Jef Aérosol

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Réminiscences de la fibre urbaine, les œuvres sur carton, — pochoir et aérosol —, ici réunies nous plongent au cœur de l’univers ô combien emblématique de Jef Aérosol. De petits pochoirs apposés à la volée à l’angle d’une rue aux fresques démesurées des quatre coins du monde, l’artiste n’aura de cesse, depuis plus de trente-cinq ans, de se confronter à l’extérieur, à l’altérité, et d’œuvrer in situ. En se projetant sur un support matériellement défini, qui n’existe que par lui-même, il n’hésite pas, depuis plusieurs années déjà, à se remettre en jeu dans des espaces clos.

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Nous connaissons la genèse de son activité : 1981, concert des Clash au Théâtre Mogador, le graffiti-artiste new-yorkais Futura 2000 peint, sur scène, une immense toile. Au-delà de la « fièvre de l’instant », l’usage inédit de la bombe aérosol ne laisse pas indemne le jeune nantais. La dimension plastique et poétique de ses propres matrices ciselées ne se fait pas attendre. 1982 : les murs de Tours voient éclore ses premiers photomatons agrandis. Cette pratique originale et intensive qui fut, dès lors, la sienne, le propulse au rang des pionniers du Street Art en France. Ce que nous connaissons peut-être moins, c’est le goût précoce de l’artiste pour l’expérimentation autant que sa boulimie d’images. Avant d’adopter le pochoir, qu’il situe au départ, non sans humour, « quelque part entre Andy Warhol et le Punk », l’apprenti s’est essayé à diverses réalisations : affiches, illustrations de fanzines, maquettes de disques, polaroïds, collages, dessins à l’encre de Chine… Il se sent fortement influencé par le collectif Bazooka — visant la désacralisation de l’objet d’art dans les années 70 — par le photo-graphisme à l’imagerie pop, par Roman Cieslewicz et Milton Glaser, par les affiches psychédéliques de San Francisco ou bien encore par Bernard Rancillac et Gérard Fromanger, qui font de la peinture à partir de photographies. Tous posent les jalons de son vocabulaire formel singulier, fondé sur une conception libérée de l’approche visuelle, sans high ni low, et surtout, affranchie de tout apriorisme. L’iconographie de Jef Aérosol est en constante évolution, bien que son Panthéon personnel, spontanément empreint de contre-culture, — entre rock stars et anonymes —, soit immédiatement reconnaissable entre tous. Dans le cadre de l’exposition « Living Stones », le peintre a choisi de poursuivre ses récentes investigations autour de sa réinterprétation plastique de sculptures antiques, ancrée sur le bidimensionnel, la stylisation et les contrastes, par le biais du pochoir. Il puise son inspiration dans le Patrimoine, à l’échelle mondiale, et dans l’Histoire de l’Art, à travers les siècles, qu’il confronte aux individus actuels et, plus largement, à la contemporanéité. Détournements et anachronismes sont de rigueur. En associant le vivant au figé, la pierre à la chair, l’immuable à l’éphémère, Jef Aérosol métamorphose les œuvres originales dont il s’inspire. Il pose, en d’autres termes, la question de la « représentation » de l’être humain et nous propose de porter un regard neuf, et non moins alerte, sur ce qui nous entoure. Alexandra Marini


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DOWN BY THE RIVER - 150 x 150 cm - inspirĂŠ de la statue de La Loire, sculpture de Daniel Ducommun du Locle pour la fontaine de la Place Royale (Nantes, 1865)

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DISQUE DUR ET MEMOIRE VIVE - 160 x 150 cm - inspiré de la sculpture « Chactas en méditation sur la tombe d’Atala » de Francisque Duret (1836) elle-même inspirée du roman de Chateaubriand « Atala ou les amours de deux sauvages dans le désert » (1801)

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NE QUITTEZ PAS - 155 x 155 cm - inspiré de la sculpture de Jean-Joseph Perraud « Le Désespoir » (1869)


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INNOCENCE - 220 x 135 cm - inspiré du Temple de Baalshamin (Palmyre, Syrie)


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SATANEE FLECHE ROUGE ! - 110 x 78 cm - inspiré de la sculpture « Deux amours luttant pour un cœur », souvent faussement attribuée à Jean-Baptiste Pigalle. L’œuvre originale est en réalité de François-Joseph Leclercq (1780)


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Angels - pochoir sur papier - collĂŠ sur mur - Vilnius, Lituanie, octobre 2016 (photo : Jef AĂŠrosol)


AU PIED DU MUR - 212 x 135 cm - inspiré de l’artiste-plasticien-performeur Arthy

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LA VIERGE VOILEE - 120 x 120 cm - inspiré de la sculpture de Giovanni Strazza (circa 1851)


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Arthy - pochoir sur papier - collĂŠ sur mur - Vilnius, Lituanie, octobre 2016 (photo : Morgane Perroy)


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THOMAS ET APHRODITE - 200 x 135 cm - inspiré de la statue d’Aphrodite visible au British Museum (Londres) et du musicien/poète Thomas Baignères.


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LE CHAT DU MUSEE - 190 x 135 cm - inspiré de la statue « A la mer » du sculpteur mauricien Charles Adrien Prosper D’Epinay (1883)


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NIRVANA - 135 x 220 cm - inspiré de Boudha géant de Bodhgaya (Inde)

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LA ROSE D’ESPOIR - 125 x 130 cm

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LES GALETS GEANTS - 190 x 135 cm


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LA LIBERTE SAIT-ELLE NAGER ? - 82 x 135 cm - inspiré de la Statue de la Liberté d’Auguste Bartholdi (New-York 1886)

LE PLONGEOIR - 170 x 135 cm


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CHELSEA BUTTERFLY - 200 x 60 cm - inspiré de l’Hotel Chelsea (New-York)


PAS DE BRAS… - 135 x 220 cm - inspiré de la Vénus de Milo (visible au Musée du Louvre, Paris)

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LADY BIRD - 120 x 120 cm - inspiré de la sculpture de David D’Angers « La jeune grecque au tombeau de Marco Botzaris » (1827)

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LEO WITH SPRAYCANS & STENCILS - 205 x 135 cm - inspiré de la statue de Léonard de Vinci visible au Piazzale des Offices (Florence)

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LODOVICO BUONAROTTI SIMONI - 205 x 135 cm - inspiré de la statue de Michel-Ange - visible au Piazzale des Offices (Florence)


Michel-Ange et LĂŠonard De Vinci - pochoirs sur papier - collĂŠs sur mur - Florence, Italie, septembre 2014 (photo : Yan Blusseau)

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JUST AN ILLUSION - 220 x 175 cm - inspiré du Mount Rushmore (USA)

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MY GENERATION - 86 x 120 cm - inspirĂŠ de Ludwig Van Beethoven et de Pete Townshend

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EASTER - 120 x 120 cm - inspiré des Géants de l’île de Pâques

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Sittin’ Kid - pochoir sur mur - ancienne gare de La Madeleine - Nord, France, 2013 (photo : Jef aÊrosol)

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OUT OF REACH - 300 x 243 cm - inspiré par « L’Enlèvement des Sabines », sculpture de Giambologna (1582) - pochoirs et aérosol sur palissade en bois

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MINUTE PAPILLON ! - 170 x 170 cm - inspiré de la statue « Atalante » de Pierre Lepautre (1705), elle-même copie d’une sculpture héllénistique antique.

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Ouvrages monographiques

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XJef Aérosol — Parcours fléché, Editions Alternatives, Paris, 2013. X Patrick Le Fur, Jef Aérosol, Risque de rêves, Critères Editions, Grenoble, 2012. X Jef Aérosol, VIP : very important pochoirs, Editions Alternatives, Paris, 2007.

© Ferial Hart

Toutes les oeuvres : pochoirs et aérosol sur carton (sauf p.63 : pochoirs et aérosol sur bois)

Bibliographie

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1 Black boy - 26 x 26 cm 2 Enlèvement des Sabines (détail) - 50 x 65 cm 3 Young girl - 43 x 60 cm 4 Visage de femme (détail Sabines) - 25 x 32 cm 5 Wall & butterfly 1 - 80 x 41 cm 6 Mère et enfant - 38 x 80 cm 7 Visage de femme (détail Sabines) - 25 x 32 cm 8 Beethoven - 37 x 57 cm 9 Eyes - 10 x 32 cm 10 Visage d’homme (détail Sabines) - 25 x 32 cm 11 Water & butterfly 1 -44 x 44 cm 12 Enfant - 47 x 68 cm 13 Michel-Ange - 31 x 52 cm 14 Pieds - 34 x 38 cm 15 Désespoir (détail) - 43 x 54 cm 16 Main tendue - 48 x 32 cm 17 Léonard de Vinci - 43 x 52 cm 18 Douleur - 51 x 32 cm 19 Atalante - 32 x 32 cm 20 Baby - 40 x 40 cm 21 Asian baby - 20 x 65 cm 22 Water & butterfly 2 - 31 x 45 cm 23 Sittin’ kid - 27 x 78 cm 24 Black boy - 26 x 26 cm 25 Look up - 48 x 48 cm 26 Long-haired girl - 43 x 66 cm 27 Boudha - 45 x 31 cm 28 Coccinelle - 38 x 30 cm 29 Chocolat - 66 x 37 cm 30 Rocks & butterflies 1 - 52 x 66 cm 31 Water & butterfly 3 - 77 x 36 cm 32 Headphone - 27 x 29 cm 33 Bare feet - 30 x 43 cm 34 Twitter - 46 x 101 cm 35 Cat & bird - 53 x 41 cm 36 Black kids - 15 x 43 cm 37 Rocks & butterflies 2 - 50 x 53 cm 38 Wall & butterfly 2 - 41 x 70 cm 39 Le Penseur - 65 x 26 cm 40 Angels’ feet - 23 x 64 cm 41 Twitter - 46 x 101 cm 42 Chactas - 44 x 44 cm


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Fly away - pochoir sur papier - collé sur mur - Stockholm, Suède, octobre 2016 (photo : Jef Aérosol)

Quel est le fil conducteur de cette exposition, intitulée « Living Stones » ? J’ai souhaité approfondir un thème dont j’avais récemment entamé l’exploration : le traitement au pochoir de sculptures antiques. J’avais, en effet, réalisé en 2014 les portraits en pied de Michel-Ange et Léonard De Vinci (d’après les statues du Piazzale des Offices) que j’avais collées dans la rue, à Florence. De même, ma récente fresque monumentale à Nancy, commande de la Ville, est une version « pochoirisée » de la statue du Roi Stanislas qui trône au cœur de la fameuse place du même nom. Avec Laurent Strouk, nous avons décidé de poursuivre ce travail autour de la représentation de l’humain dans la pierre et avons voulu le développer afin d’interroger les rapports entre la pierre et la chair. A cet égard, les œuvres montrent des statues anciennes, mais aussi des êtres actuels, ce qui renforce la question de la « représentation » du vivant. Pourquoi avoir choisi de vous tourner vers ces monuments de la sculpture, à travers les siècles et les continents ? Lorsque je pars de sculptures, et que j’aboutis à une image bidimensionnelle, le résultat est troublant : on n’a plus la couleur de la pierre, ni la matière, ni la texture, mais du noir et blanc, et, à la manière d’une photographie, cela révèle des choses qui n’apparaissent pas dans la sculpture (et en masque d’autres). Le fait de prendre un personnage de pierre en photo pour en faire un traitement au pochoir induit une autre manière de voir le sujet : il se « déminéralise », en quelque sorte, et (re)devient un quidam immortalisé par une technique moderne (la photo) qui n’existait pas à l’époque où le sculpteur l’avait « figé » dans le roc. Cet effet est accentué par le travail au pochoir et à la bombe qui rend l’image actuelle, moderne et vivante et lui confère une contemporanéité surprenante. Lors d’une récente exposition collective ici-même à la galerie Strouk, j’avais présenté Proserpine, œuvre au pochoir d’après Le Rapt de Proserpine du Bernin, jouant sur le cadrage, le focus sur un détail, insistant sur le contraste. Je voulais donner la sensation de la peau, à partir du marbre, le tout peint sur du carton ! Il s’agit de télescopages entre les époques, les techniques, les approches artistiques. C’est une continuité dans la rupture, ou l’inverse. Quand je « détourne » ces œuvres sculptées, c’est avant tout un hommage à ces grands artistes du passé et à leur héritage. Les personnages représentés dans cette exposition ne sont pas tous des sculptures, n’est-ce-pas ? En effet, j’ai mélangé les statues à de « vrais » gens, anonymes pour la plupart. La sculpture, représentation en 3D de l’être humain, est « aplatie » et stylisée par le pochoir. J’aime l’idée de m’approprier ces œuvres (avec respect et humilité) de sorte que les personnages figurés deviennent aussi humains que les « véritables » êtres humains que je jouxte aux sculptures. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’humanité. Je m’intéresse autant aux personnes vivantes qu’à la représentation de ceux qui « ont été ». Ces personnages, qu’ils aient été sculptés il y a des siècles ou pris en photo récemment sont (ou furent) tous des êtres de chair et de sang. Une fois « pochoirisés », ils se retrouvent « à égalité », la pierre n’est plus cette matière froide et inerte… Certaines œuvres montrent des murs ou des ruines et non des statues, pourquoi ? J’ai eu envie d’étendre ce thème de la sculpture et de l’élargir à la pierre dans son ensemble, l’idée étant d’insister sur ce jeu : minéralité-corps vivant. J’ai peint un mur en pierres sèches, le site de Palmyre, un tas de cailloux… Il m’importait de réfléchir aux rapports entre le pérenne et le temporaire, entre l’immobile et le mouvant (les deux pouvant être émouvants !).


On retrouve dans l’exposition votre fameux « sitting kid ». Que véhicule-t-il ? Le « sitting kid » date de 2003, il est issu d’une photo de magazine que j’ai transformée. Ce pochoir simple, hyper stylisé, je m’y suis attaché et les gens aussi, je pense. Beaucoup s’identifient au kid, quelque soit leur âge ou leur situation, d’une manière ou d’une autre : c’est l’enfant avec un grand E, celui que nous avons été, celui que nous aimerions encore être parfois, celui que nous avons ou n’avons pas eu, celui que nous aurions aimé avoir, celui que nous aurons… On peut y voir de la solitude, du rêve, de la tristesse, de la réflexion… Il n’existe que par ce que l’on y projette.

Le papillon, présent sur plusieurs œuvres, symbolise la fragilité, la délicatesse, l’éphémère. Il entre en dialogue avec la roche, présente depuis des centaines d’années. Il est cependant intéressant de constater que ce que l’on croit éternel peut disparaître en quelques minutes. Je pense, par exemple, à Palmyre…

A la manière du collage, vous jouez beaucoup sur les oppositions. Que signifient ces antagonismes ? Partant de l’opposition pierre-chair, j’ai eu envie de créer des détournements, de provoquer des anachronismes, d’interroger la temporalité. C’est ainsi que l’on retrouve des statues anciennes confrontées à des objets modernes : téléphone, ordinateur. Je pensais aussi à l’œuvre Just an Illusion … Si j’ai choisi de placer un groupe d’enfants devant le Mont Rushmore, c’est à nouveau pour marquer cette opposition entre la pierre et la chair. On m’a récemment fait remarquer que je peignais beaucoup de noirs. C’est exact mais je n’y avais pas vraiment fait attention ! Inconsciemment, je pense que je me mets systématiquement du côté de ceux qui sont victimes d’injustice. Je n’arrive pas à comprendre ni à supporter les racismes, les refus, les peurs, les xénophobies… J’ai au contraire une attirance pour l’autre, pour le différent, pour celui qui souffre ou que l’on rejette. Je me sens donc viscéralement proche et profondément solidaire de tous ceux qui subissent des violences physiques ou psychologiques à cause de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur orientation sexuelle… J’ai choisi de placer ces enfants devant la statue d’Abraham Lincoln, qui a aboli l’esclavage. J’ai appelé l’œuvre Just an illusion parce qu’il suffit de voir l’actualité américaine pour se rendre compte que tout est à refaire… J’évite de « placarder » mes engagements de façon trop frontale ou explicite. Je préfère suggérer, de façon plus poétique que politique, avec les moyens plastiques qui sont les miens. Lorsque je représente le site de Palmyre, c’est avant destruction, et j’ai placé un bébé en premier plan, symbole d’innocence, d’avenir et d’espoir. J’ai aussi peint un enfant devant un tas de pierres, en l’occurrence des ruines, sur lequel pousse une rose noire. On y voit ce que l’on a envie de voir. J’évite de brandir des étendards et préfère laisser chacun interpréter l’image à son gré. Je trouve intéressant que les images soient intemporelles et universelles.

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Quand on évoque votre travail, on pense au rock stars, icônes pop et autres célébrités que vous avez très largement peintes depuis trente-cinq ans, souvent sur toile. Certes, mais chaque exposition est l’occasion de tenter quelque chose de nouveau, tout en restant fidèle à ma ligne de conduite, ne serait-ce que par l’emploi de la technique du pochoir. Quant au choix du support, à l’exception d’une palissade en bois, les œuvres sont toutes réalisées sur carton. J’utilise ce matériau « non noble » depuis une dizaine d’années et je trouvais intéressant de l’introduire dans une telle galerie, au cœur de ce quartier très chic ! C’est une façon de désacraliser l’objet d’art, de montrer que la toile sur châssis n’est pas toujours nécessaire et c’est aussi un trait d’union avec la rue. D’un point de vue thématique, j’ai des influences assez variées. On a souvent tendance à m’associer aux stars du rock qui demeurent une de mes grandes sources d’inspiration mais je peins aussi beaucoup d’anonymes et de gens « ordinaires ». J’ai, par exemple, collaboré pour deux expositions avec le photographe Lee Jeffries, spécialisé dans les portraits de SDF.

Au travers de l’exposition, avez-vous souhaité vous réapproprier « le patrimoine », vous qui refusez de travailler directement sur certains édifices? Il est vrai que j’évite de peindre directement sur certains monuments historiques. Le fait de coller plutôt que de peindre est plus respectueux des vieilles pierres. J’ai un rapport assez particulier à ce qu’on appelle le patrimoine. À la fois je suis très attaché à cette notion, à sa dimension sacrée, et en même temps, je tente d’élargir le sens de ce vocable à tout ce qui n’est pas encore considéré comme du patrimoine. Je tente d’accorder la même importance et la même valeur aux strates successives qui s’accumulent au fil du temps. Il y a des trésors dans chaque couche, autant de noblesse dans des friches industrielles des années 70 que dans des ruines antiques. En somme, je refuse de hiérarchiser le patrimoine en fonction de son âge. Ce qui me gêne parfois, c’est cette façon d’isoler des vestiges de l’Histoire. Je suis également souvent surpris par les gens qui regardent les tableaux à distance dans les musées, certes cela permet de voir l’œuvre dans sa totalité mais ça correspond surtout à l’attitude que l’on a trop longtemps attendue d’un visiteur : qu’il soit intimidé. Fort heureusement, les choses changent, les lieux de culture s’ouvrent et se démocratisent, mais il reste du chemin à faire pour que la culture fasse enfin partie intégrante de la vie de TOUS. Comment regardez-vous les œuvres dans un musée, alors ? En ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de faire des allées et venues, de regarder de près, puis de prendre du recul, puis de m’approcher à nouveau pour observer la texture, la matière, les craquelures… J’aime imaginer les va-et-vient du pinceau, l’attitude du peintre, la présence du modèle vivant, ce qu’ils se disaient peut-être… Je visualise le « film » de l’œuvre. Si l’on considère qu’une toile est une fenêtre ouverte sur le monde et sur nous-mêmes, il faut à chaque fois y porter un regard neuf, afin d’être transporté vers d‘autres méandres… Les thèmes de « Living Stones » seront-ils présents dans vos prochaines expositions ? Il est possible que je poursuive une partie de ce travail dans l’avenir mais je pense que mes prochains solo shows traiteront de thèmes différents. Il est important pour moi d’éviter de me cantonner à un champ d’investigation. Chaque exposition est une nouvelle aventure, de même que chaque intervention in situ en est une. J’ai dans ma besace de nombreuses idées pour des projets futurs…

Propos recueuillis par Alexandra Marini


Stan (fresque) - Nancy, France, juin 2016 (photo : Gautier «Mathgoth» Jourdain)

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EXPOSITION DU 18 NOVEMBRE AU 17 DECEMBRE 2016 Jef remercie Julie Dodet, Thomas Baignères et Arthy coordination Marie LABORDE

textes Alexandra Marini GRAPHISME Antje WELDE photo Jef Aérosol Jean-Louis BELLURGET

Yan Blusseau (Michel-Ange et De Vinci à Florence) Gautier Jourdain (fresque à Nancy) Ferial Hart Morgane Perroy (Arthy à Vilnius)

galerie Laurent STROUK 2 avenue Matignon 75008 Paris www.laurentstrouk.com galerie@laurentstrouk.com + 33 1 40 46 89 06

IMPRESSION AGPOGRAF - Barcelone

ISBN : 9782953540505 Imprimé en Europe Achevé d’imprimer novembre 2016 Dépôt légal, novembre 2016 © Jef Aérosol © Galerie Laurent Strouk, Paris


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