Revue Contrats Publics n°178 - Extrait

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N° 178 N° 000 • JUILLET-AOÛT • MOIS 20132017

Contrats Publics Réglementation des contrats publics : actualité des textes officiels uuArrêté du 29 mars 2017

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uuOrdonnance du 19 avril 2017

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Constitutions de CAO pour les OPH Candidatures : documents à produire et recevabilité

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uuDécret du 10 avril 2017

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Mise en œuvre du principe « Dites-le nous une fois » Un arrêté source d’interrogations

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Autorisation d’occupation du domaine public : procédure de sélection préalable Extension du mécanisme de déclassement anticipé d’un bien

uuArrêtés du 14 avril 2017

Modalités de publication des données essentielles Profils d’acheteurs

uuDécret du 5 mai 2017

Identification de l’équipe de maîtrise d’œuvre Dispositions applicables aux marchés soumis à la loi MOP

Viedes contrats

PASSATION

Les acheteurs peuvent-ils insérer une « clause Molière » dans les CCAP des marchés publics ? CONTENTIEUX

Du « principe de légalité » au « principe de réalité » : libres propos sur l’arrêt du Conseil d’État du 17 mars 2017 N° 178 – Mensuel – 29 €

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Sommaire Editorial........................................................................................................................................ L’actualité de MoniteurJuris .......................................................................................................

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Veille Textes officiels Nationaux Richard Deau..............................................................................................................

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Jurisprudence 00 Européenne Richard Deau........................................................................................................... Conseil d’État Jean-Pierre Jouguelet......................................................................................... Cours administratives d’appel Catherine Ribot.........................................................................

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Réglementation des contrats publics : actualité des textes officiels

Mise en œuvre du principe « dites-le nous une fois » pour les certificats sociaux et fiscaux : entre incertitude et confusion Rachel Cattier................................................................................................................................................................ Dérogations et uniformisation : l’introuvable équilibre des règles relatives aux marchés publics conclus par les OPH Sébastien Bracq et Maxime Seno................................................................................................................................. Contenu et conséquences du décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 en matière de passation des marchés publics Ludovic Midol-Monnet................................................................................................................................................... Quelles modalités de sélection et de publicité dans le cadre de l’occupation du domaine public ? Romain Granjon et Laurent Sery.................................................................................................................................. Une nouvelle articulation des règles de la domanialité publique et des règles de la commande publique Eve Derouesné............................................................................................................................................................... Sécurisation et simplification des règles de gestion du domaine public dans le cadre de l'ordonnance du 19 avril 2017 Philippe Guellier et Julien Brulas................................................................................................................................ Commande publique : le printemps des profils d’acheteur Thierry Piette-Coudol.................................................................................................................................................... L’identification de la maîtrise d’œuvre dans les marchés publics globaux Claude Grange...............................................................................................................................................................

Les acheteurs peuvent-ils insérer une « clause Molière » dans les CCAP des marchés publics ?................................................................................................................. Nadia Saïdi

Contentieux

Du « principe de légalité » au « principe de réalité » : libres propos sur l’arrêt du Conseil d’État du 17 mars 2017 Olivier Laffitte................................................................................................................................

Passation

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Contrats Publics – n° 178 - Juillet - Août 2017

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Mise en œuvre du principe « dites-le nous une fois » pour les certificats sociaux et fiscaux : entre incertitude et confusion L’un des objectifs essentiels des textes adoptés dans le domaine de la commande publique est de faciliter les échanges entre les candidats et les acheteurs, en simplifiant et en dématérialisant les conditions de transmission des documents et informations entre ces interlocuteurs. Cet objectif tant poursuivi reste pourtant inachevé à ce jour.

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u-delà de la République, c’est la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics qui est en marche : toutes les communications et tous les échanges d’informations entre les acheteurs et les candidats doivent être effectués par des moyens de communication électronique depuis le 1er avril 2017 pour les centrales d’achat, et à compter du 1er octobre 2018 pour les autres acheteurs(1). D’ores et déjà, la quasi-totalité des acheteurs doit disposer d’un profil d’acheteur, dont les exigences et fonctionnalités minimales ont d’ailleurs été récemment précisément définies(2), et ne peut refuser les candidatures et les offres transmises par voie dématérialisée, au moins pour leurs procédures formalisées et celles intéressant des marchés de plus de 90 000 euros HT. Cette obligation sera étendue à tous les marchés de tous les acheteurs à compter du 1er octobre 2018. Enfin, dès à présent, les acheteurs peuvent imposer la remise des candidatures et des offres par voie dématérialisée(3).

Auteur Rachel Cattier Avocate à la cour AdDen Avocats

Références Arrêté du 29 mars 2017 (NOR : ECFM1707536A)

Mots clés Certificats sociaux et fiscaux • Espace de stockage numérique   • Traçabilité

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Cette accélération de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics s’inscrit dans une logique de fluidification des échanges entre les acheteurs et les candidats et soumissionnaires, et donc de simplification de l’accès des entreprises aux marchés publics. Ce mouvement s’est accompagné de la mise en place de dispositifs dont l’objectif affiché est de faciliter la « pape-

(1)  Article 41 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. (2)  Arrêté du 14 avril 2017 (NOR : ECFM1637253A) relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d’acheteurs. Ainsi, les profils d’acheteur doivent permettre non seulement de mettre à disposition des avis d’appel public à la concurrence et des documents de la consultation mais ils devront également permettre aux opérateurs d’effectuer des recherches permettant d’accéder à ces avis, aux consultations et aux données essentielles des contrats, de déposer des candidatures et des offres et, le cas échéant, de poser des questions à l’acheteur ou à l’autorité concédante. Ces plateformes doivent donc permettre un échange complet avec les opérateurs tout au long de la mise en concurrence. (3)  Article 40 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.

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rasserie » que représente pour les entreprises candidates habituelles aux marchés publics le dépôt des dossiers de candidature, lesquels supposent la transmission à l’acheteur de nombreux documents administratifs récurrents. Deux mécanismes essentiels existent : le renvoi à une plateforme de données numériques contenant les documents sollicités par l’acheteur et la possibilité pour les candidats de ne pas transmettre à nouveau des documents déjà transmis à un acheteur à l’occasion d’une précédente procédure de passation et qui sont toujours valables. Toutefois, la mise en œuvre de ces deux mécanismes par arrêtés ministériels ne brille pas par sa clarté, ce qui n’est pas sans poser des questions juridiques supplémentaires, contraires à l’objectif de simplification poursuivi.

Rappel sur les mécanismes de simplification de la transmission des documents Deux mécanismes ont vocation à alléger le formalisme de l’accès aux marchés publics en facilitant la transmission par les candidats des documents exigés à l’appui d’une candidature. Ces mécanismes ne sont pas nouveaux, puisque c’est le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics qui les a introduits en droit français : ils sont donc mis à la disposition des acheteurs comme des candidats depuis déjà deux ans, mais restent toutefois relativement peu utilisés en comparaison de l’allègement du formalisme qu’ils peuvent représenter.

L’obtention par l’acheteur des documents à partir de bases de données accessibles Premièrement, l’article 53-I du décret n° 2016-360 autorise les candidats à ne pas fournir les documents justificatifs de leur candidature que l’acheteur peut obtenir directement par le biais soit d’un système électronique de mise à disposition d’informations administré par un organisme officiel soit d’un espace de stockage numérique. Deux conditions de bon sens sont posées par le texte pour autoriser le recours à ce mécanisme : il faut que les candidats fassent figurer dans leur dossier de candidature toutes les informations nécessaires à la consultation par l’acheteur de ce système ou de cet espace et que l’accès en soit gratuit pour l’acheteur. Les bases de données administrées par un organisme officiel identifiées restent peu nombreuses. On relèvera ici que le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) a lancé un outil, API ENTREPRISE, que la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) semble présenter comme correspondant à cette défini-

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tion et dont l’utilisation devrait se développer à l’avenir(4) . On peut se demander si les bases de données offertes en accès libre par les organismes tels que Qualibat ou l’OPQIBI, qui permettent aux acheteurs de retrouver la liste intégrale des entreprises certifiées ainsi que les références des certifications accordées et leurs dates de validité, ne pourraient pas correspondre à cette catégorie, mais la dénomination « organisme officiel » laisse entendre qu’il s’agirait de plateformes administrées par des organes gouvernementaux. Ce point mériterait d’être clarifié. Quant aux espaces de stockage numériques, cela vise tout support de stockage en ligne, quel que soit son degré de sécurité, comme le précise la DAJ : « La notion d’espace de stockage numérique recouvre tout support de stockage en ligne accessible par le pouvoir adjudicateur, quel que soit son degré de sécurité, qu’il s’agisse d’un coffre-fort électronique, à l’instar de ceux proposés par exemple par les plateformes de dématérialisation, ou d’un simple site internet propre à l’opérateur économique » (5) . Il peut ainsi parfaitement s’agir du propre site internet du candidat sur lequel il dépose l’ensemble des justificatifs. Ce mécanisme n’est subordonné à aucune autorisation expresse de l’acheteur : les candidats peuvent librement y recourir. Pour autant, force est de constater qu’en pratique, ce dispositif est encore trop rarement utilisé par les entreprises.

Le mécanisme du « Dites-le nous une fois » : ne pas avoir à transmettre à nouveau les documents transmis à l’occasion d’une précédente candidature Deuxièmement, le mécanisme du « Dites-le nous une fois », prévu à l’article 53-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, permet aux candidats ayant déjà transmis ces certificats au même acheteur dans le cadre d’une précédente procédure de passation de ne pas produire

(4)  La fiche publiée par la DAJ relative à l’arrêté du 29 mars 2017 (NOR : ECFM1707536A) précise ainsi que « le profil d’acheteur sur lequel la candidature est déposée doit disposer d’un système électronique de mise à disposition d’informations administré par un organisme officiel. Les profils d’acheteurs disposant d’un raccordement à l’APIENTREPRISE permettent ainsi de mettre en œuvre le principe du «Dites-le nous une fois». ». Toutefois, cette affirmation interroge dans la mesure où le renvoi à un système électronique de mise à disposition d’informations pour transmettre des documents ne correspond pas au mécanisme du « Dites-le nous une fois », qui concerne pour sa part le cas où des documents ont déjà été transmis à l’acheteur à l’occasion d’une précédente candidature. (5)  « La simplification du dossier de candidature », fiche technique DAJ en date du 29 janvier 2015. La DAJ précise dans cette fiche que seuls les documents justifiant des capacités professionnelles, techniques et financières et les certificats sociaux et fiscaux pourraient être transmis par ce biais, à l’exception de la lettre de candidature et des attestations sur l’honneur que le candidat n’entre dans aucun des cas d’interdiction de concourir à un marché public. Peut-être au motif que ces lettres et attestations ne constituent pas à proprement parler des « documents justificatifs et moyens de preuve ».

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Contenu et conséquences du décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 en matière de passation des marchés publics Après l’adoption de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ainsi que de la loi Sapin 2 et avant l’avènement du code de la Commande publique, le décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 portant diverses dispositions en matière de commande publique apporte des modifications et des clarifications attendues en matière de passation de marchés publics.

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ttendu par les acheteurs soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 « relative aux marchés publics », ainsi que par les opérateurs économiques répondant à des consultations organisées sur son fondement, le décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 procède, seulement un an après l’adoption du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ayant parachevé la transposition de la directive 2014/24/UE, au toilettage de certaines de ses dispositions. Ces modifications ne réservent aucune surprise particulière pour au moins deux raisons.

La première tient au fait que ce décret avait été largement annoncé et anticipé par les acteurs de la commande publique suite à l’intervention de la loi n° 2016925 du 7 juillet 2016 « relative à la création, à l’architecture et au patrimoine » et de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » (dite « loi Sapin II »), dont certaines dispositions en matière de commande publique appelaient une modification rapide d’articles du décret n° 2016-360 ainsi que du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016. De ce point de vue, le décret sous commentaire remplit bien son office.

Auteur Ludovic Midol-Monnet Avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon

Références Décret n° 2017-516 du 10 avril 2017

Mots clés • Passation• Procédures formalisées• Candidature• Évaluation préalable • Concours• Renseignements complémentaires   • Open data

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La seconde est liée au contenu même du décret n° 2017- 516, qui se contente du minimum minimorum ; le pouvoir règlementaire n’ayant pas introduit l’intégralité des modifications qu’autorisaient les deux lois qui l’habilitaient à légiférer (on citera notamment l’article 39 de la loi Sapin II qui prévoyait la possibilité de préciser par voie réglementaire les conditions d’attribution d’un marché « sur la base d’un critère unique », en dehors du critère prix pour les seuls marchés dont l’objet est l’achat de services ou de fournitures standardisés ou du coût). Les précisions, modifications et clarifications apportées sont toutefois appréciables. Schématiquement, les apports du décret sous analyse peuvent être rangés dans trois catégories. La première catégorie est liée aux candidatures : le décret renforce

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le régime déclaratif de l’acte de candidature effectué par les soumissionnaires, tout en apportant une certaine souplesse aux opérateurs et un nouveau garde-fou aux acheteurs au stade de l’analyse des candidatures. La deuxième catégorie est relative aux modifications affectant plus spécifiquement certains marchés ou certaines procédures : concours de maîtrise d’œuvre, marché de partenariat, marché de conception-réalisation. Le lecteur excusera le périmètre de la troisième et dernière catégorie, qui comprend les divers autres apports, dont l’un au moins intéressera très directement les acheteurs en matière de transparence et « d’open data » : la suppression de l’obligation de publier les données essentielles des marchés inférieurs à 25 000 euros HT.

Les incidences du décret du 10 avril 2017 sur les candidatures Le décret sous commentaire contient un certain nombre de dispositions ayant des conséquences directes en matière de présentation des candidatures par les opérateurs économiques (articles 5, 6 et 7 du décret) ainsi qu’en matière d’analyse et de contrôle de la recevabilité de ces candidatures pour les acheteurs (articles 3 et 8 du décret).

Présentation des candidatures Confirmant le régime purement déclaratif de l’acte de candidature opéré par les soumissionnaires, l’article 5 du décret n° 2017-516 modifie l’article 48 du décret 2016-360 et prévoit désormais que le candidat doit produire à l’appui de sa candidature, outre l’attestation sur l’honneur justifiant qu’il n’entre dans aucun des cas d’interdictions de soumissionner (1), les seuls « renseignements » demandés par l’acheteur pour vérifier son aptitude à exercer l’activité professionnelle, sa capacité économique et financière et ses capacités techniques et professionnelles. La mention des « documents » sollicités par l’acheteur est supprimée et l’article 49 du décret « relatif aux marchés publics » est également mis en conformité pour tenir compte de ce régime déclaratif. Le candidat n’a plus à fournir que les seuls renseignements et attestation sur l’honneur au titre de sa candidature ou du DUME. Cette modification n’aura toutefois pas d’importantes conséquences pratiques pour les soumissionnaires. On notera qu’à l’instar des dispositions applicables pour la présentation des offres, le décret sous commentaire introduit la faculté pour les acheteurs d’imposer une traduction en français des renseignements relatifs à leurs candidatures qui seraient rédigés dans une langue étrangère.

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un extrait de casier judiciaire par la loi Sapin II. L’article 51, I du décret « relatif aux marchés publics » imposait en effet la production d’un extrait de casier judiciaire par le candidat, afin de prouver qu’il ne faisait pas l’objet d’une condamnation pénale constitutive d’une interdiction de soumissionner en application de l’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015. Cette obligation avait placé les opérateurs économiques dans une situation ubuesque puisque les personnes morales n’ayant pas, en principe, accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire, en application des dispositions de l’article 776-1 du Code de procédure pénale, elles ne pouvaient fournir qu’un certificat stipulant être empêchées d’obtenir un extrait de casier judiciaire ! Ces difficultés n’avaient d’ailleurs pas manqué de donner lieu à des jurisprudences contradictoires(2). Le décret « relatif aux marchés publics » est ainsi modifié pour tenir compte de la suppression de l’obligation de fournir un extrait de casier judiciaire, qui vaut tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Les acheteurs auront toutefois toujours la liberté d’imposer aux candidats la production d’un extrait de casier pour les marchés publics de défense ou de sécurité.

Analyse et contrôle de la recevabilité des candidatures Si l’article 55, II, 2° prévoit que l’acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché public qu’il justifie ne pas être dans un cas d’interdiction de soumissionner, cette disposition sera désormais tenue en échec dans le cadre des procédures concurrentielles avec négociations ou des dialogues compétitifs faisant suite à un appel d’offres pour lesquels seules des offres irrégulières ou inacceptables auront été présentées. L’article 3 du décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 introduit en effet une condition nouvelle en matière de recevabilité des candidatures puisque l’acheteur, en pareil cas, ne sera pas tenu de publier un avis de marché à la double condition : – de ne faire participer à la procédure que le ou les soumissionnaires qui ont présenté des offres conformes aux exigences relatives aux délais et modalités formelles de l’appel d’offres, et ; – que les candidatures de ces mêmes soumissionnaires aient été recevables.

Beaucoup plus attendue, la modification de l’article 51 du décret 2016-360 tire toutes les conséquences de la suppression de l’obligation faite aux candidats de fournir

Par conséquent, à la suite d’un appel d’offres infructueux, l’acheteur qui décidera de négocier ou dialoguer avec les candidats ayant tous remis des offres irrégulières ou inacceptables devra, au préalable, vérifier que ces derniers disposent bien des capacités professionnelles, techniques et financières pour exécuter le marché, et qu’ils ne se trouvent pas en interdiction de

(1)  C. David, L. Midol-Monnet, « La transposition des «interdictions de soumissionner», entre continuité et rupture » : Contrats publics – Le Moniteur, n° 158, 2015, p. 63.

(2)  TA Bastia, ord., 24 août 2016, Autocars du Cortenais, req. n° 1600918, TA Toulouse, ord., 5 août 2016, Grand Sud Navettes, req. n° 1603203 et TA Grenoble, ord., 20 septembre 2016, Jean Perraud et Fils, req. n° 1604801.

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Une nouvelle articulation des règles de la domanialité publique et des règles de la commande publique À compter de l’entrée en vigueur, fixée au 1er juillet prochain, de l’ordonnance du 19 avril 2017, l’attribution des autorisations d’occupation du domaine public en vue d’une exploitation économique se trouve assujettie à une procédure de sélection. En outre, cette ordonnance vient moduler les conditions d’application de la règle de l’occupation domaniale à titre onéreux lorsque cette occupation s’inscrit dans un contexte d’exécution d’un contrat de commande publique.

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es contrats portant occupation du domaine public échappaient, jusqu’alors, au droit de la commande publique.

Ce principe était toutefois assorti d’exceptions. En effet, lorsqu’un contrat de la commande publique constitue le siège d’une occupation du domaine public, comme en matière de concessions de travaux ou de services ou de marchés de partenariat, l’occupation domaniale est attraite, de manière indirecte, dans le champ de la commande publique, en raison de la mise en œuvre des procédures de publicité et de mise en concurrence afférentes à la conclusion du contrat principal. En revanche, dans les cas où seule une convention d’occupation domaniale était conclue, le gré à gré prévalait.

Auteur Eve Derouesné Avocat à la Cour KGA Avocats

Références Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017

Mots clés Occupation du domaine public • Procédure de sélection • Exclusions – Redevance

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L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 (« l’Ordonnance »), réduit le clivage procédural existant entre les contrats de la commande publique et les occupations domaniales, en instillant une logique de publicité et de mise en concurrence préalable à la conclusion de ces contrats domaniaux et en alignant leurs modalités financières.

Modalités de conclusion d’une convention d’occupation domaniale avant et après l’Ordonnance Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance, la problématique de la conclusion des conventions d’occupation du domaine public se posait de la manière suivante.

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L’occupation domaniale n’était pas soumise au respect préalable d’une procédure de publicité et de mise en concurrence(1), à la différence des contrats de commande publique. Cette différence de régime juridique rendait la conclusion des contrats d’occupation domaniale attractive. Cette facilité procédurale présentait toutefois le risque que la conclusion d’une convention d’occupation du domaine public soit appréhendée comme un moyen de contournement des règles de passation prévues par le droit de la commande publique. Or, en pratique, les contrats d’occupations domaniales ont pu être utilisés dans le but de satisfaire un besoin public. En particulier, l’octroi des autorisations d’occupation temporaire du domaine public (« AOT ») est constitutif d’un levier de valorisation du domaine public, en tant que la conclusion de ces contrats a permis aux personnes publiques de confier à des opérateurs privés l’initiative et la responsabilité de rénover et d’entretenir le patrimoine dont elles sont propriétaires. À cet égard, la frontière avec la concession de travaux devient ténue. C’est ce qui a conduit à une jurisprudence administrative abondante au cours de ses dernières années, le juge administratif étant régulièrement saisi de contrats d’occupation du domaine public dont la qualification juridique était contestée (le requérant faisant valoir une requalification en marché public ou concession). Tel était le cas de la convention d’occupation domaniale siège de la réalisation de travaux dont le programme était élaboré avec le concours de la personne publique, laquelle s’immisçait également dans l’exécution du contrat. C’est ce qui a conduit également de nombreuses collectivités à qualifier de manière volontariste nombre de leurs contrats publics d’occupation, notamment des baux emphytéotiques administratifs (« BEA »), en contrats emportant également concessions de travaux publics afin de sécuriser leur passation. Le pouvoir normatif avait d’ailleurs saisi l’occasion de la récente réforme du droit de la commande publique pour rappeler les limites du titre domanial. L’article 101 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics a ainsi modifié les articles respectivement L. 2122-6 du CG3P relatifs aux AOT et L. 2341-1 relatifs aux BEA, pour qu’ils précisent que l’AOT comme le BEA « ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux,

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la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins d'un acheteur soumis à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d’une autorité concédante soumise à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ». À compter du 1er juillet 2017, avec l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 19 avril 2017, la situation change. Dorénavant, l’attribution des AOT en vue d’une exploitation économique se trouve également assujettie à une procédure de sélection(2). Il reste qu’il n’y a pas une identité entre ces deux régimes de passation de sorte que se pose la question de l’articulation des modes de conclusion d’une part de l’occupation domaniale et d’autre part, du contrat principal. Il faut en particulier prévenir tout doublon et tout conflit de procédure. Tel est l’objet de l’article 3 de l’Ordonnance qui exclut du champ d’application de l’obligation de publicité et de mise en concurrence domaniale, le cas où « le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection » (3). Il y a une primauté qui est établi et c’est logiquement le régime de commande publique qui prime. Relevons que celui-ci prévaut dans tous les cas, y compris lorsque le contrat de commande publique a été régulièrement accordé de gré à gré, soit parce qu’il entre dans un régime d’exclusion(4) soit parce qu’il entre dans un régime de dispense de procédure de passation(5). La condition de procédure de sélection préalable ne nous paraît en effet pas être une condition commune. Il y a dans cette disposition deux causes de dispense : celle où le titre est conféré par le contrat de commande publique et celle où la délivrance du titre s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel pour autant alors que celui-ci ait, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection.

(2)  Cf. dans ce numéro, R. Granjon et L. Sery, « Quelles modalités de sélection et de publicité dans le cadre de l’occupation du domaine public ? ». (3)  CG3P, art. L. 2122-1-2 2°modifié.

(1)  C E 3 décembre 2010, Ville de Paris, req. n° 338272 : « Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance ; qu’il en va ainsi même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ».

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(4)  L e périmètre des contrats exclus est fixé respectivement par les articles 14 à 20 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et par les articles 13 à 19 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. (5)  I l s’agit de la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables prévue à l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et à l’article 11 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.

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Commande publique : le printemps des profils d’acheteur Dans le cadre de la dématérialisation, deux arrêtés importants ont été publiés en avril dernier au Journal officiel. Le premier fixe notamment les fonctionnalités devant être offertes aux acheteurs et aux opérateurs économiques par les profils d’acheteurs ainsi que les contraintes de sécurisation qui caractérisent les échanges électroniques. Le second arrêté précise les modalités de publication des données essentielles mais aussi les formats, normes et nomenclatures selon lesquels ces données doivent être publiées.

U

ne étape remarquable vers les marchés publics électroniques de bout en bout instaurés par les textes européens se caractérise, dans le droit interne, par une importante floraison de textes nouveaux concernant la commande publique au printemps 2017. Rappelons le contexte : le nouveau régime des marchés publics porté par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est entré en application le 1er avril 2016. Dans le respect de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, il organise la passation des marchés publics en faisant largement appel aux technologies de l’information et de la communication.

Auteur

Parmi les textes du printemps, un premier arrêté du 29 mars 2017 fixant la liste des impôts ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats(1) précise les modalités du dispositif « dîtes-le nous une fois »(2). Un autre arrêté paru à la date du 12 avril 2017 est relatif aux règles de fonctionnement et d’organisation de l’Observatoire économique de la commande publique. Sans oublier la publication du décret n° 2017-516

Thierry Piette-Coudol Avocat honoraire au barreau de Paris

Références Arrêté du 14 avril 2017 (NOR : ECFM1637256A) Arrêté du 14 avril 2017 (NOR : ECFM1637253A)

Mots clés Données essentielles • Open data • Profil d’acheteur  • Sécurisation

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(1)  Le titre intégral de ce texte est « Arrêté du 29 mars 2017 modifiant l’arrêté du 25 mai 2016 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l’attribution de marchés publics et de contrats de concession ». Le dispositif permet aux candidats de ne plus fournir les documents que l’acheteur peut obtenir lorsqu’un système électronique de mise à disposition des informations administré par un organisme officiel existe. Se reporter à la fiche explicative sur le site de la DAJ à : www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_ publics/dematerialisation/Fiche_DLNUF_20170316.pdf (2)  Cf. www.modernisation.gouv.fr/mots-cle/dites-le-nous-une-fois

Contrats Publics – n° 178 - Juillet - Août 2017


Dossier

Réglementation des contrats publics : actualité des textes officiels

du 10 avril 2017 portant diverses dispositions en matière de commande publique(3) avec lequel nous nous rapprochons du cœur du sujet. Afin d’alléger les démarches des acheteurs, ce décret prévoit que ceux-ci offrent, sur leur profil d’acheteur, pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 25 000 euros HT(4) et conclus à partir du 1er octobre 2018(5), un accès libre, direct et complet aux données essentielles des marchés publics(6). Ces deux concepts essentiels de la réforme y figurent et annoncent des textes spécialisés. À l’occasion de la réforme des marchés publics, la Direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère des Finances a élaboré un plan national de dématérialisation des marchés publics pour sensibiliser les acheteurs publics. Le plan s’organise autour de dix mesures parmi lesquelles on remarquera les axes suivants : « 2. Encourager la mutualisation des profils d’acheteurs et élargir les services rendus » et « 3. Imposer les fonctionnalités minimum des profils d’acheteurs ». Concrètement les mesures adaptées sont définies par deux textes du même jour : l’arrêté du 14 avril 2017 relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d’acheteurs et l’arrêté du 14 avril 2017 relatif aux données essentielles dans la commande publique. Autour du concept commun de profil d’acheteur, les exigences en termes de sécurisation sont présentées à partir du premier arrêté, alors que le second qualifie les données essentielles des profils au regard de la transparence et de la modernisation de la vie économique.

(3)  Le décret est pris en application de textes en dehors du secteur des marchés publics : la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine et la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Ces deux lois provoquent la modification des décrets n° 2016-360 relatif aux marchés publics et n° 2016-361 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité, du décret n° 20131211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics, ainsi que du code de la construction et de l’habitation et du code de la défense.

Dématérialisation et sécurisation du profil d’acheteur Dématérialisation des procédures sur le profil d’acheteur Après des débuts délicats, le profil d’acheteur, une notion d’accès difficile pour les néophytes, un premier arrêté du 14 avril 2017 fixe utilement les idées. ●●

Notion de profil d’acheteur

La communication électronique entre l’administration et ses usagers a été organisée par l’ordonnance n° 20051516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, largement démembrée au profit du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Elle peut solliciter différents vecteurs : l’Echange de Formulaires Informatisés (EFI), la messagerie électronique et surtout les téléservices. En effet lorsque les contraintes techniques de l’environnement réglementaire de certaines formalités sont importantes, l’usager n’étant pas nécessairement équipé comme il faudrait, c’est à l’administration de mettre en place les moyens techniques nécessaires à travers un téléservice(7). Ainsi selon l’article L. 112-9 du CRPA, l’administration peut créer un ou plusieurs téléservices pour l’accomplissement par l’usager de formalités par voie électronique. Cette innovation se doit de respecter la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés. Les modalités des téléservices présenter, à leur tour, une large palette de moyens techniques, comme l’avait indiqué précédemment le rapport au Président de la République sur l’ordonnance n° 2014-1330 du 6 novembre 2014 relative au droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique, depuis la simple adresse électronique dédiée jusqu’à la plate-forme de dématérialisation en passant par le profil d’acheteur connu dans le secteur des marchés publics. La notion de profil d’acheteur est propre au secteur des marchés public tout en se rattachant à l’expression « système d’information » créée par l’ordonnance n° 2005-1516 précitée. Dans des dispositions toujours en vigueur, l’ordonnance instaure des référentiels applicables aux échanges électroniques : les référentiels

(4)  En deçà de ce seuil de 25 000 euros, les acheteurs ne seront pas soumis à ces obligations relatives à l’open data prévues aux articles 107 du décret n° 2016-360 et 94 du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016. (5)  Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 41 : « toutes les communications et tous les échanges d’information sont effectués par des moyens de communication électronique lorsqu’une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter du 1er Avril 2017 pour les centrales d’achat et du 1er octobre 2018 pour les autres acheteurs ». (6)  Fiche explicative à l’URL suivante : www.economie.gouv.fr/ files/files/directions_services/daj/marches_publics/actualites/ftdecret-2017-516.pdf

Contrats Publics – n° 178 - Juillet - Août 2017

(7)  Un téléservice est défini comme « tout système d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches ou formalités administratives » par l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 demeuré en application.

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Viedes contrats

Passation

Les acheteurs peuvent-ils insérer une « clause Molière » dans les CCAP des marchés publics ? L’insertion dans le CCAP d’un marché public d’une clause visant à favoriser le recrutement de personnels parlant et comprenant le français a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. À quels risques s’exposent les acheteurs publics qui décident d’intégrer cette clause dite « Molière » dans les CCAP ?

M

olière a écrit « les langues ont toujours du venin à répandre » dans la pièce Le Tartuffe(1).

À l’origine, la clause Molière, qui a été insérée dans le cahier des charges d’un marché public de travaux lancé par la ville d’Angoulême, vise à favoriser le recrutement de personnels parlant et comprenant la langue française (ou qu’ils soient accompagnés d’un interprète en langue française) pour des raisons de sécurité sur le chantier. Sont, ainsi, clairement visés par l’application de cette clause le recours au travailleurs détachés exerçant sur le territoire français. Par ailleurs, la clause Molière impacte, également, les opérateurs soumissionnaires français recrutant des travailleurs étrangers légalement établis en France, notamment les réfugiés, les demandeurs d’asile, ou les autres travailleurs étrangers ayant un titre de séjour attaché à un travail temporaire ou saisonnier, qui acquittent en France l’intégralité des charges sociales attachées à leur emploi.

Le fondement juridique du recours aux travailleurs détachés Auteur

D’une part, doit être citée la directive européenne 96/71/ CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre

Nadia Saïdi Avocat au Barreau de Paris

Mots clés

Concurrence sociale et fiscale • Référés • Risques • Travailleurs détachés

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(1)  Cf. Acte / Scène : Le Tartuffe, V, 3, le 12 mai 1664.

Contrats Publics – n° 178 - Juillet - Août 2017


Viedes contrats

Passation

1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services(2).

D’autre part, cette directive a été transposée en droit français par de nombreux textes règlementaires(3) .

La directive prévoit la mobilité temporaire des travailleurs s’appuyant sur le principe communautaire de libre prestation de services. Partant, ils sont autorisés à exercer leur activité dans l’État membre dont ils sont originaires. Toutefois, ils sont autorisés à travailler temporairement et durant un temps limité dans un autre État membre de l’Union européenne afin d’exercer des prestations de services.

Ainsi, le recours aux travailleurs détachés est encadré, notamment, par les dispositions de l’article L. 1262-1 du Code du travail(4).

Étant entendu que ladite directive européenne prévoit trois types de détachements comme suit : – une entreprise, qui serait établie dans un État membre, envoie ses employés dans un autre État membre pour y fournir un service (dans le cadre d’un contrat commercial ou de sous-traitance) ; – des travailleurs employés par des agences d’intérim ou de placement ; – le transfert temporaire de salariés entre des entreprises ou établissements d’un même groupe établis dans ses états membres différents.

(2)  considérant que, en vertu de l’article 3 point c) du traité, l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes et des services constitue l’un des objectifs de la Communauté ; considérant que, en ce qui concerne la prestation de services, toute restriction fondée sur la nationalité ou des conditions de résidence est interdite par le traité depuis la fin de la période de transition ; considérant que la réalisation du marché intérieur offre un cadre dynamique à la prestation de services transnationale en invitant un nombre croissant d'entreprises à détacher des travailleurs en vue d'effectuer à titre temporaire un travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel ils accomplissent habituellement leur travail ; considérant que la prestation de services peut consister soit dans l’exécution de travaux par une entreprise, pour son compte et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre cette entreprise et le destinataire de la prestation de services, soit dans la mise à disposition de travailleurs en vue de leur utilisation par une entreprise, dans le cadre d’un marché public ou d’un marché privé ; considérant qu'une telle promotion de la prestation de services dans un cadre transnational nécessite une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs ; considérant que la transnationalisation de la relation de travail soulève des problèmes quant au droit applicable à cette relation de travail et qu'il convient, dans l'intérêt des parties, de prévoir les conditions de travail et d'emploi applicables à la relation de travail envisagée ; (…). »

Contrats Publics – n° 178 - Juillet - Août 2017

Dès lors, se pose la question de l’intérêt, notamment pour les acheteurs publics, de retenir des offres déposées par des entreprises ayant recours à des travailleurs détachés. À la vérité, le coût des travailleurs détachés s’avère être nettement inférieur au coût des travailleurs non détachés eu égard aux minima salariaux, aux taux de cotisation des employeurs et de l’assiette retenue. L’entreprise ayant recours à des travailleurs détachés bénéficie, ainsi, d’avantages fiscaux et sociaux et donc, leurs offres sont plus compétitives pour les acheteurs publics. Il ressort de la lettre du Trésor Eco en date de juin 2016(5) que la France est le deuxième État européen d’accueil des travailleurs détachés : « La France est le deuxième pays d’accueil en Europe après l’Allemagne, avec 229 000 salariés détachés en 2014, soit moins de 1 % de la population active française. La France fait aussi partie des trois pays qui détachent le plus de travailleurs derrière la Pologne et l’Allemagne. Le profil type du travailleur détaché en France est un ouvrier de nationalité polonaise, portugaise, espagnole ou roumaine qui travaille dans le secteur de la construction. »

(3)  Décret n° 2000-462 du 29 mai 2000 pris pour la transposition de l’article 6 de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le code du travail ; décret n° 2000-861 du 4 septembre 2000 relatif au détachement, dans le cadre d'une prestation de services, de salariés d'entreprises non établies en France modifiant et complétant le décret n° 94-573 du 11 juillet 1994 pris pour l'application de l'article 36 de la loi quinquennale relative à l'emploi, au travail et à la formation professionnelle ; décret n° 2016-27 du 19 janvier 2016 relatif aux obligations des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la réalisation de prestations de services internationales. (4)  Code du travail, art. L. 1262-1 : « Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement est réalisé : 1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ; 2° Soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ; 3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire. » (5)  Lettre Trésor Eco, juin 2016, n° 171, « Concurrence sociale des travailleurs détachés en France : fausses évidences et réalités ».

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