EXPRESSO #05 2023/01/10

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QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE 10.01.2023

Chaos au Brésil À l’américaine

Une semaine après l’investiture de Lula, des partisans de Jair Bolsonaro ont pris d’assaut le Congrès et la Cour suprême à Brasília. Un évènement qui fait écho à la prise du Capitole aux États-Unis, en 2021. P.4

FRANCE P.2-3

Les Français inégaux devant le bien vieillir n Malgré l’augmentation de l’espérance de vie, la santé des retraités varie considérablement en fonction du milieu social.

ÉCO/CONSO P.6-7

Jackpot pour les actionnaires en 2022

n Les entreprises du CAC 40 ont versé 80 milliards d’euros de dividendes l’année dernière, un record depuis vingt ans.

SPORT P.8

Le Graët, un président pas si great n Le président de la Fédération française de football aggrave son cas, avec ses propos polémiques sur Zinédine Zidane.

CULTURE P.9

Indochine refuse de jouer sur les terres du RN

n Le groupe menace de ne pas se produire aux Déferlantes, organisé à Perpignan, dont le maire, Louis Aliot, est une des figures du RN.

EXPRESSO
À Brasília, dimanche. (EVARISTO SA. AFP)

Les Français inégaux devant le bien vieillir

n Le gouvernement dévoile ce mardi son projet de réforme des retraites, qui vise notamment à allonger l’âge légal de départ à 64 ou 65 ans.

«Nous vivons plus longtemps et donc (…) nous devons travailler plus longtemps ». La justification du ministre du Travail, Olivier Dussopt, en conférence de presse, à la mi-décembre, est l’un des arguments déployés par le gouvernement pour justifier le report de l’âge légal de départ à la retraite, de 62 ans à 64 ou 65 ans. Mais vivre plus longtemps ne signifie pas pour autant vivre mieux et en meilleure santé.

L’espérance de vie , c’est la durée de vie moyenne théorique d’un nouveau-né, relative aux conditions de mortalité. Selon l’Institut national de la statistique (Insee), une petite fille et un petit garçon nées en 2021 pourraient respectivement vivre en moyenne jusqu’à 85,4 ans et 79,3 ans, selon les conditions de mortalité actuelles. Depuis 1950, femmes et hommes ont gagné une quinzaine d’années.

Vivre plus longtemps ne signifie pas vivre mieux L’espérance de vie en France a donc augmenté . Mais cette progression générale cache toutefois des inégalités, non seulement entre les hommes et

les femmes, mais aussi selon les catégories socioprofessionnelles (CSP). En témoigne, par exemple, l’espérance de vie des hommes aujourd’hui âgés de 35 ans, qui s’élève à 84 ans pour un cadre, soit 6,4 ans de plus que pour un ouvrier, d’après les conditions de mortalité entre 2009 et 2013. L’écart est encore plus important si l’on compare avec une femme cadre du même âge, qui peut espérer atteindre 88 ans en moyenne.

Pour tenir compte de l’état de santé au moment de l’arrivée à la retraite, il existe un autre indicateur : l’espérance de vie sans incapacité. Elle consiste à mesurer la durée de vie moyenne d’une personne avant qu’elle soit touchée par des limitations

dans les activités au quotidien. Or, un tiers des ouvriers et un quart des employés sont dits limités au cours de la première année de retraite.

CORRUPTION

Patrick et Isabelle Balkany condamnés en appel n L’ancien maire de Levallois-Perret (Hautsde-Seine) Patrick Balkany et sa femme Isabelle, qui fut sa première adjointe, ont été jugés lundi par la Cour d’appel de Paris pour blanchiment de fraude fiscale. Ils écopent respectivement de quatre ans et demi, et trois ans et demi de prison, 100 000 euros d’amende et 10 ans d’inéligibilité. L’usufruit du moulin de Giverny, où ils résident, leur a été confisqué.

HOPITAUX

L’espérance de vie selon le niveau de vie (en vingtile) et le genre sur la période 2012-2016. (Source : Insee)

« Le travail délabre » En 2020, l’espérance de vie sans incapacité atteint 65,9 ans chez les femmes et 64,4 ans chez les hommes, selon l’Insee, et varie aussi en fonction des CSP. Comme l’a rappelé l’économiste Thomas Porcher lundi sur France Info, « pour 40 % des ouvriers et des employés, le travail délabre ». En 2018, 23 % des Français ont souffert de limitation physique lors de leur première année de retraite, selon le ministère de la Santé. Les plus touchés sont les ouvriers : 34 % d’entre eux sont limités dès leur première année de retraite. Cette inégalité a prospéré avec la réforme Balladur de 1993, qui a augmenté la durée de cotisation dans le secteur privé. Si elle vise à renflouer les caisses, ce genre de réforme n’est pas sans effets pervers sur l’équilibre financier du système. Comme l’a montré une étude publiée en 2021 par le laboratoire Théorie et évaluation des politiques publiques, le report de l’âge de départ à la retraite tend à augmenter « significativement » la fréquence et la durée des arrêts maladie, notamment en raison de la dégradation progressive de l’état de santé des travailleurs en fin de carrière.

o Olorin Maquindus et Juliette Cohen

Aux urgences de Pontoise, les soignants « à bout » n Quand soigner rend malade. 90 % des soignants des urgences de l’hôpital de Pontoise (Val-d’Oise) ont déposé ce lundi des arrêts maladie pour alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail. Ils demandent des effectifs supplémentaires « de jour comme de nuit », et l’activation immédiate du « plan blanc » pour libérer des lits.

SNCF

Dématérialisation de la carte familles nombreuses n À compter de ce mardi, il faudra se rendre sur Internet pour demander ou refaire sa carte familles nombreuses, qui offre des réductions sur les voyages en train aux familles de trois enfants et plus. Une souplesse est accordée jusqu’à la fin du mois, tandis que les modalités d’attribution et les réductions restent inchangées.

POLICE

Un gendarme en détention pour« viols avec torture » n Un gendarme du Loir-etCher de 52 ans est mis en examen pour « viols avec torture ou acte de barbarie » et « agressions sexuelles sur personne vulnérable ». Deux plaignantes sont identifiées – une plainte a été déposée à Tours. Maintenue depuis midécembre, la détention provisoire et l’instruction se poursuivent.

EN BREF
02 - EXPRESSO - 10 JANVIER 2023 FRANCE
RETRAITES
Pourcentage de retraités diminuées physiquement selon leur catégorie socio-professionnelle en 2020. (Source : Dress)

Procès du Mediator : l’appel du dernier espoir

n

Le procès en appel du Mediator s’est ouvert à Paris lundi. Une nouvelle étape dans l’indemnisation des 7500 parties civiles, partagées entre fatigue et détermination. Les audiences dureront jusqu’en juin.

«Ca recommence. »

Sur les bancs du Palais de justice, avocats et parties civiles attendent le début du procès en appel du Mediator. « Au bout de huit ans, on commence à fatiguer, on aimerait que ça s’arrête », admet Alexandra Collin, 43 ans. L’auxiliaire de vie a fait le trajet depuis Nice, pendant ses vacances. Être présente, « ça fait du bien, notamment pour soutenir les autres victimes ». Mais son avocat l’a prévenue : le procès risque d’être très long. En première instance, il avait duré huit mois, après plus de dix ans d’enquête.

Le Mediator, Alexandra l’a pris « trois fois par jour, pendant dix ans ». L’antidiabétique, vendu comme coupe-faim entre 1976 et 2009, provoquait de

graves pathologies cardiaques et pulmonaires. « C’est sûr, ça coupait la faim. Mais ça me rendait KO. Je m’endormais dans les transports. Chez moi, je n’avais plus rien envie de faire. » La fatigue la mène à trois ans de dépression et de chômage. « Reprendre le travail a ensuite été un refuge pour elle, explique son conjoint, mais à terme, on ne sait pas quelles seront les conséquences de ses problèmes de cœur. »

En 33 ans de vente, 5 millions de prescriptions auraient causé entre 500 et 2000 morts, et plusieurs milliers d’handicapés. En 2011, le collectif Mediator 974 avait déposé plainte contre l’Afssaps, l’ancêtre de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Le « gendarme du médicament » avait tardé à retirer le Mediator du marché. En 2021,l’ANSM a été condamnée à 300 000 euros d’amende.

Cette fois-ci, les laboratoires Servier, producteurs du médicament, sont seuls sur les bancs des accusés. En 2021, le Tribunal a estimé qu’ils connais-

avocate à l’ouverture du procès en appel du Mediator. (Thomas SAMSON / AFP)

saient les « risques mortels » dès 1995, et les a condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires ». Mais le Parquet de Paris a fait appel de cette décision, jugée insuffisante.

« Ils ont fait le casse du siècle », estime Me Alain Antoine, avocat du collectif Mediator 974, qui représente 180 victimes réunionnaises. Il regrette l’absence d’un mécanisme légal spécifique aux abus sanitaires. Pour

l’avocat, « l’enjeu est double : des sanctions pénales plus lourdes, mais aussi le maintien, voire l’augmentation, des indemnisations. »

Une partie civile, qui patiente devant la Salle des grands procès, l’espère également : « Mes parents sont décédés, on ne peut pas revenir là-dessus. A 68 ans, alors qu’ils ne buvaient et fumaient pas... 25 000 euros, pour douze ans de vie volés, ça ne suffit pas. »

n Depuis plusieurs semaines, des tensions sur l’approvisionnement en antibiotiques se font sentir. Une situation qui risque de durer malgré les mesures prises par les autorités publiques, qui restreignent les ventes et favorisent la production nationale.

Paracétamol, amoxicilline, ventoline, médicaments anti-cancer, anti-rejet… Plus de 3 000 signalements pour pénurie ou risque de pénurie de médicaments ont été enregistrés en 2022 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). En tout, près de 12,5 % des références seraient en rupture de stock. Cette situation s’explique par la stratégie des laboratoires consistant, depuis une quinzaine d’années, à délocaliser la production en Asie pour baisser les coûts de fabrication et augmenter leurs

marges. Aujourd’hui, 80 % des principes actifs des médicaments sont produits par la Chine et l’Inde.

Cette pénurie est donc partie pour durer car Pékin a interdit l’exportation de paracétamol le 22 décembre. Pour Jérôme Martin, cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, c’est la logique purement commerciale des laboratoires qui a mené à cette crise, qu’il qualifie de largement « prévisible »

Deux boîtes. Le gouvernement, conscient de l’urgence, a interdit la vente en ligne de paracétamol jusqu’au 31 janvier.

Pour Jérôme Martin, la mesure « risque d’avoir un effet très limité », l’achat de médicaments via internet restant marginal. D’autres dispositions ont été prises ces dernières semaines par les autorités sanitaires. Depuis octobre, les pharmaciens ne fournissent pas plus de deux boîtes aux patients sans ordonnance. Et depuis fin décembre, l’Agence du médicament autorise désormais les pharmacies préparatoires, habilitées à leur fabrication, à produire de l’amoxicilline et du paracétamol. Une solution temporaire mais coûteuse. Ces antibiotiques « faits main » sont cinq fois plus chers. La raison ? Le coût du personnel et des

équipements nécessaires pour les produire.

Relocaliser ? Quelques dizaines d’usines produisant des principes actifs en France ont aussi été priées de fonctionner 24h/24 et 5 jours sur 7, comme l’usine GSK de Mayenne. Cependant, pour Jérôme Martin, la seule solution pérenne serait la relocalisation. « Il y a trois ans, Emmanuel Macron insistait pour sortir les médicaments de ces logiques de dépendance. Depuis, rien n’a changé ou presque, dénonce-t-il. Une usine de fabrication de matières premières pour le paracétamol devrait ouvrir en 2025 en France. Mais il en faudrait au moins une autre équivalente ailleurs en Europe, pour pouvoir maintenir la production si un problème survient dans la nouvelle usine française ».

FRANCE MÉDIATOR
10 JANVIER 2023- EXPRESSO - 03
Une
o Neil Senot et Léonie Guilbaut
Pénurie de médicaments : les solutions pansement
SANTÉ
Les antibiotiques « faits main » par les pharmacies françaises sont cinq fois plus chers.

Des bolsonaristes aux vrais airs de trumpistes

n Dimanche, une semaine après l’investiture du nouveau président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, des milliers de sympathisants de Jair Bolsonaro, l’ex-chef de l’État d’extrême droite, ont envahi les institutions fédérales à Brasília. Une action qui rappelle celle menée à Washington par les trumpistes le 6 janvier 2021.

Dimanche, les violences ont passé un nouveau cap au Brésil. Après avoir bloqué les routes à l’annonce de la défaite de Jair Bolsonaro, ses sympathisants ont envahi le Congrès, le palais présidentiel et le Tribunal suprême fédéral à Brasília. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des scènes d’une rare violence avec la destruction des bureaux et des pillages. Alors que plusieurs centaines de manifestants ont déjà été arrêtés, Lula a réintégré le palais présidentiel lundi. Pourtant, l’intervention des forces de l’ordre pose encore de nombreuses questions. Certains membres de la police militaire ont été filmés en train de prendre des photos et de discuter avec des manifestants, alors que les bâtiments étaient pris d’assaut. Le gouverneur de Brasília, Ibaneis

Rocha, a d’ores et déjà annoncé qu’il limogeait Anderson Torres, le secrétaire à la sécurité du District fédéral, qui était un allié de Jair Bolsonaro. La ville a toutefois retrouvé son calme et la communauté internationale a dénoncé les attaques.

À l’image du président américain, Joe Biden, qui les a jugées « scandaleuses »

Une mélodie familière Inévitablement, les actions menées par les bolsonaristes à Brasilia rappellent celles conduites par les trumpistes. L’arrivée d’un nouvel homme à la tête du pays, un ancien président qui ne reconnaît pas la victoire de

son adversaire, et des sympathisants qui attaquent les symboles forts de la démocratie, en contestation de la défaite de leur candidat. Entre le 6 janvier 2021 et 8 janvier 2023, le monde a changé, mais les mêmes images se reproduisent à 6 000 kilomètres d’intervalles entre Washington et Brasilia. Rien de réellement surprenant, tant les deux hommes se ressemblent. Bolsonaro est régulièrement surnommé « le Trump des tropiques » En octobre, l’ex-président américain avait apporté son soutien au candidat d’extrême droite brésilien, le décrivant comme « un grand et respecté

MONARCHIE BRITANNIQUE Au Royaume-Uni, la fébrilité en majesté

n Imprimés à 200 000 exemplaires en France, les Mémoires du prince Harry, dont la sortie est prévue en librairie ce mardi, pourraient déstabiliser les Windsor.

On nous le présente depuis des semaines comme une véritable « bombe ». Les premiers exemplaires du Suppléant (« Spare » en anglais), publié chez Fayard, rejoignent les étagères des librairies ce mardi 10 janvier. Quatre mois après le décès de la reine Elizabeth II, c’est

donc l’heure du grand déballage pour Harry et Meghan, les médiatiques « affranchis » de la couronne britannique. Au fil de ses plus de 400 pages vendues 35,50 euros, l’ouvrage du prince promet des révélations, dont certaines ont déjà fuité dans la presse. Addiction à la drogue jusqu’en 2016, tensions avec le roi Charles III, ou encore première expérience sexuelle « humiliante » n’en sont que quelques exemples. Une mise à nu et des états d’âme troublants, qui ne devraient pas arranger une relation déjà délé-

tère avec la famille royale. La semaine dernière déjà, le quotidien britannique The Guardian, avait dévoilé une bagarre avec son frère William, au sujet de Meghan, décrite comme « difficile et impolie ». L’opération sonne aujourd’hui comme une revanche pour le « mal-aimé », qui a souvent fait les frais de la mise en scène d’une rivalité avec son frère. Mais « les Anglais sont fatigués de Harry et ne comprennent pas son besoin de laver son linge sale en public », décrypte Philip Turle, journaliste britannique à

dirigeant » et comme « l’un des plus grands présidents de tous les pays du monde, respecté par tout le monde dans le monde entier ». Réciproquement, en 2020, Bolsonaro avait soutenu Trump et espérait « être présent lors de l’investiture du président, bientôt réélu aux Etats-Unis ».

«Une mauvaise copie de Trump» Suites aux attaques, les deux hommes ont réagi exactement de la même manière. Sur Twitter, Jair Bolsonaro a condamné « les déprédations et invasions de bâtiments publics », tout en « rejetant les accusations, sans preuve » de Lula qui lui reproche d’avoir encouragé les violences. Cette réaction rappelle forcément la réponse de Trump qui s’était dit « scandalisé par la violence, l’anarchie et la pagaille » dans une vidéo Twitter, alors qu’il avait luimême contribué à créer le mouvement quelques heures auparavant. Lors de sa campagne, Lula avait estimé que Bolsonaro était « une mauvaise copie de Trump ». Il ne pensait certainement pas qu’il se ressemblait au point de subir les mêmes attaques sur les symboles de la démocratie du pays, deux ans tout juste après les événements américains.

France 24. En 2020 déjà, l’annonce tonitruante de son exil aux États-Unis avait défrayé la chronique. Spare est aussi une communication à la mécanique bien huilée. Dès ce week-end, Harry a accordé quelques interviews, notamment à CBS et ITV, respectivement diffusées par M6 et TF1. Si les révélations qui y sont faites venaient à être accréditées, le livre pourrait sérieusement écorner l’image de marque des Windsor. Pour l’heure, la famille royale n’a pas commenté sa sortie.

BRÉSIL INTERNATIONAL
Des bolsonaristes devant le palais présidentiel (Sergio Lima/AFP)
04 -EXPRESSO -10 JANVIER 2023

Les anti-chasse tirent à vue sur le plan « zéro accident »

n La secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, a annoncé son plan « zéro accident ». Sans surprise, l’interdiction de la chasse le dimanche, tant attendue par les militants anti-chasse, n’y figure pas.

Àl’heure où huit Français sur dix se disent favorables à ce que le dimanche devienne un jour non chassé, cette mesure ne figure pas dans le plan gouvernemental présenté lundi. Parmi les quatorze propositions, l’exécutif prévoit un renforcement du contrôle des chasseurs via des formations tous les dix ans. Concernant la sécurité des promeneurs, le gouvernement préconise… une application. Nommée Suricate et lancée en septembre dernier, elle permettrait d’identifier les zones et horaires non chassés. Autre mesure déroutante, la pratique de la chasse sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants sera interdite et sanctionnée par une contravention. Le plan prévoit également un durcissement

des sanctions en cas d’accident via des mesures comme « le retrait du permis et la fixation d’une durée d’interdiction de le repasser ». Si le nombre de morts est en baisse, selon un rapport de l’Office français de la biodiversité, les accidents concernant les « victimes nonchasseurs» sont en hausse de 26 % pour la saison 2021-2022, contre 12 % en moyenne sur les vingt dernières années. Contacté par téléphone, JeanLouis Chuilon, président de l’Alliance des opposants à la chasse (AOC), n’en démord pas : « C’est une posture politique. Les Français sont énervés en raison des retraites et pour leur faire plaisir, l’exécutif a pris quelques mesures contre la chasse. C’est de la poudre aux yeux. » L’AOC réclame une réforme en profondeur, à commencer par le permis de chasse. « C’est un permis de complaisance. On passe l’examen en 24 heures et ensuite on peut acheter une carabine. Alors qu’en Allemagne, en Italie et en Espagne la formation dure six semaines. Les

candidats passent des épreuves de tirs éliminatoires, un QCM d’une centaine de questions et leur permis n’est valable que trois ans », indique Jean-Louis Chuilon. Concernant Suricate, le président de l’AOC dénonce un non-sens. « Il faudrait déjà que l’application puisse fonctionner dans les bois et que les personnes possèdent un smartphone... Cette appro-

À Bruxelles, les esprits s’échauffent autour du marché carbone

n L’intégration anticipée des ménages dans le nouveau projet de loi inquiète les eurodéputés. De gauche à droite, on craint une mesure « anti-sociale ».

C’est une rentrée 2023 sous tension qui attend les eurodéputés français à Bruxelles. Le texte adopté par les parlementaires concernant le marché carbone européen, le SEQE 2, ne fait pas l’humanité.

« C’est une véritable trahison », estiment -on dans les rangs de gauche et de droite. Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2022, les eurodéputés se sont mis d’accord pour imposer un prix du carbone aux bâtiments et aux carburants pour le transport routier. Sous l’impulsion des États-membres, le texte prévoit également l’intégration

des ménages au marché dès 2027, en avance de deux ans sur l’échéance initiale de 2029.

« Le SEQE 2 est, par nature, contraire à la justice sociale », confie à Euractiv Leïla Chaibi, eurodéputée LFI et rapporteuse fictive sur la proposition d’établissement du Fonds social pour le climat. «Proportionnellement, le SEQE 2 fera payer plus celles et ceux qui sont déjà les plus affectés par la crise », poursuit-elle.

En 2017, cette taxe sur les carburants avait été responsable du mouvement des gilets jaunes. Une situation qui pourrait se répéter : « Ce texte n’écarterait pas la survenance des frondes sociales », s’inquiètent les parlementaires français. Tenus pour responsable de l’élaboration du texte, les centristes se montrent rassurant quant à

sa portée et les allégations sur son caractère « anti-social ». Ils estiment que les conséquences socio-économiques pourront être atténuées par la création d’un fonds social pour le climat de 87 milliards d’euros. Pour les députés de droite, il n’en sera rien. « On se moque des Européens », s’insurge Aurélia Beigneux, eurodéputée du groupe nationaliste Identité et Démocratie. Entre inflation et hausse du prix de l’énergie, « la période actuelle n’est vraiment pas propice à ce type de décisions », réagit-elle sur Twitter. À ce jour, le texte n’a toujours pas été formellement adopté par les eurodéputés et les États-membres. De nouvelles négociations sont attendues et devraient donner lieu à un vote définitif pour le moins tendu. o Anna Jouyet

priation du territoire par les chasseurs n’est pas acceptable en démocratie », s’insurge-t-il. Le président de la Fédération nationale de la chasse, Willy Schraen, devrait, lui, être satisfait. Il y a quelques jours, il avait menacé de « mettre la ruralité à feu et à sang » si un dimanche sans chasse était instauré.

EN BREF

EUROPE

En République Tchèque, un acquittement bien timé n L’ex-Premier ministre tchèque Andrej Babiš a été acquitté dans le cadre de son procès pour « fraude aux subventions européennes ». Bon timing pour l’homme politique : cette décision intervient dans la dernière ligne droite de la présidentielle pour laquelle il est donné favori.

ANIMAUX

Un vaccin dard-dard pour la protection des abeilles n Pour sauver les populations d’abeilles, le département américain de l’Agriculture a accordé dimanche une autorisation conditionnelle pour la mise sur le marché d’un vaccin. Il permettrait de les protéger de la « loque américaine », cette maladie qui anéantit des colonies entières.

ÉCOLOGIE
SANS ALCOOL
10 JANVIER 2023- EXPRESSO - 05
Bérangère Couillard échange avec un chasseur lundi (AFP)
UNION EUROPÉENNE

Jackpot pour les actionnaires en 2022

n Les 40 plus grandes entreprises françaises ont engendré 80 milliards de bénéfce en 2022. Un record depuis vingt ans.

L’année 2022 a été un excellent cru pour les actionnaires des entreprises du CAC 40, principal indice boursier français. 80,1 milliards d’euros ont été distribués à l’ensemble de leurs actionnaires selon la lettre fnancière Vernimmen.net, publication spécialisée en fnance d’entreprise appartenant au groupe Dalloz. Une somme astronomique dont le tiers (23,7 milliards d’euros) est sous forme de rachats d’actions. La lettre d’information fnancière indique que c’est « le niveau le plus haut jamais enregistré depuis que nous faisons cette étude » soit depuis 2003.

Des profts largement réinvestis

Un record qui vient donc rattraper l’effet fnancier de la pandémie mondiale. Les dividendes versés atteignent 56,5 milliards d’euros contre 28,6 milliards en 2020, durant la pandémie. Sur le podium des trois grands groupes redistribuant des capitaux propres à leurs actionnaires, on compte : TotalEner-

EN BREF

RENAULT

gies (13,3 milliards d’euros de rachats d’actions ou de dividendes), LVMH (7,1 milliards) et Sanof (4,7 milliards). Ils représentent à eux trois, 31 % du volume. La barre des 50 % est franchie en ajoutant quatre autres groupes à ce trio de tête, BNP Paribas, Stellantis, AXA et Crédit Agricole. Mais pour Henri Sterdyniak, économiste français, le record n’a rien d’étonnant : « La Bourse augmente donc le cours des dividendes aussi. 2022 était une très bonne année. Ça se ressent ici. » Pour le signataire du manifeste des économistes

atterrés, les 80 milliards d’euros ne vont pas profter directement aux actionnaires : « 60 % des dividendes vont être réinvestis dans les entreprises. Il y a deux scénarios possibles : soit les actionnaires conservent les profts pour montrer la bonne santé de leur entreprise, soit l’entreprise distribue beaucoup aux actionnaires. »

Une aubaine pour les salariés ? Si les dividendes versés aux actionnaires augmentent, les salariés peuvent-ils en profter également ? Selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, c’est

SERVICE PUBLIC

possible, notamment grâce à la loi annoncée sur le dividende salarié. Promesse d’Emmanuel Macron au cours de la campagne pour sa réélection, le dispositif est simple : « Quand vous avez d’un seul coup une augmentation des dividendes pour vos actionnaires, alors l’entreprise doit avoir un mécanisme qui est identique pour les salariés », résumait-il sur France 2 en octobre 2022. Cette loi est censée permettre un meilleur partage de la valeur au sein de l’entreprise. Le dividende salarié reviendrait à généraliser la participation, qui est obligatoire seulement pour les structures de plus de 50 salariés.

Mais ce système de partage de la valeur entre capital et travail va profter bien davantage aux salariés des géants du CAC 40 qu’à ceux des PME et TPE. Pour aider ces dernières, le gouvernement a notamment déployé des aides concernant leurs factures d’électricité, dont les montants ont explosé depuis quelques mois. La notion de dividende salarié est donc fragile et loin d’être universelle. En effet, elle s’applique à ce jour uniquement aux entreprises qui en versent à leurs actionnaires.

ÉNERGIE

Luca de Meo accueille ses salariés au capital de l’entreprise, à hauteur de 4,7 % n Le plan sur l’actionnariat salarié ouvert par le groupe Renault en novembre dernier se clôture sur un succès. Son directeur général, Luca de Meo, s’est félicité dans un communiqué de ce que près de 4,7 % du capital sera bientôt détenu par les salariés du groupe. Au total, plus de 95 000 salariés seront titulaires de six actions gratuites. Près de la moitié d’entre eux a également souscrit à des actions supplémentaires, pour un montant moyen de 1160 euros par personne. Chez Renault SA, la part d’actionnariat salarié dans le capital grimpe ainsi à 0,9 %, avec près de 2,7 millions d’actions supplémentaires. « C’est une étape supplémentaire importante dans notre ambition d’atteindre 10 % d’actionnaires salariés d’ici à 2030 », a expliqué Luca de Meo. L’année commence donc en beauté chez Renault, qui avait enregistré vendredi la plus forte hausse du CAC 40 (+ 3 %) à la clôture.

La Poste veut réorganiser la tournée des facteurs n Après la fn du timbre rouge, La Poste se penche désormais sur la tournée des facteurs. Confrontée à une chute considérable du volume de courriers délivrés, l’entreprise a décidé de revoir l’organisation de la distribution. Si la tournée quotidienne du facteur n’est pas remise en cause, La Poste entend « optimiser » le parcours des facteurs. Les postiers devront ainsi trier le courrier selon l’urgence de distribution, et ne passeront à certains endroits que s’il y a du contenu à distribuer. Une « logique commerciale »dénoncée par les syndicats qui craignent une suppression de nombreux emplois.

Le bouclier tarifaire s’appliquera aux logements collectifs n Le ministre du logement Olivier Klein a annoncé dimanche un plafonnement des prix de l’énergie dans les logements collectifs pour éviter des factures jugées « insupportables ». Le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité pour les ménages existait depuis l’hiver dernier mais ne concernait ni les copropriétés, ni les logements sociaux, ni leurs bailleurs. C’est désormais chose faite. Les prix doivent encore être discutés avec les fournisseurs, mais le ministre du logement a d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aura plus « aucun trou dans la raquette » pour les ménages ou les entreprises.

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ÉCO / CONSO
CAC 40
Sanof parmi les champions des dividendes (Lou Benoist.AFP) (Éric Piermont.AFP)

Infuenceurs, un business lucratif et silencieux

n Le ministère de l’Économie a lancé une concertation en ligne sur les infuenceurs. Objectif : encadrer la publicité et les revenus qui en découlent.

Comment réguler les infuenceurs et le marché publicitaire des créateurs de contenu ? Dimanche 8 janvier, une concertation publique en ligne a été lancée par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. L’affaire n’est pas simple. Surtout lorsqu’il s’agit de placements de produits, sur lesquels les infuenceurs maintiennent souvent l’ambiguïté.

En 2022, on évaluait à 8,8 milliards d’euros les recettes de la publicité numérique, soit une hausse de 14 % par rapport à l’année dernière selon le cabinet Olivier Wyman.

Toutefois, ce chiffre reste diffcile à jauger avec certitude. Le site business-cool.com indique que « le minimum général » d’un revenu tiré d’une publicité sur Instagram tourne autour de 1200 euros. Les créateurs de contenus sont accusés de faire de la concurrence déloyale à la radio, aux journaux ou à la télévision, puisqu’ils ne sont

TÉLÉVISION

pas soumis aux mêmes règles. L’Autorité de la régulation Professionnelle de la Publicité a notamment tiré la sonnette d’alarme et son directeur général, Mohamed Mansouri, a estimé dans Le Monde, dimanche, qu’obtenir les informations sur la fscalité des créateurs numériques « peut revêtir une importance particulière pour le secteur dans sa structuration, sa visibilité ».

Des silences et de l’espoir Chez les infuenceurs, le silence est d’or. L’infuenceuse Pom Pommandarine, qui compte près de 70 000 abonnés, indique « ne pas être rémunérée sur les réseaux sociaux ». Pourtant, certains de ses posts mentionnent le hashtag #collaboration. Des collaborations qui, souvent, sont rémunérées. Toutefois l’opacité sur ses revenus maintient le mystère.

Les agences d’infuenceurs, quant à elles, se veulent rassurantes. « Plus de 90 % des infuenceurs font les choses bien », assure à L’Expresso Stéphane Bouillet, directeur de l’agence Infuence 4 You. En décembre, il a fait partie de la table ronde organisée, déjà sur

ce sujet, au ministère de l’Économie. Aujourd’hui, il salue ce projet : « Il y a eu des dérives, et il est nécessaire d’y mettre fn. » Quant à l’accusation de concurrence déloyale, il répond : « Il faut que les infuenceurs soient soumis aux mêmes règles que la télévision ou la radio. »

Les infuenceurs syndiqués ?

Pour Denali Kalker, membre de l’agence d’infuenceurs Tanke, il « faut créer un syndicat entre les agences d’infuenceurs ».

Cette fédération permettrait de « poser des bases et des limites afn d’éviter des abus ». La fn de la concertation publique est prévue pour le 31 janvier. Le brouillard persiste sur la suite de la démarche, avec une prochaine étape programmée à la mi-mars.

Et les divergences entre les vœux de Bercy, les retours du public, et ceux des créateurs désirant « une auto-régulation », ne faciliteront pas la tâche.

Canal+ s’offre OCS et le bouquet payant d’Orange

n Après de longs mois de négociation, le groupe de Vincent Bolloré fnalise le rachat pour un montant encore inconnu. Déjà principal distributeur d’OCS, Canal+ avait la priorité sur le rachat.

C’est offciel, le groupe audiovisuel Canal+ s’apprête à acquérir OCS, le bouquet de chaînes payantes de l’opérateur de télécommunications Orange, ainsi que sa fliale de coproduction de flms et séries. Dans un communiqué commun, publié ce lundi, les deux groupes français ont mis fn à une « négociation de presque deux ans ». Ces derniers expliquent que « Canal+ deviendra à l’issue de cette transaction l’actionnaire unique des deux sociétés », OCS et Orange Studio.

«Pérenniser le développement» d’OCS

L’endettement et les pertes enregistrées ces dernières années auront donc eu raison de la chaîne. Lancée en 2008 et cumulant près de 3 millions d’abonnés, OCS « a accumulé

entre 400 millions et 500 millions d’euros de pertes depuis son lancement », selon Les Echos. En parallèle, OCS a perdu l’un de ses contenus majeurs, les séries emblématiques de la chaîne américaine HBO, comme Game of Thrones ou Les Soprano. La chaîne du groupe Warner a décidé de ne pas renouveler leur contrat de distribution. La concurrence dans le secteur audiovisuel « n’a cessé de s’intensifer avec l’émergence de puissantes plates-formes internationales » aux moyens quasi infnis car soutenus par des géants du divertissements tels qu’Amazon, Apple ou encore Disney. Orange espère « pérenniser le développement » d’OCS et d’Orange Studio, « tout en préservant les emplois et le préfnancement de la création ». Une promesse en passe d’être tenue : selon Les Echos, « Canal+ se serait engagé à re-

prendre la totalité de la centaine de salariés d’OCS. »

Julia Cagé, économiste spécialiste des médias

La famille Bolloré s’agrandit… encore Canal+, C8, Europe 1, Le Journal du dimanche, Paris Match… et maintenant OCS et le catalogue payant des chaînes d’Orange. À presque 70 ans, Vincent Bolloré poursuit sur sa lancée et renforce encore son empire médiatique. Déjà épinglé lors de ces précédentes acquisitions, le milliardaire continue de s’affranchir de la loi de 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence fnancière et le pluralisme des entreprises de presse. Une situation qui inquiète Julia Cagé, économiste spécialiste des médias et du fnancement de la démocratie. « Le système Bolloré va à l’encontre du pluralisme politique.

»

RÉSEAUX SOCIAUX
10 JANVIER 2023- EXPRESSO - 07 ÉCO / CONSO
Magalie Berdah, agente d’infuenceurs (Geoffroy v.d.Hasselt.AFP)
«Le système Bolloré va à l’encontre du pluralisme politique.»

Le Graët, pas si great

n Président de la Fédération française de football, Noël Le Graët multiplie les maladresses. La dernière en date : ses propos polémiques sur l’ancien champion du monde Zinédine Zidane. Au milieu d’une tempête médiatique, il est auditionné ce mardi dans le cadre d’un audit sur le fonctionnement de la FFF.

«Attitudes

sexistes, affaires de pédophilie étouffées, lâcheté face au régime qatari, et désormais propos méprisants à l’encontre de Zidane [...]. M. Le Graët n’est pas à la hauteur du football français », a jugé lundi le député LFI François Piquemal sur Twitter. Il a aussi demandé à la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, la démission du breton, à la présidence de la FFF depuis 2011. Mais si des politiques de tous les bords réclament eux aussi le départ de Noël Le Graët (NLG), les règlements protègent cependant sa position, à laquelle il semble désireux de s’accrocher jusqu’à la fin de son mandat, en 2024. En réalité, le ministère des Sports n’a légalement aucun pouvoir concernant la prise de poste de NLG, ce qui pourrait être considéré comme une ingérence du pouvoir politique. Le seul levier à la disposition du gouvernement reste le retrait de

SKI

la délégation, un cas de figure extrême, considéré comme « une arme atomique ».

« J’en ai rien à secouer » La raison de cette volonté d’expulsion ? Les propos polémiques de NLG sur Zinédine Zidane, sur RMC, dimanche 8 janvier. « J’en ai rien à secouer », a-t-il affirmé à propos de l’avenir de l’ancien entraîneur du Real Madrid, après la prolongation de Didier Deschamps comme entraîneur des Bleus. L’ancien maire de Guingamp s’est attiré les foudres du football français : « Dehors ! » a tweeté Djibril Cissé ; « On ne manque pas de respect à la légende comme ça... », a déclaré Kylian Mbappé, dont le tweet a

enregistré 70 millions de vues à l’heure où nous écrivons ces lignes ; « Il va falloir aller consulter rapidement », a aussi écrit Franck Ribéry.

Ce dérapage intervient au pire moment, et place NLG un peu plus sur la sellette, après les révélations du magazine So Foot, en septembre dernier, sur des comportements sexistes. En cause notamment, l’envoi par le dirigeant de plusieurs SMS à caractère sexuel à des employées de la FFF : « Tu es assez pulpeuse, je te mettrais certainement dans mon lit. » Ces comportements s’additionnent à d’autres polémiques : la négation de l’homophobie dans les stades en 2019 et du racisme dans le football en 2020, et plus récemment la minimisation des

Historique Delphine Claudel !

n C’est la première Française à remporter une étape de Coupe du monde en ski de fond. Ce dimanche, au sommet de l’Alpe Cermis, dans le Val di Fiemme en Italie, Delphine Claudel a marqué l’histoire du ski féminin français.

C’est une grande première, aussi bien pour Delphine Claudel que pour la France. Originaire des Vosges, la skieuse de 26 ans s’est imposée à l’échelle du monde, offrant un coup de projecteur exceptionnel sur un sport peu médiatisé. « C’est cool de pouvoir marquer l’histoire ainsi. Ce n’était pourtant pas du tout dans ma tête pendant la montée. Je me disais plutôt : “Tu as tout pour y arriver aujourd’hui, c’est aujourd’hui que ça peut le faire.” C’est une journée où tout allait bien, où tout roulait, où j’étais forte physiquement et mentalement, raconte celle qui

avait terminé 26e du classement de la Coupe du monde la saison dernière. Quand je suis arrivée en haut, j’étais hyper fière d’avoir réussi à faire une course pleine et d’avoir un résultat. »

En 2021 et 2022, Delphine Claudel avait déjà obtenu la troisième place de cette épreuve, la dernière du Tour de ski, prestigieuse compétition en sept étapes disputée en Suisse, en Allemagne et en Italie, et intégrée à la Coupe du monde. Cette fois-ci, elle a remporté la mass start libre de 10 kilomètres, avec 20 secondes d’avance sur la Norvégienne Heidi Weng et 35 secondes sur l’Américaine Sophia Laukli. La Française a tenu sur les trois derniers kilomètres, sur une pente dont l’inclination peut atteindre les 28 %, l’équivalent d’une montée de piste en ski alpin. Une prouesse historique.

o Lou Van Cauvenberghe

conditions de vie difficiles des employés de l’hôtel des Bleus au Qatar.

Un mal « plus profond »? Mais pour certains, comme le champion du monde 1998, Lionel Charbonnier, le « mal est beaucoup plus profond », et le président de la FFF est loin d’être le seul problème au sein de l’instance dirigeante du football français, qualifiée de « bateau à la dérive ». En novembre 2019, le journal L’Équipe évoquait les « tensions » au sein de la fédération, et « l’ambiance délétère » qui y régnait. Un premier audit s’est terminé en novembre dernier – une expertise portant sur son management –, commandé par NLG lui-même.

En première ligne du bilan : la directrice générale Florence Hardouin, jugée sévèrement pour son style autoritaire engendrant une « culture toxique » au sein de l’instance.

La directrice générale et le président s’apprêtent à être auditionnés ce mardi dans le cadre d’une autre enquête sur le fonctionnement de la FFF, commandée cette fois par la ministre des Sports, Amélie OudéaCastéra. « L’audit se poursuit. Il faut aller au bout de ce travail, il faut le mener à charge et à décharge », avait indiqué la femme politique mi-décembre. Publication prévue mi-février.

Mikaela Shiffrin sur sa planète, le biathlon français aussi à

l’honneur

Dimanche, se tenait le slalom géant de Kranjska Gora, en Slovénie. L’Américaine Mikaela Shiffrin a remporté sa 82e victoire en Coupe du monde. À 27 ans, elle égale Lindsey Vonn et n’est plus qu’à quatre victoires du record absolu Du côté du biathlon, le premier relais mixte de la saison se tenait aussi dimanche en Slovénie, à Pokljuka. Composée de Julia Simon, Anaïs Chevalier, Fabien Claude et Quentin Fillon-Maillet, le relais français s’est imposé devant l’Italie et la Suède. Prochaine épreuve mercredi à Ruhpolding, en Allemagne.

o Philippine Quentin

8 - EXPRESSO - 10 JANVIER 2023 SPORT
FOOTBALL
Noël Le Graët lors de la Coupe du monde 2022 (Crédit.Franck Fife)

Indochine ne veut pas jouer l’Aventurier sur les terres du RN

n Le groupe de rock a menacé d’annuler sa venue au festival

Les Déferlantes qui se tiendra cette année à Perpignan. Engagé contre l’extrême droite et le racisme, il refuse de venir dans la ville qui est, depuis 2020, dirigée par Louis Aliot, une des figures du Rassemblement national.

La nouvelle ne passe pas auprès de l’emblématique groupe de pop rock français. Indochine a menacé de ne pas se produire au festival Les Déferlantes, qui, habituellement, se déroule à Céret (Pyrénées orientales) et qui été cette année déplacé à Perpignan.

Sur Twitter, Indochine menace : « Hier soir, le maire RN de Perpignan a tweeté qu’il était heureux d’accueillir le Festival Les Déferlantes. Nous demandons expressément à la direction de déplacer ce festival dans un autre lieu, faute de quoi, nous annulerons notre venue. » Une attitude «profondément sectaire et irrespectueuse » pour Jordan Bardella, président du Rassemblement national qui fustige le groupe :

« Quand on est artiste, on ne fait pas de la politique.»

«Fait accompli»

La nouvelle n’étonne pas Frédérick Rapilly, journaliste à Télé 7 Jours et auteur d’un ouvrage sur le groupe : « Pour Nicola Sirkis [chanteur du groupe, ndlr]ce qui a dû être le plus énervant, c’est d’être mis devant le fait accompli [...]. Il vient d’une tradition rock. Ses inspirations, c’est les Sex Pistols. Ce n’était pas des gens qui avaient l’habitude de se laisser faire. » Le chanteur, connu pour ses engagements politiques, s’est toujours opposé au Front national comme dans la chanson Un été français, écrite pendant la campagne de 2017, dans laquelle il évoque sa peur de l’extrême droite.

Le groupe de rock n’est pas le seul à être confronté à ce dilemne. Le prestigieux festival de photojournalisme Visa pour l’image, qui se déroule depuis 1989 à Perpignan, doit, lui aussi, s’accommoder depuis trois ans de la présence de l’extrême droite à la tête de la ville. Jean-François Leroy, directeur

du festival, avait admis dans une interview être dans une «position très inconfortable [...]. J’en suis à chercher la meilleure stratégie à adopter face à un homme indéniablement intelligent, qu’on ne peut pas pour autant me soupçonner de cautionner».

Situation ubuesque

Cette année, le festival de photo-journalisme a accordé une large place à la couverture de la guerre en Ukraine. Pour cette édition, Louis Aliot a été invité à remettre le prix Rémi Ochlik,

Tintin : « Du cinéma sur papier »

n En ce mardi 10 janvier, journée mondiale de Tintin, échange avec l’association Les 7 soleils qui promeut l’œuvre d’Hergé à Saint-Nazaire.

Un jeune blond à la houppette, accompagné de son fox-terrier Milou… le célèbre reporter Tintin, créé par le dessinateur belge Hergé en 1929, est très reconnaissable. C’est l’une des rares BD qui a traversé les générations. « C’est une œuvre riche, graphiquement aboutie et universellement connue, du cinéma sur papier », déclare JeanClaude Chemin, président de l’association Les 7 Soleils, qui perpétue le souvenir du passage de Tintin à Saint-Nazaire. « J’ai grandi avec Tintin, un héros invincible et courageux. C’est une belle odyssée, une aventure qui mélange différents pays

et cultures. Les enquêtes sont toujours trépidantes », ajoute Antoine Larsimont, étudiant en école de commerce et un des nombreux adeptes de la BD.

Géantes. Dans Les Sept Boules de cristal, le héros et le capitaine Haddock se rendent à Saint-Nazaire pour retrouver le professeur Tournesol. Depuis 1992, les tintinophiles de l’association nazairienne ont installé six vignettes géantes qui reproduisent les lieux de l’album. « L’objectif c’était de regarder Saint-Nazaire différemment, de raconter l’histoire de la ville et de faire le lien entre la réalité et les dessins », détaille Jean-Claude Chemin. «Tintin voyage, donc nous voulions montrer ses autres aventures », explique-t-il. Pour ce faire, une table d’orientation avec treize autres ports visités par Tintin a été intallée. En vingt ans, plus

de 80 rencontres avec le public ont été organisées. « Grâce à Tintin, nous pouvons approcher des connaissances comme l’astronomie et l’histoire-géographie », souligne le président de l’association.

Réseaux sociaux. Même si elle est datée, l’œuvre est aujourd’hui reprise sur les réseaux sociaux avec par exemple, le compte Twitter, Tintinades, qui parodie des extraits de la BD. « C’est une œuvre classique qui n’a jamais fini de dire ce qu’elle a à dire », affirme Jean-Claude Chemin pour reprendre la citation de l’écrivain Italo Calvino. Cette journée mondiale est l’occasion de rappeler l’importance de l’œuvre d’Hergé : « Il faut lui rendre hommage car cela contribue à amener toujours plus de personnes vers cette œuvre », conclut-il.

destiné à un jeune photographe. À son arrivée sur scène, le maire de Perpignan, largement hué par le public, a remercié le lauréat pour sa couverture du conflit, publié dans Le Monde

La situation est encore plus ubuesque quand on sait que ce prix a été créé par Jean-François Leroy pour rendre hommage au photographe de guerre français, tué en 2012, dans un bombardement de Bachar ElAssad, dictateur syrien pour lequel le RN a toujours eu une attitude complaisante.

EN BREF

DISPARITION

Le romancier Russell Banks est mort à l’âge de 82 ans n L’auteur américain Russell Banks a su se démarquer dans la culture littéraire par son appétence pour des sujets sociaux : comme la toxicomanie ou la pauvreté. Les origines sociales et raciales de ses personnages occupaient une place importante dans ses ouvrages.

BANDE DESSINÉE

Valentine Cuny-Le Callet, lauréate du Grand Prix Artémisia

n Valentine Cuny-Le Callet a remporté le Grand Prix Artémisia, qui récompense des autrices de bande dessinée, pour son ouvrage Perpendiculaire au soleil, ce lundi 9 janvier. Depuis 2007, l’association Artémisia lutte pour la visibilité des femmes dans le milieu de la BD.

CULTURE
FESTIVAL
10 JANVIER 2023- EXPRESSO - 09
Nicola Sirkis dans Unis pour l’Ukraine. (Julien de Rosa/AFP)
BANDE-DESSINÉE

JEUNESSE ENGAGÉE Esteban, 27 ans, étudiant ingénieur en aéronautique

Déclic décarboné en école d’ingé

n Étudiant en aéronautique, Esteban a developpé, durant ses études, une conscience écologique qu’il souhaite mettre en oeuvre dans ce secteur hautement polluant. Aujourd’hui, il parle de la sobriété comme d’un « outilcombat ».

Icare a essayé de voler avec des ailes en cire qui ont fondu lorsqu’il s’est approché trop près du soleil. Esteban Poupinet est un héritier de ce mythe qui a bercé les imaginaires aéronautiques. Mais pour lui, le soleil est une source de salut. À 22 ans, l’étudiant en ingénierie à Toulouse est déterminé à participer au verdissement de l’industrie.

Avec un léger accent qui trahit son origine basque, Esteban se raconte avec assurance. Bac S en poche, il intègre une classe préparatoire MPSI [mathématiques, physique, sciences de l’ingénieur, ndlr] avant de poursuivre en physique et de s’orienter vers l’école Supaéro de Toulouse. Des rêves plein la tête, l’étudiant qui veut faire cela « depuis qu’il est petit » veut d’abord s’orienter vers l’aérospatiale.

«Je me sentais un peu trop déconnecté»

« Je voulais créer des Rover martiens, ces petits robots d’exploration », se souvient Esteban. Il faut dire que dans la ville rose, où ont travaillé Jean-Loup Chrétien, premier européen de l’Ouest à avoir voyagé dans l’espace en 1982, ou encore Henri Coanda, ingé-

nieur roumain pionnier de la mécanique des fluides, l’héritage est illustre.

L’automne dernier fut pour le jeune homme celui de la prise de conscience. « C’est très important de faire de la recherche appliquée. Mais, je me sentais un peu trop déconnecté des enjeux de notre siècle , glisse-t-il. En arrivant à l’école, on reconsidère nos rêves d’enfants, les imaginaires qu’on nous a inculqués. »

Une réflexion mûrie dans le temps. En première année,

EXPRESSO UN JOUR, TROIS FOCUS

n C’est, en euros, la dépense mensuelle moyenne d’un fumeur pour l’achat de ses cigarettes. L’étude, publiée lundi par l’Alliance contre le tabac, révèle que le budget pour l’achat du tabac peut représenter 30 % des dépenses d’un ménage. Certains Français vivant sous le seuil de pauvreté vont jusqu’à «renoncer à des dépenses de première nécessité» pour financer cette addiction, renforçant les inégalités sociales dans le pays.

« comme tout le monde », Esteban prend un peu à la légère les ateliers de sensibilisation à l’écologie organisés par son école, comme La Fresque du climat. « J’ai fait l’impasse sur ces choses-là. On se dit : je sais que c’est bien mais en réalité, on le fait qu’à moitié. Puis, je me suis entouré de gens qui étaient sensibles à ces enjeux. J’ai beaucoup lu, débattu, puis j’ai fini par embrasser cette cause. »

Très vite, une nécessité s’impose à lui. L’envie de mettre sa

n Il y a vingt ans jour pour jour, la Corée du Nord officialisait son retrait du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. C’est un triste anniversaire alors que le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, appelait la semaine passée à une «augmentation exponentielle de [son] arsenal nucléaire». Conclu en 1968 pour réduire le risque nucléaire à travers le monde, le traité rassemble aujourd’hui 190 États.

culture scientifique au service des enjeux climatiques. C’est décidé, Esteban Poupinet se destinera désormais au secteur des énergies, « dans le public, pourquoi pas chez EDF », s’interroge le jeune homme devenu entre-temps végétarien et animateur de la section durable du BDE.

«Impossible de faire marche arrière»

En rentrant à la maison, « au lieu de se plonger dans la dernière série à la mode », c’est soirée conférences, soigneusement choisies sur Internet. Et à ce rayon-là, l’étudiant a sa préférence : Jean-Marc Jancovici. Le scientifique diplomé de Polytechnique, au centre de nombreuses controverses, est à l’origine du concept de « bilan carbone ». « Il a une vraie crédibilité, en tant que scientifique. Il est très clair, direct, mais surtout il s’appuie sur des arguments solides », estime Esteban. Convaincu que l’on ne pourra pas abandonner le nucléaire de sitôt, ses colloques et autres sorties médiatiques inspirent le futur ingénieur. « Faire de la politique, pourquoi pas ? Ce qui est sûr, c’est que j’ai envie de participer à la sensibilisation du grand public. » L’étudiant, qui imagine son métier à l’interface entre efforts de décarbonation et vulgarisation, conclut : « Quand on devient conscient de ces enjeux, impossible de faire machine arrière. » Esteban semble prêt à prendre son envol dans son grand Condor-vert.

Glottophobie

n Elle désigne la discrimination de personnes en raison de leur langue ou de la façon dont ils la parlent. Le mot fait son entrée en 2023 dans Le Petit Robert et vise les langues et les accents régionaux. En 2020, une proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale pour reconnaître l’accent comme un critère de discrimination dans le code pénal, le code du travail ainsi que dans la fonction publique.

10- EXPRESSO - 10 JANVIER 2023
EXPRESSO 10.01.2023 #5
Esteban Poupinet devant l’avion de chasse Mirage (DR)
10 janvier 2003
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