Contes pour Petits Sorciers

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Préface

Ah vous voilà ! Bonjour à tous, c'est un plaisir pour nous, Serpentard, de vous présenter notre livre de contes. Mais qui vois-je au fond ? Mesdames Montmort et Loewy, venez donc, ne soyez pas timides. Approchez-vous ! Alors où en étions-nous ? Ah oui, le livre de contes … Avant de commencer, voici quelques conseils pour profiter au maximum de cette lecture : installez-vous confortablement sous un petit plaid, et servez-vous donc un chocolat chaud ou un verre de whisky pur feu - pour les plus courageux. Afin que votre expérience soit des plus immersives, nous vous conseillons de lancer une playlist ASMR avec un feu de bois et une pluie battant le carreau. Bonne écoute et bon voyage à tous !


Sommaire

Genèse ................................................................................................ 4 Elias & l’Onyx .................................................................................... 8 I. L’Ambition de Salazar................................................................. 14 II. L’Amour de Günter ..................................................................... 19 III. Le Concours de Tartes .............................................................. 23 IV. L’Endormie & l’Onyx .............................................................. 27 V. La Petite Coursière ...................................................................... 34 Elias & l’Eternelle ............................................................................ 37 Un mot sur l’auteur ........................................................................... 41 Remerciements ................................................................................. 42


Genèse

Il était une fois, une Tisserande. C’était une belle jeune femme, aux lèvres bleues et aux yeux verts ; sa peau, pâle comme la neige, ajoutait une note froide à sa beauté. En dépit de son apparence, la Tisserande était très ancienne ; elle était née au commencement des temps. Ainsi, parmi les siens, on l’appelait l’Éternelle. Elle habitait une petite chaumière poussiéreuse, dans laquelle le bruit rythmique des métiers-à-tisser se mêlait aux glouglous d’une petite fontaine enchantée. Son seul compagnon était un Augurey doré.

L’Éternelle était une femme très affairée : sa chaumière était encombrée de fils entrecroisés, telle une immense toile d’araignée. Ses trois métiers-à-tisser étaient enchantés, ne cessant jamais de travailler ; l’un d’eux créait les fils, le 4


second tissait les trames en enlaçant tous ces fils à leur place, et le troisième, enfin, défaisait les trames. L’Éternelle, quant à elle, entretenait les métiers, observait le motif du Tissu, et coupait les fils. Puis le cycle recommençait : les fils étaient créés, tissés, coupés…

On lui avait confié cette tâche il y a fort longtemps, et elle poursuivait son travail méticuleusement, chaque jour depuis des milliers d’années… Mais un jour, alors qu’elle observait un fil particulier, elle vit l’homme qui le parcourait faire une erreur. Oh rien d’exceptionnel, une toute petite erreur de jugement, si bénigne qu’il ne s’en aperçut pas lui-même… Mais aussitôt, le métier à tisser dévia le fil de son destin. Il aurait dû faire partie de la trame quelques années de plus, mais ce nouveau pas l’avait dévié ; il entrait déjà dans le troisième métier, prêt à être dénoué. L’Éternelle avait vu cela des milliards de fois, mais elle avait observé l’humain parcourir ce fil si longtemps, que son cœur se serra de tristesse…

À cet instant, elle se demanda s’il n’existait pas un moyen de déjouer la fatalité. Après tout, elle voyait clairement les destinées ; peut-être pouvait-elle faire quelque chose de plus ?

Peut-être que son rôle ne se bornait pas qu’à observer ?

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La femme tapota la surface de sa fontaine en laissant des cercles s’y déployer, puis, saisissant une poignée d’eau, elle la jeta devant elle en une gerbe scintillante ; l’eau se dispersa, puis se recomposa comme une porte enchantée.

L’Éternelle tapota la surface transparente jusqu’à ce que l’eau se transforme en glace, et la glace devint Miroir.

Fébrile, elle attrapa ensuite son Augurey, qui laissa échapper un cri contrarié, car il était très chatouilleux. Sa main cueillit délicatement l’une de ses jolies plumes dorées, et la transforma en un cadre gravé qui enveloppa le Miroir. Après quoi la femme admira son œuvre avec un sourire ravi ; elle allait enfin pouvoir établir un dialogue grâce à cette fenêtre sur le monde.

Soudain, elle réalisa avec épouvante que ce n’était pas suffisant : pourquoi les humains écouteraient une inconnue avec un miroir ? Les chances étaient grandes qu’ils choisissent la méfiance, et préfèrent ignorer leur destin…

Alors l’Éternelle saisit l’onyx qui ornait son propre cou, le détacha de sa chaîne et posa ses lèvres glacées sur la pierre. Aussitôt, au cœur de la noirceur opaque du joyau, s’élevèrent et tournoyèrent des lambeaux de brume : l’Onyx portait désormais un fragment de sa Personne et de sa Vision qui dévoilait les destinées humaines. 6


Satisfaite, l’Éternelle incrusta la Pierre en haut du cadre doré, juste au-dessus de son reflet. Ainsi, les Hommes verraient par eux-mêmes, au travers de l’Onyx enchantée, et ils croiraient.

Et c’est ainsi qu’elle laissa choir son Miroir dans un petit village, au fond d’une forge.

C’est un serf moldu qui le découvrit pour la première fois. Lorsqu’il effleura le cadre doré, très intrigué, l’Éternelle apparut dans le reflet, prête à éclairer cet homme sur sa destinée. Mais ce dernier fut épouvanté, et cria à la sorcellerie et au diable. Les moldus tentèrent de détruire ce Miroir maudit, sous le regard impuissant de l’Eternelle, mais aucun feu, ni aucun coup, ne put en briser le reflet.

En revanche, l’Onyx brumeux se détacha du cadre doré dans un petit nuage scintillant ; il ricocha sur les pavés, puis disparut comme par enchantement, et aucun moldu ne put mettre la main dessus pour le détruire.

Le Miroir, abandonné loin des Hommes, fut perdu.

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Elias & l’Onyx Le jeune Élias donna un coup de pied énervé dans un caillou, puis jeta un regard contrarié aux grands arbres sombres qui grandissaient tout autour de lui. Sombre-cime était l’endroit le plus vide et barbant de toute la Terre : il n’y avait que de vieux sapins éparpillés et des reliefs parsemés d’aiguilles par ici. Aussi, Elias s’ennuyait ferme, car personne n’avait voulu jouer avec lui cet aprèsmidi ; on l’avait trouvé trop nul pour lui permettre de participer à une partie de Bavboules improvisée.

Ce n’était vraiment pas sa journée. Déjà, il avait eu une mauvaise note en dictée ce matin, et maintenant il se retrouvait tout seul, sans avoir rien à faire. Le petit sorcier finit par quitter les bois, et rentra chez lui en soupirant. Dès qu’il passa la porte, Elias ôta ses bottes et monta quatre à quatre les escaliers. Sur le seuil de sa bibliothèque, cependant, il se figea et décida de se glisser entre les rayonnages : Elias aimait bien les contes sorciers et les histoires qui faisaient peur, comme celle de la terrible Goule du Liechtenstein. Il parcourut les étagères des yeux tristement. Le livre n'était pas là, à ce qu'il semblait ; il devait être dans la réserve de ses parents.

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Ces derniers ne voulaient pas qu’il y entre, et Elias ne voyait vraiment pas pourquoi ; les adultes avaient toujours peur de tout ! Le garçon jeta un coup d’œil innocent autour de lui, et se faufila discrètement dans la réserve avec insouciance.

Il parcourut des yeux la pièce, son cœur battant d’une appréhension aventurière. Mais ce n’était qu’un débarras étroit, rempli de vieux livres, et dont le plafond était parsemé de toiles d’araignées, pendouillant comme de petits torchons de poussière. Son livre était là ! Le garçon s'appuya sur une étagère pour se hisser jusqu'à lui … Un claquement sec retentit sous sa main, et soudain une porte grinçante s'ouvrit. Stupéfait, Élias passa la tête dans l'ouverture avec curiosité. C’était un petit cagibi vieillot. Dans un coin, de vieilles malles en lambeaux s’entassaient. Juste à côté, sur une chaise croulante semblant dater du MoyenÂge, se trouvait une pile de vieux livres au cuir abîmé. Le petit sorcier s’engouffra dans la minuscule pièce, le parquet grinçant horriblement sous ses pieds, et il fronça les sourcils en se dirigeant vers le mur de pierres érodées en face de lui. Il y avait quelque chose ici…

C’était un grand Miroir, tout élimé et moucheté de poussière. Élias soupira de déception. Il passa la main sur la glace sale et trouble, dévoilant son reflet bizarrement déformé, puis son doigt caressa le cadre doré pour dénicher d’éventuelles inscriptions. 9


Un éclair passa devant ses yeux, et le Miroir se voila comme si la pièce s’effaçait devant lui. Une impression de chute vertigineuse l’étreignit brusquement, et Elias atterrit tout à coup au milieu du parc verdoyant de Sombre-Cime. Il faisait beau...

Elias avançait d’un pas confiant vers le groupe d’enfants accroupis autour de Bavboules colorées. Dans sa poche, il serrait compulsivement une Pierre glacée et lisse. Le garçon s’imposa dans la partie, et les écrasa tous par son talent. Les autres enfants le complimentèrent et lui demandèrent des conseils admiratifs. L’image se dissipa, Elias atterrit dans sa salle de classe.

Son maître d’école le félicitait, alors qu’il venait de donner une nouvelle bonne réponse ; le garçon était en effet le meilleur de toute la classe. Il en avait rêvé des dizaines de fois. La pièce se dissipa de nouveau, et Elias atterrit dans sa chambre.

Saisissant son balai de Quidditch flambant neuf, Élias avait grandi et était devenu très fort, aussi musclé qu’il l’avait espéré : il allait enfin devenir le capitaine de l’équipe avec ce nouveau balai !

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Tout à coup, Élias cligna des yeux et se retrouva dans le cagibi poussiéreux. Son cœur s’affaissa de déception, ce n’était qu’une vision… Reportant ses yeux sur le Miroir, le garçon poussa alors un cri de terreur, avant de tomber à la renverse.

Ce n’était plus son reflet qui s’y trouvait, et la glace était aussi limpide que si elle venait d’être lustrée. Une femme aux lèvres bleues et au regard vert était assise sur une vieille chaise, exactement comme l’un des portraits sorciers qui ornaient les murs du couloir. Un sourire énigmatique aux lèvres, elle tapotait ses genoux de ses doigts avec un air impatient :

— Je ne suis pas si affreuse que ça, quand même ? s’enquit-elle, alors qu’Élias la dévisageait d’un air terrifié, toujours affalé dans la poussière.

— Qui êtes-vous ?

— Je m’appelle l’Éternelle. C’est mon miroir que tu viens de trouver.

Élias grimaça et se releva prudemment.

— J’ai fait une bêtise, c’est ça ?

— Non. Je dirais que tu viens de trouver un trésor. 11


Elle fit un mouvement de poignet, et une Pierre noire, dans laquelle une intrigante brume dansait, apparut dans sa main.

Élias se rappela la Pierre dans sa vision ; il savait que c’était elle qui lui avait permis de tout gagner, et de se faire aimer des autres enfants dans son rêve.

— Cet Onyx te permettra de voir ton destin, reprit l’Éternelle, mais d’abord…

— Je le savais ! S’écria Élias, je savais qu’il y avait un trésor ! Donnez-moi la Pierre, je vais devenir le meilleur joueur de Quidditch avec ! Oh et je pourrai aussi devenir Ministre de la Magie, et devenir très riche ! Alors ce sera moi qui déciderai ce qu’on a le droit de faire, et plus personne ne pourra m’interdire quoi que ce soit !

Il s’approcha du Miroir et tendit la main avidement.

L’Éternelle fronça les sourcils et pinça les lèvres.

— Ce n’est pas un jouet, cette Pierre est dangereuse…

— Vous avez dit qu’elle était à moi. Donnez-la moi alors ! 12


Une étincelle malicieuse crépita dans les prunelles vertes.

— D’accord, mais d’abord laisse-moi te raconter son Histoire…

Élias croisa les bras avec impatience, mais déjà l’Éternelle entamait son récit…

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I. L’Ambition de Salazar

Vois-tu, petit mage, il y a de cela fort longtemps, alors que les Hommes avaient déjà commencé à dérober ma relique, un autre apparut. Son nom était Salazar Serpentard. Il n'avait alors qu'une vingtaine d'années, et sortait tout juste du manoir familial, dans le comté anglais de Norfolk. C'était un gentilhomme, charmant et délicat, d'une magie déjà assez puissante. Il avait accompagné pendant plusieurs années son fidèle ami Godric Gryffondor sur les routes britanniques, et désormais, tous deux se trouvaient sur les terres écossaises, accompagnés des comtesses de Serdaigle et de Poufsouffle.

Les quatre sorciers et sorcières étaient arrivés jusqu’ici à la suite des prédictions de Rowena, qui avait probablement senti le pouvoir de la pierre à 14


l'aide de ses propres reliques. Mais ce fut Salazar qui me découvrit la première. Tant d'autres étaient déjà passés ici, et m'avaient volé mon onyx, avant qu'il ne me revienne à chacune de leurs fins tragiques.

Je pensai alors à avertir Salazar, qui me proposa un marché. Peu habituée des humains, je pensais qu'il existait des hommes bons en ces lieux, et sous le charme du sorcier, je lui donnais ma pierre, qu'il avait juré de protéger. Biensûr, il la consulta, car aucun homme ne pouvait résister à son pouvoir. Mais il tint d'abord sa promesse.

Avec ses compères, ils érigèrent l'école de Poudlard, qui s'agrandit d'années en années, alors que la pierre lui avait prédit gloire et puissance à la suite de cette construction. Dans les sous-sols, Salazar s’affaira à la dure tâche qui était de construire un lieu sûr pour mon miroir, la Chambre des Secrets.

Mais, dans un même temps, le sorcier vaniteux s'était mis en tête qu'aucun néde-parents-moldus ne pouvait fouler les pierres de l’école. Toujours juste et pertinente, la pierre lui montrait prophéties sur prophéties au sujet de sa gloire. De mon côté, je l'observais depuis mon miroir, impuissante, et m'affaiblissant à mesure que son pouvoir augmentait.

Salazar Serpentard devint de plus en plus sombre. 15


Voulant à tout prix que cette prophétie se réalise, voulant devenir encore plus puissant qu'il ne l'était déjà, il alla même jusqu'à donner vie à une créature démoniaque, un Basilic, se servant alors de la Chambre comme d'un repère et d'un nid pour son gigantesque reptile tueur.

J'eus beau tenter par tous les moyens de rentrer de nouveau en contact avec Serpentard, le mage devenait toujours plus avide et assoiffé de pouvoir. Il n'était plus le beau jeune homme qu'il avait jadis été, mais un sorcier dont le visage pâle et maladif se tordait de douleur dès qu'il n'obtenait pas ses moindres désirs. Créant ses propres reliques, il forgea son célèbre médaillon, qui traversa les générations, et sa ceinture de vitalité, disparue aujourd'hui.

Il pensait pouvoir survivre aux siècles et garder sa forme olympique, et il mit tout en œuvre pour réaliser ce souhait. Un seul mot lui restait à la bouche : le Pouvoir. Il devint un homme encore plus rancunier que d'ordinaire, avare et paranoïaque, gardant l'onyx pendu à son cou. Sanguinaire et désorienté, il finit par abandonner ses collègues.

Mon miroir, pendant ce temps-là, était resté dans cette chambre mystérieuse, et impuissante, j'assistais au déclin de celui qui m'avait charmée.

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Réfugié dans cette pièce, tenant toujours l'Onyx dans ses mains, Salazar avait, vois-tu, fini par perdre totalement l'esprit.

Rien n'aurait pu le sauver.

Jusqu'à son dernier souffle, la pierre lui indiqua qu'il deviendrait le plus grand et le plus mémorable des sorciers.

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Élias écrasa un bâillement dans sa main.

— Tout le monde sait que Serpentard était méchant, et ça n’existe plus les Fourchelangues en plus. Tout ce qui est arrivé de mal n’a rien à voir avec la Pierre, c’était juste Serpentard le problème. Il voulait devenir le maître du monde.

— Tu n’avais pas des projets de toute puissance toi aussi, tout à l’heure ? Demanda l’Éternelle de sa voix posée.

— Oui, mais maintenant je veux juste me servir de la Pierre pour être riche et heureux. Je peux l’avoir, maintenant que j’ai écouté votre histoire ?

L’Éternelle posa son regard vert sur lui et secoua la tête.

— La Pierre est aussi tombée entre les mains de gens très bien, des gens ordinaires, à qui cette soudaine fortune a causé bien du chagrin… La deuxième fois que quelqu’un a trouvé le Miroir…

Élias s’assit en tailleur et posa le menton dans ses mains, pour écouter le nouveau conte de l’Éternelle. Il aimait bien qu’on lui raconte des aventures sorcières, et il voulait savoir à quel point la Pierre était merveilleuse. 18


II. L’Amour de Günter

Laisse-moi te raconter l'histoire de Günter, un jeune fermier âgé de vingt-sept ans. Alors qu'il se rendait sur la grande place de son village pour vendre ses dernières récoltes, il aperçut en face de lui, à l’étal de fleurs, une demoiselle qui semblait à peine plus jeune que lui.

Un ruban couleur pourpre retenait la longue tresse couleur noisette de la jeune fille. Son doux visage parsemé de quelques taches de rousseur, et ses grands yeux verts lui donnaient beaucoup de charme. Jamais Günter n'avait vu une aussi jolie femme de sa vie ; c'était un véritable coup de foudre.

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Cependant, il n'osa pas l'aborder, et retourna chez lui. Pendant plusieurs mois, il se rendit sur la grande place afin d'observer la jeune fleuriste. Il avait bien essayé de lui parler, mais à chaque fois, il finissait par faire demi-tour, tant sa timidité le bloquait.

Il lui fallait absolument trouver un moyen de vaincre sa timidité, alors il s’en alla dans les bois consulter la vieille Bathilde qui trouvait toujours des solutions à tout. Après avoir écouté Günter, la vieillarde lui confia un miroir tout poussiéreux. Günter ne comprenait pas en quoi un miroir pouvait l'aider, mais il l'emporta toutefois avec lui. Une fois chez lui, le fermier accrocha le miroir au mur, et passa un coup de chiffon dessus. Aussitôt, l'objet scintilla et lui donna une jolie pierre noire.

Il comprit assez rapidement que la pierre produisait des visions, quand il vit où se trouvait son chat qu'il ne retrouvait plus depuis plusieurs jours. Il comprit pourquoi la vieille femme le lui avait donné ; il allait pouvoir s'en servir pour séduire sa demoiselle. En se concentrant sur elle, il eut une vision d’un feu se déclenchant dans la boutique de fleurs, un soir. Quelques minutes avant la tombée de la nuit, il prit alors son manteau, et se précipita dans le magasin afin de vite évacuer la jeune femme, le feu venant à peine de se déclencher. La

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dénommée Odette, prise par l'émotion, ne cessa de le remercier, et Günter l'invita à sortir avec lui.

Mais plus les jours passaient, et plus Odette se montrait atroce avec le fermier.

Cette femme aux beaux atours était en réalité une vraie harpie, bien loin d'être aussi douce qu'il l'avait imaginée en l'apercevant sur le marché. Elle hurlait comme une hystérique lorsqu’il y avait la moindre tache sur le sol, quand il était mal peigné, et elle refusait même de sortir se promener avec lui s’il portait ses habits de travail. Günter se dit qu'il n'avait finalement pas besoin d'une telle femme dans sa vie, qu'elle l'agaçait plus qu'autre chose. Il se sépara d'Odette, redonna le miroir à la vieille Bathilde, et vécut une belle vie, entouré de ses vaches.

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— Alors qu’est-ce que tu en penses, petit sorcier ?

Élias haussa les épaules.

— La Pierre a fait tout ce qu’elle pouvait et il a eu ce qu’il voulait en fin de compte. C’est juste qu’en fait il ne voulait pas ce qu’il croyait vouloir.

— Tu crois que ça l’a rendu heureux, alors, de recevoir la Pierre ?

— S’il s’en était bien servi, il aurait pu l’être bien plus. Moi elle me permettra de devenir riche…

— Comme c’est amusant, le propriétaire suivant de la Pierre avait le même rêve que toi, tu veux savoir son histoire ?

Élias hocha frénétiquement la tête.

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III. Le Concours de Tartes

Sigrid était une jeune sorcière au teint rose et aux mains douces, d’une extrême bienveillance et d’un sens de l’humour très pointu. Elle vivait depuis de nombreuses années avec son mari et leurs trois chats, dans une belle petite maison, non loin de la place du village.

Chaque matin, Sigrid pâtissait. Chaque soir, Sigrid pâtissait.

Elle pâtissait si bien, qu’un jour son mari, amateur de ses délicieuses tartes, l’inscrivit tout naturellement au concours annuel de tartes du village. « Tes tartes sont si délicieuses que tu mettras tout le monde d’accord ! » lui avait-il dit. Sigrid rêvait d’avoir sa propre pâtisserie, et elle accepta de relever le défi.

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C’est ainsi que chaque matin, Sigrid pâtissait, et chaque soir, Sigrid repâtissait.

Elle se donnait corps et âme à la réalisation de ses belles petites tartes, mais n’était jamais satisfaite. Le temps approchait. Elle était si inquiète qu’elle ne s’occupait de rien à la maison, mis à part ses fameuses tartes. Son mari lui conseilla donc d’aller voir son arrière-grand-tante, du côté de sa mère, pour parler cuisine. Sigrid prit la consigne au pied de la lettre et partit rendre visite à cette lointaine parente.

La vieille Léonore, petite fille de feu-Bathilde, vivait toujours dans la maison familiale, où étaient entassés de nombreux objets ayant traversé le temps. Il se trouvait que la vieille Léonore était réputée pour son pain délicieux, qui lui valait même les compliments du roi ! Sigrid était persuadée que celle-ci serait d’excellent conseil.

La vieille Léonore lui prépara un thé infect, avec des biscuits durs comme de la pierre, mais lui offrit ses précieux conseils « Sois toi-même, lorsque tu prépares une pâtisserie. Fais-les à ton image. Essaie de gagner le cœur des jurys avant de gagner leur estomac. Il n’y a rien de mieux qu’un travail bien fait. » Sigrid ne comprenait rien à ce charabia.

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La jeune femme, un peu fâchée d’avoir perdu du temps avec sa vieille parente, se leva du canapé et voulut sortir de la maison. Pourtant, quelque chose l’incita à rester ; dans le miroir au-dessus de la cheminée, quelque chose brillait. Intriguée, Sigrid s’avança, et toucha son propre reflet. Léonore soupira. « Ainsi soit-il, tu découvriras la sagesse par toi-même. » Sigrid n’écoutait pas, elle était obsédée par la pierre qui venait de dégringoler dans ses doigts. C’était l’Onyx.

L’Onyx lui offrit rapidement ses services, car Sigrid voyait. Non, Sigrid savait ce qu’il manquait pour que ses tartes soient meilleures. Elle gagna ainsi tellement de temps en ne cherchant pas les ingrédients miraculeux, qu’elle put se reposer. Elle se reposa bien trop, car elle en oublia même de décompter les jours avant le concours. Sigrid avait gagné en assurance et persuadée de gagner le concours, elle fit sa tarte la plus modeste. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle arriva troisième au concours ! Furieuse, elle jeta la pierre chez la vieille Léonore et lui demanda une explication.

« Tout Sorcier qui veut s’enrichir, doit travailler et réfléchir. »

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— C’est la faute de la pâtissière, elle n’aurait jamais dû se reposer sur ses lauriers !

— Pourquoi ce serait-elle inquiétée ? Demanda l’Éternelle. La Pierre lui avait prédit une victoire.

Élias fronça les sourcils.

— Mais alors la Pierre n’a pas toujours raison ? Elle ne montre pas ce qui va arriver ?

— Le Destin est une affaire compliquée, tempéra l’Éternelle, écoute par exemple ce qui est arrivé au propriétaire suivant…

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IV. L’Endormie & l’Onyx

Dans un royaume lointain, où sorciers et moldus vivaient encore en paix, une reine donna naissance à une petite princesse. Enfin. Car son mari et elle avaient essayé des années durant, mais la reine s'était montrée infertile. Ysmelda, une sorcière dont la beauté faisait parler, l'avait aidée en faisant infuser quelques plantes. Dès ses premiers instants, on sut alors que l'enfant serait la plus belle du royaume. Pour remercier la sorcière, les parents en firent la nourrice de l’enfant.

Choyée par ses parents et observée par la Cour sans arrêt, la jeune fille grandit tout d'abord dans un environnement où tout le monde pouvait se plier à ses moindres désirs. Naïve, elle eut très tôt, dans l'ombre, de nombreuses détractrices. Alors qu'elle savait à peine marcher, son père, un roi voulant 27


gouverner justement sur son pays, se procura un onyx resplendissant, aux capacités dites-divinatoires.

Dérobée à des barbares venus du Nord, la pierre fut dans un premier temps très utile au roi. La popularité de son royaume avait fait un bond après la naissance de cette fille tant espérée, et la réputation de ses terres ne purent que s'accroître. La pierre voyait toujours juste. Si elle prédisait de bonnes récoltes, les paysans pouvaient admirer leurs champs verdir, et si elle assurait une victoire, les ennemis étaient vaincus. La richesse du roi augmenta, et bientôt, il devint obsédé par l'onyx. Le pouvoir, comme aux anciens propriétaires de l'objet, avait commencé à lui monter à la tête. Il consultait alors de plus en plus la relique, parfois en compagnie de sa femme. Mais le couple royal ne put que revenir à la réalité, lorsqu'un soir de tempête, célébrant l’anniversaire de leur jeune enfant, les étranges couleurs de la pierre se muèrent en une brume grisâtre.

Arsinœ, car il s'agissait du nom de l’enfant, tomberait dans un sommeil profond, et ne se réveillerait qu'une centaine d'années plus tard. Les jeunes parents étaient affolés. Leur joie de vivre, leur bambin, ne pouvait leur être retirée de la sorte. Eux qui avaient tant luté, des années durant. Ils ne pouvaient perdre le joyau de la couronne, le début de leur gloire qui plus est. Le roi prit aussitôt des mesures drastiques pour protéger sa royale enfant. 28


Pour échapper à cette prophétie de malheur, Arsinœ fut enfermée dans la plus haute tour du château, constamment gardée, ne recevant de visites que par ses parents, par des elfes fidèles à la Couronne venus aider Mademoiselle dans ses toilettes, et enfin par sa nourrice Ysmelda, qui lui enseignait les arts magiques et les bonnes manières. Les années passèrent, non sans pression, et la solitude de la princesse grandissait, tout comme son incroyable beauté. Même perchée en haut du château, le peuple entier ne parlait plus que d'elle. Son malheur devint presque célèbre, et les discussions à son sujet ne firent que s'amplifier.

Alors que le couple royal continuait sans cesse d'utiliser la pierre, qui ne changea pas pour autant son message, les années passèrent encore et encore, et Arsinœ atteignit l'âge de seize ans.

Un cataclysme éclata ce soir-là.

Ysmelda, la nourrice, était une sorcière ayant du sang de vélane. Pendant longtemps, on avait parlé de sa grande beauté dans tout le pays, et cette petite ingrate de princesse était venue lui voler la vedette. La harpie avait caché son jeu pendant plusieurs années, impatiente de réduire la belle à un état silencieux.

Désormais, la vieille sorcière était prête à se venger.

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Tous les garçons s'étant promis à la princesse n'étaient motivés que par sa grande beauté ; ainsi, le sortilège qu'Ysmelda lança ce soir-là, empêcherait même les plus grands sorciers de la réveiller. Seul un prétendant motivé par autre chose que le mariage avec une belle femme pourrait alors la sortir de son sommeil.

L'horreur frappa le royaume lorsqu'on découvrit que la princesse s'était endormie, aux côtés de sa tendre nourrice. Les jours passèrent, et, avec elle, le peuple s'endormit lui aussi, et la puissance du roi dégringola, alors que luimême se mit à somnoler sur son trône. Arme à l'épaule, les gardes roupillaient tandis que les servantes jadis affairées, étaient étendues au sol, et même les animaux, tous dans un sommeil profond.

La princesse n'avait pu échapper à son destin, à la prophétie qui lui était assignée.

La pierre avait toujours le dernier mot.

Les décennies s’écoulèrent petit à petit, et tous les princes ayant eu vent de l'histoire de cette étrange princesse essayèrent tant bien que mal de passer à travers la végétation qui avait peu à peu repris le dessus, à travers les ronces posées là par la pernicieuse harpie. Aucun ne réussit à franchir ce mur, et 30


beaucoup y perdirent la vie, tous motivés par la légendaire beauté de la princesse. Mais cent ans passèrent, et la végétation se mit à grandir encore et encore, si bien que plus personne ne se souvint du royaume endormi, devenu une légende pour endormir les petits nobles.

Un jour, un jeune homme ayant été bercé au rythme de ce conte à la princesse aux cheveux d'or, s'aventura dans ce qui était devenu une forêt impénétrable, aux sapins aussi grands que la tour où dormait la princesse.

Prêt à découvrir ce qui était réellement arrivé à ce peuple dont il était persuadé de l'existence, le prince galopa plusieurs jours jusqu'aux ronces, qui s’éveillèrent après de longues années de sommeil.

Les fleurs poussèrent à travers les épines alors que le Prince s'aventurait dans les rues de la ville, où chevaux, soldats, chiens, et servantes étaient endormis, comme s'ils n'avaient jamais vieilli. Ses pas menèrent le noble chevalier jusqu'au château, où un roi et une reine inertes étaient penchés sur une vitrine ayant probablement contenu autrefois un socle, avec une pierre précieuse.

Les ronces avaient poussé jusque dans la demeure de la princesse qu'il avait toujours espéré délivrer. Être un héros au service du bien était son unique motivation, et les ronces continuaient de fleurir sur son passage. Arrivé devant 31


la porte, gardée par un homme endormi comme un bambin, Justis emprunta finalement le passage sans difficulté. Lorsqu’il entra, une jeune femme s'éveilla dans un lit qui n'avait pas été touché par les ronces. D'une immense beauté, elle venait d'être sauvée, et voilà tout ce qui comptait alors.

Si la pierre, alors retournée à son miroir, avait vu juste, elle aurait prédit au couple royal que leur fille pourrait être délivrée de sa malédiction. Ils n'avaient pas réfléchi, et ignoraient qu'il ne fallait pas chercher à échapper à ce qui était écrit.

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— Mais c’est une Pierre maléfique en fait ! S’écria Élias en jetant un regard effrayé à l’Onyx brumeux.

— Pas tout à fait, ça s’est bien fini pour la Princesse, finalement, non ?

Élias souffla d’exaspération et fusilla l’Éternelle des yeux.

— Ouais, enfin, ça a mis du temps avant qu’elle soit heureuse… Est-ce que vous pouvez me raconter l’histoire d’une seule personne qui n’a pas eu d’ennuis à cause de votre Pierre ?

— C’est la façon dont ils s’en sont servi qui leur a causé tant de malheurs, tu l’as bien vu.

— Il n’y a pas trente-six mille façons de s’en servir, répliqua le garçon, elle nous montre notre avenir, tout ce qu’on pourrait avoir grâce à elle…

— Pas forcément, il y a eu quelqu’un à qui la Pierre n’a pas montré son destin. Laisse-moi te parler de Sophia…

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V. La Petite Coursière

Sophia était une enfant douce et joyeuse, qui vivait avec ses parents dans un village sorcier. Sa famille tenait une boutique d’Apothicaire, et souvent Sophia aidait ses parents à livrer les remèdes. Tout le monde la connaissait au village, et tout le monde l’aimait, la petite coursière de l’Apothicaire.

Toutes les portes lui étaient ouvertes.

Un jour, alors qu’elle jouait dans le grenier avec deux de ses amis, les deux garçons se chamaillèrent et ils firent tomber un grand drap ; le tissu glissa sur un cadre suranné et révéla leur reflet. Les deux garçons se désintéressèrent vite du vieux miroir, et Sophia les suivit pour aller jouer près de la rivière. Mais le 34


soir venu, elle revint admirer le Miroir au grenier, pour en caresser le cadre gravé en contemplant les spirales qui l’ornaient… Et c’est ainsi qu’elle reçut la Pierre.

Mais l’Onyx brumeux réagit différemment cette fois.

Quand Sophia croisa la doyenne du village, le ciel s’assombrit et une lune ronde éclipsa le soleil. Sur le chemin qui menait au puits, elle vit la doyenne face à un loup-garou gris. Le soleil revint et les oiseaux continuèrent leur chant, Sophia salua la doyenne en ignorant son imagination d’enfant. Le lendemain la doyenne n’était plus là et le puits était plein de sang.

Le jour suivant, la petite coursière croisa le marchand qui partait en ville, elle vit qu’il serait attaqué par des Brigands. Cette fois, elle se fia aux visions de la Pierre et le prévint. Le marchand, alerté, prit son fils avec lui, celui qui était bon duelliste, ils chassèrent les Brigands et ils revinrent vivants.

Sophia ne voyait pas son propre destin comme les précédents propriétaires de la Pierre, elle ne voyait que celui des autres. Effrayée par tous les malheurs qui allaient survenir, elle se mit à conseiller les gens à l’aide de ses visions et à leur interdire de sortir ou d’agir à leur façon. Elle ne pensait qu’à leur bien, mais à chaque malheur qui survenait, elle s’en faisait le messager. 35


Les villageois commencèrent à s’effrayer de cette petite coursière qui ne portaient plus désormais que les malheurs et les chagrins.

Toutes les portes se fermèrent.

Abandonnée de tous, elle partit pleurer seule près de la rivière ; là, elle sentait l’aura glacée de la Pierre irradier dans sa main. Elle se rappela le temps où elle n’était que la petite Coursière qui courait joyeusement pour apporter les remèdes, sans connaître les lendemains et les destins. Sophia regarda une dernière fois les voiles brumeux qui tournoyaient comme des spectres dans l’Onyx noir ; elle avait fait son choix. La Pierre s’envola jusque dans la rivière. Aussitôt les visions se dissipèrent comme des nuages d’orage découvrant le ciel bleu. La petite coursière prit sa baguette et retira le souvenir du Miroir aux malheurs de son esprit, elle contempla le fil nacré un instant puis le versa dans la rivière également. Ainsi, elle ne serait plus tentée de retourner le voir.

Bien vite, elle redevint la petite Coursière qui courait en riant, ne portant plus désormais que les remèdes de l’Apothicaire, et de nouveau tous l’aimèrent.

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Elias & l’Eternelle — Alors elle était plus heureuse sans les visions de la Pierre en fin de compte… Mais elle a pu sauver des gens quand même, grâce à elle, non ?

— Peut-être. Ou alors la Pierre n’avait pas montré le reste du chemin, et ils s’en seraient sortis sans son intervention, comme c’est arrivé pour la Princesse endormie.

Élias se releva et épousseta pensivement son pantalon maculé de poussière. Il observa l’Éternelle qui l’étudiait de son regard bienveillant.

— Vous avez pris le temps de me raconter tous ces contes pour que je ne fasse pas les mêmes erreurs que les autres mais… Pourquoi avez-vous créé la Pierre, puisqu’au final on ne sait jamais si elle fera le Bien ou le Mal ?

Un Augurey doré apparut dans un battement d’aile ; il se posa près de l’Éternelle, et laissa quelques notes tristes retentir. La femme aux lèvres bleues émietta distraitement un morceau de pain pour lui.

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— Je voulais vous donner le choix. Je n’avais pas anticipé l’effet qu’aurait un tel Pouvoir dans des mains humaines… Il m’a fallu du temps pour me rendre compte de ce qu’une telle connaissance, aussi brutale et limpide, pouvait faire à un esprit humain… C’est pour ça que je n’ai pas voulu te donner la Pierre tout de suite.

Élias sourit.

— J’aurais fait comme eux, je crois, avoua-t-il en contemplant la Pierre brumeuse que l’Éternelle tenait entre ses doigts. Vous pourriez peut-être garder la Pierre avec vous et vous contenter du Miroir et des contes, maintenant ?

— Je ne peux pas empêcher ceux qui découvrent le Miroir de réclamer la Pierre.

Élias comprit que s’il demandait la Pierre maintenant, elle ne pourrait rien faire pour l’en empêcher. Toutes les visions de succès qu’il avait eu en découvrant le Miroir lui revinrent à l’esprit, et son cœur se mit à battre plus fort de convoitise. Le Pouvoir, la Richesse et l’Amour à portée de main, il y avait juste à suivre le chemin des visions…

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Maintenant qu’il était prévenu, peut-être ferait-il mieux que les autres ? L’Éternelle lui présenta la Pierre depuis le Miroir, son regard vert était devenu insondable et froid.

Le garçon tendit la main vers elle…

*** L’Éternelle coupa un nouveau Fil du troisième métier, encore une trame de dénouée. Les années avaient passé depuis qu’elle avait rencontré le petit sorcier, et elle continuait de s’affairer autour des métiers à tisser enchantés. Les fils se créaient, se tissaient, se dénouaient, elle ne pouvait que regarder.

Elle posa les yeux sur un des fils, et observa le sorcier qui le parcourait.

Élias volait sur son balai au milieu des applaudissements d’une foule agitée ; il avait son équipe à ses côtés. Le match était corsé, mais il était à deux pas de la victoire. L’instant suivant, il s’emparait de la petite balle dorée au milieu des huées de gloire. L’Éternelle l’observa triompher, un sourire étirant ses lèvres glacées ; elle caressa son Augurey et s’éloigna des métiers à tisser. Elle contempla son reflet dans sa petite fontaine, et porta la main au joyau qui ornait son cou de porcelaine. Les volutes continuaient de tourner dans la Pierre glacée, mais l’Onyx avait retrouvé sa chaîne. 39


L’Éternelle n’avait plus reçu l’appel du Miroir depuis de nombreuses années.

La dernière fois qu’il l’avait chatouillé, elle s’était arrêtée près des métiers à tisser pour observer le fil du petit sorcier qui l’appelait. Elle l’avait vu à l’entrée du troisième métier.

Elle avait préféré lui parler et tout lui raconter. Tout plutôt que d’avoir à le couper. Et ça avait marché. Pour la première fois depuis qu’elle avait créé la Pierre, l’un d’eux l’avait écouté ; et il avait renoncé. Après avoir joué les conteuses tout l’après-midi, elle avait vérifié les métiers à tisser, le fil du petit sorcier s’était dévié. Il se tissait parmi les motifs les plus colorés de la Trame, bien loin du troisième métier.

L’Éternelle abandonna son reflet, et continua de s’affairer au son rythmique des métiers à tisser.

Les fils se créaient, se tissaient, se dénouaient.

FIN 40


Un mot sur l’auteur Né en 1990 dans le village de Sombre-Cime en Allemagne, Boris Thorbringer est un écrivain spécialisé dans les contes pour petits sorciers. Après une enfance heureuse dans la demeure familiale et une scolarité remarquable à Durmstrang, Boris étudie les runes à l'Institut Supérieur de la Magie de Baden et excelle dans sa carrière de Briseur de sorts. Il ne revient à Sombre-Cime que des années plus tard, après son mariage avec Guinevere. Son plus grand succès Contes pour Petits Sorciers, paru en 2027, est inspiré d’une histoire de famille qui s’est transmise de génération en génération depuis le XIXème siècle. D’abord racontées dans un cadre familial, notamment à ses enfants, Armin et Lili, les histoires d'Elias sont ensuite contées aux amis et aux voisins. Moins de deux ans plus tard, la première édition paraît en autoédition. Si le succès est vite au rendez-vous, l’édition reste dans le giron familial, Boris refusant les propositions de rééditions des maisons d’éditions magiques. Il vit aujourd’hui toujours à Sombre-Cime, avec son épouse, où il continue d’écrire des contes pour petits et grands sorciers.

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Remerciements La traduction de cette version des Contes pour Petits Sorciers n’aurait pas été possible sans la formidable mobilisation des élèves Serpentard, de l’école de sorcellerie Poudlard (Écosse). Les Éditions Bloomsbury remercient chaleureusement chacun et chacune pour leur disponibilité, leur patience, et tous leurs talents réunis ; la Maison Serpentard a su fournir les efforts nécessaires pour redonner vie à ce livre. Miss Taylor, leur directrice de Maison, reçoit également nos plus sincères éloges.

Bloomsbury Editions

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