Wenger et al., Aux sources de la Suisse

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DE LA SUISSE À la découverte de l’or bleu helvétique


1ère édition 2021

Ce livre a été publié avec le soutien de :

ISBN 978-3-258-08168-7

Graphisme et photolithographie : Rémy Wenger

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Photographies : Rémy Wenger (sauf celles mentionnées en p. 255) ERNST GÖHNER STIFTUNG Dessins, schémas et graphiques : Rémy Wenger & Urs Eichenberger/ISSKA

Tous droits réservés. Sauf autorisation expresse, toute forme de reproduction est interdite. Copyright © 2021 Haupt, Berne

Fondation Philanthropique Famille Sandoz

Imprimé en Allemagne

Cette publication a été répertoriée dans la « Deutsche Nationalbibliografie » : http://dnb.dnb.de. L’édition allemande (ISBN 978-3-258-08167-0) est parue sous le titre « Quellen der Schweiz ». La maison d’édition Haupt bénéficie d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024. www.haupt.ch

Illustration de couverture : Sources dans le Gental (BE) Pages d’ouverture des chapitres : p. 4 : L’Ar du Tsan (VS) p. 12 : Lacus in Monte Gotthardi (L’état et les délices de la Suisse, 1730) p. 30 : Source des Blanches-Fontaines (JU) p. 48 : Source de la Chaudanne (FR) p. 68 : Source des Bornels (VD) p. 94 : Fontanet de Covatannaz (VD) p. 118 : L’Ar du Tsan (VS) p. 148 : Bad Pfäfers (SG) [extrait] p. 182 : Source de La Serrière (NE) p. 200 : Fontaine de Vers-la-Crête, Corbeyrier (VD) p. 220 : Sieben Quellen (OW) p. 240 : Source des Blanches-Fontaines (JU) p. 246 : Source de Laghizun (GR)


RÉMY WENGER JEAN-CLAUDE LALOU ROMAN HAPKA

AUX SOURCES DE LA SUISSE À la découverte de l’or bleu helvétique

AVEC LES CONTRIBUTIONS DE

MICHEL BLANT JULIE STEFFEN CHRISTIANE TABORD-DEILLON LUKAS TAXBÖCK

Institut suisse de spéléologie et de karstologie

Haupt Verlag

Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage


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« C’est un pays sans eau en apparence, mais où l’eau sourd et circule invisible. »

Préface

[Maurice Barrès, Colline inspirée]

À la lecture du livre AUX SOURCES DE LA SUISSE, mes pensées m’ont emporté vers mes souvenirs d’enfance des sources que l’on traquait les mercredis après-midi dans la forêt voisine, sous les talus longeant une petite rivière où se cachaient poissons et crapauds. Puis, quelques années plus tard, je me souviens de la seule source que j’ai captée moi-même dans ma vie de géologue, pour connecter une petite maison de campagne à une source d’eau potable. Dans les deux cas, il s’agissait de sources d’eau généreuses et constantes. Ce n’est qu’à la lecture de Manon des sources de Marcel Pagnol que j’ai découvert l’eau rare. Et de façon plus pragmatique, en parcourant comme géologue et cartographe les montagnes du Rif marocain, à tout instant attentif à une source permettant de remplir nos gourdes trop souvent vides, à des températures atmosphériques allant dans les cas extrêmes jusqu’à 40°C. Alors, un livre consacré à l’eau ; qu’est-ce qu’il y a de plus banal ! Et l’eau en tant que telle, H2O ou « monoxyde de dihydrogène », quoi de plus basique sur cette Terre ? Eh bien, ne nous trompons pas quant à la complexité du « cas de l’eau » ! Le cycle de l’eau veut que toute la surface terrestre soit arrosée plus ou moins régulièrement par des précipitations. Une partie de cette eau retourne dans l’atmosphère par évaporation et par l’évapotranspiration de la végétation ; le reste ruisselle en surface ou s’infiltre dans le sol. Là, elle peut être stockée ou simplement transférée et, tôt ou tard, l’eau réapparaît en surface dans une source. Les sources représentent ainsi les interfaces entre eaux souterraines et eaux de surface. C’est là que l’eau révèle le chemin parcouru en profondeur. Normalement à une température correspondant à la température moyenne annuelle de son environnement, toute déviation indique, soit une circulation à grande profondeur pour des valeurs plus élevées, soit un contact avec un sol gelé ou un glacier pour des valeurs inférieures. La chimie de l’eau retrace la composition des formations géologiques parcourues et sa composition isotopique peut indiquer l’altitude de la zone d’infiltration ou encore l’âge de cette eau. D’autres enseignements peuvent être tirés des variations des débits, de la turbidité, etc. Les particularités des sources étaient, au cours de l’histoire depuis la période romaine au moins, à l’origine du thermalisme, mais aussi du commerce d’eaux minérales. Des sources devenues sacrées se sont transformées en lieux de pèlerinage. Après la Deuxième Guerre mondiale, les sujets concernant l’eau ont fait leur entrée dans le débat public en Suisse, notamment par le constat d’une forte dégradation de sa qualité, due au développement industriel et à la croissance démographique. Ce constat a conduit à la mise en place d’une législation et d’une pratique de protection des eaux, puis de gestion des déchets, des sols et des sites contaminés. Enfin, le débat actuel sur la transition énergétique met en avant un nouvel intérêt pour la géothermie et l’exploitation des ressources en eaux chaudes dans les profondeurs de notre sous-sol. Au-delà de nos frontières, notamment dans les pays du Sud, la pénurie d’eau, l’expression d’un droit à l’eau ou encore la question de la gestion publique ou de la privatisation de cette ressource, ont pris une importance particulière. En étendant le sujet, les questions liées au rôle de la vapeur d’eau sous ses différentes formes, puis à l’impact humain sur ce gaz à effet de serre – et en conséquence sur le climat – sont posées.

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L’approche choisie par les auteurs est bien helvétique : le livre commence sur les lieux de naissance de la nation, le massif du Gothard, qui coïncide avec la région source des quatre fleuves qui vont s’écouler vers quatre mers qui entourent l’Europe. Puis, les auteurs se promènent dans le vaste champ de leur sujet avec des approches historiques, culturelles et scientifiques. En tant que naturaliste, le chapitre intitulé Biotopes discrets, sources de vie m’interpelle en particulier. Avec ce chapitre tout particulièrement, Aux Sources de la Suisse rejoint un souci qui s’exprime également dans la mise en place d’un projet conduit par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) sous le titre Quell-Lebensräume, erfassen – erhalten – fördern. Le projet propose une approche et des mesures de protection et de revalorisation, en se référant au constat que les écosystèmes des sources sont mal connus et leur importance encore peu reconnue en tant qu’élément de valeur dans l’environnement. Le livre AUX SOURCES DE LA SUISSE, rédigé de façon plaisante et illustré par des photos magnifiques, comble une lacune dans nos bibliothèques. Les auteurs ont réussi à présenter un ouvrage qui tienne compte d’aspects aussi disparates que les données scientifiques du cycle de l’eau, l’écologie, ou encore les mythes et mystères des sources. On ne peut que les en féliciter et espérer qu’un nombreux public fasse la découverte de cet ouvrage, mais également des excursions proposées en annexe du texte !

Walter Wildi Professeur honoraire de l’Université de Genève Ancien président de la Commission géologique suisse

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Table des matières

INTRODUCTION Aux sources de la Suisse

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GOTHARD Château d’eau de l’Europe

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MYTHES ET LÉGENDES Sources mystérieuses

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PLONGÉES SOUS LA TERRE Explorateurs de sources

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HYDROGÉOLOGIE L’eau souterraine

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CRUES ET ÉTIAGES Le régime des sources

94

BIOTOPES DISCRETS Sources de vie

118

THERMALISME Sources bienfaisantes

148

INDUSTRIES AU FIL DE L’EAU Sources au travail

182

L’EAU QUE L’ON BOIT Minérale ou municipale ?

200

POLLUÉES OU TARIES Sources en péril

220

ÉMOTION Sources de bonheur

240

ANNEXES Index des sources et lieux cités Excursions vers des sources Les auteurs Remerciements Sources iconographiques

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Source de Loquesse, Ayent (VS).

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Introduction

Les mots nous disent Sourdre, émerger, jaillir : de la petite source nichée dans son creux de verdure à la cataracte grondante, griffon murmurant ou geyser assourdissant. ... mais aussi naître, germer, apparaître : source du bonheur ou source de nos ennuis, origine, commencement, racine... La source est une naissance ou une re-naissance lorsqu’on suit le fil de l’eau ; elle devient une porte de l’enfer et de la mort quand le plongeur souterrain en remonte le courant, parfois au péril de sa vie. L’eau, accouchée des profondeurs mystérieuses et féminines, suit un parcours long et chaotique jusqu’à la mer où elle se perd et disparaît ; elle est une métaphore de la naissance, la vie, la mort (voire la renaissance), de l’Homme.

AUX SOURCES DE LA SUISSE n’est pas une recherche sur l’origine de la nation, même si parfois on s’égarera dans quelques métaphores helvétiques, mais un vagabondage d’une source à l’autre, collectionnant leur diversité, et sans souci de records. Glaciers, lacs, sources : notre pays regorge de ces réserves d’eau. Il en fait profiter une grande partie du continent, nourrissant quatre grands bassins hydrographiques. On peut ainsi le qualifier de château d’eau de l’Europe. On parlera des mythes, croyances, superstitions, attachés à certaines sources, des personnages imaginaires merveilleux qui les peuplent parfois, de la vénération qu’on a pu leur porter, des cultes qui y ont été pratiqués. On suivra les explorateurs de l’ombre qui ont eu le courage, certaines fois au péril de leur vie, d’en percer le secret lors de plongées audacieuses, et de nous révéler des mondes étranges et merveilleux. On écoutera le discours de l’hydrogéologie – la science des eaux souterraines – qui explique de mieux en mieux le fonctionnement des circulations cachées qui revoient le jour aux sources. On dressera un bilan quantitatif et qualitatif de nos eaux souterraines. On donnera le mode d’emploi des sources et de leurs humeurs variables : crues et étiages, tarissements, variabilité des débits saisonniers, pertes et résurgences, estavelles aux mystérieuses intermittences.

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« ...ce sourcier dont le coudrier tremble et qu’il promène sur le monde jusqu’au trésor » [Antoine de Saint-Exupéry, Courrier Sud]

La biologie nous fera découvrir des organismes vivants discrets, souvent invisibles, réunis en systèmes complexes et fragiles, qui peuplent ces interfaces entre le souterrain et l’aérien, avec toujours l’eau comme vecteur et comme support. Un retour en arrière nous permettra de savoir où et depuis quand on s’est intéressé aux bienfaits des sources thermales en Suisse, quelles caractéristiques, quelles qualités, quels espoirs de santé ou de guérison ? Les sources peuvent être aussi de puissants apports d’énergie : moulins, scieries, usines hydro-électriques ont été depuis longtemps installés à leurs pieds, une source d’énergie propre et sans dérèglement climatique, un atout séduisant dans les perspectives actuelles. Minérale ou municipale ? D’où vient l’eau que nous buvons ? Bouteille ou robinet ? Quelles qualités biochimiques exigées et dans quels réservoirs puiser pour satisfaire les besoins de la population et de nombreuses activités humaines ? Les sources, symboles de pureté peuvent être parfois mises en péril par des activités inadaptées ou des comportements irréfléchis : pollutions mortifères, tarissements liés à des aménagements, des prélèvements ou au changement climatique. Alors, les sources, qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Où mènent-elles ? Et même, comment leur rendre visite en pleine nature ? Des excursions longues ou brèves, sportives ou familiales, sauvages ou urbaines, vous seront proposées aux quatre coins de notre pays, à la découverte de sources spectaculaires ou discrètes, dans des paysages grandioses ou au coin de la rue. Jouant parfois sur les mots et sur les lieux, à l’écoute de l’histoire de notre pays, nous tenterons de trouver à ces émergences aquatiques une fonction symbolique qui nous parle de l’aventure des hommes qui les ont découvertes et qui y ont bu leurs premières gorgées de vie. Aux sources de la Suisse : évocations de notre passé commun... Aux sources de la Suisse : en voyage pour des découvertes jaillissantes !

Jean-Claude Lalou

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G O T H A R D

Château d’eau de l’Europe Jean-Claude Lalou


Glaciers, lacs, sources : notre pays regorge de ces réserves d’eau. Il en fait profiter une grande partie du continent européen, nourrissant quatre grands bassins hydrographiques.

Excursion autour du Gothard > p. 250

On entend souvent parler de la Suisse comme du château d’eau de l’Europe. Notre pays est montagneux et placé au centre du continent. Or tout le monde sait que l’eau coule de haut en bas et, le plus souvent, du centre vers la périphérie. Les conditions semblent donc bien remplies pour prétendre à ce titre de réservoir et de distributeur. Voilà pour les généralités, mais qu’en est-il quand on examine les choses par le détail ? On trouve alors des définitions variées d’un tel statut géographique : l’un voit le château dans le saint massif du Gothard, un autre résume l’irrigation européenne aux sources de quatre fleuves majeurs, un troisième en ajoute quelques-unes pour que cela corresponde à la carte des grands bassins hydrographiques du continent. Pour ne fâcher personne et vérifier cette prétention européenne, alors que nous ne faisons pas partie de l’Europe politique, nous examinerons successivement ces diverses définitions.

voie de passage des peuples, source de grands fleuves européens, carrefour des cultures linguistiques de la Suisse, ultime bastion dans la défense du réduit national durant la Deuxième Guerre mondiale. Une légende du XIIIe siècle raconte la construction du pont qui ouvre la porte du Gothard. Dans le canton d’Uri, près du village de Göschenen, les gorges de Schöllenen constituent l’obstacle majeur à cette traversée des Alpes. Dominées par des falaises vertigineuses hautes de plusieurs centaines de mètres, on y trouve difficilement de quoi installer un sentier dominant le torrent tumultueux qui gronde en contrebas.

Un massif historique Les Alpes forment un rempart, frontière naturelle entre le nord et le sud de l’Europe. Le massif du Gothard a été longtemps considéré comme le plus élevé des Alpes, autour du Mont Rotondo. Il a fallu attendre 1716 et le célèbre naturaliste Jakob Scheuchzer pour s’apercevoir de l’erreur et mettre le Mont-Blanc au sommet. Maîtriser le passage stratégique du col du Saint-Gothard a toujours été un enjeu majeur. Les éleveurs de la région tiraient une part de leurs revenus du passage des voyageurs (le sel venait alors de Méditerranée) et avaient besoin de cet accès pour vendre leur bétail et leur fromage en Italie du nord. C’est une des raisons qui les a poussés à se soulever contre la tutelle des Habsbourg. On a donc ici un des foyers de la naissance des premiers cantons suisses, à cheval sur Uri, Grisons, Valais et Tessin. Le Saint-Gothard est ainsi un lieu mythique : berceau de la Confédération, centre des Alpes,

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La source du Rhône au XVIIIe siècle. Gravure d’Adrian Zingg extraite de l’Histoire naturelle des glacières de Suisse (1770).


Château d’eau de l’Europe

Le Pont du Diable, clef du passage du Gothard, par J.M. William Turner (vers 1803).

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C’est le Diable qui va jeter un pont de pierre au-dessus des gorges impraticables ! En échange, il exige la vie du premier passant qui franchira l’édifice merveilleux. Rusés, les habitants d’Uri y font passer un bouc en tête du cortège inaugural. La colère diabolique sera à la hauteur de la supercherie des Uranais. Une pierre monstrueuse, jetée comme punition, manquera de peu l’ouvrage d’art et viendra s’écraser à quelques enjambées du village de Göschenen. Pour être plus réaliste et raisonnable, on attribuera plutôt cette construction audacieuse aux Walser, qui ont prouvé leurs compétences ailleurs en Valais. Dans les années septante, le chantier de l’autoroute du Gothard contraint à déplacer la pierre satanique, reposée intacte à 127 mètres de sa chute légendaire. L’opération n’est pas simple et coûte quelque 300 000 francs. Le gros caillou mesure 12 mètres de haut et pèse 2000 tonnes. Mais on assiste bientôt à une mystérieuse augmentation des accidents au kilomètre 16. Certains l’attribuent à la Pierre du Diable, que l’on aurait dû laisser en paix. Elle continuerait ainsi son œuvre maléfique pour faire expier les habitants d’Uri de leur malice passée... Depuis 1860 et encore actuellement, ce sont deux ponts qui s’enjambent l’un l’autre à cet endroit. À chaque nouvelle époque son nouveau pont, qui surmonte le précédent, toujours plus haut. Après ce vagabondage au cœur d’un massif mythique et un écart du côté de nos origines ethniques, l’approche critique et les arguments de Peter von Matt (p. 18) vont nous faire abandonner cette première définition. Et nous verrons vite que, si nous chaussons les lunettes du géographe, nous ne pourrons pas nous contenter des sources du Gothard pour prétendre abreuver un continent. Si le Gothard est peutêtre le donjon du château, il va nous falloir élargir un peu l’horizon pour une meilleure définition de cette forteresse européenne.

Château d’eau de l’Europe Parlons tout d’abord de trois grandes sources : Rhin, Rhône, Tessin. Le Rhin (rejoint par l’Aar, qui prend sa source tout proche, sur l’autre versant du Grimsel) coule vers la mer du Nord. Le Rhône atteint la Méditerranée après 800 km. Le Tessin, plus modeste, rejoint le Pô pour déboucher dans la mer Adriatique. Les bassins hydrographiques de ces trois grands fleuves européens se rejoignent ici et leurs limites forment une étoile, dont le centre est quelque part entre le Pizzo Curciusa et le Piz Bianch, soit tout proche de la frontière italienne.

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Et il suffit de se déplacer de quelques dizaines de kilomètres plus à l’est en suivant la barrière alpine, tout près de la Maloja, pour atteindre la source de l’Inn, affluent majeur du Danube, que l’on peut suivre ensuite jusqu’à la mer Noire. Ce sera notre quatrième source, et le vaste bassin de notre quatrième fleuve. Au chapitre Eaux souterraines, nous parlerons des différents modes de circulation de celles-ci et nous verrons que ce sont ces modes qui déterminent l’allure de chaque source. Nous sommes ici dans le domaine des roches fracturées, souvent recouvertes de dépôts plus récents hérités du passage de glaciers, parfois disparus ou en passe de l’être. Ainsi, dans ce cœur des Alpes suisses, pas de source spectaculaire, de cataracte grondante, de cascade sortie des entrailles de la terre. Mais des apparitions discrètes, parfois cachées. Ici, un glacier, autrefois spectaculaire, bientôt plus qu’un vestige, fond et nourrit un petit torrent. Là, l’eau sourd d’un éboulis ou d’une moraine. Ailleurs, c’est un lac de montagne qui a collecté divers ruissellements et dont sort la rivière qui ira jusqu’à la mer au gré des confluences. Il en est ainsi de la Reuss du Saint-Gothard issue du Lago di Lucendro, ou du Rhin qui s’échappe du lac Toma (Lai da Tuma). Le Rhône (Rotten) naît du glacier du même nom, ou de ce qu’il en reste. C’est que la source d’un fleuve n’est pas nécessairement un lieu spectaculaire : une autre définition en est le point le plus haut en altitude, ou le plus loin de son embouchure, quand on en remonte le cours.

Le Rhin Parmi les fleuves qui prennent leur source en Suisse, il est le plus long (1 233 km jusqu’à la mer du Nord, dont 375 km sur territoire helvétique), le plus gros (un débit moyen de 2 300 m3/s proche de son embouchure) et celui qui a le plus vaste bassin versant en Suisse (24 300 km2). Sa source est donc un lac de montagne qui collecte les eaux tombées sur les pentes du Piz Tuma (2784 m), du Rossbodenstock (2837 m) et du Badus Six Madun (2928 m). Le lac a une superficie de deux hectares et ses eaux s’échappent du cirque glaciaire par une entaille dans le verrou rocheux qui le ferme à l’est. À l’ouest, venant de l’Alp Tuma, un ruisseau marécageux, piqueté de linaigrettes, porte déjà le nom de Rein da Tuma et est le principal contributeur de cette source un peu imprécise. Un site calme et rayonnant, une destination parfaite de randonnée alpine. Le nom n’est guère original puisqu’il signifie lac derrière la colline : tous les lacs de montagne se nichent nécessairement au cœur d’une cuvette rocheuse.


Château d’eau de l’Europe

L’Aar

Le Rhône

Plus longue rivière intégralement suisse avec quasi 300 km, l’Aar a sa source au front du glacier issu des pentes du Lauteraarhorn, du Finsteraarhorn et de l’Oberaarhorn, dont la fonte accélérée modifie le biotope (voir chapitre Sources de vie). Puis, c’est le trajet au service de l’énergie (barrages du Grimselsee et du Räterichsbodensee) avant de se cacher au fond de gorges sauvages profondes de 200 mètres. On peut suivre ces gorges au long d’un cheminement accessible à tous. En passant à Meiringen, comment résister à un détour aux chutes de Reichenbach : une cascade de 120 m qui a, selon Sir Arthur Conan Doyle, vu le combat incertain entre son héros, Sherlock Holmes, et son ennemi juré, le professeur Moriarty... Revenons au cours de l’Aar qui, après avoir franchi ces gorges, s’assagit en traversant le lac de Brienz, puis celui de Thoune. houne. C’est enfin le long parcours d’ouest en est au pied ed du Jura pour retrouver la Reuss et venir grossir les eaux aux du Rhin à Koblenz. Une impressionnante traversée de la Suisse.

266 km à travers la Suisse pour un parcours total de 812 km jusqu’à la Méditerranée. Son débit de 1700 m3/s n’est pas en rapport avec le bassin d’alimentation de sa source (et de celles de ses affluents helvétiques), assez modeste avec 10 100 km2. C’est lors de son parcours français qu’il va s’enrichir d’affluents respectables : Saône, Isère, Durance... Revenons à la source : le site de Gletsch, dominé par les cols de la Furka et du Grimsel, est bien connu. En un siècle, il a bien changé, dû principalement au retrait du glacier du Rhône qui donne naissance au fleuve éponyme.

Rhin

Aar

Les grandes sources de la région du Gothard et leurs bassins versants

Danube On peut diviser le territoire suisse selon la destination des eaux qui s’en écoulent. Ce partage entre les mers du Nord, Noire, Adriatique ou Méditerranée font que notre pays mérite le qualificatif de château d’eau de l’Europe.

Pô Rhône

Aar

Reuss

Excursion à la source de l’Aar > p. 250

Rhin Col du Gothard

Rhône Ticino

Inn

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Un mythe suisse L’inauguration du tunnel du Gothard en 2016 a été l’occasion constitution de l’État fédéral et alors que le tourisme prenait de festivités publiques variées. Plus discrète dans ce tohu-bohu son envol: le Gothard triomphe et permet une identité, médiatique, l’interview par la RTS [19:30 du 31 mai 2016] de Peter von il se retrouve lié au mythe des Alpes défenseures de la Suisse. Alors le Gothard triomphe et permet une identité. Matt, professeur émérite de littérature à l’Université de Zurich, éminent Il se retrouve lié au mythe des Alpes défenseures de la Suisse. essayiste, vaut qu’on s’y attarde un moment. Elle nous situe la Suisse Dieu aurait donné aux Confédérés au cœur de l’Europe, entre ouverture aux les montagnes pour les protéger. autres pays et fermeture sur soi. Ce n’est bien sûr pas vrai qu’ils sont – On fête l’ouverture du Gothard à l’abri mais l’image s’est imposée, comme un grand chantier suisse mais très vite soutenue par l’attitude de l’histoire a montré que le Gothard l’armée suisse durant la Deuxième n’est pas un ouvrage suisse. Guerre mondiale, lorsqu’elle s’est « Le tunnel, le premier, établi au XIXe retirée dans les Alpes. » siècle n’est pas que suisse. Il avait été certes imaginé et voulu par le – Ce mythe s’est donc construit dès le Zurichois Alfred Escher mais il a été début autour de l’idée de fermeture, de construit, et surtout payé, par la Suisse, repli, plutôt que d’ouverture ? l’Allemagne et l’Italie, ensemble. C’était « En fait, le Gothard véhicule les une collaboration économique et une deux notions. Il a toujours été un stratégie militaire. L’Allemagne, alliée col avec une dimension européenne, à l’Italie, voulait un accès direct vers le le lien de l’Italie avec le nord du Sud. C’était donc bel et bien un projet continent. C’est grâce à lui que les européen. La Suisse a remboursé vingt savoirs, la formation en provenance ans plus tard l’Italie et l’Allemagne. Elle de l’Italie ont été transmis, que Bâle a donc pu oublier qu’elle n’avait pas est devenue une ville humaniste construit seule le Gothard. » ou encore que les militaires ont pu – Vous présentez le Gothard comme le véhiculer leurs troupes. Oui, le col a Sinaï suisse. toujours été européen. C’est donc une « Le Gothard et son environfausse représentation que de voir ce nement, sa région, constituent le massif comme seul lieu de repli des décor des mythes fondateurs de Confédérés. L’une des autres idées qui la Confédération. Le serment du s’est développée autour du Gothard Grütli, Guillaume Tell, l’union des est celle d’un château d’eau de toute cantons primitifs se jouent dans Pont sur la source de la Reuss, dans le canton d’Uri, emprunté par l’Europe. C’est une très belle idée, mais elle est fausse géographiquement, cet environnement, au pied de ce un groupe de promeneurs. Gravure de Michel Piquenot d’après un dessin de Claude Louis Châtelet (Tableaux pittoresque de la si l’on considère les grands fleuves. massif. Le col en fait donc partie. Suisse – 1780-1788). N’empêche, elle existe. » Cela devient encore plus présent au – De même, le statut du Gothard comme centre de la Suisse laisse moment où les mythes fondateurs sont vus d’un œil plus critique. plutôt songeur. D’où vient cette inscription ? Les historiens doutent de l’existence de Tell. Mais ils ne peuvent « Comme je l’ai dit, cette construction est liée à la proximité des lieux pas douter du massif du Gothard ! Pourquoi est-ce que, au du mythe fondateur, avec Guillaume Tell. Je doute que le Gothard soit XIXe siècle, ce col a soudain hérité d’un poids symbolique national ? Au XVIIIe siècle, le regard porté sur les montagnes un mythe pour les Romands, voire même pour les Grisons qui ont leurs s’est modifié. Elles sont devenues belles avec les romantiques. propres cols. Mais pour l’identité, pour l’image de soi de la Suisse, Jusque-là, elles étaient menaçantes ; c’est là qu’habitaient il offre un condensé de la montagne, ses légendes, ses routes, son sorcières, esprits mauvais, et il fallait traverser les cols le col, qui s’est imposé peu à peu. C’est un tout que l’on peut lire avec, plus rapidement possible. Au XIXe siècle, ces montagnes en arrière-fond, soit les progrès de la technique – une certaine ont changé de visage pour devenir une nature pure. Elles ouverture –, soit la défense de la liberté, de l’indépendance. sont devenues symboles de liberté au moment même de la C’est comme ça qu’un mythe se nourrit. »

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Château d’eau de l’Europe

La source du Rhône coule sur les rochers polis par le glacier, qui s’est maintenant retiré.

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Le Lägh dal Lunghin (Maloya, GR) ; source de l’Inn.

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Château d’eau de l’Europe

Le Tessin

L’Inn

Le plus modeste des trois fleuves : une centaine de kilomètres en Suisse, soit le tiers de son parcours complet jusqu’à sa confluence avec le Pô. Au nord-est du col du Nufenen, sous les pentes du Pizzo Nero, à une altitude de 2550 m, un modeste ru porte déjà le nom de Ticino sur la carte nationale. Il alimente un lac sans nom de 40 m de côté, qui se déverse dans un autre lac minuscule, puis se perd... Mais l’histoire de la rivière qui donne son nom à un canton ne s’arrête pas là : à peine plus bas, un lac un peu plus grand, au contour tourmenté, concentre plusieurs autres ruissellements et alimente le petit torrent qui dévale les pentes du col pour s’engager résolument dans le val Bedretto. Ce n’est qu’à partir d’Airolo que le Tessin, suivant la Léventine, va prendre enfin son cap au sud. À Locarno, il se perd dans le lac Majeur, et c’est bientôt le début de l’aventure italienne, jusqu’au Pô, qui l’emmènera vers l’Adriatique.

Un peu plus à l’est, hors du strict massif du Gothard mais pas bien loin, l’Inn va nous permettre de compléter notre mosaïque des principaux bassins hydrographiques européens. L’Inn, En en romanche, Eno en italien, est comme l’Ain en France une rivière dont le nom veut simplement dire eau. Sortie du Lägh dal Lunghin, un lac glaciaire typique non loin du col de la Maloja, l’Inn traverse la Haute-Engadine par les lacs de Sils et Silvaplana, pour gagner la BasseEngadine et marquer la frontière entre Suisse et Autriche. Ce sera ensuite le Tyrol autrichien, Innsbruck (le pont de l’Inn), la Bavière et enfin le mariage avec le Danube à Passau, où elle apporte plus d’eau que son conjoint ! Après, ce sera l’aventure à travers l’Europe centrale et orientale pour atteindre la mer Noire. En résumé, on peut donc partager le territoire national en quatre grands bassins versants : 59% pour le Rhin et la mer du Nord, 25% pour le Rhône et la Méditerranée, 10% vers le Pô et la mer Adriatique, 6% vers le Danube et la mer Noire. Une belle mosaïque hydrographique !

Excursion du chemin des quatre sources > p. 250

Le chemin des quatre sources

Nous parlerons ici d’une autre palette de quatre sources. Le choix précédent était déterminé par le partage de l’Europe occidentale en ses principaux bassins hydrographiques : une approche géographique et scientifique. On peut aussi aborder ce thème avec une couleur ludique et sportive, celle de la randonnée pédestre, activité inscrite dans les gènes helvétiques. Paul Dubacher est un randonneur infatigable, inspirateur de plusieurs trajets pédestres à travers notre pays. Après la Voie suisse, le long du lac des QuatreCantons, prédestiné semblet-il au chiffre 4, il a fondé le Chemin des quatre sources du

massif du Gothard. Son choix, déterminé par l’équilibre du tracé pour la randonneuse ou le randonneur, s’est porté sur les sources du Rhin, de la Reuss, du Tessin et du Rhône. Cela permet de parcourir en cinq jours un itinéraire varié et spectaculaire à cheval sur Uri, Grisons, Tessin et Valais. Cette randonnée alpine peut être résumée par quelques chiffres évocateurs des efforts à accomplir : 85 kilomètres au total, 32 heures de temps de marche cumulés, 6 161 mètres d’ascension et 5 932 mètres de descentes successives. Il s’agit d’une boucle depuis et jusqu’à Andermatt, de cols en cols, de cabanes en cabanes, de sources en sources bien sûr.

Vous trouverez la référence de cette splendide randonnée au dernier chapitre de l’ouvrage, avec une mention pour la fondation qui veille à son entretien et documente le promeneur soucieux de se cultiver en marchant. Le parcours offre des horizons naturels variés : prairies alpines, forêts de montagne, prés humides parcourus par des ruisseaux, étangs, petits lacs, tourbières, zones arides et rocailleuses parmi les éboulis de pente. Tout un kaléidoscope géologique. À la variété des sols correspond une variété des habitants, flore ou faune, la biodiversité est de mise au long du parcours. Les grands cols alpins franchis sont

marqués par l’histoire : Oberalp, Gothard, Nufenen, Furka. Histoire des peuples et de leurs échanges mais aussi histoire des transports. Témoignages des étapes du développement culturel et économique de l’Europe au cœur de laquelle se déroulent ces cinq étapes. Quant aux sources, ce ne sont pas les plus spectaculaires parmi celles dont on parlera dans cet ouvrage, mais elles ont cette vertu d’être à l’origine de fleuves importants et elles jalonnent harmonieusement une randonnée complète au sein de ce massif mythique qu’est le Gothard.

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Le Lac Toma, près du col de l’Oberalp, source du Rhin.

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Un condensé du tourisme de montagne En passant un peu vite sur la source du Rhône, nous avons laissé de côté un aspect remarquable de ce lieu. Gletsch, altitude 1759 m – 10 résidents en été, plusieurs centaines de personnes en haute saison à la grande époque du tourisme alpin – doit son existence et la forme du pâturage qui l’héberge à la présence du glacier. Il attire les curieux et modèle le paysage de ce petit vallon à fond alluvial. Les touristes y sont d’abord venus à pied ou à dos de mulet, selon leur forme physique ou leur origine sociale. Dès 1830, l’auberge Zeiter, avec sa douzaine de lits, leur permet d’y passer la nuit. L’ouverture en 1867 du col de la Furka, puis en 1894 de celui du Grimsel, amène le passage des diligences, qui font étape ici. Dans la seconde moitié du XIXe siècle se construisent les hôtels Glacier du Rhône et Belvédère. 320 lits sont pris d’assaut par les visiteurs de la bonne société européenne. La langue glaciaire n’était alors qu’à cent mètres des hôtels. 1914 voit le train arriver ici et, en 1921, le car postal franchit la Furka. Paradoxalement, c’est cette amélioration et cette accélération des transports qui vont tuer le tourisme à Gletsch : plus besoin de musarder, d’admirer en détail les curiosités de la nature, on passe rapidement car un coup d’œil et quelques photographies suffisent aux nouveaux visiteurs. À la fin des années trente, la capacité hôtelière a déjà diminué de

La source du Rhône photographiée en juillet 2019.

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moitié. L’hôtel familial devient propriété cantonale. Le retrait glaciaire entraîne la retraite touristique. Récemment, l’activité reprend un peu, mais différemment. À l’été 2010, le train à vapeur restauré fait à nouveau la course Realp – Oberwald. Mais les touristes, plus souvent asiatiques qu’européens, ne font plus que passer : un rapide trajet pittoresque à la vapeur, une visite éclair de la grotte de glace, et la suite du programme les attend plus loin. Vite, toujours plus vite ! En 1796, dans son Journal d’un voyage dans les Alpes bernoises (on est aux marges !), le philosophe Hegel dépeint un paysage lugubre : « Cette région de Gletsch dépasse tout ce que nous avons vu de morne et de triste jusqu’à présent ». C’est que la langue, alors envahissante, du glacier du Rhône paraissait menaçante. La même qui attirera quelques lustres plus tard les curieux au pied de ce géant de glace accessible. Triste destin de ce Rhonegletscher qui joue la peau de chagrin et menace de ne pas survivre au XXIe siècle : craint, adoré, envahi, disparu bientôt. Depuis le fond de la vallée, là où l’on peut se restaurer dans l’hôtel historique, on ne voit plus rien du glacier célèbre, que du granite usé et griffé par le passage du fleuve gelé qui dépérit. Les connaisseurs verront dans ces roches polies la preuve de l’extension ancienne de la glace. Ils pourront retracer le lent retrait du


Château d’eau de l’Europe

... et vue du Grimsel en 2020.

La source du Rhône vue de Gletsch en 1900...

monstre, qui reçoit moins de précipitations neigeuses dans le cirque nourrisseur qu’il ne perd de glace fondue au front. Cette mer de glace couvre encore une superficie de 14,6 km2 pour un volume de 2 km3 ; son épaisseur atteint encore 200 m par endroits. Mais la grotte de glace, qui permettait de s’enfoncer au siècle passé de 100 mètres à l’intérieur de ce mystère glauque, est largement menacée. Pour tenter de maintenir l’attraction touristique et les revenus correspondants, on affuble le glacier scintillant de bâches disgracieuses, espérant ralentir la disparition programmée. À Gletschbode, les bouleaux et les mélèzes piquetés dans une prairie vivace, repeuplent le territoire qu’Hegel avait trouvé morne et triste. Serait-il plus enthousiaste du paysage actuel ? Peut-être, à moins qu’il ne voie l’emballage désespéré du glacier comme lugubre... Pas facile de trancher quand on se réfère au père de la dialectique !

1864

1897

1987

2018

Profil d’une source glaciaire

moulin

bédière

Le retrait du glacier du Rhône illustré par la comparaison entre quatre cartes topographiques de 1864 à nos jours. source

glacier

Un glacier fond surtout en surface, donnant naissance à des ruissellements qui peuvent se réunir en bédières et se perdre dans le glacier par des moulins, fissures qui s’élargissent durant la saison chaude. Les eaux engouffrées se retrouvent à la source, située au front du glacier, en coulant entre celui-ci et la roche sous-jacente.

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Château d’eau de l’Europe

Quelles réserves ? Le château d’eau est une construction qui est moins courante dans notre pays que dans d’autres, qui ont des reliefs moins prononcés. Chez nous, l’eau coule le plus souvent naturellement dans la pente. Ces tours aux architectures plus ou moins élégantes qui gardent en leurs flancs une réserve d’eau suspendue permettent de la délivrer alentour, quand la région est plate, à une pression permanente simplement déterminée par la hauteur du réservoir. Il faudra bien sûr la pomper d’abord pour l’emmener là-haut, mais on ne le fait qu’une fois, et après, c’est le self-service. Si la hauteur du château d’eau a son importance pour la distribution, c’est souvent à son volume que l’on s’intéresse, afin de définir la population qui pourra en bénéficier. Qu’en est-il donc du massif du Gothard, et plus largement de la Suisse, comme réservoir d’eau pour l’Europe ? Sans manier les millions ou les milliards, une comparaison est parlante : la Suisse, dont le territoire couvre 0,4% de la superficie européenne, fournit à ce continent 6% de ses réserves en eau douce. Le rapport volume d’eau / superficie est donc de 15, ce qui est considérable. Comment notre pays peut-il détenir en son territoire 15 fois plus d’eau que la moyenne européenne ? La réponse est à la portée de chacun, il suffisait d’y penser, comme dit le proverbe. Bien sûr, nous ne sommes pas le Tadjikistan, premier mondial avec 3 186 m d’altitude moyenne, ni le Bhoutan (quatrième) avec 2 220 m,

Ci-contre en haut : la source de l’Aar au front de l’Oberaargletscher (Guttannen, BE) en 2019. En bas, la source inférieure de l’Aar et l’Unteraargletscher, également en 2019. Un projet de rehaussement du barrage du Grimsel, approuvé par le canton de Berne en raison des besoins énergétiques du pays, est contesté par les organisations écologistes. L’élévation de 23 mètres prévue pour le barrage provoquerait l’augmentation du niveau du lac et l’inondation de la zone proche de la langue du glacier sur près d’un kilomètre carré. Cette partie de la vallée comprend de vieilles forêts d’arolles et des zones marécageuses avec un écosystème particulier. À l’heure actuelle, les promoteurs du projet y ont renoncé – mais pour combien de temps ? – car les investissements majeurs dans l’hydroélectricité ne sont pas considérés comme rentables.

mais notre moyenne de 1 370 m nous place au seizième rang de toutes les nations mondiales. Quelques comparaisons avec nos voisins européens vont nous éclairer : Autriche, altitude moyenne 899 m ; Espagne, 705 m ; Italie, 539 m ; tous pays alpins (ou pyrénéen, ce qui revient au même). La France, alpine seulement pour partie, pointe au 100e rang avec 375 m ; l’Allemagne au 123e avec 271 m. Et que dire du Danemark à 34 m ou des Pays-Bas à 30 m. Que conclure de cette longue liste de chiffres ? L’évidence bien connue qu’il pleut beaucoup plus dans les montagnes que sur les plaines, même si certains plats pays peuvent compenser un peu par leur forte exposition aux dépressions océaniques. Sans prétendre donner un cours de climatologie, rappelons le mécanisme fondamental des précipitations : un air maritime, c’està-dire tempéré ou chaud et humide, Les montagnes suisses et leurs est forcé à l’ascension lorsque, poussé par le vent, il rencontre une barrière sources sont le cœur hydrographique montagneuse. Le gain en altitude et de l’Europe la perte en pression déterminent le refroidissement de l’air, qui entraîne la saturation en eau jusqu’à déclencher condensation et précipitation. C’est la température du lieu, dépendant principalement de l’altitude et de la saison qui décidera si la précipitation est de la pluie ou de la neige. Lorsqu’il s’agit de neige, son accumulation en épaisseur écrase de son poids les couches inférieures qui, comprimées, se transforment en glace. Et voilà le secret de notre réservoir helvétique décrypté, le château d’eau de l’Europe expliqué. Bien sûr, la Confédération helvétique ne fait pas partie de l’Union européenne, mais allez expliquer aux innombrables molécules d’eau qui quittent le Gothard, qu’elles sont suisses et non européennes ! La gravité leur démontre le contraire : leur nature est de couler de haut en bas, de quitter nos belles montagnes pour irriguer la plus grande part du continent européen. La carte des bassins hydrographiques que nous avons présentée auparavant démontre bien ce phénomène de répartition d’un bien précieux. On parle toujours de château d’eau, on pourrait aussi dire que les montagnes suisses sont le cœur hydrographique de l’Europe, qu’elles Excursion irriguent d’innombrables vaisseaux : les artérioles cascadent à la source de l’Aar dans les montagnes, les grandes artères coulent lentement > p. 250 mais puissamment au long des plaines jusqu’à la mer, qu’elle soit Méditerranée, Adriatique, Noire ou du Nord. Et pas besoin de dépense énergétique pour assurer cette distribution à l’échelle d’un continent : la discrète mais infatigable gravité fait le travail. Un autre phénomène a son importance : en montagne, il fait froid et une partie des précipitations va terminer en glace accumulée. Là intervient une première possibilité de

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constituer des réserves : l’eau météorique tombée du ciel va demeurer, parfois des années ou des siècles, stockée dans nos glaciers au lieu de couler vers la mer presque aussi vite qu’elle est arrivée dans nos montagnes. Examinons brièvement sous quelles formes se trouvent nos réserves d’eau, même si comme nous l’avons décrit, elles ne nous appartiennent que provisoirement... Nous parlons ici d’eau potable. On estime à 150 km3 le volume des eaux souterraines (soit 42% du total), à 130 km3 celui des lacs (36%), à 57 km3 (16%) celui des glaciers, le solde de 21 km3 (6%) étant réparti diversement. L’importance dominante des eaux souterraines dans cette répartition nous montre la seconde possibilité de faire des réserves : moins lentement que les glaciers mais mieux que les eaux superficielles, les eaux souterraines ont besoin de temps pour venir de l’endroit où elles y ont pénétré jusqu’à celui où elles reverront la lumière du soleil. Ce délai peut être de quelques jours dans le cas du karst jusqu’à plusieurs années dans le cas des terrains meubles, sables ou graviers.

Et la crise climatique dans tout ça ? Provoquée par l’augmentation des températures, l’élévation de l’altitude qui marque la limite entre pluie et neige aura comme conséquence directe et évidente la diminution du stock d’eau congelée, que ce soit de la neige ou de la glace, mais il ne s’agit là comme on l’a vu que du sixième des réserves hydriques. Les diverses projections effectuées par nos institutions universitaires compétentes nous assurent une quantité d’eau disponible stable jusqu’à la fin du XXIe siècle au moins. Cela ne veut pas dire qu’on ne manquera d’eau nulle part car, en effet, la distribution de l’eau disponible selon les régions et les saisons sera modifiée. Globalement du moins, nos réserves sont prévues comme durables. Le château d’eau assurera sa tâche de gardien du trésor bleu.

La source du Tessin non loin du col du Nufenen.

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Château d’eau de l’Europe

Dans la région de la source de la Reuss (branche de la Furka, Uri).

Le lac Toma (GR), source du Rhin.

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A N N E X E S


Index des sources et lieux associés cités dans le livre

Aar Acquarossa Adelboden Alvaneu Andeer Ar du Tsan Arbogne Areuse Arvoux Aubonne Bad Pfäfers Bad Ragaz Bad Schinznach Bad Zurzach Baden Bâme de Courfaivre Bätterich Bellegarde / Jaun Beuchire Bévieux Bex Biaufond Biblanc Bioux Blaaben Brunnen Blanches-Fontaines Boiron Bonavau Bonne-Fontaine Bonne-Fontaine Bonnefontaine Bornels Bossi Brassus Breiten Brenno Bret (lac) Brigerbad Broye Brunnengütliquelle Brunnmühle / Wasserhooliloch Buchelieule (Val d’Illiez) Buco della Sovaglia Cascade de Jaun

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Guttannen, BE Acquarossa, TI Adelboden, BE Albula/Alvra, GR Andeer, GR Mont-Noble, VS Prez-vers-Noréaz, FR Saint-Sulpice. NE Les Brenets, NE Bière, VD Pfäfers, SG Bad Ragaz, SG Brugg, AG Bad Zurzach, AR Baden, AG Haute-Sorne, JU Unterseen, BE Jaun, FR Porrentruy, JU Bex, VD Bex, VD La Chaux-de-Fonds, NE Le Chenit, VD L'Abbaye, VD Glaris, GL Undervelier, JU Yens, VD Champéry, VS La Brévine, NE Montagny, FR Cheyres, FR Château-d’Oex, VD Arogno, TI Le Chenit, VD Mörel-Filet, VS Olivone, TI Puidoux, VD Brigue, VS Maracon, VD Glarus-Süd, GL Twann, BE

17, 26 156, 168-169 204 156 156 4, 118, 132, 133, 243 73, 121 63-65, 78, 83, 84, 89, 98, 214-215 88 78 148, 154-155, 156, 164-165 156, 164-165 156 156, 157, 204 42, 156, 159, 160-161, 175 33 77, 78, 117 78, 175, 192 78, 110 197-198 156, 170-171, 197-199 36 71 71 146 30, 78, 102, 240 33, 122, 242 243 219 152, 154-155 47, 175 68, 216 61-62, 78 71 156 134 217 156 219 45-46 78, 239

Val d’Illiez, VS

156, 172-173

Arogno, TI Jaun, FR

78 78, 175, 192

Champs Fallat Chaudanne Chilchbalm Combioula Conn Craveggia Crazy Crater Creugenat Diey Dorénaz Dou Elm Éperon Eptingen Fontaine à Moïse Fontanet de Covatannaz Fontannet de la Mothe Friedhöfler Fuchsna Funtana chi-staina Gelbenbrunnen Geltenbach Gental Gerlettes Gontenbad Heissen Stein Henniez Hölloch Hornusser Hungerbrunnen Hübschener Hundsloch Hungerbach Inn Isles Knutwil Kundelfingen Lag la Cauma Lag Prau Pulté Lag Tiert Laghizun Lavey Lionne Loèche Longeaigue

Clos du Doubs, JU Rossinière. VD Lauterbrunnen, BE Saint-Martin, VS Flims, GR Onsernone, TI La Grande-Béroche, NE Haute-Ajoie, JU Romainmôtier-Envy, VD Dorénaz, VS Cormoret, BE Elm, GL Rochefort, NE Eptingen, BL Salvan, VS Vuitebœuf, VD

146 48, 60, 78 40-41, 78 158 109 156, 166-167 116 38, 56, 78, 110-112, 229, 239 187 204 78, 79 204 226 204 70 94

Vugelles - La Mothe, VD Bürgenberg, NW Scuol, GR Scuol, GR Unterseen, BE Kandersteg, BE Innertkirchen, BE Vallorbe, VD Gontenbad, AI Baden, AG Henniez, VD Muotathal, SZ Frick, AG

193 114 178, 180 114 77-78, 117 76, 96 Couv., 120, 244 143 204 161 204 66-67, 113 33

Sissach, BL Innerthal, SZ Wan, ZH Maloya, GR Bex, VD Knutwil, LU Diessenhofen, TG Flims, GR Flims, GR Flims, GR Flims, GR Lavey-les-Bains, VD L'Abbaye, VD Loèche-les-Bains, VS Val-de-Travers, NE

218 78, 115, 116 33 20, 21 171 204 97, 188-189, 230 106-109 78, 107 78, 109 109, 246 156, 172-173, 174 71, 78 156, 162-163, 175 113


Loquesse Lostorf Lourantse Lugibach Malagne Maralley Marienbrunnen Massa Mels Milandrine / Saivu Milchbach Mont-de-Chamblon Neirivue Nendaz Noiraigue Noudane-Dessus Orbe Ovronnaz Panex Passugg Pintrun Raisse Raissette Raspille Reuss Rhäzüns Rheinfelden Rhin Rhône Rigi Rinquelle Rochette Rothenbrunnen Saillon Saint-Maurice d’Agaune Sainte-Colombe Saivu / Milandrine Salwidenbad Samedan San Bernardino Sarine Saxon Schlichenden Brünnen Scuol Serrière

Ayent, VS Lostorf, AG Ayent, VS Grindelwald, BE Montricher, VD Montreux, VD Einsiedel, SZ Riederalp, VS Mels, SG Boncourt, JU Grindelwald, BE Chamblon, VD Neirivue, FR Nendaz, VS Val-de-Travers, NE Évionnaz, VS Vallorbe, VD Ovronnaz, VS Ollon, VD Passugg, GR Flims, GR Concise, VD Cormoret, BE Crans-Montana, VS Realp, UR / Airolo, TI Rhäzüns, GR Rheinfelden, AG Tujetsch, GR Obergoms, VS Weggis, LU Amden, SG Muriaux, JU Rothenbrunnen, GR Saillon, VS Saint-Maurice, VS

8-9, 235-236 204 145 116 78 47 33 221 204 37-38, 78, 92-94 236-237 103 98, 110, 194-195 204 80-81, 82, 97, 190-193 126-127 39, 57, 58-59, 71, 78, 104-106, 124 156 197-199 204, 207 109 123 78 211 12, 18, 29 204 156 16, 22-23, 29 17, 19, 24-25 156 50-51, 78, 99 36 204 156 43, 196

Undervelier, JU Boncourt, JU Flühli, LU Samedan, GR Mesocco, TI Savièse, VS Saxon, VS Muotathal, SZ Scuol, GR Neuchâtel, NE

34-36, 47 37-38, 78, 92-94 44 156 156, 204 100-101, 142 204 66-67, 78, 98, 113 156, 176-181 78, 90-91, 182, 184-186

Seyon Sieben Brünnen Sieben Quellen Silberloch Soulce Sourde St-Moritz Tessin Theusseret Toleure Torrent Trient (glacier) Tschoetre Tüfels Chilen Tuffière Vals Vauseyon Verena Yverdon Zinal (glacier) Zurich (région)

Val-de-Ruz, NE Lenk, BE Engelberg, OW Pleigne, JU Soulce, JU Val-de-Travers, NE St-Moritz, GR Bedretto, TI Goumois, JU Bière, VD Val-de-Ruz, NE Trient, VS Conthey, VS Kullbrun, ZH Les Clées, VD Vals, GR Neuchâtel, NE Baden, ZH Yverdon-les-Bains, VD Zinal, VS Zurich, ZH

89 78, 211-213, 236 220 33 123 52-55 151, 156 12, 21, 28 63 78 91, 144, 239 209-210 87, 234 36 223 156, 204 89 42 81, 156, 158, 175 208 205

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Les auteurs

Rémy Wenger Graphiste et photographe, auteur de plusieurs livres sur le milieu souterrain. Collaborateur de l’ISSKA depuis sa création en 2000. Coordinateur des guides d’excursions hydrogéologiques publiés par cet institut. Éclectique, il se passionne aussi pour l’architecture sacrée à laquelle il a consacré un livre (Sanctuaires de France et de Suisse (Payot, 2017). remy.wenger@isska.ch

Jean-Claude Lalou Enseignant scientifique retraité et spéléologue depuis plus d’un demi-siècle, président du Conseil de fondation de l’ISSKA et président d’honneur de la Société Suisse de Spéléologie (SSS). Amoureux de lecture et d’écriture. jean-claude@speleo.ch

Roman Hapka Licencié en sciences humaines et sociales, au bénéfice d’un master en haute administration publique. Actuel directeur suppléant de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage. Ancien secrétaire adjoint de l’Union Internationale de Spéléologie et grand vadrouilleur à travers les karsts du monde. r.hapka@sl-fp.ch

Michel Blant Dr es sciences, biologiste et collaborateur à l’ISSKA dans les domaines de la paléontologie et de la biologie souterraine. A participé à la rédaction de plusieurs ouvrages sur les mammifères et les milieux souterrains ou les milieux superficiels. michel.blant@isska.ch

Julie Steffen Biologiste, spécialisée dans l’étude de la végétation vasculaire et muscinale, travaillant dans la recherche appliquée en écologie végétale à la Haute école de paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA) et a collaboré à l’actualisation de la Liste rouge des bryophytes de Suisse. julie.steffen@hesge.ch

Christiane Tabord-Deillon Géobiologue, elle expertise des lieux de vie afin d’œuvrer pour l’harmonie entre habitat et habitants. Un besoin de transmission l’anime également, et c’est à travers des balades énergétiques et des projets artistiques qu’elle partage son ressenti du monde subtil. ctabord@bluewin.ch

Lukas Taxböck A étudié la biologie à l’Université de Zurich. Après son premier contact avec les diatomées, ces organismes unicellulaires filiformes et esthétiques, il n’a plus pu s’en détacher. Travaille comme biologiste de l’eau pour le canton de Saint-Gall et évalue la qualité de l’eau à l’aide d’algues, de diatomées et de macrozoobenthos. Lukas.Taxboeck@sg.ch

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Remerciements

Les auteurs remercient sincèrement Matthias Haupt pour sa confiance et ses encouragements dans la préparation de cet ouvrage. Nos remerciements vont aussi aux institutions qui ont rendu possible la réalisation de ce livre et de l’application qui lui est associée en nous octroyant un soutien financier. Enfin, nous sommes reconnaissants des très nombreux soutiens, conseils et aides reçus de la part des personnes suivantes : Patrice Allanfranchini | Bastien Amez-Droz (Pro Natura) | Thierry Arnet (BIOTEC, Biologie appliquée SA, Delémont) | Franz Auf der Maur (Arbeitsgemeinschaft Höllochforschung AGH) | Robert-Alain Ballmer (Lion’s Club La Chaux-de-Fonds) | Marc Beltrami | Denis Blant (ISSKA) | Florence Boesch (RWB Jura SA) | Arniko Böke | Régis Borruat (Parc Doubs) | Gilberto Bossi (Cannegio) | Frédéric Bossy | Jean-Claude Bouvier | Hubert Caloz | Vincent Callet-Monin (Musée d’art de d’histoire de Neuchâtel) | Didier Cardis (Bureau d’Etudes Géologiques) | Danièle Cohen | Emmanuel Comtesse (bureau NATURA) | Marie-Claire Crelier (SL-FP) | Pauline de Coulon (Parc Doubs) | Christian de Reynier (Office du Patrimoine et de l’Archéologie, Canton de Neuchâtel) | Patrick Deriaz (Société suisse de spéléologie) | Beatrice Dettli-Greter | Cédric Dubois (Les Bains de Val-d’Illiez) | Antoine Ducommun | Fabrice Ducrest (Association du Mandement de Bex) | Urs Eichenberger (ISSKA) | Jérôme Damien Evéquoz | Gérald Favre (Géologos SA) | Matthias Flück (Site et Musée romains d’Avenches) | Romain Fuerst (Parc Chasseral) | François Gainon | Maxime di Gianpietro (Société suisse de spéléologie) | Stéphane Girardin (Société suisse de spéléologie) | Cédric Grezet (Site archéologique Augst – Augusta Raurica) | Pier Hänni (Auteur de l’ouvrage Quellen der Kraft) | Philipp Häuselmann (ISSKA) | Jonathan Jaussi (SL-FP) | Marc Hessenauer (MFR Géologie-Géotechnique) | Margrit Hohl (SGH-Lenzburg) | Judith Huppi (SL-FP) | Matthias Huss | Pierre-Yves Jeannin (ISSKA) | Martine Joye Hapka (Spéléo Club des Préalpes Fribourgeoises) | Jean-Marc Jutzet (Spéléo Club des Préalpes Fribourgeoises) | Thomas Kiebacher (Centre national de données des bryophytes de Suisse Swissbryophytes) | Sybille Kilchmann (Office Fédéral de l’Environnement, Section Protection des eaux) | Daniel Küry (Université de Bâle) | Verena Lubini | Marc Luetscher (ISSKA) | Stephan Lussi (Office Fédéral de l’Environnement, Section Infrastructures écologiques) | Kiki Lutz (Musée de l’Hôtel-Dieu, Porrentruy) | Benoit Magnin (Office Fédéral de l’Environnement, Section Gestion du paysage) | Arnauld Malard (ISSKA) | Sandro Marcacci | Martin Maron (Flims Electric AG) | Marzia Mattei-Roesli | Cécile Matthey (Site et musée romain d’Avenches) | Carole Mettler (ISSKA) | Pierre Meury (Société suisse de spéléologie) | Christophe Meyer (Société suisse de spéléologie) |Kathrin Mischol | Pascal Moeschler (Muséum d’histoire naturelle de Genève) | Rafael Molina (Parc Doubs) | Miryam Mosimann Lalou | Alexandre Oricchio | Colin Pelletier (ISSKA) | Jean Perrenoud (L’écriture en chemin) | Peter Pfister | Stephanie Pfister (SL-FP) | Claire Piguet (Office du Patrimoine et de l’Archéologie, Canton de Neuchâtel) | Patrice Prunier (HEPIA) | Jürg Pulfer (Arbeitsgemeinschaft Höllochforschung AGH) | Rémy Rochat | Raimund Rodewald (SL-FP) | Abbé Olivier Roduit (Abbaye de St-Maurice) | Amélie Savioz (Service de l’eau de la Ville de Lausanne) | Ludovic Savoy | Beat Von Scarpatteti (Quellen-Projekt Binnigen) | Daniel Schmutz | Norbert Schnyder (Centre national de données des bryophytes de Suisse Swissbryophytes) | Domenico Siriani | Mario Spagnoletti | Hugo Steffen | Roland Stettler | François Straub (PhytoEco) | Pascal Stucki (AQUABUG) | Hans Stuenzi | Pierre-Yves Thévoz (Spéléo-Club du Nord vaudois) | Markus Thommen (Office Fédéral de l’Environnement, Section Gestion du paysage) | Pascal Tissier | Sébastien Toth (ISSKA) | Jean-Pierre Tripet | Martin Trüssel (NeKO-Stiftung, Naturerbe Karst und Höhle Obwalden) | Jörg Uttinger | Bernard Vauthier | Fabien Vogelsberger (Parc Chasseral) | Denis Vuilleumier | Nicole Wächter | Corinne Wacker (FHNW School of Life Sciences Basel, Ecomusée de Noiraigue) | Eric Weber (ISSKA) | Bernard Weissbrodt (Aqueduc Info) | Yvo Weidmann (Société suisse de spéléologie) | Ingrid Wenger | Mathieu Wenger (ValTV) | Suzanne Wenger | Walter Wildi (anc. prés. Commission géologique suisse) ... Plus sans doute quelques autres personnes à qui ces remerciements sont bien entendu aussi adressés !



GOTHARD Château d’eau de l’Europe | MYTHES ET LÉGENDES Sources mystérieuses | PLONGÉES SOUS LA TERRE Explorateurs de sources HYDROGÉOLOGIE L’eau souterraine | CRUES ET ÉTIAGES Le régime des sources | BIOTOPES DISCRETS Sources de vie THERMALISME Sources bienfaisantes | INDUSTRIES AU FIL DE L’EAU Sources au travail | L’EAU QUE L’ON BOIT Minérale ou Municipale ? POLLUÉES OU TARIES Sources en péril | ÉMOTION Sources de bonheur

AUX SOURCES DE LA SUISSE

À L A D É C O U V E R T E D E L’ O R B L E U H E L V É T I Q U E

Une source est l’interface entre le monde souterrain, noir, invisible, mystérieux, et le monde extérieur, lumineux, où les rivières ouvrent sur le monde, l’espace, la vie. Lieux chargés de mémoire, les sources nous intriguent ou nous fascinent : légendes, croyances, anecdotes, y puisent leur saveur. L’homme a parfois aménagé le cadre des sources pour y exploiter l’eau, y installer des industries ou développer le thermalisme. Le massif du Gothard est le château d’eau de l’Europe ; plusieurs des grands fleuves qui arrosent le continent y trouvent leur origine pour achever leurs parcours dans quatre mers différentes. D’autres sources, spectaculaires ou modestes, se nichent aux quatre coins du pays. Les eaux souterraines peuvent avoir des trajets capricieux avant de déboucher aux sources : les connaître et les comprendre permet de protéger la qualité de l’eau potable. Les sources sont aussi des biotopes discrets et précieux, dont l’étude réserve de belles surprises. Leur multitude ne rend pas moins préoccupante la disparition de nombre d’entre elles sous les coups de l’aménagement du territoire et des besoins de l’agriculture. Au plan symbolique, une source est une naissance, une apparition, une révélation : elle délivre l’eau, essence de la vie. Cela en fait un lieu privilégié de ressourcement, de contemplation de la nature et ses secrets.

AUX

SOURCES DE LA

SUISSE n’est pas un catalogue des sources du pays.

Un tel inventaire aurait été, à n’en pas douter, non seulement ennuyeux, mais difficilement exhaustif tant les sources sont nombreuses ! Ce livre propose un vagabondage parmi les plus remarquables d’entre elles, offrant ainsi un voyage original et fascinant à travers la Suisse.

ISBN 978-3-258-08168-7


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