POUR EUX
j’existe quand je donne
Geznah.S | The Silence Reader
Introduction – Ce livre est pour toi
Il ne s’agit pas ici d’un seul visage.
Il ne s’agit pas de « Kaël » ou de « Liora ». Il s’agit de toi, de moi, de nous.
De ceux et celles qui ont appris à donner… parfois trop.
De ceux et celles qui sont devenus des portefeuilles avant d’être des personnes.
Ce livre ne raconte pas une seule histoire, mais deux voix. Deux chemins.
Un homme. Une femme.
Ils ne se connaissent pas.
Ils ne vivent pas au même endroit.
Mais leurs cœurs portent le même poids.
Parce que que tu sois un homme ou une femme, il y a des moments où tu as compris que, pour certains, tu n’existes que quand tu donnes.
Ce livre parle de cette douleur silencieuse.
De ces messages qui coûtent.
De ces appels sans amour, mais pleins d’attentes.
De cette solitude, même entouré.
Et de cette force qu’on trouve, malgré tout.
Tu n’es pas seul. Tu n’es pas seule.
Et peut-être qu’à travers Kaël et Liora, tu te reconnaîtras, un peu.
Et tu respireras, enfin.
Geznah.S | The Silence Reader
Chapitre 1 – Kaël : Toujours disponible
Geznah.S | The Silence Reader
“Coucou…”
Le message était tombé à 22h47. Juste un mot, mais Kaël savait déjà ce qui allait suivre.
Il a attendu. Pas pour répondre, non.
Pour laisser le reste arriver.
Et comme prévu, “Tu peux m’envoyer 200 ?”
À ce moment-là, il n’a même pas levé les sourcils.
Il ne s’est pas demandé si c’était urgent. Il ne s’est pas énervé non plus.
Il a juste soufflé.
Un souffle long, vide, fatigué.
Parce que ça fait longtemps que Kaël a compris quelque chose :
Quand on lui dit “coucou”, ce n’est jamais juste pour prendre de ses nouvelles.
C’est pour prendre tout court.
Avant, Kaël croyait qu’évoluer allait le rapprocher des siens. Qu’il allait pouvoir rire avec eux, discuter, se raconter les choses de la vie.
Mais aujourd’hui, chaque message est devenu une transaction déguisée.
Chaque appel contient un petit piège.
Il ne savait plus comment dire “non”.
Il avait essayé une fois.
On l’avait appelé égoïste
On l’avait dit changé, oublié d’où il vient.
Mais Kaël, lui, il se souvient très bien.
Il se souvient d’où il vient.
De tout ce qu’il a traversé.
Des nuits blanches. Des humiliations. Des sacrifices.
Ce que les autres ont oublié, c’est tout ce qu’il a payé pour en arriver là.
Aujourd’hui, même sa mère termine ses appels avec un petit rire nerveux : “T’as quelque chose pour ta maman ?”
Et à chaque fois,
Kaël se demande :
Est-ce qu’on m’aime encore quand je ne donne rien ?
Il est devenu le pilier.
La roue de secours.
La réponse facile aux problèmes des autres.
Mais lui, qui lui demande comment il dort ?
Qui lui demande s’il va bien ? Personne.
Il n’est plus un homme. Il est devenu une banque.
Chapitre 2 – Liora : Ce n’est jamais pour moi
Geznah.S | The Silence Reader
“Coucou, tu vas bien ?”
Elle lit le message, les yeux fixes, le cœur déjà fermé.
Elle sait ce qui arrive.
Et voilà :
“J’ai un petit souci, tu pourrais m’aider ?”
Liora est loin. Loin de tout.
Loin de sa maison.
Loin des bras qui l’ont portée.
Loin des regards familiers.
Elle s’est éloignée pour construire une vie, pas pour devenir un distributeur de solutions.
Quand elle est partie, elle avait des rêves.
Elle croyait qu’en travaillant dur, elle allait être une fierté.
Elle allait rendre les choses plus faciles pour ceux qu’elle aime.
Mais ce qu’elle est devenue, c’est un outil.
Un moyen.
Pas une personne.
Pas une fille.
Pas une sœur.
Juste… là quand il faut envoyer.
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Elle répond toujours.
Pas parce qu’elle peut.
Mais parce qu’elle n’arrive pas à ignorer.
Elle ne veut pas qu’on souffre.
Même si elle, elle souffre en silence.
Les messages viennent toujours avec les mêmes phrases :
“T’as oublié la famille ?”
“T’es bien là-bas, toi.”
“Tu fais genre t’as plus rien.”
Mais personne ne sait qu’elle pleure seule, qu’elle mange peu, qu’elle dort mal, et qu’elle travaille plus qu’elle ne vit.
Parfois, le soir, quand elle éteint les lumières, elle regarde le plafond et se demande :
“Est-ce que je suis un sacrifice ?”
Parce que c’est ce que ça ressemble à.
Elle a quitté ses repères, ses rêves, son confort, et elle a tout donné.
Mais personne ne la voit.
On voit ce qu’elle envoie.
On compte ses efforts comme des obligations.
Mais jamais comme des preuves d’amour
Elle voudrait parfois juste un appel.
Un message qui dit :
“Tu me manques.”
“Comment tu vas, sincèrement ?”
Pas pour demander.
Pas pour quémander.
Juste pour se connecter.
Mais non.
Chaque “coucou” est une demande.
Chaque “bonjour” cache une facture.
Et Liora reste là, à se demander :
“Qui pense à moi, moi ?”
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Chapitre 3 – À Kaël, le message de trop
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Un jour, c’est arrivé.
C’était le message de trop.
Il ne l’a même pas ouvert.
Parce qu’il connaissait la suite.
Il a regardé son écran.
Il a senti une boule dans sa gorge.
Et il s’est demandé :
“Est-ce que je suis encore un frère ? Un fils ? Un ami ? Ou juste… une banque ambulante ?”
Il avait envie d’écrire :
“J’ai aussi des galères, tu sais. J’ai aussi des nuits sans sommeil, des matins sans courage, des jours où je me dis que tout ça, ça n’a aucun sens.”
Mais il ne l’a pas fait.
Parce qu’il savait que ce message-là… personne ne le lirait jusqu’au bout.
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Kaël, lui, ne savait plus quoi dire quand il recevait un message.
Parce que c’était toujours pareil.
Un petit “Salut, tu vas bien ?”, puis… les phrases longues, les demandes déguisées, les urgences qui tombaient comme des tuiles.
Il avait cru que c’était lui qui exagérait.
Mais à force, il a compris :
Ce n’était pas de l’amour. C’était de l’attente.
Il voulait parler de ses projets, de sa fatigue, de sa solitude.
Mais il n’y avait jamais la place pour ça.
Il écoutait les autres. Il portait leurs douleurs.
Mais quand c’était son tour,
personne n’était disponible.
Alors il s’est tu.
Il a commencé à ignorer.
Pas par vengeance. Pas par haine.
Mais parce que le silence devenait une protection.
Et comme Liora, il a été mal jugé.
“Tu fais le riche.”
“Tu oublies d’où tu viens.”
“Tu réponds plus. Tu changes.”
Personne ne comprenait que ce silence était un cri.
Un cri de fatigue.
Un cri de trop.
Il a mis son téléphone en mode silencieux.
Pas parce qu’il n’aimait plus les siens, mais parce qu’il n’arrivait plus à exister autrement.
Il voulait juste une voix qui lui dise :
“Kaël, tu vas bien ? Je t’appelle juste pour te parler, rien d’autre.”
Mais cette voix, il ne l’a plus jamais entendue.
Et c’est là qu’il s’est dit :
“Ce n’est pas que je suis devenu froid.
C’est juste que j’ai gelé sous les demandes, sans jamais recevoir une chaleur qui venait du cœur.”
Chapitre 4 – Liora : Le silence mal compris
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Au début, elle répondait à tous les messages.
Même aux “Coucou” envoyés à des heures étranges. Elle se disait : “Peut-être que quelqu’un a besoin de parler, juste ça.” Mais non. Toujours la même suite.
Des paragraphes. Des textes interminables. Des récits de problèmes, de dettes, de catastrophes soudaines.
Elle les lisait tous. Elle y croyait. Elle essayait de comprendre.
Jusqu’au jour où elle a réalisé… que chaque message était une commande, pas une confession.
Le ton montait, l’insistance s’installait. Les appels arrivaient. Plusieurs par jour.
“C’est urgent, Liora, réponds, s’il te plaît.”
Mais l’urgence, maintenant, elle la sentait en elle.
Celle de ne plus exister que comme une carte bancaire.
Elle avait aussi des nuits sans sommeil.
Des retards de loyers. Des douleurs qu’elle gardait pour elle. Mais personne ne demandait : “Toi, Liora, ça va vraiment ?”
Non. Parce que Liora, c’était le pilier. La solide. La guerrière.
Et un jour, elle a cessé de répondre.
Pas par orgueil.
Pas par égoïsme.
Mais par épuisement.
Chapitre 5 : Liora – Maman, moi aussi j’ai mal
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Il était 21h37. Un message s’afficha sur son écran. “Coucou, ma fille.”
Liora soupira. Elle connaissait déjà la suite. Elle l’aimait, sa mère, profondément. Mais ce “coucou” n’était plus doux. Il était devenu un signal. Le début d’une demande.
Elle ouvrit le message avec une lenteur mêlée d’appréhension. Les lignes suivantes défilèrent : des factures à payer, des urgences, des phrases comme “je ne sais plus quoi faire”, “tu es notre seule solution”, “on compte sur toi”.
Liora ne répondit pas tout de suite. Elle regarda son plafond. Ses yeux se remplirent d’eau. “Maman, moi aussi j’ai mal.”
Mais ce message-là, elle ne l’écrivit jamais.
Elle aurait voulu dire que ses nuits étaient courtes, que son dos lui faisait mal à force de se lever tôt et de porter tout, toute seule. Elle aurait voulu dire qu’elle se battait, pas pour briller, mais pour survivre. Qu’elle avait peur du futur, qu’elle se sentait seule même entourée. Qu’elle avait besoin d’un “coucou” sincère, sans pression, sans poids, juste une main tendue, même à distance. Geznah.S | The Silence Reader
Mais à la place, elle répondit : “Tu as besoin de combien ?”
Ses doigts tremblaient. Elle détestait cette version d’elle-même : la version automatique, celle qui ne dit jamais non, même quand elle n’en peut plus.
Liora pensait parfois qu’elle aurait aimé se confier. Dire qu’elle pleurait sous la douche pour ne pas alerter ses colocataires. Qu’elle mangeait peu, pas parce qu’elle voulait garder la ligne, mais parce qu’elle devait choisir entre le frigo et les virements.
Mais elle ne se plaignait jamais. Parce que si elle pleurait, qui allait sécher les larmes des autres ?
Dans le silence de sa chambre, elle regarda le message envoyé. Il n’y avait aucune trace de son propre mal. Seulement une réponse. Une habitude.
Et pendant que le monde dormait, elle, elle pleurait… en silence. Comme d’habitude.
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“Ils ne demandent pas une petite aide, un coup de pouce. Non. Ce sont des montants qu’ellemême n’a pas. Et s’ils savaient ce qu’il lui reste après le loyer, après les charges, après les courses ? Ils ne demandent pas moins. Ils demandent plus que ce qu’elle peut, parce qu’ils ont oublié qu’elle aussi est humaine.”
Chapitre 6 : Kaël – Invisible sauf pour mon compte bancaire
Il avait essayé d’être là pour tout le monde. Présent, généreux, solide. Mais au fil des mois, Kaël avait compris une chose brutale : il ne comptait que lorsqu’il pouvait aider. Il ne brillait que quand il payait. Le reste du temps, c’était comme s’il n’existait pas.
Les messages qu’il recevait suivaient toujours le même schéma. Ça commençait gentiment, un “frérot”, un “t’es là ?”… et puis venaient les paragraphes de plaintes, les urgences soudaines, les montants précis. Il connaissait ce théâtre. Il avait déjà tout lu. Toujours des besoins, jamais une vraie question sur sa vie, ses sentiments, sa santé mentale. Personne ne lui demandait s’il dormait bien, s’il tenait le coup. Et lui, il n’osait pas dire qu’il allait mal. Parce que quand un pilier se plaint, c’est le toit qui s’effondre.
Alors il encaissait. Il donnait. Et il se taisait.
Mais ce silence devenait lourd. Très lourd.
Il s’était surpris à se demander : “Si demain, je n’ai plus rien, est-ce qu’il restera quelqu’un autour de moi ?”
La vérité, il la connaissait. Et elle lui faisait plus mal que toutes les dettes du monde.
Un jour, c’est son cousin — presque comme un frère — qui l’a appelé. La voix pressée, agitée.
— « Frérot, j’ai un souci… C’est urgent, j’te jure. Faut que tu m’aides. »
Kaël, cette fois-là, avait hésité. Il venait à peine de payer son loyer, ses courses, quelques factures laissées en retard. Il n’avait plus rien à envoyer. Et puis, il était fatigué. Fatigué qu’on ne l’appelle que pour ça.
Alors il a dit doucement :
— « Là, je peux pas. J’suis désolé. »
Il y a eu un silence.
Puis la voix a changé. Froid. Tranchant. Ingrat.
— « Ah ouais ? C’est maintenant que tu choisis de faire le pauvre ? T’as oublié tout ce que j’ai fait pour toi ou quoi ? Toi aussi t’as changé. Dès que les gens ont un peu de confort, ils regardent plus personne. »
Kaël avait gardé le téléphone collé à son oreille, sans répondre. Il sentait son cœur cogner fort dans sa poitrine. Ce n’était pas juste la violence des mots. C’était la mémoire de tout ce qu’il avait déjà donné, sans jamais rien attendre.
Ce jour-là, quelque chose s’est cassé. Pas seulement entre lui et son cousin. Mais en lui. Il s’était dit :
« Donc tout ce que j’ai fait avant ne compte pas. J’existe que si je donne aujourd’hui. Sinon je ne suis rien. »
Il a raccroché. Pas dans la colère. Mais dans une sorte de vide. Ce genre de vide qui fait plus mal que les cris.
Chapitre 7 : Liora – L’angoisse des
appels
Geznah.S | The Silence Reader Le téléphone vibre. Encore.
Elle n’a même pas besoin d’ouvrir le message.
Liora n’y arrive plus. Ce n’est pas qu’elle ne veut pas aider. C’est qu’elle ne peut plus. Elle ne sait même plus comment se porter elle-même. Mais elle ne le dit pas. Elle ne le dit jamais. Parce que Liora n’aime pas se plaindre.
Elle a toujours été celle qui encaisse, qui rassure, qui envoie quand elle peut — ou même quand elle ne peut pas. Et pourtant, chaque fin de mois, c’est la même rengaine. Les messages qui pleuvent. Les appels enchaînés. Comme si elle n’était plus qu’un distributeur automatique d’aide.
Elle se souvient d’un moment, pas si vieux, où elle a lu un message et n’a pas répondu tout de suite. Deux jours plus tard, la même personne l’a bloquée. Juste parce qu’elle n’avait pas envoyé quelque chose.
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Liora a compris alors : tant que je donne, je vaux quelque chose. Le jour où je dis “non”, je deviens mauvaise, égoïste, oubliée.
Elle regarde son écran qui continue de vibrer. Elle baisse la luminosité. Et elle pense :
« Est-ce que je vais devoir m’excuser d’être fatiguée ? »
Elle se sent piégée. Prisonnière d’une image qu’on attend d’elle. Une image forte, disponible, généreuse. Mais à l’intérieur, elle se sent vide.
Elle repense à ce jour, il y a quelques semaines. Elle n’avait plus rien. Vraiment plus rien. Pas même assez pour elle. Et pourtant, elle avait envoyé ce qu’elle pouvait. Un geste, un effort de plus. Et la réponse qu’elle avait reçue était sèche, brutale : « C’est tout ? »
Ces deux mots l’avaient transpercée.
Elle aurait voulu répondre, expliquer. Mais à quoi bon ? Elle le savait : les gens n’écoutent pas ce que tu ressens. Ils n’entendent que ce que tu donnes. Et si tu ne donnes pas, tu es mauvaise.
Alors elle était restée silencieuse.
Geznah.S | The Silence Reader Et depuis ce jour, à chaque appel, à chaque message, Liora entend résonner ces deux mots, même quand ils ne sont pas dits.
« C’est tout ? ».
Non. Ce n’est pas tout. Mais c’est tout ce que j’ai.
Elle se lève doucement, comme si chaque mouvement pesait. Elle s’approche du miroir, regarde son reflet. Son visage est marqué, pas de rides, non — mais de fatigue invisible. La fatigue de devoir toujours être disponible. Toujours être forte. Toujours être “la bonne”.
Elle murmure à son reflet, comme une prière discrète :
« Et moi, qui me demande si j’ai mangé ? Qui m’appelle quand je suis fatiguée ? Est-ce que quelqu’un pense à moi… quand je ne sers plus à rien ? »
Silence. Geznah.S | The Silence Reader
Puis elle éteint la lumière.
Chapitre 8 : Kaël – Le burn-out du cœur
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Il n’avait rien vu venir.
Kaël pensait qu’il était fort. Il avait grandi avec l’idée qu’un homme ne se plaint pas. Qu’un homme tient bon, même quand tout s’écroule. Alors, il a tenu. Longtemps. Trop longtemps.
Jusqu’à ce jour-là.
Il s’était levé comme d’habitude. S’était habillé, avait souri dans le miroir, avait répondu à quelques messages comme s’il allait bien. Et puis, en plein milieu d’un trajet, dans le métro bondé, il a senti son cœur s’emballer. Ses mains tremblaient. Il avait l’impression qu’il allait tomber, s’effondrer. Il ne savait plus respirer.
C’était ça, un burn-out. Pas seulement du travail. Mais un burn-out du cœur.
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Son cœur était fatigué. Épuisé de donner sans recevoir. Épuisé de porter des problèmes qui n’étaient pas les siens, mais qu’on lui balançait sans cesse comme s’il était un coffre-fort sans fond.
Il a quitté le métro à la station suivante, s’est assis sur un banc, et a regardé ses messages.
Trois appels manqués. Cinq messages non lus. Tous différents, mais avec le même fond :
« Kaël, c’est urgent. »
« Kaël, tu peux m’envoyer 150 ? »
« Kaël, si tu ne m’aides pas, je suis foutu. »
Et à ce moment-là, il s’est demandé :
« Et moi ? Qui m’aide, moi ? Qui voit que je suis à bout ? »
Il a mis son téléphone en mode avion. Pas pour une heure. Pas pour une journée. Mais pour se sauver.
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Parce que s’il ne le faisait pas, il savait qu’il allait disparaître pour de vrai, noyé sous le poids de toutes les attentes, des promesses à moitié tenues, des regards accusateurs quand il ne pouvait plus donner.
Il n’avait pas cessé d’aimer sa famille. Ni ses proches. Mais il s’était oublié.
Et ce jour-là, sur ce banc froid, il a décidé que son cœur méritait aussi du repos.
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Chapitre 9: Liora – Et si je disparaissais ?
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Il y a des silences qui parlent plus fort que les cris.
Liora s’était toujours dit qu’un jour, elle allait juste… disparaître. Pas dans le drame. Pas dans la colère. Mais dans le silence. Sans bruit. Sans explication.
Elle en avait rêvé parfois. Prendre un billet, partir loin, changer de nom. Couper les réseaux. Oublier les messages. Les appels. Les demandes. Les obligations.
Juste exister pour elle. Dormir sans angoisse. Manger sans culpabilité. Respirer sans avoir à se justifier.
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Mais à chaque fois qu’elle pensait à fuir, une voix intérieure lui rappelait sa fille. Sa responsabilité.
Et puis… cette peur. Cette culpabilité d’oser penser à elle.
« Et si je disparaissais ? », pensait-elle, les yeux ouverts dans le noir, après un appel de trop, après un énième message demandant encore plus que ce qu’elle avait déjà donné.
Mais au fond, ce qu’elle voulait vraiment… c’était qu’on remarque qu’elle était là. Qu’on voit tout ce qu’elle portait, sans jamais le dire.
Pas pour être applaudie.
Juste pour qu’on lui dise une fois : “Liora, tu as le droit d’exister pour toi.”
Elle ne voulait pas tout abandonner.
Elle voulait qu’on la comprenne avant qu’il soit trop tard.
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Chapitre 10: Kaël – Le sacrifice sans merci
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Il y a des sacrifices qui construisent. Et d’autres qui consument.
Kaël ne comptait plus les fois où il avait donné sans rien dire. Où il avait serré les dents, ajusté son budget, reporté ses projets — juste pour pouvoir répondre à un message de détresse.
Mais cette fois-là, celle qui lui restait gravée, c’était différente.
C’était un membre de la famille. Quelqu’un qu’il respectait profondément.
Il n’avait pas pu envoyer l’argent ce jour-là. Pas parce qu’il ne voulait pas. Mais parce qu’il n’avait tout simplement pas.
Et ce proche-là, sans attendre une explication, lui avait craché des mots qu’il n’oublierait jamais. « T’as changé. Avant, t’étais généreux. Maintenant, tu fais le riche, mais t’as le cœur sec. ».
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Kaël était resté silencieux, choqué.
Ce n’était pas la première demande. C’était la quinzième ce mois-là. Et la seule fois où il n’avait pas pu, il devenait soudain le mauvais.
Il a raccroché, le cœur serré. Il est resté là, sans bouger, à fixer le mur. Il ne pleurait pas — il avait dépassé ce stade. Mais à l’intérieur, quelque chose s’était effondré.
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Il avait tout donné. Parfois jusqu’à ne plus manger correctement, jusqu’à prendre des dettes pour aider. Mais on ne s’en souvenait pas.
Le monde oublie vite les fois où tu dis « oui ». Il ne retient que le « non »
C’est là qu’il a compris : ce n’était pas un sacrifice.
C’était une offrande silencieuse que personne n’avait jamais reconnue. Et ce jour-là, Kaël a juré une chose :
Plus jamais sans moi. Plus jamais jusqu’à l’épuisement. Car un cœur trop vidé ne bat plus. Et il voulait vivre. Pour lui, cette fois.
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