OPÉR ATION FAUS T
La beauté du diable Charles Gounod est né en 1818. Le Grand Théâtre de Genève célèbre ce bicentenaire en ouvrant
son année 2018 avec une nouvelle production de son opéra le plus fameux, Faust, dans une mise
© NICOLAS SCHOPFER / AIMERY CHAIGNE
en scène de Georges Lavaudant. Rencontres avec ce dernier qui marqua le Festival d'Avignon ces trente dernières années, avec Richard III et Le Roi Lear. Deux des rôles-titres de cette nouvelle production de Faust, Ruzan Mantashyan (Marguerite) et John Osborn (Faust) nous éclairent sur leur manière d'aborder leurs prises de rôles.
a musique, ni l’esprit de l’œuvre. » CS Mais l’évolution de Marguerite, sa transfiguration, c’est le cœur même de cet opéra. GL Et on l’a bien compris en Allemagne, où on l’a rebaptisé Margherete. C’est pour mettre l’accent sur le destin tragique de l’héroïne que nous nous sommes permis de supprimer le ballet, qui, aussi belle soit la musique, coupe le mouvement fatal. Marguerite, « ni demoiselle, ni belle », est séduite, puis abandonnée, elle met au monde un enfant, Méphisto la voue aux enfers, elle est maudite par son frère, elle tue son enfant, on la jette au cachot, elle devient folle, Faust survient, il s’est ravisé, il l’aime toujours, mais elle est appelée par une réalité supérieure, et quand se fait entendre le cantique de Pâques, elle meurt, mais son âme est sauvée. Le moment essentiel, c’est le duo du jardin, où l’action semble s’arrêter, moment difficile à mettre en scène d’ailleurs, où s’installe une émotion vraie, profonde, qu’on ne trouve pas ailleurs dans l’œuvre. Emotion portée par la musique. CS Gounod avait songé un temps à entrer dans les ordres, il était inscrit au Séminaire de Saint-Sulpice, comme Des Grieux… Comment vous débrouillez-vous de la religiosité de Faust ? GL Il y a ses convictions d’homme, convictions religieuses, qui sont réelles et que personne ne peut mettre en doute. Après, ce qui est toujours très beau chez les artistes, c’est qu’il y a un inconscient qui s’exprime, et peut-être Gounod se permettait-il des choses, des effusions moins en accord avec son catholicisme… Il y a un moment où le poète prend le dessus.
[CI_DESSUS]
Croquis du décorateur Jean-Pierre Vergier pour l'Acte V.
CS À quoi ressemblera votre mise en scène ? GL Justement, il y a un moment capital au théâtre, c’est celui où, après avoir réfléchi, rêvé, sur le texte, on se retrouve face aux acteurs-chanteurs, à leur corps, et c’est bien à partir d’eux qu’on vérifie si ses intuitions, ce que je disais à l’instant sur le musi[suite]
GTG1718_ACTO34_BAT.indd 5
ACT- O | 34 . 5
17.01.18 09:32