Sans titre

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Là où tout le monde finit par partir

Geznah.S | The Silence Reader

Depuis petite, j’ai remarqué quelque chose.

Quelque chose qu’on ne m’a pas appris, mais que la vie m’a montré. C’est que tout le monde finit par partir.

Certains doucement, d’autres sans prévenir. Parfois avec des larmes, parfois avec des silences plus bruyants que des cris. Mais à la fin, ils partent tous. Et il reste moi. Juste moi.

Ma mère me disait souvent :

« Un jour, je ne serai plus là. Comment tu vas faire ? » Et elle ne parlait pas seulement d’elle. C’était plus profond que ça.

C’était comme si elle me préparait à la vérité que peu de gens osent dire à leurs enfants : tu vas devoir apprendre à vivre sans les autres. Parce que même ceux qui t’aiment, même ceux qui te regardent dans les yeux en te disant qu’ils ne partiront jamais… finissent par s’en aller.

Geznah.S | The Silence Reader

Alors j’ai grandi avec cette idée plantée en moi comme une graine froide. Et à chaque fois que quelqu’un s’approchait de moi, je ressentais cette même peur, cette même pensée automatique : combien de temps avant que tu partes, toi aussi ?

Et pourtant, malgré tout, j’ai essayé. J’ai laissé des gens entrer. J’ai aimé. J’ai donné. J’ai cru. Parce que même quand tu sais que ça va faire mal, il y a des regards qui font oublier les cicatrices.

Mais un jour, il y a eu quelqu’un. Quelqu’un que j’ai cru différent Il n’avait rien d’extraordinaire au début. Mais il avait cette façon de parler qui donnait envie de rester, cette lumière dans les yeux qui disait : je te vois vraiment. Alors je me suis dit : peut-être que cette fois, c’est différent. Peut-être que ce n’est pas comme les autres.

Geznah.S | The Silence Reader J’ai baissé ma garde. Lentement. Doucement. J’ai ouvert la porte. Et j’ai cru. Oui, j’ai cru.

Même avec toutes mes blessures, tous mes doutes, j’ai cru.

Mais l’histoire se répète, toujours.

Il a commencé à s’éloigner. Un peu chaque jour.

Un message de moins. Un regard ailleurs. Des mots qui perdaient leur chaleur. Et moi, je regardais ça en silence, le cœur dans la gorge, le passé en écho dans mes oreilles : Tu vois ? Tu le savais.

ce n’est pas juste lui qui partait, c’est le passé entier qui revenait

Je voulais courir après lui. Le retenir. Lui crier de rester. Mais je ne l’ai pas fait. Parce que quand on tient à quelqu’un, on ne veut pas qu’il parte.Mais si quelqu’un veut partir, tu ne peux pas le retenir. Tu ne peux pas devenir le poids de quelqu’un, même si ton cœur saigne.

Parfois, tu dois sacrifier ton propre cœur… et le laisser partir, s’il pense que c’est ce qui le rend heureux.

Alors j’ai lâché.

J’ai sacrifié mon cœur, encore une fois.

Et je me suis dit ce que je me dis toujours : Tu es née pour apprendre à perdre sans te perdre. Et c’est ça, ma force.

Geznah.S | The Silence Reader

Les gens partent. C’est vrai.

Mais moi, je reste.

Pas pour supplier. Pas pour pleurer.

Mais pour continuer à marcher. Même seule.

Même brisée.

Parce qu’à force de voir les autres partir, j’ai appris à rester pour moi-même.

Geznah.S | The Silence Reader

.et vous savez quoi?

Avant tout ça… j’étais quelqu’un de très fermé.

Pas timide, pas effacée, non. Fermée. Fermée comme une porte qu’on ne force pas. Comme un coffre sans clé.

Je n’ouvrais pas facilement. Je ne laissais pas les gens entrer. Pas parce que je me croyais meilleure, ni parce que je méprisais le monde.

Mais parce que je croyais que si je me rapprochais trop, je finirais par blesser.

Et je ne voulais pas ça.

Je m’éloignais pour ne pas faire de mal.

Je coupais les ponts avant même qu’ils soient construits.

Je fuyais les liens, pas parce que je les détestais, mais parce que je les craignais.

Parce que quand tu sais ce que c’est que de perdre quelqu’un, tu sais aussi que chaque attachement est une bombe à retardement.

Et moi, je voulais éviter les dégâts.

Geznah.S | The Silence Reader J’avais toujours peur de faire du mal aux autres, plus que de m’en faire à moi.

Mais ceux qui m’entouraient, eux, n’avaient pas cette peur.

Ils n’avaient jamais hésité à me blesser, à me trahir, à partir sans un mot.

Alors à la fin, j’ai fini par croire que ma seule vraie protection… c’était l’isolement.

Je me suis construite une petite forteresse invisible. Personne n’y entrait.

Je me disais que c’était plus simple. Plus propre.

Pas de lien, pas de perte. Pas de perte, pas de douleur.

Mais… il y a eu ce jour.

Geznah.S | The Silence Reader Je ne saurais pas dire ce qui a changé.

Peut-être que j’étais fatiguée d’être seule.

Ou peut-être que j’avais besoin d’une preuve que le monde n’était pas que silence et départs.

Alors j’ai décidé d’essayer.

De me forcer un peu.

De faire le premier pas.

J’ai levé les yeux. J’ai commencé à parler. Un peu.

Pas de grandes conversations. Pas des déclarations. Juste… des mots simples. Un bonjour. Un regard. Un “ça va ?”.

Et ce jour-là, j’ai commencé à raconter.

J’ai dit, doucement, que peut-être le problème, c’était moi.

Que parfois je m’éloigne des gens non pas parce que je ne les aime pas…

Mais parce que je les aime trop pour risquer de leur faire du mal. Geznah.S | The Silence Reader

Et j’ai compris que c’est ça, parfois, l’erreur qu’on fait quand on est trop sensible.

On croit qu’on est un danger.

Alors qu’en réalité, on est juste un cœur trop plein, qui ne sait pas où verser tout ce qu’il contient.

Je ne savais pas comment me connecter aux autres. Mais j’ai essayé.

Et ce “essayer”, c’était déjà un miracle pour moi.

Geznah.S | The Silence Reader

.De l’enfance à l’adulte

Geznah.S | The Silence Reader

Il y a des souvenirs qui restent comme des cicatrices invisibles.

Moi, j’avais cinq ans.

Et je savais déjà que les mots faisaient plus mal que n’importe quel coup.

Mon père ne le comprenait pas. Pas tout de suite.

Parfois, quand je faisais une bêtise, chaque fois Quand il me grondait, quand il me parlait fort il haussait la voix.

Et moi, je ne supportais pas ça.

Je prenais un bâton, je le lui tendais, et je lui disais : “s’il te plaît puni moi ou Frappe-moi, mais ne me parle pas comme ça.”

J’étais toute petite.

Mais je savais déjà que les mots, surtout ceux qui viennent de quelqu’un qu’on aime, laissent des plaies qui ne guérissent pas facilement.

Geznah.S | The Silence Reader

Une gifle, un fouet, ça brûle, ça fait mal, ça fait pleurer.

Mais après, tu manges une glace, tu regardes un dessin animé, et la douleur recule. Tu oublies un peu.

Mais une phrase ?

Une phrase cruelle ?

Une parole dite avec dégoût, ou avec colère, ou pire… avec déception ? Ça, ça ne part pas.

Ça se rejoue dans ta tête pendant des années.

Tu la portes, même quand tu souris.

Même quand tout semble aller bien.

Tu l’entends encore.

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Mon père avait dit un jour, presque comme une blague : “Cette petite, elle ne supporte pas les mots.”

Il l’a dit comme une constatation, sans trop réfléchir.

Mais il avait raison.

Et ce qu’il ne savait pas, c’est que ce n’était pas une faiblesse. C’était ma manière d’aimer. Quand j’aime, je donne tout. Alors chaque mot me touche comme un couteau.

Et plus j’ai grandi, plus cette sensibilité est devenue un filtre.

Je fais attention à chaque chose que je dis.

Je relis mes messages cinq fois. J’écris, j’efface, je réécris.

Je pense à comment la personne va recevoir mes mots. Si ça peut blesser. Si ça peut peser.

J’ai toujours eu plus peur de faire du mal aux autres que d’en recevoir.

Et parfois, je me suis oubliée moi-même.

Mais le monde…

Le monde ne pense pas comme ça.

Les gens parlent sans regarder où tombent leurs mots.

Ils ne se demandent pas si leur phrase va te briser en mille morceaux.

Ils balancent ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent, sans filtre, sans pause.

Et si tu as mal ? Ce sera ton problème.

Geznah.S | The Silence Reader

Et quand tu fais attention à eux, ils prennent ça pour une faiblesse.

Ils pensent que tu es fragile.

Mais ce qu’ils ne savent pas… c’est que si tu es encore là, après tout ce que tu as entendu, après tout ce que tu as retenu… c’est que tu es plus forte qu’ils ne l’imaginent.

Et peut-être que tout ça, ce n’était jamais vraiment un livre.

Pas un roman, pas un récit structuré avec des chapitres bien rangés. Pas une histoire où l’on tourne les pages en attendant la fin heureuse. Non. Geznah.S | The Silence Reader

C’était juste une petite histoire.

Une histoire qui a commencé bien avant les souvenirs clairs.

Peut-être même depuis l’enfance.

Depuis ce moment flou où j’ai compris que les gens partent.

Depuis ce regard d’un parent, depuis un mot qui a coupé plus fort qu’un fouet.

Depuis cette solitude qui n’a jamais crié mais qui était là, toujours là.

Ce livre n’a pas de chapitres.

Parce que chaque fois que j’ai cru qu’un chapitre finissait, quelque chose revenait. Un souvenir. Une douleur. Une répétition.

Ce livre n’a pas de titre non plus.

Parce qu’il change tout le temps.

Parce que moi, je change tout le temps.

C’est juste une petite histoire.

Une histoire vraie.

Qui ne demande pas à être comprise, mais à être ressentie.

Et si tu l’as lue jusqu’ici, c’est peut-être parce qu’une partie de toi, aussi, a vécu sans chapitre.

Geznah.S | The Silence Reader

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