La décarbonisation de la construction

MEMOIRE - RAPPORT D’ETUDES La décarbonisation de la construction : en quoi est-il nécessaire de re-questionner l’utilisation du béton dans notre société contemporaine ?

Directeur de Mémoire : REICHERT Tilman

POGGI Hugo - L3

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Sommaire

I - L’histoire du béton de l’Antiquité à nos jours I.1- Utilisation de liant à la chaux de - 8000 av. JC jusqu’en 1759 I.1.1 - Préhistoire : Néolithique : 8000 av. J.C. I.1.2 - ProtoHistoire : Les Gaulois : 800 av. J.C. I.1.3 - Les Romains : 400 av. J.C. I.1.4 - Le Moellon

I.2-La découverte du ciment avec la révolution industrielle I.2.1 - John Smeaton 1759 I.2.2 - Louis VICAT – 1817 I.2.3 -Joseph ASPDIN - 1824 I.2.4 -Joseph Louis Lambot – 1845 I.2.5 - François Coignet et l’exemple de sa maison à St Denis 1853 I.2.6 / W. B. Wilkinson – 1854 I.2.7 / François Hennebique 1892

I.3-La question de l’utilisation du béton aujourd’hui

II - Les enjeux environnementaux, moteurs des alternatives au tout-béton II.1 - Les enjeux environnementaux et l’analyse du cycle de vie des matériaux II.2 - Quelques innovations techniques II.3 / Le remplacement du béton par d’autres matériaux, analysé à partir de 4 projets de 1947 à nos jours : II.3.1. Comparaison de 3 systèmes constructifs qui démontrent l’emploi exponentiel du béton sur 70 ans II.3.2.La Halle Pajol de Françoise Jourda : exemple d’un projet soucieux de la qualité environnementale II.4. Les freins au développement d’alternatives

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Introduction Le béton est actuellement un des matériaux de construction le plus répandu sur la planète à travers l’utilisation du ciment qui a vu sa demande augmenter considérablement au cours des dernières décennies.

D’après une étude de Material Economics, cette demande a triplé en 10 ans à l’échelle de la planète. La Chine est aujourd’hui un des principaux consommateurs puisqu’elle a utilisé en 3 ans plus de béton que les États-Unis durant un siècle.

Le principe de liant est connu depuis l’Antiquité et le béton est le matériau composite qui a le plus évolué.

Il est omniprésent dans les constructions de grande envergure en raison des caractéristiques constructives et architecturales qu’il offre, notamment ses avantages de travail en compression et son caractère incombustible qui le démarque du bois, sa faculté d’être employé dans les fondations et constructions parasismiques, sa perméabilité, son inertie thermique.

Il permet aussi une rapidité d’exécution à un coût économique qui explique sa forte démocratisation. Il est très présent dans l’industrie du bâtiment et concentre beaucoup d’emplois.

De plus, son caractère plastique a été bien exploité ces dernières années, il accompagne la créativité des architectes, il fait partie des tendances actuelles (béton ciré).

En outre, le béton est un matériau composite, ce qui signifie que l’on peut expérimenter sa composition afin d’améliorer sa solidité, sa résistance, sa couleur et sa texture et décupler sa capacité comme par exemple au travers des bétons fibrés ultra performant (BFUP).

Mais cette utilisation généralisée nous interroge sur sa durabilité, comme sur ses effets sur l’environnement.

Tout d’abord, la carbonatation remet en question la durabilité du béton lors d’une mauvaise réalisation, alors même qu’il est plutôt reconnu comme un matériau résistant au temps, comme le prouve aujourd’hui les édifices hérités des Romains.

Les constructions de masse ont d’ailleurs été souvent peu soignées et peuvent présenter un aspect dégradé.

On observe aujourd’hui également les effets secondaires néfastes, issus de cette exploitation intensive notamment sur le plan environnemental.

En effet, son utilisation actuelle à grande échelle nécessite l’exploitation massive de sable pour constituer le ciment lui-même responsable de 52 % des émissions de CO2 dans le domaine de la construction, tout matériau confondu.

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La surexploitation du sable entraine la raréfaction de cette ressource naturelle, l’érosion des sols et du littoral, la destruction d’écosystèmes de manière irréversible.

Le sable est aujourd’hui la deuxième ressource la plus utilisée après l’eau et s’épuise (15 milliards de tonnes extraite par an) (1) Ces sujets ne sont pas anecdotiques. Ils représentent des enjeux cruciaux pour notre société.

Dès lors, même si le béton est implanté dans les mœurs des sociétés contemporaines en étant le matériau principal et reconnu des constructions et est également aujourd’hui un atout d’expansion important des pays en voie de développement, son emploi intensif doit nous interroger au vu de son impact sur les ressources naturelles, la qualité de l’air.

Dans une perspective de décarbonisation de la construction, c’est-à-dire, émettre moins de CO2 dans l’atmosphère et d’utilisation plus raisonnée et économe de nos ressources naturelles afin d’éviter leur disparition, tout en continuant de bâtir, comment requestionner l’utilisation généralisée du béton dans notre société ?

Quelles sont les alternatives existantes, quels procédés utilisés pour continuer à construire en intégrant davantage une conscience environnementale ?

Dans un premier temps, nous analyserons les évolutions majeures des procédés constructifs et des innovations techniques avec leurs applications de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Puis, nous aborderons, à partir des problèmes identifiés sur la préservation de nos ressources naturelles par un emploi massif du béton, les alternatives existantes, leurs atouts, leurs limites et leurs impacts économiques, culturels, environnementaux.

(1) DELON Nicola «Matière Grise», 2014, Collectif Encore Heureux

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I - L’histoire du béton de l’Antiquité à nos jours I.1- Utilisation de liant à la chaux de - 8000 av. JC jusqu’en 175 I.1.1 / Préhistoire : Néolithique : 8000 av. J.C. Il convient premièrement de définir ce qu’est la chaux et la manière dont elle était obtenue à la préhistoire : il s’agissait de faire chauffer du calcaire pendant une dizaine de jours dans un four à 1000°C afin d’obtenir ce que l’on appelle de la « chaux vive ».

L’étape suivante consistait à précipiter l’élément dans de l’eau afin de le réduire en poudre et ainsi obtenir de la « chaux éteinte ».

Durant l’époque Néolithique précéramique, il est possible d’observer la constitution des premiers villages au travers d’une multitude de structures se développant sur la base de ce que l’on considère aujourd’hui comme des fondations, avec des soubassements en “Terrazzo” (notamment sur le site de Çayönü en Anatolie), qui sont le fruit d’un mélange entre de la chaux et de l’argile brulé, écrasé permettant de lier les pierres pour le socle de l’édifice.

Cette technique fut retrouvée sur de nombreux autres sites tels que Jerf El Ahmar en Syrie (Xeme millénaire) ou Shillourokambos (Chypre - 7500 avant notre ère) (1)

D’après la photo de Çayönü (Anatolie, Turquie) (2) on observe le principe de Terrazzo, sorte de liant permettant d’assembler les pierres. Les pièces constituées sont relativement petites par rapport aux murs pouvant aller jusqu’à 80 cm d’épaisseur.(figure 1)

(figure 1) (1) GUILAINE Jean «Maisons néolithiques : exemples méditerranéens», La maisonnée en Europe, 2016 (2) Photographie par Krähenstein, site de Çayönü, Turquie

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Il est possible d’observer sur la photo ci dessous le site de Jerf El Ahmar (Syrie) le même principe mais cette fois-ci avec des murs enterrés. Ces fosses pouvant aller jusqu’à deux mètres de profondeur, étaient des bâtiments communautaires, lieu de regroupement et d’activité.

Cette différence d’utilisation de la pierre et de son liant, joue cependant le même rôle structurel de socle et de parois : “Cette diversité n’est en fait que le reflet des sociétés, de leur organisation, de la façon dont elles pensent le monde et l’expriment, de leur rapport à l’environnement, de leur mode de production” (2) Il arrivait également, comme il est possible de l’observer sur l’illustration ci-dessous, que le sol soit traité avec une nappe de galets ainsi qu’une couche de terre tassée, afin d’y réaliser des activités tel que la combustion ou pour écraser les grains de céréales.

(figure 2)

Les pierres à la base de murs étaient en tout ou partie enterrées.

Les éléments qui ont perduré au travers des millénaires sont les pierres liées à la chaux et non les matériaux périssables tels que les murs de bauge ou les toitures de torchis.

Il est possible de dire qu’il y avait déjà une certaine connaissance des descentes de charges assez instinctives que l’on observe dans ces constructions de par la finesse au fur et à mesure que s’élève l’édifice.

(1)Fouile et photographie par le Docteur Stordeur, 1989 (2) GUILAINE Jean «Maisons néolithiques : exemples méditerranéens», La maisonnée en Europe, 2016

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Au travers d’un troisième exemple qui illustre l’utilisation d’un liant et de la pierre afin de protéger la base du mur, étudions le site de Shillourokambos (Chypre) au travers duquel on observe la réalisation des murs en “terre constituée de bauge, de masses de sédiments plastiques empilées sous forme de lit successifs avec en périphérie des pierres permettant de protéger la base du mur. (1) En effet le vent qui affronte les parois peut être chargé de matériaux abrasifs en suspensions comme par exemple du sable, ce qui peut détériorer les soubassements ou les fondations du mur. (2)

(figure 3)

A ce stade, nous pouvons noter que ce mélange de chaux ne permettait pas d’élever des structures mais plutôt de réaliser le socle d’édifice et de le protéger des facteurs de dégradation.

Ces épaisseurs de murs très importantes offraient une bonne inertie thermique mais les toitures n’étaient pas imposantes, contrairement aux constructions Gauloises que nous observerons par la suite, et ne servaient qu’à protéger des intempéries.

(1)GUILAINE Jean «Maisons néolithiques : exemples méditerranéens», La maisonnée en Europe, 2016 (2) CRATerre, «Traité de construction en Terre» 1989

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I.1.2 / ProtoHistoire : Les Gaulois : 800 av. J.C. Les constructions Gauloises étaient toutes similaires dans leurs réalisations, à savoir une ossature en bois avec des poteaux qui sont ancrés dans le sol permettant d’assurer le soutien de la toiture qui se voulait imposante contrairement aux murs, et sur laquelle était nappée de la chaume (paille d’épeautre) très épaisse permettant de garder la chaleur.

Les éléments de structure étaient composés de poteaux plantés dans le sol, entre 0,2 m et 1 m, ils étaient fixés par des arbalétriers en tête. La ferme que composait la toiture comprenait des arbalétriers, des entraits, faux entraits, un poinçoin ainsi qu’une panne faitière.

Le remplissage des parois était réalisé à l’aide d’hourdis dont il s’agit principalement de torchis plaqué sur une clayonnage, ou alors de pierre, d’adobes ou encore de planches.

Cette technique de construction se définit comme étant de “poteau planté”, qui se positionnent et s’assemblent et sont plantés directement sur site sans test préalable contrairement à l’architecture en Pan de bois, lesquels faisait l’objet de plus de recherches structurelles se traduisant par une plus longue longévité de l’édifice.(1) L’objectif était d’isoler la nourriture des animaux qui circulaient sur le sol.

L’habitat se compose généralement d’une seule pièce très large qui permet d’assurer toutes les fonctions dont l’homme a besoin.

(figure 4)

Ces constructions étaient peu durables. En effet, l’un des défauts de ce type de construction est le pourrissement du bois lié à son exposition à l’humidité stagnante et à de grande variation hygrométrique. Cependant, la construction en bois permis d’élever des édifices, parfois surélevés du sol au moyen de pilotis avec un plancher en bois.

(1) PRÉFAU Pierre, «Pan de bois et contreventement oblique en Gaule à l’âge du fer», 2017

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I.1.3 / Les Romains : 400 av. J.C. Au travers d’un dispositif technique appelé « blocage » ou « opus caementicium », les Romains utilisaient un mélange de mortier de chaux, de sable ainsi que de bloc de roches concassées pour constituer le noyau interne et porteur de leurs murs, réalisés entre deux banches perdus ou deux parements dréssés. (1) Mais l’un des secrets de leur mélange qui s’est ensuite perdu durant de nombreux siècles avant d’être redécouvert par John Smeaton en 1759, était d’utiliser de la « pouzzolane », un sable volcanique issu du mont Vesuve, permettant d’obtenir un résultat encore plus résistant, aussi dur que de la pierre et surtout qui pouvait prendre même en étant sous l’eau, c’était donc l’apparition de liant hydraulique également appelé ciment Romain.

Il est maintenant nécessaire de définir la chaux hydraulique ainsi que la pouzzolane (2) La pouzzolane est alors “un ajoutée de chaux, qui donne alors un composé analogue au ciment Portland” tandis que la chaux hydraulique s’observe en deux catégories, la chaux naturelle et hydraulique qui se différencie de la chaux aérienne par leur sensibilité réduite à l’humidité et au gel.

La chaux hydraulique naturelle, permet une certaine souplesse tout en gardant le mur perméable à la vapeur, c’est un élément que nous allons voir par la suite au travers de la construction en moellons.

Mais ces bâtisseurs iront encore plus loin dans le perfectionnement de leur mélange, à base de pierre ponce, une roche également volcanique si légère qu’elle flotte sur l’eau, ce qui leur permettait d’obtenir un matériau extrêmement résistant et léger pour franchir d’immense portée. (3) Le caementicium (qui signifie en latin : moellon, pierre brute) constituait la structure porteuse de l’édifice mais servait aussi à réaliser le socle de l’édifice telle une fondation.

En effet, il est possible de noter que le sol était alors fait à partir de la pose d’un radier, avec des cailloux posés à sec et recouverts par une couche de béton de chaux.

L’avancée majeure que permit l’Opus caementicium est la possibilité de couvrir des portées beaucoup plus grandes que ne le permettaient la pierre, la brique ou le bois.

Le bâtiment qui illustre le mieux ce procédé est la prouesse du Panthéon de Rome au travers de la réalisation de la coupole. (figure 5) (1)DESSALES Hélène, «Petit Catalogue des Techniques de la construction Romaine», 2001 (2)CRATerre, «Traité de construction en Terre» 1989 (3)Bibliothèque Nationale de France «La révolution du Béton Romain», en ligne : http://passerelles.bnf.fr/techniques/ pantheon_rome_01.php

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Il semble donc difficile de trouver des inconvénients au procédé de construction des Romains, si ce n’est que leurs édifices tentaient de cacher la véritable essence de leur structure, leur vérité constructive.

Si l’on compte un grand nombre de systèmes construits, développés durant l’Antiquité, l’opus caementicium reste celui qui fut à l’époque le plus utilisé pour la construction de bâtiments de grande envergure.

En effet si l’opus quadratum, incertum ou encore reticulatum par exemple laissaient systématiquement un parement constitué de pierre ou de brique taillé, symétrique, visible, l’opus caementicium, lui, était majoritairement réalisé à l’aide de coffrages en bois qui étaient ensuite retirés, permettant de réaliser des moulages comme il est possible de l’observer à l’intérieur de la coupole du Panthéon. (1)

(1) CIM Béton «Durabilité, Longévité des structures en béton», École Française du béton et la Direction de l’Architecture et du patrimoine

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I.1.4 / Le Moellon : Un moellon est une pierre de construction manipulable par l’homme sans outil nécessaire, du fait de son poids et de sa forme.

On distingue trois types de moellons : les moellons bruts, ébauchés ou encore équarris. (1) Ce système fut la technique principale de construction durant des siècles, lorsque l’héritage des connaissances romaines fut perdu.

La constitution d’un tel mur avec des moellons est le suivant : un soubassement est réalisé en roc ou calcaire blanc qui est peu sensible aux intempéries ainsi qu’à l’humidité. Cette base peut aller jusqu’à 70 cm d’épaisseur.

Puis le mur se réalise avec une série de moellons montés avec du mortier selon un double parement au milieu desquels on remplit à l’aide de sable, gravier ainsi que de terre.

Il est possible de noter un certain nombre d’inconvénients, en effet la qualité de l’ouvrage dépend des pierres présentes sur le site. Bien entendu c’est un facteur qui concerne tous les autres procédés vu précédemment, mais dans le cadre d’un béton romain, le produit final résulte d’une transformation physique des matériaux (calcination de la chaux, mélange avec de l’eau, etc…), et donc les éléments qui composent le mélange sont complémentaires.

Or dans le cadre d’un mur en moellon, l’exposition aux intempéries peut fortement dégrader le mur au fil des années, c’est pourquoi il fut nécessaire de recouvrir l’ouvrage avec un enduit crépis, lui aussi à base de chaux dans certaines régions humides.(2) Nous pouvons constater que seule l’utilisation de la chaux a persisté au fil du temps et semble être une sorte de fil conducteur entre chaque procédé de construction.

La constitution des liants et des mortiers va sans cesse évoluer, de nombreuses expériences seront réalisées afin de répondre aux besoins urgents, propres au contexte.

Néanmoins, un tournant s’opèrera sous le siècle des Lumières, en 1759, avec les travaux de John Smeaton.

(figure 6) (1)SERVANT Sonia «Le Verdier, Architceture Vigneronne», Chapitre III:Évolution des techniques de constructions et du décor architectural (2)Ville de Grenoble «Le bâti Ancien, Le patrimoine et l’énergie; Cahier de recommandations techniques et architecturales», 2010

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I.2-La découverte du ciment avec la révolution industrielle Avant d’étudier de nouveaux procédés constructifs au travers d’exemples qu’illustrent des figures tels que John Smeaton, François Coignet ou encore François Hennebique, nous pouvons affirmer que l’invention de ciment permit d’aller au-delà des possibilités offertes par la chaux, en termes de résistance et d’alliance avec le fer.

Dans un contexte de révolution industrielle, l’émancipation de la société du XIXeme siècle favorise l’innovation et l’expérimentation.

De nombreuses découvertes techniques ont eu lieu avec la mécanisation (machines, méthode de production…), aussi bien sur les champs constructifs mais également au travers du développement de la machine à vapeur par exemple.

D’un point de vue général, on observe la transformation d’une société agraire et artisanale, vers une société commerciale et industrielle, dans laquelle on note une production intensive de ciment.

En effet, elle est passée de 2 millions de tonnes en 1880 à 100 millions en 1948, puis 235 millions en 1956. (1) I.2.1 / John Smeaton 1759: Cet ingénieur anglais qui travaillait sur la reconstruction d’un phare au Sud de Playmouth, sur les roches d’Eddystone (2), réalise des expériences de composition de mortier avec différents calcaires avant d’utiliser la fameuse pouzzolane et ainsi obtenir l’un des premiers ciments permettant d’obtenir des caractéristiques similaires à la chaux hydraulique des Romains.

Cette découverte a permis au ciment d’avoir un temps de prise plus court, une plus forte résistance à l’écrasement, ainsi que la possibilité de s’employer en fondation profonde.

Cela permit alors de construire le phare malgré les contraintes d’humidité et de contact avec l’eau que causaient les vagues.

John Smeaton découvrira que plus le calcaire contient de proportion d’argile et mieux le mortier peut prendre sous l’eau.

C’est ce qu’on pourrait nommer aujourd’hui comme « propriété pouzzolanique », se définissant comme l’aptitude d’un matériau à se combiner à la température ambiante et en présence d’eau et de liant (3) La composition du ciment résulte d’un mélange broyé de calcaire d’argile et de sable obtenant des granulats de Clinker, qui subit ensuite une série de pré-chauffage et cuissons dans des fours rotatifs entre 200°C et 1000°C, avant d’être mélangé avec du gypse puis de nouveau broyé.

John Smeaton (1724 – 1792), ingénieur Britannique, père du génie civil

(1)LACOSTE Yves «L’industrie du ciment», en ligne https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1957_ num_66_357_18305 (2) CIM Béton «Histoire du béton, Naissance et développement de 1818 à nos jours», 2009 (3) SOUCHU Phillippe «Pouzzolanicité, activité pouzzolanique et hydraulicité», en ligne : http://doc.lerm.fr/pouzzolanicite-activite-pouzzolanique-et-hydraulicite/

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I.2.2 / Louis VICAT – 1817 : Celui qui sera néanmoins considéré comme l’inventeur du ciment artificiel est Louis Vicat. Il définira clairement les principes chimiques permettant d’obtenir un ciment hydraulique en 1817.

Cela s’accompagnera par la suite du développement des fours à calcination et prépare ainsi l’avènement du béton et les innombrables brevets concernant les ciments.

Louis Vicat (1786 – 1861), ingénieur Français, inventeur du ciment artificiel

I.2.3 /Joseph ASPDIN - 1824 : Par la suite, Joseph Aspdin en 1824 fera breveter le « ciment Portland », obtenu depuis un procédé de calcination qui combine la cuisson du calcaire et d’argile dans des fours alimentés au charbon.

Cette dénomination s’explique par sa couleur et sa dureté avec la pierre de Portland qui est située au Sud de l’Angleterre. (1)

Joseph Aspdin, (1778- 1855), inventeur Britannique, à l’origine de la création du ciment Portland.

I.2.4 /Joseph Louis Lambot – 1845 : Il est également possible de noter un autre tournant majeur dans l’histoire du béton moderne, qui est produit grâce à Joseph Louis Lambot en 1845. Il réalisa, toujours de manière artisanale, expérimentale, des armatures de métal avec du fil de fer dans les mortiers, afin de réaliser des caisses pour orangers, ou encore la fameuse barque qui fut le symbole historique de cette première alliance entre le béton et le fer. C’est alors qu’il décide de déposer le premier brevet pour du béton armé en 1855 : le « ferciment ».

Joseph Louis Lambot (1814 – 1887), ingénieur Français, inventeur du béton armé

(1) CIM Béton «Histoire du béton, Naissance et développement de 1818 à nos jours», 2009

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I.2.5 / François Coignet et l’exemple de sa maison à St Denis (1853): Afin de comprendre et mesurer les nouvelles possibilités architecturales et constructives qu’offre le béton, il semble pertinent d’étudier l’exemple de la maison Coignet.

Réalisée par François Coignet (1814-1888, industriel Français pionnier du béton armé et de la préfabrication) en 1853, cette maison est la première entièrement construite en béton.

Cette bâtisse résulte d’une grande série d’expériences à la fois sur le plan constructif mais également économique.

Il s’agissait tout d’abord d’expérimenter des procédés permettant d’obtenir une solidité suffisante à bon marché.

L’autre expérience de Monsieur Coignet était d’obtenir une grande solidité sans pour autant sortir des limites d’un prix moyen.

“Pour bâtir une maison pareille et dans d’égale conditions de solidité, il eût fallu dépenser peut-être 100 000 francs, elle me coûte 10 000”.

François Coignet (1) Ce qui est remarquable dans la maison Coignet est la technique utilisée pour réaliser l’édifice, le « béton pisé » ou encore « béton aggloméré ».

En effet comme son nom l’indique, l’objectif était de réaliser un caisson de banchage et s’inspirer de la technique du pisé initialement utilisé pour monter des murs en terre. Ce qui permettait de monter étage par étage, tout en obtenant un matériau extrêmement dur que certains compareront à de la pierre, conférant au bâtiment la particularité d’un bloc monolithique tout béton. (2) Le mélange constituant les murs était donc fait d’agglomérés en béton de mâchefer. Il est possible de définir le mâchefer comme étant un résidu solide issu de la combustion de houille qui fut par la suite broyé et mélangé à de la chaux.

Les avantages que confèrent le béton sont donc nombreux selon François Coignet, lui permettant de construire rapidement et efficacement avec une main d’oeuvre limitée, en utilisant un matériau bon marché.

« Invention à part, j’ai démontré qu’il était possible de construire une maison à bon marché » F.C., à l’exposition universelle de 1855.

(1) PLAINE COMMUNE «Focus François Coignet», 2017 (2) In «Constructions économiques en béton pisé : Exposition Universelle par François Coignet», Numéro du 1er Novembre 1855

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Au milieu du XIX eme siècle. il était donc perçu comme une prouesse (depuis les Romains) que d’élever un bâtiment grâce au béton lorsque qu’il était principalement utilisé pour des ouvrages enterrés.

Un autre avantage que conférait le béton était sa plasticité, il était aisé de lui donner n’importe quelle forme, ce qui permit d’ailleurs à F. Coignet de réaliser les ornementations en béton tout en effectuant un traitement de façade pour imiter la pierre de taille.

L’apport des travaux et expériences de M. Coignet dépassent le champ de l’architecture et de la construction et s’étend vers des objectifs sociaux, économiques, culturels afin de démocratiser l’accès à un logement, à la propriété. (1) “Que le pauvre comme le riche puisse l’avoir, la disposer suivant ses goûts, suivant ses ressources, n’est-ce pas là un beau problème résolu ? “ F.C., à l’exposition universelle de 1855.

(figure 7)

(figure 8)

Comme on peut l’observer sur les plans ci-dessus l’ensemble de l’édifice était constitué de ce matériau auquel on trouve difficilement des inconvénients techniques ou économiques en 1850.

En revanche, plusieurs architectes critiquaient le béton en raison de son caractère artificiel.

Il est reproché au béton de manquer de noblesse, d’être une sorte de « pâte non attrayante » contrairement à la pierre de taille ou encore le bois taillé, matériaux naturels et façonnés par des métiers artisanaux ou d’art.

(1) PLAINE COMMUNE «Focus François Coignet», 2017

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I.2.6 / W. B. Wilkinson – 1854 : Williamson B. Wilkinson, (1819 - 1902, Fabriquant de béton) procède à des expériences de procédés constructifs, créant ainsi le béton armé, cette fois ci au travers du mélange béton et fer. Encore une fois il s’agit d’un acte isolé en 1854, qui se développera réellement bien plus tard par Hennebique en 1880 avec des brevets déposés pour des systèmes d’étriers.

Comme on peut l’observer sur la coupe ci-dessous, ce procédé constructif présente une structure mixte avec des murs porteurs en brique ainsi qu’en pierre.

Dans ce cas précis le béton est couplé avec des câbles de mines réemployés. (1) On observe alors que le positionnement de la ferraille semble être réalisé de manière à répartir les efforts logiquement, l’acier qui résiste très bien à la traction est placé en partie inférieure du plancher.

(figure 9)

(1) Fédération de l’industrie Cimentière Belge (FEBELCEM) «Histoires de béton armé, Patrimoine, durabilité et innovations», 2017.

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I.2.7 / François Hennebique 1892 : Parmi les avancées notables qui ont donné lieu à de nouveaux procédés constructifs, les travaux de François Hennebique, ingénieur Français, sont primordiaux.

Il déposera en 1892 un brevet indiquant l’emplacement explicite des fers en fonction des contraintes et en préconisant l’utilisation d’étriers, afin de relier les fers longitudinaux pour répondre à des efforts tranchants.

L’avantage majeur du béton par rapport aux autres matériaux et qui sera largement mis en avant par Hennebique notamment au travers de son propre journal “Le béton armé”, sera sa résistance au feu : “le béton évite les incendies désastreux” (1) C’est également lui qui créera les premiers bureaux d’études concernant le béton armé, en organisant un véritable réseau avec des entreprises de ciment dans plusieurs pays, ayant la volonté de répandre ses procédés constructifs. (2) C’est donc à la fin du XIX eme siècle que les premiers calculs de structure vont avoir lieu, afin de quantifier les efforts et les descentes de charge que permet le béton et que d’autres avancées majeures auront lieu tel que le dépôt de brevet pour le béton pré-contraint par Freyssinet en 1928. (3)

(figure 10)

(1) In «Le béton Armé, Revue mensuelle technique et documentaire des constructions», François Hennebique, N°214, Décembre 1925 (2) In «François Hennebique, Inventeur du béton armé», 1932 (3) Fédération de l’industrie Cimentière Belge (FEBELCEM) «Histoires de béton armé, Patrimoine, durabilité et innovations», 2017.

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Le système ci-dessus réalisé par Hennebique ne bouleverse pas la perception habituelle des principes constructifs, c’est pourquoi le système Hennebique connaitra un succès rapide dans les entreprises de constructions traditionnelles.

On observe un système de poteau-poutre reliés en leur intersections par des chapiteaux. Ces poteaux soutiennent des poutres qui supportent également un plancher, le tout en béton armé, avec un positionnement efficace des éléments en fer.

L’entreprise de François Hennebique ne cessera de perfectionner son dispositif pouvant s’adapter à tout type de programme, aussi bien pour des habitations, que pour des équipements publics, des industries et bien d’autres.

Ce système était économique, rapide à réaliser et très adaptable.

Le béton tel que nous le connaissons aujourd’hui est donc le fruit d’un grand nombre de brevets et innovations aussi bien sur sa composition que sur sa mise en oeuvre.

Il serait possible de décrire énormément de procédés qui ont permis au béton de s’imposer toujours plus face à d’autres matériaux comme la pierre, jusqu’à aujourd’hui.

Le caractère plastique et ses performances constructives ont inspiré aussi bien des architectes que des ingénieurs comme par exemple Eugène Baudoin, Auguste Perret, Robert Maillart et bien d’autres.

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I.3-La question de l’utilisation du béton aujourd’hui Aujourd’hui le béton est très présent dans l’industrie de la construction.

J’ai moi-même pu en faire l’observation durant les stages effectués lors de mon cursus universitaire. J’ai découvert les deux aspects de la construction en béton, depuis sa conception dans une agence d’architecture à sa réalisation sur un chantier.

L’expérience de mon stage de chantier m’a fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène des constructions en béton. Je fus d’ailleurs surpris par la rapidité d’exécution des entreprises et par le nombre incessant de camions Toupie sur les chantiers.

Les techniques alliant béton et fer sont si poussées qu’il semble possible de couvrir n’importe quelle portée ou porte-à-faux du moment que le dimensionnement de l’élément porteur est proportionnel avec le ferraillage.

Le béton armé permet de réaliser des fondations (radier, semelles filantes, semelles isolées, semi profonde, ou profondes (pieux, parois moulée)), pouvant s’adapter aux différents types de sol, permettant ainsi de transmettre les charges appliquées à la construction et assurant la stabilité de l’édifice.

L’utilisation actuelle de ce matériau pour un bâtiment ordinaire peut donc répondre à l’ensemble des contraintes techniques y compris le contreventement et le parasismique.

L’exemple de la Cité Radieuse, de le Corbusier à Marseille illustre le développement de ce matériau à grande échelle, dès l’après-guerre en France, dans un contexte de pénurie du logement social et de nécessité de reconstruire vite et pour le plus grand nombre.

C’est ainsi qu’en 1947, l’État Français passe commande à Le Corbusier pour la réalisation d’une unité d’habitation à Marseille.

Le Corbusieur propose alors un projet qui se veut aussi original sur le plan esthétique que typologique et constructif.

Afin de comprendre en quoi ce projet se révèle plus “économique” dans son utilisation du béton armé que ce que l’on fait de manière globale aujourd’hui dans la construction d’immeuble d’habitation ou de bureaux, il est nécessaire de s’interroger sur la structure de l’édifice et aussi sur la réalisation de ses parois intérieures.

L’ossature portante fut pensée pour être totalement en acier, mais pour cause de pénurie de matériaux, la solution fut l’utilisation du béton armé sans éléments préfabriqués mais plutôt coulés sur place.

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D’après l’ouvrage “La Cellule Le Corbusier, L’Unité d’habitation de Marseille. Jean Lucien Bonillo” (1)il semblerait que les murs soient remplis de matériaux d’isolation (laine de verre, laine de chanvre…) ainsi que par des plaques de plâtre pour utiliser moins de béton: P. 18 : “les profilés de métal pliés pour la construction des cloisons, plafonds et planchers (…) leur ancrage dans l’ossature en béton à l’aide de coussinets en plomb”.

(2)

Ce qui différencie les constructions actuelles en béton, de la Cité Radieuse c’est la question du remplissage des parois suivant une logique d’ossature porteuse.

Dans l’exemple de la Cité Radieuse, même si à première vue le projet se présente comme une imposante barre de béton, l’utilisation de ce matériau pour construire l’édifice est bien plus économe que ce que l’on peut faire, aujourd’hui dans une construction classique en béton notamment la composition des parois intérieures et des planchers (P.22 : “Les loggias sont en béton brut de décoffrage”), (P21 : “Ainsi les cloisons construites en plaques de plâtre, soigneusement articulées par des couvres-joint”.).

L’utilisation répandue du béton même si elle a répondu et répond à des enjeux de développement (nécessité de construire massivement et économiquement) n’est pas sans conséquence vis-à-vis des questions environnementales et nécessite de s’interroger sur des alternatives.

(1) BONILLO Jean-Lucien «La cellule Le Corbusier, L’unité d’habitation de Marseille», 2014 (2) Photographie Industrielle du Sud-Ouest, Archives DRUT Jean-Marc

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II - Les enjeux environnementaux, moteurs des alternatives au tout-béton Les qualités du béton sont indéniables, renforcées par les avancées techniques.

Néanmoins l’industrialisation de la construction pose la question des effets sur notre environnement et de la raréfaction des ressources naturelles surexploitées pour le produire.

Il s’agira dans cette 2ème partie d’envisager de l’utiliser autrement, en conservant ses qualités constructives et plastiques ou d’employer d’autres alternatives de construction, dans le but d’un usage plus raisonné et économe de nos ressources naturelles.

Il s’agira également de mesurer les effets de ces changements et leurs impacts possibles sur le secteur économique de la construction, les habitudes culturelles que ces nouvelles pratiques de construction pourraient engendrer.

II.1. Les enjeux environnementaux et l’analyse du cycle de vie des matériaux : L’utilisation massive du béton dans la construction, pour toutes les raisons ci-dessus évoquées et analysées, est aujourd’hui interrogée en raison de ses impacts sur l’environnement.

En effet, d’après une étude de l’université de Cambridge dans le document “Sustainable materials with both eyes open.2012” sur la question des matériaux soutenables, “le ciment et le fer sont responsables de la moitié des émissions de CO2 de l’industrie de la construction”.

C’est précisément durant l’étape de cuisson (lors de la fabrication du ciment) que près de 40 % des émissions de CO2 sont émises.

La création de ciment nécessite l’utilisation de ressources naturelles telle que l’exploitation maritime de sable qui est effectuée plus qu’intensivement à l’heure actuelle et qui le positionne comme étant la deuxième ressource la plus utilisée après l’eau (15 milliards de tonnes extraites par an). (1) Le sable est une ressource qui se raréfie. Sa surexploitation provoque l’érosion des sols, des exodes de populations qui voient disparaitre leur milieu naturel, ainsi que la disparition d’éco-systèmes de manière irréversible .(2) Il est donc indispensable de questionner son utilisation dans la construction aujourd’hui et d’envisager des alternatives partielles d’autant plus qu’il est prévu que la demande de ciment augmente de 75 % d’ici 2050 dans le monde “Sustainable materials with both eyes open.2012.”.

Même si les caractéristiques techniques, constructives et économiques ne sont pas comparables entre le béton armé et le bois, la brique, la pierre, il est possible de souligner des différences au niveau de l’impact environnemental que coûte l’exploitation de ces matériaux.

Il s’agira d’observer les matériaux les moins polluants plutôt que s’attacher à leur performance constructive.

(1) DELON Nicola «Matière Grise», 2014, Collectif Encore Heureux (2) DELASTRAC Denis, ARTE «Le sable : enquête sur une disparition», 2013

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Afin d’observer les avantages que confèrent la pierre ou encore le bois par rapport au béton, il est proposé d’analyser leur cycle de vie (Analyse du Cycle de Vie : ACV).

Il est possible d’observer sur le document ci-dessous, issu de l’exposition “révéler la ressource, Explorer le Matériau. Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris”(1) en 2018 qui analyse le cycle de vie de trois matériaux tels que le béton armé, la pierre massive et le bois, que le cycle de vie du bois consommerait moins d’énergie grise que celui du béton ou de la pierre.

(figure 11)

17/10/2018 11:28

(1) Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris «Réveler la ressource, explorer le matériau», 2018

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L’exploitation du bois dans la construction est celle qui a le moins d’effet négatif sur l’environnement, le bois permet de stocker une quantité non négligeable de dioxyde de carbone, évitant par la même occasion d’augmenter l’effet de serre.

Dans le schéma, on remarque que l’élément le plus “composite”, c’est-à-dire qui nécessite énormément de transformation avant d’être coulé et ainsi se présenter comme un élément architectural, est le béton armé.

Même s’il peut être produit et coulé sur place, son composant principal étant le ciment, il reste très difficile de réduire son empreinte carbone étant donné que sa seule transformation chimique résultant des processus de calcination, est responsable de 60% des émissions totale de la production de ciment (1) Cela signifie donc que même si l’on parvient à réduire les étapes d’exploitation du calcaire réalisées en amont, l’impact environnemental dans la fabrication du béton resterait tout de même conséquent.

Au contraire de la pierre massive qui subit peu de transformation avant sa mise en œuvre, comme le sciage ou les finitions, et qui émet au final près de 60 % de carbone en moins que le béton armé.

Ces graphiques permettent donc de se rendre compte à travers l’analyse du cycle de vie, de l’importance des procédés de transformation des matériaux avant leur mise en œuvre, afin de réaliser l’ampleur de leur impact environnemental.

Au vu de ces enjeux, aujourd’hui, de grandes entreprises Françaises de matériaux de construction sont sensibilisées aux impacts des émissions de GES (gaz à effet de serre) produites par leur processus de production et engagent des études pour en réduire les effets.

II.2.Quelques innovations techniques : Même si la demande en ciment et donc de béton croît de manière constante (de 3 à 5% en une année comme l’indique une étude de 2017 réalisé par le Sfic : Syndicat Français de l’Industrie Cimentière), il existe des solutions pour réduire notre usage du béton bien qu’elles restent encore peu répandues. Elles se font soit à partir d’innovations techniques, soit au travers des processus de récupération des matériaux.

Il est proposé d’observer quelles sont ces innovations techniques liées au béton et en quoi elles peuvent réduire ses impacts négatifs sur l’environnement, son utilisation et donc la demande et ainsi proportionnellement diminuer l’empreinte carbone que son emploi massif génère.

L’exemple de Lafarge Lafarge travaille actuellement sur le projet Aether ciment, une nouvelle génération de ciment mais avec une faible teneur en carbone pouvant offrir des performances similaires au ciment Portland dans son utilisation dans le béton.

Ce ciment dont la production nécessite moins de calcaire, verrait ses émissions de CO2 diminuer de 25 à 30% durant le processus de production.

Ce projet est actuellement en train de se développer et de s’industrialiser et pourrait bientôt voir le jour. (2)

(1) In «Du carbone dans le ciment!», 2009, en ligne : http://www.construction-carbone.fr/lecimentetsapartcarbone/ consultation le 02/04/19 (2) In «Developing a new generation of lower-carbon cements», 2015, en ligne : http://www.aether-cement. eu/?fbclid=IwAR3jVHiHazeSO0lj8_MDuCcORLqmDCmMgOwI8mbWGpNEEafwfEh_E-y1BaA consultation le 03/04/19

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Le béton fibré ultra haute performance (BFUHP) : C’est un béton à matrice cimentaire, qui est renforcé par des fibres (métalliques, polymères ou minérales) lui permettant d’augmenter sa résistance en traction ainsi qu’en compression (30Mpa pour un béton standard, contre 130 à 250 Mpa, en compression pour le bfuhp).

Il possède une compacité très importante, ce qui permet d’utiliser moins de matière qu’un béton standard pour un même ouvrage. (1) La consommation de ciment continuerait alors d’augmenter considérablement même si l’économie de matière dans les murs serait réalisée. (2) Il est également possible de présenter les planchers composites, permettant d’allier le béton au bois par exemple. Il s’agit donc encore une fois de réaliser une économie de matière cette fois-ci au travers de l’utilisation de deux matériaux distincts.

Planchers composite Bois-béton : C’est un procédé qui consiste à fixer des “connecteurs” métalliques (vis, tirefonds, tubes en métal) sur la dalle en bois et ensuite couler la dalle béton par-dessus. Durant le temps de prise du béton, le bois humidifié se rétracte mettant alors le béton en compression.

Ce qui est intéressant dans ce procédé et que chaque matériau compense les faiblesses de l’autre. Le béton qui travaille mieux en compression est en partie supérieure et le bois pour les efforts de traction en partie inférieure du plancher, ainsi que les connecteurs qui lient les deux matériaux et résistent au cisaillement.

Ce procédé permet donc d’utiliser moins de béton et permet de couvrir des distances de planchers plus grande. (3)

Ce procédé peut être utilisé aussi bien pour la construction neuve que pour la rénovation, par exemple pour un bâtiment dont les poutres et planchers sont en bois et permet de garder leur aspects authentiques visibles.

(figure 12)

(1) RESPLANINO Jacques «Le BFUHP, perspectives offertes vis-à-vis de la pérennité et la maintenance des ouvrages», CETE Lyon (2) GUIRAUD Patrick «Le béton fibré ultra haute performance», 2018, en ligne : https://www.infociments.fr/betons/ bfup consultation le 01/04/19 (3) MOOSER M., FORESTIER M., PITTET-BASCHUNG M., «Surélévations en bois, densifier, assainir, isoler», 2011

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Le processus de recyclage : Prenons pour exemple une porte en bois dégradée ou plus au goût du jour et destinée au rebut.

Au lieu de jeter cette porte, on peut se questionner sur sa réutilisation en tant que matériau au travers de 3 processus que l’on peut distinguer : le recyclage, le réemploi et la récupération.

-le Recyclage serait le fait de transformer la matière (pour le bois il s’agit de broyer) afin de lui donner un second usage, sous une autre forme comme par exemple transformer le bois en copeau pour ensuite réaliser l’isolation par remplissage dans un mur.

-la Récupération serait de transformer le bois de cette porte en un plan de travail, on peut donc également lui donner une autre fonction.

-le Réemploi serait de prendre la porte qui est abîmée et qui pourrait directement être réutilisée comme porte sans transformation, par exemple pour la cabane au fond du jardin ou tout autre édifice, pour lequel on n’exige pas de qualité esthétique.

Au vu de ces définitions, il est possible de dire que le béton est très difficilement récupérable ou réemployable, puisque dès lors qu’il est dégradé, il est sujet à une carbonatation (pour du béton armé) qui réduit ses performances constructives.

Cependant, c’est un matériau qui peut être recyclé car il produit des déchets inertes.

A ce sujet, il fait l’objet d’un intérêt croissant à partir du projet national Recybéton lancé en 2012, concernant son recyclage en raison du grand nombre de déchets que constituent les déconstructions ou les réhabilitations.

L’objectif de Recybéton est de réaliser des expériences en laboratoire et sur des chantiers expérimentaux, afin de découvrir comment il est possible de réutiliser des granulats de béton recyclés (GBR), en gardant un niveau satisfaisant de performance du béton d’un point de vue technique, environnemental et économique.(1) En effet, selon une étude réalisée par l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie), il y aurait 20 millions de tonnes de déchets inertes issus du domaine de la construction de bâtiments, dont 56 % seraient des déchets inertes mélangés, 19% en béton armé et 17% qui seraient à base de ciment.

Le recyclage du béton est alors possible, permettant d’obtenir des GBR (Granulats de Béton Recyclés) pouvant être appliqués en sous-couche, pour les travaux de voies publiques, ou alors dans des remblais dans la construction, par exemple pour un projet dit expérimental, pour le coulage d’une dalle de parking à Chanopost dans le Rhône (dans le cadre du projet national de Recybéton).

Néanmoins, il a été publié que : “les bétons contenant des sables de GBR, subissent une dégradation lorsque le taux de substitution dépasse 30 %.” (1)

(1) LARRAD F., COLINA H., «Le béton recyclé» Marne-la-Vallée : Ifsttar, 2018. Ouvrages Scientifiques, OSI4, 792 pages, ISBN 978-2-85782-747-4.)

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D’après une étude menée par Material Economics “The circular Economy - a powerful force for climate mitigation” (1), environ 85% de l’empreinte CO2 des matériaux de construction provient d’éléments structurels qui sont démolis, non pas car ils sont inutilisables d’un point de vue technique, car ils sont généralement en bon état, mais parce qu’il est moins cher de détruire la structure plutôt que de la réhabiliter, ou alors car le programme du projet ne correspond pas avec l’existant.

D’après ce document, “l’augmentation de la durée de vie des bâtiments est l’une des mesures les plus efficaces qui puisse être prise pour réduire le besoin de matériau de construction.” (p152; Chapter 6, Making more of each building : increased lifetime and utilisation”). (1)

(1) MATERIAL ECONOMICS «The circular economy, a powerful force for climate mitigation», 2018 en ligne : https:// media.sitra.fi/2018/06/12132041/the-circular-economy-a-powerful-force-for-climate-mitigation.pdf

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II.3 / Le remplacement du béton par d’autres matériaux, analysé à partir de 4 projets de 1947 à nos jours : II.3.1. Comparaison de 3 systèmes constructifs qui démontrent l’emploi exponentiel du béton sur 70 ans : Nous proposons de comparer les systèmes constructifs de trois projets distincts à savoir : - la cité radieuse de Le Corbusier, (Figure 13 et 14) -l’immeuble du Vieux-port datant de la reconstruction d’après-guerre réalisé par Fernand Pouillon ainsi qu’André Devin, (Figure 15 et 16) -Immeuble d’habitation R+6, les Terrasses des Jaracandas à Nice, EIFFAGE Construction (mon stage de chantier a porté sur cette réalisation en février 2018) (Figure 17 et 18) L’analyse des techniques d’utilisation du béton entre 1947 (cité radieuse), 1951 (Pouillon et Devin) et 2018 (Jaracandas) permet de rendre compte de la part croissante du béton dans un projet d’architecture, par rapport aux autres matériaux.

Dans les plans des trois projets concernés, on distingue en rouge les éléments en béton, qu’ils soient porteurs (plancher, poteau) ou relevant du second oeuvre (garde corps).

Même si les logements en question ne présentent pas la même surface (Fig. 15 = 141 m2; Fig. 16 = 153,5 m2; Fig 18 = 145 m2), leur surface est proportionnellement rapportée à 100 m2 afin d’être comparable.

(figure 13)

Surface étudiée correspondant à un appartement La question des loggias et balcons est intégrée afin de se rendre compte des différentes techniques utilisées.

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(figure 14) Coupe 1/200

Plan 1/200

(figure 15)

Coupe 1/200 Plan 1/200 (figure 16)

(figure 17)

Coupe 1/200 Plan 1/200

(figure 18)

(figure 19)

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Tout d’abord, il s’agit d’expliquer le principe structurel des logements. Comme indiqué un peu plus haut pour l’unité d’habitation de Le corbusier, on observe un système de poteaux poutres en béton, avec un plancher en béton tous les trois niveaux. Le remplissage des planchers intermédiaires est réalisé avec des éléments en bois. Les parois extérieures au logement sont également réalisées suivant le principe de remplissage avec une isolation acoustique ainsi qu’un revêtement intérieur en plaque de plâtre.

En ce qui concerne le bâtiment numéro deux, on note des façades porteuses en pierre ainsi que des poteaux en béton pour couvrir les portées des planchers.

Pour le bâtiment construit récemment en revanche, on observe des voiles béton aussi bien en façade qu’à l’intérieur des logements. Il n’y a pas de poteaux, simplement des murs bétons permettant de porter l’édifice. À première vue il semblerait donc que le béton soit moins utilisé dans les deux premiers projets. Suivant un principe de poteaux poutres, le béton est utilisé pour ses qualités constructives, notamment pour son efficacité en travail de compression ainsi que pour son caractère plastique (loggia de la cité radieuse).

Dans le projet numéro deux, le béton armé est mis en avant pour les portées qu’il permet de franchir : “Les loggias comme les grandes portées ne sont permises que par le béton armé” - Jean Lucien Bonillo - (2). Ici, le béton fut également utilisé pour les loggias, mais dans un souci d’économie de matière, on observe un principe de caissons de terre cuite entre lesquels est coulé du béton. Cela permet au béton d’être efficace tout en étant moins utilisé. Cependant, il semblerait que ce principe ne soit appliqué qu’aux loggias, il est possible de se demander si ce système ne permet pas d’être aussi efficace qu’un plancher tout béton pour de plus grande portée.

(1) Cf. Fig. 17

(2) Cf. Fig. 19

(1) Marseille 2 points «Immeubles du vieux-Port - Fernand Pouillon», 2018 en ligne : https://www.marseille2points.fr/ architecture/ consulté le 15/05/19 (2) Le Courrier de l’architecte, Interview de J.L. BONILLO «Fernand Pouillon, la pierre sans mystique», 2013

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Après la réalisation de calculs effectués indépendamment de chaque projet, pour identifier le rapport entre le volume total de matière utilisé dans la construction des logements et la part de béton. Il peut être conclu que le projet de la cité radieuse s’avère être le plus économe dans son utilisation de béton, si l’on prend une surface de 100 m2 bâti.

En effet, la proportion de béton est de 45,2 %, contre 50,5 % pour l’immeuble du VieuxPort en structure mixte pierre-béton-terre cuite.

Un décalage énorme s’opère avec la construction actuelle puisqu’elle présente pas moins de 98 % de part de béton. Dans ce dernier exemple, le béton est utilisé aussi bien en paroi qu’en planchers.

II.3.2.La Halle Pajol de Françoise Jourda : exemple d’un projet soucieux de la qualité environnementale : Le projet est une réhabilitation de la Halle Pajol par Françoise Jourda, architecte, qui se caractérise par la destruction de tous les éléments de planchers et de remplissage pour ne rénover que les éléments porteurs en acier ainsi que la toiture. « Environ 4000 m3 de déchets inertes (béton, maçonnerie, briques, tuiles, déblais divers…) ont été concassés sur place pour être utilisés comme remblais pour la création d’une rampe d’accès. » (Bazed, thème : conservation, 2014).

Le projet consiste ensuite à venir glisser un bâtiment indépendant de l’existant mais qui bénéficie quand même des protections de la toiture (solaires et intempéries), ainsi que de ses avantages puisque près de 3500 m2 de panneaux photovoltaïques y sont installés, permettant de fournir en toute ou partie l’eau chaude. Le bâtiment bénéficie du grade énergie positive, c’est-à-dire qui produit plus d’énergie que ce qu’il ne consomme.

L’une des caractéristiques importantes du projet est la création d’une structure mixte, mi-bois et mi-béton.

Les façades légères sont des éléments en bois préfabriqués sur lesquels un bardage est ensuite installé. On retrouve ce matériau aussi bien dans les escaliers que dans les menuiseries et même les mains-courantes.

Selon Françoise Jourda, “on ne peut plus construire en béton aujourd’hui comme on le faisait à l’époque, il faut réserver le béton à des endroits où le bois n’est plus possible» (1).Ce qui est intéressant dans cet exemple est le fait que la structure soit mixte et composée à la fois de bois mais aussi de béton. L’ensemble de ce bâtiment étant lui-même enveloppé par une structure en acier.

(figure 20) (1) Salon International de la construction et de l’architecture, «Françoise-Hélène Jourda - Jourda Architectes Paris», en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=43NHQsMwxr4 , 2014

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Le béton est donc utilisé ici pour ses qualités, qui le différencie clairement d’autres matériaux, afin d’être présent le moins possible, dans un souci de développement durable.

On notera donc qu’il fut utilisé pour : -les fondations, car il ne craint pas l’humidité et pour des raisons parasismiques -les planchers (composites), grâce à son inertie thermique qui évite les surchauffes en été, et pour ses propriétés acoustiques -son caractère incombustible de résistance au feu.

(1)

(2)

(2)

(1) PICARD Guy, Direction de l’Urbanisme de la ville de Paris, 2007 (2) Jourda Architectes Paris «Réhabilitation de la Halle Pajol», 2013

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II.4. Les freins au développement d’alternatives Même si le béton fait l’objet aujourd’hui de recherches (Recybeton), d’expérimentations, de réalisations inspirantes (Halle Pajol) afin de réduire l’impact environnemental de son processus de production jusqu’au chantier, celles-ci demeurent encore marginales.

En effet, de nombreux facteurs ralentissent le développement de nouvelles manières de concevoir la construction et l’architecture, que ce soit sur le plan économique, culturel, social.

La première raison qui favorise l’emploi du béton est économique et sociale. En effet l’industrie du béton représente 761 sites de production pour 500 entreprises en France, ce qui permet une proximité de la matière première vis-a-vis des chantiers ainsi qu’un faible coût de transport selon la Fédération de l’Industrie du Béton.

C’est aussi le maintien de 18 000 emplois de proximité qui ne peuvent être délocalisés.

L’industrie du béton contribue au dynamisme des territoires et de leur développement puisque c’est le “premier employeur des industries de la branche carrières et matériaux”.

«Il ne faut pas oublier la dimension fondamentalement économique du béton, il s’inscrit nécessairement dans une chaîne courte de production. Même dans le cadre de bétons expérimentaux comme on a pu avoir par exemple avec le stade Jean Bouin, c’est maximum 20 à 30 kilomètres entre les lieux de production et de consommation. Ça implique des emplois territorialisés, donc non délocalisables!»

Rudy Ricciotti (1) L’impact de la construction sur l’économie est omniprésent. Les bénéfices et chiffres d’affaires engendrés sont primordiaux. Les collectivités locales, l’Etat lancent des marchés publics par appels d’offres dont les cahiers des charges mentionnent systématiquement l’obligation d’utiliser le béton pour sa solidité et pour des raisons d’économie de coût. (2) Les usages, l’impact culturel des constructions en béton qui composent principalement nos villes, la formation des acteurs du secteur de la construction qui enseignent encore beaucoup un bâti basé sur le béton (les centres de formation en apprentissage, les écoles du bâtiment et d’ingénieurs formant ouvriers, techniciens, ingénieurs, architectes) freinent le développement d’autres pratiques dans la réalisation d’un ouvrage en béton.

De plus, la construction en béton nécessite un niveau d’ingénierie élevée, l’appui d’un bureau de contrôle, mais peu de qualification pour le gros œuvre réalisée par les ouvriers du bâtiment, ce qui favorise l’abondance d’une main d’œuvre bon marché.

A contrario, en ce qui concerne la construction bois par exemple, l’assemblage de l’ossature, de la charpente, nécessite beaucoup plus d’experts à toutes les étapes de la construction de l’édifice.

(1) ABITTAN David, Interview de RICCIOTTI Rudy, «L’éclatante revanche du béton», 2016, en ligne : http://www. slate.fr/story/109721/revanche-beton (2) BARTEAU A., RIVIÈRE M., TACONET N., VERGNET J., «Filière béton et économie circulaire : les enjeux, jeu d’acteurs et légitimité d’une politique publique de soutient», 2017. hal-01821710

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Les facteurs économiques, culturels, sociaux que nous venons d’évoquer, limitent, freinent l’utilisation d’autres procédés de construction car leur introduction modifie en profondeur des équilibres financiers, des pratiques professionnelles ancrées.

Le projet Recybéton qui promeut le processus de revalorisation des granulats de béton recyclés (GBR), a démontré qu’il est possible techniquement de recycler des granulats de béton jusqu’à 30 %, sans altérer la qualité du béton produit.

Son développement se heurte à la réticence des assurances, réservées quant à l’utilisation des GBR, non prévus dans les cahiers des charges des marchés publics et considérés comme pouvant réduire la solidité du béton. Certaines assurances exigent une surprime ou refusent d’assurer le bâtiment édifié avec un pourcentage de GBR. Ce procédé de recyclage du béton nécessite donc des modifications réglementaires pour pouvoir être généralisé dans la construction.

En effet, les GBR sont encore principalement perçus comme des déchets plutôt que comme des produits présentant des solutions. (1) En outre, Recybéton relève d’une véritable volonté politique comme l’a fait la région Île de France, en lançant ce projet en Février 2012, qui s’inscrit dans le prolongement du plan régional de prévention et de gestion des déchets issus des chantiers du bâtiment et des travaux publics (PREDEC 2015).

Le poids des normes est également un frein car elles imposent encore à ce jour, plus de tests pour garantir les qualités constructives de l’ouvrage lors de l’utilisation de GBR, ce qui augmente alors le coût du projet et n’est pas du tout incitatif.

Pour résumer, si l’on veut diminuer l’impact écologique du béton, il faut développer cette filière de recyclage.

Pour y parvenir et dépasser les freins juridiques, financiers, il faut la valoriser davantage et faire évoluer les lois et règlements régissant le secteur de la construction comme par exemple : -faire évoluer les normes vers une diminution de tests requis sur les bétons contenants des granulats recyclés -changer le statut juridique de béton recyclé pour le faire passer de déchet à produit pour donner des garanties aux assureurs frileux -créer une demande pour les granulats recyclés en imposant un taux de recyclé dans les marchés publics -apporter une aide au financement et à l’achat d’équipement de tri et de recyclage Il existe donc bien des solutions pour dépasser ces résistances, en vue de développer cette filière de recyclage, elle nécessite une volonté politique d’agir, réunissant tous les acteurs de la branche professionnelle de la construction, les collectivités locales les assurances comme en Ile de France…. afin d’acter une série de nouvelles mesures juridiques, d’incitation financières, destinées à promouvoir l’utilisation du béton recyclé(1).

(1) BARTEAU A., RIVIÈRE M., TACONET N., VERGNET J., «Filière béton et économie circulaire : les enjeux, jeu d’acteurs et légitimité d’une politique publique de soutient», 2017. hal-01821710

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CONCLUSION : Le béton est un matériau économique et durable d’une rare inventivité.

Ses performances techniques ont évolué perpétuellement tout comme son aspect plastique.

Avec 6 milliards de tonnes produites en 2015 (une production qui a doublé en 15 ans), le béton est devenu l’un des matériaux de construction les plus utilisés au monde (deux tiers des habitations dans le monde) pour ses incroyables propriétés, sa facilité d’utilisation, son exploitation bon marché.

En termes économique, le secteur de la construction correspond à 10 % du produit intérieur brut Français et représente, à l’échelle mondiale, près de 100 millions d’emplois.(1) En France, tout type confondu (grandes entreprises, PME, TPE, artisans) il représente plus de 300 000 entreprises dont 92 % ont moins de 20 salariés. Ces entreprises correspondent à environ 1,2 million d’actifs dont plus de 900 000 salariés et près de 290 000 artisans (SESSI, 2007, Action BTP, 2011).

Mais le secteur de la construction produit aussi 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits (le béton est à l’origine de 20 millions de tonnes de déchets à l’échelle nationale).

Pour produire les 6 milliards de tonnes de béton nécessaires à la demande mondiale par an, il faut extraire plus de 25 milliards de tonnes de graviers et de sable chaque année dans le monde.

Selon l’ONU, plus de 70 % de la population vivra en ville en 2050 et près de trois milliards de personnes auront besoin de nouveaux logements.

On comprend pourquoi l’enjeu de la COP 21 est de trouver un accord international pour unifier les politiques de décarbonisation, afin d’atteindre l’objectif de limitation de la hausse de la température terrestre à 2° mais aussi de promouvoir des aides financières “vertes” qui accompagneront une croissance économique nécessaire mais plus consciente de ses impacts.

Au vu de tous ces constats et enjeux, le secteur du bâtiment et de la construction au poids économique considérable et à l’empreinte écologique forte, a-t-il engagé les profonds changements attendus pour contribuer à l‘atteinte de ces objectifs ambitieux et indispensables pour notre avenir ?

Nous avons vu que les transformations à l’œuvre dans le secteur du bâtiment, à travers l’utilisation et l’évolution du béton sont engagées et multiples. Ingénieurs, urbanistes, architectes tentent de réinventer les pratiques de construction, de la conception jusqu’au chantier, en favorisant des matériaux plus intelligents et plus écologiques.

Les mutations sont aujourd’hui essentiellement envisagées à partir de travaux de recherche, d’innovation pour faire du béton un matériau plus écologique, développer la filière recyclage, ou encore en réduire l’utilisation en le mixant avec d’autres matériaux.

(1) TRÉGOUET René «Le béton plus que jamais un matériau d’avenir ! Matière et énergie, Recherche et Technologie Flash», Secteur Honoraire, 2016

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La généralisation et la combinaison de ces progrès en matière de production propre d’un béton plus écologique devraient permettre de réduire à terme d’au moins 700 millions de tonnes par an, les émissions mondiales de CO2 liées à la fabrication de ciment, ce qui représente plus de deux fois les émissions annuelles de la France. (1) L’exemple des bâtiments durables méditerranéens (BDM) est intéressant à analyser car il permet d’évaluer des projets immobiliers au regard de leur qualité environnementale. La démarche a été lancée en 2008 par un groupe de professionnels de l’aménagement et de la construction, réunis au sein du pôle régional d’innovation et de développement économique solidaire (Prides), labellisé par la région PACA. Elle propose une évaluation assurée par des pairs à trois stades d’avancement des projets (phase de conception, fin de chantier, après deux ans de fonctionnement). Mais ce système participatif de garantie n’est pas reconnu nationalement, ce qui prive les programmes d’habitat collectif neuf des avantages accordés aux opérations certifiées (exonération de taxe foncière et dispositif de défiscalisation Pinel). Il reste donc encore marginal et peu utilisé.

Il n’est donc pas certain que l’ensemble de ces travaux de recherche, d’innovation se généralisent au-delà de quelques emblématiques projets et volontés de grandes entreprises, face à la rigidité des normes, des assurances, de la commande publique, des habitudes dans un secteur composé d’une multitude d’acteurs, très fragmentée.

Il faudra en plus de la recherche, de l’innovation, de la conscience environnementale, des volontés politiques qui adapteront normes et règlements pour accompagner un changement complet de modèle et de pensée constructives. (2)

63 500 Caractères (1) Philippe Deshayes, Laboratoire de Modélisation et de Management des Organisations, In «Cairn» : «Le secteur du bâtiment face aux enjeux du développement durable : logiques d’innovation et/ou problématiques du changement», 2012 (2) LELONG Jean, La gazette des communes, «La démarche : bâtiments durables», 2017

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«Nous savons construire des barrages, fabriquer des médicaments, ériger des ponts, des maisons … Mais tout cela n’est que provisoire. La Nature finit par reprendre ses droits. La mauvaise herbe viendra toujours à bout du béton» Gemma Malley, La révélation, 2010

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