Grand Genève Magazine °7

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ISSN 2297-0002

www.grandgenevemagazine.ch | N° 7 | 2016 | CHF 4.90

Genève accueille le premier vol de ligne du Boeing 777-300ER de SWISS - Interview LORENZO STOLL, Directeur Général de Swiss

GRAND GENÈVE LA RÉALITÉ DES ENJEUX JURIDIQUES, FINANCIERS, FISCALITÉ, MOBILITÉ

Focus sur l’économie sociale et solidaire de part et d’autre de la frontière

ÉTIENNE BLANC 1er Vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes délégué aux finances, à l’administration générale, aux économies budgétaires et aux politiques transfrontalières.

En partenariat avec

KAMEL DAOUD Journaliste et écrivain, lauréat des prix Goncourt du premier roman pour « Meursault, contre-enquête » (2014) et Jean-Luc Lagardère du meilleur journaliste de l’année 2016


Bachelors, Masters and DBA programs

Paid Part-Time Jobs and Internships / Career Services

International Finance Marketing / Communication International Affairs & NGOs Business Administration Visit our website for more informations:

www.imsgeneva.ch


s

Éditorial Hilda Lindenmeyer

Par

Rédactrice en chef

IMPRESSUM

Soyons amoureux de la liberté

A

u sein de Grand Genève Magazine, nous sommes éperdument amoureux de la liberté. Force est de constater qu’elle est mise à mal non seulement, par les terroristes, les islamistes, les politiques populistes, les extrémistes de tous bords, mais aussi par certains universitaires qui se sont glissés dans les colonnes d’un des plus grands quotidiens français pour réhabiliter l’inquisition de la pensée. Stéphane Hessel a dit « Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint ce courant de l’histoire et le grand courant de l’histoire doit se poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté, mais pas cette liberté incontrôlée du renard dans le poulailler. » Aussi sommesnous indignés face aux accusations d’islamophobie portées à l’encontre de l’écrivain algérien Kamel Daoud. Nous le soutenons avec force et conviction et vous invitons, chère lectrice et cher lecteur, à lire sans modération «  Meursault, contreenquête », publié chez Actes Sud.

00 Dans ce numéro Peter Loosli vous livre les portraits du nouveau président de la région

Édité par : Artwear SA C/O Hilda Lindenmeyer 19 rue Neuve-du-Molard CH — 1204 Genève Tél. : 076 374 08 92 Mél. : hilda@grandgenevemagazine.ch

Web : www.grandgenevemagazine.ch

Rhone-Alpe-Auvergne Laurent Wauquiez et son bras droit Étienne Blanc. Élodie Olson a concocté un carré d’artistes de notre région à son habitude. Natacha de Santignac met votre mobilité à l’honneur. Je recommande aussi les chroniques littéraires de Marc Alpozzo. Quant à votre serviteur, je suis allée à la rencontre de Lorenzo Stoll, le Directeur Général de Swiss ; Ivan Meissner, Directeur Général de Qualimatest ; la lauréate du Prix de l’Innovation 2015 de la Chambre de commerce et Lucyane Becart, directrice territoriale de Pôle Emploi. Ils ont répondu à mes questions avec sincérité et je les en remercie chaleureusement. Cette confiance nous encourage avant tout à améliorer sans cesse notre magazine.

00 venez à notre rencontre Amoureux des livres et de la presse, venez à notre rencontre lors du Salon du livre et de la Presse qui a lieu du 27 avril au 1er mai à Balexert ! Vous pouvez participer à notre concours photo et gagner un dîner pour deux personnes au restaurant de l’hôtel Best Western ainsi que deux entrées à la soirée littéraire 2016 au Centre de Convention d’Archamps. Bonne lecture !

Directrice de la publication Hilda Lindenmeyer Secrétaire à la rédaction Raphael Klemm Rédaction Hilda Lindenmeyer, Elodie Olson, Yalda Racordon, Natacha de Santignac Contributeurs Peter Loosli, Marc Alpozzo Marie-Laurence LupoTardivel, Antoni Mayer, Michel Chevallier Marketing Yalda Racordon Publicité Cyrielle Girard Agostinho Dos Santos Maquette/Graphisme Hilda Lindenmeyer Coline Eliot Remerciements Salon du livre et de la presse de Genève, Actes sud, Claude Truong-Ngoc, Thierry Barret


Grand GenèveMaggazine

Sommaire EDITOR’S LETTER

3 6

Éditorial

7

Portrait express

Soyons amoureux de la liberté

BUSINESS EDUCATION l GLOBAL PERSPECTIVE

BUSINESS

Portrait express

SCHOOL

Étienne Blanc 1er Vice-Président de la Région Auvergne Rhône-Alpes

Laurent Wauquiez Président de la Région Auvergne Rhône-Alpes

9 Mobilité 11

Société - fiscalité

BACHELOR

La Fondation des Parkings Un parking, comment ça marche ?

Formations accréditées

la Loi genevoise No 4040 du 5 octobre 1973

14 Mobilité 17 18 Business technologie 20Interview Économie 22

MASTER / MBA

Management Banque & Finance Family Business

Français & Anglais ou bilingue

International Business Communication & Marketing Trading de Pétrole & Gaz

Professeurs avec expérience

Approche pratique New MBA en emploi

Services carrière Top recrutement

Admission simplifée 3 entrées / année

Interview

Lorenzo Stoll, Directeur Général de Swiss

Entreprises Campus rénové au centre-ville visites & network

L’autoroute, un projet qui nous rapproche : liaison A89-A6

UNIVERSITE IFM - Institut de Finance et Management

Tél : 0223222580 - www.universiteifm.com - Genève

Ivan Meissner, Directeur Général de Qualimatest S.A.

Focus sur l’économie sociale et solidaire

Grand Genève Magazine • N° 7 I 2016

Nos félicitations

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À gagner 50 invitations avec Grand Genève Magazine

Nous tenons à féliciter chaleureusement Peter Loosli, notre contributeur, Président sortant du Conseil local de développement (CLD) du Genevois français et Membre du Forum d’agglomération du Grand Genève.

Les 25 premiers recevront 2 entrées gratuites pour le Salon du Livre et de la Presse www.grandgenevemagazine.ch/concours

Eu égard à ses engagements pérennes visant à construire le Grand Genève malgré des vents souvent contraires, les autorités fédérales suisses — le DFAE, Présence Suisse et l’OSE — viennent de le choisir comme l’une des 100 personnalités suisses de l’étranger, d’hier et d’aujourd’hui, qui seront prochainement mises en exergue dans un livre, à paraître pour les 100 ans de l’OSE.


L’autoroute, un projet qui nous rapproche : liaison A89A6 Demain Genève sera à moins de 6h50 de la 9ème plus grande ville de France, Bordeaux

17 Kamel Daoud Une lumière au coeur de l’obscurantisme

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34 chronique littéraire

Caroline Fourest Le blasphème est-il la haine ? Patrice Trigano, il ne faut pas céder sur son désir Arthur Schnitzler Je suis un poète !

événement transfrontalier 4 Forum Carrières internationales à Archamps e

31 33 chronique littéraire Interview

38

Carré d’artistes Blandine Robin Fausto Borghini André Durussel Michaël Perruchoud Capucine Keller

Lucyane Bécart, Directrice de Pôle emploi

Michel Onfray est-il une imposture ?

40

Événement

30e édition du Salon du livre et de la presse de Genève

www.grandgenev emagazine.ch

| N° 7 | 2016 |

ISSN 2297-0002

26 Décryptage

CHF 4.90

Genève accueille le premier vol 777-300ER de SWISS - Interv de ligne du Boeing iew LORENZO Directeur Génér STOLL, al de Swiss

GRAND GEN

ÈVE

Focus sur l’éc sociale et sol onomie idaire de par et d’autre de t la frontière

LA RÉALITÉ DES ENJEUX JURIDIQUES , FINANCIERS , FISCALITÉ, MOBILITÉ

ÉTIENNE BLANC

1er Vice-préside nt de la Région délégué aux financ Auvergne-Rhône-A es, à l’administrat lpes économies budgé ion transfrontalières. taires et aux politiques générale, aux

En partenaria t avec

KAMEL DAOUD

Journaliste et écrivain, lauréa du premier roman t des prix Gonco urt (2014) et Jean- pour « Meursault, contre journaliste de Luc Lagardère du meilleur-enquête » l’année 2016

Concours photo Couverture

Amis lecteurs, amis facebookers, ce message est pour vous : Grand Genève Magazine lance son premier concours photo ! Venez à notre rencontre lors du Salon du livre et de la Presse qui a lieu du 27 avril au 1er mai à Balexert ! Vous pouvez participer à notre concours photo et gagner un dîner d’une valeur de 120 euros au restaurant l’Avenue au technopole d’Archamps, suivi d’une entrée à l’une des rencontres littéraires des Rendezvous d’Archamps En partenariat avec BEST WESTERN Porte Sud de Genève - Hôtel 4 étoiles au sein de la Technopole d’Archamps

Partagez vos selfies avec le hashtag : #JelisleGrandGenèveMagazine sur Facebook et suivez notre page. À vos clics!

De gauche à droite : Robert Deillon, Directeur Général Genève-Aéroport, Corine Moinat, Présidente Genève-Aéroport, Béatrice Bracklo, Directrice Corporate Communications Boeing et Lorenzo Stoll, Directeur Général SWISS Suisse romande,©Swiss Vue aérienne : © Genève Tourisme Étienne Blanc: © Alexa Brunet Kamel Daoud © DR


Portraits express Peter Loosli

Par

Président sortant du Conseil local de développement « (CLD) du Genevois français « Membre du Forum d’agglomération du Grand Genève

© Alexa Brunet

Portrait express : Étienne Blanc

1er Vice-Président de la Région Auvergne Rhône-Alpes*

É

lu le 4 janvier 2016, le 1er Vice-Président (LR) de la Région Auvergne Rhône-Alpes* est en charge des finances, de l’administration générale (8’500 agents), des économies budgétaires et des politiques transfrontalières. En accédant à ces responsabilités, Étienne BLANC savait qu’il aurait à choisir à terme entre ses mandats de membre de l’exécutif régional, de maire de Divonne-lesBains (depuis 1991) et de député à l’Assemblée nationale (depuis 2002). Ce choix, il l’a effectué le 10 mars 2016 en remettant sa lettre de démission à Claude BARTOLONE, président de la Chambre basse française, provoquant ainsi une élection législative partielle dans la 3e circonscription de l’Ain. Il l’explique par son attachement indéfectible aux mandats locaux, spécialement à celui de maire impliquant que « l’élu reste au plus près du vécu de ses électeurs, des réalités du terrain, loin d’être hors sol ». Étienne BLANC fonde son choix également sur le rôle à ses yeux crucial de l’échelon des Régions dans l’organisation territoriale, se montrant ainsi en phase avec le credo d’un Denis de Rougemont.

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00 Fixer le cap sur le fait frontalier

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Ce talentueux débatteur et fin stratège est né en 1954 à Givors, commune située dans la partie sud de l’actuelle métropole de Lyon, aussi appelée Grand Lyon (issue de l’ex-COURLY ou Communauté urbaine de Lyon, créée en 1969). Suite à ses études de droit et avant d’obtenir son premier mandat politique comme conseiller municipal à Bourg-en-Bresse (en 1983), il a ouvert un cabinet d’avocatconseil dans ce chef-lieu de département et rejoint l’Ordre des avocats du barreau de l’Ain, après avoir prêté serment devant cette autorité en décembre 1980. Au Palais Bourbon, il a pris part en particulier aux travaux de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau (affaire

pénale d’abus sexuel sur mineurs), ayant connu une forte résonance dans l’opinion publique ; et il a été rapporteur de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale et l’efficacité de la chaîne pénale. Étienne BLANC a en outre contribué de manière marquante à sensibiliser le Parlement français aux questions régionales transfrontalières, spécialement comme coauteur – aux côtés du sénateur du Bas-Rhin Fabienne KELLER (Strasbourg) et du député européen Marie-Thérèse SANCHEZ-SCHMID (Perpignan) – du rapport intitulé « Les frontières : territoires de fractures, territoires de coutures » (juin 2010), dans le cadre de la mission sur la politique transfrontalière leur ayant été confiée par le Premier ministre François FILLON. Cette mission parlementaire a examiné prioritairement les frontières terrestres de France métropolitaine avec l’Espagne, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, Monaco et Andorre, laissant de côté les frontières maritimes de proximité (en particulier celles d’outre-mer). Avec force arguments et verve, il met régulièrement en exergue que 20 % du territoire national respectivement 10 millions de citoyens français vivent en interaction permanente et directe avec des territoires d’outre-frontière, situés hors du périmètre national. Et de relever que le frein majeur à la compréhension du phénomène frontalier réside dans le jacobinisme, qui perdure dans une France par trop centralisée selon son analyse. Le 11 mars 2016 – lors du dernier Congrès du Groupement des travailleurs transfrontaliers (GTE, 32’000 adhérents), au Centre de conférences de la Technopole d’Archamps (Haute-Savoie) –, il a trouvé une bonne occasion pour renouveler ses messages en la matière, devant un parterre de 500 personnes. En l’occurrence pour la première fois en portant ses habits de 1er Vice-Président de la Région chargé du développement de la métropole du Grand Genève.


Patron de la Région Auvergne Rhône-Alpes*

É

lu le 4 janvier 2016 pour un mandat allant jusqu’en 2021, le Président (LR, parti des Républicains) de la Région Auvergne Rhône-Alpes* vient d’accéder à la tête de l’une 13 nouvelles grandes régions de France métropolitaine (elles étaient au nombre de 22 jusqu’en 2015). Les principales aires urbaines de la nouvelle collectivité locale – circumvoisine de Genève – sont Lyon/Saint-Etienne, Grenoble, Clermont-Ferrand et le Genevois français. Aussi étendue que l’Irlande (près de 70’000 km2), riche comme la Finlande (PIB de 240 milliards d’euros) et peuplée comme la Suisse (env. 8 millions d’habitants), elle est composée de 12 départements, dont l’Ain et la Haute-Savoie, ainsi que de la métropole de Lyon (1,3 million d’habitants). Depuis la dernière réforme introduite l’été passé par le Parlement français (à travers la loi NOTRe, dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation), les champs d’intervention de la Région sont vraiment larges : ils vont à présent de la gestion des lycées à l’organisation des transports interurbains (réseau de trains de voyageurs et de cars TER), en passant par le développement économique (aides aux entreprises, pôles de compétitivité), la formation professionnelle, le soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche et le tourisme (comme chef de file). Dans la phase actuelle, l’objectif primordial réside dans la conduite optimale de la fusion des deux ex -Régions Rhône-Alpes et Auvergne, en mettant en exergue entre autres le caractère montagnard de ce territoire qui a pour particularité d’associer deux massifs : le Massif central et les Alpes. Le nom de la nouvelle entité régionale sera

choisi sous peu par l’assemblée délibérante de la Région à la suite de consultations orientées vers les lycéens et apprentis et l’ensemble des Auvergnats et Rhônalpins. De nombreuses propositions ont déjà été mises en circulation, des très classiques « Auvergne Rhône-Alpes » et « Rhône-Alpes Auvergne », au très original « La Volc’en Loire » en passant par « Puyrhônealpes » et « R2A ».

00 Formation de haut vol Le chef de l’exécutif régional a annoncé la couleur depuis longtemps et vient de persévérer dans ce dessein : il entend réaliser 300 millions d’euros d’économies, sur 5 ans, dont 75 dès 2016, le budget global annuel de la Région étant de l’ordre de 3 milliards d’euros. Deux axes principaux caractérisent les orientations budgétaires : des économies sur le fonctionnement ainsi que le renforcement des investissements. « Entre 2016 et 2020, la Région prévoit d’investir 4 milliards d’euros, ce qui devrait se traduire par 70’000 emplois directs et indirects sur la durée du mandat », a-t-il déclaré le 3 mars dernier à Lyon. Ancien élève de la très sélective École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm (Paris, 5e), Laurent WAUQUIEZ a d’abord fait des études d’histoire et obtenu un master à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Reçu premier à l’agrégation d’histoire, titulaire d’un diplôme d’études approfondies (DEA) de droit public, il est ensuite entré à l’École nationale d’administration (ENA). Au cours de sa scolarité à l’ENA, il a effectué une mission en Corse (à la Préfecture de Bastia). À son issue, il a rejoint le Conseil d’État, l’institution administrative chargée de conseiller le

*Dénomination provisoire de la nouvelle Région – issue de la fusion des deux ex -Régions Rhône-Alpes et Auvergne –, déterminée légalement par l’ordre alphabétique, v. site Internet www.auvergnerhonealpes.eu

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

© F. Trabouillet

Portrait express : Laurent Wauquiez

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Gouvernement dans des domaines bien circonscrits et plus haute des juridictions de l’ordre administratif en France. Souhaitant apprendre l’arabe, il a effectué deux séjours en Égypte et travaillé à l’Ambassade de France au Caire. Son entrée en politique s’est s’effectuée en 2002, comme suppléant de Jacques BARROT, député de la 1re circonscription de la Haute-Loire à l’Assemblée nationale ; en 2004, alors que Jacques BARROT est nommé viceprésident de la Commission européenne et démissionne de son mandat de député, Laurent WAUQUIEZ brigue sa succession et est élu, à 29 ans. Il devient ainsi le benjamin de l’Assemblée nationale. En 2007, réélu député de la Haute-Loire, il est nommé secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement français, avec pour objectif de moderniser la communication gouvernementale. Il est ensuite élu maire de la Ville du Puy-en-Velay, préfecture du Département de la Haute-Loire, avant de devenir secrétaire d’État chargé de l’emploi. En 2010, il est nommé ministre des Affaires européennes, puis ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Son accession à la tête de la Région vient donc de se produire alors qu’il est déjà bien présent sur la scène nationale.

À propos de l’auteur Peter LOOSLI Président sortant du Conseil local de développement (CLD) du Genevois français Membre du Forum d’agglomération du Grand Genève

Contacter l’auteur Peter LOOSLI Résidence « Le Saint-Germain » 45, rue de Meyrin F – 01210 Ferney – Voltaire (Pays de Gex – Ain – RhôneAlpes Auvergne) (+33) (0) 9-63-42-52-27 (répondeur en cas d’absence) Correspondance électronique : peter.loosli@wandoo.fr Adresse postale en Suisse : Peter LOOSLI — Case postale 226 CH – 1211 Genève 19 Petit-Saconnex http://peterloosli.blog.tdg.ch

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Chronique littéraire Société Antoni Mayer

Par

vice-président Genevois sans frontière

« Qu’on le veuille ou non, le Grand Genève n’est plus un projet, mais une réalité. Il s’agit de régler le mieux vivre ensemble de cette région. »

L’accord franco-suisse-convenu entre l’État français et le Conseil Fédéral — du 29 janvier 1973 et la Loi genevoise No 4040 du 5 octobre 1973 détermine le montant de la compensation financière aux communes frontalières françaises. Dans l’article premier alinéa C de cet accord, le montant est fixé à 3,5 % de la masse salariale brute des résidents en France qui travaillent à Genève (suisses et européens). On peut estimer à près de 8 milliards de CHF cette masse salariale. Donc près de 300 millions CHF qui doivent être rétrocédés aux départements français de l’Ain et de la Haute Savoie. C’est ce que ce parti populiste appelait « des cadeaux à la France »… L’afflux de personnel genevois en France voisine travaillant à Genève est provoqué par l’étroitesse du marché immobilier lié à la venue de plusieurs entreprises étrangères et au manque chronique de logements. Ce phénomène oblige les communes transfrontalières à réaménager leurs territoires, à entretenir les voiries, à assurer la sécurité, la santé, l’école. Il paraît donc plus que normal que Genève participe à ces frais. Ceci d’autant plus que pour les résidents travaillant à Genève l’impôt est prélevé à la source. Cela signifie que 100 % des travailleurs habitant la région voisine payent leurs impôts. Il s’agit en conséquence d’un défi commun, concret, quantifiable et mesurable.

00 La xénophobie n’a pas sa place face à cet enjeu. L’aménagement du Grand Genève exige une collaboration transfrontalière concrète. Depuis de nombreuses années, les autorités des deux côtés de la frontière travaillent d’arrache-pied pour le développement harmonieux de cette région qui comprendra bientôt près d’un million d’habitants. Quelques exemples de cette remarquable collaboration démontrent cette dynamique. Certains sont visibles, d’autres moins. Le projet le plus visible sera sans nul doute celui du Léman Express que les Genevois appellent le CEVA et qui n’est en réalité que le nom d’un chantier (CornavinEaux Vives, Annemasse) et qui ne représente qu’une partie de ce nouveau réseau de transports publics autour de notre région. Citons encore la création de l’école transfrontalière de soins infirmiers, la création d’une voie verte cyclable entre Ferney et Annemasse et passant par Genève, la collaboration transfrontalière des polices, etc…. Nous ne parlerons pas ici de la collaboration transfrontalière en matière d’agriculture (vigne, pâturage, distribution du lait, zone maraîchère) connue par tous les citoyens concernés. Rappelons ici qu’en terme de flux financier le canton de Genève est gagnant comme le démontre une étude détaillée du Professeur Charles Hussy du département de géographie et environnement. (www.grand-genevelemanifeste.ch)

L’Association « Genevois sans frontière » en mai 2014 (www.genevoissansfrontiere.ch). Son but consiste à faire se rencontrer des citoyens et des élus des deux côtés de la frontière afin de faire avancer les différents projets communs et de faire acte de pédagogie envers les citoyens concernés.

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E

n janvier 2016 un parti populiste genevois dépose son initiative législative cantonale « pour la dénonciation de l’accord sur la compensation financière relative à l’impôt à la source ». Cette initiative a fait long feu, le Service des votations du canton de Genève ayant détecté 1371 (!) signatures non valables…

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© Marc Guillemin

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Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

La Fondation des Parkings


Mobilité Natacha de Santignac

Par

© Marc Guillemin

Journaliste, reporter indépendante

Un parking, comment ça marche ?

La scène, vous la connaissez : un parking. Vous vous êtes garé de nombreuses fois à côté de ces belles voitures alignées. Vous avez perdu votre ticket, il vous est même arrivé de perdre votre voiture. Non ? Allez, soyez honnête ! En tout cas, en ce qui me concerne, le coup du ticket se produit de façon récurrente et une fois, oui une seule, j’ai perdu la voiture ! Alors que se passe-t-il à ce moment-là ? Le parking vous offre une voix au bout de la touche que vous avez pressée. Et c’est à cette voix que vous pouvez demander de l’aide. Car un parking, c’est aussi des femmes et des hommes qui, tous les jours s’attachent à ce que ce lieu de transit soit agréable et sécurisé et que son utilisation soit la plus simple possible. À Genève, la Fondation des Parkings gère 120 parkings et déploie une myriade de talents pour vous satisfaire. Saviez-vous que les parkings, où vous avez généralement le sentiment de vous sentir seul, se révèlent des lieux de

vie surprenants ? Entre les ingénieurs et les techniciens, les surveillants-opérateurs, le service de sécurité, les agents de nettoyage, les collaborateurs du tri-monnaie, c’est tout un monde qui y défile ! Attention, il ne s’agit pas ici de faire acte de présence, mais bien de veiller en priorité sur votre bien-être. Prenons l’exemple des surveillants-opérateurs : ils sont au nombre de 16 et se relaient quatre par quatre pour vous répondre et vous prêter main-forte en cas de besoin. Des formations internes axées sur la qualité du service client sont dispensées. Des contrôles sont effectués régulièrement par des «  clients mystère  »  : résultats concluants, la satisfaction est au rendez-vous. La propreté des lieux, souci majeur, est garantie par le zèle de 12 personnes qui tournent de parking en parking, toute la journée en s’assurant que les toilettes sont propres, les poubelles vidées, les odeurs éventuelles éradiquées, les graffitis recensés en vue d’une prochaine élimination, mais aussi que rien ne traîne dans les cages d’escaliers ou les ascenseurs, bref, tout y passe. Si une difficulté technique est détectée lors du passage d’un des employés ou parce qu’un client l’a remarquée, par

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Vous me direz : c’est très simple ! Et pourtant, vous êtes loin d’imaginer tout ce qu’il faut de créativité, de planification ou encore de personnel pour que cette simplicité soit au rendez-vous !

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© Marc Guillemin © Marc Guillemin

Des systèmes de reconnaissance de plaques permettent un accès rapide aux abonnés

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Le Centre de contrôle est relié à l’ensemble des parkings à barrière et habitants

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exemple une barrière endommagée, un ascenseur en panne, une porte entravée, la Fondation des Parkings s’engage à ce qu’une intervention s’effectue dans les trente minutes et ce vingt-quatre heures sur vingtquatre, sept jours sur sept. Il convient d’ajouter que les investissements très conséquents, notamment en matière de sécurisation des accès aux parkings, ont grandement facilité la tâche de ces « fées des parkings ». Le ticket ou le code inscrit

dessus vous sert de clé, cela signifie que personne ne peut pénétrer l’enceinte du bâtiment sans y avoir, au préalable, déposé de véhicule. À ce jour, une dizaine de parkings classés « sensibles » ont été équipés, par exemple le parking de Cornavin ou celui de l’Hôtel des Finances. Le bilan est sans appel : les dégradations dans les parkings équipés de ce système ont diminué de 90 % ! Alors que plusieurs déprédations étaient dénombrées chaque mois avant les installations, une seule a été enregistrée depuis une année ! Les sites sont plus sûrs, plus propres et nombre de toilettes qui avaient dû être fermées sont à nouveau disponibles, ce qui représente un confort essentiel pour les usagers que nous sommes. Autre point crucial, la sécurité incendie. Tout le monde se souvient des ravages du feu qui a dévasté le parking des Cygnes en novembre 2014. Une voiture garée s’étant embrasée, six cent personnes ont dû être évacuées, douze véhicules du Service d’Incendie et de secours (SIS) mobilisés ainsi que trente-cinq pompiers. Bien que ce ne soit pas toujours obligatoire dans les anciens ouvrages, et que les coûts induits soient considérables, la Fondation équipe les parkings qu’elle gère et ceux dont elle est propriétaire, d’un système de sprinklers permettant de


L’inspiration vient aussi d’ailleurs, et les responsables des services concernés ne résistent pas à l’appel des parkings lorsqu’ils sont en déplacement ou en voyage. Et c’est tant mieux, car les idées intéressantes sont toujours bonnes à prendre. L’EPA (European Parking Association), référence en matière de standard pour ces lieux, mène régulièrement des audits dans les parkings situés aux quatre coins de l’Europe et suggère des améliorations. La dernière en date, la numérotation des places, critère de confort pour les usagers, va être progressivement mise en place dans les parkings de la Fondation. Parmi les améliorations déjà mises en œuvre, citons en vrac : les panneaux informatifs permettant une meilleure visibilité des tarifs et des services des parkings, aux entrées et aux caisses, les caisses acceptant les cartes de crédits, les billets et les pièces en francs suisses, mais également en euros, les bornes de recharge pour véhicules électriques, les antennes relais pour que vous puissiez continuer vos conversations téléphoniques sous terre, les places « Mobility », les différentes formules d’abonnements possibles, les emplacements pour les

© Marc Guillemin

limiter les dégâts et d’éviter la propagation du feu.

Les 16 opérateurs-techniciens assurent une présence 24 h/24

motos au tarif attractif d’un franc pour trois heures... j’en passe et des meilleures ! Mentionnons encore la future installation de bornes multiservices qui comprendront un booster, des câbles de batterie, un compresseur pour les pneus, une pharmacie de secours et un défibrillateur. Alors, pas si simples que ça les coulisses des parkings… mais, ce qui compte au final, c’est que ce soit bel et bien ce mot que vous ayez à l’esprit lorsque VOUS vous garez !


Interview Hilda Lindenmeyer

Par

Rédactrice en chef

Interview Lorenzo Stoll

de

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

Swiss International Air Lines (SWISS), la compagnie aérienne nationale helvétique, représente 8 245 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 5.2 milliards de francs, mais quel rôle compte-telle jouer dans le bassin franco-valdo-genevois ? Nous sommes allés à la rencontre de Lorenzo Stoll, le directeur général pour la Suisse romande. C’est dans ses bureaux donnant directement sur le tarmac de l’aéroport de Genève qu’il dévoile, au-delà de sa stratégie, une vision orientée service, innovation et compétitivité.

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Q À 44 ans, vous êtes le premier Suisse romand à faire partie de la direction générale de SWISS. Quelques mots sur le parcours qui vous a mené d’École Hôtelière de Lausanne à ce poste ? R De père suisse allemand et de mère tessinoise, j’ai grandi en Suisse romande, on pourrait dire que cela fait de moi un « proto-suisse » — lance avec humour Lorenzo Stoll. C’est un vrai atout de pouvoir vivre la culture helvétique et de parler les trois langues nationales au quotidien. Après la maturité, j’ai poursuivi ma formation au sein de l’École Hôtelière de Lausanne. J’ai fait mes armes à l’office du tourisme de Montreux. Puis, j’ai rejoint le groupe Nestlé, où j’ai passé 12 ans — de 2001 à 2013 —. J’y ai occupé toute une série de fonctions, mon dernier poste étant la direction commerciale de Nestlé Waters Suisse. Malgré les perspectives de carrière intéressantes qu’offre Nestlé, j’avais l’envie de relever de nouveaux défis. Je me trouvais dans cet état d’esprit lorsque les chasseurs de têtes en charge du mandat reçu de SWISS

pour Genève m’ont contacté. Ce challenge me semblait irrésistible à plus d’un titre. D’abord, le contexte historique — l’arrêt des vols longs-courriers opérés par Swissair depuis Genève en 1996, la faillite du même Swissair en 2002, le reprise par Lufthansa en 2004… Ensuite le contexte commercial : trouver le moyen d’établir SWISS dans un marché dominé par les compagnies à bas coûts ; j’étais séduit à l’idée de pouvoir combiner l’industrie de services avec la complexité technologique de l’aviation tout en tenant compte des enjeux financiers dans un environnement très compétitif, tout cela se combinant en un beau défi entrepreneurial. Je crois pouvoir affirmer que j’ai le job le plus excitant de Suisse romande ! Q Quelle place occupe Swiss au sein du Lufthansa Group ? R Lufthansa, en tant que fondateur de la Star Alliance, est avec ses 28 partenaires aériens – dont SWISS — le plus vaste réseau mondial de lignes aériennes. Swiss est probablement « le joyau de la couronne » en termes de


Q Quels sont vos objectifs ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour y parvenir ? R Notre objectif principal est d’atteindre l’équilibre financier sur le court-courrier, car à l’instar d’une grande partie des compagnies traditionnelles, nous sommes confronté à des défis importants en Europe en termes de nombre de passagers, de prix ou de rentabilité. Le deuxième objectif consiste à gagner des parts de rentabilité. On livre à notre actionnaire principal un profmarché en offrant un service de it important. Au 3e trimestre 2015, nous avons réalisé un qualité à des prix compétitifs. Et enfin, notre troisième bénéfice de 187 MCHF, en hausse de 36 % en comparaiobjectif est de tester des solutions innovantes pour le son annuelle. Ces résultats s’expliquent essentiellement court-courrier. Chaque année, SWISS transporte plus de par le faible prix du pétrole et l’efficacité des mesures de 16 millions de passagers vers 105 destinations dans 49 contrôle des coûts. Bien qu’étant la marque premium pays. Cette caractéristique, ajoutée à la particularité du du groupe, nous avons néanmoins ce côté accessible marché suisse (trois langues et cultures différentes) nous à l’instar des «  boutiques“...j’étais séduit de pouvoir combiner permet de fonctionner comme hôtels  », que j’intitulerais un laboratoire d’innovation pour « Boutique Airline », à savoir l’industrie de services avec la com- le groupe. Force est de constater un luxe non ostentatoire, plexité technologique de l’aviation tout que les compagnies aériennes sobre, élégant et orienté seren tenant compte des enjeux financiers traditionnelles doivent se réinvice. Au sein du groupe, nous venter, car le marché ainsi que collaborons étroitement sur dans un environnement très compétitif, le comportement des consomles sujets communs qui of- tout cela se combinant en un beau défi mateurs ont beaucoup changé. frent de belles synergies, entrepreneurial. Je crois que je peux Nous cherchons notamment de notamment dans le cadre de affirmer que : j’ai le job le plus excitant nouvelles méthodes de distribul’achat d’avions, de pièces de tion autres que les canaux de rechange, etc. En revanche, de Suisse romande !” vente usuels : agences de voyLuftansa nous laisse très ages et site Internet. Nous nous libres quant à la définition de l’expérience voyageur : sommes aussi penchés sur les tarifs et avons introduit l’agencement des cabines, la couleur des uniformes de des billets : Light, Flex et Classic…etc. nos collaborateurs, le logo, les RH. Par exemple, lorsque En ce qui concerne les moyens, je suis très satisfait de nous avons créé 150 emplois de « flight attendants » à

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Genève, nous avons pu définir nos propres attentes pour les ajuster au mieux aux besoins du marché romand. Un autre aspect de notre collaboration au sein du groupe est celui de la «  coordination  » des ressources. Par exemple, en termes d’efficacité et d’économie d’échelle, nous essayons d’éviter un vol SWISS, un vol Luftansa et un vol Austrian Airlines entre 10 heures et midi au départ de l’Europe pour le Brésil.

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la confiance qui m’est accordée. SWISS à Genève fonctionne comme une « business unit » spécifique, nous avons notamment des équipes locales pour le marketing, la gestion des « flights attendants » ou des opérations. Le marketing local est, à mon sens, crucial, car il nous permet d’apporter une touche locale à nos services. J’ai aussi obtenu les moyens pour la création, en premier lieu, d’une base pour le personnel de cabine, et à moyen terme d’une base de pilotes. Je vous avoue que faire partie de la direction générale et d’avoir accès directement au CEO de SWISS est un grand avantage.

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Q Comptez-vous continuer à développer des offres « low cost » et/ou les lignes intercontinentales au départ de Genève ? R Je serais heureux de faire du « low cost », ce qui n’est pas la même chose que d’offrir un produit « low price ». L’approche « low cost » me permet de réduire mes coûts opérationnels, d’œuvrer avec des coûts de fonctionnement très bas et de proposer, ainsi, des offres « low price ». Dans ce domaine, nous avons fait un effort colossal, perceptible aux yeux des passagers qui empruntent nos lignes, grâce à des tarifs très attractifs au départ de Genève pour l’Europe. En ce qui concerne le long-courrier, nous avons notre vol quotidien vers New York. À ce jour, nous n’avons pas de projet d’ajouter des vols longs-courriers au départ de Genève. En revanche, nous avons investi dans une nouvelle flotte de Boeing 777-300ER, présentée à Genève le 8 février 2016. Au total, 9 appareils de ce type seront progressivement intégrés à notre flotte à destination de Hong-Kong, Los Angeles, Bangkok, San Francisco, São Paulo et Tel-Aviv via le Hub de Zurich.

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Q En juin 2014, Lufthansa, Swiss et Air France/KLM ont réagi face à la concurrence peu équitable de leurs trois consœurs du Moyen-Orient (Emirates Airline, Qatar Airways et Etihad Airways) en adressant un appel à l’aide commun à la Commission européenne chargée des Transports. En juillet 2015, Air France/KLM a abandonné cette idée, alors que Lufthansa et Swiss ont maintenu leurs revendications. Y a-t-il de récents développements dans ce dossier ? R À mon avis, le rôle de l’État est de créer les conditionscadres pour offrir aux entreprises un environnement propice à l’investissement. Ainsi, à travers nos discussions aussi bien à Berne qu’à Bruxelles nous attendons des pouvoirs politiques une prise de position claire et impartiale quant à la préservation ou à l’amélioration du cadre légal qui permet aux lignes aériennes d’opérer en

Europe et/ou vers l’Europe. En 2016, nous investirons environ 3 milliards de francs dans notre flotte long et court courrier et créerons 800 postes de travail en Suisse. Ces emplois sont aujourd’hui mis en danger par les compagnies du Moyen-Orient qui sont presque des firmes d’État. Il est normal qu’il existe une certaine concurrence, mais que celle-ci soit saine ! C’est le cas d’Easyjet, avec qui nous jouons le même jeu, sur le même terrain, avec le même arbitre et les mêmes règles. Pour illustrer mes propos, prenons les règles en matière sociale : Chez SWISS, si une hôtesse de l’air tombe enceinte, elle est transférée au sol puis bénéficie d’un congé maternité, alors que dans certaines compagnies du Golfe, elle serait licenciée : C’est ce que nous considérons comme une distorsion des règles. Q Pensez-vous que le bassin de l’agglomération du Grand Genève soit un atout pour le développement de Swiss ? R Je regarde le Grand Genève comme un marché. La plateforme genevoise reçoit 15 millions de voyageurs, ce qui correspond à un rayon de 200 km autour de Genève. Nous avons mis sur pied des vols à destination de Marrakech et de l’Algérie afin de répondre aux besoins d’une communauté importante du côté français. Nous avons aussi des collaborateurs frontaliers, car c’est nécessaire d’intégrer les deux cultures, surtout dans une industrie de services. De plus, c’est inhérent à la région. Il ne m’appartient en revanche pas de commenter si c’est une bonne ou mauvaise chose.

De gauche à droite : Robert Deillon, Directeur Général GenèveAéroport, Corine Moinat, Présidente Genève-Aéroport, Béatrice Bracklo, Directrice Corporate Communications Boeing et Lorenzo Stoll, Directeur Général


Mobilité Marie-Laurence Lupo-Tardivel

par

Auteur

La Transeuropéenne Bordeaux-Genève par autoroute, fin des travaux février L’année 2016 apporte une nouvelle opportunité pour le développement économique et touristique du Grand Genève, avec l’ouverture du tronçon autoroutier entre A89 et A6, qui permettra de relier Genève à Bordeaux en un peu plus de 6 heures. Jusqu’à présent, la liaison autoroutière entre Genève et l’Océan Atlantique nécessitait près de 9 heures de route à travers des routes nationales empruntées par des camions.

la RD77E, la RN489, la RD73 (diffuseur RN7/RD307) et la suppression du demi-diffuseur existant sur la RN489 avec la RD73 (demi-diffuseur du Caret), sur 0.7 km environ ; 3. La mise à 2X2 voies aux caractéristiques autoroutières de la RN489 entre la RN7 et la RN6 sur un linéaire de 2 km environ ; 4. Le réaménagement du dispositif d‘échanges existant entre la RN489, la RD306 et la RN6 (diffuseur RD306/ RN6) ; 5. La réalisation d’un barreau autoroutier à 2X2 voies entre la RN6 et l’A6, sur un linéaire d’environ 800 m ; 6. La réalisation d’un échangeur complet avec l’A6 (bifurcation A89/A6). La liaison A89-A6 ne sera pas dotée d’installations de péage. En France APRR gère 12 000 km d’autoroutes. APRR et sa filiale AREA se placent au 4e rang des groupes autoroutiers européens. Côté pratique, le réseau restera accessible pour les usagers toute la durée du chantier. Pour retrouver toutes les informations sur le planning des travaux, rendezvous sur le site www.aprr.fr

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es réseaux autoroutiers sont toujours les garants de parcours sécurisés et fiables. Le modèle classique que nous empruntons tous demeure le 2X2 voies aménagées d’aires de repos, de bornes de secours, de structures pour la détente et le plaisir des usagers. C’est à l’occasion du lancement des travaux, le 4 avril 2016, que la société d’autoroutes APRR a présenté le projet qui aboutira la TRANSEUROPÉENNE reliant Bordeaux à Genève. Un futur tronçon autoroutier qui va faciliter la vie des usagers par plus de fluidité et de sécurité. Dans 22 mois, le contournement de Lyon et les encombrements actuels seront oubliés. Les travaux dureront 670 jours et couvriront un aménagement sur 5.5 km. Monsieur Pascal DEVERTU, directeur communication et marketing des autoroutes APRR, présente clairement la complexité de la transformation et l’aménagement d’un réseau routier « ordinaire » en autoroute. Les objectifs sont doubles : assurer la continuité autoroutière pour les trafics de transit et redistribuer les trafics d’échanges prépondérants entre l’A89, l’A6, Lyon et les trafics locaux. Cette liaison est le dernier chaînon manquant de la « Transeuropéenne », de Bordeaux à Genève, 700 km d’autoroutes inaugurés dès février 2018. Concrètement le projet de liaison comprend : 1. L’aménagement et la mise à niveau aux caractéristiques autoroutières de la déviation de la RN7 au droit de la Tour de-Salvagny, sur un linéaire d’environ 2 km ; 2. Le réaménagement d’un dispositif d’échanges complet avec la RN7, la RD307,

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Business technologie

« DFi, une constance et un accompagnement hors pair » Laurent Charbonnier, CIO de Loyco SA

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ans le courant de l’été 2013, lors de l’ouverture de nos bureaux de Genève, nous avons décidé de faire confiance à DFi et de leur confier une grande partie de notre informatique afin de nous concentrer sur nos activités métier. Cette confiance est née naturellement, car nous partageons les mêmes valeurs humaines et la même vision d’entreprise. Et puis DFi s’est positionnée comme interlocuteur unique sur des sujets aussi larges que les accès télécom, l’hébergement et la sécurité de l’information, à partir de cette date, un environnement dédié a été conçu spécialement pour notre société dans un Datacenter «  Tier-IV  ». Celui-ci comprend notre réseau, les clusters de serveurs, les baies de stockage, notre messagerie, nos applicatifs métiers, notre téléphonie, ainsi que la sécurité de nos données garantie 100 %

SwissData. L’administration et la surveillance de notre environnement ont également été confiées à DFi pour une surveillance en 24/7. Le challenge pour les équipes de DFi et Loyco dans le set-up du projet a été de trouver des technologies qui répondent aux besoins fonctionnels, aux évolutions rapides liées à notre croissance continue et à la mobilité souhaitée. La mise en pro-

duction ainsi que l’augmentation de la charge ont prouvé que les choix initiaux étaient bons. Atteindre un niveau de performance constant et un niveau de stabilité satisfaisant ne sont pas des choses faciles et obligent DFi à adapter les configurations (notamment les liens réseau et les capacités de l’infrastructure). Ces actions ont permis d’améliorer le niveau des prestations au fil des mois.


«

différentes problématiques et aux évolutions soulevé Courant 2014, la société DFi a acquis les es. La société Loyco a connu une croissance soutenue certifications ISO ISO27001, OCPD et Good Priv@ depuis sa création. Nous avons toujours cherché à obcy afin de garantir la confidentialité, l’intégrité tenir le meilleur de la technologie afin de garantir un service optimum à nos clients et à nos collaborateurs. et la disponibilité des données qui lui sont Nous sommes très satisfaits de la palette de prestations confiées. à 360 ; de DFi, toujours effectuée avec efficacité, sérieux et réactivité.

À PROPOS DE LOYCO La société Loyco offre des services experts de conseils et d’externalisation en assurance, ressources humaines, comptabilité, fiscalité, et gestion de risques qui s’appuient sur des spécialistes brevetés et une solution informatique innovante.

DFi Service SA Société certifiée ISO 27001 Chemin des Aulx 18 1228 Plan-les-Ouates/Genève 022 706 22 88 www.dfi.ch

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Récemment encore, Loyco a bénéficié des dernières évolutions sur les infrastructures de stockage de DFi avec une migration menée avec succès grâce à une synchronisation entre nos équipes et celles de DFi. Début 2014, un second bureau Loyco a été ouvert à Sion : les interconnexions réseau entre les différents sites et le datacenter ont été ajoutées au périmètre par DFi en toute 5uidité de services. D’autres sites sont en prévision d’intégration. Courant 2014, la société DFi a acquis les certifications ISO27001, OCPD et Good Priv@cy afin de garantir la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité des données qui lui sont confiées. L’APPD (Association des Professionnels de la Protection des Données) lui a décerné un label de transparence de traitement des données personnelles. Tout au long de notre croissance, DFi a su nous accompagner dans notre évolution en proposant des services adaptés à nos besoins notamment sur des technologies multi-hyperviseurs. Des bureaux virtuels ont aussi été mis à disposition afin de réduire les coûts et d’en faciliter l’administration. Actuellement, une équipe de trois collaborateurs de DFi nous est dédiée afin de répondre aux

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Interview Hilda Lindenmeyer

Par

Rédactrice en chef

Interview Ivan Meissner de

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Entreprise genevoise, Qualimatest est la lauréate du Prix de l’Innovation 2015, de la Chambre de commerce, d’industrie et des services (CCIG) ainsi que du département de la sécurité et de l’économie (DSE) et de l’Office de Promotion des Industries et des Technologies (OPI).

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Q Quelles ont été les grandes étapes de la création et du développement de Qualimatest? R Il y a un peu plus de 25 ans, trois ingénieurs ont fondé Qualimatest dans la zone manufacturière de Plan-lesOuates. Ils ont conçu le 1er équipement de contrôle qualité destiné à l’horlogerie en y intégrant de l’optique. Par ailleurs, ce dernier a été primé en 1995 par le Prix Crédit Suisse de l’innovation technologique (Technologiestandort Schweiz). En 1997, j’ai pris la direction de l’entreprise et réorienté la stratégie vers le contrôle qualité optique affecté à la production. Le cœur de notre activité consiste à créer des solutions de contrôles qualité optique automatique1 ou semi-automatique2 pour les secteurs: horloger, automobile, médicale, ferroviaire et aéronautique. Nous sommes au bénéfice des certifications ISO 9001 et ISO 13485 (Exigences des systèmes de management de la qualité pour l’industrie des dispositifs médicaux). Le groupe QMT, composé de Qualimatest et Saphir (l’entreprise française experte dans les contrôles

qualité acoustiques) emploie 42 collaborateurs sur les marchés français et suisse. Q Concrètement, quelle est la part d’innovation au sein de votre entreprise et quel rôle y joue-t-elle ? R Nous sommes une société d’ingénierie par définition, nous cherchons des solutions nouvelles privilégiant l’innovation par l’incrémentation plutôt que l’innovation de rupture. Nous développons des produits de niche où la création de valeur pour le client est primordiale. — Avez-vous des exemples concrets? R Nous avons développé une nouvelle technologie pour le contrôle esthétique (QMTSubFace) en partenariat avec MPS Micro Precision Systems AG et l‘ EPFL. QMTSubFace est le premier système permettant de conserver des critères humains dans le contrôle d’aspect, un atout particulièrement apprécié dans l’horlogerie.. Nous mettons aussi à disposition des solutions évolutives et à hautes technicités grâce à QMTStore, notre plateforme d’achat des logiciels et des fonctions associées.


Q Quels ont été les obstacles majeurs que vous avez surmontés pour vous implanter en France? R L’acquisition de Saphir répond à deux exigences : le développement en France et la possibilité de proposer une offre complémentaire. Dans un premier temps, nous avons dû nous adapter à la culture française, faire preuve de patience et participer à de nombreux événements. Après cette phase d’apprentissage, nous nous sommes penchés sur le prix, nous avons cherché des solutions pour être plus performants. Et finalement, nous avons dû ajuster notre façon d’accompagner les clients Bien évidemment, les aspects légaux, sociaux et administratifs sont plus lourds qu’en Suisse. De plus, j’ai constaté que les règles changent rapidement et de manière rétroactive, il en résulte une certaine incertitude alors qu’en Suisse nous bénéficions d’un environnement stable.Ce système est à mon avis à conserver, car il fait notre force. Q Quel bilan tirez-vous de cette aventure? R Cela fait une année que nous sommes en France et nous avons d’ores et déjà multiplié par quatre notre chiffre d’affaires, dans cette région. le «swiss made» jouit d’une très bonne image malgré le prix qui demeure élevé. Nous avons réussi à établir une relation de confiance avec nos clients. Ce succès prouve que nous avons une vraie valeur ajoutée. Q Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui voudraient franchir le pas? R J’aimerais préciser que le projet de l’acquisition en France fut réalisé avec une personne de confiance ( un employé qui y travaillait depuis 15 ans). Le fondateur partait à la retraite ; il s’agissait d’une succession et nous avons saisi cette opportunité. À mon sens la clé du succès est de savoir bien s’entourer. De plus, nous avons opté pour deux structures séparées de manière à ne pas mettre en péril l’identité suisse en cas de difficultés. Et finalement — je suis orienté business —, à mon avis il faut se demander si le marché est porteur.

Q Aimeriez-vous ajouter quelque chose sur ce Prix? R Il me semble important que l’industrie genevoise soit mise en avant au même titre que la place financière genevoise, et nous sommes fiers de la représenter et d’avoir reçu ce Prix de la Chambre. Notre but est fondamentalement de supprimer les opérations manuelles en faveur des opérations automatiques. De notre point de vue, nous aidons les entreprises suisses à améliorer la qualité de leurs produits, à baisser les coûts des ressources humaines en diminuant des postes à faible valeur ajoutée et a contrario en favorisant la création de postes de travail à forte valeur ajoutée. Ainsi, elles sont concurrentielles et peuvent maintenir l’activité industrielle dans notre région.

QMTInspect-R

QMTProjector-300

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Q Un axe majeur de votre stratégie est le développement en France, pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix? R Durant les années 2000, nous avons ouvert une succursale dans la région bernoise, nous y avons investi du temps et des moyens importants, cependant au bout de 10 ans nous n’avons pas rencontré le succès escompté. Nous avons conclu que pour Qualimatest, il est difficile de pénétrer le marché alémanique et par conséquent nous avons opté pour le marché français.

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Économie Natacha de Santignac

Par

Journaliste, reporter indépendante

Focus sur l’économie sociale et solidaire de part et d’autre de la frontière

Vaste chantier tourné vers le futur et un vivre-ensemble autre, l’économie sociale et solidaire se développe et regroupe de plus en plus de femmes et d’hommes qui veulent vivre au quotidien leurs valeurs. À Genève, c’est la Chambre de l’économie sociale et solidaire, APRÈS-GE qui fait bouillir la réflexion et stimule le mouvement. En France voisine, en 2002, Amétis à Annecy, a mis en route une dynamique riche et foisonnante

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e ne vous surprendrai pas en vous disant que les critères retenus pour l’économie sociale et solidaire ne sont pas les mêmes des deux côtés de la frontière ! Et cette distinction prévaut pour quasiment tous les sujets. Mais les passerelles existent et les vases communicants sont à l’œuvre. L’inspiration n’a pas de frontière et les neurones s’activent avec vivacité sans se soucier des douaniers !

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La différence majeure ne se situe guère sur le fond, en France comme en Suisse, les structures réunissant les acteurs de cette économie sont soucieuses de transparence, de démocratie participative, d’autonomie et de responsabilité, d’engagement social et environnemental... En France, la forme juridique déterminait la catégorisation. Seules les coopératives, les mutuelles, les associations et certaines fondations pouvaient intégrer l’économie sociale et solidaire jusqu’à la loi du 31 juillet 2014. Celle-ci, suite à des réflexions, a élargi aux Sociétés Anonymes ou aux Sociétés à responsabilité limitée la possibilité de l’intégrer à condition d’en respecter les critères. L’illustration d’une passerelle entre les pays s’affiche : chez Amétis, à Annecy, le poster des « principes d’action de l’ESS » provenant de Genève se déploie sur le mur. Précisons ici qu’Amétis est un acteur de l’économie sociale et solidaire en France voisine, mais que la structure homologue à la Chambre de Genève est

la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire de Rhône-Alpes située à Lyon. La spécificité de l’économie sociale et solidaire réside dans le principe de la lucrativité limitée. En France comme en Suisse, l’objectif premier de la structure n’est pas le profit en tant que tel, mais la volonté que les bénéfices dégagés servent, d’abord et avant tout, à pérenniser la structure tout en maximisant son impact social et environnemental. Chez Amétis 50 % des bénéfices doivent ainsi être mis en réserve. À Genève, les bénéfices doivent en priorité être réinvestis pour l’activité, que ce soit en termes d’investissements purs ou en termes de bénéfices pour les travailleurs. Si vous investissez dans ce type d’organisation, ce qui est possible, vous ne pourrez, en aucune façon espérer un rendement frisant les dix ou quinze pour cent, jamais. Votre démarche, dans ce cas, s’apparente à encourager une autre vision du monde de l’entreprise, de l’avenir et la recherche d’un impact sociétal positif. Une série de points découle du premier, car naturellement si les profits sont réinvestis pour financer les bonnes pratiques environnementales et sociales, les travailleurs peuvent ainsi accéder, entre autres à des salaires plus confortables, des prestations sociales supérieures aux minima légaux (congés supplémentaires, congés paternité), des formations pour développer leurs


00 Regards croisés, contextes divergents Chez Amétis, nous voyons des personnes qui ont créé leur propre activité être parties prenantes de la coopérative tout en mutualisant des connaissances, telles que la gestion administrative, juridique ou comptable.. L’expérience d’Amétis nous apporte un éclairage sur la recherche d’activités permettant de s’épanouir, et ce par le biais du concept de pluriactivités. En effet, un entrepreneur salarié de la structure Amétis n’est pas tenu de se cantonner à une seule activité. Pour François Hallé, fondateur, c’est « un retour aux sources « . Dans nos régions de montagnes, les activités sont

très différentes en fonction des saisons, des lieux et des demandes. Notre démarche s’inscrit à l’exact opposé du taylorisme, mono-tâche et abrutissant ». Lui-même porte une double casquette de consultant, mais également de psychanalyste. Autre exemple, une membre de la coopérative exerce annuellement jusqu’à quatre activités : peintre, décoratrice, femme de ménage et professeur de yoga. Il faut souligner que la France a aussi fait le grand saut : ainsi le 31 juillet 2014 a été promulguée une loi relative à l’économie sociale et solidaire venant, d’ailleurs, d’entrer en vigueur. Ce texte légalise le contrat de travail d’entrepreneur salarié, lequel passait encore il y a peu pour un concept tout à fait incongru. Ce modèle a directement inspiré ESSAIM, l’incubateur d’entreprises durables de la Chambre. Hélas, le contexte dans lequel il évolue n’est pas exactement le même que du côté français. Si, en France ces initiatives ont été reconnues pour la plus-value sociétale qu’elles apportent, en étant notamment valorisées dans la nouvelle loi sur l’ESS du 31 juillet 2014, du côté suisse, l’incubateur Essaim se voit obligé de mettre la clé sous la porte. La nouvelle majorité du conseil municipal de la Ville de Genève a en effet transféré la subvention octroyée à Essaim vers une autre entité ne relevant pas de l’économie sociale et solidaire. Dissocier l’incubateur de la Chambre de l’ESS, c’est le dénaturer et le priver

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compétences. Les membres de la Chambre pratiquent aussi des écarts salariaux réduits entre le salaire le plus élevé et le plus bas (l’écart salarial moyen est de 1.7, c’està-dire que si le salaire le plus bas dans la structure est de 4’000 CHF, le plus important se situe aux alentours des 6’800 CHF), contribuant ainsi à créer une harmonie au sein de la structure et à valoriser toutes les parties prenantes. N’oublions pas de mentionner : la parité hommes/femmes, l’insertion de travailleurs handicapés, une gestion participative et démocratique, une politique d’achat responsable, entre autres. Pour plus d’informations, vous pouvez vous reporter à l’étude statistique réalisée par APRÈS-GE en 2015 et disponible sur leur site.

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de son essence, de sa force et de sa spécificité au point de le supprimer. Essaim agissait en étroite symbiose avec la Chambre de même qu’avec son réseau de 300 entreprises et organisations. Entrepreneuriat collectif et coopératif, économie du partage, entreprises collectives partagées représentent autant de chantiers d’innovation pour lesquels Essaim détenait une expertise unique. Heureusement, la disparition de l’incubateur Essaim n’entraîne pas la disparition du statut d’entrepreneur ! Une nouvelle entité, l’entreprise collective salarié  partagée permanente, qui prendra la forme d’une coopérative, est en effet en train de voir le jour. Des collaborateurs d’Essaim, mais aussi de nouveaux venus, avec des aspirations proches des valeurs de l’ESS, travaillent actuellement pour créer une nouvelle structure au sein de laquelle ils comptent développer d’autres façons de vivre leur activité économique. En 2002, lors de la création d’Amétis, huit entrepreneurs avaient fait le pari d’une telle aventure (il en faut deux en France contre sept en Suisse). Ils sont aujourd’hui trentequatre. Le capital de la structure n’a fait augmenter, ce qui lui a permis de s’enraciner davantage dans le tissu économique local. Tous les corps de métiers sont concernés, le projet d’entreprise partagée et Amétis accueillent actuellement, par exemple, des personnes exerçant dans l’informatique, le conseil en gestion de produit, la communication, le développement personnel, la coopération Nord/Sud, la décoration, la comptabilité...

00 Quels sont les enjeux transfrontaliers ?

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Les neurones font fi des frontières, et pourtant elles existent ! C’est, précisément, tout l’enjeu des collaborations se mettant en place entre les différentes structures de l’économie sociale et solidaire de la région du Grand Genève.

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Bon à savoir : La chambre de l’économie sociale et solidaire se compose de près de trois cents membres et l’ESS genevoise représente 11 % des emplois du Canton de Genève. Amétis fait partie du réseau ‘Coopérer pour entreprendre’ regroupant 7’000 entrepreneurs salariés et générant un chiffre d’affaires de plus de 70 millions d’Euros en France.

travail. Aujourd’hui encore, les délais d’obtention des permis de travail sont très longs et des mandats urgents ne peuvent être signés alors que les compétences, la disponibilité et la volonté sont présentes. Il serait bénéfique à tous, en France comme en Suisse, de tisser des liens entre les structures de l’économie sociale et solidaire dans le but d’instaurer des représentations fiscales officielles. La fiscalité transfrontalière constitue encore et toujours un casse-tête pour les entreprises françaises voulant travailler en Suisse et réciproquement. La mobilité transfrontalière demeure également un dossier brûlant avec un impact environnemental majeur pour la région.

De 2012 à 2014, un important projet d’observation de cette économie a été mené sur la Franche-Comté, Genève, Vaud et la région Rhône-Alpes (départements de la Savoie et de la Haute-Savoie). Cette présentation commune de l’économie sociale et solidaire a mis en exergue la proximité des vues et la convergence des intérêts : lucrativité limitée, transparence, gestion démocratique, primauté de la personne sur le capital...

Mais la société civile s’organise, les structures de l’ESS d’un côté et de l’autre de la frontière se rassemblent et donnent vie à des projets transfrontaliers innovants : Alternatiba Léman en septembre 2015 a regroupé 250 participants et accueilli plus de 30’000 visiteurs. La création de monnaies locales complémentaires se développe de par le monde. Dans notre région, elle s’appelle le Léman. Pilotée par les citoyens souhaitant reprendre en main la valeur donnée à l’argent, afin de mettre un frein à la finance irresponsable et menaçante, elle se développe.

Il existe de nombreux axes d’amélioration, selon François Hallé, d’Amétis, notamment en termes de législation du

Aujourd’hui l’impact social est devenu un critère incontournable pour les entreprises, les collectivités


publiques et les consommateurs. Ceci représente une plus-value importante pour l’entreprise. De plus en plus de consommateurs regardent quelle structure se trouve derrière ce qu’ils achètent, d’où le développement d’un certain marketing « vert “(McDonald par exemple), mais celui-ci ne consiste qu’à changer l’image, pas le mode de fonctionnement ni les mentalités des personnes impliquées. L’engagement d’Amétis et de la Chambre de l’économie sociale et solidaire est dirigé vers une nouvelle économie, partagée, à laquelle chacun peut contribuer et qui se développe constamment. La mise en valeur de l’être humain est primordiale. J’ai séjourné chez plusieurs membres et je puis vous dire à quel point j’ai ressenti un bien-être au travail, un plaisir que j’ai rarement expérimentés dans des sociétés classiques. Si vous avez des idées, des valeurs, des envies, je ne saurais trop vous conseiller de visiter la Chambre ou Amétis, vous verrez alors comme le monde est en mouvement vers des projets intéressants et auxquels vous pouvez peut-être aussi participer !

Contact Chambre de l’économie sociale et solidaire Rue des Savoises, 15 — CH — 1205 Genève +41 22 807 27 97 info@apres-ge.ch www.apres-ge.ch

11 rue Auguste Lacroix FR — 69 003 LYON +33 478 09 11 97 info@cress-rhone-alpes.org www.cress-rhone-alpes.org Amétis 6, rue de l’Annexion FR — 74 000 Annecy +33 450 45 93 24 ametis@ametis.coop www.ametis.coop

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Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire de Rhône-Alpes

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Photo Claude Truong-Ngoc

Décryptage

prix Goncourt du premier roman - 2015 prix des Cinq continents de la Francophonie - 2014 prix François-Mauriac - 2014 prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient - 2014 prix Liste Goncourt/Le Choix roumain - 2014

prix Liste Goncourt/Le Choix serbe - 2014

Kamel Daoud

Une lumière au cœur de l’obscurantisme

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e nombreux inconnus et personnalités ont pris la parole ces dernières semaines pour soutenir Kamel Daoud — le lauréat du prix Goncourt du premier roman pour ‘Meursault, contre-enquête’ (2014) — face aux accusations d’” islamophobie » dont il fait l’objet. Citons la journaliste et écrivaine tunisienne Fawzia Zouari, l’écrivain algérien Karim Akouche ou Manuel Valls le Premier ministre français. À notre tour nous joignons notre voix à la leur. Dans cette édition, nous recevons le professeur Ahmed Benani, non seulement pour défendre ce penseur des lumières, mais aussi pour comprendre cette affaire à multiples facettes.

00 Le contexte  Le 11 février 2016, Kamel Daoud recevait le prix Jean-Luc Lagardère du meilleur journaliste de l’année, lorsqu’il est pris à partie dans les colonnes du Monde par un collectif d’historiens et anthropologues l’accusant de véhiculer des clichés islamophobes suite à sa tribune sur

« Cologne, lieu de fantasmes », parue dans le quotidien italien La Repubblica puis dans Le Monde du 31 janvier 2016.

00 Extraits des propos de Kamel Daoud D’une façon brillante et percutante, mais surtout impitoyable, l’auteur décrit le rapport que l’intégrisme-fondamentalisme musulman entretient avec les femmes et le corps en ces termes : « Le sexe est la plus grande misère dans le “monde d’Allah” »… « À tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs “fidèles” : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka. » Et il termine : « Les réfugiés et les immigrés ne sont pas réductibles à la minorité d’une délinquance, mais cela pose le problème des “valeurs” à partager, à imposer, à défendre et à faire comprendre. »


Hilda Lindenmeyer

Par

Rédactrice en chef

Ils lui reprochent d’« alimenter les fantasmes islamophobes » : « d’effacer les conditions sociales, politiques et économiques qui favorisent ces actes (parlons de l’hébergement des réfugiés ou des conditions des migrations qui encouragent la prédominance des jeunes hommes) » et de passer sous silence « la réalité des multiples formes d’inégalité et de violences faites aux femmes en Europe et en Amérique du Nord ». Enfin, ce collectif continue : « C’est ainsi bien un projet disciplinaire, aux visées à la fois culturelles et psychologiques, qui se dessine. Des valeurs doivent être “imposées” à cette masse malade, à commencer par le respect des femmes. Ce projet est scandaleux […] »

00 La Réponse Kamel Daoud a déclaré qu’il renonçait au journalisme, mais continuerait d’écrire. « J’ai écrit poussé par la honte et la colère contre les miens et parce que je vis dans ce pays (Algérie ndr), dans cette terre. J’y ai dit ma pensée et mon analyse sur un aspect que l’on ne peut cacher sous prétexte de “charité culturelle” ». « Que des universitaires pétitionnent contre moi aujourd’hui, à cause de ce texte, je trouve cela immoral (…) ». « Certains me prononcent coupable d’islamophobie depuis des capitales occidentales et leurs terrasses de café où règnent le confort et la sécurité. Le tout servi en forme de procès stalinien. »

00 Le décryptage Tentons de percer avec l’universitaire et l’intellectuel vaudois d’origine marocaine en quoi le fait de demander

maine de l’Islam ; Mohammed Arkoun : Entretiens avec Rachid Benzine et Jean-Louis Schlegel ; la journaliste et écrivaine franco-marocaine, Hélé Béji l’écrivaine tunisienne, Fatima Mernissi la sociologue et féministe marocaine”. Ils sont rarement écoutés ou lus en Occident, censurés ou pire intimidés dans leur propre pays, mais malgré ces obstacles, ils et elles dénoncent l’intégrisme et plaident pour l’égalité. » Il poursuit, avec,

Ahmed Benani

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00 De quoi l’accuse-t-on ?

à ce que la Femme soit respectée est scandaleux. Qui plus est, le droit des femmes n’est pas une valeur de l’Occident, mais un droit et une valeur universels. Le Pr Ahmed Benani, politologue et anthropologue des religions, considère que pour comprendre, nous devrions «  tenir compte du phénomène de la mondialisation de l’Islam, l’échec de l’intégration des générations issues de l’immigration ainsi que de la réaction de ses populations dont le communautarisme est l’aspect le plus inquiétant, sans parler il va de soi des dérives criminelles qu’autorisent l’islamisme radical et fanatique ». Sans négliger le « complexe de la colonisation » d’une certaine gauche. Il faudrait tenir compte de « l’histoire et de la sociologie politique de l’islam dans la France contemporaine et d’autres pays, comme, la Belgique et la Hollande. La colonisation, le plan Marshall, les années Mitterrand l’éloge du multiculturalisme qui rompait avec l’assimilation républicaine classique, le vide théorique qui a laissé place à la montée en puissance du salafisme, les attentats-salafistesdjihadistes du 7-8 janvier et 13 novembre 2015. » Il nous dirige vers les travaux de Gilles Kepel, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po) et Olivier Roy afin d’avoir des éléments qui détaillent ces phénomènes. Par ailleurs, il relève que le cas de Kamel Daoud n’est pas isolé. « Dans le monde arabo-musulman, nous rencontrerons de bien nombreux libres-penseurs, je citerais à titre d’exemple  : “Rachid Benzine dans son livre d’entretiens aux éditions Albin Michel : La construction hu-

Professeur d’histoire, chargé d’un cours sur « L’islam dans l’espace européen » à l’Université de Lausanne et de Genève (DESS-MAMMC) et de Formation continue (UNIGE) et coauteur (avec Mondher Kilani, ouvrage collectif ) d’« Islam et changement social » (Editions Payot-1998) 27


Daoud : « Non seulement il bouscule le pouvoir algérien, les islamistes, — indéniablement courageux puisqu’il fait objet d’une Fatwa —, mais de surcroît, il s’empare de la langue française et de l’œuvre de Camus sous le spectre de la colonisation et de la guerre d’Indépendance. Tous ces éléments combinés expliquent en partie l’animosité d’une certaine élite française à son égard. » Il conclut ainsi : « À mon sens, l’islam doit changer intérieurement, il faudrait reconsidér le droit de la femme. La pensée doit triompher des sujets tabous tels que la sexualité… Les leaders des mouvements islamistes par exemple, Abdessalam Yacine, envisagent “d’islamiser la modernité et non pas de moderniser l’islam”, à moins de rester dans l’Impensé et le

A

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ppel à conférence, « Psychanalyse et fait religieux », ébauche, 6 mars 2016. Colloque prévu pour mai ou juin 2016 à l’université de Lausanne ou à l’EPFL, animateurs Dr. Ahmed Benani, Dr. Hassan Ghaziri, MER. Christine Rodier

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La plupart des discussions publiques ou débats médiatiques sur le djihadisme en Europe se sont concentrées sur les enjeux politiques et les préjudices potentiels que cette violence religieuse pouvait causer à la société civile, tant sur le plan de la cohésion sociale que de la fidélité à ses valeurs dites « nationales ». Ce qui nous intéresse dans notre propos, c’est l’impact des événements historiques sur les êtres humaines et comment les sujets y contribuent. Le monde musulman connaît des guerres civiles généralisées, inter et intrareligieuses, dont l’objet est son sujet, c’est-à-dire le musulman, luimême. Des individus qui se reconnaissent à travers ce nom de « musulman » sont en lutte entre eux et envers eux-mêmes à travers des conceptions politiques antagonistes. Il nous semble opportun aujourd’hui d’avoir une véritable approche généalogique des violences religieuses qui sévissent dans le monde musulman, comprendre les motifs d’intentionnalité de cette violence et remettre toute la place et l’importance de la subjectivité des acteurs dans l’expression de leurs pratiques. Quel sens le djihadiste donne-t-il à ces actes ? Cette violence religieuse doit être comprise comme une production de valeurs, de

clôture dogmatique du discours, il est évident que c’est l’islam qui doit connaître sa mue ou réforme fondamentale.. In fine, l’islam, les islams dans leur diversité ethno-culturelles sont impérativement condamnés à se réformer : soit ils évoluent, soit ils disparaissent. » Alors que notre rencontre se termine, le Professeur Benani nous donne rendez-vous pour réfléchir ensemble grâce à une approche multidisciplinaire, focalisée essentiellement et de manière innovante sur la dimension psychanalytique, de l’émergence de la violence liée à la religion, lors d’un colloque qui aura lieu en avril ou mai 2016, avec le soutien de plusieurs universités, fondations et de la Confédération.

significations en référence à un héritage à la fois familial, culturel et politique, et à une situation propre à chaque acteur. Elle ne saurait se comprendre sans un détour historique ni sur le seul postulat de la « soumission » propre à la croyance musulmane qui rendrait impossible tout exercice du libre-arbitre. Les travaux de Fethi Benslama nous semblent apporter de riches réflexions sur ce rapport entre le mode d’être musulman et la violence religieuse. Le concept même de « radicalisation » doit être interrogé à l’aune d’outils de la psychanalyse : comment analyser les rapports entre la sécularisation et la puissance religieuse à la lumière du sujet musulman  ? Qu’entendons-nous par « musulman » ? La démarche de Fethi Benslama s’effectue selon un double mouvement créateur de sens. Le premier mouvement va de la psychanalyse à la religion, dans une volonté de prolonger la confrontation engagée par Freud, dans l’Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), où il essaie de montrer que Moïse est étranger au peuple hébreu et que le propre de toute religion est de passer par l’épreuve de l’Autre, et dans l’Avenir d’une illusion (1927), où il montre que la religion ne saurait être considérée comme une simple fiction, car elle est traversée par une force liée au désir, qui crée l’illusion de pouvoir se mettre à l’abri de la détresse infantile de l’abandon. Il est nécessaire de reconsidérer le fait islamique non à travers des imaginaires ou des fantasmes, mais dans une réalité sociale et

«

À mon sens, l’islam doit changer intérieurement, il faudrait reconsidér le droit de la femme. La pensée doit triompher des sujets tabous tels que la sexualité...In fine, l’islam, les islams dans leur diversité ethno-culturelles sont impérativement condamnés à se réformer : soit ils évoluent, soit ils disparaissent. »

psychique. Cette approche nous permet de déconstruire l’opposition entre la règle, la norme, le texte et la pratique. À l’heure ou il devient périlleux de parler de et sur l’islam et les musulmans, de distinguer le bon du mauvais islam, de peur d’être taxé d’« islamophobe », il est urgent qu’à travers les outils psychanalystes, les musulmans puissent se réapproprier leur religion et libérer l’islam de ses chaînes fondamentalistes. Ce cycle de conférence serait l’occasion de confronter la psychanalyse avec la violence religieuse, notamment dans les mondes musulmans, mais aussi en rapport avec les autres monothéistes. Adonis dans ses Entretiens avec Houria Abdelouahed affirme que « la conception qui règne actuellement requiert une nouvelle lecture de l’islam et des cultures des peuples qui ont vécu sous l’égide du pouvoir islamique ; elle nécessite aussi une nouvelle lecture de la lecture de la culture arabe tout entière, l’écriture d’une nouvelle histoire ; elle nécessite enfin de fonder des nouveaux rapports entre les mots et les choses, l’homme et le monde, l’homme et le progrès ». (2015 : 184). Notre cycle de conférence participera à cette désacralisation qui entoure l’islam et le sujet musulman. À travers éla psychanalyse uvais islam, dans la presseratique. des imaginaires ou des fantasmes, mais d’lman sont en lutte entre »’


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4e Forum Carrières internationales à Archamps Aujourd’hui, et notamment en France, retrouver un emploi et le garder est un véritable parcours du combattant. Souvent, le demandeur d’emploi se trouve privé de lien social et d’estime de soi. C’est pourquoi le Pôle Emploi a décidé d’agir pour maintenir le dynamisme de cette population mise à mal par le chômage et organise cet événement regroupant des acteurs économiques du Territoire. La 4e édition du forum carrières internationales a eu lieu le 17 mars 2016 au Centre de Convention d’Archamps Technopole — et nous y étions ! e forum ouvert à un public cherchant un emploi salarié ou un emploi indépendant à Genève a reçu plus de 3 000 visiteurs. Une vingtaine d’entreprises ont répondu présentes, proposant plus de 250 offres d’emploi de toutes qualifications dans différents secteurs d’activité à pourvoir dans le bassin du Genevois. Les participants ont pu, en outre, recueillir des conseils sur le marché du travail par le biais des 21 conférences thématiques animées par un panel de conférenciers professionnels. Grand Genève magazine faisait partie des 12 stands partenaires.

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00 Technologie

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À la pointe de l’innovation, l’équipe de Pôle emploi international a été épaulée par un logiciel, la plateforme « weezevent », mise à notre disposition par un de nos partenaires. Cet outil nous permet un pilotage affiné de toutes les activités du forum. Ainsi, nous pourrons après l’événement analyser les retombés des données collectées afin de mieux identifier les besoins des inscrits dans nos services. Le but étant de leur proposer des offres d’emploi ciblées », indique André Bonier, le Chargé du Projet Emploi auprès de Pôle emploi internationalEURES. Quant au profil des candidats et des entreprises, « nous avons rencontré des profils très différents : ingénieurs, infirmiers ou techniciens de surface, des seniors aussi bien que des juniors. Les firmes sont soit genevoises soit des entreprises bi-localisées et une majorité de réseaux d’intermédiaires », nous explique Stéphanie Parant, chargée des relations entreprises auprès de Pôle

emploi international.

00 Formation L’une des questions les plus préoccupantes en matière de réinsertion est sans conteste la formation ; plusieurs centres de formation genevois étaient d’ailleurs présents. « Tout au long d’une carrière, il faut être formé et c’est tout naturellement que nous avons accepté d’accueillir ces établissements, qui par ailleurs ont participé aux conférences et prodigué des conseils, il s’agit d’un échange gagnant-gagnant, pour le partenaire et les demandeurs d’emploi » » nous déclare la directrice de Pôle emploi.

de gauche à droite : Lucyane BECART : Directrice territoriale de Pôle emploi Haute Savoie ; Virginie DUBY MULLER : Députée de la Haute Savoie, Vice-Présidente du Conseil Départemental 74, Présidente du SMAG ; Laura DEVIN : Maire adjointe d’Archamps représentant Xavier PIN, Maire ; Isabelle DORLIAT-POUZET : Sous-Préfète de St Julien en Genevois ; Christian ETCHART : Vice-président de la Communauté de Communes du Genevois  ; Christian AEBISCHER  : Maire adjoint d’Annemasse représentant Christian DUPESSEY, Maire ; Christian MONTEIL : Président du Conseil Départemental de la Haute Savoie ; Jean Yves SIFFREDI : Consul honoraire de Suisse à Annecy — (Crédit MEDIACOM Consulting


Interview Hilda Lindenmeyer

Par

Rédactrice en chef

Interview Lucyane Bécart

Q Comment cette initiative favorise-t-elle le retour à l’emploi des frontaliers ? R Nous avons pris en charge 7’000 personnes qui vivent en France, mais qui ont travaillé dans les entreprises genevoises. Cette situation est inhérente à la région, car nous partageons, Français et Suisses, le même bassin de vie et par conséquent le même tissu économique. Un actif sur cinq en Haute-Savoie travaille de l’autre côté de la frontière. Si Genève a connu un développement important ces trente dernières années, c’est aussi parce que les entreprises suisses ont bénéficié des compétences d’une main-d’œuvre française entre autres. À travers cette manifestation, nous les accompagnons dans leur projet professionnel pour réintégrer le marché de travail, aussi bien sur un plan de formation qualifiante, un projet d’entrepreneuriat que sur un projet de réinsertion dans un milieu professionnel. Nous voulons apporter une réponse ciblée pour aider le demandeur d’emploi à se repositionner sur le marché de l’emploi. Q Force est de constater que les postes à responsabilité

sont encore difficiles d’accès aux femmes. Vous êtes un exemple de femme directrice territoriale de Pôle Emploi, voulez-vous nous dire un mot sur votre parcours ? R Je suis une femme convaincue et active avec une expérience confirmée de plus de 40 ans de vie professionnelle essentiellement au service de l’emploi et de la formation, dont 20 ans de management. On peut dire que je fais partie des premières femmes arrivées à un poste de direction sur mon segment d’activité, nous étions des pionniers en quelque sorte, nous avons tracé la route. Il faut tenir compte de l’époque, nous n’étions que 2 filles à faire des études supérieures sur une classe de 35 élèves. Je le dois à ma famille qui m’a soutenue ainsi qu’à mon assiduité dans les études. Je suis dotée de conviction et animée par l’envie d’aller de l’avant. Qu’on soit une femme ou un homme, la volonté est essentielle. Q Comptez-vous réitérer ce forum ? R Comme vous le savez, nous tenons à mettre en relation notre réseau de partenaires et les demandeurs d’emploi. Cette 4e édition est un succès, d’une part par la forte

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Lucyane Bécart est une femme de conviction. Elle a consacré sa carrière à la réinsertion des chômeurs dans le monde du travail. Même si la Haute Savoie, avec 7,7 % de taux de chômage, se porte mieux que les autres régions françaises — la moyenne nationale étant supérieure à 10 % —, elle ne compte pas camper sur les acquis. Entourée d’une équipe dévouée et passionnée, elle met en œuvre les mesures du gouvernement : Former, développer les compétences et accompagner les demandeurs d’emploi.

Crédit MEDIACOM Consulting

de

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participation des sans-emploi (nous les avions conviés par courriel), et d’autre part par la qualité des conférences, des coachings et des postes proposés. À mes yeux, il est important de garder la motivation pour réintégrer le monde professionnel. Nous projetons d’organiser une 5e édition, qui pourrait de surcroît fonctionner comme un « club d’affaires ». partageons, Français et Suisses, le même bassin de vie et par conséquent l Crédit MEDIACOM Consulting

Que choisir pour mon entreprise bilocalisation ou partenariat ?

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Forum

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Grand Genève Magazine organise le 1er forum autour d’une série de rencontres et de conférences entre les acteurs de l’agglomération.

13 septembre 2016 à Genève de 10 h à 17 h Rendez-vous mai 2016 pour tous les renseignements


Chronique littéraire Marc Alpozzo

Par

Écrivain et critique

Michel Onfray est-il une imposture ? Michel Onfray est surmédiatisé, surexposé, sur-représenté. Sur tous les fronts depuis dix ans, au point de déclencher des foudres de haine, comme le Contre Onfray d’Alain Jugnon qui est un véritable procès à charge.

Sur les plateaux de télévision et de radio, dans la presse Michel Onfray a une idée sur tout, il réagit par émotion parfois, et par-dessus tout, il semble bien armé pour parler de tout, car il a tout lu, du moins le dit-il. On ne peut donc reprocher à Alain Jugnon d’être trop méchant avec Michel Onfray, mais on peut cependant regretter qu’il n’arrive jamais à démontrer toutes ses attaques, au point qu’on peut contre celles-ci, opposer tout le contraire, et je trouve cela regrettable. Ce pamphlet, disons-le, vomit toute l’œuvre du philosophe, notamment son dernier ouvrage, Cosmos. Il est vrai que le philosophe pisse de la copie. Que son anarchisme jovial et débridé est surtout une chargeuse haineuse contre la bourgeoisie française et contre la « supposée » pensée unique en philosophie qui n’existe que dans la tête d’Onfray lui-même. Une haine farouche portée contre le monde et la vie, qui fait

d’Onfray un nihiliste plus qu’un anarchiste, je l’accorde volontiers à Alain Jugnon. Il néglige cependant le postréactionnaire et émancipateur en action qu’était au départ le philosophe hédoniste. Certes, l’auteur de cette charge souligne l’intention de départ : fonder un nietzschéisme de gauche et une grande politique, ce qu’il salue sans conteste. Mais c’est pour mieux reprocher au penseur, la trahison de ses idéaux, par une haine trop grande de la vie et du monde. Et ainsi souligner son ressentiment et son mépris des hommes. Peut-être que cela explique les livres plein de fiels, à charge, contre Freud, Sartre, la morale de Kant, etc., mais c’est aussi une conception bien subjective de l’œuvre elle-même. En lisant ce livre, il faut donc se méfier des partis-pris d’Alain Jugnon, de ses attaques ad hominem, de sa tentation de droitiser la pensée de Onfray, d’autant que cette dernière est au goût du jour. C’est un livre à lire avec précaution. Un livre qui veut rendre à la philosophie sa juste place, non pas un remède contre le monde et les hommes, mais un moyen de renouer avec la vie car la philosophie est la vie elle-même. Onfray destructeur, Onfray narcisse malade, en perpétuelle recherche de glorification de ses blessures et de sa trajectoire de traumatisé, Onfray anti-nietzschéen malade de sa maladie de vivre, contre-philosophe et contrerévolutionnaire. On peut lire le portrait au vitriol d’Alain Jugnon et se faire son idée. On peut aussi ne pas le lire, et l’on ne s’en portera pas plus mal. Mais enfin, si tel le prétend l’auteur de ce livre, Onfray est une offense à la pensée, car il ne pense pas, ou trop mal, du moins fait-il beaucoup écrire. Ce qui montre qu’au moins il prête à penser…

À propos Alain Jugnon, Contre Onfray, Editions Ligne, Janvier 2015, 14 euros.

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Ce petit pamphlet, signé d’un philosophe amateur d’Artaud et de Debord et foncièrement antifasciste, déjà auteur d’une première charge contre Michel Onfray en 2006, débute ainsi : « Je tiens aujourd’hui que Michel Onfray n’est pas plus athée que ça. Je tiens par ailleurs qu’il n’est pas un penseur de gauche étant un écrivain de droite. » Alain Jugnon démarre très fort, pourtant, ces critiques ne datent pas d’hier. De plus, le thème de son livre se montre d’emblée ambitieux, et nous ne saurions le regretter, tant le sujet rebattu pourtant n’a pas encore été épuisé à propos d’Onfray ; sur plusieurs pages, l’auteur de ce livre au vitriol propose de démontrer que le philosophe des foules n’est rien de ce qu’il prétend être et, est au total, un imposteur qui fait passer depuis des années les vessies pour des lanternes. « Puritain hédonisant », « révolutionnaire dandysant », « banquier anarchisant », Onfray est affublé de toutes les accusations ad hominem, et l’on regrettera que l’auteur n’ait pas écrit un livre plus gros, ce qui lui aurait laissé tout le loisir de clairement démontrer de quelle imposture le philosophe médiatique se pare.

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Chronique littéraire Marc Alpozzo

Par

Écrivain et critique

Caroline Fourest Le blasphème est-il la haine ? Caroline Fourest a longtemps fait partie de la bande à Charlie. Le 7 janvier 2015, les caricaturistes et anarchistes sont victimes de la vindicte terroriste. Après l’immense émotion qui a emporté la France, elle revient dans un livre assez court, sur la « responsabilité », la peur d’« offenser », et le soupçon d’« islamophobie » de ceux qui ont refusé d’« être Charlie ».

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religieux, une bande de joyeux lurons, laïcards et irresponsables, des ados attardés qui avaient bousculé les idées et la morale française des années 70, puis avaient gentiment vieilli sans bien voir le monde tourner, et le danger qui les guettait. Pourtant Caroline Fourest se sent le besoin de remettre les pendules à l’heure. Pourquoi ? Son cri de rage est légitime, j’en conviens. Face aux choix des médias anglo-saxons de ne pas montrer les caricatures incriminées, face aux interprétations de certains intellectuels ou responsables politiques qui n’hési —

© JF PAGA

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

Sur fond de polémique nationale, et de cacophonie française, la polémiste Caroline Fourest prend la plume, et défend ses amis, sans manquer d’en rajouter une couche au passage. En un peu plus de 180 pages, elle rédige une défense en règle des mauvais garçons de Charlie. Il est vrai que personne ne pourra accuser Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Charb ou encore Bernard Maris d’avoir été des islamophobes, des racistes ou des xénophobes, et le répéter à longueur de temps n’y changera rien. À peine étaientils un peu de poil à gratter pour les fondamentalistes


Aussi, pour rectifier certaines erreurs sémantiques et politiques, l’auteur-e monte au créneau. Son angle d’attaque, c’est le blasphème, et elle compte bien nous faire la leçon. Dès l’introduction de son livre elle nous en rappelle même la définition du Larousse : « parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ousacré », et ainsi comprenons-nous par ricochet qu’elle basera toute sa défense de la satire et de la dérision des valeurs sacrées sur une autre valeur, démocratique et universaliste celle-là, le droit à l’expression. C’est un affrontement entre deux mondes, deux croyances, c’est l’histoire d’un choc qui repose sur une distorsion dans l’acception du sacré. C’est également un livre écrit à chaud, un plaidoyer pour les Charlie, et une réflexion tous azimuts sur les divers intégrismes qui ravagent la sérénité politique du pays. Entre ceux qui ne sont pas Charlie, mais Charlie Coulibaly ou Charly Martel, les vrais racistes et les faux anti-racistes, les « intellectuels passés maîtres dans l’art de semer la confusion et le brouillard au lieu d’éclaircir l’horizon », les islamophobes et les islamo-marxistes, les artistes qu’elle qualifie de personnes sans humour ni courage, ou les intellectuels passés maîtres dans la confusion des concepts, Caroline Fourest en Don Quichotte moderne, se bat contre tous, seule, et totalement lâchée par Sancho Pança, qui aurait probablement su la raisonner encore un peu. Car, disons-le, trop souvent, en guise de réflexion, elle se contente de donner quelques précisions certes éclaircissantes sur les pièges qu’une forme de tiédeur de la pensée représente, notamment lorsque certains brandissent le terme d’islamophobie sans discernement, mais elle le fait sans jamais creuser le problème. Non, jamais ! Pourquoi ne souligne-t-elle pas avec plus d’insistance toutes les ambiguïtés du mot « islamophobie », pourquoi ne creuse-t-elle pas la notion de « sacré », pour en vérifier tous les ressorts, et ce qui en résulte pour un monde devenu laïc et athée. Elle préfère au contraire, régler ses comptes avec ses ennemis : Siné, Edwy Plenel, Tarik Ramadan, Rokhaya Diallo, Plantu, Geluk, et j’en passe… Et c’est bien ce que l’on peut regretter dans ce livre, qui est une charge en règle, contre les anti-Charlie, les

« crétins utiles » pour reprendre les termes mêmes de la polémiste, un plaidoyer, parfois un peu faible, qui, sous forme de désir d’éclaircissements, se transforme en un éloge de son blasphème, de sa conception personnelle, et de celle de ses complices, de ce que le blasphème et la liberté de penser peuvent signifier selon leur ordre des choses, leur ordre du monde, leur propre combat. Pour Caroline Fourest, le droit au blasphème est absolu et sans appel, et elle nous le rappelle à longueur de pages ; non pas une liberté de calomnier ou d’agresser, mais un droit de penser et de s’exprimer sans censure, dès lors qu’on s’attaquerait aux fondamentalismes, au racisme, à la xénophobie, au fanatisme, et à tout ce qui porterait atteinte à l’homme. La liberté d’expression pour Caroline Fourest se pose ainsi au-dessus de tout, y compris au-dessus des religions, puisque le droit à la critique des dogmes religieux, lorsqu’ils portent atteinte aux droits de l’homme, est légitime pour la polémiste, voire salutaire. Et en ce sens, elle nous autorise tous à en user et en abuser. C’est aussi parce qu’il y a une urgence à réhabiliter le droit au blasphème que Caroline Fourest prend la plume. On devrait lui en savoir gré, on devrait lui en être infiniment reconnaissant ; pour autant, elle ne se hisse jamais au-dessus de la mêlée, des empoignades, des polémiques, et des malentendus, ce qui nous laisse à penser qu’avec l’auteur-e, celui qui a tort, c’est toujours l’autre, et on referme son livre avec le sentiment désagréable de n’être pas sorti de l’auberge, dans un tel désordre social qui en trouble désormais la cohésion. Et c’est surtout en ce sens qu’on ne peut que regretter qu’elle n’ajoute plus à la polémique plus qu’elle n’aura travaillé à réconcilier la crise de société.

À propos Caroline Fourest, Éloge du blasphème, Grasset, 2015

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tèrent pas à accuser la bande à Charlie d’avoir récolté ce qu’elle méritait. Les propos sont souvent justes, et on ne saurait les lui reprocher.

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Patrice Trigano, il ne faut pas céder sur son désir Avec L’oreille de Lacan, paru aux éditions de la Différence, Patrice Trigano offre le roman truculent d’un dandy des temps modernes, qui fait de son angoisse de vivre une œuvre d’art.

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

Voici un roman qui met en scène deux hommes. Le narrateur, dont on ne connait presque rien, et un autre, Samuel Rosen, un dandy esthète qui « fait de l’art son temps ». Une formule magnifique, et qui résume à elle seule, l’aspect contemplatif et révolté d’un homme, refusant de vivre en se jetant à corps perdu dans l’existence, s’y risquant à peine avec parcimonie parfois, comme si, au bord de l’eau, il se contentait de tremper un doigt de pied distrait. Que craint-il ? Probablement les vertiges de la réalité, ses limites, et les murs auxquels on se cogne. Contemplatif, il est le contraire à l’homme d’action. Contemplatif inhibé face au monde, plein de regrets aussi : « Mon ouverture au monde m’aurait tout simplement tracé la voie d’un bonheur possible. » Dandy esthète, tyran domestique, misanthrope qui ne rechigne qu’à vivre avec son domestique, au milieu de son océan de livres, de ses tableaux, de ses bibelots, dont il rapporte un vivant témoignage avec une minutie sans égale, et se consume silencieusement dans son antre, protection contre la fureur du monde (« Que c’est donc pour cette raison, et nulle autre, que… telle un escargot logé dans sa coquille je vis solitaire dans ma maison qui me protège d’un extérieur que je perçois imprégné de toute l’hostilité du monde ») avant de se lancer un défi : écrire un livre scandaleux, dans lequel il révélerait au monde sa terrible découverte : Nerval nègre de Baudelaire !

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Voici donc, je dois le dire, un bien curieux personnage ! Un personnage qui aurait rêvé de s’allonger sur le divan de Jacques Lacan au 5 rue de Lille, en devenir le pensionnaire appliqué, mais, comme pour le reste, à ce désir le rêveur préféra imaginer sa vie plutôt que la vivre. La grande question de ce roman se pose donc désormais : que serait-il devenu ce dandy esthète s’il avait poussé la porte du cabinet du psychanalyste ? Cette histoire d’un personnage qui se raconte, minutieusement, de chapitre en chapitre, il nous semble l’entendre, l’entendre nous dire son angoisse d’exister. Pour cela, il nous faut d’abord

tendre l’oreille de Lacan, une écoute appliquée, dans le dos du patient, qui l’amène à se retourner en lui-même. Le doute angoissé de ce dandy solitaire, hypocondriaque et rongé de manies, se refusant le bonheur de vivre, nous montre, avec une grande force, combien certaines vérités sont si effrayantes qu’elles nous ôtent la vue, l’ouïe, enfermés dans notre carapace, et dans notre désespoir, bien plus chaleureux, que cette humanité à l’extérieur si angoissante et terrible. C’est une forme absurde de la peur. Mais quelle peur serait rationnelle ? Ce livre est un hymne à la parole, à l’ambiguïté de l’écoute, à la vérité qui aveugle. Référence faite à Œdipe bien naturellement, mais aussi à la célèbre lettre volée de Poe, recevant de Lacan ses lettres de noblesse. Roman sur la vérité, sur la parole pleine, qui se révèle à nous à travers la question posée par la longue traversée solitaire de Samuel Rosen : la vérité est-elle si dure à regarder en face ? Plus profondément encore, n’est-il pas impossible de dire la vérité, et toute la vérité ? Il est bien sûr frappant de voir que l’auteur de ce roman truculent, se demande si la psychanalyse peut nous rendre au sens de notre vie, et si même c’est nécessaire. L’oreille de Lacan, celui qui prête l’oreille au symptôme, au saint homme, dans un jeu de miroir, miroir du je, entre le narrateur et Samuel Rosen, dont on doutera de l’existence jusqu’à la fin du texte, moment où il reçoit, grâce à un rêve mettant en scène Lacan lui-même, la grande révélation de son mal à vivre. Ou bien le mal à vivre du narrateur, témoin muet de cette existence dont le sens s’égare. Et l’oreille de Lacan de rejoindre le silence intérieur de chacun.

Patrice Trigano, L’oreille de Lacan, les éditions de la différence, 2016.


Arthur Schnitzler Je suis un poète ! Tiré du fonds posthume de l’auteur viennois, cette longue nouvelle raconte l’impossible idéal d’une jeunesse éternelle, les paradoxes de la liberté de l’artiste et l’obsession de la reconnaissance par la société mondaine.

Voici donc la bohème littéraire, présentée par Arthur Schnitzler, dans la jeune Vienne, et aussi une parodie des cercles littéraires, où s’y jouent les masques et les postures, adoptés par de jeunes artistes imbus d’euxmêmes. À la lecture de ce récit, écrit originellement

pour une revue, et abandonné au fond d’un tiroir, on comprend que Schnitzler est allé piocher dans sa propre expérience pour décrire ce cercle de jeunes poètes très fiers, qui se veulent loin des modes, et des arrivistes qui les suivent, se tenant arrogants en marge, « hors des sentiers battus ». Gloire tardive est également la dialectique négative entre la création artistique et l’existence bourgeoise, le caractère superficiel et creux de l’idéal d’un « art authentique et chaste », la vacuité du désir de célébrité et de gloire. C’est également un récit à clé, dans lequel Edouard Saxberger aura vainement tenté de renouer avec son inspiration et son lyrisme de jeunesse, avant de réaliser que tout ce petit monde avait élaboré une vaste stratégie pour conquérir les journaux et évincer les vieux messieurs hostiles à la littérature. Gloire tardive questionne le pourquoi de la création artistique, l’insubmersible cruauté du microcosme littéraire où les egos s’affrontent, et l’intraitable solitude de l’artiste. C’est d’ailleurs dans le dernier paragraphe, que tout le tragique de l’existence du poète, se trouve subitement mis en lumière : « encore un sur lequel je me suis fait d’illusions, se disait-il, et il se sentait très seul tandis qu’il cheminait lentement par les rues désertes en direction du café.

Arthur Schnitzler, Gloire tardive, trad. de Bernard Kreiss, postface de Wilhelm Hemecker et David Österle, Albin Michel, 2016.

À propos de Marc Alpozzo Né en 1969 à New York. Professeur de philosophie durant de nombreuses années, il est l’auteur de deux recueils de textes critiques La Part de l’ombre (Marie Delarbre, 2010) et Les Âmes sentinelles (Le littéraire, 2011), et d’un livre de philosophie Seuls. Eloge de la rencontre (Les Belles Lettres, 2014), et d’un récit autobiographique Le Saut Nijinski, Journal d’un éveil (à paraître aux éditions Regard & Voir, en juin 2015). Depuis 2005, il anime un blog philosophique et critique L’ORéPO (Ouvroir de réflexions potentielles). Et il habite aujourd’hui entre la France et le Luxembourg.

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

« Monsieur Edouard Saxberger rentrait chez lui après la promenade et montait lentement l’escalier menant à son appartement. » C’est par cette première phrase, d’un récit inédit d’Arthur Schnitzler, que nous entrons dans l’existence morne et réglée d’Edouard Saxberger, un vieux fonctionnaire dont la vie admirablement rangée l’a éloigné de sa jeunesse et de ses rêves de gloire d’antan, à tel point qu’il en a quasiment oublié son unique œuvre lyrique publiée naguère. Et c’est dans cette vie molle et étriquée que Wolfgang Meier va faire effraction, par une belle journée d’hiver, et bouleverser une tranquille existence bourgeoise, en proposant au vieux fonctionnaire, retraité de ses ambitions artistiques, de renouer avec ce passé ancien, et de reprendre la plume pour continuer une œuvre, jadis laissée à l’abandon, après les folles illusions de gloire d’une jeunesse perdue dans les limbes du temps et de la mémoire trépassée. D’abord interloqué, Edouard Saxberger va rapidement se laisser convaincre, au point de se laisser duper par l’image que lui renvoie le cercle de jeunes poètes nommé « Exaltation ». Il se rappelle alors l’époque où il fut, lui-même, un jeune poète exalté, composant une œuvre lyrique intitulée « Promenades », et rêvant de gloire et de postérité. Rappelé par ces jeunes admirateurs aux bons souvenirs de ces temps anciens, notre vieil homme voit désormais son existence de fonctionnaire comme un masque tragique, derrière lequel il s‘est glissé, suite aux espoirs déçus, pour se réfugier, et se cacher durant des décennies. Régulièrement traité en « maître » et en « idole » par son jeune public d’admirateurs, il finit par véritablement se prendre au jeu, et un soir, va jusqu’à affirmer à un pauvre type qui cherche à faire quelques vers : « Je suis un poète ! »

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Élodie Olson-Coons

Par

Carré d’artistes

Responsable de rubrique « Carré d’artistes »

Cœur et tripes

Blandine Robin

Mais qui est donc Blandine Robin ? Femme rock, voix sauvage, poète acousti-que… Tour à tour douce, corrosive, amère et lumineuse, elle joue avec le décalage, le désaccord, mais aussi avec l’harmonie inattendue. Quelques questions pour cette reine déroutante de la chanson. Comment – ou pourquoi – avez-vous commencé à chanter ?

Qu’est-ce qui jette l’huile sur le feu de vos chansons ? Qu’est-ce qui vous agace, qu’est-ce qui vous inspire ?

Je ne me souviens pas avoir commencé à chanter. J’ai chanté tout le temps. C’était naturel pour moi de continuer dans ma vie professionnelle. C’est mon carburant.

L’absurdité des choses m’agace et m’inspire. L’amour passionné, sexuel, ou profond. Le dernier texte que j’ai écrit (pour la scène) est un slam qui parle de la place de la femme et de l’homme, et de la façon dont nous sommes incités à être des caricatures de notre genre.

Qui sont vos héro·ïne·s ? Peter Pan, Robin des Bois et Gandhi. Le premier pour la liberté totale qu’apporte l’imagination. Robin des bois pour son intelligence et sa détermination à lutter contre les injustices sociales (j’ai écrit une chanson à son sujet). Gandhi pour sa lutte pacifiste qui m’impressionnera jusqu’à la fin de mes jours je crois. Qui aimez-vous écouter ? C’est assez éclectique je dois dire. Cela va de Renaud, Higelin, Merlot, à Mercedes Sosa, Chavela Varga, Jessie J, les C2C, Carissimi, Charlie Haden, Oxmo Puccino, Mc Solaar, I am, des opéras… Là, j’écoute un disque de Yom, un clarinettiste nouvel génération avec des sons électro-rock derrière et une clarinette plutôt klezmer… Genève, pour vous, qu’est-ce que ça représente ? Une ville d’accueil (je suis française), de bon vivre et de richesse culturelle. J’espère qu’elle restera toujours accueillante, sinon c’est que nous devenons de vieilles biscottes. En arrivant ici, j’ai été ébahie par toutes les nationalités qui cohabitent dans cette ville, et, chaque jour, je me dis que c’est vraiment une qualité.

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Qu’est-ce que vous pensez que ça veut vraiment dire, être une femme ? Pour moi c’est juste une question anatomique. Je veux me sentir libre d’être. Je ne veux pas que l’on me dise comment je dois vivre et ce que je dois faire uniquement parce que je suis née fille. Cela vaut aussi pour les garçons… Parlez-moi de vos projets futurs ! Pour l’instant, je continue de tourner le concert La vie Kexplose avec le trio. En parallèle, je suis en train de créer un concert pour les bébés. J’ai déjà des idées pour mon prochain projet pour adultes (consentants et responsables), mais c’est encore un peu flou pour en parler. Je pense que je n’aurai pas assez de cette vie pour mener tous ces projets. Les attentats de Paris, ainsi que tous ceux perpétrés dans le monde ces derniers mois m’effraient beaucoup, et me poussent à écrire de façon plus engagée. Il en est de même pour notre inaction face aux dangers écologiques, les moyens arrachés à la culture, et surtout à l’éducation.


« Je

© Yannick Perrin

© F. Polet

© Yannick Perrin

veux me sentir libre d’être. Je ne veux pas que l’on me dise comment je dois vivre et ce que je dois faire uniquement parce que je suis une fille «


A

Le verre à moitié plein de

Fausto Borghini Ce drôle d’amoureux de la vie raconte la genèse de son spectacle, ses inspirations et ses projets futurs. Monologue : « Ce spectacle est né d’une façon plutôt inattendue, lorsque j’ai eu une crise cardiaque sur mon lieu de travail. Dans l’angoisse, couché dans l’ambulance, sur le chemin de l’hôpital… il m’est venu une idée. “Fausto est toujours vivant !” Il m’a semblé important d’essayer de rire de cet évènement… pas très drôle. Non, ce n’a pas été aussi difficile qu’on pourrait le penser. Je voulais dédramatiser ! Comédien, ça faisait déjà partie de mon bagage. J’étais animateur socio-culturel à 30 % et comédien à 70 %, alors je me suis dit : Il faut faire ce dont t’as envie ! J’ai décidé d’arrêter l’animation et d’écrire ce spectacle. C’était la première fois que j’écrivais quelque chose – enfin, à part des cartes postales : avant, je jouais dans des pièces de théâtre, mais surtout dans des spectacles d’improvisation. J’avais envie de vivre mes rêves, de m’amuser un peu plus… Non, non, vraiment beaucoup plus ! Je suis Italien, originaire de Toscane. Je me suis retrouvé en Suisse par chance, en quelque sorte. D’ailleurs, les thèmes de l’immigration, de l’intégration, se retrouvent dans mes spectacles : comment c’était quand on était petits, le regard

« J’avais envie de vivre de

mes rêves, de m’amuser un peu plus... Non, non, vraiment beaucoup plus ! «


porté sur nous… (On ne peut pas comparer les époques, mais, entre nous, je ne pense pas qu’on soit devenus plus accueillants qu’avant.) L’improvisation et les personnages, ce sont mes racines. La base, pour moi, c’est Coluche et Alex Lutz aussi… Enfin, je suis fan de tout humoriste qui monte tout seul sur scène. Faut oser ! Alors j’avance avec tout ça. Fausto est toujours vivant, je l’ai joué pour la première fois en mai 2014, au théâtre le Caveau, puis au Festival du Rire de Genève, et au Box à Carouge, aux Caves de Bon-Séjour à Versoix… au festival de Bierges en Belgique. Je vais le tourner le plus souvent possible ce spectacle, car je l’adore – et ensuite on verra ?

J’alterne le stand-up et les personnages joués ou racontés, pour pouvoir rire, bien sûr, mais aussi pour avoir des moments de poésie et de tendresse. Ce qui est important à dire, pour moi, c’est que ça n’arrive pas qu’aux autres !

À propos

Dans la vie, il ne faut pas attendre. Je vois le verre à moitié plein : tant pis pour le vide ! Il est déjà bu… »

www.faustoborghini.ch

Pour toutes les informations concernant les prochaines dates :

Aujourd’hui, je suis en train d’écrire une pièce de théâtre et un nouveau one-man show. Maman Va Mieux, il s’appelle, celui-ci. (Oui, j’aime bien écrire sur des sujets pas très drôles à la base !) Ici, je parle de quelqu’un qui est malade psychologiquement – ce parcours de vie, la psychiatrie, les médecins, les voisins…

Frontière-passoire et poésie des fleurs :

des questions pour André Durussel Qui est André Durussel ? Entre autres : romancier, poète, essayiste, critique et librettiste suisse. Qu’est donc : J’ai Gardé la Frontière ? C’est un livre à la fois personnel et politique, poétique et engagé. Un roman dont l’ancrage historique précis est adossé aux ressources documentaires, et en même temps une présentation de faits peu connus, méticuleusement renseignés. Une version romancée de la vie du père de l’auteur, un douanier à la frontière franco-suisse. Une autobiographie intime et surprenante, dévoilant son vécu en sens inverse à partir de l’année 1979 pour remonter ainsi jusqu’à l’enfance, à l’âge de sept ans, en 1912. À qui s’adresse le livre ? Tout autant à ceux qui ont connu cette époque compliquée,

Il semblerait que les frontières vous intéressent. Pensez-vous que votre idée de frontière est très différente de celle qu’avait votre père ? Autour de cette notion de frontière et ce qu’elle représente actuellement pour moi, ma réponse est claire et à la fois nuancée. Elle n’est finalement pas très différente de celle qu’aurait eue mon père autrefois. Il la considérait surtout et d’abord comme un véritable instrument et lieu de travail… avant toute considération politique ou nationale. Sans frontières en effet, plus besoin de gardes ! C’était une profession de « fonctionnaire » très recherchée durant la crise économique des années 1930. Or, comme pour la police ou la gendarmerie d’un État (mis à part la notion de « frontière », par exemple entre la France et naturelle  l’Espagne), le respect de la propriété territoriale et ses lois spécifiques, dans le cadre des échanges 41


A

Cela a été pour moi une redécouverte et à la fois une découverte, en même temps qu’une compréhension (tardive) du contexte historique au sein duquel il a vécu. Sous l’assurance que lui conférait sa fonction et son uniforme, j’ai découvert que c’était finalement un homme resté fragile et influençable, parfois violent et égocentrique, pas nécessairement fait pour ce métier, alors que sa vocation de jardinier était évidente. Il l’a transmise à son fils par hérédité, sans même s’en rendre compte.

© L. Dubois, BCU-UNIL

Cependant, comme tout personnage romanesque que l’on reconstitue et avec lequel on va revivre quelques années, ce personnage s’empare de son biographe et le conduit parfois où il ne pensait pas aller… C’est cela aussi qui est passionnant.

qu’à une certaine partie de nos générations actuelles pour qui la notion même de frontière n’a plus guère d’importance.

À propos J’ai gardé la frontière, aux Editions Pierre Philippe, 183 p. ISBN 978-2-9700883-7-0, 12 illustrations.

économiques avec d’autres pays, nécessitera toujours à mon avis des frontières, même dans des zones de libre-échange… La contrebande de produits alimentaires frelatés ou les contrefaçons dans le domaine de l’horlogerie sont deux exemples parmi d’autres, qui sont mentionnés en p.31 de cette sorte d’autobiographie posthume. L’immense problématique actuelle des réfugiés, et celle des attentats à laquelle nos états européens sont confrontés aujourd’hui, est un aspect que nos gouvernements redécouvrent après la vision très bucolique des accords dits de Schengen, cela indépendamment d’un durcissement de cette situation par certains partis politiques. Frontière-passoire  ? C’est peut-être la seule possibilité, par une adaptation variable des mailles du tamis, de procéder à un certain contrôle du flux d’entrée par exemple ? Une passoire ne laisse pas tout passer, mais elle filtre.

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En faisant ces recherches précises, comment votre idée de votre père a-t-elle évolué ?

Enfin, je tiens à le préciser une fois de plus, surtout pour ma propre famille, que cette sorte d’autobiographie posthume, de surcroît à reculons, n’a jamais eu l’intention de glorifier mon père, d’en faire un modèle parfait ou de le considérer comme un héros. Restituer à travers lui un pan sombre de notre histoire, c’était le but de mon entreprise. En l’étudiant, faire ainsi partager mes découvertes à des lectrices ou lecteurs que ce domaine intéresse. Mettre de la poésie dans un tel sujet, un choix étonnant… Oui. Cela a effectivement surpris Thierry Delessert, l’auteur de la préface : « … à la frontière entre un style littéraire, par moments lyrique, et une démarche historiophile,… ». Pourquoi cette poésie des fleurs, une méthode développée par Thomas Sandoz (Même en terre, édit. d’autre part, 2010), avec cette énumération assez fastidieuse des espèces de dahlias, celle des paysages, des noms de lieux « qui chantent » ? Parce que je suis avant tout poète et que cette denrée est peut-être la seule (avec la musique et la peinture) qui soit véritablement « artistique » et nous relie à l’universel. C’est la musique des mots. Elle est nécessaire ici, elle apporte sa lumière sur un sujet lourd en soi ! Autrement dit, le lyrisme, dans un texte, c’est peut-être cette notion de beauté (ou de musique) qui n’est pas d’essence humaine et colorée d’anthropocentrisme, mais qui ne nous appartient pas, qui ne s’exprime que par des métaphores imparfaites ?


Interview :

Michaël Perruchoud Auteur de dix romans et d’un recueil de poèmes, fondateur de la maison d’édition Cousu Mouche, chanteur du groupe Ostap Bender, et... père de famille, Michaël Perruchoud met sa casquette d’écrivain pour nous raconter ses projets. Comment avez-vous commencé à écrire ?

© Charly Rappo

Ce que je raconte souvent, c’est que quand je n’aimais pas la fin des Bibliothèques Roses, j’enlevais les dernières pages et je les réécrivais – j’ai retrouvé des feuillets qui doivent dater de mes 7 ou 8 ans. Je ne me suis jamais dit : je commence à écrire, ça a toujours relevé de l’évidence. Vous avez une méthode de travail particulière ?

Souvent c’est le livre qui décide. Parfois, j’ai besoin d’un plan, j’ai besoin de voyages... mais il arrive que les choses viennent très instinctivement. Je n’ai jamais eu de méthode qui fonctionnerait toujours. J’ai été quelqu’un qui écrivait énormément le soir et la nuit, qui écrivait dans les bistrots. Maintenant je suis père de famille et j’ai beaucoup moins de temps pour ça, donc je suis devenu un écrivain du wagon-restaurant des CFF. On s’adapte. Vous aussi, vous aimez écrire dans les trains ? Je connais les trajets, donc je n’ai plus trop besoin de regarder par la vitre. J’ai mon café, j’ai le cahier ouvert – je dois être le dernier fou qui fait ses premières versions à la main – j’ai le téléphone éteint, je suis seul avec mon livre. Quel est votre rapport avec la Suisse ? Je suis né à Genève, et j’y ai habité jusqu’à 35 ans. En bourlinguant, oui, mais en conservant toujours mon centre de vie en Suisse. Je voyage pour revenir. J’ai toujours eu plaisir à changer d’air, mais je n’ai jamais eu envie de partir ailleurs pour y faire ma vie. Genève a longtemps été ma ville – j’ai toujours

aimé m’en éloigner, j’ai toujours aimé y revenir. Y a-t-il des thèmes qui reviennent dans votre œuvre ? J’aime bien ne pas remettre les pieds dans les mêmes chaussures. Ça va du roman historique au polar... Les deux derniers publiés, par exemple, sont un roman noir très noir et une sorte de huisclos psychologique en temps réel. Le prochain à paraître sera un western-spaghetti ayant pour cadre l’Asie centrale, qui court sur 1000 pages. Complètement autre chose, donc. Ce qui m’ennuierait beaucoup, c’est d’avoir l’impression de réécrire la même histoire. Donc je vais chercher des rythmes, des ambiances, des thématiques différentes, pour moi-même, pour me mettre en danger aussi. Si vous pouviez remonter le temps et parler au jeune Michaël – celui qui n’a pas encore publié une dizaine de livres – qu’est-ce que vous lui diriez ? Accroche-toi, mon garçon, va falloir ramer ! 43


A

Lumière et musique baroque :

Capucine Keller présente l’ensemble Chiome d’Oro Capucine Keller, vous êtes soprano lyrique. Comment êtes-vous arrivée dans le monde de la musique baroque ? J’ai plongé dans la musique baroque à la suite d’un projet d’opéra organisé par les Hautes Écoles de Musique de Lausanne et Genève durant l’été 2009. Avant cela, plusieurs personnes m’avaient dit que ma voix était faite pour la musique baroque, mais je le prenais très mal. Je pensais que cela voulait dire que j’avais une petite voix. Lors de ce projet, « Le Couronnement de Poppée » de Monteverdi, dans lequel je jouais un rôle plutôt comique, je me suis sentie comme un poisson dans l’eau. Cela s’est si bien passé que le chef d’orchestre du projet, Leonardo Garcia Alarcon, m’a tout de suite engagée pour un concert avec son propre ensemble La Cappella Mediterranea un mois après en Allemagne. Ce concert est d’ailleurs à la fois mon tout premier concert professionnel et mon premier contact avec de nombreux musiciens baroques qui sont encore aujourd’hui de proches amis et collègues. Parlez-moi de Chiome d’Oro.

À propos GIONA Immersion entre lumière et musique Baroque Abbaye de Bonmont Chéserex Du 21 au 25 juin 2016

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L’ensemble baroque Chiome d’Oro a été créé par Pierre-Louis Rétat, claveciniste, alors qu’il était justement encore élève de Leonardo Garcia Alarcon à la Haute École de Genève. Nous nous sommes d’ailleurs également rencontrés tous les deux lors de ce même « Couronnement de Poppée ». PierreLouis a appelé l’ensemble Chiome d’Oro car c’est le titre d’un madrigal de Monteverdi. C’est notre manière de rendre un bel hommage à ce très grand compositeur du XVIIe siècle italien. Juste après la création de l’ensemble, il a été sélectionné pour faire partie des Jeunes Ensembles en résidence au prestigieux Festival d’Ambronay. Pierre-Louis, qui avait besoin d’une chanteuse, m’a contactée pour participer à cette résidence et une immense complicité musicale s’est immédiatement créée entre lui et moi. Il m’a tout appris sur ce style. Et nous formons maintenant un véritable duo. Nous gérons Chiome d’Oro ensemble, nous avons chacun nos spécialités, mais demandons toujours l’avis et l’aide de l’autre. La composition de Chiome d’Oro change en fonction des projets, mais nous avons un joli noyau dur avec Cecilia Knudtsen à la viole de gambe, Saskia Birchler et Benjamin Chénier aux violons baroques et Rodrigo Calveyra à la flûte à bec et au cornet à bouquin, l’instrument roi de notre période de prédilection. Pour les projets à plusieurs voix, nous faisons appel au talent de Claudia Conese, magnifique soprano italienne, et à celui de Renaud Delaigue, basse française à la voix si puissante qu’elle vous fait trembler de haut en bas ! L’ensemble a maintenant presque 7 ans et évolue sans cesse. Nous faisons une dizaine de concerts par an et sommes soutenus par une association Chiome d’Oro qui compte plus de 150 membres, ce qui nous donne l’appui nécessaire pour réaliser tous nos projets les plus fous, comme notre tout premier disque sorti en décembre 2014. Ce disque totalement auto-produit a d’ailleurs été vendu à plus de 500 exemplaires juste par le bouche-à-oreille, ce qui est énorme, et nous en sommes très fiers ! Vous êtes un ensemble à la fois international et genevois… Musicalement, qu’est-ce que cela


implique ? La majeure partie de notre public est genevois et au moins la moitié de nos concerts a lieu sur le canton de Genève. Cela implique pour nous de créer sans cesse de nouveaux programmes pour ne pas lasser nos spectateurs, pour les surprendre en permanence. Mais c’est une grande chance ! Tous nos concerts sont pleins, notre public est fidèle et bienveillant. Grâce à lui et à sa réactivité, nous savons quel programme va marcher dans des régions où nous sommes moins connus. Ainsi, à l’étranger nous allons plus faire tourner des programmes déjà existants qui marchent bien et peuvent faire connaître notre ensemble, alors qu’à Genève, nous allons créer en permanence – au moins deux nouveaux programmes par an ! Ce qui est important pour nous, c’est d’offrir à un public non averti une porte d’entrée vers la musique baroque. Non pas en vulgarisant cette musique, mais en montrant qu’elle est vivante car basée sur l’expression des sentiments humains, tels que l’amour, la jalousie ou la tristesse, qui n’ont absolument pas changé au fil des siècles. Mis à part Monteverdi, y a-t-il des compositeurs que vous affectionnez particulièrement ? Pour l’instant, nous nous sommes spécialisés dans les compositeurs italiens des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est déjà très large ! Cela va donc de Monteverdi à Vivaldi, en passant par Cavalli, Pergolesi, Scarlatti, Sances, ou par des compositeurs moins connus du grand public comme Legrenzi, D’India ou Bassani. Mais Pierre-Louis aime aussi beaucoup la musique anglaise, à laquelle nous nous sommes un peu essayés dans certains de nos programmes. Sa prochaine ambition est d’aborder la musique baroque française, par le compositeur Lully, le plus italien des compositeurs français ! À suivre... En juin, vous participez à la création de « Giona ». Pourriez-vous me parler de ce projet ? Ce projet « Giona : immersion entre lumière et musique baroque » est véritablement un rêve qui devient réalité pour nous ! Nous avons imaginé ce projet suite à notre rencontre avec David Debrinay, créateur lumière de génie que tous les opéras et théâtres d’Europe s’arrachent. Nous voulions utiliser la lumière pour raconter l’histoire de l’oratorio « Giona » de Giovanni Battista, joué par les instrumentistes de Chiome d’Oro et chanté par 5 chanteurs. La lumière sera donc en perpétuel mouvement, tout autour des spectateurs, pour qu’ils se sentent véritablement inclus dans le

spectacle. D’ailleurs, les chanteurs également se déplaceront dans l’église et viendront raconter l’histoire de Jonas et de la baleine quasiment sur les genoux du public ! C’est très rare d’être si près d’un chanteur lyrique, cela crée un rapport complètement différent entre les artistes et le public, on sent encore mieux toute la puissance de la voix du chanteur, mais également toute la sensibilité de son émotion. J’aime venir chanter dans le public pendant les concerts Chiome d’Oro et c’est fou de voir l’émotion que cela provoque chez les gens car cela résonne en eux de manière plus personnelle. Les lumières de David seront également complètement captivantes, mouvantes et prenantes ! Le public sera plongé intégralement au cœur d’une tempête ou avalé avec nous dans l’obscurité du ventre d’une baleine. Cela va être réellement une expérience unique et spectaculaire ! J’ai vraiment hâte de commencer les répétitions pour voir cela ! Pour ce projet si particulier, nous avons choisi un lieu tout aussi magique : l’Abbaye de Bonmont, à Chéserex, au-dessus de Nyon. Cette abbaye, située sur le grand terrain de golf du même nom, au pied du Jura, offre non seulement une acoustique généreuse, idéale pour la musique baroque, mais également à la fois la grandeur d’une abbaye et la sobriété du style cistercien qui laissera à la lumière toute la place de son expression. Ce projet aura lieu du 21 au 25 juin 2016 et nous nous réjouissons beaucoup de le partager avec le public !


Événement Michel Chevallier

Par

Responsable médias

Des mots en libre-service pour la 30e édition du Salon du livre et de la presse de Genève !

Grand Genève Magazine • N° 7 / 2016

Des mots en libre-service pour la 30e édition du Salon du livre et de la presse de Genève !

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Du 27 avril au 1er mai prochain, le Salon du livre ouvrira pour la 30e fois ses portes à tous les amoureux des lettres et des belles histoires pour cinq jours de festivités. Tour d’horizon des quelques joyaux proposés pour cette édition anniversaire… Nouveauté de la collection 2016, l’espace young adult accueillera tous ceux que les bonnes histoires font ! La bloggeuse et booktubeuse Margaud décoller  Liseuse prend les rênes de cet espace accompagnée de sa communauté et de ses auteurs préférés ! Romance, fantasy, bit-lit, terreur, humour : cette scène sera sans nul doute le point d’ancrage de tous les ados éternels du salon ! La star des écrivains se dévoile Autre nouveauté – mieux une exclusivité : l’exposition inédite, émouvante et insolite intitulée « Le monde de Paulo Coelho » qui plongera fans et néophytes dans les archives personnelles du Brésilien le plus célèbre de Suisse. Cette exposition, dont l’auteur aux 190 millions de livres vendus a dit sur les réseaux sociaux qu’elle sera sa seule apparition publique de l’année, réunit des manuscrits, objets, documents, disques et photos qui ont jalonné sa vie. Titeuf en vedette Côté expositions toujours, Titeuf est officiellement un « teen-ager » et se fait tailler le portrait par septante grands noms de la bande dessinée. L’exposition « Fribourg vu par les écrivains » met en regard illustrations et extraits d’ouvrages d’auteurs dont les chemins ont croisé

le canton et sa capitale. À travers une vingtaine de photographies, Vincent Munier entraînera les visiteurs dans ses plus belles expéditions hivernales en Arctique. « Écrire au MoyenÂge » sera l’occasion de découvrir les trésors des archives de l’Abbaye de Saint-Maurice. Le journal satirique « Vigousse » qui pose avec humour la question de savoir si l’on peut encore rire de rien, présentera des dessins de presse commentés, dans une démarche de mise en perspective de l’humour et de la satire. Vous avez dit monochrome ? Vous avez aimé la fabrique 2015 ? Cet espace 100 % interactif et participatif, revient et prend cette année la forme d’un véritable appartement de sept pièces. Chacune sera monochrome, du sol au plafond en passant par les meubles et proposera une activité d’expression personnelle et de création différente. La Salon du livre, ce sont aussi de très nombreux auteurs à succès, talents émergents et coups de cœur actuels. Apostrophe, scène du crime, place suisse, scène de la BD, scène philo, pavillon des cultures arabes, Salon africain, place du Moi, place du voyage, Tunisie hôte d’honneur, autant de scènes qui accueilleront plus de mille auteurs dont Adonis, Samantha Bailly, Pascal Bruckner, Philippe Claudel, Joël Dicker, Paul-Gaston Effa, Dany Laferrière, Luc Ferry, Jean-Christophe Grangé, Kaoutar Harchi, Nancy Houston, Joseph Incardona, Yasmina Khadra, Sophie Kinsella, Abdellatif Laabi, Marie Laberge, Alain Mabanckou, Erik Orsenna, Rosette Poletti, Audrey Pulvar, Yann Quéffelec, Hubert Reeves ou encore Boualem Sansal.

Du mercredi 27 avril au dimanche 1er mai PALEXPO – GENÈVE www.salondulivre.ch


Exposition “ Le monde de Paulo Coelho ”

Du 27 avril au 1er mai 2016

Communication: trivialmass.com — Photo : Sylvia Feudor

#salondulivregeneve


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