PALACE COSTES n°25

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Jennifer Lopez

Mode Bijoux Rêves précieux

Jungle fantastique

Magazine cadeau, prenez-le, gardez-le

English texts

PalaceCostes

N°25/Septembre/Octobre 2025

10. Tendances. Quatre décennies de tendances.

14. Jennifer Lopez

«Je ne veux plus faire que des comédies musicales».

18. Jean-Luc Choplin. «Le plus important est de donner le meilleur au plus grand nombre».

28. Cédric Peltier

«J’ai un rapport particulier à l’immensité».

32. Rêves précieux

Photographies Juliette Allix

48. Alice Vaillant

«Un vêtement peut aider à avoir confiance en soi».

52. Capucine Safyurtlu

«J’ai voulu créer une marque qui rassemble, tout en étant exclusive, pas par le prix, mais par les clientes qui la porte».

54. La force du flou

Photographies François Fontaine

62. Anilore Banon. «Un scientifique m’a demandé : “Votre œuvre, vous voulez la mettre où sur la Lune?”».

64. Des gens que j’aime… Guillaume Gallienne

70. Face à face avec une photographie. «The State We’re In, A» (2015), Wolfgang Tillmans.

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Magazine édité par la société

RÉDACTION

Fondateur Claude Maggiori

Rédactrice en chef

Anne Delalandre

Direction artistique, maquettes Christian Kirk-Jensen

Secrétariat de Rédaction Philippe Bottini

Direction Digitale Mathieu Clément

Secrétaire Administrative Dolorès Gonzalez

Assistante Mode Noémie Jalu

Ont collaboré à la rédaction : Séraphin Bonnot, Alice de Chirac, Anne Delalandre, Manon Demurger, Sabine Euverte, Noée Féval, Charlotte Guillemin, Sandra Hirth, Marie Jérémie, Patricia Khenouna, Oscar Léon, Bertrand Raison, Ellen Willer.

Photographies : Juliette Allix, Augustine Basselier, Julien Benhamou, Jean-Luc Bertini, Christelle Billault, Valentine Chauvin, Jay L. Clenderin, Jean-Louis Fernandez, François Fontaine, Hervé Hiolle, Dennis Lomme, Frédéric Poletti, Camille Zehat.

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Costes Editions, 340 rue Saint-Honoré, 75001 Paris

Direction commerciale : Sonia Keller 06 88 32 15 88 sonia.keller@palacescope.com

Julie Le Calonnec 06 78 47 01 25 julie.lecalonnec@palacescope.com

IMPRIMERIE

Imprimé en France, Aubin Imprimeur, Ligugé (86) Suivi fabrication Annick Torrès (Les Conseils du Héron)

Tous les papiers utilisés dans cet ouvrage sont issus de forêts gérées durablement, labélisés 100% PEFC, ayant un Ptot de 0,01. PHOTOGRAPHIE DE COUVERTURE

Juliette Allix

Directrice artistique, Anne Delalandre. Styliste, Claudia Cali. Mannequin, Zhenya Mihovych (The Face). Casting, Lylia Bokélé (Ikki Casting). Coiffeur, Quentin Guyen (Calliste Agency). Maquilleuse, Camille Siguret (Wise & Talented). Manucure, Sylvie Vacca (Call my Agent). Set Design, Gaston Portejoie (API Corp). Assistante mode, Noémie Jalu. Assistants photographe, Ania Zawadka, Quentin Lefeuvre. Assistante styliste, Asalah Benatia. Assistant Digital, Reda Choubai. Assistant Set Design, Louis Ville. Zhenya porte un collier, une bague et des boucles d’oreilles «Cluster», diamants taille marquise, poire et brillant, monture en platine, HARRY WINSTON, un top, Isabel Marant. (Photographie retouchée)

MAKING OF

Dans ce numéro de rentrée, la série mode et bijoux Rêves précieux, met à l’honneur les nouveautés de la maison new yorkaise Harry Winston dont le fondateur fut longtemps surnommé «Le roi des diamants». Depuis quelques années, la maison propose de plus en plus de bijoux ornés de pierres aux couleurs flamboyantes : des saphirs d’un bleu profond, de délicates aigues-marines, des rubis éclatants, des turquoises lumineuses… Des gemmes qui apportent un souffle nouveau et audacieux aux collections de haute joaillerie. Confiée à la jeune et talentueuse photographe parisienne Juliette Allix, la série réunit les plus fascinantes pièces de la saison. Son regard moderne souligne la force et l’élégance de ces joyaux d’exception. Aux cotés de la photographe, le set designer Gaston Portejoie a conçu des mises en scène surprenantes et décalées, où la géométrie d’un cintre, les reflets d’une canette, le raffinement d’un sucrier ou encore la pointe d’un escarpin mettent en valeur l’éclat des pierres et la finesse du design des pièces. La styliste Claudia Cali a insufflé une touche sexy chic à la série, incarnée par la belle et troublante Zhenya ANNE DELALANDRE

Quatre décennies de tendances

Normalement, un bureau de tendances regarde vers le futur pour nous annoncer les trends à venir… Mais NellyRodi célèbre cette année ses 40 ans, alors on a demandé à Vincent Grégoire de jeter un coup d’œil sur le passé et d’identifier les tendances majeures des quatre dernières décennies. Spoiler : elles ont construit ce que nous allons vivre demain.

Qu’est-ce qui caractérise ces quarante dernières années ?

En zoomant en arrière, et en prenant de la hauteur, je me suis rendu compte qu’à chaque décennie depuis la création de NellyRodi en 1985, il n’y a pas eu une tendance marquante, mais deux, systématiquement, quelque chose et son opposé. C’est un peu mon credo et celui de l’agence depuis de nombreuses années, cette histoire de paradoxe, mais là, ça m’a sauté aux yeux. Avant, à chaque période, comme on pouvait l’avoir dans les années 60, 70 et jusqu’au début des années 80, tu avais, pour caricaturer, un créateur, une silhouette, une longueur de jupe, une couleur de chaussettes… A partir du milieu des années 80, ce principe a été bouleversé. Nous avons des tendances contraires, contradictoires, qui ne s’annulent pas, ne se neutralisent pas, mais qui, au contraire, se complètent et prospèrent ensemble avec la même intensité. Elles se nourrissent. Tu en enlèves une, ça déséquilibre l’autre.

Quel était le contexte au milieu des années 80 ? Au sortir de la guerre, on a eu les “trente glorieuses”. Période de prospérité, de croissance, de plein emploi, et de paix relative. A partir des années 75, on entre dans ce que j’appelle les “trente piteuses”, avec une crise majeure, créée par le choc pétrolier de la fin des années 70 et le ralentissement économique mondial que ça a provoqué. C’est à partir de là que la machine a commencé à s’enrayer.

Quelles sont les deux tendances marquantes de la décennie 85-95 ? D’un côté, il y a cette pop culture, street culture, le sportswear, l’aérobic, les leggings, le lycra, le fluo, le mouvement, les crop tops, avec un côté très énergique. Tout l’univers de la génération X, avec son esthétique colorée, pop,poptimiste. Ça mange sain et léger. La nouvelle cuisine, lancée par Michel Guérard dans les années 75, a donné le coup d’envoi à une nouvelle façon de se nourrir, plus légère, plus healthy, qui a fini par devenir la cuisine minceur. En face, on a le hamburger, la junk food, le grunge, le laisser-aller, le cracra, le pas soigné, le lâcher-prise, les chemises écossaises, les robes à fleurs, Nirvana, Joe le taxi de Vanessa Paradis. Les années sida, qui ont marqué la fin d’une époque. Et malgré le sida, en 92, le livre mythique Sex de Madonna, qui rebat encore les cartes, par son côté provocateur.

La décennie 1995-2005 ? D’un côté, tu avais une mégatendance autour de l’excès, le porno chic, Tom Ford chez Gucci, l’Eurodance, les girls bands, les boys bands, Versace et les super-models, Linda Evangelista, Estelle Lefébure, le bling chez Dior avec Galliano, la démesure, un courant gold, les débuts de Lagerfeld chez Chanel, qui bouscule la vieille dame avec ses accumulations de chaînes dorées, les premiers logos qui en font

trop, le too much, l’ostentatoire complètement assumé. C’est le mauvais goût qui devient le bon goût. Et paradoxalement, exactement l’inverse, ce que j’appelle les “nono’s”, ceux qui disent non, Martin Margiela, le no brand, le livre No logo de Naomi Klein en 99, le slip blanc Calvin Klein, CK One, encore Calvin Klein, le parfum événement, unisexe, on ne dit pas encore androgyne et encore moins queer, Kate Moss, un super-model aussi, mais pas de seins, pas de formes. Friends, une série chorale, où il n’y a pas un héros, ni même une famille, mais des amis, tous au même niveau, avec un focus très New York, très urbain, très Big Apple, la pomme verte, “an apple a day keeps the doctor away”, cette forme de sobriété, d’austérité, mais dans la gaieté. La décennie 2005-2015 ? D’un côté, on a le “bobo hipster tendance vintage”, écolo-urbain, meuble scandinave, le naturel, le “normcore”, c’est-à-dire le normal, le banal, érigé comme mode de vie, se fondre dans la masse, les premiers concept stores, le latte matcha, les looks workwear intemporels et pratiques, le cycling, Marie Kondo qui range sa maison et celle des autres, les baristas, le japandi, ce style déco qui mixe le scandinave et le japonisant, un minimalisme qui se radicalise, le healthy qui monte en régime. On travaille dans les premiers coworkings, on vit dans les premiers colivings, on se déplace à vélo en souriant et on boit du thé vert. De l’autre côté, c’est le skinny de Slimane, et Lagerfeld qui se nourrit de Coca light pour entrer dans les tenues de Slimane. Un côté rock, nouveau glam. L’explosion de Facebook, le boom d’Apple avec la sortie de l’iPhone en 2007, qui va changer les règles du jeu, le lancement d’Instagram en 2010, qui va changer la façon de s’identifier et de se mettre en scène.

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La décennie 2015-2025 ? A un extrême, on a le “c’était mieux avant”, la rétronostalgie sur les sixties, les seventies, le côté doudou, peluche, les cookies, le bubble tea, les comfort zones, le quiet luxury, le “coastal grand mother’, ce style “riche retraitée qui passe son été dans sa maison ultra-cosy du bord de mer”, tout ce côté revival rétro-moderne, l’obsession pour le vintage, la fripe, le recyclage, la brocante. Le retour de la 4L, du van Volkswagen. Les marques oubliées, les légumes oubliés. On veut revenir au bon temps d’avant, fuck les écrans, on remouline le temps, on essaie de le suspendre. Le mot d’ordre, c’est “slow”. A l’autre extrême, forcément, le speed, fast fashion, fast beauty, fast food, fast life, la K-pop, la chirurgie plastique, l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux, la conquête spatiale, les deepfakes, le luxe qui en rajoute, les drag queens. La digitalisation du monde. Les filtres, avec la manipulation des images, et les philtres : on veut que tout soit enchanté, merveilleux, surréel, harrypotterisé, très Gen Z.

Que peut-on déduire pour la décennie 20252035 ? D’un côté, demain sera drivé par les neurosciences, les nouvelles technologies, l’épigénétique, la medtech, l’homme augmenté, l’intelligence des objets, les expériences inédites. Pour nourrir tout le monde, on va avoir de la viande sans viande, du poisson sans poisson, du lait sans lait… Tout cet univers futuriste qui commence à nous faire peur, mais qu’il va falloir intégrer. Un monde virtuel. De l’autre côté, l’hyper-réel. Les yeux rivés au sol, sur la terre. C’est la conquête terrestre. Pompidou avait raison quand il prédisait que la fortune, à notre époque, ce serait un potager chez soi, et chaque jour les œufs frais de ses poules. C’est le local, la campagne, sa propre ruche, dans la cour de la ferme qu’on restaure au rythme des stories TikTok, vivre en autonomie, ne compter que sur soi puisqu’on ne sait plus trop comment compter sur les autres.

Jusque-là, chaque entrée de décennie a été bousculée par une crise majeure. On se prenait un coup sur la tête, mais on avait le temps de reprendre des forces avant de recevoir le coup d’après. Ce qui caractérise notre époque, ce sont ces crises qui s’additionnent, se superposent, on n’a plus le temps de sortir la tête hors de l’eau. Depuis le Covid, les gens ont l’impression d’être en apnée. Après les “trente piteuses”, on se doit d’entrer dans les “trente ingénieuses”. Il faut inventer le monde de demain, il faut préparer la suite des événements. Le mot des prochaines décennies, le mot d’ordre, ce sera “adaptation”.

ELLEN WILLER avec Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights chez NellyRodi.

«Le mot des prochaines décennies, le mot d’ordre, ce sera “adaptation”».

ENGLISH TEXT. Trend agencies usually look to the future—but for NellyRodi’s 40th anniversary, Vincent Grégoire looked back. His finding? Each decade since 1985 has been shaped by not one but two opposing trends, both coexisting and feeding each other.

From 1985–1995: the pop, energetic Gen X vibe—Lycra, aerobics, healthy eating—versus grunge, junk food, Nirvana, and AIDS-era disillusionment.

1995–2005: excess and bling (Tom Ford, supermodels, Eurodance) clashed with anti-brand minimalism (Margiela, No Logo, CK One, Friends’ ensemble cast).

2005–2015: the vintage, eco-conscious bobo/hipster lifestyle met the rise of fast tech—Facebook, Instagram, Apple—and fashion’s skinny, glam-rock edge.

2015–2025: cozy nostalgia (vintage, slow life, quiet luxury) versus fast everything—fashion, beauty, K-pop, AI, filters, deepfakes, and digital surrealism.

And for 2025–2035? One side envisions tech-driven futures: AI, medtech, augmented humans, lab-grown food. The other dreams of grounded living: gardens, hens, local life, self-sufficiency. Every new decade began with a crisis—but today, crises pile up. After the “thirty pitiful years,” Grégoire says, we must create the “thirty ingenious” ones. The keyword now is adaptation.

Jennifer Lopez

«C’est le rôle pour lequel je suis née. J’ai dû attendre, mais cela en valait la peine. Je ne veux plus faire que des comédies musicales»

Dire qu’elle est belle est trop simple. Extrêmement sensuelle, terriblement sexy, tout en étant d’une étonnante douceur, est plus juste. Toujours spectaculaire sur les tapis rouges avec des robes plus hallucinantes les unes que les autres, avec presque toujours des décolletés plongeant jusqu’au nombril et des fentes qui remontent jusqu’en haut de la cuisse, Jennifer Lopez, 56 ans, JLo, parce qu’elle a même un surnom affectueux, actrice confirmée, chante, danse depuis des années… mais jamais elle n’avait joué à l’écran dans une comédie musicale. C’est désormais chose faite, avec Le Baiser de la femme araignée, réalisé par Bill Condon, qui sortira cet automne. La belle Latina a déclaré, les larmes aux yeux dans une sublime robe noire en dentelle délicate évoquant une toile d’araignée, créée par le designer albanais Valdrin Sahiti, qui ne cachait rien de sa silhouette de rêve : «J’ai attendu ce moment toute ma vie ! La raison pour laquelle je voulais devenir actrice, c’est parce que ma mère me faisait asseoir devant la télévision lorsque passait West Side Story, une fois par an, le jour de Thanksgiving. J’étais tout simplement fascinée. Grâce à Bill Condon, je réalise mon rêve.» Et elle a ajouté : «Ce rôle est fait pour moi, c’est le rôle pour lequel je suis née, c’est le bon. J’ai dû attendre, mais cela en valait la peine.» Le film, montré en avant-première au Festival de Sundance, a été la projection la plus courue et celle qui a suscité la plus longue salve d’applaudissements de spectateurs debout… La presse américaine lui promet une nomination aux Oscars 2026.

Le Baiser de la femme araignée est l’adaptation du roman à succès de Manuel Puig, déjà porté au cinéma en 1985 par William Hurt, devenu un classique sur les planches de Broadway, et raconte l’histoire d’un prisonnier politique endurci, Valentin Arregui (interprété par Diego Luna), dans l’Argentine sous la botte de la junte militaire au début des années 1980, qui voit arriver dans sa cellule un homosexuel décorateur de vitrines, passionné de cinéma, arrêté pour outrage aux bonnes mœurs. A qui la police a promis la liberté s’il parvenait à soutirer à Valentin des informations sur les secrets de la dissidence au régime… Luis trompe son ennui en racontant à son compagnon de cellule le scénario imaginaire d’une vieille comédie musicale hollywoodienne mettant en vedette son actrice préférée, une certaine Ingrid Luna, interprétée par Jennifer Lopez… Les deux hommes vont finir par se rapprocher.

Le film de Bill Condon fait penser à celui de Jacques Audiard, Emilia Pérez. Il élargit le huis clos carcéral par une douzaine de spectaculaires numéros de comédie musicale en technicolor qui rendent hommage aux classiques des années 1950. Salsa, mambo, Jennifer Lopez danse et chante avec une grande assurance dans un registre flamboyant et mélancolique. Tantôt Marilyn Monroe extra-blonde, tantôt Ava Gardner brune fatale… «Ce film montre comment l’amour peut combler n’importe quel fossé, a confié Jennifer Lopez à l’AFP. Ces deux personnes réunies en cellule ne pourraient pas être plus différentes – en termes de sexualité, de convictions politiques. Mais rien de tout cela n’importe. C’est exactement le genre d’histoire que nous avons besoin de voir en ce moment.» Des propos tenus par la star une semaine après le retour au pouvoir de Donald Trump, qui a notamment promis de «stopper le délire transgenre». «Avec ce film, j’ai voulu combler les différences qui nous séparent», a expliqué le réalisateur, Bill Condon, avant de citer un extrait du discours inaugural de Donald Trump décrétant que seuls «deux sexes, masculin et féminin», seront désormais reconnus par l’état civil, et d’ajouter : «Vous verrez, mon film a un point de vue opposé. Depuis des années, les personnes transsexuelles sont les victimes d’une guerre culturelle. La promesse de ce film est que nous pouvons aller au-delà de ces préjugés et nous voir comme des individus.»

Jennifer Lopez, native de Brooklyn, d’origine portoricaine, a pris des cours de chant et de danse dès l’âge de 5 ans et a décidé dès 18 ans de se lancer dans le monde du spectacle. Après avoir débuté sa carrière dans la série télévisée In Living Color en 1990, elle est aujourd’hui, à 56 ans, à la tête d’une fortune estimée à 150 millions de dollars. Elle habite une splendide maison avec une immense piscine à débordement bordée d’arbres qui

Photo by Jay L. Clendenin/Los Angeles Times via Contour RA by Getty Images

Ce film montre comment l’amour peut combler n’importe quel fossé. C’est le genre d’histoire que nous avons besoin de voir en ce moment

surplombe Beverly Hills. Elle cumule 30 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, a vendu 80 millions d’albums et joué dans 40 films ayant rapporté 3 milliards de dollars. Elle a partagé la vedette avec Richard Gere, à qui elle enseigne le tango dans Shall We Dance ? La Nouvelle Vie de Monsieur Clark, avec Robert Redford dans Une vie inachevée de Lasse Hallström et George Clooney, avec qui elle a formé un couple torride dans le polar Hors d’atteinte. Elle a rencontré Ben Affleck en 2003, sur le tournage d’Amours troubles (qui sera un échec critique et commercial). Elle a failli épouser celui qu’elle appelait «l’amour de (sa ) vie» il y a vingt ans, ils se sont finalement mariés à l’été 2022… pour divorcer en 2024. Madame Lopez a aussi fondé sa propre maison de production, Nuyorican, un mot qui mêle ses origines : New York et Porto Rico. «J’adore produire, explique la star. Je pense que c’était par nécessité, au départ. L’envie de créer davantage de projets, de vecteurs pour moi-même et pour les autres.»Lopez a été une pionnière dans sa communauté. Au quotidien espagnol El Pais, elle a déclaré être satisfaite de voir la musique latino être devenue le genre musical prédominant dans le monde entier. «C’est un monde différent maintenant et je suis très heureuse d’y avoir participé. Quand j’ai commencé à jouer, je m’en souviens très bien, on me donnait des rôles très stéréotypés. Je me disais : “Je veux être la fille qui tombe amoureuse dans le film ; je ne veux pas être sa femme de ménage ou quoi que ce soit.” Il s’agit toujours de briser les codes. Et d’ouvrir toutes les perspectives à d’autres personnes et à différents types de personnes pour qu’elles soient représentées dans nos films. Parce que c’est ça, la vie. Nous voulons que nos films et notre art représentent la vie.»

Bill Condon explique qu’il a écrit le rôle principal du Baiser de la femme araignée spécialement pour Jennifer Lopez : «C’est un peu doux-amer, car on se demande pourquoi on nous a privés de vingtcinq ans de comédies musicales avec Jennifer Lopez. J’espère que cela ouvrira la voie à de nombreux autres cinéastes qui s’intéresseront à cet autre aspect de son talent. «C’est le top», répond Jennifer. Et elle conclut, en riant : «Je ne veux plus faire que des comédies musicales !»

SERAPHIN BONNOT

ENGLISH TEXT. Saying she’s beautiful is too simple. Jennifer Lopez, 56, is sensual, sexy, and incredibly gentle all at once. Always stunning on red carpets with dazzling gowns—often with plunging necklines and daring slits—JLo is a confirmed actress, singer, and dancer. Yet, she had never starred in a movie musical—until now. That changes with Kiss of the Spider Woman, directed by Bill Condon, out this fall.

In tears at the Sundance premiere, wearing a spiderweb-like black lace gown by Valdrin Sahiti, Lopez said: “I’ve waited my whole life for this. My mother showed me West Side Story every Thanksgiving. That’s why I wanted to become an actress. Thanks to Bill Condon, my dream comes true.” She added, “This is the role I was born for.”

Based on Manuel Puig’s novel, Kiss of the Spider Woman tells the story of a political prisoner in 1980s Argentina who shares a cell with a gay window dresser arrested for «moral offenses.» The latter, played by Lopez in musical dream sequences, tries to extract information in exchange for his freedom. The film features dazzling technicolor musical numbers—a tribute to 1950s classics. Lopez sings, dances salsa and mambo with flair, evoking Marilyn Monroe and Ava Gardner.

“The film shows how love bridges any divide,” said Lopez, days after Trump’s return to power. “Two people this different—politically, sexually—still connect. That’s the story we need now.”

Born in Brooklyn to Puerto Rican parents, Lopez trained in music and dance from age five, began acting at 18, and rose from In Living Color to global superstardom. She’s sold 80 million albums, starred in 40 films grossing $3 billion, and founded her own production company, Nuyorican. “At first, I produced out of necessity—to create opportunities for myself and others,” she said. Director Bill Condon wrote the role for her: “It’s bittersweet—we’ve missed out on 25 years of Jennifer Lopez musicals. Hopefully, this is just the beginning.” Laughing, Lopez added, “I only want to do musicals now!”

Jennifer Lopez

Jean-Luc Choplin

«Le plus important est de donner le meilleur au plus grand nombre»

Il s’est fait connaître à Broadway comme le producteur ayant donné goût à la comédie musicale américaine aux Français. Depuis des années, Jean-Luc Choplin redéfinit le monde du spectacle à Paris, entre le Théâtre du Châtelet, l’ouverture de La Seine musicale et la réinvention du très célèbre Théâtre du Lido. Ce proche des plus grands artistes du XXe siècle, de John Cage à Michel Legrand en passant par John Adams et les ballets de Noureev, fait vibrer tout Paris par la qualité et l’exigence de sa programmation. C’est dans son bureau des Champs-Elysées qu’il reçoit PalaceScope Le Théâtre du Lido Paris est-il français ou américain ?

Très français ! Notre ambition est de nous réconcilier avec le public français en proposant le meilleur du théâtre musical sur la scène internationale, aussi bien à West End qu’à Broadway. Nous présentons des comédies musicales en langue originale avec des surtitres en anglais pour ne pas oublier la clientèle internationale. De plus, c’est le groupe Accor, un groupe bien français, qui a racheté le Lido.

Pari risqué, de miser sur un théâtre musical sophistiqué ?

Je dis souvent que ça marche sur deux jambes : un côté exigeant, avec des chanteurs d’opéra d’excellence, une collaboration étroite avec des musiciens en fosse d’orchestre pour une musique plus vivante ; et, en même temps, un accès à tous, avec une expérience immersive, puisque, au cabaret, la scène est au centre et ne sépare pas les artistes du public. Le côté sophistiqué se mêle à l’expérience conviviale.

Pourquoi avoir choisi Les Demoiselles de Rochefort pour la rentrée ? C’est un blockbuster, pour parler en bon français ! Je me devais de finir une trilogie : j’avais donné Les Parapluies de Cherbourg au Châtelet et Peau d’âne à Marigny. Et c’est la seule comédie musicale que tous les Français connaissent. La légèreté des années 1970, la nostalgie et la beauté, les rencontres ratées… Tout ça parle. Quand je descends dans la rue, les gens sont enthousiastes à l’évocation des Demoiselles de Rochefort

Vous savez, avant, le public français méprisait la comédie musicale. Pourtant, c’est un genre très profond, avec une grande qualité orchestrale. Vous savez pourquoi ça fonctionne, maintenant ? Parce que j’ai pris ce genre très au sérieux.

Peut-on encore manger au Lido Paris ? Pour moi, il était important que le spectacle ne soit pas décoratif. On ne s’installe plus sur des fauteuils confortables pour savourer un dîner en regardant de temps en temps ce qui se passe sur scène. On peut toujours boire du champagne, grignoter des petits fours, des macarons, mais le spectacle est au centre.

Quels conseils donneriez-vous aux salles de concert plus classiques ? Se mettre aux comédies musicales ! Mais ils s’y intéressent de plus en plus – à la Philharmonie, notamment. Ils avaient monté West Side Story, de Leonard Bernstein, le même compositeur du Candide que j’avais proposé à mes débuts au Théâtre du Châtelet. Une folie qui s’est avérée révélatrice : l’engouement pour la comédie musicale est vrai. J’insiste : le plus important est de donner le meilleur au plus grand monde. Propos recueillis par MARIE JÉRÉMIE

«Les Demoiselles de Rochefort», Théâtre du Lido, du 2 octobre 2025 au 11 janvier 2026.

ENGLISH TEXT. Jean-Luc Choplin made his name on Broadway by bringing the American musical to French audiences. In Paris, he’s behind major projects like the Théâtre du Châtelet, La Seine musicale, and the reinvention of the Lido. Now heading Lido Paris, he says: “It’s very French! We aim to reconnect with French audiences while offering top-tier international musical theatre.” With immersive staging and top musicians, his vision blends sophistication with accessibility. This season’s choice, Les Demoiselles de Rochefort, completes a French musical trilogy and resonates deeply. “It works because I’ve always taken musicals seriously,” he says.

Julien Benhamou

Salomé Gasselin

Celle qui fait vibrer la viole de gambe

Un an après son prix «révélation soliste instrumental» aux Victoires de la musique classique 2024, Salomé Gasselin sort son deuxième disque, Mystères, chez Mirare Productions, et fait à nouveau l’objet de nombreuses critiques élogieuses. Une voix chaude, dynamique, enveloppante : le timbre de Salomé Gasselin à la viole de gambe emporte le public, fait voyager dans le temps, jette un regard nouveau sur la musique ancienne. Entretien avec une jeune musicienne qui redore l’image de son instrument et donne à tous l’envie de découvrir la viole de gambe.

Qu’est-ce que ça fait, pour une instrumentiste de musique ancienne, de recevoir un prix de musique classique ? Très bien vu ! Je trouve que c’est un joli clin d’œil. La viole de gambe a longtemps résisté à entrer dans les conservatoires, dans ce système dit «classique». Maintenant, ça fait partie de la démocratisation de l’instrument, c’est vraiment une bonne chose.

Comment expliquer le retour sur scène des instruments rares ? On a cru à un moment que c’était une mode et que ça passerait, mais les instruments anciens, n’étant pas codés «classiques», parlent à tous les publics, parce qu’ils apportent une fraîcheur, malgré le temps et leur répertoire parfois vieux de plusieurs siècles ! Je joue sur une viole de gambe qui a 400 ans : plein de musiciens ont joué dessus, mais j’ajoute une nouvelle voix, et c’est ça qui plaît.

Racontez-nous votre rencontre avec la viole de gambe… C’est assez amusant : à 10 ans, j’ai définitivement fermé la porte de mon cours de violon au conservatoire de Cholet. A ce moment précis, dans le couloir, le professeur de viole de gambe s’accordait. Tout de suite, j’ai été attirée par le son de cet instrument : c’était physique. Je suis naturellement allée vers lui et lui ai dit : «Il est bizarre, votre violoncelle.»

Le lendemain, je commençais la viole de gambe.

Comment voyez-vous votre métier de musicienne : avezvous le sentiment de créer ? J’ai plutôt le sentiment d’apporter un message, à la manière d’un médium. Etre une simple musicienne me va aussi, parce que j’avance à petits pas dans mon cheminement. C’est au moment du concert, traversée par la musique, que j’ai envie de donner au public, qui lui-même me donne quelque chose. C’est un peu comme un cercle.

Qui est Salomé Gasselin sans la viole de gambe ? Sans la viole de gambe je ne suis pas grand-chose, mais j’aimerais être un mix entre une Hannah Arendt aux envies de fromages puissants et une bell hooks qui ne jure que par le chenin !

Une musicienne a-t-elle des lubies ? Plein ! Je peux facilement me laisser attraper par des lubies diverses aux durées de vie moyennes de trois semaines. En ce moment, je me suis persuadée que j’allais faire du vin. J’aime lire, surtout ce qui sort aux éditions Divergences, j’aime la radio, être au grand air, être entourée de mes proches.

Vos endroits préférés à Paris ? Ma rue préférée, c’est celle du Faubourg-du-Temple, entre Belleville et Goncourt. Sinon, j’aime flâner rive gauche, entre la Librairie des Alpes et le Café d’Auteur ! Longtemps j’ai eu du mal avec la rue de Rivoli, mais l’épicerie Rayon m’a redonné goût à cet endroit !

Votre salle de concert préférée ? Match entre la Salle Cortot et la Philharmonie !

Propos recueillis par MARIE JÉRÉMIE

ENGLISH TEXT. One year after winning the “Instrumental Solo Revelation” award at the 2024 Victoires de la Musique Classique, Salomé Gasselin releases her second album, Mystères (Mirare), to glowing reviews. With a warm, vibrant sound, her viola da gamba transports listeners through time, shedding new light on early music. “The award felt like a lovely nod. The viola da gamba long struggled to enter conservatories. Now it’s part of something more democratic—it’s great.” Why the return of rare instruments? “People thought it was a trend, but they speak to everyone. They’re not boxed into ‘classical’ codes. My viola da gamba is 400 years old—many played it before me, but I add a new voice, and that connects.” She discovered it at age 10, after quitting violin. “I heard the sound in a hallway. It was physical. The next day, I started lessons.” Is she a creator? “More a medium. In concerts, I give to the audience—and receive in return. It’s a circle.” Outside music? “Without the viola da gamba, I’m not much—maybe a mix of Hannah Arendt loving strong cheeses and bell hooks drinking Chenin!” She dives into short obsessions—currently winemaking. She loves books (Éditions Divergences), radio, nature, and loved ones. Favorite places in Paris? Rue du Faubourg du Temple, the Left Bank between Librairie des Alpes and Café d’Auteur, and Rayon on Rue de Rivoli. Best concert hall ? “Hard to choose: Salle Cortot or the Philharmonie !”

Valentine Chauvin

Arielle Beck

«A mon âge, c’est important d’explorer

énormément de répertoires»

Atout juste 16 ans, Arielle Beck s’impose déjà comme la nouvelle étoile du piano de sa génération. Sa précocité impressionne : elle vient de passer son bac avec deux ans d’avance et entre en troisième année au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Depuis sa victoire en 2018 au concours Jeune Chopin, présidé par Martha Argerich, les plus grands festivals la programment, La Roque-d’Anthéron, Evian et la Folle Journée de Nantes en France, Lucerne et Gstaad en Suisse. Aujourd’hui, la pianiste prodige sort son premier album au titre poétique, Des lunes et des feux, un clin d’œil au dernier roman de Cesare Pavese. «C’est un détournement du titre. Il m’évoquait la littérature allemande qui a inspiré Schumann et Brahms. Schumann fait partie de mes compositeurs préférés. La Grande Humoresque, je l’ai beaucoup jouée en concert avant de l’enregistrer. C’est un des cycles principaux de Schumann, qui résume beaucoup de choses de sa personnalité, de ses humeurs variées et parfois un peu troubles. C’est une œuvre spéciale aussi dans sa structure, dans son écriture, qui est assez novatrice. J’ai essayé de l’aborder de la façon la plus simple possible et de la mettre en rapport avec les Klavierstücke op. 76 de Brahms, un opus particulièrement schumannien qui montre déjà la maturité de Brahms et sa propre autonomie de composition. Je suis attachée au répertoire romantique allemand, mais j’aime aussi explorer Bach, Prokofiev ou Mozart. En ce moment, dans mes programmes de concert, je joue du Bach et du Schubert. J’aimerais aller vers Bartók, Chostakovitch ou Liszt. Par ailleurs, je suis une fanatique de Scriabine. A mon âge, c’est important d’explorer énormément de répertoires.» Compositrice à ses heures, Arielle livre des Variations sur un thème de

Robert Schumann, inspirées des Bunte Blätter, en épilogue de cet album dédié au romantisme allemand, une œuvre qu’elle a jouée lors de l’inauguration de la 25e édition des Solistes à l’Orangerie d’Auteuil. Son premier grand récital parisien aura lieu en octobre avenue Montaigne, avant de jouer le Concerto n° 20 de Mozart à Londres, et, quand il lui reste du temps, cette surdouée s’intéresse à la psychanalyse, découverte cette année avec L’Interprétation du rêve, de Freud.

ALICE DE CHIRAC

Récital «Schumann, Schubert, Mendelssohn», au Théâtre des Champs-Elysées, le 12 octobre. Album : «Des lunes et des feux» (Mirare).

ENGLISH TEXT. At just 16, Arielle Beck is already hailed as the rising star of her generation. After winning the Young Chopin Competition in 2018, she has played major festivals like La Roque-d’Anthéron and Lucerne. Now in her third year at the Paris Conservatoire, she releases her debut album Des lunes et des feux, focused on Schumann and Brahms. A fan of Scriabin and Freud, she also composes—her Variations on a Theme by Robert Schumann close the album. In October, she gives her first major Paris recital, followed by Mozart’s Concerto No. 20 in London.

Julien
Benhamou

Tiffany Bouelle

«La maternité est un terrain artistique riche»

Tiffany Bouelle incarne une nouvelle génération d’artistes qui navigue entre les médiums, les cultures et les univers, collaborant aussi bien avec de grandes maisons de luxe qu’avec des institutions artistiques de renom. Rencontre avec une artiste habitée par une vision à long terme et une soif inépuisable de création.

Vous explorez de nombreux médiums, mais vous vous présentez avant tout comme peintre. Je suis profondément amoureuse de la peinture. Pourtant, c’est un médium qui m’a longtemps intimidée. Grandir avec Delacroix et Géricault en référence, ça peut être paralysant ! Et puis, quand j’ai quitté la maison familiale, je n’avais pas les moyens d’investir dans du matériel. Ce n’est que vers mes 25 ans que j’ai pu commencer à peindre. Aujourd’hui, c’est devenu un geste quotidien. Je travaille principalement à l’acrylique, une technique rapide qui correspond à mon tempérament impatient.

Votre histoire familiale franco-japonaise nourrit visiblement votre œuvre… J’ai grandi à Paris dans une famille passionnée d’art, entre un père français, artiste, et une mère japonaise, styliste. L’art médiéval, les collections du Louvre, les contes folkloriques français et japonais… cette éducation artistique irrigue profondément mon travail. Mon grand-père maternel m’a aussi initié très tôt à la calligraphie. Dès l’âge de 7 ans, je passais les mois d’été avec lui au Japon. Il m’achetait du matériel, me montrait les gestes.

Un tournant majeur semble s’être opéré quand vous êtes devenue mère. A mes débuts, on a souvent comparé ma peinture à celle d’autres artistes, ce qui pouvait être frustrant. Le confinement a constitué un premier tournant : mon geste s’est fait plus brut, plus instinctif. Mais c’est la naissance de mon fils qui a provoqué une transformation radicale, comme si cette métamorphose en tant que femme me décomplexait artistiquement. J’ai commencé à développer une technique picturale très personnelle qui donne au tableau un aspect proche du collage ou de la marqueterie. Ma dernière exposition, au Drawing Lab à Paris, était aussi très liée à ma maternité. C’était une galerie d’obsessions enfantines peintes à très grande échelle, à la manière des livres d’images éducatifs. Certains artistes font des recherches ; moi, j’ai observé mon enfant ! Et ce choix-là me semble être un acte féministe.

Vous vous mettez en scène sur les réseaux sociaux… L’image de l’artiste fascine et prête souvent à la caricature. J’aime en jouer en publiant des scènes de mon quotidien à l’atelier. Ce personnage que je

construis en ligne, productif, obsessionnel, reflète une réalité : je suis une travailleuse acharnée. Mais Instagram est pour moi un théâtre. Je contrôle mon image de façon minutieuse, non par simple souci de communication, mais comme une stratégie artistique : je cherche à créer une forme d’obsession autour de mon œuvre. Mon utilisation des réseaux sociaux interroge le voyeurisme de notre époque et joue de la désirabilité dans un monde de consommation constante. C’est ma façon de m’adresser à la génération qui fera le marché de demain.

Vous collaborez souvent avec des maisons de luxe. Comment considérez-vous ces projets ? Je distingue mon travail personnel de ces projets collaboratifs. La peinture est une carte blanche, née de la solitude en atelier. Les collaborations, elles, sont des constructions collectives, structurées autour d’une vision partagée. Les deux sont essentielles à mon équilibre. Après avoir réalisé une installation pour les vitrines Hermès, j’ai conçu cette la décoration et les uniformes pour la loge du groupe Accor à Roland-Garros. Ce sont d’autres manières de faire ce que j’aime. Propos recueillis par MANON DEMURGER tiffanybouelle.com @tiffanybouelle/

ENGLISH TEXT. Tiffany Bouelle embodies a new generation of artists blending mediums, cultures, and worlds—collaborating with luxury brands and major art institutions. Though she explores many forms, painting is central: “I was intimidated by it for years, growing up with Delacroix and Géricault as references.” With a French artist father and Japanese stylist mother, her bicultural heritage and early calligraphy lessons in Japan deeply shape her work. Motherhood marked a turning point: “Becoming a woman freed me artistically.” Her recent show at Paris’s Drawing Lab was inspired by her child’s obsessions. On Instagram, she crafts a hyper-productive persona, both a reflection and a performance: “It’s a way to question voyeurism and desire in a consumerist world.” She sees luxury collaborations (Hermès, Accor) as shared creations—complementary to her solitary studio work.

Florence Mendez

«Il ne faut jamais arrêter de l’ouvrir»

Florence Mendez est humoriste et autrice. Résiliente et furieusement engagée, elle fait rire pour faire réagir. La notion de filtre, de tact, elle ne connaît pas. Et c’est tellement rafraîchissant… Militante, Florence Mendez a choisi de faire rire pour se faire entendre. L’humour, la scène, la jeune femme belge y est venue après qu’un humoriste franco-québécois, rencontré par hasard sur les réseaux sociaux, lui a donné sa chance en lui proposant de devenir coautrice dans une émission. «J’ai toujours aimé me mettre en scène, et su que j’avais de la répartie. Enfiler ma carapace et clouer le bec aux gens, ça a été ma seule arme pour me défendre contre le monde depuis que je suis petite.» Le truc de Florence Mendez, c’est le stand-up. Florence Mendez parle seule, sur scène, de ce qu’elle connaît, et qui se résume en un mot, la différence : elle a été harcelée à l’école ; a subi des violences psychologiques au sein de son couple ; a été diagnostiquée autiste (syndrome d’Asperger) et HPI sur le tard, à 30 ans, après avoir été soudainement prise de trouble panique, maladie qu’elle a mis longtemps à identifier... Toute sa vie elle a cherché sa place. «Quand tu vois quelqu’un en chaise roulante, tu l’aides, mais un handicap invisible, comme ça ne se voit pas, les gens oublient, et nous, les neuroatypiques, on souffre. Les gens pensent que c’est nous qui devons nous adapter, mais c’est impossible. C’est la société qui doit changer !» Elle a même essayé de se suicider en se disant que le monde, et notamment son fils, vivrait mieux sans elle et ses lourdeurs. Elle a évoqué ce thème dans un roman qu’elle a publié en 2024 intitulé Accident de personne. Et elle planche déjà sur un deuxième ouvrage : «Il raconte l’histoire d’une fille qui, harcelée à l’école, veut organiser une tuerie…» Mais, loin de se poser en victime, Florence Mendez ouvre sa bouche. En ayant conscience qu’elle fait bouger les choses autant qu’elle se tire une balle dans le pied, dans ce monde encore trop patriarcal. Elle s’est en quelque sorte résignée à ne probablement jamais devenir comédienne, ce qui a pourtant toujours été son rêve. Et de raconter la façon dont elle s’est désistée d’un rôle qu’elle avait accepté dans un film d’une jeune réalisatrice, parce que cette der nière avait déclaré qu’elle ne prendrait pas publi quement position contre son père, cinéaste de renom, accusé de viol par plusieurs comédiennes. «Je comprends son choix et sa position ; toutefois, je ne peux pas cautionner cela.» Car l’autre grand combat de Florence, c’est le féminisme. Elle dénonce sans relâche le patriarcat ambiant. D’ailleurs, elle ne se fait pas que des copains. On se souvient du #MeToo Stand-up qu’elle a initié l’an dernier pour fustiger son comparse Seb Mellia, accusé de viol. «Même si je dérange, je surfe sur une vague. Je suis fort soutenue par la communauté féministe. Désormais, la notion de sororité prime : quand tu tapes sur une femme, tu tapes sur cent

femmes. C’est ça qui est beau. Cela ne signifie pas qu’on est toutes amies, à se faire des tresses dans les cheveux, mais, par rapport aux violences sexistes et sexuelles, on fait de plus en plus bloc.»

Ceci dit, elle ne se fait des copains nulle part... Il suffit de savourer ses chroniques sur Radio Nova, par exemple, un des rares médias qui continue à la laisser s’exprimer (elle a en effet été remerciée de France

Inter après un épisode de harcèlement, et de M6 après avoir traité Gérald Darmanin de «violeur»…). Elle y «roast» Jordan Bardella, Cyril Hanouna, Jean-Marie Le Pen, et bien d’autres, et, avec son visage de poupée, sa voix chantante et sa fossette au creux de la joue, plus elle lance des scuds, plus ça pique. Elle sait que sa «cash attitude» dérange, qu’elle «gratte»... et ça la réjouit ! Nous aussi. «Il ne faut jamais arrêter de l’ouvrir, ce n’est que comme ça qu’on va faire reculer le sexisme, l’homophobie, le racisme. N’oublions pas que nous sommes nousmêmes le fruit de luttes sociales acharnées.

Il faut continuer !» CHARLOTTE GUILLEMIN «Accident de personne» (Massot Editions). Chronique à écouter dans l’émission «La Dernière», le dimanche de 18 h à 20 h sur Radio Nova.

ENGLISH TEXT. Florence Mendez is a Belgian comedian and writer. Resilient and fiercely committed, she uses humor to spark thought and change. She came to comedy after a chance encounter with a Franco-Québécois comedian who offered her a co-writing role. Since childhood, wit was her shield. Her stand-up speaks of difference: bullied, abused, diagnosed late with autism and high potential after panic attacks at 30. In 2024, she published Accident de personne, a novel inspired by her suicide attempt. Another is in progress, about a bullied girl planning a school shooting. Mendez refuses silence. A vocal feminist, she left a film role when the director wouldn’t condemn her father, accused of rape. She launched #MeToo Stand-up and is often targeted for her activism. Dropped by France Inter and M6, she now delivers biting segments on Radio Nova. “We must never shut up. That’s how we push back sexism, racism, homo-

Fabio
Lovino
/ HBO

Cédric Peltier

«J’ai un rapport particulier à l’immensité, à la puissance d’un animal, d’un paysage»

Sa mère l’emmenait à des expos, son grand-père, vétérinaire, était très doué pour le dessin : il adorait ça, et Cédric Peltier adorait le voir faire, mais lui ne dessinait pas. Cet artiste singulier, aux réalisations époustouflantes, voulait être journaliste sportif…

Vous avez toujours souhaité être peintre en décor ?

J’ai fait des études littéraires pour devenir journaliste sportif… mais finalement j’ai eu envie de faire quelque chose de mes mains. J’ai fait une école préparatoire aux écoles d’art. Je n’avais pas d’habileté particulière, mais je m’en sortais un peu mieux que mes camarades, sans pour autant

crier au génie. J’ai passé deux fois le concours de l’Ecole Boulle… refusé deux fois. Alors j’ai intégré l’école Van Der Kelen à Bruxelles. Quelle a été votre première réalisation ? La toute première… c’est sur le mur de ma chambre. J’avais autour de 19 ans, c’était la reproduction d’une estampe tirée d’un livre, L’Enfant qui dessinait des chats. Très naturellement, il y a eu une envie d’aller vers le grand format. Je me suis très vite senti à l’aise avec les proportions, avec le traçage à main levée, sur un mur de trois mètres. Cette sensation de confort dans l’inconnu m’a fait croire que j’étais au bon endroit, au bon moment. Quand le premier truc qui sort de vous est une fresque, vous avez l’impression que vous avez trouvé votre mode d’expression idéal. Il y a un aspect très corporel quand on travaille sur du grand format, on engage son corps, et, mon corps, je le connaissais bien grâce à la pratique sportive.

Ne vous êtes-vous pas toujours préparé à ce métier, même quand vous pensiez devenir journaliste sportif ? Après coup, tout devient cohérent et semble suivre une logique. Après l’école, j’ai vécu du côté de La Rochelle dans une réserve naturelle, en pleine forêt : un apprentissage chez un artiste peintre. J’y suis resté six ans. J’ai fini d’y apprendre mon métier de peintre en décor, j’ai appris mon histoire de l’art, copié les maîtres anciens, développé ce côté méticuleux, patient… Et puis je suis parti à Londres. Un décorateur m’a fait aborder la peinture sur mobilier, les scènes ottomanes, Renaissance, des chinoiseries, le travail sur laque… Je suis revenu à Paris avec des contacts, des nouvelles techniques en main et un book plus étoffé.

Page de gauche. «Surréalisme» pour Christian Lacroix Maison. Ci-dessus. Boule «Midi», émaux de Longwy. Ci-contre. Boutique Cartier (Berlin).

Cédric Peltier

Vous avez commencé une collaboration avec Pierre Frey ? Ils ont été emballés par mon travail. Ils m’ont confié plusieurs projets, notamment La Serre, un panneau panoramique qui est devenu l’un de leurs best-sellers. Ça m’a ouvert les portes du showroom des Manufactures Emblem, rue de Grenelle. C’est là que j’ai pu faire ma toute première fresque, qui faisait quand même 26 m2, quatre mois de travail. J’ai peint mon premier paon, mais surtout ma première panthère.

Une première panthère, dans le but d’attirer l’attention de Cartier ? Complètement ! Cartier, comme Hermès. Ils ont une imagerie très forte, tournée vers un animal de prédilection. C’est arrivé au bon moment, parce que, après quelques années de galère, ma fille s’annonçait, et je me demandais à quoi ressemblerait sa vie sans boulot.Grâce à Cartier, j’ai eu tout le confort et toute la sérénité pour l’accueillir dans les meilleures conditions. Ça m’a permis de travailler très grand, très vite, des matériaux nouveaux, je me suis complètement épanoui.

Pourquoi ces grands formats ? C’est le bonheur ! J’ai un rapport particulier à l’immensité, à la puissance d’un animal, d’un paysage, une montagne ou un océan. La toile blanche, immaculée, devant soi, avec ses six mètres de long et ses trois mètres quinze de haut, c’est une sensation un peu simi laire : j’ai envie de plonger dedans. Le corps entre en action, on met des grands coups de rouleau, de taloche, de pinceau, et petit à petit quelque chose commence à naître. Ça peut durer des semaines avant que quelque chose au fond de cette toile commence à émerger. Après, une fois qu’on a saisi l’essence, c’est presque ennuyeux, il n’y a plus qu’à dérouler.

Le plaisir est-il très différent pour le travail sur com mande ? C’est plus simple au départ, on a un cadre, des contraintes. Mais, après, il y a quelque chose d’assez jouissif : le client a une

idée et mes propositions vont lui permettre d’aller plus loin. C’est ce qui me plaît dans le travail de commande : on nous donne la liberté de composer autour d’une idée, de la sublimer. On ne se place pas en artiste à ce moment-là, mais en artisan, on crée une symbiose avec notre client.

J’ai réalisé deux commandes pour des clients indiens. Avec eux, le travail ressemblait à de la psychologie, comme s’ils se mettaient sur le divan, qu’ils me parlaient et que moi j’interprétais. Un peu comme un paysage mental. L’un d’eux avait repéré mon premier paon sur la fresque de la Manufacture. Le paon est très présent dans la culture indienne. Il m’a appelé et m’a dit : “Il m’en faut un pour chez moi.”

Combien de temps avez-vous passé en Inde ? Malheureusement, je ne vais pas sur place.

On appelle ça des fresques, mais c’est impropre. On ne peint pas «al fresco» sur enduit à la chaux. On parle de «fresque» parce que ce sont des décors monumentaux. Mais le plus souvent, on peint sur toile, en atelier. Les toiles sont acheminées, déployées puis collées, un peu comme un papier peint, à part que ce sont des œuvres uniques, originales.

Vous ne vous ennuyez jamais ? Il y a des cycles où on déroule ce qu’on sait faire jusqu’à une maîtrise quasi parfaite et ça conduit à l’ennui, forcément. Alors, on trouve une manière de déjouer la routine. Ces dernières années, j’ai développé d’autres techniques sur d’autres matériaux : la paille, avec Lison de Caunes, le verre pour le paravent The Wale… Ce qui donne un nouveau souffle au plaisir.

Propos recueillis par ELLEN WILLER cedricpeltier.com @cedricpeltiercp

De haut en bas. Boutiques Cartier, Guiyang (Chine). Emaux de Longwy. Boutique Cartier, Lucerne (Suisse). Page de droite. Boutique Cartier Nagoya (Japon)

De haut en bas : Hervé Hiolle / Les Emaux de Longwy / Marianne Louge

ENGLISH TEXT. Cédric Peltier didn’t draw as a child, though he loved watching his grandfather, a skilled draftsman. Originally dreaming of becoming a sports journalist, he eventually turned to working with his hands and trained at the Van Der Kelen school in Brussels. His first piece? A mural in his bedroom at 19, based on The Boy Who Drew Cats The scale felt natural to him: “There’s something physical in large formats. Thanks to sports, I was already in tune with my body.”

He honed his craft in the forest near La Rochelle, apprenticing with a painter, copying old masters, and learning patience. Later, in London, he expanded his skills—Ottoman scenes, chinoiseries, lacquer work—and returned to Paris with fresh techniques and contacts. His breakthrough came with Pierre Frey, who commissioned La Serre, now a best seller. This led to his first major fresco: 26 m², four months of work, and his first panther—painted with Cartier in mind.

Cartier noticed. “Thanks to them, I found stability just as my daughter was born.” He thrives on grand formats, describing the six-by-three-meter canvases as “an invitation to dive in.” For him, commissions are thrilling collaborations:

“The client brings the idea, I help take it further.” He’s painted for Indian clients too, creating symbolic murals based on long conversations. Though called “frescoes,” his works are mostly painted on canvas, then mounted. To avoid routine, he now experiments with straw marquetry and glass: “New materials breathe new life into the joy of creating.”

Bague, saphirs et tanzanites taille ovale et émeraude carrée, diamants taille baguette, monture en platine, HARRY WINSTON

MODE BIJOUX

Rêves précieux

Photographies

JULIETTE ALLIX

Direction artistique ANNE DELALANDRE Stylisme CLAUDIA CALI

< Page d e gauche. Collier, bracelet, bague et boucles d’oreilles «Cluster», diamants taille marquise, poire et brillant, monture en platine, HARRY

Top, Isabel Marant

Montre «Premier Sunflower Automatic», boîte en or blanc, cadran en nacre perlée rose, diamants et saphirs roses taille brillant, bracelet en cuir d’alligator rose clair satiné,

WINSTON
HARRY WINSTON
Collier et boucles d’oreilles
«Manhattan Adornment» saphirs et aigues-marines
taille brillant, diamants taille
trillion et brillant, monture en platine, HARRY
WINSTON
Top et pantalon Max Mara

Montre «Marvelous Creations», boîte en or blanc, cadran en résine avec peinture acrylique, diamants taille brillant et émeraude, rubis taille brillant, bracelet en satin rouge, HARRY WINSTON

Wild Treasures

Collier, bracelet et boucles d’oreilles «Golden Checkerboard Fish», saphirs taille brillant, diamants et diamants jaunes taille marquise, poire, brillant et émeraude carrée, monture en platine et or jaune, HARRY WINSTON Top, Alfie Gobelet isotherme, acier et manchette vert impérial, collection «Objets miroir», Christofle

Collier et boucles d’oreilles, diamants et diamants jaunes taille émeraude carrée, monture en platine et or jaune, HARRY

WINSTON Top, Alfie

Collier «Sunflower»
diamants
taille brillant, monture en platine, HARRY
WINSTON

Bracelet, saphirs taille octogonale, diamants taille marquise et brillant, monture en platine, HARRY WINSTON Sucrier avec petite cuillère, acier inoxydable brillant, Alessi

Collier et boucles d’oreilles «Dragon Fly», grenats tsavorite, tanzanites, rubis, turquoise taille brillant, diamants taille marquise, poire et brillant, monture en platine, HARRY WINSTON
Top, Alfie Culotte, Sehnsucht Atelier Collant, Falke Slingbacks, Isabel Marant

Bracelet, boucles d’oreilles et bague «Sunflower», diamants taille brillant, monture en platine, bague «Toi et Moi Sunflower», diamants taille brillant, monture en platine, HARRY WINSTON

Top et jupe, Alfie Escarpins «Miss Z Degrastrass», Christian Louboutin

Bague «Candy», grenats spessartites et saphirs taille poire et brillant, diamants taille brillant, monture en platine, HARRY WINSTON Mule «Miss Z Slimimule», Christian Louboutin

Collier et boucles d’oreilles «Dragon Fly», grenats tsavorite, tanzanites, rubis, turquoise taille brillant, diamants taille marquise, poire et brillant, monture en platine, HARRY WINSTON Top, Alfie

Photographe, Juliette Allix (Marlowe Paris) Directrice artistique, Anne Delalandre Styliste, Claudia Cali Mannequin, Zhenya Mihovych (The Face) Casting, Lylia Bokélé (Ikki Casting) Coiffeur, Quentin Guyen (Calliste Agency) Maquilleuse, Camille Siguret (Wise & Talented) Manucure, Sylvie Vacca (Call my Agent) Set design, Gaston Portejoie (API Corp) Assistant digital, Reda Choubai Assistants photographes, Ania Zawadka, Quentin Lefeuvre Assistante mode, Noémie Jalu Assistante styliste, Asalah Benatia Assistant set design, Louis Ville

Photographies retouchées

Alice Vaillant

«Je pars toujours du principe qu’un vêtement peut aider à avoir confiance en soi»

De son passé à l’Opéra de Paris, Alice Vaillant a non seulement conservé un port de reine et des amitiés à vie, mais une maîtrise des sauts périlleux. N’a-t-elle pas lancé sa propre marque de vêtements de luxe à 24 ans seulement ? A la barre deVaillant, un nom qui claque comme un credo, cette jeune Parisienne est l’une des étoiles montantes de la planète mode. Dans son vestiaire hybride où les corps se dévoilent en transparence dans des pièces uniques, fabriquées à la main, Alice révèle sa vision forte, libre et sexy de la féminité. «Je pars toujours du principe qu’un vêtement peut aider à avoir confiance en soi. L’enjeu, dans mes collections, est de trouver le bon équilibre entre des pièces qui marquent les esprits et d’autres que l’on a envie de porter au quotidien.» Influencée par cette opposition entre le tutu traditionnel, avec son corset doté d’ennoblissements, et le mix des tenues d’entraînements (jogging, tricots, guêtres…) qui lui est familière, Alice manie l’art du contraste à la perfection. Faisant dialoguer indifféremment soie, maille, lycra, jersey, cuir, métal, denim et dentelle, sa matière fétiche. Comme si la douceur avait besoin d’une certaine puissance pour exister. Une allégorie de sa personnalité ? «Probablement», admet-elle en souriant. Avec sa salopette à rayures et sa longue chevelure brune négligemment relevée, on la croirait à peine sortie de l’adolescence.

Née dans un milieu artistique - sa mère n’est autre que la pétillante humoriste Anne Roumanoff et son père, Philippe Vaillant, est producteur de spectacles -, Alice rêve de devenir danseuse. A 6 ans, elle esquisse ses premiers entrechats et passe son temps à croquer des silhouettes. «Ma grand-mère dirigeait une petite compagnie théâtrale. J’étais fascinée par tous les costumes qui encombraient son appartement. C’est elle qui m’a appris à tenir une aiguille. A 9 ans, je cousais les rubans sur mes pointes et je choisissais moimême les broderies des tenues destinées aux nombreux concours de danse auxquels je participais. Quant à ma découverte du marché Saint-Pierre, à 7 ans, elle m’a fait l’effet d’un électrochoc, avec sa profusion de tissus multicolores !» Admise à 11 ans à l’Opéra de Paris, Alice ne ménage pas ses efforts pour atteindre son objectif. Quitte à suivre des cours supplémentaires durant ses jours de congé. Certains événements viennent cependant «déstabiliser» son rêve. Et, à 18 ans, elle quitte le Palais Garnier. Espérant qu’en changeant de pays elle pourra ranimer la flamme, elle s’envole pour Montréal. Mais, un mois et demi après avoir intégré l’école des Grands Ballets canadiens, clap de

fin. «J’ai pris conscience que c’était la mode qui était faite pour moi. J’ai donc opté pour des études de stylisme.» Après un cursus au Canada et un master à l’Atelier Chardon Savard, à Paris, Alice fait ses premières armes chez Jean Paul Gaultier, puis aux côtés de Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter, chez Nina Ricci. Et, en 2020, elle se lance. «Au début, je pensais juste faire une collection pour actualiser mon portfolio. Mais, très vite, je me suis donné une chance d’aller plus loin.» Bingo ! L’influenceuse Kylie Jenner la remarque, les tops Bella Hadid et Hailey Bieber s’affichent en Vaillant, les commandes affluent. Pas de quoi tourner la tête de la studieuse Alice pour autant. Son but est clair : ne pas décevoir la solide communauté de femmes qui a adopté ses vêtements, dont le fameux top signature en dentelle de Calais.

«Travailler de manière durable et responsable est une de nos priorités.

30 % de nos pièces sont fabriquées en France (le reste en Europe) et une grande partie de la production provient du recyclage de chutes ou de stocks invendus. Nous sommes d’ailleurs l’un des ambassadeurs

Priscillia Saada -Tanguy Ginter

< Page de gauche. collection automne-hiver 2025. Ci-contre, précollection printemps-été 2026

«L’enjeu, dans mes collections, est de trouver le bon équilibre entre des pièces qui marquent les esprits et d’autres que l’on a envie de porter au quotidien»

Nona Source (plateforme de stocks dormants issus des plus grandes maisons de luxe de LVMH).» De son premier défilé (printemps-été 2023) dans le cadre presti gieux du Musée Guimet, Alice garde un souvenir bouleversant. Et pas seulement parce qu’un top est sorti à l’envers ! «J’ai failli m’évanouir à plusieurs reprises ! Exprimer le fruit de six mois de tr acharné et de nombreuses années de sacrifice en moins de 15 minutes procure des émo tions intenses.» Si cette grande curieuse écoute toutes sortes de musiques, classique, rap, pop… lorsqu’elle crée, elle a besoin de s’enfermer dans une bulle de silence, histoire de convoquer intimement ses sources d’inspiration : l’ar chitecture moderne (fil rouge de sa collection printemps-été 2024), la peinture, les costumes historiques, la photo… Parfois, il lui suffit d’ob server une femme dans la rue pour qu’«un détail, une allure ou une façon de porter une chemise» lui souffle une idée. Dans cet espace du XIe sement où elle a installé son atelier depuis bientôt deux ans et où travaille une dizaine de collabora teurs, elle passe du business à la création avec une agilité déconcertante. «J’ai hérité de ma mère indéfectible soutien) une immense force de travail et une sacrée résilience», précise Alice, qui dit avoir beaucoup mûri ces cinq dernières années. Pour sa septième collection (printemps-été 2026), que le public découvrira sous peu, elle s’est appuyée sur les années 1920, une époque marquée par l’éman cipation de la femme et le surréalisme. «Il y aura un clin d’œil à Man Ray, de la dentelle brodée, mais aussi un mélange de matières fluides (soie, satin) et de matières plus techniques (jersey).» Avec toujours cette maîtrise instinctive du mouvement. N’éprouve-t-elle aucun regret d’avoir raccroché définitivement les chaussons de danse ? «Non, j’ai eu la chance de me produire pendant quinze ans sur la scène d’Opéras prestigieux : à Garnier, Bastille, Versailles… je suis en paix. Et puis, cette nouvelle aventure m’a fait vivre des moments dingues quand j’ai découvert que Rihanna allait porter mon fameux top dentelle en ensemble, ou que j’ai eu ma première parution dans Vogue ! Autant d’événements qui donnent des ailes pour se surpasser !» Vaillante, incontestablement.

PATRICIA KHENOUNA vaillantstudio.com

Pré-collection automne-hiver 2025,
Augustine Basselier

Capucine Safyurtlu

«J’ai voulu créer une marque qui rassemble, tout en étant exclusive, pas par le prix, mais par les clientes qui la portent»

Plus qu’une marque, SAF SatisfactionAttractionFun est un nouveau concept qui allie la mode et la volonté de créer une communauté. «C’est beaucoup plus humain qu’une histoire de style», confie Capucine Safyurtlu, créatrice inspirée de ce vestiaire élégant composé de beaux basiques ultra-désirables.

Vous avez travaillé au Numéro et au Vogue, puis pour The Kooples, Maje et Stella Luna, à la direction créative. Aujourd’hui, vous lancez votre propre marque, SAF SatisfactionAttractionFun. Pourquoi ?

J’aime évoluer, mais j’aime surtout apprendre. Je suis passionnée et j’ai besoin que ça bouge et que ça aille vite.

J’ai beaucoup de chance, car je sais que la créativité est en moi, j’ai juste à tirer le fil et à l’exploiter. Je dis souvent : “On n’est rien tout seul.”

J’aime aussi être entourée, fédérer les gens. J’ai voulu créer une marque qui rassemble tout en étant exclusive, pas par le prix, mais par les clientes qui la portent. Donc créer une marque qui allait choisir ses clientes. Satisfaction car on a toutes besoin de transmettre, de créer de la satisfaction autour de nous. Attraction n’est pas lié uniquement au physique, c’est aussi la manière dont on réfléchit, un regard, ce qu’on dégage, et Fun… parce qu’une vie sans s’amuser, ce n’est pas une vie !

Comment définissez-vous l’esthétique de SAF ? Sharp et sleek. Parce que c’est l’esthétique qui me parle, celle que j’aime. L’idée est de créer son vestiaire au fur et à mesure, avec les pièces que l’on cherche en permanence et que l’on a du mal à trouver. C’est simple, minimal, avec l’idée de revenir à l’essentiel, généralement dans une matière unique…

La première création est un élégant sac seau orné d’un bijou en forme de S… Avec le S, je voulais créer un signe distinctif, et aussi un signe de reconnaissance. Il évoque la forme du serpent, dont j’aime la symbolique et la façon dont il ondule. J’essaye aussi de faire les choses le plus proprement possible : le sac est fabriqué à Paris, il n’y a aucun traitement chimique, on évite l’avion… Il sera édité à 349 exemplaires, jamais plus. L’idée est de mettre en avant l’artisanat édité en petite quantité, car c’est pour moi la seule vraie valeur du luxe aujourd’hui. La seconde création est une robe noire à la coupe parfaite… J’avais envie d’apporter une touche de féminité et une vision plus sexy. On peut la porter longue, mi-cuisse ou très très courte en fonction de la façon dont on la drape sur le corps. C’est une taille unique. La mise au point a été très technique. Nous l’avons essayée sur 25 corps diffé-

rents… et cela fonctionne. Avec toujours, en signature, le S en laiton brodé dans le dos, comme un bijou.

Pour être cliente, il faut auparavant faire partie du club. Adhérer au club, c’est avoir envie de porter ses valeurs, de partager son réseau, ses idées et de se dire que plus nous serons nombreuses, plus vite et plus fort nous avancerons ensemble. Pour adhérer, il faut être invitée ou parrainée et remplir un bref questionnaire qui nous aide à mieux connaître la femme qui postule. Cette idée de club, c’est aussi revenir à des choses très anciennes qui étaient spécifiques aux hommes et qu’il faut que les femmes s’approprient. C’est pour cela qu’il y a le S en signature sur chacun des produits, comme un signe de reconnaissance, presque comme une nouvelle société secrète. C’est beaucoup plus humain qu’une simple histoire de style. Le style devient un prétexte : c’est la petite touche de futilité dont nous avons toutes besoin. C’est cette richesse qui me plaît, qu’on soit toutes différentes, avec des parcours, des horizons et des pays différents. C’est ça qui fera la force du club. Je veux que dans cinq ans une femme, où qu’elle soit dans le monde, sache qu’elle peut retrouver des membres du club.

C’est très novateur. Le nombre d’adhésions sera-t-il limité ? Oui, il faut que ça reste humain, pour que les gens puissent se voir. Il y aura des événements, avec des thématiques comme la liberté, la vérité, la valeur du non… des choses qui nous concernent dans notre vie de tous les jours, nos relations familiales, sentimentales et professionnelles.

Propos recueillis par ANNE DELALANDRE

Le flou est un voyage. Mieux que le net, il peut raconter des histoires, évoquer des souvenirs, provoquer des émotions. Le flou prend de la distance, il s’éloigne du réel pour en proposer une version poétisée. Le flou, par définition, n’est pas objectif… il est subjectif. Malgré les apparences, le flou ne soustrait rien, il ajoute. Il n’escamote que le superflu, n’éclipse que l’inutile, il va à l’essentiel, c’est-à-dire à l’émotion.

Depuis quelques années, le travail photographique de François Fontaine est devenu flou. Sa vision s’est décalée. Lassé peut-être de saisir le réel, il préfère désormais créer des images fugaces, vaporeuses, poudrées,

La force du flou

picturales, mystérieuses. Des images qui ne viennent pas du monde, mais de l’intérieur. En prise directe avec son inconscient. Il y a dans ses photographies vibrantes une retenue, une pudeur, une nostalgie, une recherche de douceur, une grâce, même lorsque pointe un souffle d’inquiétude. Ne vous y trompez pas, l’esthétique du flou n’est pas une coquetterie, mais une démarche : en escamotant les duretés du réel, le flou évoque la possibilité d’un monde meilleur. Le flou prend du recul par rapport à la laideur du monde. L’esthétique du flou a à voir avec la délicatesse. Et si le flou pouvait réenchanter le monde ? SÉRAPHIN BONNOT

©Série Silenzio! François Fontaine / Agence VU’ Série «Eden» (Japon) exposée au Festival
Photo La Gacilly jusqu’au 5 octobre 2025. François Fontaine est lauréat du prix Leica des Nouvelles Ecritures de la photographie environnementale 2025.

Anilore Banon

«Un scientifique à qui j’ai parlé de mon projet m’a simplement demandé :
“Votre œuvre, vous voulez la mettre où exactement sur la Lune?”»

Anilore Banon conçoit et fabrique des sculptures énormes, par leur taille, leur poids et leur signification. Depuis Les Braves, une œuvre monumentale installée sur la plage d’Omaha Beach, elle s’active sans répit à l’un de ses projets les plus extravagants et ambitieux : installer Vitae, l’une de ses sculptures, sur la Lune… Quand elle était encore adolescente, son père refusait de la laisser sortir, mais lui permettait d’assister aux dîners où se succédaient intellectuels et politiciens. «Il y avait beaucoup de bruit. J’y participais, bien sûr, mais je préférais être dans l’écoute.» A cette époque, elle dévore la presse : «Les quotidiens d’information, Le Monde, Libé, Le Figaro, la presse étrangère : j’étais fascinée par la façon dont les titres étaient traités, comment on racontait l’actualité, surtout les conflits. Comment on passe de “parler ensemble” à “je te tue”. Il y en a un qui m’a stupéfaite : “Quand j’aurai tué mon père, je pourrai m’acheter une BM”… Et le type l’avait fait. Il a tué son père. Ça a été le sujet d’une de mes premières toiles. Et la nécessité pour moi de me demander comment on pouvait arrêter ça, comment on l’empêche. Comment avoir une société pérenne.»

C’était un point de départ. C’est devenu son chemin. Un parcours jalonné par des œuvres monumentales, qui ne sont pas seulement à regarder, mais à réfléchir. Des œuvres métalliques, le plus souvent : «Mon frère a toujours écrit. Moi, je me trouvais plus douée pour ce qui est manuel. J’ai toujours tout fait de mes mains, des vêtements, des meubles. J’aime démonter des trucs, les reconstruire. Le sous-sol du BHV, c’est l’avenue Montaigne, pour moi. Petite, mon père m’emmenait dans les aciéries, où on fabriquait des tanks à lait, ces grosses machines qui remuent le lait. Il y avait le bruit, le feu, les ponts roulants, et ces hommes qui, avec leur espèce de télécommande, comme un joystick, faisaient avancer et reculer ces monstres de métal. Le métal, tu le chauffes, tu le tords, il se transforme, il se colore. Il vit. Pour Dix commandements pour un nouveau millénaire, j’ai répondu à l’appel d’offres du Comité Vendôme, qui souhaitait marquer symboliquement le passage à l’an

2000. Je cherchais à traduire à la fois la force et la faiblesse des humains, dénoncer le racisme, l’exclusion, le fanatisme, par dix colonnes, hautes et verticales, de métal brisé, rouillé, tordu. Mon projet a été retenu. Tant mieux. Mais comment on passe de dessins à des sculptures entre 3 et 5 mètres de haut ?»

Comme elle l’a toujours fait, elle sollicite son réseau de scientifiques, d’artisans, de métalliers, de sidérurgistes. Comme toujours, les rencontres conduisent à d’autres rencontres, et, comme toujours, la chance est au rendez-vous.

Un entretien avec François Pinault, qui lui garantit la moitié du financement, permet à ses dix colonnes de voir le jour.

Exposées un temps place Vendôme, puis dans les jardins de Matignon, la plupart sont désormais dispersées en Italie, aux Etats-Unis, au Canada. «Je reviens toujours sur les mêmes motifs, les colonnes, la verticalité, les portes, le passage. Rester humain, malgré

Christelle Billault

tout, malgré le chaos, les conflits. Un jour, je vois la vidéo d’un type qui agresse une femme dans un métro bondé, en Espagne. Il est tout seul, ils sont plein, mais personne ne bouge. Qu’est-ce qui leur manque ? Le courage. Je dessine ça, avec mes enfants. Le courage qui sort de terre, qui jaillit. Je réfléchis à un événement symbolique, universel, qui veut dire courage : le débarquement des troupes alliées en Normandie. C’est comme ça que sont nés Les Braves à Omaha Beach. C’est sur cette plage où on mange des moules et des tartes aux pommes que le maire, Raymond Mouquet, après avoir regardé mes dessins, m’a donné son autorisation.»

Il restait à Anilore une autre permission à obtenir, qui comptait beaucoup pour elle : «Je voulais être sûre que les vétérans du Big Red One étaient d’accord. S’ils avaient considéré que cette plage mythique devait rester comme elle était, je me serais mise ailleurs. Mais ils ont été touchés.» Le Comité du Débarquement donne aussi son aval, mais avec une condition pas facile à respecter : que ce soit prêt à être inauguré le 6 juin 2004, pour les 60 ans du Débarquement.

«Quand je réfléchis à une réalisation, je ne me préoccupe jamais de la faisabilité. Je me fous de savoir “comment”. C’est ma spécificité.

D’une façon ou d’une autre, si ça doit se faire, ça se fera. J’entends souvent d’un tas de gens : “Non, c’est impossible...” C’est parce qu’ils ne savent pas comment le faire. Alors, je cherche ceux qui vont savoir le faire, parce qu’ils en ont envie,parce qu’ils ont assez d’enthousiasme pour y arriver. A partir de là, on travaille ensemble. On cherche. Et on trouve. A ce moment-là, j’ai eu la chance de rencontrer un ingénieur structure, Denis Ouvrard. Il était un peu sur la réserve. Je lui ai montré les dessins. Il a dit : “Ben oui,c’est possible.”

Aussi simplement que ça. Tous les gens qui ont travaillé sur Les Braves, et c’était il y a vingt ans, je travaille encore avec eux aujourd’hui.»

Un gros groupe industriel rejoint l’aventure et accepte de financer les 600 000 euros de coût de revient. La presse se bouscule aux Chantiers maritimes de Normandie, à Cherbourg, pour assister au lancement de la fabrication. Un journaliste du Herald Tribune, Joe Fichett, fait un reportage sur le projet en cours, à paraître dans l’édition en français du vendredi. Et puis, la seconde guerre du Golfe éclate. Le gros groupe industriel se retire. Le temps passe. Le projet fait du surplace. «Un jour, le téléphone sonne. Une femme. Son mari et elle ont entendu parler du projet par le Herald. C’était une pleine page, en quatrième de couverture, mais je suis quand même abasourdie par le hasard qui a fait tomber ce couple de Français, installés dans le sud de la France, sur cet article. Le mari me demande si j’ai bien toutes les autorisations, puis me dit : “Donc, il ne vous manque que l’argent ?” La petite phrase qui change tout… Il a ajouté : “Si vous me promettez qu’il n’y a pas de paperasse, l’argent, à présent, vous l’avez. Je vous repasse ma femme : les

détails, je ne sais pas m’en occuper.” Jean-Paul Delorme et sa femme venaient de permettre aux Braves de s’élever sur la plage d’Omaha Beach.» Les Braves, des tonnes de métal, sur 15 mètres de haut, fichées au plus profond du rivage, un surgissement impressionnant, à la fois massif et aérien, qui fait penser à des lames, mais aussi à des lames de fond, et à des voiles, et qui tient, solide et stable, debout, droit, malgré les marées, les vents, l’eau de mer, le sable qui se retire et qui revient. Depuis, sa réplique a été édifiée de l’autre côté de l’Atlantique, au bord du lac Michigan, et Anilore se consacre à un nouveau projet fou, Vitae. L’idée ? Envoyer une œuvre sur la Lune, et l’y installer. Un cocon qui s’ouvre comme une corolle, qui rassemble un million d’empreintes de mains, de gens connus et inconnus, et qui célèbre la vie, l’humanité, la paix : «Un des scientifiques à qui j’en ai longuement parlé m’a simplement demandé : “Vous voulez la mettre où, exactement, sur la Lune ?” Apparemment, c’est bien parti. ELLEN WILLER Exposition Anilore Banon, octobre et novembre 2025, Galerie Sablon d’Art à Bruxelles.

ENGLISH TEXT. Anilore Banon creates monumental sculptures—massive in size, weight, and meaning. Since Les Braves, installed on Omaha Beach, she has pursued one of her boldest projects yet: placing Vitae, a sculpture celebrating humanity, on the Moon. As a teenager, she wasn’t allowed out but attended her father’s dinner parties with politicians and intellectuals. “I listened more than I spoke.” She devoured the news, fascinated by how stories were told—especially those of conflict. A shocking headline once inspired her first painting: “When I kill my father, I can buy a BMW.” She’s always worked with her hands: building clothes, furniture, metal structures. Her father took her to steelworks as a child—loud, fiery places where men moved giant metal machines like dancers. “Metal lives. You heat it, bend it, and it transforms.” Her sculpture Ten Commandments for a New Millennium was commissioned by the Comité Vendôme in 2000. Ten twisted, rusted columns symbolised humanity’s strength and fragility. That led to Les Braves: rising from the beach, 15-metre-high blades of steel commemorating courage. The funding fell through during the Gulf War—until a couple read about it in the Herald Tribune and stepped in. Now, Les Braves stands tall on Omaha Beach—and a replica on Lake Michigan. Her new mission, Vitae, aims to send a cocoon-like sculpture to the Moon, containing a million handprints to honour life and peace. “A scientist asked: ‘Where exactly on the Moon do you want it?’ So far, it looks promising.”

Guillaume Gallienne

DES GENS QUE

J’AIME…

Amélie Nothomb voyait en Dieu un tube. Guillaume Gallienne m’apparaît, lui, comme un récipient. Il a la capacité de se remplir de toutes les femmes, tous les hommes, tous les textes, toutes les langues… de remettre celles et ceux dont il descend à leur juste place, pour faire rejaillir les larmes souterraines en ondes de joie. Comme Walt Whitman, il pourrait chanter : “I am large, I contain multitudes”. Il y avait du génie dans Les garçons et Guillaume, à table ! Il y a de la grâce dans son livre Buveur de brume. Des flots d’amour dans sa liste.

1 / REDA KATEB. «Il est venu vers moi il y a une quinzaine d’années dans un festival. Il m’a dit : “Bonjour, je m’appelle Reda, je me présente parce que nous avons le même père de théâtre.” J’avais été engagé pour jouer le fils de Roland Bertin dans Mère Courage ; il avait connu Roland par son père, qui était aussi comédien. On s’appelle “mon frère”. Notre fraternité choisie est comme une évidence. Elle me fait penser à cette phrase remarquable des Récits d’un pèlerin russe : un frère qui est aidé par un autre frère se sent comme une ville haute et forte. Avec Reda, je me sens comme une ville haute et forte. C’est un acteur que j’adore, en plus.» – Tout est dit.

2 / VIKTOR KYRYLOV. «Il y a trois ans, il ne parlait pas un mot de français. Engagé l’année dernière parmi les académiciens de la Comédie-Française, une troupe de jeunes sortis d’écoles de théâtre qui nous accompagnent pendant un an dans tous nos projets, il a créé un spectacle intitulé Maintenant, je n’écris plus qu’en français, qu’il va rejouer jusqu’au 30 septembre au Théâtre de Belleville. Il y raconte comment, Ukrainien de 20 ans admis au Gitis, le plus grand conservatoire de théâtre de tout l’ancien bloc soviétique – de Prague à l’Ouzbékistan, tous les jeunes comédiens rêvent d’entrer au Gitis –, il est réveillé à 7 heures du matin par un coup de téléphone de sa mère le 24 février 2022, la veille du jour où il va jouer sa première à Moscou. “Mon chéri, ne t’inquiète pas, mais ça a commencé. – Quoi, qu’est-ce qui a commencé ? – Les bombardements… Mais ne t’inquiète pas, surtout, ne bouge pas. Reste où tu es.” Là, tout devient absurde. Ukrainien de langue russe, il vit soudain dans un pays en guerre contre le sien. Le texte est d’une intelligence ! Dans une scène, il se parle devant un énorme miroir. Ce qu’il se balance à la gueule est un sac de nœuds tellement épouvantable ! Comment dénouer ça ? Et il est d’une beauté ! C’est un seul-en-scène. Il joue sa mère…» – Ce qui vous parle, évidemment… «Et c’est génialissime ! A 23 ans, il pose toutes les questions. Sur la lâcheté, la haine, qu’il associe à la peur… C’est bouleversant. Une dame, en sortant, a dit : “On a envie de le prendre dans ses bras.” J’ai pensé lui répondre : “On a surtout envie que lui nous prenne dans ses bras !”»

3 / LEЇLA SLIMANI. «On prenait l’avion pour aller à un festival à Biarritz... Elle m’a dit : “Bonjour, je suis Leïla, on a des amis communs…” Elle venait d’avoir le Goncourt. Sur le moment, je n’ai pas compris qui elle était, mais on a sympathisé tout de suite. Elle est tellement lumineuse ! Elle m’éclaire, dans tous les sens du terme. Elle est attentive à tout. J’adore les gens attentifs à tout. Valérie Lemercier est comme ça aussi. Leïla, elle creuse la complexité, pointe ce qu’il y a derrière la phrase lancée à la légère. Elle entend tout, elle voit tout. Elle me devine. On se devine. C’est elle qui m’a encouragé à écrire Le Buveur de brume.»

4 / ALICIA GALLIENNE. «Ma cousine, de deux ans mon aînée. Elle est morte à 20 ans, une veille de Noël, d’une maladie qui avait déjà emporté son demi-frère à 19 ans quand elle était enfant. Elle était tellement belle ! Des yeux bleu marine incroyables. Nous partagions le goût de la nuit, ses nuits d’écriture, mes nuits d’errance. Elle avait esquissé un roman au titre extraordinaire, La Camisole de faiblesse Et, heureusement, trente ans après sa mort, est paru, dans la “Blanche” de Gallimard, ce recueil de ses poèmes, L’autre moitié du songe m’appartient. A sa mère qui lui demandait : “Pourquoi écris-tu ?”, Alicia répondait : “J’écris pour être lue.” Elle est aujourd’hui étudiée au bac, traduite en espagnol, en italien, en suédois. Longtemps, j’avais voulu être missionnaire, puis avocat. J’hésitais entre journalisme politique et relations publiques… Pour mes 18 ans, Alicia m’avait écrit Don’t forget Carpe diem ! Dix mois plus tard, le jour de sa mort, une digue a sauté. “On arrête les conneries. On choisit le bonheur. On vit. Je lui dois bien ça. Je vais être acteur ! Allez !” Love life ! dirait David Hockney.»

– Vous êtes heureux ?

Il sourit profondément : «Oh oui ! Oui.»

5 / LYLA ZELENSKY. «Ma grand-mère maternelle. Zelensky, sans autre rapport avec Volodymyr qu’un nom russo-ukrainien. Lyla – de son état civil, Lydia –, mais moi, je disais Caï (Ka-i), dérivé enfantin de Granny, que n’arrivait pas à prononcer mon frère. Fille de princesse géorgienne en exil, mannequin photographiée par Horst et Man Ray, elle avait la culture et l’humour de chacune des langues qu’elle parlait, faisant rire les Italiens en italien, les Espagnols en espagnol, les Anglais en anglais… Elle me récitait d’innombrables poèmes qu’elle me traduisait en direct. (Il se met alors, lui-même, à dire Pouchkine en russe, puis en français !) Elle me caressait le visage de toute sa longue main en articulant : “Comment vas-tou ?” Elle était ma confidente, adorait les tourments des adolescents. C’est à elle aussi que je dois Proust. Je dînais avec elle, je dis : “Il faut que je rentre. Demain matin, j’enregistre Proust en livre audio, c’est un pensum…” “Proust ? répond-elle, c’est une des choses les plus extraordinaires au monde. L’erreur des Français, c’est qu’ils commencent par le début. Il faut d’abord lire Guermantes. Là, tu t’amuses, puis Sodome et Gomorrhe.” Grâce à elle, j’ai découvert Proust en direct, à haute voix, et j’ai continué comme ça avec tous les auteurs, pendant onze ans, sur France Inter… Mais (ajoute-t-il sur ce ton si délicieusement chic et maniéré qui n’appartient qu’à lui) je vais être obligé de vous laisser, parce que je dois aller voir ma mère…»

SABINE EUVERTE

«Le Buveur de brume», Stock, 2025.

Lire «Le Buveur de brume» pour connaître aussi Mélita, dite Babou. Revoir «Les garçons et Guillaume, à table !» pour reconnaître Caï en Françoise Fabian. «Ça peut pas faire de mal», sur France Inter.

ENGLISH TEXT. Amélie Nothomb saw God as a pop song. Guillaume Gallienne, to me, is a vessel — one that fills with people, texts, languages… raising his ancestors to their rightful place and transforming hidden sorrow into joy. There was genius in Me, Myself and Mum. There is grace in his book Buveur de brume. And love in his list.

1 / Reda Kateb. “He approached me 15 years ago and said: ‘Hi, I’m Reda — we share a theatrical father.’ We both had ties to Roland Bertin. We call each other ‘brother’. With him, I feel like a fortified city. He’s a brilliant actor.”

2 / Viktor Kyrylov. “Three years ago, he didn’t speak French. Now he performs solo shows like Now I Only Write in French. Ukrainian, trained at Moscow’s GITIS, war broke out the day before his debut. The play is piercingly smart, he confronts himself in the mirror, plays his mother... He’s 23 and asks everything — about fear, hate, courage. It’s magnificent.”

3 / Leïla Slimani. “We met on a plane. She had just won the Goncourt. She shines — sees and hears everything, reads between the lines. She encouraged me to write Buveur de brume.”

4 / Alicia Gallienne. “My cousin, two years older. Died at 20. We

shared a love of night — her writing, my wandering. She left behind haunting poetry. Her words, ‘Don’t forget Carpe diem!’ guided me. When she died, I chose life. I chose to be an actor.”

5 / Lyla Zelensky. “My grandmother. Georgian princess, model for Horst and Man Ray. She spoke many languages with wit. She introduced me to Proust: ‘Don’t start at the beginning. Read Guermantes, have fun!’ Thanks to her, I read aloud for years on France Inter… But now, I must go — I’m off to see my mother.”

Emotions & Tentations

Les trésors d’Olwen Forest Dancing, shining, jingling jewels

Parure de broche et boucles d’oreilles signées Schiaparelli circa 1960

J’ai toujours pensé que dans la vie il y a une certaine magie dans le mouvement du corps, et le bijou a tendance à suivre cette magie comme une danse. Le mouvement et le bruit du «jingle» provoquent l’attention et très souvent deviennent un sujet d’intérêt et de conversation. Un bijou qui brille attire la lumière et rend une certaine beauté à la personne qui le porte. Les grands créateurs de bijoux ont très bien su utiliser cet aspect. En France, Coco Chanel a mis en avant, dès ses débuts, des modèles qui dansent comme les sautoirs, ses bracelets à «charms», ses boucles d’oreilles pendantes et ses broches à breloques qui balancent. La grande surréaliste Elsa Schiaparelli s’intéresse à la lumière, et, dans les années 1930, elle crée une ligne de bijoux nommée «Aurore boréale».

Etats-Unis, Joseff of Hollywood, le designer des bijoux de stars des années 1930-1940, a choisi des broches, chaînes et colliers en grande force et mouvement avec grâce et succès. Miriam Haskell, la grande créatrice des années 1930 à 1950, adorait les bijoux qui brillent aux couleurs vives et très lumineuses.

Manchette «The laughing Dancing lion» signée

Joseff of Hollywood circa 1940

L’actrice américaine et danseuse célèbre

Ann Miller est entourée de bijoux. Collier en pâte de verre signé

Miriam Haskell circa 1940

Jingling bracelet à sceaux signé Chanel circa 1930

Parure de sautoir et boucles d’oreilles signées Chanel circa 1960

Olwen Forest, Marché Serpette, 110 rue des Rosiers, à Saint-Ouen, allée3, stands 5, 6 et 7. 0140119638. www.olwenforest.com

Elite : 130 ans de sommeil d’ exception

Un bon lit est la clé d’un sommeil réparateur. La Maison Elite s’est imposée comme la référence en matière de lits haut de gamme. A l’occasion de son 130e anniversaire, la manufacture suisse ouvre les pages d’une histoire façonnée par la passion du confort.

Tout commence sur les rives du Léman, en 1895. Jules-Henri Caillet, maître sellier-tapissier, décide que dormir ne devrait pas être une affaire de hasard. En 1946, Elite acquiert un brevet de montage de matelas à ressorts, véritable révolution. En 1969, la Maison dépose le brevet de son Boxspring original, conçu pour éviter l’effet cuvette. Une avancée technique majeure, devenue la signature du confort Elite.

Le lit influence directement la qualité du sommeil. Chez Elite, l’alchimie repose sur trois piliers essentiels : le confort, le soutien et la thermorégulation. Ces trois éléments réunis permettent de réduire les micro-réveils, souvent imperceptibles mais nuisibles, et favorisent l’accès au sommeil profond.

En 2006, sous l’impulsion de François Pugliese, directeur et propriétaire, la manufacture se modernise tout en préservant les gestes précieux des tapissiers et matelassiers. Chaque lit, chaque boxspring, chaque matelas est entièrement confectionné à la main avec des matériaux nobles et naturels. Cet engagement est reconnu en 2011 avec l’obtention de l’Ecolabel européen : une certification exigeante garantissant une composition sans composants organiques volatils, une production responsable et une longévité exceptionnelle.

Une entreprise plus que centenaire, c’est aussi une entreprise qui sait se renouveler et innover. Avec Smart Lease, un système de location ultra-flexible de lits haut de gamme pour l’hôtellerie, Elite inaugure le premier système de leasing de matelas et amène sa pierre à l’édifice de l’économie circulaire.

En 2017, la Maison développe le Wooden Spring, un ressort en bois suisse pour des sommiers encore plus durables – une nouveauté mondiale, plébiscitée par une clientèle exigeante en matière de confort et de durabilité.

Chaque année, de nouveaux designs voient le jour grâce aux Elite Design Awards, qui invitent les designers du monde entier à développer des lits à la fois beaux et ingénieux. elitebeds.ch/fr/

FACE-À-FACE AVEC UNE PHOTOGRAPHIE

«The State We’re In, A» (2015)

Wolfgang Tillmans

Le face-à-face de ce numéro exige de tenir compte de l’espace dans lequel est montrée la photographie noir et blanc, grand format, de Wolfgang Tillmans. D’habitude, les œuvres exposées s’observent indépendamment du site dans lequel elles s’inscrivent. Elles gardent une autonomie de bon aloi dans les «white cubes» plus ou moins neutres et aseptisés qui les reçoivent. Or, dans le cas de l’exposition du photographe et plasticien allemand, multiprimé, né en 1968 et vivant entre Berlin et Londres, qui représente quelque quarante ans de carrière, le rapport entre son univers effervescent et le lieu très particulier du Centre Pompidou impose un aller-retour constant. D’autant qu’il ne s’agit pas des galeries nobles du dernier étage réservées à ce genre d’événement mais de la Bibliothèque publique d’information, carrefour ordinairement vibrionnant de lecteurs qui, juste avant la fermeture de l’institution pour cinq ans et désormais désertée, accueille sur 6 000 m² les multiples créations de Tillmans : des tirages photographiques avec ou sans appareil aux dessins en passant par la vidéo, la musique, les livres et les magazines… La BPI, vide ou presque, ressemble à ces bâtiments promis à la démolition, dont on voit, ici et là, ressurgir des vestiges anciens, comme ces moquettes de différentes couleurs qui signalent au visiteur l’emplacement des étagères disparues, montrant la cartographie palpable des organisations précédentes. Des allures de fin d’un monde avec pour horizon la question posée par le titre de la présentation proposée par Tillmans : «Rien ne nous y préparait. Tout nous y préparait.» Interrogation à laquelle fait écho l’intitulé de notre photographie, The State We’re In, A,

2015 (L’Etat dans lequel nous nous trouvons, A). Ce tirage offre l’image d’une mer parcourue de frissons, sorte de houle sèche, contradictoire et auréolée à l’arrière-plan de quelques points d’écume. Affleurent à la surface des courants contraires, l’annonce peut-être d’un coup de vent, le signe avant-coureur d’un changement des conditions météorologiques. Et, au cœur de ce remuement de tensions virtuelles, une tache de lumière affadie qui s’élargit par endroit formant contraste avec le fond obscurci du flot. Faut-il sentir l’imminence d’une menace, l’avertissement insidieux mais tenace d’une altération à venir ? Agitation dont le relief se remarque fort bien pour peu que l’on regarde la photographie de côté et non frontalement. La reproduction rendant insaisissable cet effet d’optique, il faut donc se rendre sur place pour déceler la saillie de ces remous. Y aller, c’est en quelque sorte l’invitation lancée par la bouillonnante rétrospective éclatée de celui qui n’a eu de cesse d’arpenter les tours et les détours de l’histoire. En témoignent ses engagements contre le Brexit et l’obscurité des dogmes de tout poil. Car, pour Tillmans, il s’agit de proposer une expérience, de relier le savoir de la bibliothèque à l’état dans lequel nous nous trouvons, afin, sans aucun doute, d’ouvrir les yeux et d’agir. Le refus en somme d’une esthétique de l’accablement qui brandit l’excuse de l’impréparation. BERTRAND RAISON

CENTRE POMPIDOU. «Wolfgang Tillmans. Rien ne nous préparait. Tout nous y préparait». Jusqu’au 22 septembre 2025.

Galerie Buchholz, Galerie Chantal Crousel, Paris, Maureen Paley, London, David Zwirner, New York.

Plaque siglée «Paris» en exclusivité sur www.redline-boutique.com

Plaque siglée «Saint-Honoré» en exclusivité au 167, rue

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