « principe », ce « concept », cette « notion », cette « règle »… ? Toutes ces questions, les observateurs et acteurs de la vie intercommunale se les sont posées plutôt deux fois qu’une, qu’ils soient familiarisés ou non avec les petits bonheurs du droit de l’intercommunalité. Car l’intérêt communautaire, avec lequel nous allons tenter de faire plus ample connaissance dans cet ouvrage, est un élément clef de la vie institutionnelle territoriale. Apparue pour la première fois avec la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (dite « ATR »)1, à l’occasion de la création des communautés de communes et des communautés de villes, la notion s’est affirmée avec la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale2, du fait de son extension aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines. Cependant, le législateur a toujours pris le soin d’éviter de se lancer dans l’exercice périlleux de la définition de cette notion. Il faut donc, pour en trouver une trace écrite, se référer à d’autres sources, comme les travaux préparatoires de la loi du 12 juillet 1999 ou des circulaires postérieures à ce texte. L’objectif poursuivi, dans une logique affichée de « subsidiarité » (nous reviendrons plus loin sur cette notion), est de définir, pour certaines compétences, la ligne de partage entre les actions de l’établissement public de coopération intercommunale d’une part, et les communes d’autre part.

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Le raisonnement peut être schématisé comme suit : COMPÉTENCE Intérêt communautaire = EPCI

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Intérêt communal = commune

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La situation en matière de répartition des compétences à l’intérieur de ce que l’on appelle communément le « bloc local » peut donc être résumée de la manière suivante : - c ertaines compétences ou fonctions sont des compétences communales, soit car les communes n’ont pas souhaité les transférer à l’échelon intercommunal, soit parce que ce transfert est prohibé par la loi ; - d’autres sont des compétences communautaires pleines et entières, obligatoires ou optionnelles, et non soumises à la définition de l’intérêt communautaire, car la loi a prévu qu’elles ne soient pas « sécables » (par exemple l’assainissement ou l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage dans les communautés d’agglomération et communautés de communes depuis la loi « NOTRe » du 7 août 20153) ; - d’autres, enfin, sont des compétences communautaires à condition qu’elles aient été définies comme étant d’intérêt communautaire : c’est la problématique qui nous intéresse ici. Il restait alors à définir, ou à tenter de définir, ce que recouvre concrètement cette notion d’intérêt communautaire. Le cadre juridique des interventions possibles de la commune résulte de l’article L.2121-29 1er alinéa du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui confie à cet échelon une véritable clause de compétence générale, qui a survécu au passage de la loi NOTRe précitée (contrairement à celle précédemment prévue également pour les départements et régions…). En vertu de cette règle, les communes peuvent agir dans un périmètre relativement large, à partir du moment où l’intérêt public communal de leur initiative est démontré. La construction de l’intérêt communautaire est tout autre, pour deux raisons très simples.

3. Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Introduction


Introduction

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D’abord car le principe de spécialité, qui régit (avec son corollaire le principe d’exclusivité) le fonctionnement des EPCI, est par définition en contradiction totale avec l’existence d’une clause générale de compétence. On peut dire que si cette dernière fonctionne sur le mode « tout sauf », le principe de spécialité répond quant à lui une logique de « rien sauf ». Ensuite car cette notion, en apparence simple, n’a jamais été définie précisément par le législateur, ce dernier ayant laissé le soin aux acteurs locaux de la définir. De ce fait, ce terme a rapidement pris des allures polysémiques et il est venu s’articuler, de manière parfois un peu subtile, avec l’exercice d’autres compétences. Prenons un exemple parmi d’autres : avec la publication de la loi NOTRe du 7 août 2015, la notion d’intérêt communautaire a été supprimée pour la création, l’aménagement, la gestion et l’entretien des zones d’activité économique pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Cependant, dans le même temps, le législateur a conservé, pour ces mêmes communautés d’agglomération, la notion d’intérêt communautaire pour les zones d’aménagement concerté (ZAC) qui relèvent, en tant que procédures inscrites au Code de l’urbanisme, de la compétence « aménagement ». Cette situation va nécessairement engendrer des « ajustements » juridiques et pratiques… L’intérêt communautaire renvoie donc à des réalités de terrain très disparates, amenant certains à penser qu’il n’y aurait plus un mais des intérêts communautaires. Mais, finalement, au regard de la complexité de la vie institutionnelle territoriale, pouvait-il en être autrement ? Et cette situation est-elle vraiment préjudiciable à la finalité recherchée, c’est-à-dire une action publique territoriale efficiente, adaptée aux réalités des territoires et prenant en compte leur diversité ? Car en effet, l’intérêt communautaire, qui constitue historiquement, dans l’esprit du législateur, un « amortisseur » aux effets parfois radicaux des transferts de compétence, est également, en plus du nombre de compétences obligatoires devant être assumées par les différents EPCI, un marqueur du degré d’approfondissement et de renforcement de l’intercommunalité : sa présence permet de moduler l’assiette (ou le « périmètre ») de la compétence transférée, son absence oblige les acteurs locaux à transférer à l’échelon intercommunal une compétence pleine et entière. Les modalités retenues localement pour définir l’intérêt communautaire (critères, listes) vont ainsi être autant de manières de traduire juridiquement un projet de territoire, et de fixer les rôles respectifs des deux composantes du bloc local. Quant aux effets de la définition de l’intérêt communautaire sur les agents, les structures existantes (et notamment les syndicats intercommunaux), les biens et les contrats, ils sont significatifs, car globalement identiques à ceux d’un transfert de compétence. Par conséquent, la plus grande attention doit être portée, par les acteurs locaux, aux différentes étapes du processus de définition de l’intérêt communautaire.

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Définir l’intérêt communautaire

La première partie de cet ouvrage s’attachera à détailler les principales caractéristiques de l’intérêt communautaire : son apparente simplicité, les structures intercommunales et compétences dans lesquelles il est présent, son articulation parfois complexe avec d’autres compétences… La seconde partie sera consacrée aux modalités de définition de l’intérêt communautaire (critères, délais, organe compétent) et à ses conséquences : sur les agents, les biens, les contrats, les structures syndicales existantes…

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Introduction


Définir l’intérêt communautaire

Partie 1 L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition

Partie 1 - L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition

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Chapitre I Une notion récente et simple (en apparence seulement)

A - Une naissance à la finalité initiale claire Contrairement à son faux ami l’intérêt communal, l’intérêt communautaire est jeune. Très jeune même. Issu de la pratique des districts, il est apparu pour la première fois dans la loi en 1992 et s’est « affirmé » en 1999, par son application aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération (cf. supra). Les raisons de sa naissance sont relativement simples.

Les EPCI ne sont pas, juridiquement, des collectivités territoriales au sens constitutionnel. Ils sont, comme leur nom l’indique, des établissements publics, donc soumis, à ce titre, à un principe fondamental pour leur fonctionnement : le principe de spécialité. Ceci signifie, en synthèse, que les EPCI ne peuvent agir que dans les domaines (les compétences donc) qui leur ont été transférés par les communes, qui sont des compétences dites « d’attribution », traduites dans les statuts de l’EPCI. Le juge administratif applique cette règle de manière constante et sans ambiguïté depuis 1873 (CE, avis, 6 mars 1873 : DP 1873, 3, p. 97). En l’espèce, le Conseil d’État avait considéré que les compétences dévolues aux établissements publics devaient être limitativement énumérées dans leurs statuts, selon l’objet pour lequel ils sont spécialement créés. Il a par la suite été amené à confirmer et préciser cette position et a, par exemple, considéré, dans une décision de 1993, que le principe de spécialité doit « s’entendre en ce sens qu’un établissement public ne peut se livrer à des activités excédant le cadre des missions qui lui sont assignées par les textes qui l’ont institué » (CE, 3 décembre 1993, n° 139021, Assoc. Sauvegarde du site Alma Champ-de-Mars : JurisData n° 1993-04805). Une application stricte de ce principe, et de son corollaire le principe d’exclusivité, en vertu duquel les communes ayant transféré une compétence à l’échelon supérieur sont totalement dessaisies du pouvoir d’agir dans le domaine concerné, engendre donc en théorie un dispositif radicalement binaire : soit une compétence est totalement intercommunale, soit, à l’inverse, elle est exclusivement communale (voir notamment en ce sens la désormais célèbre décision du Conseil d’État « Commune de Saint-Vallier » : CE, Ass., 16 octobre 1970, Commune de Saint-Vallier, n° 71636, Rec. p. 583). Partie 1 - L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition

Définir l’intérêt communautaire

1. L’intérêt communautaire conçu initialement comme « amortisseur » des effets des principes de spécialité et d’exclusivité

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Partant du constat que les réalités du terrain, les arbitrages politiques et la mise en œuvre d’une véritable intercommunalité de projet rendent parfois cette organisation de l’action publique un peu difficile à mettre en œuvre, le législateur est donc venu, en plus de la création d’outils conventionnels de coopération ou de l’autorisation de pratiques de financements croisés par l’intermédiaire de fonds de concours, greffer certaines compétences de la notion d’intérêt communautaire, afin de moduler les effets évoqués ci-avant. La notion d’intérêt communautaire servirait donc d’« amortisseur » aux effets radicaux des transferts de compétences et permettrait à l’échelon communal de jouer à plein son rôle de proximité. Nous serions alors dans un schéma de confrontation entre deux éléments : - l e principe de subsidiarité, d’une part ; - l ’approfondissement de l’intercommunalité, d’autre part. Subsidiarité

Approfondissement de l’intercommunalité

L’idée, assez répandue, serait que l’échelon le plus proche au sens physique (donc au sein du bloc communal, la commune) serait, au nom du principe de subsidiarité, le plus adapté pour répondre aux besoins de proximité manifestés par les bénéficiaires des politiques publiques. L’échelon intercommunal serait, de son côté, réservé aux missions de développement, dans un objectif de mutualisation des moyens. Or, pour certains, il convient de relativiser cette assertion, d’abord car l’existence même du principe de subsidiarité en droit de l’intercommunalité est contestable, ensuite parce que le concept de proximité mérite d’être réinterrogé.

Définir l’intérêt communautaire

2. Subsidiarité et proximité, une argumentation contestable

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Issu du communautaire (traité sur l’Union européenne, article 5), le principe de subsidiarité figure en droit français dans l’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce dernier dispose que les collectivités territoriales « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». L’objectif est clair : mettre en œuvre les compétences par l’échelon le plus proche du citoyen, sauf s’il était démontré qu’une intervention de l’échelon supérieur était plus pertinente… Cependant, force est de constater que ceci ne concerne que les collectivités territoriales au sens de l’article 72 de la Constitution, d’une part, et l’on ne trouve nulle part ailleurs au sein de notre droit positif de trace équivalente pour ce qui concerne l’articulation des compétences entre les communes et leurs EPCI, d’autre part. Par conséquent, si le principe de subsidiarité peut trouver une signification sur le plan politique, il n’est pas tout à fait correct de lui attribuer, pour autant, une existence juridique en droit de l’intercommunalité. Partie 1 - L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition


Ensuite, la notion de proximité a considérablement évolué ces dernières années, du fait des changements majeurs observés dans les modes de vie, les mobilités, le développement des nouvelles technologies. Elle ne saurait se résumer désormais à sa seule dimension territoriale, quelle qu’elle soit d’ailleurs. Fort de ces deux constats, nous sommes légitimement en droit de nous interroger sur la pertinence même de cette notion dans le secteur des politiques territoriales : n’est-elle pas devenue aujourd’hui, du fait de la complexité grandissante des politiques publiques, de la multiplication des réseaux, du développement des mobilités, un axiome des politiques publiques ou même, pour reprendre les termes de Marie Christine Jaillet, un « mot-valise » ? 4 L’argument consistant à affirmer que l’intérêt communautaire serait, au nom du « principe » de subsidiarité, le garde-fou des communes contre l’immixtion des EPCI sur le terrain de la proximité est donc à manier avec précaution. Pourtant, historiquement, il a bien été construit dans cette logique.

Faute de définition légale ou réglementaire, il convient de se référer, pour trouver une trace écrite, aux circulaires ministérielles. Il ressort d’une première circulaire de 2001 que « l’intérêt communautaire s’analyse comme une ligne de partage au sein d’une compétence entre les domaines d’action transférés à la communauté et ceux qui demeurent au niveau communal. C’est en d’autres termes le moyen, pour certaines compétences expressément énumérées par la loi, de laisser au niveau communal ce qui peut l’être et de transférer à l’établissement public de coopération intercommunale ce qui exige une gestion intercommunale »5. Cette logique de subsidiarité a été complétée plus tard, en 2005, par des termes un peu plus précis, puisque le ministre délégué aux Collectivités territoriales de l’époque écrivait aux préfets que l’intérêt communautaire était le moyen de confier aux communautés « les missions qui, par leur coût, leur technicité, leur ampleur ou leur caractère structurant s’inscrivent dans une logique intercommunale (mutualisation de moyens, réalisation d’économies d’échelle et élaboration d’un projet de développement sur des périmètres pertinents) et de laisser aux communes la maîtrise des actions de proximité »6.

4. Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS, interview sur le site Internet de l’ADGCF, décembre 2013. 5. Circulaire NOR/INT/B/01/00197/C du 5 juillet 2001. 6. Circulaire NOR/INT/B/05/00105/C du 23 novembre 2005.

Partie 1 - L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition

Définir l’intérêt communautaire

B - Tentative de définition

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L’objectif, fort louable, était donc de faire de l’intérêt communautaire un curseur clair, dans les compétences concernées par la notion, entre le champ d’action des EPCI, considérés comme des lieux de mutualisation et de développement, d’une part, et les communes, échelons de proximité, d’autre part. Nous verrons plus tard que cette simplicité apparente ne résistera pas, dans les faits, aux réalités locales. L’ambiguïté et l’imprécision de la notion font donc, depuis le début des années 2000, le délice des juristes. Pour tenter de cerner le concept d’intérêt communautaire, il convient en premier lieu de définir ce qu’il n’est pas.

1. Il ne se confond pas avec l’intérêt communal Sur le plan juridique, la commune est le seul échelon territorial à avoir survécu à la disparition de la clause de compétence générale après le passage de la loi NOTRe du 7 août 2015 précitée. Ceci signifie donc qu’il est accordé à la commune le pouvoir d’intervenir de manière généralisée et, contrairement aux EPCI, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une énumération de ses attributions. Les capacités d’intervention de la commune reposent sur la notion d’« affaires de la collectivité » ou d’intérêt public local. Ce spectre large est formalisé par le premier alinéa de l’article L.2121-29 du Code général des collectivités territoriales, qui dispose que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Son contenu a été balisé, au fil de l’histoire jurisprudentielle, par le juge administratif. Le Conseil d’État a par exemple considéré que l’article L.2121-29 « habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d’intérêt public communal, sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques et qu’il n’y ait pas d’empiétement sur les attributions conférées au maire » (CE, 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Barœul, n° 193716).

Définir l’intérêt communautaire

2. Il ne se confond bien évidemment pas avec l’intérêt départemental ou régional

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À la différence de la commune, le département et la région ont perdu, avec la loi NOTRe du 7 août 2015, leur clause de compétence générale. Ces niveaux de collectivités territoriales sont désormais compétents dans les domaines qui leur ont été assignés par la loi. Pour les interventions de la région, il convient de se référer à l’article L.4221-1 du CGCT, qui donne le cadre d’intervention de l’assemblée délibérante régionale :

Partie 1 - L’intérêt communautaire, une notion en quête de définition


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