EXPRESSO #4 2023/01/07

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07.01.2023

FRANCE

P.2-3

Burn-out des prêtres n Isolés et critiqués suite aux abus sexuels dans l’Eglise, leur vocation vacille.

AFP INTERNATIONAL

P.4-5 Ukraine : les orthodoxes divisés n L’influence de Moscou sur l’Eglise est contestée.

AFP

ECO/CONSO

P.6-7

Les touristes chinois de retour en France n L’année 2023 est prometteuse pour le secteur.

SPORT

P.8 Football VS Rugby n A Bordeaux, deux passions qui n’empêchent pas la cohabitation.

CULTURE

P.9 Les écoles d’art en crise n Des étudiants et professeurs tirent la sonnette d’alarme.

EXPRESSO Le poison des Antilles

Chlordécone

Un non-lieu a été prononcé dans le scandale sanitaire provoqué par le pesticide en Guyane et en Martinique. Le combat continue pour les victimes.

QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE

Chlordécone : « un véritable déni de justice »

n Vendredi, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé un non-lieu définitif dans l’affaire du chlordécone, scandale sanitaire en Martinique et en Guadeloupe. Les victimes de l’insecticide ont annoncé vouloir faire appel.

Fin du premier acte dans l’affaire du chlordécone. La justice s’est officiellement prononcée en faveur d’un non-lieu dans le dossier du chlordécone, au grand dam des victimes. Le produit phytosanitaire, épandu dans les plantations bananières de Guadeloupe et de Martinique, entre 1972 et 1993, serait responsable de l’empoisonnement de 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais. La décision du tribunal judiciaire de Paris met ainsi fin à dix-sept années de procédure. Une situation qui questionne l’efficacité du système judiciaire français, alors que le parquet reconnaît « un scandale sanitaire ».

Une instruction « bâclée »

Pour les principaux concernés, le constat est sans appel. « C’est inadmissible que plus de 90 % des Guadeloupéens et Martiniquais soient malades à cause de cette molécule et qu’on n’instruise même pas ce dossier », s’insurge auprès de L’Expresso Didié Bérald, président de l’association FGK Festival Gwoka en Guadeloupe, à l’origine de manifestations à Paris, en mai 2021, en soutien aux victimes. Si les magistrats mettent en avant la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés », et « l’état des connaissances techniques ou scientifiques » de l’époque, les parties civiles contestent ces arguments. Pour Christophe Lèguevaques, avocat de

FAITS DIVERS

plusieurs parties civiles, ce non-lieu n’est pas une surprise, comme il l’explique à L’Expresso : « On s’y attendait. Cela fait deux ans que le Parquet prépare ce nonlieu en distillant des éléments allant dans ce sens, mais cela reste injuste. » Plus virulent dans ses propos, Louis Boutrin, avocat de l’association Pour une écologie urbaine , parle d’une « instruction bâclée » et « un véritable déni de justice »

Prescription ou pas ?

Au cœur des revendications de la défense, l’irrecevabilité de la prescription. Dans un dossier de 239 pages, Me Lèguevaques a présenté « de nouveaux arguments » contre cette dernière. « La prescription s’applique six ans après l’infraction, sauf qu’aujourd’hui encore, le chlordécone est toujours présent dans la nature et conta-

mine des personnes. La dernière infraction remonte donc à moins de six ans. » Mais pour Didié Bérald, le problème n’est pas là. L’essentiel n’est pas de trouver un coupable mais de dénoncer que « pour produire des fruits, on est passé au-dessus de la vie de plusieurs milliers de personnes »

Substance classée comme cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé dès 1979, le chlordécone n’avait été interdit en France qu’en 1990. Cette interdiction fut décalée de trois ans aux Antilles, du fait de dérogations ministérielles accordées aux producteurs bananiers. Très nocive, la molécule est responsable d’un nombre de cas record de cancers de la prostate dans le monde. À l’aune de tous ces éléments, il semblerait bien que l’on se dirige vers un acte deux dans la bataille judiciaire qui oppose les victimes et l’État.

Deux bébés retrouvés morts dans un appartement

n Les corps de deux bébés ont été retrouvés, à Rumilly en Haute Savoie, dans le logement d’une famille, après un appel alarmant aux secours par la mère. Une enquête a été ouverte par le parquet pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans.

« Catastrophés.

L’incompréhension. Comment peut-on faire une chose aussi monstrueuse ? » C’est un climat d’horreur et de stupéfaction pour les habitants de Rumilly, en Haute-Savoie (74), comme l’exprime Chantal, la boulangère du village, jointe

au téléphone. Les dépouilles de deux bébés ont été retrouvés lors d’une intervention de la gendarmerie le dimanche 1er janvier, comme l’a révélé le Dauphiné Libéré

Un nouveau-né ? C’est celle qui occupe les lieux, une mère de deux enfants âgés de 3 ans et 18 mois, qui a signalé aux autorités la présence des deux dépouilles chez elle. Dans son appel aux gendarmes, la mère de famille disait également vouloir se suicider. Elle est encore hospitalisée et se trouve dans un état psychologique tel, qu’elle n’a pas encore pu être

auditionnée par les enquêteurs. Un scellé posé sur la porte fait état d’une intervention le 1er janvier pour « homicide volontaire aggravé ». Depuis, le parquet a ouvert une enquête pour « meurtre sur mineur de moins de 15 ans ».

La raison ? Des corps dans un état de décomposition avancée retrouvés dans un état squelettique pour l’un, et momifié pour l’autre. Les deux dépouilles étaient « emmaillotées dans une valise », selon le communiqué de presse de la procureure de la République d’Annecy, Line Bonnet-Mathis. Elle ajoute qu’il est impossible de définir

la date des décès et leur cause, même si « la présence d’un cordon ombilical sur un des deux corps permet de supposer toutefois qu’il s’agit d’un nouveau-né ».

Garde à vue. Les deux corps ont été retrouvés dans un appartement de la cité de la Salle, où vivaient une famille de quatre personnes, dont les deux enfants qui ont été placés à l’Aide sociale à l’enfance. Le père, quant à lui, ne se trouvait pas sur place au moment de l’intervention de la police et sa garde à vue a été levée vendredi au matin.

02 - EXPRESSO - 7 JANVIER 2023 FRANCE
SANTÉ
Manifestations de victimes à Fort-de-France en février 2021 (Lionel Chamoiseau.AFP)

Le burn-out à l’ombre du clocher

n Avec 60 % de diocèses qui n’ont pas eu d’ordination, l’année 2022 a confirmé la baisse des effectifs de l’Église catholique. Derrière les bancs du clergé qui se vident, monte un profond sentiment de surmenage chez les prêtres.

Les funérailles de Benoît XVI ont bouleversé les fidèles du monde entier, lui qui a été le premier pape à se retirer de sa fonction pour des « raisons de santé » Ce motif est de plus en plus invoqué par des prêtres à bout de souffle. Pour être « bien dans le Christ », selon l’expression en vogue, encore faut-il être en bonne santé. En 2020, une enquête ordonnée par la Conférence des évêques de France a relevé la surcharge de travail « permanente » d’un prêtre sur cinq. Avec une moyenne de 9,4 heures de travail par jour, les prêtres n’ont « plus le temps de prier », comme le raconte Vincent Pinilla, vicaire aux paroisses de Saint Maurice. Fier de « s’investir pleinement » dans sa « vocation », il n’en reste pas moins débordé : « Gérer la logistique, préparer l’homélie, militer pour rénover les églises : le burnout nous guette », conclue-t-il. En un quart de siècle, le nombre de prêtres en France a été divisé par deux, selon les ordinations françaises publiées en juin

EN BREF

POLITIQUE

Emmanuel Macron veut « mieux rémunérer les médecins » n Le président de la République a présenté ses vœux au monde de la santé depuis l’hôpital de Corbeil-Essonnes ce vendredi.

Cette baisse s’accompagne d’une « déchristianisation de la France » : entre 1981 et 2018, la part des Français croyants a baissé de 62 % à 50 %, selon l’enquête européenne sur les valeurs (Arval). Pour Olivier Chatelan, maître de conférences en religion à Lyon 3, la « contestation de la figure du prêtre », notamment depuis les rév lations sur les abus sexuels, joue dans cette perte d’influence. Elle crée chez eux un « sentiment de mal-être » : ils sentent qu’ils n’ont « plus la même place » dans la société.

Une sur-implication émotive

Auprès de certains prêtres, l’attitude désengagée et presque « individualiste » de certains chrétiens ne passe pas. Père Philippe Gauer, de la paroisse

Saint-Pierre Fourier, à Pays Mussipontain, s’attriste de « ne rien recevoir en retour » Sursollicité, il a préféré ne pas s’encombrer d’une présence numérique sur les réseaux sociaux, qui, si elle peut sensibiliser de nouveaux publics à la foi, n’est pas toujours compatible avec une journée « de 8 heures à 23 heures ». Quand poser des jours off devient un privilège, cette « disponibilité permanente » donne l’impression que le « droit à la déconnexion n’est plus garanti ». Père Thomassin, curé de la paroisse à Nancy, est aussi passé par une phase d’hyperactivité et de « surmenage mental » à force de « vouloir sauver » tous ses paroissiens. Cinq prêtres et trois curés y gèrent à eux seuls 61 clochers. À l’entendre, il ar-

rive fréquemment que l’église soit désertée dès que le clocher sonne la fin de la messe.

« Pas là pour jouer au héros, mais pour durer »

Un constat peut toutefois rassurer : des voix s’élèvent, plus lucides sur le quotidien des prêtres. Notamment dans des ouvrages comme Prêtres en morceaux de l’évêque de Nanterre Gérard Daucourt, sorti en 2022, qui rappelle qu’un prêtre « peut se briser » quand « la vocation devient une impasse » . Dans ce sillage, des structures telles que Talenthéo ou Alpha organisent des coachings chrétiens pour donner aux prêtres des « tips » afin de conserver une hygiène de vie et « s’intégrer » à la vie communautaire.

Chritian Maheas, prêtre à la paroisse de Belleville, « ne compte pas ses heures » et confirme que la présence d’un « aîné dans la foi », qui accompagne spirituellemnt les prêtres, est primordiale. Après vingt ans de sacerdoce, il veille à son tour sur deux jeunes prêtres. Soucieux de leur « transmettre cette exigence du bien-être personnel », il leur montre qu’il est important de savoir écouter son corps et de « rester entouré ». Car, leur répète-t-il, un prêtre n’est « pas là pour jouer au héros », il est « là pour durer ».

Dans son discours très attendu, il s’est engagé à prendre des mesures phares. Parmi elles, « mieux rémunérer les médecins », passer de 4 000 places d’assistant médicaux à 10 000 et sortir de la tarification à l’acte. Néanmoins, e plan du président pour sortir l’hôpital public de ses difficultés ne convainc pas l’association des médecins urgentistes de France.

TRANSPORTS

RATP : les conducteurs de bus gagneront plus et …travailleront plus n Un accord a été conclu entre les syndicats FO et Unsa, majoritaires à eux deux, et la direction. La rémunération mensuelle des 18 000 conducteurs de bus et de tramway sera augmentée de 272 euros bruts par mois. En revanche ils devront travailler 120 heures supplémentaires par an et disposeront de six jours de congé en moins.

Avec cet accord, la RATP espère « retrouver le plus rapidement possible » un niveau de service de qualité. Outre l’augmentation de salaire qui interviendra dès janvier, les conducteurs de bus et de tramways vont bénéficier d’une hausse de 20 % d’une prime de qualification-pénibilité.

JEUNESSE

Service national universel, le gouvernement en opération séduction n La secrétaire d’État Sarah El Haïry s’est rendue vendredi dans un lycée de Concarneau (Finistère) pour inciter les élèves à s’engager dans le Service national universel (SNU), peu après l’annonce de sa « généralisation » par Emmanuel Macron, lors de ses vœux du 31 décembre. Le SNU avait pour objectif de faire partir chaque année 600 000 jeunes de 18 à 21 ans pour un service militaire obligatoire. Il avait finalement été réduit pour n’accueillir que des volontaires et ne s’adresse désormais qu’aux 15-17 ans. Seuls 32 000 jeunes se sont inscrits l’année dernière. Dans un rapport, le Sénat a remis en question la pertinence du dispositif en raison de son « manque d’attractivité ».

FRANCE ÉGLISE
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Le part des croyants a chuté de 12 points en 40 ans (Sakis Mitrolidis.AFP) (Ludovic Marin.AFP)

En Ukraine, une scission très orthodoxe

n Vladimir Poutine avait annoncé vouloir mettre en place un cessez-le-feu vendredi et samedi, pas suivi au premier jour, pour que les fidèles puissent fêter le Noël orthodoxe en paix. La communauté est au coeur d’une bataille culturelle, où Moscou cherche à peser de tout son poids.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, la scission religieuse entre les deux pays a fini de s’achever. Des deux côtés de la frontière, les fidèles orthodoxes sont en très grande majorité : ils représentent 65 % de la population en Ukraine et 75 % en Russie. Cela fait déjà plusieurs décennies que Kyiv cherche à s’éloigner de l’influence de l’Église orthodoxe russe, connue pour sa proximité avec le Kremlin.

Cette année, une partie des Ukrainiens ont célébré Noël le 24 décembre, comme l’ensemble des autres chrétiens, une première dans le pays. Conséquence : cette annonce a irrité Moscou, qui a toujours perçu l’orthodoxie comme un moyen de garder son influence

LIBERTÉ DE LA PRESSE

culturelle dans une partie des anciens pays du bloc soviétique.

Instrument de softpower

L’Église orthodoxe s’est alignée depuis le début de la guerre sur les positions russes. En mars, Cyrille de Moscou, patriarche de Moscou, avait déclaré que la Russie menait « une guerre métaphysique contre les forces du mal » en Ukraine, re-

prenant ainsi l’argumentaire de Vladimir Poutine. Ce rôle attribué à l’Église est central depuis plusieurs décennies en Russie, selon Christophe d’Aloisio, directeur de l’Institut de théologie orthodoxe de Bruxelles : « Staline a toujours voulu que Moscou devienne le centre de gravité du monde orthodoxe, ce qui a conduit à un bras de fer entre Moscou et l’Église de Constantinople, réputée

plus proche des occidentaux ». C’est cette même Église de Constantinople, l’une des plus anciennes du monde orthodoxe, qui a poussé à la création, en 2019, d’une Église orthodoxe ukrainienne, indépendante de la Russie. Lors de l’annonce de sa fondation, on retrouvait aux premiers rangs Petro Porochenko, alors président de l’Ukraine, qui militait depuis des années pour sa création – une petite révolution alors que depuis trois cents ans, le pays était sous le giron de l’Église russe.

Révolution orange

La scission au sein de l’Église orthodoxe est née en 2004, après la révolution orange en Ukraine. « Les patriarches de l’époque faisaient de la propagande pour Ianoukovitch [ancien président ukrainien proche de Poutine, ndlr]. Une scission est alors apparue chez les croyants », explique Christophe d’Aloisio. Depuis le 24 février, le divorce semble être définitivement consommé pour les Ukrainiens, à tel point que l’Église orthodoxe russe en Ukraine à dû annoncer prendre ses distances avec Moscou.

Le nombre de journalistes emprisonnés atteint un record

n En 2023, 534 journalistes sont emprisonnés à travers le monde. Un nombre jamais atteint selon Reporters sans frontières, depuis sa fondation en 1993.

«Libérez Pape Alé » Devant le siège de la Maison de la Presse à Dakar, une centaine de manifestants est réunie mercredi 3 janvier à l’appel d’un syndicat de journalistes sénégalais. Ils demandent la libération de Pape Alé Niang, patron du site d’informations Dakar Matin, de retour en prison depuis le 20 décembre. En grève de la faim depuis un mois et « extrêmement éprouvé »

selon son avocat, le journaliste d’investigation, critique du pouvoir, avait été écroué début novembre pour « divulgation d’infrmations de nature à nuire à la Défense nationale », « recel de documents administratifs et militaires » et « diffusion de fausses nouvelles ». Niang affirme de son côté faire « l’objet d’un acharnement et d’une persécution abominable » de la part du pouvoir sénégalais qui a « décidé de [le] faire taire à tout prix ».

Symptôme mondial. La détention de Pape Alé Niang, qui a suscité une vague de critiques dans la société civile sénégalaise contre les autorités, est

symptomatique de l’emprisonnement des journalistes dans le monde. Les régimes les plus autoritaires rassemblent bien la plupart des 534 détenus répertoriés par l’ONG Reporters sans frontières à travers le monde, comme la Chine (99), la Birmanie (63), l’Iran (47), le Bélarus (32), l’Arabie saoudite (25) ou l’Égypte (24). Mais même là où la situation de la liberté de la presse n’est pas si mauvaise, les journalistes sont menacés. Au Sénégal, la journaliste de l’AFP Éléonore Sense parle de « dérive » à l’Expresso Elle poursuit : « Le cas de Pape Alé Niang inquiète, et la note du Sénégal dans le classement RSF a récemment chuté », pas-

sant de la 49e place en 2021 à la 73e en 2022. Il fait partie des 47 pays qui comptent au moins un ou une journaliste derrière les barreaux.

Moins de morts ? L’emprisonnement des journalistes revêt un paradoxe. Sans la guerre en Ukraine qui a fait huit morts dans la profession, le nombre de journalistes tués à travers le monde aurait continué à atteindre des niveaux historiquement bas (en baisse de 60 % en dix ans), alors qu’il n’y a jamais eu autant de journalistes emprisonnés… Et notamment de femmes, passées de 7 % des détenues à 14,6 % en cinq ans.

CONFLIT INTERNATIONAL
04 - EXPRESSO - 7 JANVIER 2023
L’ex-président ukrainien Petro Porochenko et des patriarches en 2019 à la création de l’Église orthodoxe ukrainienne. (AFP)

TEMPÉRATURES

2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée n Selon Météo-France, la température a atteint 14,5 °C de moyenne nationale sur l’ensemble de l’année en France métropolitaine. Ces extrêmes relevés sont un « symptôme » du changement climatique.

MEXIQUE

Le fils du narcotrafiquant « El Chapo » arrêté n Les autorités mexicaines ont capturé à Culiacan jeudi Ovidio Guzman, 32 ans, fils du baron de la drogue emprisonné aux ÉtatsUnis Joaquin « El Chapo » Guzman. L’opération pour l’arrêter a fait 29 morts. Il est soupçonné de diriger la faction Los Menores, liée au cartel de Sinaloa, fondé par son père il y a quarante ans.

AFRIQUE DE L’EST

Révélations sur les forages pétroliers de Total n Une enquête de RFI publiée vendredi dévoile les pratiques de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie. Le projet du groupe prévoit de déboiser des forêts et des mangroves, de déplacer des populations, d’installer des puits de pétrole dans une zone forestière sensible, ainsi qu’une pipeline dans un parc national.

ALLEMAGNE

Affrontement imminent à la Zad de Lützi n Tensions à Lützerath (Rhénanie), symbole de la lutte des écologistes allemands contre les mines du charbon. Un bus berlinois a rejoint jeudi les zadistes, qui usent de flèches incendiaires et de balles de paille enflammées contre la police. La zone doit être vidée pour le 10 janvier, sur demande du propriétaire, le géant de l’énergie RWE.

ARABIE SAOUDITE

Le gouvernement censure Wikipédia n Deux contributeurs à l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia ont été arrêtés pour « violation de la morale publique » et condamnés à des peines de 8 et 32 ans de prison. Les ONG locales dénoncent ces interpellations.

CLIMAT Les glaciers fondent et les larmes coulent

n Une nouvelle étude parue dans la revue Science annonce que la fonte des glaciers sera plus rapide que prévue, même dans les scénarios climatiques les plus optimistes. Les conséquences sont déjà visibles.

La moitié des glaciers du monde sont condamnés à disparaître avant 2100.

C’est le résultat d’une nouvelle étude, publiée jeudi dans la revue Science. 49 % des 200 000 glaciers de la Terre sont menacés, d’après l’analyse d’images satellites. Et ce, dans le scénario le plus optimiste du réchauffement climatique : une hausse de 1,5 °C – les estimations les plus récentes du Giec l’estimant à 2,7 °C. Si les petits glaciers fondront en premier, chaque dixième de degré peut compter pour limiter la fonte des plus gros.

Les Alpes en danger

Un des auteurs de l’étude, le glaciologue Matthias Huss, avait participé en 2019 aux « funérailles symboliques » d’un glacier suisse, le Pizol. L’Europe sera particulièrement touchée par la fonte, explique Christian Vincent, glaciologue au CNRS. « Dans les Alpes,

EXPLOITATION

tous les glaciers situés en dessous de 3 500 mètres vont disparaître avant 2050 », rapporte-t-il, admettant que la rapidité a surpris les chercheurs. « En montagne, la fonte des glaciers fait déjà des dégâts et des victimes », explique Ludovic Ravanel, chercheur et spécialiste de haute montagne. En déstabilisant les blocs rocheux, elle menace des vallées et provoque des éboulements.

Effet papillon

« Mais les conséquences de la fonte vont toucher des popu-

lations très éloignées des glaciers », poursuit-il : la hausse du niveau des mers, mais aussi la baisse des stocks d’eau douce. Or, par l’intermédiaire des torrents et des fleuves, ces réserves permettent l’irrigation agricole, la production d’hydroélectricité, le refroidissement des centrales nucléaires… Ludovic Ravanel explique que pour limiter la perte des gros glaciers, il n’y a qu’une solution, connue depuis longtemps : « Une réduction drastique des gaz à effet de serre. »

Fonds marins, problèmes abyssaux

n Les négociations sont tendues au sein de l’Autorité internationale des fonds marins. Les écologistes dénoncent les dégâts irréversibles de l’industrie minière sur l’environnement et demandent un moratoire.

Exception faite des spécialistes du droit de la mer, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) reste peu connue. Pourtant, cette institution, créée en 1994, a un pouvoir conséquent sur l’avenir de la Terre. Son autorité se porte sur un espace maritime gigantesque déclaré « patrimoine commun de l’humanité » par l’ONU. L’AIFM, qui compte 168 membres, a le pouvoir de délivrer des per-

mis d’exploration d’une durée de quinze ans renouvelables. Depuis 2011, elle prépare un code minier pour intensifier les extractions que certains États et entreprises souhaiteraient voir adopté dès juillet.

Thallium, cobalt, nickel, or…

Les fonds marins sont riches, les compagnies minières l’ont compris. Récemment, la tension se cristallise autour de l’attribution des contrats d’exploitation, dans un contexte de prise de conscience écologique.

« La préservation de l’environnement était secondaire jusqu’à maintenant », affirme Jérôme Chacornac, spécialiste en droit de la mer à l’université Panthéon-Assas à Paris.

Les ONG pour la protection de l’environnement ont déjà alerté

sur les dangers de cette pratique qui provoque la disparition de nombreuses espèces marines dont certaines n’ont même pas encore été répertoriées. « Il y a une inégalité de traitement entre les pays influents qui obtiennent les autorisations et les pays qui subissent les conséquences écologiques de cette exploitation », poursuit l’expert. Les militants de Greenpeace ont lancé une pétition pour stopper le projet : « Les entreprises veulent envoyer au fond de l’océan des bulldozers pour retourner des tonnes de sédiments, pilonnant au passage des milliers d’espèces. » Cette année, le débat risque d’être tourmenté. Prochaines négociations en mars.

ÉCOLOGIE
EN BREF
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Une participante aux funérailles du glacier Pizol, en 2019. (AFP)

2023 : le retour du tourisme perdu

n Après trois ans de politique zéro Covid, la Chine s’ouvre à nouveau au monde. Une excellente nouvelle pour le secteur du voyage français qui peine à redémarrer depuis la pandémie.

Ils sont de retour. Le 26 décembre Xi-Jinping a annoncé le déconfinement des Chinois. « C’est une excellente nouvelle », se réjouit Inès de Ferran, responsable de la communication à l’Office du tourisme de Paris. Conditionné à un test PCR à la sortie de l’avion, le retour des visiteurs en provenance de Chine devrait, toutefois, être progressif : une décision commune aux 27 pays de l’Union européenne, prise cette semaine, en réponse à l’augmentation des cas. « On reçoit déjà des demandes de réservations dans les hôtels Hilton de la capitale pour le mois de février », annonce Noémie Roux, coordinatrice de l’agence Mon Petit Paris. Elle espère toutefois que cette décision n’aura pas « d’impact » sur « le nombre de touristes attendus »

5,5 % des visiteurs

Cette nouvelle sonne comme un espoir pour le tourisme français. En 2019, la France était la

première destination touristique mondiale avec 90 millions de touristes étrangers. Le tourisme est ainsi un secteur économique majeur pour le pays, représentant 8 % de son PIB et environ 2 millions d’emplois directs et indirects, selon les chiffres du Trésor. Cette même année, l’offre touristique chinoise constituait 5,5 % des visiteurs internationaux dans les hôtels du Grand Paris. « Il s’agit d’un des plus hauts paniers de nos recettes touristiques », précise Inès de Ferran. Dans une étude réalisée par l’office du tourisme publiée jeudi, 46 % des Chinois

auraient l’intention de revenir en France d’ici un à deux ans. Chaque visiteur chinois dépense en moyenne 191 euros par jour soit, 1 128 euros de budget moyen par personne à l’échelle d’un séjour. Ce qui représente 1 065,8 millions d’euros de recette touristique par an. Disneyland Paris se réjouit du retour de ces « fidèles visiteurs »

Reprise difficile

Une bonne nouvelle, après une reprise difficile. La crise du Covid-19 a entraîné un effondrement du tourisme mondial qui a largement affecté

la France, « même si elle a mieux résisté que ses partenaires », précise un analyste de la Direction générale du Trésor. En 2020, le tourisme français a chuté de 49,7 %, contre une baisse de 77,2 %, cette même année au Japon. À titre de comparaison, lors des attentats de 2015, le tourisme français chuté de 5,2 %.

L’année 2022 s’est, toutefois, montrée « prometteuse » dès la fin du troisième trimestre, explique la coordinatrice de Mon Petit Paris. Un optimisme partagé par Anne-Sophie de Gasquet, directrice de Paris Musées. En 2022, ses établissements ont enregistré 4,5 millions de visiteurs, « c’est un chiffre historique », a-t-elle dit à France Info jeudi. En guise de comparaison, Paris Musées avait comptabilisé 2,2 millions de visiteurs en 2021 contre 3 millions par an, en moyenne, avant la crise du Covid. Non seulement les touristes reviennent mais ils sont plus nombreux qu’avant la crise sanitaire. Avec le retour progressif des voyageurs chinois, « l’année 2023 promet d’être exceptionnelle pour le secteur touristique », se réjouit Maud Guérin, analyste au pôle économie du tourisme au Trésor.

n Le Consumer Electronics Show est de retour à Las Vegas. Alors que de nombreuses entreprises de la tech sont en crise, le salon fait sa mue et les Français tentent de se faire une place.

Après deux années perturbées par la crise du Covid-19, le Consumer Electronics Show (CES) tente de revenir en force. Une fois de plus les acteurs de la tech du monde entier se rassemblent à Las Vegas, de jeudi à dimanche. Les chiffres de la fréquentation du salon sont bons : plus de 100 000 personnes, grâce notamment au retour des géants de la Silicon Valley absents l’an dernier.

Malgré tout, le contexte de crise que traverse le secteur se ressent dans le design de cette édition 2023. Autrefois lieu saint des gadgets technologiques en tout genre, le salon est traversé cette année par une injonc-

tion à « plus de bon sens », selon les mots de plusieurs exposants.

Pénuries de semi-conducteurs, licenciements de masse (Meta, Amazon, Twitter) après une forte croissance favorisée par les confinements successifs : la période de récession qui s’installe n’encourage pas à la démesure ni au

poursuivre, puisque selon Han Jong-hee, PDG de Samsung, la crise de la tech va « continuer en 2023 ». Dans un entretien accordé vendredi au Wall Street Journal, le Sud-Coréen a néanmoins estimé que ces périodes sont propices aux opportunités. Les start-up françaises les saisiront peut-être.

« show-off ». Ce retour à la raison se lit d’ailleurs dans le thème donné à l’édition 2023 : la sécurité humaine au service de tous. Innovation durable, mobilité douce, urbanisme maîtrisé et même le « mieux vieillir », le maître mot est : ralentir. Cette tendance devrait se

La french tech, forte de 200 représentants au CES, n’a, elle, pas l’intention de décélérer, comme s’en réjouit Nicolas Dufourcq, directeur de la Banque publique d’investissement. « Même si un ralentissement s’annonce, on est devenu le deuxième écosystème de startup européen, derrière la Grande-Bretagne », avançait-il vendredi sur BFM Business. Après une année 2022 record qui s’est achevée autour de 14 milliards d’euros de levées de fonds, la délégation française à Las Vegas affiche ses ambitions notamment dans les technologies qui se mettent au service du climat.

06 - EXPRESSO - 7 JANVIER 2023 ÉCO / CONSO
INNOVATION Au CES de Las Vegas, la french tech
reboot POST-COVID
se
En Chine, les restrictions ont pris fin le 26 décembre (J;Taylor.AFP)
start-up
«
On est devenu le deuxième écosystème de
européen »
Nicolas Dufourcq, DG de la BPI

«

Ce ne sont pas les plus pauvres qui volent »

n Sur les huit derniers mois de 2022, 17 % de plaintes supplémentaires ont été enregistrées pour vol à l’étalage du fait de l’inflation. Les supermarchés tentent de contourner le problème. Reportage dans le XVIIIe arrondissement.

«Dès que je vois quelqu’un de suspect, je tourne dans le magasin vérifier. Mais il y a des gens riches qui volent. Une fois, un homme passe la porte avec un très beau manteau. Puis, je le vois au fond du magasin en train de charger des crevettes dans ses poches intérieures. Il y en avait pour plus de 250 euros de produits ! ». Des voleurs, Kom en attrape chaque semaine par poignées. C’est son métier. Vigile dans un supermarché de surgelés Picard. En plus de vingtcinq ans de carrière, le sexagénaire en a vu de toutes les couleurs. D’après son expérience, tout le monde vole, des clients de tout âge et de toute classe sociale. Pierre, 32 ans, travaille dans une supérette G20 à quelques minutes à pied de Montmartre.

Responsable du matin, il fait le même constat que Kom : « Tout le monde vole. Un jour c’était une enseignante qui nous a volé du saumon. Ce ne sont pas les plus pauvres qui volent. » Embaucher un vigile coûterait trop cher à son commerce, c’est donc à lui et son équipe d’être à l’affût des clients mal intentionnés.

Un algorithme révolutionnaire

À quelques pâtés de maison de là, se trouve le magasin de François, un autre G20. Directeur de son commerce depuis plus de vingt-cinq ans, le quinquagénaire a opté pour un système de surveillance vidéo de pointe. En payant un abonnement mensuel, un algorithme analyse les images de sa caméra. Le moindre mouvement est décrypté. François et ses employés reçoivent une notification sur leur smartphone à chaque geste suspect. « On est parfois alerté quand un client met un article dans son sac de course puisque l’algorithme analyse uniquement le comportement gestuel », nuance le gérant. Ce dispositif lui évite l’embauche d’un vigile supplémentaire :

ÉNERGIES RENOUVELABLES

« C’est l’algorithme qui fait tout le travail », se réjouit-il. D’autres enseignes préfèrent la méthode à l’ancienne. Dans le Picard de Kom, les caméras servent uniquement à dissuader. Il n’y a personne au poste de contrôle.

« Au lieu de voler, demandez ! » « Nous n’avons pas le droit de fouiller dans les sacs à main des femmes, même quand on a des soupçons. Il faut être sûr à 100 % pour demander d’ouvrir sinon ça peut se retourner contre

Bruno Le Maire veut mettre l’industrie au vert

n Alors que les députés voteront mardi un texte visant à accélérer le développement des énergies renouvelables, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé, lors de ses vœux, un futur projet de loi sur l’industrie verte.

Faire de « la France la première nation de l’industrie verte en Europe » C’est l’objectif affiché par Bruno Le Maire lors de l’annonce, jeudi, d’un nouveau projet de loi pour le printemps prochain. Le texte se veut ambitieux mais ses contours restent encore flous. Pas encore de mesure concrète mais le locataire de Bercy a présenté des lignes directrices ayant pour vocation d’« inciter à la décarbonation de l’industrie ». La stratégie du ministre est de miser sur « la production d’hydrogène, d’électrolyse,

des batteries électriques, du nucléaire et des énergies renouvelables »

Stratégie de séduction

Pour y parvenir des outils fiscaux incitatifs seront lancés, ainsi qu’un cadre réglementaire simplifié (ouverture plus facile d’usines) et un financement via l’épargne privée, type livret vert. Bruno Le Maire veut, grâce à ce texte, renforcer l’attractivité de la France et accélérer la réindustrialisation. Une logique de séduction par l’allègement de la charge fiscale déjà entamée depuis quelques années. « Mieux former » et « intégrer les femmes » à la mutation devraient également constituer deux grands axes du texte. Ce projet de « verdissement de l’industrie » sert de prétexte et répond en réalité à une loi américaine, l’Inflation Reduction

Act (IRA). Celle-ci a été votée l’été dernier aux États-Unis pour favoriser la relocalisation des industries sur le territoire américain grâce à de copieuses aides fédérales.

Coopération européenne Mais, cette réplique de l’IRA ne pourra peser que si elle s’intègre dans une coopération européenne. Bruno Le Maire compte sur le couple franco-allemand pour lancer une version européenne de l’IRA. Le pilotage de cette loi a été confié au député Renaissance Guillaume Kasbarian, président de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Déjà discutée avec l’Élysée et Matignon, la loi devrait être présentée en détails à l’Assemblée au printemps prochain.

o Léonie Guilbaut

nous.» raconte le vigile. Il y aurait un certain laxisme entre ceux qui volent pour se nourrir et ceux qui abusent. Le cœur sur la main, Kom fait partie de ceux qui ont toujours voulu faire la différence : « Parfois, certains clients me disent qu’ils n’ont pas d’argent. Quand c’est des petits plats à 2 ou 2,50 euros, je peux leur en offrir. Mais au lieu de voler, demandez ! Je ne compte même plus combien de fois j’ai payé des plats »

EN BREF

POUVOIR D’ACHAT

La consommation des ménages rebondit de 0,5 % en novembre

n Après une forte baisse de 2,7 % en octobre 2022, les dépenses de consommation des ménages en biens rebondissent légèrement (+ 0,5 %). Cette hausse s’explique essentiellement par l’augmentation de la consommation en produits fabriqués, notamment l’habillement textile.

SNCF

La fin des machines à composter n Une page de l’histoire ferroviaire se tourne. Les machines à composter les billets de train dans les gares vont progressivement disparaître. La SNCF justifie cette décision par le fait que « l’immense majorité des clients » n’en ont déjà plus l’utilité.

ÉCO / CONSO
SUPERMARCHÉ
7 JANVIER 2023- EXPRESSO - 07
En 2022, les plaintes pour vol ont augmenté. (Alexas_fotos/Pixabay)

Bordeaux, à fond les ballons

n Dans la capitale girondine, alors que le club de rugby lutte pour un titre de champion de France, le club de foot, lui, se bat pour remonter dans l’élite. Mais les supporters bordelais continuent d’être fidèles à chacun des deux sports.

Ce samedi, le club de rugby de l’Union Bordeaux-Bègles (UBB) reçoit l’Aviron Bayonnais, au stade Chaban Delmas, pour la 15e journée du Top 14. Dix kilomètres plus loin, les Girondins de Bordeaux affronteront le Stade Rennais en 32e de finale de la Coupe de France. Le club de foot bordelais revient de loin. Le 21 mai 2022, le sextuple champion de France, et deuxième club ayant passé le plus de saisons en Ligue 1, était relégué en Ligue 2, avant de frôler la liquidation judiciaire pendant l’été. « On a eu très peur, il y a eu un gros ouf », se rappelle Elias, ultra des Girondins. Ce même 21 mai 2022, au Stade ChabanDelmas, l’UBB atomisait le Lyon Olympique universitaire rugby 42-10, se qualifiant pour

la phase finale du top 14. Pour la deuxième année consécutive, le club atteindra ensuite les demi-finales, s’affirmant un peu plus comme l’une des grosses écuries du rugby en France.

L’UBB, plus grosse affluence en Europe

Depuis la saison 2014-2015, l’UBB est l’équipe en Europe qui accueille le plus de personnes dans son stade, dépassant les plus grandes équipes Outre-Manche. « Il y a un autre engouement depuis une dizaine d’années », constate Patrick, abonné depuis 2015 à l’UBB. Avec plus de 25 000 personnes

en moyenne depuis le début de la saison, le Stade Chaban-Delmas a un taux de remplissage qui avoisine les 80 %, contre 63 % il y a trois ans. Côté football, le Matmut Atlantique a connu une période creuse, peinant à attirer les foules. « Vers 2017-2018, j’avais l’impression qu’il n’y avait plus personne au stade », confie Axel, abonné aux Girondins. Mais paradoxalement, les mauvais résultats de l’équipe l’an dernier ont ramené du monde. « J’ai plus suivi la relégation et je suis plus la Ligue 2 », confirme Armand, supporter des deux clubs.

Les femmes en pole (dance) position

n Depuis quelques années, la pole dance connaît une popularité grandissante. Entre dépassement physique et acceptation de soi, la discipline ne manque pas d’adeptes.

«Vulgaire », « trop sexy », « aguicheuse »… Longtemps dégradée, la pole dance semble aujourd’hui se démocratiser. Mieux encore, elle s’est progressivement hissée au rang de pratique sportive à part entière au cours des années 1990. Cette discipline, alliant danse et acrobaties à l’aide d’une barre, a aujourd’hui le vent en poupe avec près de 300 écoles. La plupart s’y sont lancés pour la performance physique. C’est le cas de Marie, 25 ans, qui

cherchait à « se renforcer musculairement ». Mais à l’instar de nombreux novices en matière de pole dance, Marie « ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi difficile ». « On a la peau qui brûle, on ressort avec énormément de bleus », confie de son côté Charline, 23 ans, également débutante. « On a tellement de courbatures qu’on se découvre de nouveaux muscles », plaisante Marie. Les deux jeunes femmes sont catégoriques : rien de plus satisfaisant que cette sensation de repousser ses limites.

Car au-delà de l’aspect physique, c’est bien la notion de dépassement de soi qui participe à la popularité de la pole dance. Marie-Adèle, qui s’est lancée dans la discipline en 2021, ex-

plique que le fait de « se sentir capable » d’effectuer une figure est quelque chose d’extrêmement « valorisant ». Marie parle quant à elle d’« empowerment », d’empourvoiment, car la pole dance lui permet d’être « plus à l’aise avec son corps, autant physiquement que mentalement » Mais si la pole dance se veut accessible au plus grand nombre, la discipline a un coût. Les cours restent chers, environ 20 euros de l’heure, et l’équipement peut l’être aussi.

Et si Marie-Adèle insiste sur l’aspect bienveillant de la « communauté », elle souligne toutefois que la pratique reste encore stigmatisée, notamment « au travers du regard des hommes » o Nina Iseni

Bordeaux, « terre de sport » avant tout

L’Union Bordeaux-Bègles, qui vient de passer les 10 000 abonnés, ferait-il de l’ombre à son voisin ? « Les gens qui regardent le rugby sont différents de ceux qui regardent le foot », explique Armand. Au regard des chiffres, le lien entre les deux est loin d’être évident. « Suivre les Girondins, c’est un besoin indépendant des résultats de l’équipe », assure l’ultra Elias.

Exemple criant de cette indépendance : la semaine dernière, vendredi 30 décembre, l’UBB et les Girondins jouaient à quatre heures d’intervalle. Avec sa troisième affluence de la saison (23 363 personnes), les Girondins n’ont pas eu à rougir des 28 127 fans venus supporter l’UBB face à Montpellier, champion de France en titre. Bordeaux est avant tout une « terre de sport » et ne veut pas choisir entre football et rugby, comme l’assure Alain Anziani, président du Conseil de Bordeaux Métropole. Ovale ou rond, à Bordeaux, c’est la cohabitation des ballons.

EN BREF

SURF

Décès du surfeur brésilien Marcio Freine n Âgé de 47 ans, le légendaire surfeur brésilien Marcio Freine est mort jeudi à Nazaré. Il a été retrouvé sur la plage par la sécurité maritime. Il devient ainsi la première victime du plus célèbre spot du Portugal.

RUGBY

Patrick Buisson désigné à la tête de la fédération n Condamné en première instance en décembre, Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby, qui a fait appel, a désigné jeudi le président délégué pour le remplacer à la tête de l’institution. Son choix s’est porté sur Patrick Buisson, jusqu’ici en charge du rugby amateur à la Fédération.

08- EXPRESSO - 7 JANVIER 2023 SPORT
FOOTBALL VS RUGBY
Supporters des deux équipes (Photomontage Juliette Cohen) EMPOWERMENT

Sombre tableau pour les écoles d’art

n  Elles subissent la flambée des prix de l’énergie, mais la crise est surtout structurelle. L’Andéa, association fédérant l’ensemble des établissements publics, demande au ministère de la Culture 6,5 millions d’euros en urgence.

Depuis le 28 novembre dernier, les étudiants de l’École européenne supérieure de l’image (l’EESI) de Poitiers-Angoulême occupent leur école. Au sein du collectif Étudiant.es en art en colère, ils s’alarment du « manque de budget et de l’appauvrissement de la pédagogie ». Ils viennent d’apprendre le possible non-renouvellement des CDD de leurs enseignants, qui sera décidé cet été. Le statut des 37 écoles d’art territoriales a changé en 2010. La grande majorité de ces écoles d’art publiques sont désormais constituées en établissements publics de coopération culturelle. Ces structures sont plus autonomes mais plus fragiles financièrement. Pour Jérôme Dupeyrat, membre du syndicat national des écoles d’art et de design (Snéad-CGT), « les relations avec l’État se sont dégradées ». Il dénonce le « déni » de l’État

Des écoles abandonnées À l’École supérieure d’art et de design de Tours-Angers - Le Mans, deux audits externes ont été lancés. L’un sur son bilan financier et organisationnel, l’autre sur la souffrance au tra-

STREAMING

vail. Les budgets ont été largement amputés et son directeur a démissionné. Même chose à Brest, dont les dépenses ont aussi été sérieusement coupées : en septembre dernier, le directeur a abandonné son poste après plusieurs mois de burn-out. La Snéad voudrait que « l’État assume avec les collectivités territoriales la charge des écoles ». À l’EESI, tous dénoncent « une situation globale de désengagement des pouvoirs publics. Nos écoles dépérissent sous nos yeux ». Par ailleurs, d’autres mobilisations étudiantes ont été engagées à Bourges, Toulouse et Valenciennes. Des initiatives soutenues par la Snéad-CGT.

« C’est un très mauvais signal » À Valenciennes, l’École supérieure d’art et de design (Esad),

structure créée en 1782, est « menacée de fermeture ». Le conseil d’administration vient d’acter jeudi le retrait de l’école de Parcours Sup et le non-recrutement d’étudiants à la rentrée prochaine. Pour Nicolas Guiet, enseignant à l’Esad, « cela annonce une diminution de la masse professorale ». Laurent Degallaix, le maire (Horizons) et président du département, confirme le désengagement de la ville. Sans réponse du ministère de la Culture, une assemblée générale nationale vient d’être fixée au 10 janvier par une fédération de syndicats, d’associations d’étudiants et de collectifs liés aux travailleurs et travailleuses de l’art pour interpeller autant les collectivités territoriales que l’État.

o Olorin Maquindus

Spotify forcé à l’innovation permanente

n Le géant de la musique en ligne propose une nouvelle fonctionnalité : les capsules temporelles. Chacun peut créer une playlist mise sous scellé jusqu’en 2024.

Spotify est en passe de devenir un véritable réseau social de la musique. Avec 31 % des parts totales du marché du streaming musical, la plateforme reste le leader du secteur. Le second, Apple Mu-

sic, en possède 15 %. Cette hégémonie tient de leur « culture de l’innovation », selon Bruno Budson, consultant et auteur d’un mémoire sur la stratégie digitale de l’entreprise. Spotify propose des concepts toujours plus futuristes. Podcasts, rétrospectives ou encore livres audio, les terrains sur lesquels Spotify joue ne cessent de se multiplier. La nouveauté ? Les capsules temporelles, lancées le 4 janvier, qui permettent de créer

des playlists mises sous scellé pendant un an. Derrière ce concept se cache une stratégie bien rodée : « L’effet des réseaux », explique Bruno Budswon. Les utilisateurs sont incités à partager leur capsule temporelle. Ainsi, Spotify a plus de chance d’être téléchargée qu’une autre plateforme par un utilisateur cherchant à écouter de la musique facilement. L’entreprise suédoise est confiante quant aux

BD Bastien Vivès sous le coup de la justice n Retiré de la programmation du festival d’Angoulême, l’auteur de 38 ans et deux de ses maisons d’édition font l’objet d’une enquête pour diffusion d’images pédopornographiques, a indiqué la parquet de Nanterre.

CINÉMA

La Turquie accuse un film de « propagande LGBT » n Sélectionné à Cannes, le film Burning Days du réalisateur Emin Alper rencontre un vif succès en Turquie mais le gouvernement l’accuse de « propagande LGBT ». Le ministère de la Culture turque a demandé le remboursement des aides accordées au réalisateur.

MUSÉE

La directrice du Louvre veut revoir les conditions d’accueil n Face aux problèmes de saturation, la directrice du Louvre, Laurence des Cars, a déclaré au micro de France Info travailler à rendre la visite plus agréable. Après l’ouverture d’une nocturne et l’établissement d’une jauge, elle prévoit une heure d’ouverture quotidienne supplémentaire courant 2023.

LGBT L’acteur Noah Schnapp fait son coming-out n Âgé de 18 ans, l’acteur de la série Netflix Stranger Things a annoncé son homosexualité dans une vidéo publiée sur TikTok.

résultats de sa stratégie digitale. Forte de 400 millions d’utilisateurs début 2022, elle vise le milliard d’ici à 2030. Face à elle, les autres plateformes luttent pour tenter d’arriver à la cheville du géant vert. Depuis décembre, Apple Music propose des karaokés sur son application. Mais Spotify garde toujours un coup d’avance et Apple Music semble condamné à rester l’éternel second.

ÉDUCATION
EN BREF
Capture d’écran du site internet de l’École supérieure d’art et du design de Valenciennes (Crédit DR)
CULTURE 7 JANVIER 2023- EXPRESSO - 09

JEUNESSE ENGAGÉE Mélanie, 27 ans, éducatrice spécialisée auprès de mineurs isolés

(Re)trouver la fibre sociale

n Après des études d’infirmière et d’histoire, Mélanie a trouvé sa voie à la Fondation des Apprentis d’Auteuil à Paris, elle suit des mineurs non accompagnés.

C«e métier n’est pas simple et il faut avoir la vocation. » Mélanie a 27 ans et dans quelques mois, elle obtiendra son diplôme d’éducatrice spécialisée. Après son bac sciences et techniques de la santé et du social, la jeune femme se cherchait. Elle expérimente d’abord une prépa infirmière, puis une année en fac d’histoire. Perdue, elle enchaîne sur un temps de césure, durant lequel elle effectue du travail associatif, avant d’atterir en licence de sciences de l’éducation. Des années de tâtonnement… mais il n’aura fallu qu’un mois de stage dans une maison d’enfants à caractère social à Valenciennes pour qu’elle trouve sa voie. « Ils m’ont prise hors formation par manque de personnel […]. J’ai été confrontée à des situations compliquées mais j’y ai trouvé ma place. Il y avait notamment un jeune garçon de 12 ans au comportement explosif, qui déclenchait l’alarme incendie, faisait du mal aux petits… J’ai mis deux semaines avant d’avoir une conversation avec lui. » Le jeune finit par se confier à elle et même à lui raconter ses rêves.

Petite troupe

Avoir la « fibre sociale », il faut au moins ça pour se lancer dans le métier d’éducateur spéciali-

sé. Mélanie l’a sûrement développée progressivement, « de manière inconsciente », dit-elle, lorsque ses parents ont accueilli

un frère et une sœur dans leur famille pendant quatre ans. Son père était alors assistant

EXPRESSO UN JOUR, TROIS FOCUS

n C’est en milliards de dollars, soit environ 15 milliards d’euros, le coût nécessaire à la reconstruction des zones frappées par les inondations de l’été dernier au Pakistan, d’après l’ONU. Les flots meurtriers avaient affecté près de 33 millions d’habitants et causé la mort de plus de 1 700 personnes. Une conférence internationale aura lieu à Genève lundi pour discuter du programme en présence du chef de l’organisation, António Guterres, et du Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif.

social et sa mère, professeure de photographie à l’université, « menait toujours des projets à dimension sociale », dans une maison de retraite ici ou une association de Guinéens là. Une famille unie, assez aisée financièrement qui a permis à la petite troupe de « beaucoup voyager ». À première vue, rien ne préparait la Parisienne à trouver sa place aux

côtés de jeunes aux parcours traumatisants, empreints d’une douleur et d’une violence qui rejaillit souvent dans leur quotidien. Depuis un an et demi, elle s’occupe de mineurs non accompagnés et de jeunes qui arrivent sur le territoire français sans référent parental. « Dans mon service, il y a 39 jeunes hommes âgés de 16 à 21 ans. »

Un appel à l’humilité

Les paroles de Mélanie transpirent d’une foi en l’humanité. Sa religion – catholique – a-telle joué un rôle dans son orientation vers un métier dédié aux autres ? « À titre personnel, oui sûrement. Par contre à la Fondation Auteuil, on partage plus des valeurs comme la notion de gratuité, d’accueil inconditionnel, de disponibilité et d’engagement. » Attirée par la branche sociale, la spécificité de son travail d’éducatrice spécialisée tient au public qu’elle accueille. « Je suis touchée par les difficultés que rencontrent ces jeunes. Parfois on se sent vraiment tout petit. Ils ont des parcours qu’on n’imaginerait pas. Et parfois on est un peu bluffés par ce qu’ils nous disent. » L’éducatrice apprend encore à poser ses limites dans son implication professionnelle. Elle se projette avec un public pré-adolescent, dans la protection de l’enfance ou avec les enfants handicapés. « Quand tu donnes ta parole à un jeune, tu ne peux pas le faire à moitié. Tu fais ce métier avec la personne que tu es et tu ne peux pas te cacher. », conclutelle

n Il y a huit ans jour pour jour, le journal satirique Charlie Hebdo était marqué par un attentat terroriste commis par les frères Kouachi. Huit membres de la rédaction et trois civils y ont perdu la vie. Les responsables de l’attaque, des islamistes radicaux proches du groupe Al-Qaïda, ont été tués par le GIGN deux jours plus tard. Plusieurs cérémonies d’hommage aux victimes ont lieu ce week-end à Paris et à Montrouge.

n À la tête de la Chambre des représentants, il est l’équivalent américain du président de l’Assemblée nationale . Le speaker contrôle l’agenda de la Chambre, nomme les chefs des grandes commissions et sélectionne les lois. Vendredi, ce poste restait vacant car le républicain, Kevin McCar thy, n’a toujours pas obtenu la majorité après onze tours de scrutin.

10- EXPRESSO - 7 JANVIER 2023
EXPRESSO 7.01.2023 #4
Speaker 16
Mélanie à la Fondation des Apprentis d’Auteuil à Paris. (Crédit DR)
7 janvier 2015
« Parfois on se sent vraiment tout petit. Ils ont des parcours qu’on n’imaginerait pas .»
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