African Banker French, édition française, Numéro 31

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DÉCIDEURS

AFRICAN BANKER

MAI - JUIN - JUILLET 2017

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la croissance économique du continent. La population de 24 petits pays du continent représente à peine 10 % des Africains. Logiquement, leurs économies sont condamnées à se mettre ensemble.

Rwanda, le Gabon et le Kenya, ou bien aux avancées significatives dans certaines régions en matière d’intégration. Récemment, l’Éthiopie a décidé de travailler main dans la main avec Djibouti. Les deux pays viennent de terminer la construction d’un chemin de fer qui est l’un des plus modernes d’Afrique ; ils investissent également dans des projets électriques et portuaires communs. En Afrique de l’Ouest, la construction d’un corridor entre Lagos et Abidjan, qui ira jusqu’à Dakar, est également prometteuse. Je regrette seulement que nous n’ayons pas pu encore aboutir à la fusion de nos marchés boursiers… Une monnaie unique ne permettrait-elle pas d’accélérer ces progrès ? Oui, elle le pourrait à condition que divers préalables soient remplis, à commencer par le respect des critères de convergence et l’harmonisation de la gestion bancaire. Cela dit, une bonne coopération monétaire est toujours une excellente chose. Et l’Union africaine (UA) a beaucoup travaillé avec les États pour éviter des monnaies surévaluées. Tout cela n’a rien à voir avec les débats actuels sur l’opportunité ou non de conserver le franc CFA, ni non plus avec la mise en place de tarifs extérieurs communs… Pour ma part, plutôt que de parler de spécialisation par pays, je préfère réfléchir en termes de chaînes de valeurs. L’exemple de la fabrication d’Airbus m’a toujours fasciné. Ce projet fédérateur a pu voir le jour dans les années 1970 grâce à la répartition de la production dans différents pays européens. Beaucoup de projets industriels africains, surtout en Afrique de l’Ouest où l’intégration économique et monétaire est plus avancée, pourraient s’inspirer de ce modèle. Quant au dividende démographique, il est incontestable, puisque l’essentiel de la population africaine se concentre dans les sept grands pays qui sont les moteurs de

Vous avez longtemps incarné le leadership de la Banque africaine de développement qui est incontestablement un succès. Quelles leçons en avez-vous tirées sur les différences entre l’Afrique et le reste du monde ? Honnêtement, il n’y en a aucune ! Prenez la gestion de la crise de l’euro ou bien celle de la migration. Il s’agit de problèmes globaux à l’échelle mondiale qu’il faut traiter globalement. Et si on y ajoute les changements climatiques, on ne peut pas faire plus global… Cela dit, il y a des différences avec le reste du monde : en Afrique, on se rend volontiers à Paris, à Londres ou à New York, mais pas à Addis-Abeba ! Or, c’est bien là que l’on parle de la manière de résoudre nos problèmes africains. À nous, donc, de nous donner les moyens de confronter ces problèmes et de casser notre dépendance avec les anciens schémas de pensée. Personne ne peut nier l’existence des îlots d’excellence dans notre continent. À commencer par le type de leader que nous avons produit quand il s’agit d’un Nelson Mandela ! Justement, comment faire profiter l’Afrique de votre savoir-faire ? En 2005, nous avons radicalement changé notre manière de faire pour développer notre continent. Le sommet du G8 à Gleneagles en Écosse, avait d’ailleurs anticipé ces changements en créant une Commission pour l’Afrique. La BAD a accompagné toutes les mutations, que ce soit sur le plan des infrastructures, l’amélioration des prêts aux entreprises, les opérations transfrontalières, l’approfondissement des marchés ou l’accompagnement des pays sortant de conflits. J’ai notamment essayé de changer la donne en ce qui concerne le financement du Fonds de maintien de la paix de l’UA financé à 80 % par des pays hors du continent. Et nous avons aussi travaillé à une réforme de la Charte de l’UA, puisque le Rwanda a été chargé de cette mission. Quelles ont été vos principales recommandations pour financer l’UA ? Le budget de l’UA représente actuellement 240 millions de dollars pour 54 pays. Or, 60 % de ce budget émane de cinq pays à raison de 24 millions chacun, tandis que les autres pays contribuent chacun entre 1 et 2 millions. La Cedeao et l’Uemoa financent leur propre activité. En prélevant un petit pourcentage sur les échanges de chaque pays, nous parviendrons à un budget de 1,2 milliard $. Ce qui nous permettra d’être moins dépendants de l’extérieur et de mieux financer notre propre organisation panafricaine. n

Pour que nos économies décollent, il nous faut d’abord parvenir à une masse critique de performances entrepreneuriales. Ce qu’il nous faut, c’est une coalition de vainqueurs, pas seulement de leaders !

Interview de Donald Kaberuka durant le 4e sommet des dirigeants de compagnies d’assurances et de réassurances organisé début avril à Dakar par Continental Re.


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