1011 - Programme opéra n°01 - Il Barbiere di Siviglia - 09/10

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« que de feu ! Que de légèreté... » sthendal

Comme, en amour, c’est le piquant des caprices de l’Italie qui manque à une tendre Allemande ; par un effet contraire, en musique, c’est le piquant des dissonances et du genre enharmonique allemand qui manque aux grâces délicieuses et suaves de la mélodie italienne. s’élève bientôt jusqu’à la verve et au brio, ce qui n’arrive pas toujours à Rossini. Ici son âme semble s’être échauffée aux traits de son esprit. Le comte s’éloigne en entendant venir Figaro; il dit en s’en allant : Già l’alba è appena, e amor non si vergogna. Voilà qui est bien italien. Un amoureux se permet tout, dit le comte; on sait du reste que l’amour est une excuse qui couvre toutes choses aux yeux des indifférents. L’amour, dans le Nord, est au contraire timide et tremblant, même avec les indifférents. La cavatine de Figaro Largo al factotum, chantée par Pellegrini, est et sera longtemps le chefd’œuvre de la musique française. Que de feu ! que de légèreté, que d’esprit dans le trait : A un barbiere di qualità ! Quelle expression dans Colla donetta... Col cavaliere... Cela a plu à Paris, et pouvait fort bien être sifflé à cause du sens leste des paroles. […] J’hésitais à dire que le chef-d’œuvre de la pièce est, à mes yeux, la fin de ce terzetto, dont la première partie est comme les scènes d’amour de Quentin Durward : Zitti, zitti, piano, piano. J’apprends qu’à Vienne, où l’on a eu le bonheur d’entendre à la fois Davide, madame Fodor et Lablache (1823), on fait toujours répéter ce petit morceau. J’ai le respect le plus senti pour le goût musical des Viennois ; ils ont eu la gloire de former Haydn et Mozart. Métastase, qui habita quarante ans parmi eux, porta le grand goût des arts dans la haute société; enfin les grands seigneurs les plus riches de l’Europe, et les plus

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Grand Théâtre de Genève • N° 1 | il barbiere di siviglia

réellement grands seigneurs, ne dédaignent pas d’être directeurs de l’Opéra. Le seul défaut de ce petit terzetto, écrit avec génie, et défaut bien futile, c’est qu’il fait perdre un temps infini dans un moment où l’action force les personnages à courir. Mettons ce terzetto sur d’autres paroles et ailleurs, et il sera sublime de tous points. Il exprime admirablement un parti pris dans une affaire de galanterie; il conviendrait à un libretto extrait d’une des jolies comédies de Lope de Vega. J’espère bien que si cette brochure existe encore en 1840, on ne manquera pas de la jeter au feu. Voyez le cas que l’on fait aujourd’hui des écrits de théorie politique publiés en 1789. Tout ce que je viens de dire depuis une heure paraîtra faible et commun dans le salon de Mérilde, cette jolie petite fille de dix ans qui aime tant Rossini, mais qui lui préfère Cimarosa. La révolution qui commence en musique sera l’éclipse totale du bon vieux goût français : quel dommage ! Les progrès faits depuis quatre ans par le public de Louvois, sont fort alarmants ; j’en juge par des témoins irrécusables et mathématiques, les livres de vente de MM. Pacini, Carli, etc. Ce qui paraît obscur et hasardé dans cette brochure, sera faible et commun dès l’an 1833. Le parti des vieilleries n’a qu’une ressource, c’est de chasser les Italiens ou de les recruter avec des Françaises. De belles voix ne sachant pas chanter, perdraient bientôt la musique.


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