Entracte Automne 2010

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Portrait / Louis Babin

Technique Alexander

Le bonheur est dans la posture Au début du siècle dernier, l’acteur australien Frederick Matthias Alexander avait résolu ses problèmes d’extinction de voix en travaillant sa posture et en relâchant ses tensions. Depuis, bon nombre de musiciens profitent de la technique qu’il a mise au point et qui porte son nom.

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aux de dos, tendinites, fatigue, tensions, manque de mobilité, de coordination… Avec des gestes répétés, des postures pas toujours naturelles et le stress lié aux exigences de performance et à certaines conditions de pratique professionnelle, la musique peut devenir une source d’affections nuisibles à l’efficacité et à la carrière des artistes. La technique Alexander (TA) figure parmi les solutions qui s’offrent à eux pour résoudre leurs problèmes, petits et grands.

Images multiples L

ouis Babin est un touche-à-tout qui connaît la musique sous toutes ses coutures : il s’est illustré comme trompettiste, en tant que membre fondateur du quintette Opus Lib, mais aussi comme réalisateur, arrangeur, orchestrateur, chef d’orchestre et compositeur ! Après être retourné à l’école pour parfaire ses connaissances en composition, il choisissait, en 2007, au bout de 40 ans de pratique, de ranger sa trompette pour consacrer plus de temps à ses autres activités. Cela a été une bonne idée, apparemment, puisque sa pièce pour piano solo, Duel, composée en 2008, lui a valu en août dernier une mention spéciale du jury à la 19e édition du concours international IBLA Grand Prize.

Bien qu’il compose aussi de la musique de concert, Louis Babin a déve­ loppé une affinité particulière pour la musique de film. Il est d’ailleurs chargé de cours au Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en musique de film de l’UQAM. « Dans un film, explique-t-il, il y a tellement d’éléments qui “parlent” : il y a l’image, les dialogues, les bruits ambiants et la musique, alors c’est un grand contrepoint dans lequel le rôle de la musique n’est d’ailleurs pas toujours le même. » Il y a aussi des films qui n’ont tout simplement pas de trame musicale. « Ça peut être bien, mais il y a des fois où, vraiment, ça aiderait ! Le problème, c’est que les cinéastes ne sont pas formés pour avoir une oreille musicale. Le DESS en musique de film est offert conjointement par l’École des médias et le Département de musique de l’UQAM, mais il s’adresse aux compositeurs. Il faudrait qu’il y ait l’équivalent pour les réalisateurs. » w w w.gm mq.com

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Mieux qu’un traitement thérapeutique, la TA propose un enseignement qui transforme les habitudes de ceux qui s’y adonnent et peut changer leur vie à tout jamais. « Entre la première et la dernière leçon, j’ai grandi et élargi d’un centimètre, et mes pieds ont grandi », écrit le guitariste Bernard Falaise dans le site internet de la professeure de TA Johanne Benoit. « Mon dos, qui a tendance à être voûté, se redresse tranquillement. J’ai aussi et surtout développé une conscience de mon corps beaucoup plus précise et détaillée », ajoutet-il, affirmant que la fluidité de son jeu s’est améliorée, de même que sa présence sur scène et dans la vie. Ces affirmations enthousiastes et plutôt surprenantes n’étonnent pas Micheline Charron, qui enseigne la TA en cabinet privé et forme depuis 30 ans de futurs pédagogues, car cette technique s’applique à corriger les mauvaises habitudes qui ont contribué à affaisser le squelette, voire à le déformer.

Le film est une création collective, un mélange dans lequel la musique n’est qu’un ingrédient parmi d’autres. « C’est pourquoi ces musiqueslà ont de la difficulté à survivre sans l’image et, souvent, si la musique doit être séparée du film – pour être enregistrée sur disque, par exemple – il vaut mieux la réorchestrer, comme le faisait Henry Mancini, pour la “compléter”, parce qu’une musique trop “complète” aurait pu nuire au film. » S’il a déjà composé des musiques de film pour grand orchestre, Louis Babin a malheureusement dû se contenter de les entendre interprétées par un orchestre d’échantillonneurs. « En cinéma, il y a Hollywood et il y a le reste de la planète. Parce qu’en dehors de Hollywood les productions se comparent très souvent à ce que l’on fait chez nous. Bien sûr, une partition interprétée par un orchestre sonnera toujours mieux que si elle est jouée sur un échantillonneur, mais l’idéal, c’est un mélange des deux, parce qu’il y a des choses que les instruments ne peuvent pas faire, et vice versa. Par ailleurs, on n’a pas toujours besoin d’un orchestre. On ne fait pas souvent de cinéma épique chez nous, et le type d’histoire commande un certain type de musique. » Comme le cinéma commande un certain type de musicien : polyvalent, ouvert aux différents styles, et même prêt à retourner à l’école ! Réjean Beaucage

Tout le travail se fait autour de l’organisation tête-cou-dos, le but ultime étant de parvenir à limiter au strict minimum l’effort musculaire, quelle que soit l’action dans laquelle on s’engage. Qu’il s’agisse de marcher, de se tenir debout ou assis, de chanter ou de jouer un instrument, on cherche à répartir justement le poids du corps sur le squelette et à réduire toute tension inutile de manière à bénéficier d’une entière liberté de mouvement et déployer son plein potentiel. On apprend donc à se reposer dans le mouvement et à faire de son corps le meilleur usage possible. Sensation de légèreté, vitalité, bien-être et efficacité sont le salaire du bon élève. « Il y a deux grands principes à mettre en œuvre, précise Micheline Charron. Être conscient des directions que doivent prendre dans l’espace la tête, les pieds et les mains pour éviter les interférences et faire travailler non seulement les muscles, mais aussi le squelette. Et pratiquer ce qu’on appelle l’inhibition créative : être capable de détecter quand les tensions arrivent et faire le choix conscient de libérer celles qui sont inappropriées. » L’apprentissage se fait en séances individuelles en suivant les indications verbales et tactiles du professeur. On s’en doute, cette rééducation demande du temps, de la persévérance et le courage de se détacher de certaines postures mentales, comme la peur ou la volonté de réussir, qui interviennent aussi dans la manière de se tenir. On assainit son rapport au corps et c’est sa vision même du monde qui s’en trouve modulée. Une aventure qui n’a rien d’anodin et qui varie en durée et en intensité selon l’univers physique et mental de chacun. Fabienne Cabado

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