CUT & CLASH

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4 Cut & Clash 5, rue du Mail
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CUT & CLASH

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Texte d’AmĂ©lie Adamo

À l’origine de Cut & Clash, il y a l’envie de rassembler dans le disparate. L’envie de redonner Ă  sentir ce qui dans la peinture est continuitĂ©, porositĂ©, dialogue permanent. C’est lĂ  d’abord peut-ĂȘtre un dĂ©sir politique. Celui de se positionner contre une lecture institutionnelle de la peinture en France. Une lecture un peu trop Ă©troite. Frileuse. Une lecture qui a tendance Ă  privilĂ©gier l’idĂ©e avant-gardiste de progrĂšs irrĂ©versible, de rupture, de table rase. Une lecture qui a tendance Ă  mettre aux bancs des peintres pourtant majeurs, Ă  les plonger injustement dans l’ombre. Soit qu’elle dĂ©crĂšte la fin de la peinture figurative, pratique taxĂ©e passĂ©iste, ringardisĂ©e. Soit qu’elle rĂ©cupĂšre ce mĂ©dium en vogue sur le marchĂ© en exultant sur la moindre nouveautĂ©, comme si rien n’avait eu lieu avant ou Ă©tait devenu « hors-circuit ». Diktat de la jeunesse plus absurde encore dans le cas de la peinture qui est un mĂ©dium difficile et relĂšve d’un temps long, qui gagne techniquement en maturitĂ© et se dĂ©finit par essence comme intemporel.

Jeunes Ă©ternellement sont les aĂźnĂ©s d’hier.

Trois gĂ©nĂ©rations d’artistes sont ici convoquĂ©es. Les « aĂźnĂ©s » qui ont Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 1960 et 1980 (de la Figuration Narrative, aux autres nouvelles figurations et Ă  la Figuration Libre). Les plus « jeunes » dont la majoritĂ© a Ă©mergĂ© au dĂ©but des annĂ©es 2000. Trois gĂ©nĂ©rations d’artistes qui ont ceci en commun d’avoir renouvelĂ© le visage de la peinture figurative en France alors qu’une large part de l’institution et de la scĂšne artistique en dĂ©crĂ©tait la fin. Ce qui apparait aujourd’hui avec force ? C’est la prĂ©sence vivante et permanente de ces figurations contre la rĂ©alitĂ© de laquelle se brise cette fiction dĂ©lirante de la rupture, purement idĂ©ologique. Bien Ă©videmment que la peinture vivante n’a eu que faire des discours progressistes et n’a cessĂ© de se rĂ©inventer, comme toujours et depuis bien longtemps. Bien Ă©videmment qu’entre ces trois gĂ©nĂ©rations il existe des liens que l’on ne peut effacer.

Bien sĂ»r que les aĂźnĂ©s ont apportĂ© aux plus jeunes. Certains ont Ă©tĂ© professeurs aux beaux-arts comme Pat Andrea ou Vladimir Veličković et ont tissĂ© des liens profonds avec certains de leurs Ă©lĂšves. Mais plus gĂ©nĂ©ralement, de la Figuration Narrative Ă  la Figuration libre, l’Ɠuvre des aĂźnĂ©s a Ă©tĂ© un jalon pour cette nouvelle gĂ©nĂ©ration qui cherchait Ă  renouveler la peinture figurative dans un pays oĂč l’institution y demeurait largement rĂ©fractaire. Dans la peinture des aĂźnĂ©s, cette nouvelle gĂ©nĂ©ration trouve, non pas forcĂ©ment une influence directe ou littĂ©rale, mais plutĂŽt une impulsion crĂ©ative et une libertĂ© qui rĂ©sonne avec leur propre dĂ©sir de peindre. Faisant fi des tables rases et des modes progressistes, les plus jeunes ont regardĂ© la peinture des aĂźnĂ©s bien sĂ»r. Mais cette porositĂ© marche dans les deux sens : les plus jeunes ont aussi apportĂ© aux aĂźnĂ©s. Mutuellement ils se sont regardĂ©s, exposĂ©s, collectionnĂ©s. Bien Ă©videmment que leurs Ɠuvres transcendent la question de l’ñge et qu’elles se rĂ©pondent par affinitĂ©s ou par rĂ©actions. Elles se regardent et dialoguent dans ce qu’elles ont de vivant, d’actuel, ici et maintenant.

Des aĂźnĂ©s aux plus jeunes, les artistes rĂ©unis dans l’exposition Cut & Clash s’inscrivent tous Ă  diffĂ©rents degrĂ©s dans une histoire du collage et du montage dans laquelle la premiĂšre modernitĂ© a insufflĂ©

une Ă©nergie nouvelle. Couper. Coller. Avec des ciseaux ou dans sa tĂȘte. S’approprier. Remixer. Faire peinture, faire dessin, avec du dĂ©jĂ -lĂ . Prendre une image existante et la transformer pour en faire une nouvelle. L’histoire ne date pas d’hier. Mais Ă  ce jeu-lĂ  la premiĂšre modernitĂ© a Ă©tĂ© un jalon essentiel. De Manet Ă  Picasso, de dada aux surrĂ©alismes, de l’art brut aux expressionnismes : la modernitĂ© a renouvelĂ© les bases de la reprĂ©sentation Ă  travers une pratique libre de l’image qui a absorbĂ© les mutations du monde, de l’impact de l’industrialisation aux grandes tragĂ©dies mondiales. SĂ©isme dans l’histoire des acadĂ©mismes et des nĂ©oclassicismes, la modernitĂ© s’est imposĂ©e avec une arme imparable : la libertĂ©.

LibertĂ© d’ouvrir et de casser l’image pour la tirer plus encore vers la pulsation de la vie. LibertĂ© de mettre en tension la main et la machine, d’intĂ©grer dans l’Ɠuvre de l’hĂ©tĂ©rogĂšne. LibertĂ© de se dĂ©gager d’une vision classique et unitaire pour repenser une image sous haute tension, lieu de dĂ©flagration plastique, temporelle ou symbolique. LibertĂ© du « je » et des subjectivitĂ©s en mouvement contre les carcans d’une tradition figĂ©e et contre l’ordre fossilisĂ© des valeurs Ă©tablies. LibertĂ© de rĂ©vĂ©ler la « fabrique-Ă -image » comme fiction monstrueuse et pratique libre, multiple dans sa forme comme dans son sens. LibertĂ© de rejeter l’illusionnisme de la mimĂ©sis et la perfectibilitĂ© des reproductions mĂ©caniques pour aller vers la puissance de l’imaginaire et d’un rĂ©el rĂ©inventĂ©. LibertĂ© d’aller oĂč bon vous semble, sans entrave, de faire exploser et les limites du style et les limites des catĂ©gorisations.

Cette premiĂšre modernitĂ© est Ă  l’origine d’une vision morcelĂ©e et ambivalente de l’homme qui rĂ©sonne encore aujourd’hui face Ă  de nouveaux morcellements et mutations du monde. Elle ouvre grand les possibles d’une pratique libre de l’image dans laquelle s’inscrivent Ă  diffĂ©rents degrĂ©s les artistes rĂ©unis dans Cut & Clash. Oui, des aĂźnĂ©s aux plus jeunes, les artistes exposĂ©s sont hĂ©ritiers de cette modernitĂ©. Mais cet hĂ©ritage est digĂ©rĂ© dans des langages singuliers, brassĂ© Ă  mille autres rĂ©fĂ©rents. Que ce soit par l’apport d’un musĂ©e imaginaire oĂč l’art se donne sans aucune limite d’époques ou de styles. Ou que ce soit par l’apport d’autres sources, comme le cinĂ©ma, la photographie, la musique, la littĂ©rature ou la bande dessinĂ©e. Si tant est qu’il demeure impossible de rĂ©duire ces artistes Ă  une famille ou une Ă©tiquette.

Dans des esprits et des formes diffĂ©rentes, leurs Ɠuvres jouent du clash visuel, entre High and Low culture, les images et les styles d’hier et d’aujourd’hui se tĂ©lescopent. Ici hyperrĂ©alistes, lĂ  plus brutes et expressionnistes, les Ɠuvres dĂ©rangent par leur ambivalence. Toutes dĂ©stabilisent le regard qui va du Dark au pop acidulĂ©, d’une rĂ©alitĂ© frontale aux plongĂ©es imaginaires. Dans des modes opĂ©ratoires variĂ©s, chacun des artistes manipulant et transformant diffĂ©remment les images sources, jouant tantĂŽt de la machine et d’un rendu lisse, tantĂŽt d’un travail plus libre de la main et de l’imaginaire, chacun rĂ©invente Ă  sa maniĂšre les techniques de montage et de collage pour donner Ă  sentir diverses pulsations du monde. Certaines dĂ©marches font plus ouvertement face Ă  la violence d’une rĂ©alitĂ© historique et sociale : pour elles, le langage formel qui coupe et prolifĂšre dit le morcellement de l’homme dans le broyeur tragique de la grande Histoire ou dans le flux ininterrompu de la folie consumĂ©riste. D’autres ont plutĂŽt tendance Ă  nous plonger dans les ambivalences de l’intĂ©rioritĂ© : dans la mĂ©canique du bizarre et de l’absurde, du fantasme et de la mĂ©moire.

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Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire

De Picasso au cubisme, de dada au surrĂ©alisme, dans des degrĂ©s diffĂ©rents de radicalitĂ© et de rupture avec la tradition, se redĂ©finissent les bases de la reprĂ©sentation et s’ouvrent de nouvelles possibilitĂ©s dans la manipulation des images. Pour les uns, la subversion radicale, qui dĂ©place le champ de la peinture vers le photomontage, devient outil politique corrosif. Pour les autres, la pratique libre de l’image et du cadavre exquis, mais aussi l’exploration des possibilitĂ©s expressives de techniques et matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes, permettent de redĂ©finir une nouvelle beautĂ© directement ouverte sur les profondeurs ambivalentes de l’intĂ©rioritĂ©.

Tout comme Picasso, les artistes dadaĂŻstes et surrĂ©alistes, trouvent dans la libertĂ© d’une esthĂ©tique de l’hĂ©tĂ©rogĂšne un moyen de renverser les valeurs Ă©tablies imposĂ©es par la tradition et la sociĂ©tĂ©. Leur pratique libre et morcelĂ©e de l’image est une rĂ©ponse Ă  la pulvĂ©risation et Ă  l’absurditĂ© du monde d’aprĂšs guerres. Elle est une tentative de reconstruire du sens, de faire Ɠuvre en embrassant le chaos et d’y replacer la figure de l’homme quand celui-ci a Ă©tĂ© pulvĂ©risĂ© par les drames de la grande Histoire. VoilĂ  un enjeu essentiel qui trouvera une rĂ©sonance majeure pour les gĂ©nĂ©rations futures qui feront face Ă  d’autres morcellements, Ă  de nouveaux drames et mutations du monde.

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Dans les annĂ©es 1960, la gĂ©nĂ©ration d’artistes qui Ă©merge a trĂšs tĂŽt Ă©tĂ© marquĂ©e par la deuxiĂšme guerre mondiale et leurs Ɠuvres dĂšs les dĂ©buts portent les stigmates des Ă©vĂ©nements majeurs qui marquent l’histoire de cette dĂ©cennie, tel mai 68, la guerre du Vietnam et celle d’AlgĂ©rie ou les violences liĂ©es aux dictatures comme en Argentine ou au Chili. Une dimension politique qui a perdurĂ© au fil d’annĂ©es, chacun n’ayant cessĂ© d’absorber dans sa peinture la violence tragique de l’Histoire, guerres, oppressions, crimes et attentats divers. Dans des styles trĂšs diffĂ©rents, qui absorbent l’apport des premiĂšres modernitĂ©s mixĂ© Ă  l’impulsion donnĂ©e par le cinĂ©ma, la photographie ou la bande dessinĂ©e, des peintres comme Valerio Adami, Jacques Monory, Antonio SeguĂ­, Vladimir Veličković ou Dado se sont confrontĂ©s au tragique de la grande Histoire. Tous placent au centre de l’art, la figure humaine, laquelle n’apparaĂźt que morcelĂ©e.

La peinture de Jacques Monory, par son usage de la monochromie et l’éclatement de la reprĂ©sentation en « tension », par ses effets de cassure et de dĂ©coupe de l’image trĂšs cinĂ©matographique, est empreinte de tendresse mĂ©lancolique, de sentiment de solitude et de violence. MythopoĂ©tique, la peinture de Valerio Adami, avec ses aplats de couleurs franches et Ă  sa ligne cerne qui fragmente, doit autant Ă  la tradition classique, au romantisme et expressionnisme allemand, qu’au cinĂ©ma et Ă  l’affiche. Brassant rĂ©alitĂ© quotidienne et grande histoire, rĂ©cits intimes et mythologiques, les images morcelĂ©es peintes par Valerio Adami sont comme des puzzles Ă  reconstituer, Ă©cho au mĂ©canisme de la mĂ©moire et au tragique humain. Chez Antonio SeguĂ­ il y a un humour caricatural dans l’usage du collage et d’une reprĂ©sentation fragmentĂ©e, oĂč prolifĂšrent les mĂȘmes bonhommes en costumes et chapeaux errant dans les villes. Une drĂŽlerie et une apparente simplicitĂ© derriĂšre lesquelles rĂ©side une dimension tragique, Ă©cho Ă  l’injustice et la violence du pouvoir Ă©conomique et politique, Ă  l’absurditĂ© des vies humaines. Plus expressionnistes et matiĂ©ristes sont les Ɠuvres d’artistes comme Dado ou Vladimir Veličković pour lesquels la violence dans le traitement du collage et la gestuelle picturale incarne la violence de l’Histoire dans la matiĂšre mĂȘme de l’Ɠuvre. Tentatives de reconstruire des visions de l’humain morcelĂ©, en proie au non-sens et aux dĂ©chirements des guerres.

Parmi ses aĂźnĂ©s directs, c’est de Dado que se sent le plus proche Cristine Guinamand, artiste issue d’une gĂ©nĂ©ration plus jeune pour laquelle la question de l’Histoire est tout autant fondatrice. Pour elle, « L’utilisation d’une multitude de matĂ©riaux (huile, papier, clous, agrafes, puzzles, tubes de couleurs vides, circuits imprimĂ©s, etc.) traduit un certain chaos rĂ©pondant Ă  l’éternel recommencement de la guerre et des dĂ©sastres ». Assez « Ă©loignĂ©e » du travail des Pop, liĂ© Ă  une culture citadine et urbaine (BD, publicitĂ©, cinĂ©ma, rock, etc
) qui ne fait pas partie de son histoire, mĂȘme si certaines Ɠuvres peuvent l’intĂ©resser comme « dĂ©clencheur formel », Cristine Guinamand considĂšre leurs dĂ©coupes des formes et leurs aplats colorĂ©s comme trop « clean et propre ». Elle trouve plus de proximitĂ© avec la pratique de Dado, pour son « cĂŽtĂ© brut et brutal (
) qui hurle avec ses tripes ». De mĂȘme que son usage de dĂ©coupes d’images de livres d’Histoire se rapproche de Raoul Haussmann ou de John Heartfield. Chez eux comme chez elle, le photomontage est utilisĂ© comme « outil de satire et critique politique ». Chez Cristine Guinamand, le recours Ă  des matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes comme l’usage du puzzle, et l’impression de morcellement que cela produit, traduit la « dynamique mortifĂšre » de la guerre, celle d’hier et d’aujourd’hui.

C’est dans une mĂȘme filiation au photomontage dadaĂŻste allemand que s’inscrit le travail de Damien Deroubaix, qu’il greffe Ă  l’apport du cinĂ©ma, pour l’aspect politique, pour la construction de l’image par montage, mais aussi pour le recours Ă  l’ellipse et au symbolique. De la gĂ©nĂ©ration de la Figuration Narrative, c’est surtout d’HervĂ© TĂ©lĂ©maque dont l’artiste se sent le plus proche : « le plus grand peintre français » Ă  ses yeux, dans le travail duquel Deroubaix se « retrouve complĂštement », surtout pour le « tĂ©lescopage » des « façons de peindre ». HĂ©tĂ©rogĂšne, l’Ɠuvre de Damien Deroubaix l’est dans la forme et le fond. Elle fait se tĂ©lescoper des sources empruntĂ©es autant Ă  l’art qu’à la musique, joue de symboliques aux sens diffĂ©rents, explore la richesse des Ă©critures tantĂŽt trĂšs Ă©crites, au rĂ©alisme prĂ©cis, tantĂŽt plus expressionnistes et caricaturales. Pour Damien Deroubaix, par cet « Ă©tat de morceaux » de la matiĂšre, de la forme et du sens, sa « peinture/collage » prĂ©sente l’état d’un « monde fragmentĂ© », rĂ©vĂ©lĂ© par la mondialisation et les guerres actuelles qui se rĂ©pĂštent sans fin.

Pour StĂ©phane PencrĂ©ac’h l’histoire de dĂ©coupe, de cassure, de fragment et d’assemblage, omniprĂ©sent dans sa peinture, s’origine dans la premiĂšre modernitĂ©. À l’Ɠuvre chez Manet, et son effet collage de la citation dans le DĂ©jeuner, puis chez Picasso en ce qu’il casse et recompose : une histoire d’« hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle » dans laquelle s’inscrit StĂ©phane PencrĂ©ac’h. Ce dernier trouve aussi impulsion dans les nĂ©oexpressionnismes des annĂ©es 1980 et dans la Figuration Libre de Robert Combas, en ce qu’il « dĂ©veloppe une puissance Ă  priori cacophonique et hurlante qui atteint en fait une grande harmonie et de multiples sens ». Chez StĂ©phane PencrĂ©ac’h les sources iconographiques se tĂ©lescopent mais c’est surtout par l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle que s’ouvrent les sens de la peinture. L’artiste a recours Ă  des ruptures de formes, qui vont d’un rĂ©alisme prĂ©cis Ă  une Ă©criture plus expressionniste, mixant peinture et photo ou matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes. Cette hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© donne Ă  sentir le morcellement de l’homme face aux conflits actuels, la rĂ©pĂ©tition de la violence et l’ambivalence du Pouvoir, entre sĂ©duction et horreur.

Un va et vient entre peinture et photographie, tradition rĂ©aliste et tradition matiĂ©riste qui caractĂ©rise aussi la dĂ©marche d’Axel Pahlavi. Un artiste dont l’Ɠuvre ne peut se rĂ©duire Ă  une famille ni une Ă©tiquette. Et chez qui la question du tragique et de l’hĂ©tĂ©rogĂšne s’inscrit dans une expĂ©rience vĂ©cue, en lien Ă  ses origines iraniennes et Ă  une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© culturelle. « Familialement, mes ascendants n’auraient jamais pu s’entendre. J’ai dĂ» chercher Ă  faire la paix en moi avec ces cultures qui se regardaient d’une tranchĂ©e Ă  l’autre. Cela a pris la forme d’une Ă©trange tolĂ©rance qui disait oui Ă  presque tout. Il me semble que normalement ce genre d’expĂ©rimentation devrait s’homogĂ©nĂ©iser. Mais chez moi, la fracture est restĂ©e ouverte. »

Revenant Ă  une Ă©nergie picturale qui fait Ă©cho Ă  ses premiĂšres recherches, les portraits rĂ©cents exposĂ©s dans Cut & Clash renouent avec une veine matiĂ©riste et expressionniste trĂšs libre oĂč la violence et le morcellement de la figure humaine s’incarnent dans le travail mĂȘme de la peinture. Axel Pahlavi a Ă©tĂ© sensible aux peintres qui ont renouvelĂ© les possibilitĂ©s expressives de la matiĂšre, de Lucian Freud Ă  Francis Bacon, de Georg Baselitz Ă  Vladimir Veličković. Tout comme il a absorbĂ© les expĂ©rimentations cubistes, jouant souvent d’une fusion de divers points de vue au sein d’une mĂȘme image. Un goĂ»t pour l’hĂ©tĂ©rogĂšne qu’il doit aussi Ă  l’univers de Moebius Gir. Chez Axel Pahlavi, l’usage du collage d’images photographiques retravaillĂ©es par Photoshop, se voit doublĂ© par tout un protocole pictural : l’artiste use de divers outils, de diverses maniĂšres de matiĂšres et des vitesses de peintures diffĂ©rentes. Ce qui, note l’artiste « accentue le cĂŽtĂ© explosif dans le frottement entre les parties » et permet de « penser la fission de la matiĂšre elle-mĂȘme ». Une violence et un morcellement de la figure incarnĂ©e par le corps mĂȘme de l’Ɠuvre. Ce que l’Ɠuvre porte, c’est la fissure originelle que porte l’artiste en lui-mĂȘme.

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Le flux ininterrompu du monde consumériste

Dans la continuitĂ© de l’impulsion donnĂ©e par Dada et les surrĂ©alistes, du photomontage Ă  la pratique du cadavre exquis, l’un des apports majeurs de la Figuration Narrative dans les annĂ©es 1960, aux cĂŽtĂ©s du Pop Art, c’est d’avoir ouvert le champ de l’art Ă  la dĂ©ferlante d’images et d’objets issue du monde consumĂ©riste et de la culture populaire, dans une perspective critique et politique. Un flux dont l’Ɠuvre rĂ©vĂšle les ambivalences, tout Ă  la fois la violence du consumĂ©risme et la beautĂ© fascinante des images.

Ce flux peut ĂȘtre matĂ©rialisĂ© par la prolifĂ©ration de sources dans une mĂȘme image, comme chez ErrĂł dont la gourmandise d’images a tout absorbĂ©, des icĂŽnes de l’art aux images de propagandes, des pin-up de magazines aux hĂ©ros de comics : issu d’une pratique systĂ©matique du collage dont les maquettes sont traduites en peinture dans une narration complexe, Ă  la fois sĂ©duisante et contestatrice, l’art d’ErrĂł rĂ©pond au chaos et Ă  la violence du monde Ă  l’heure du consumĂ©risme, de la mondialisation et des nouveaux conflits qui se rĂ©pĂštent sans fin.

Mais ce flux peut aussi s’incarner dans la cassure du motif fragmentĂ© par un effet de montages d’élĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes, comme chez Peter Klasen dont l’Ɠuvre sous l’impulsion de Dada intĂšgre dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1960 l’apport de la photographie et de sources tirĂ©es du cinĂ©ma ou de la publicitĂ©, qu’il dĂ©coupe et recombine dans de nouveaux agencements, soit intĂ©grĂ©s par collage soit peints Ă  l’huile ou Ă  l’acrylique, employant des techniques de lithographie et d’aĂ©rographie. Chez lui, les reprĂ©sentations mĂȘlant morceaux de corps fĂ©minins et objets de la consommation courante, parfois en lien avec l’industrie ou la maladie, posent la question d’une scission entre l’ĂȘtre et l’avoir, de l’angoisse du corps-objet, fĂ©tichisĂ© en mĂȘme temps que violentĂ© ou enfermĂ©, autre rĂ©ponse aux folies du monde actuel.

De l’absorption de ce flux populaire et consumĂ©riste, dans une veine critique, par effet de montages, de dĂ©coupes et de prolifĂ©ration d’images recyclĂ©es, il en est aussi question chez les artistes plus jeunes. De Myriam Baudin Ă  Jean Philippe Roubaud ou Armand Jalut, de LĂ©o Dorfner au duo Hippolyte Hentgen, Ă  Shu Rui. Tous ont pris acte bien sĂ»r de l’apport de la figuration narrative, comme ErrĂł et Klasen, mais pas que. Les rĂ©fĂ©rents en termes de « collages » et « montages » sont nombreux, se mixent : photomontage dada, pratique surrĂ©aliste du cadavre exquis, transparences de Francis Picabia, Pop Art anglais ou amĂ©ricain, Figuration Libre, et tout l’apport que draine l’ouverture de l’art Ă  une culture populaire : bande dessinĂ©e et cinĂ©ma. Et s’ils partent tous de la manipulation d’une banque d’images dĂ©tournĂ©es, pour les faire rimer autrement et pour en faire surgir un sens nouveau, leur mode de saisie et d’absorption diffĂšrent.

Bien qu’hybridĂ©e Ă  d’autres motifs prĂ©levĂ©s dans le monde de l’art, leur banque d’images demeure largement issue de sources populaires : publicitĂ©, industrie, cinĂ©ma, Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es, imagerie kitsch. Il peut s’agir de photos prises par les artistes, d’images collectĂ©es sur le net, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les magazines ou sur des objets du quotidien. Une base iconographique dont chaque artiste extrait des fragments, recadre, modifie et recompose, souvent Ă  l’aide de Photoshop ou par copie directe dessinĂ©e Ă  la main. C’est ensuite que s’opĂšre la traduction en « Ɠuvre » et que s’affirme, dans le dĂ©calage avec l’image source, la singularitĂ© de chaque artiste. Travail de la couleur Ă  l’aquarelle chez Dorfner, Ă  l’huile chez Armand Jalut et Shu Rui, Ă  l’acrylique chez Myriam Baudin. Au dessin Ă  l’encre fait avec un pistolet aĂ©rographe et collage des images sources sur papier chez Hippolyte Hentgen.

Dans ces traductions personnelles, chacun donne Ă  voir sa vision ambivalente et morcelĂ©e du monde. Le rĂ©alisme de Shu Rui, qui prend ses racines dans son Ă©ducation chinoise, porte un regard critique sur la sociĂ©tĂ© de consommation, tout comme il interroge l’impact de la guerre et celui des mĂ©dias dans nos vies quotidiennes, noyĂ©es entre privation et abondance, fiction et rĂ©alitĂ©. Par ses montages audacieux et son usage de la couleur, entre sĂ©duction et « expressivitĂ© dĂ©sincarnĂ©e », le travail d’Armand Jalut soulĂšve la question du corps-objet et du vide dĂ©shumanisant Ă  l’Ɠuvre dans nos sociĂ©tĂ©s du paraĂźtre. Les morceaux de bouche, d’yeux, de nourritures, de logos, de plantes, peints Ă  l’aquarelle par LĂ©o Dorfner sont comme des « petits poĂšmes visuels ou des films » : ils captent « le flux de la jeunesse d’aujourd’hui, rythmĂ©e par le flux incessant d’images dĂ©bordant des rĂ©seaux sociaux », dans ce qu’elle a de beau et d’angoissant.

Chez Hippolyte Hentgen, l’association libre, la mise en tension d’élĂ©ments documentaires empruntĂ©s Ă  une histoire collective ou d’élĂ©ments plus personnels, se donnent plutĂŽt comme un rĂ©bus aux sens polyphoniques : chez elles, la dĂ©coupe des corps, fragmentĂ©s et associĂ©s Ă  divers motifs dĂ©coratifs, objets ou Ă©lĂ©ments naturels, peut avoir une rĂ©sonance critique, fĂ©ministe parfois, mais aussi plus onirique et poĂ©tique. C’est un fĂ©minisme critique chargĂ© d’un esprit ironique et caustique trĂšs dada que l’on retrouve chez Myriam Baudin dans des reprĂ©sentations picturales oĂč le corps de la femme morcelĂ©e est hybridĂ© Ă  divers Ă©lĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes. HĂ©ritiĂšre de l’univers de LĂ©on Bloy, Ă  la fois violent et drolatique, fascinĂ© par l’objet et son symbole, pour Myriam Baudin le photomontage est un « moyen d’ouvrir les yeux sur un monde tyrannique ». Pour elle, la pratique du collage est une façon de « se faire miroir de la violence que nous impose de ressentir le monde sociĂ©tal puis de rĂ©organiser ce dĂ©sĂ©quilibre (sur toile ou autre) pour une Ă©chappĂ©e poĂ©tique ». Son efficacitĂ© chromatique et gĂ©omĂ©trique qui tend Ă  une simplification efficace de l’image doit autant Ă  sa formation en maquette publicitaire qu’à l’apport de la peinture renaissante. Un travail de la matiĂšre et de la couleur qui rĂ©-insuffle une chair Ă  son imagerie kitsch et pop. Une maniĂšre de faire face au morcellement d’une « sociĂ©tĂ© consommante, tatouĂ©e, pucĂ©e et parquĂ©e » en recherchant « l’animalitĂ©, la chair pour retrouver le contexte Ă©motionnel de la matiĂšre et du geste pensĂ© ». Une sorte de « pop sensationnisme » qui vient contrecarrer la violence du monde et la transformation de nos corps en objet.

C’est encore la peinture d’ErrĂł qu’a regardĂ©e RaphaĂ«lle Ricol mais d’une toute autre maniĂšre. Ayant grandi dans l’univers des bandes dessinĂ©es, mangas et comics, Ricol dĂ©couvre Ă  l’adolescence la peinture d’ErrĂł qui fait « de l’art » avec des morceaux de bande dessinĂ©e. Pour la jeune artiste, « ça sent vraiment la jeunesse Ă©ternelle ». Bien sĂ»r, Ă  l’instar d’ErrĂł, RaphaĂ«lle Ricol se nourrit d’un fond d’images trĂšs libres, qui mĂȘle librement High and Low Culture. Toutefois, sa peinture ne part pas systĂ©matiquement d’un travail de collage en amont, basĂ© sur la manipulation d’une banque d’images scrupuleusement amassĂ©e et sur la rĂ©alisation de maquette traduite ensuite en peinture. La question du collage dans la dĂ©marche de Ricol est plus instinctive et intĂ©riorisĂ©e.

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Pour l’artiste, « le collage, ça ne veut pas dire un bout de papier coupĂ© et collĂ© techniquement sur un support mais un dĂ©calage abrupt, une sorte de dynamique ». Ça relĂšve plutĂŽt d’un processus de libĂ©ration et d’émancipation de l’imaginaire nĂ©cessaire Ă  la peinture. Une façon d’absorber le flux du monde, de la violence du rĂ©el qui cogne, et de traduire ce clash dans le corps mĂȘme de la peinture. Chez elle, les rĂ©miniscences d’images, de sensations, vont et viennent sur la toile, sans calcul prĂ©alable ou usage systĂ©matique de l’ordinateur, mais plutĂŽt mentalement, au grĂ© de la vie du tableau et des alĂ©as de la matiĂšre. C’est l’imaginaire et la main qui priment. Les motifs se mĂȘlent et se brouillent dans une Ă©criture qui joue du clash dans le travail mĂȘme de la matiĂšre, dont l’épaisseur, la dynamique gestuelle et l’apport d’élĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes, nous rappellent que l’artiste a aussi absorbĂ© l’apport de modernitĂ©s plus expressionnistes et matiĂ©ristes.

S’appropriant librement des logos publicitaires, des tableaux comme La guerre de la gourmandise et SucrĂ©s suggĂšrent la perversitĂ© du consumĂ©risme dont la quĂȘte d’abondances et de douceurs n’est qu’un voile fake sous lequel se cachent violences et guerres. Ce qui fait Ă©cho, trĂšs librement, Ă  l’Ɠuvre d’ErrĂł dans ce qu’elle rĂ©vĂšle du flux d’abondance et de saturation. Flux d’abondance et de saturation tel qu’on le voit dans les « Scapes » d’ErrĂł, auxquels renvoient explicitement les natures mortes saturĂ©es de Till Rabus et autres carnages de mets sucrĂ©s colorĂ©s, savant tĂ©lescopage du pop et du classique. Dans l’Ɠuvre Discount, Till Rabus a utilisĂ© des publicitĂ©s de grands magasins oĂč s’amassent logos et images de produits de consommation, avec des couleurs flashy qui attirent l’Ɠil du consommateur. InspirĂ©e par Foodscape peint par ErrĂł en 1964, Discount est une « composition dont les formes peuvent faire penser Ă  une nature morte contemporaine et grinçante. »

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PlongĂ©e dans les ambivalences de la psychĂ©, mĂ©canique de l’absurde et du bizarre, du fantasme et de la mĂ©moire

Dans l’histoire de la modernitĂ©, la question de l’hĂ©tĂ©rogĂšne, du collage et du montage, est aussi une ouverture vers les profondeurs de l’intĂ©rioritĂ©. ConsĂ©quences de bouleversements historiques, scientifiques, religieux, philosophiques, la modernitĂ© perçoit autrement la nature de l’homme et de la psychĂ© humaine. Contre la beautĂ© classique et son ordre idĂ©al, la modernitĂ© est une porte ouverte sur une beautĂ© plus convulsive et Ă©trange, qui renoue avec le monstrueux et le « mal », au sens de Georges Bataille. De Picasso au surrĂ©alisme, de l’expressionnisme Ă  Cobra ou l’art Brut, l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle donne corps aux ambivalences humaines, aux flux libres des pulsations intĂ©rieures ou des pensĂ©es magiques, Ă  la mĂ©canique morcelĂ©e, incohĂ©rente et non linĂ©aire du fantasme, de l’imaginaire, du rĂȘve, de la mĂ©moire.

Robert Combas et StĂ©phane Blanquet sont deux artistes aux styles bien singuliers qui ont cela en commun d’ĂȘtre des Ă©lectrons libres, rĂ©fractaires Ă  l’idĂ©e de classification et qui ne se sont jamais laissĂ©s enfermĂ©s par la prison du marchĂ©. D’oĂč vient Robert Combas ? De quelle famille se rapproche-t-il ? Moins du sĂ©rieux du surrĂ©alisme que de l’humour de Picabia ou de celui des incohĂ©rents. De l’érotisation boulimique de peinture du Dernier Picasso autant que de l’énergie de l’art brut, de la bande dessinĂ©e et de la musique rock. Et StĂ©phane Blanquet ? Ses sujets, son Ă©nergie picturale, son trait, doivent-ils plus Ă  DĂŒrer qu’aux comics, au surrĂ©alisme qu’à Cobra ? « Il y a eu tellement de familles croisĂ©es, avalĂ©es, digĂ©rĂ©es, recrachĂ©es, mixĂ©es et malaxĂ©es, transformĂ©es, rajoutĂ©es, percutĂ©es avec le temps que je n’arrive plus vraiment Ă  savoir dans quelle famille je me situe. »

Dans ce grand mĂ©lange, dans ce morcellement, leur univers capte le flux d’une profondeur intime. Il y a quelque chose d’animal, de caverneux, de dionysiaque, d’érotique, de chamanique chez Robert Combas. Ça prend forme dans le flux de son Ă©nergie crĂ©atrice trĂšs pulsionnelle, spontanĂ©e, dans son libre dessin qui prolifĂšre sur tous types de supports, fait d’imbrications de figures, de mots et de couleurs. S’y entremĂȘlent le lisible et le cachĂ©, comme le grand art et le pop, le beau et le laid, le comique et le tragique, le cru et le naĂŻf. Une Ă©nergie brute qui sonde le sale et l’enfance de l’art, qui lĂšve le voile sur les refoulĂ©s avec un soubassement autobiographique. Chose que l’on retrouve chez StĂ©phane Blanquet dont la libertĂ© de manipuler des formes et des sujets hĂ©tĂ©rogĂšnes est une façon de se raconter : « chaque Ɠuvre est finalement un bout de moi, un puzzle fait de tout, d’art et de souvenirs, de rĂȘves, de douleurs ou de beautĂ©. »

Autre Ă©lectron libre demeurĂ© en marge des tendances ayant Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 1960, Pat Andrea a dĂ©veloppĂ© un rĂ©alisme perverti qui navigue entre imaginaire et observation du rĂ©el, s’autorisant toutes les Ă©critures et toutes les libertĂ©s expressives en germes dans l’histoire de la peinture, des variations d’échelles dans l’art prĂ©-renaissant aux dĂ©constructions modernes d’un Picasso ou d’un Mondrian. Originellement liĂ©e Ă  sa vie intime, qu’il greffe Ă  sa perception de la grande Histoire, la peinture hybride de Pat Andrea nous plonge dans l’ambivalence des pulsions humaines. Son rĂ©alisme Ă©trange et surrĂ©el rĂ©sonne tout particuliĂšrement avec le travail d’artistes plus jeunes qui explorent l’ambiguĂŻtĂ© inhĂ©rente Ă  la mĂ©canique du fantasme, de la mĂ©moire et du rĂȘve.

Variations d’échelles, tĂ©lescopage entre des morceaux de citations classiques et d’élĂ©ments observĂ©s du rĂ©el se retrouvent dans l’érotique bizarre inhĂ©rente Ă  la peinture d’Abel PradaliĂ©. Un univers hybride dans lequel l’effet collage demeure moins proche des surrĂ©alistes que de Manet et de Courbet, lesquels rĂ©alisent des assemblages de modĂšles faits en atelier ou d’aprĂšs photo avec des paysages rĂ©alisĂ©s d’aprĂšs des esquisses faites sur le motif. Chez lui, le collage n’est pas rĂ©alisĂ© Ă  l’avance puis exĂ©cutĂ©, il vient plutĂŽt mentalement, lors de la rĂ©alisation du tableau par association d’idĂ©es ou rencontres. Pour Abel PradaliĂ©, le collage est un « moyen de mixer des Ă©lĂ©ments de la peinture classique avec des documents ou moments plus intimes de ma vie mais aussi cela me permet de faire un voyage temporel entre l’histoire de la peinture et le monde actuel ». Dans cette perspective, « les abattis » de Rodin ont aussi intĂ©ressĂ© l’artiste, en tant que modules exploitables dans de multiples combinaisons et parfois assemblĂ©s avec des archĂ©ologies, crĂ©ant des tensions plastiques et temporelles. De mĂȘme que les polaroids de David Hockney, dans l’hĂ©ritage cubiste, pour leurs visions Ă©clatĂ©es aux points de vue multiples. Nourrie par ces apports divers, la peinture d’Abel PradaliĂ© acquiert une ambivalence mystĂ©rieuse dont l’érotisme inquiĂšte et dĂ©range.

13 -4-

Il y a de l’absurde et de l’étrangetĂ© chez LĂ©opold et Till Rabus qui utilisent tous deux plusieurs photographies pour crĂ©er leurs peintures. InspirĂ© par le surrĂ©alisme et dada, mais surtout par des artistes contemporains comme Eli Craven ou Urs Fischer, Till Rabus manipule les documents photographiques par dĂ©coupage, collage, pliage ou superposition. C’est une façon pour lui de sortir l’image source de son contexte et de l’amener « vers d’autres champs de lecture ». CrĂ©er une ambiguĂŻtĂ© entre figuration et abstraction, tirer le rĂ©el vers la fiction, l’érotiser, le charger d’un caractĂšre absurde : voilĂ  l’enjeu du collage pour Till Rabus. Chez son frĂšre LĂ©opold, l’étrangetĂ© et le morcellement de l’image renvoient Ă  la mĂ©canique de notre perception faussĂ©e du monde et de notre mĂ©moire qui amĂ©nage le vivant pour l’apprĂ©hender, en le tronquant et en le falsifiant. Pour l’artiste « le collage peut reprĂ©senter la maniĂšre dont on fragmente en pensĂ©e le monde ». La peinture devenant le lieu oĂč reprend sens ce morcellement dans un « ensemble harmonieux. »

Inscrits dans l’hĂ©ritage du surrĂ©alisme, parfois mĂȘlĂ© au cubisme et Ă  l’expressionnisme, Ă  l’apport de la photo ou du cinĂ©ma, des artistes comme Marko Velk, Katia Bourdarel, Madeleine Roger-Lacan, Karine Rougier, Oda Jaune, MarlĂšne Mocquet, Leslie Amine ou Nazanin Pouyandeh, explorent la part Ă©rotique et onirique du collage, par association d’idĂ©es ou par principe d’images cachĂ©es.

Les collages et les tĂ©lescopages de matiĂšres sont chez Karine Rougier comme une « archĂ©ologie de la mĂ©moire » et une fenĂȘtre ouverte sur la « pensĂ©e libre », oĂč les ĂȘtres et les animaux s’hybrident, forts de leurs pouvoirs de mĂ©tamorphoses incessants. L’érotisme et le jeu sur le voilage des corps chez Katia Bourdarel a affaire avec une « rĂ©vĂ©lation », une ouverture sur les mĂ©andres magiques et mystĂ©rieux de l’ñme humaine », entre le rĂ©el et l’imaginaire, le conscient et l’inconscient. Ludique et jouissif, narratif et intime, l’univers morcelĂ© de Madeleine Roger-Lacan est une fenĂȘtre ouverte sur la maniĂšre dont « notre conscience se construit, conscience dans le sens ‘mind’ ». Ainsi prĂ©cise-t-elle : « On est un collage de ce qu’on reçoit Ă  la fois intimement et de ce que l’on reçoit du monde (
) Tout se mĂ©lange avec nos pulsions, nos refoulements, nos peurs. Le rĂ©cit de nous lisse tout ce bordel mais j’aime rĂ©vĂ©ler ce chaos disgracieux. »

Chez Leslie Amine, le travail sur la mĂ©moire mĂȘle l’association d’idĂ©es et l’usage d’images cachĂ©es dans la reprĂ©sentation picturale. Travaillant en peinture, comme par collages, en associant des formes et des espaces diffĂ©rents, l’artiste aime procĂ©der par recouvrement et brouillage de façon Ă  ce que « les formes Ă©mergent lentement et se donnent Ă  voir progressivement ». Pour elle, ce mĂ©lange des styles et ce principe d’altĂ©rations de l’image, renvoient au mĂ©canisme de la mĂ©moire mais aussi Ă  la question de l’identitĂ©, du mĂ©tissage, de la crĂ©olisation des mondes.

Une problĂ©matique qui se retrouve dans le travail de Nazanin Pouyandeh, artiste d’origine iranienne entrĂ©e aux Beaux-Arts de Paris au dĂ©but des annĂ©es 2000. Sous l’impulsion des conseils donnĂ©s par son professeur Pat Andrea, et de ceux d’une artiste photographe Barbara Leisgen, Nazanin Pouyandeh se met Ă  peindre ses collages, initialement faits Ă  partir de pages de magazines dĂ©chirĂ©es, et Ă  s’appuyer sur ses propres photos. « De façon philosophique, je me considĂšre comme un patchwork de culture, de voyage, d’évĂšnement, ce qui se reflĂšte dans mon travail », pour Nazanin Pouyandeh, le mĂ©tissage des formes et des styles, utilisĂ©s sans hiĂ©rarchie et chargĂ©s d’un sens nouveau, renvoie Ă  une question d’identitĂ©, avec un soubassement politique et fĂ©ministe fort. Une recherche de libĂ©ration des pulsions, de libĂ©ration crĂ©atrice.

14 Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024
rue du Mail
Espace
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LĂ©opold Rabus est un crĂ©ateur dont l’Ɠuvre se distingue par son humour et son ironie. Il grandit au sein d’une famille d’artistes, oĂč le surrĂ©alisme parodique et dĂ©calĂ© se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. PlutĂŽt que de s’embourber dans une psychologie profonde et prĂ©tentieuse, LĂ©opold Rabus prĂ©fĂšre jouer avec les scĂšnes traditionnelles et les objets du quotidien. Il les dĂ©tourne avec brio pour crĂ©er des Ɠuvres uniques et impertinentes.

16 Léopold Rabus Ambivalences de la psyché
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ScÚne médiévale, 2021 - Huile sur toile - 210 x 190 cm

« Parfois, comme dans le tableau qui sera prĂ©sent dans l’exposition, je regroupe des images sur un mĂȘme tableau, d’un aprĂšs-midi que j’ai vĂ©cu chez ma voisine et qui n’avait rien de spĂ©cial. Mais j’ai essayĂ© de restituer les images prĂ©cises qui me sont restĂ©es en tĂȘte, ses deux chats , son fauteuil, son oreille
 car je crois que c’est comme ça que l’on restitue le monde dans notre tĂȘte, on perd une part et on falsifie le reste. C’est comme ça que l’on amĂ©nage le vivant. Notre langage sĂ©pare les choses pour pouvoir les saisir et les transformer, une montagne en minerai, une forĂȘt en bois, les animaux en viande
 Et le monde s’offre Ă  nos yeux, transformĂ© selon nos besoins. L’idĂ©e du collage peut reprĂ©senter la maniĂšre dont on fragmente en pensĂ©e le monde et par lĂ  perdre une grande partie de ce qui constitue le vivant. Alors que j’ai le sentiment qu’il y a des forces actives qui ne s’annulent pas entre elles et qui forment un ensemble harmonieux. »

Léopold Rabus

Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024

Espace avenue Matignon

18 Léopold Rabus
Ambivalences de la psyché
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Intérieur, 2017 - Huile sur toile - 200 x 175 cm

Depuis les annĂ©es 1960, Pat Andrea explore les possibles d’une peinture vraie et personnelle. C’est dans la vie intime en effet que l’artiste puise ses sujets : sa « guerre des sexes », ses amours, ses dĂ©chirures. Mais Ă  travers un rĂ©alisme subjectif qui filtre, qui dĂ©forme, qui se distancie et joue souvent, par l’humour, la carte de la dĂ©rision. Un rĂ©alisme qui dĂ©passe l’anecdote ou l’illustration naĂŻve pour rĂ©vĂ©ler poĂ©sie et beautĂ© dans la trivialitĂ©. MĂȘlant petite et grande histoire, mĂ©moires autobiographiques et rĂ©surgences de mythes ou d’évĂ©nements politiques, Pat Andrea ouvre l’intime Ă  l’archĂ©typal. Ses images touchent et ne s’oublient pas parce qu’elles ont affaire avec un fonds ancien, commun Ă  tous. Entre dĂ©sir, peur et violence, elles s’ouvrent sous nos yeux comme un petit théùtre des comportements humains, dans ce qu’il a de sĂ©duisant, intriguant, ridicule.

20 Pat Andrea
Ambivalences de la psyché

VOORTREKKER, 2015 - Huile et caséine sur toile - 60 x 73 cm

La virgen de la falda rayada, 2021 - Huile et caséine sur toile - 60 x 73 cm

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22 Pat Andrea Ambivalences de la psyché

La chaise jaune, 2021- Huile et caséine sur toile - 54 x 65 cm

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La peinture d’Abel PradaliĂ© est figurative et s’attache Ă  transfigurer avec force

le paysage et la figure humaine. Son style est caractĂ©risĂ© par une grande expressivitĂ© et une gestuelle vigoureuse. Il utilise une palette de couleurs riche et variĂ©e, et ses toiles sont souvent empreintes d’une certaine violence et d’une Ă©nergie brute. Il pratique Ă©galement le dessin et la gravure.

« Dans les tableaux d’Abel PradaliĂ©, paysages et figures proviennent de sources diverses. De la grande peinture classique et rĂ©aliste. L’artiste a particuliĂšrement regardĂ© Frans Hals, Rubens, Jordaens, Courbet et FrĂ©dĂ©ric Bazille. Mais aussi de photographies trouvĂ©es au hasard, de saisies sur le motif ou d’aprĂšs modĂšles Ă  l’atelier. Éternel et transitoire ainsi se mĂȘlent. Le passĂ© se greffe au prĂ©sent et trouve des rĂ©sonances avec l’histoire intime de l’artiste ».

Extrait, Amélie Adamo, « Abel Pradalié, la matiÚre fantÎme », Artension, n°138, juilletaoût 2016, p.29-31

Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024

ƒuvres d’Abel PradaliĂ©

Dimensions variables

24 Abel Pradalié
Ambivalences de la psyché

Les demoiselles d’Instagram, 2024 - Huile sur toile - 162 x 145 cm

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« Le tableau « Les demoiselles d’Instagram » s’inscrit dans une suite d’Ɠuvres qui ont pour thĂ©matique la peinture, par le prisme de mon panthĂ©on. J’ai utilisĂ© des photos trouvĂ©es lors de mes vagabondages sur Instagram, lieu oĂč toutes les poses suggestives sont autorisĂ©es sous condition de ne pas voir les tĂ©tons ou les poils pubiens. Vous remarquerez que c’est le cas dans le tableau de Picasso (ni tĂ©tons, ni poils pubiens), ce qui ne l’a pas empĂȘchĂ© d’ĂȘtre perçu comme d’un Ă©rotisme violent et grinçant
Je me suis bien sĂ»r intĂ©ressĂ© aux liens entre Picasso et Manet, mais aussi au rapport qu’ils ont entretenu avec la nuditĂ© en peinture, qui suscite aujourd’hui toujours autant de rĂ©actions alors mĂȘme que nous sommes confrontĂ©s quotidiennement Ă  des images d’une cruditĂ© beaucoup plus violente que celles conçues par le prisme de la peinture. »

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« Le collage est surtout pour moi un moyen de mixer des éléments de la peinture classique avec des documents ou moments plus intimes, de ma vie ou de mon

entourage, mais aussi cela me permet de faire un voyage temporel entre l’histoire de la peinture et le monde actuel. »

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Pradalié
Abel

DĂšs les dĂ©buts des annĂ©es 1980, Robert Combas s’est imposĂ© comme l’initiateur incontestable de la Figuration Libre en dĂ©poussiĂ©rant la peinture et en l’enrichissant de nouveaux chapitres qu’il ne cesse de dĂ©velopper. Toute sa production, fruit du plaisir du geste, s’oppose Ă  l’intellectualisme marquĂ© par l’art conceptuel et le minimalisme des annĂ©es 1970. Ses sources d’inspiration sont variĂ©es et surtout dĂ©hiĂ©rarchisĂ©es : livres d’école, bandes dessinĂ©es, publicitĂ©s, mythologies antiques ou religieuses, images tĂ©lĂ©visuelles... Dans ses tableaux, l’amoncellement d’élĂ©ments de provenances multiples et la rĂ©pĂ©tition de situations exceptionnelles ne provoquent pas un sentiment de confusion ou d’impuissance. Ils incitent au contraire Ă  trouver un agencement cachĂ© dans le dĂ©sordre manifeste, dans les lacis de correspondances, dans les assemblages, dans les rĂ©seaux, dans la profusion enchevĂȘtrĂ©e d’élĂ©ments et de personnages. Par des couleurs vives et un trait noir qui dĂ©limite les figures reprĂ©sentĂ©es, son graphisme trĂšs caractĂ©ristique, immĂ©diatement identifiable, reste libre et spontanĂ©. Le dessin qui entoure systĂ©matiquement la couleur lui donne toute sa force. Essentielle et tapageuse, elle remplit tout l’espace de la toile ne laissant aucun espace vide.

28 Robert Combas Ambivalences de la psyché

ENTREPRISE CACHÉE DANS UN ARBRE PLEIN DE FEUILLES

Elle Ă©carte les jambes comme le pistil d’une de ces plantes. Et lui il bave de plaisirs futiles, 2023 Acrylique sur toile - 182 x 197cm

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30 Robert Combas Ambivalences de la psyché

- LA PENSEUSE DANS LE LUXURIANT JARDIN DES FLEURS ET DES PERSONNAGES BIZARRES

- SONNEZ TROMPETTES ! L’IMPÉRATRICE ARRIVE

- LA VIRAGO, LISA L’ESPAGNOLETTE ET SES ADMIRATEURS

- LA VIOLONISTE QUI JOUE DU CRINCRIN DEVANT ROBERT CRUMB QUI A MIS SON CHAPEAU

ET QUI A SORTI SES PETITS CHIOTS EN LIBERTÉ

2024 - Technique mixte sur papier - 33 x 23 cm

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Till Rabus est un peintre hyperrĂ©aliste et sensationnel. Son travail explore le Baroque dans l’art contemporain. Il crĂ©e des sujets fantasmĂ©s Ă  partir d’objets

du quotidien avant de les traduire sur toile. Ses peintures mettent en scĂšne des dĂ©tritus, des encombrants, et des restes de junk-food, tout en reprenant des codes esthĂ©tiques de l’histoire de la peinture et du Baroque. GrĂące Ă  sa maĂźtrise parfaite, les formes exubĂ©rantes qu’il reprĂ©sente trompent d’abord

l’Ɠil du spectateur avant de l’amener Ă  s’interroger sur le sujet peint. Till Rabus produit une Ɠuvre autonome qu’il met au service d’un regard critique sur l’activitĂ© humaine et ses dĂ©rives. Sa fabuleuse peinture invite Ă  rĂ©flĂ©chir sur notre culture du gaspillage.

Discount, 2024

Huile sur toile

180 x 140 cm

Vue d’exposition

32 Till Rabus Le flux ininterrompu du monde consumériste Ambivalences de la psyché
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Vénus, 2013 - Huile sur toile - 230 x 160 cm

« Pour moi, crĂ©er des images pour mes tableaux Ă  partir de plusieurs photographies, c’est amener le rĂ©el vers une sorte de fiction. C’est Ă©galement un moyen qui me permet de m’interroger sur le rapport qu’il peut y avoir entre la figuration et l’abstraction. Et c’est aussi une maniĂšre d’aborder le thĂšme de l’humour, car souvent les collages peuvent amener Ă  faire des images absurdes. »

Till Rabus

34 Till Rabus Le flux ininterrompu du monde consumériste Ambivalences de la psyché
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Split body 5, 2023 - Huile sur toile - 90 x 62 cm

GĂ©rard Schlosser s’est affirmĂ© sur la scĂšne artistique française au dĂ©but des annĂ©es 1970 par un langage pictural parfois hĂątivement classĂ© au sein de l’hyperrĂ©alisme. Ce jugement masque la rĂ©alitĂ© d’une dĂ©marche plus subtile portĂ©e sur l’environnement quotidien de l’ĂȘtre. Membre actif du Salon de la Jeune Peinture jusqu’en 1972, il est un artiste singulier au sein de la Figuration narrative. La couleur fait irruption dans son Ɠuvre au milieu des annĂ©es 1960 dans la sĂ©rie des BoĂźtes, avant de s’affirmer avec une tonalitĂ© pop dĂšs les annĂ©es suivantes dans des « scĂ©nettes » oĂč filtre dĂ©jĂ  une expression charnelle explicite. Il fait alors le choix d’un langage figuratif plus rĂ©aliste, mais trĂšs personnel. Ses toiles, rĂ©sultant d’une matrice de photomontage projetĂ©e sur la toile Ă  l’épiscope, prĂ©sentent en gros plan dans un cadrage resserrĂ© des corps tronquĂ©s, dans une pose dĂ©contractĂ©e. En perspective, un motif secondaire induit une narration sous-jacente, que renforce le titre Ă©vocateur d’une conversation qui Ă©voque la banalitĂ© mais aussi la langueur d’un

quotidien retrouvĂ©. Il est difficile de trouver meilleurs mots que ceux d’Olivier Kaeppelin pour dĂ©crire le travail de GĂ©rard Schlosser : « L’Ɠuvre de GĂ©rard Schlosser, pour qui sait la regarder, est d’une infinie richesse, elle use de dimensions multiples, se sert d’évidences, de clichĂ©s comme d’énigmes ou de sous-entendus. Elle est Ă  la fois sociale, politique, existentielle. Elle porte une grande attention aux ĂȘtres, Ă  leurs attitudes, Ă  leurs aspirations au bonheur. Elle est silencieuse et attentive aux non-dits. Elle se consacre, sans complaisance, Ă  la beautĂ© des corps, Ă  celle de la nature, cet autre corps vivant. Elle nous englobe dans un univers pluriel grĂące Ă  la peinture, la pensĂ©e de la peinture qui construit une vision structurĂ©e, claire et mobile du rĂ©el. »

Extrait du texte d’Olivier Kaeppelin dans le catalogue raisonnĂ© consacrĂ© Ă  l’artiste (Olivier Kaeppelin, Pearl Huart-Cholley, GĂ©rard Schlosser, catalogue raisonnĂ© de l’Ɠuvre peint 1948-2019, Paris, Éditions Mare & Martin, 2020)

36 Gérard Schlosser Ambivalences de la psyché

Quelques fois, 2021 - Acrylique sur toile sablée - 80 x 80 cm

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Oda Jaune dĂ©veloppe Ă  travers sa peinture et ses aquarelles un univers tourmentĂ© et plein de poĂ©sie. Elle explore des formes et des images fascinantes sorties de son imagination, aux limites du morbide et de l’étrange. Ses crĂ©ations Ă©voquent des personnages et des animaux transformĂ©s, cassĂ©s, pliĂ©s, contorsionnĂ©s, dĂ©placĂ©s, Ă©voluant dans des scĂšnes surrĂ©alistes et oniriques. Les corps qu’elle reprĂ©sente sont souvent dotĂ©s d’organes qui prennent la place d’autre organes, ou d’apparitions surgissant de nulle part, propulsant le spectateur dans une autre dimension.

Entre douceur et noirceur, ses Ɠuvres crĂ©ent des symbioses surprenantes. Soucieuse du dĂ©tail et des proportions, alerte sur les changements d’échelle qu’elle opĂšre sur ses toiles, usant d’une

prĂ©cision empruntĂ©e au photorĂ©alisme dans l’exĂ©cution de ses formes, elle opĂšre par juxtaposition

d’élĂ©ments –un principe qui s’impose dans sa narration visuelle. Les Ă©tats Ă©motionnels et les images qui Ă©mergent des profondeurs du subconscient se matĂ©rialisent sur la surface plane par des visions Ă  la fois terrifiantes et divertissantes. Le spectateur entre librement dans le monde fĂ©erique du fantasme pour mieux se voir submergĂ© par un vortex d’émotions. Il se trouve pris dans un jeu de mots croisĂ©s, une Ă©nigme visuelle dont la partie centrale livre la clĂ© mĂȘme de l’attitude de l’artiste face Ă  l’amour et Ă  l’érotisme, Ă  la peur et Ă  la douleur.

38 Oda Jaune Ambivalences de la psyché
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Untitled, 2022 - Huile sur bois - 76 x 57 cm

Peintre et dessinatrice, Nazanin Pouyandeh est nĂ©e Ă  TĂ©hĂ©ran en 1981. DiplĂŽmĂ©e de l’Ecole Nationale SupĂ©rieure

des Beaux-Arts de Paris, elle vit et travaille à Paris. « Les toiles de Nazanin Pouyandeh sont des huis clos, ouverts.

Des espaces libres, taillĂ©s pour l’éclosion du fantasme. Les images qui s’y meuvent, privent du verbe et se situent au-delĂ  du signifiant. Il ne faut pas y chercher de sens, sinon celui du rĂȘve »*. Le travail de Nazanin Pouyandeh a fait l’objet de nombreuses expositions monographiques et collectives en France et Ă  l’étranger : Ex Africa au

MusĂ©e du Quai Branly –Jacques Chirac (commissariat Philippe Dagen), Fondation Yves et Claudine Salomon, Ă  Annecy, Le Suquet des artistes, Cannes, Centre d’art contemporain de Meymac, Centre d’art et de Culture Ă  Cotonou au BĂ©nin, au StĂ€dtisches Museum Engen Ă  Engen en Allemagne ou au Frissiras Museum Ă  AthĂšnes.

* Extrait du texte de Léa Chauvel-Levy, exposition « Ruines & Plaisirs », galerie Sator, 12-0103-03-2018

40 Nazanin Pouyandeh Ambivalences de la psyché
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Jade en LucrĂšce, 2023 - Huile sur toile - 50 x 40 cm Charlotte en LucrĂšce, 2023 - Huile sur toile - 50 x 40 cm

« De façon philosophique je me considĂšre comme un patchwork de culture, de voyage, d’évĂšnement : cela se reflĂšte dans mon travail. Le collage est une maniĂšre de transcrire le monde tel qu’il est aujourd’hui. »

Nazanin Pouyandeh

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« À l’instar des artistes surrĂ©alistes, je m’efforce de crĂ©er une atmosphĂšre envoĂ»tante d’ambiguĂŻtĂ© et de mystĂšre en superposant des rĂ©cits disparates. L’utilisation du voile dans mes oeuvres reflĂšte la volontĂ© de troubler les frontiĂšres entre le conscient et l’inconscient, le rĂ©el et l’imaginaire. En superposant des Ă©lĂ©ments disparates, je cherche Ă  explorer les profondeurs de l’inconscient humain. Ce faisant, je rĂ©vĂšle les couches cachĂ©es de la psychĂ© et les associations symboliques qui Ă©mergent de l’interaction entre les diffĂ©rentes strates de la conscience, offrant ainsi un aperçu de notre monde intĂ©rieur. »

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Katia Bourdarel explore, dans son oeuvre, la dualitĂ© trouble de la nature, oscillant entre Ă©merveillement et crainte. À travers la peinture, l’installation et la sculpture, elle fusionne des Ă©lĂ©ments de contes populaires avec des fragments de sa vie intime. Son travail se concentre sur la mĂ©tamorphose, symbolisant le concept du devenir autre. Dans cet univers fragile et fĂ©roce, sensuel et principalement fĂ©minin, l’artiste sonde les Ă©motions humaines, le rapport Ă  soi et Ă  «l’autre», tout en Ɠuvrant entre rĂ©alitĂ© et fiction.

44 Katia Bourdarel Ambivalences de la psyché
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120 cm
Linteum - Le paradis blanc, 2022 - Huile sur toile - 180 x

Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024

Strouk Gallery

Espace avenue Matignon

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Katia Bourdarel Ambivalences de la psyché
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toile
x 70 cm
Linteum - Le temps arrĂȘtĂ© #1, 2023 - Huile sur
- 90

Les toiles et sculptures en cĂ©ramique de MarlĂšne Mocquet composent un univers singulier et foisonnant. Il y a du surrĂ©alisme et du conte dans le bestiaire merveilleux de MarlĂšne Mocquet. Ses crĂ©atures hybrides et ambivalentes, tantĂŽt menaçantes, tantĂŽt joyeuses, Ă©voquent Ă  la fois la naĂŻvetĂ© de l’enfance et un monde plus sombre et inquiĂ©tant. Son travail est marquĂ© par une attention particuliĂšre pour la matiĂšre, les couleurs Ă©clatantes qui coulent et dĂ©bordent. Oiseaux terrifiants, animaux difformes, figures cauchemardesques, tous sont prĂ©sents pour raconter une histoire.

Vase météorite pépite, 2018

GrÚs rouge, grÚs blanc, émail grand feu, petit feu, émail or 50 x 32 x 32 cm

Unique

Pomme montagne, 2021

GrĂšs Ă©maillĂ©, lustre or et platine, Ɠil de verre

47 x 36 x 36 cm

Unique

48 MarlÚne Mocquet Ambivalences de la psyché

Pomme Platine, 2021 - GrĂšs Ă©maillĂ© lustre or et platine, Ɠil de verre - 27 x 27 x 27 cm

Vénus aux pommes, 2018 - Porcelaine émaillée, lustre or - 40 x 32 x 24 cm

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Le ciel bleu arrive, 2021 - Technique mixte sur aluminium - 200 x 125 cm

50 MarlÚne Mocquet Ambivalences de la psyché

« Vivant. Dans cette sĂ©rie mon ambition Ă©tait de ne pas dissocier peinture et sculpture. Mon gage dans tous mĂ©diums est de rendre hommage au vivant. Le sentiment pour moi d’avoir acquis la perception que l’oiseau continue Ă  prendre son envol, ou que le personnage poursuive son chemin au-delĂ  de mon geste, est une rĂ©ussite. L’Ɠuvre est vivante. Et de ce fait le spectateur devient acteur de ses propres Ă©motions. »

MarlĂšne Mocquet

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Michel Tyszblat est un artiste français de la Nouvelle Figuration. AprĂšs un bref passage dans les ateliers d’AndrĂ© LhĂŽte et Robert Lapoujade, il construit un univers portĂ© par une gamme chromatique trĂšs personnelle, fait d’allers et retours entre figuration et abstraction. DĂšs 1960,

il expose aux cÎtés de Rancillac, Monory, Voss, Klasen, mais préfÚre évoluer en solitaire tout en gardant des liens forts avec ceux qui allaient former le groupe de la figuration narrative.

Chaque toile est une relecture constante des objets qui peuplent notre quotidien : jouets, moteurs, tĂ©lĂ©visions, Ă©crous puis palmiers, vĂ©lo, jambe, saxophone ou oiseau
 Son Ɠuvre, trĂšs prĂ©cise

formellement Ă  ses dĂ©buts, laissera peu Ă  peu la place Ă  une grande gestualitĂ©, dans une quĂȘte

constante d’un Ă©quilibre malicieux.

52 Michel Tyszblat
53
Sans titre, 2013 - Glycérophtalique sur toile - 116 x 81 cm

Karine Rougier dĂ©veloppe une pratique du dessin et de la peinture Ă  l’huile sur bois. Son travail est inspirĂ© par ses voyages, ses pĂ©rĂ©grinations sous-marines en MĂ©diterranĂ©e et son dĂ©sir Ă  croire au merveilleux. Les dessins de Karine Rougier rĂ©inventent une nature oĂč les formes humaines se mĂȘlent aux formes animales, oĂč corps et puissances invisibles s’unissent en une mĂȘme et envoĂ»tante Ă©treinte. Les lavis Ă  l’aquarelle sur papier passent sur les formes et, Ă  la façon d’une marĂ©e qui se retire, ne laissent derriĂšre eux que quelques dĂ©tails, quelques traits oĂč notre regard s’accroche. TraversĂ©es d’un puissant Ă©lan vital, ses compositions sont le fruit d’un regard Ă©mancipĂ© qui insuffle aux corps dĂ©sir et puissance.

« Le collage je le ressens comme un jeu, comme un espace d’expĂ©rience, de recherche et de rencontre de matiĂšres. Le collage vient soutenir une idĂ©e, l’enrober ou au contraire confronter des matiĂšres.

Comme une archéologie de la mémoire, il fait des liens dans les époques, dans les cultures. Comme le montage au cinéma, le collage vient mettre en lumiÚre un nouveau sens, il permet de faire résonner les histoires entre elles, de soulever les choses cachées, il crée du contraste, et un nouveau sens aux images. Comme une pensée libre qui serait en perpétuelle recherche. »

54 Karine Rougier Ambivalences de la psyché
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Sans titre, série Flux, 2022 - Aquarelle, crayon et collage sur papier Arches - 76 x 56 cm

Marko Velk est un artiste figuratif qui explore et repousse les limites du dessin Ă  l’aide du bĂąton de fusain. L’objectif est atteint lorsque l’incertitude et la certitude qu’il s’agit bien d’un dessin au fusain se disputent. Les dessins de Marko Velk, aux proportions souvent imposantes, sont rĂ©alisĂ©s sur VĂ©lin d’Arches. L’ensemble de son Ɠuvre s’attache Ă  traduire un monde plĂ©thorique, mais silencieux, un monde sans parole, un monde hors-science, dans un espace situĂ© entre nature et culture, oĂč les dieux cĂŽtoient les assassins. Compositions d’une Ă©trange modernitĂ©, la technique de Marko Velk, son univers insondable, codĂ©, se singularisent de beaucoup dans le paysage de la production figurative française. Il est associĂ© au mouvement du sous-rĂ©alisme (Under Realism), et participe Ă  chacune de ses expositions collectives.

« À la base il y a le collage. Depuis toujours, dans ces carnets de formats A4 Ă  peu prĂšs, j’ai collĂ©, dĂ©coupĂ©, repositionnĂ©, des documents, des rĂ©fĂ©rences, des Ă©crits, des bouts de dessins, des choses arrachĂ©es dans la rue, toute sorte de documents qui Ă  mes yeux avaient une valeur graphique, symbolique, ou historique reflĂ©tant mes obsessions et mes prĂ©occupations du moment. Page aprĂšs page. Ces carnets, remplis d’interventions, d’additions et de soustractions sont autant de petites opĂ©rations et rĂ©parations du monde qui m’entoure. Une chirurgie de l’image. OpĂ©rĂ©e Ă  la main. Jamais montrĂ©s, ils sont pour moi une source d’informations inĂ©puisable ou presque. Gestes et pensĂ©es lancĂ©s au fil du jour rĂ©vĂ©lĂ©s par des juxtapositions improbables. Ce systĂšme de rĂ©flexion et d’approche par le collage a eu un rĂŽle essentiel dans la construction et la recherche des formes dans mon travail de dessin au fusain. C’est un procĂ©dĂ© que j’applique aujourd’hui hui Ă  grande Ă©chelle et qui rĂ©vĂšle la constance et l’importance du collage Ă  la base de mon travail. Il se rĂ©vĂšle essentiel et incontournable. Offrant Ă  mon travail au fusain une libertĂ© totale et une puissance d’évocation qui me conviennent pleinement dans ma recherche. »

56 Marko Velk Ambivalences de la psyché

The agreement, 2023 - Fusain sur papier - 155 x 125 cm

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58 Cut & Clash 5, rue du Mail
Marko Velk - vue d’accrochage - White Noise, 2023 - Fusain sur papier - 155 x 125 cm
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La peintre met en place un dispositif pictural complexe susceptible de dĂ©jouer les images toutes faites. Elle travaille notamment la transparence et les superpositions des figures dessinĂ©es en laissant apparaĂźtre, Ă  l’instar des dessins surrĂ©alistes, diffĂ©rentes strates d’une image. Chaque toile devient ainsi un espace diffractĂ© et feuilletĂ© venant dĂ©jouer la reconnaissance hĂątive des formes et des motifs qui la composent. Leslie Amine balade son pinceau au fil d’anecdotes, de recherche de soi, de voyages et de souvenirs d’Afrique. (Extrait du texte de Phillipe Godin, Les terres promises, 2022, exposition «Disparence» Ă  la galerie Anne de Villepoix du 09-11-2022 au 14-01-2023)

« Le motif photographique me sert de point d’accroche. Il me permet d’expĂ©rimenter la matiĂšre tout en essayant de le rĂ©vĂ©ler, de le faire disparaĂźtre et rĂ©apparaĂźtre. Par la superposition des images et des gestes, l’espace pictural devient le lieu de l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©. À la maniĂšre d’un feuilletage densifiĂ© par les formes et les diffĂ©rentes teintes, mon image se construit et se dĂ©construit tout en donnant Ă  voir des reprĂ©sentations Ă©vanescentes ou apocalyptiques. »

60 Leslie Amine Ambivalences de la psyché
61 Chñteau d’eau Lavalette
et acrylique
toile
160 x 120 cm
, 2024 - Encre
sur
-

Artiste plasticien, dessinateur français, polyvalent et prolifique. DĂšs l’ñge de 15 ans, StĂ©phane

Blanquet se lance dans une création totale qui devient indissociable de sa vie. Son parcours

artistique est marquĂ© par une exploration constante Ă  travers divers mĂ©diums, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale et une place prĂ©pondĂ©rante dans le paysage de l’art contemporain.

Blanquet a dĂ©butĂ© sa carriĂšre dans le domaine du dessin et de l’édition indĂ©pendante, fondant notamment la maison d’édition Chacal Puant, puis United Dead Artists. Au fil du temps, son champ d’activitĂ© crĂ©atif s’est Ă©tendu Ă  la conception et Ă  la rĂ©alisation d’installations, Ă  la production d’Ɠuvres sur une multitude de supports et de matĂ©riaux tels que le dessin, la peinture,

la sculpture, la tapisserie et la photographie, ainsi qu’à des domaines comme le théùtre, le cinĂ©ma d’animation, la musique et l’art urbain. En tant qu’artiste urbain, Blanquet a rĂ©alisĂ© une importante fresque au cƓur du MuseumsQuartier de Vienne, en Autriche. Ses Ɠuvres font partie de collections prestigieuses en France et Ă  l’international.

62 Stéphane Blanquet Ambivalences de la psyché
63 Dispositif inflammable avant renaissance, 2024 - Peinture d’enluminure sur toile de lin - 213 x 300 cm

« J’appartiens parfois au surrĂ©aliste dans le sujet, mais mon Ă©nergie est parfois Cobra dans le trait volontairement cassĂ©, puis se reprends sur un mĂȘme motif dans l’énergie de la figuration, pour finir dans un trait maniaque d’un DĂŒrer, puis se transforme tout d’un coup en autre chose de plus bancal, Ă  cheval avec le comics book. Ainsi tout se mĂ©lange pour me raconter, car il s’agit de cela, et chaque Ɠuvre est finalement un bout de moi, un puzzle fait de tout, d’art et de souvenirs, de rĂȘves, de douleurs ou de beautĂ©. »

Stéphane Blanquet

64

« J’aime allier aux sujets existentiels des symboles lĂ©gers et presque impropres au genre noble qu’est la peinture. Et pourtant pourquoi rejeter de la reprĂ©sentation picturale des symboles et images prĂ©sentes dans nos imaginaires contemporains et urbains ? »

89

Les peintures figuratives de Madeleine Roger-Lacan se dĂ©ploient dans un univers fantasmagorique, mĂȘlant autoportraits, portraits intimes, paysages oniriques et objets issus de la culture populaire contemporaine. Sa peinture explore toutes ces possibilitĂ©s, prenant de multiples formes, s’assemblant et se dĂ©coupant. Ses Ɠuvres Ă©tranges interrogent le regard extĂ©rieur et nous invitent Ă  plonger librement dans nos propres rĂȘveries.

« Quand je peins, je veux crĂ©er un choc perceptif fluide qui atteint directement l’intĂ©rioritĂ© profonde de celui qui regarde. La dĂ©sorientation fait Ă©cho Ă  ce mystĂšre propre Ă  chacun. La lenteur et la patience sont peut-ĂȘtre aussi nĂ©cessaires pour regarder mes peintures. Je veux laisser le spectateur rĂȘver et le laisser dialoguer seul avec la matiĂšre et les formes qui sont nĂ©es dans chaque toileĂ©vĂšnement. Ainsi la rĂȘverie initiale reprend un nouveau cycle et crĂ©e un dialogue de libertĂ© intime. »

Weird Little Fish Isabella, 2021

Huile et technique mixte sur toile

126 x 40 cm

90 Madeleine Roger-Lacan Ambivalences de la psyché Le flux ininterrompu du monde consumériste

Pizza Party Mash Up, 2024 - Huile sur toile, bois et photo - 73 x 50 cm

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Peter Klasen est nĂ© en Allemagne en 1935. En 1955, il intĂšgre l’Ecole SupĂ©rieure de Beaux-Arts de Berlin. En 1959, il s’installe Ă  Paris. Il s’inscrit alors comme le pionnier de la Figuration Narrative. Il dĂ©veloppe son langage pictural en s’appropriant la photographie et en s’intĂ©ressant Ă  l’esthĂ©tique industrielle. Pour Klasen la photographie est une approche indispensable, un filtre Ă  la rĂ©alitĂ©. « Photographier la rĂ©alitĂ© n’est pas la rĂ©duire mais la sublimer. Il s’agit d’une investigation du rĂ©el Ă  travers l’objectif. Le gros plan limite notre champ de vision et focalise notre attention. Les lieux en marge de nos villes, les faces cachĂ©es de notre monde industrialisĂ© exercent une Ă©trange fascination sur moi »

Peter Klasen, extrait de 1975. Pour rĂ©aliser ses Ɠuvres, Klasen sĂ©lectionne les images, les combine dans ses toiles, dĂ©coupe et juxtapose des objets. Il emploie les techniques de lithographie et de l’aĂ©rographie. Son sujet de prĂ©dilection est l’environnement/le paysage urbain. S’il en sonde les moindres dĂ©tails, son intĂ©rĂȘt porte plus particuliĂšrement sur le monde industriel. Lieux en marge des

villes, souterrains, gares de triage, tout est pour lui source d’inspiration. Les Ă©lĂ©ments de ce dĂ©cor sont souvent associĂ©s Ă  la beautĂ© fĂ©minine. Portrait ou parties du corps, la femme est mise en opposition avec le monde industriel/ l’univers matĂ©riel. Son travail le plus rĂ©cent « People in the City » en constitue l’exemple le plus Ă©difiant.

Torse + ampoule + quatre interrupteurs, 1969

Huile sur toile 89 x 116,5 cm

92 Peter Klasen Le flux ininterrompu du monde consumériste
93 PARACOLLAGE N°7, 1968 - Acrylique sur toile - 146 x 114 cm

Parce qu’à force de prolifĂ©ration, les images ont aujourd’hui perdu de leur aspĂ©ritĂ©, devenues aussi lisses que l’espace virtuel de leur diffusion, LĂ©o Dorfner en propose une lecture punk qui

dérange les interprétations trop chastes. Sa réappropriation des représentations médiatiques, des icÎnes publicitaires, des bribes du quotidien et des memes visuels dessine une mythologie

rock du contemporain aussi incrĂ©dule qu’indisciplinĂ©e.

Extrait du texte de Florian GaitĂ© « Story from the city », exposition de LĂ©o Dorfner, galerie L’Ɠil d’histrion, mai

94 Léo Dorfner Le flux ininterrompu du monde consumériste
2018

Falling into place, 2024 - Aquarelle et gouache sur papier - 150 x 110 cm

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« Dans ma pratique, j’associe des images, j’essaie de les faire rimer, qu’elles se poursuivent l’une dans l’autre ou, au contraire, j’observe une collision de laquelle jaillit un sens nouveau. Mais ce que j’aime par dessus tout c’est qu’à travers les images que je sĂ©lectionne sur Internet, parfois agrĂ©mentĂ©es d’images que je fais, se dĂ©gage une esthĂ©tique particuliĂšre, celle de la jeunesse d’aujourd’hui, rythmĂ©e par le flux incessant d’images dĂ©bordant des rĂ©seaux sociaux, et qui me rattache d’une certaine façon au Pop Art. »

Léo Dorfner

96 Léo Dorfner Le flux ininterrompu du monde consumériste

So Tonight That I Might See & Why does the Earth give us people to love, 2024 Aquarelle et gouache sur papier - 150 x 110 cm

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Hippolyte Hentgen est un duo d’artistes, composĂ© de GaĂ«lle Hippolyte et de Lina Hentgen.

RĂ©unies sous ce nom fictif pensĂ© comme une sphĂšre de partage et un outil de mise Ă  distance de la notion d’auteur, les deux artistes explorent un territoire de recherche principalement orientĂ© vers l’image. Si leur pratique s’ancre dans le dessin, elles s’aventurent Ă©galement dans d’autres champs de reprĂ©sentation, tels le spectacle, le dĂ©cor, le film et la sculpture. En s’appropriant les codes de la bande dessinĂ©e et du dessin de presse, elles multiplient les tons (burlesque, naĂŻf) et les rĂ©fĂ©rences (de Jim Shaw aux cartoons des annĂ©es 1930, de l’underground au modernisme, des motifs textiles aux papiers dĂ©coratifs japonais) et revivifient par glissement et greffe, une culture visuelle de masse. Puisant dans l’histoire de l’art comme dans la culture populaire, elles

s’emparent d’images iconiques inscrites dans la mĂ©moire collective et les restituent dans un immense collage protĂ©iforme et composite, d’une grande libertĂ© stylistique.

« Le principe du cadavre exquis pratiquĂ© par les surrĂ©alistes est notre premier terrain de jeux et c’est cet exercice qui a donnĂ© une inflexion Ă  notre pratique libre de l’image avec en son centre une obsession de l’assemblage de fragments de tous horizons : savants et vernaculaires. Ces diffĂ©rentes sources nous permettent de raconter des histoires personnelles mais aussi grĂące Ă  la force du document, de tracer des histoires collectives. »

Hippolyte Hentgen

98 Hippolyte Hentgen Le flux ininterrompu du monde consumériste
99 DEMAIN 88, 2024 - Encre et collage sur papier - 194 x 163 cm
100 Hippolyte Hentgen Le flux ininterrompu du monde consumériste DEMAIN 88, 2020 - Encre et collage sur papier - 100 x 70 cm
101 DEMAIN 88, 2024 - Encre et collage sur papier - 194 x 163 cm

Jean-Philippe Roubaud est un artiste qui explore le domaine du dessin, l’illusionnisme et la temporalitĂ©.

Connu pendant 15 ans sur la scĂšne artistique niçoise au sein d’un duo avec Cynthia Lemesle, il travaille seul depuis 2015. Il utilise le crayon, le pinceau et, de maniĂšre rĂ©currente, le graphite. Fusionnant diverses techniques artistiques, Jean-Philippe Roubaud s’oblige Ă  restreindre les moyens du processus et rĂ©duit l’acte Ă  son plus petit appareil pour n’en garder que l’essentiel. Ses dessins peints sont citationnels, qu’ils soient issus d’ouvrages scientifiques ou de simples phĂ©nomĂšnes mĂ©moriels. Ses crĂ©ations franchissent les frontiĂšres entre la peinture et le dessin, offrant aux spectateurs une expĂ©rience immersive et introspective. À travers ses Ɠuvres, Roubaud explore les thĂšmes de la mĂ©moire, de l’identitĂ© et de la nature humaine, invitant le public Ă  rĂ©flĂ©chir sur sa propre existence et sur le monde qui l’entoure. Son style distinctif mĂȘle souvent des Ă©lĂ©ments abstraits et figuratifs, crĂ©ant ainsi des compositions dynamiques et Ă©vocatrices qui captivent l’imagination.

102 Jean-Philippe Roubaud Le flux ininterrompu du monde consumériste

Mnémosyne atlas apocryphe, Méduse 2, 2024 - Graphite sur papier - 60 x 50 cm

Mnémosyne atlas apocryphe, Narcisse & Orphée, 2018 - Graphite sur papier - 30 x 24 cm (chaque)

103

« Comme beaucoup d’artistes de ma gĂ©nĂ©ration, j’ai constituĂ© une partie de ma culture artistique et iconographique Ă  travers les livres et par la suite les recherches sur Internet. Je pouvais sauter un siĂšcle en quelques pages et alterner culture pop et reprĂ©sentation classique trĂšs rapidement. De lĂ  vient sĂ»rement mon goĂ»t pour le carambolage d’images. Je suis admiratif depuis trĂšs longtemps du travail d’Aby Warburg fondateur de la

104 Jean-Philippe Roubaud Le flux ininterrompu du monde consumériste

notion d’iconologie. Ses mĂ©thodes de mise en relation d’images m’inspirent et me permettent de produire du sens Ă  l’intĂ©rieur de mes Ɠuvres. Aby Warburg montre que dĂ©couper c’est choisir, monter c’est lier, assembler c’est raconter en confrontant. Ces assemblages permettent de faire rĂ©apparaĂźtre la mĂ©moire des images dans un syncrĂ©tisme transhistorique. »

Jean-Philippe Roubaud

105 Romantic Amor, 2018 - Graphite sur papier - 102 x 65 cm (chaque) - Polyptyque

La peinture d’Armand Jalut convoque une iconographie cultivant l’ambiguĂŻtĂ© et les paradoxes. Il extrait de ses collections d’images certains fragments, les soumet Ă  des dĂ©placements, des jeux combinatoires concevant un dispositif pictural ambivalent.

Devenant artefacts, ces objets hyper figurĂ©s s’enrichissent d’un potentiel narratif aux rĂ©miniscences fantastiques et Ă©rotiques. Son travail rend compte de cette maniĂšre

d’observer l’anodin, l’obsolĂšte, manipulant et recontextualisant le sujet Ă  travers le prisme dĂ©formant de la peinture, Ă©laborant une projection fantasmĂ©e de l’accessoire.

« Ma pratique du collage est prĂ©cĂ©dĂ©e de recherches iconographiques, de pĂ©rĂ©grinations rĂ©tiniennes qu’offrent le scrolling sans fin et l’instantanĂ©itĂ© des photos Ă  l’iPhone. Cette consommation visuelle mĂšne Ă  la collection de sujets potentiels, hiĂ©rarchisĂ©s en fonction de leurs qualitĂ©s picturales et leur ambivalence. »

Armand Jalut

106 Armand Jalut Le flux ininterrompu du monde consumériste
107 39, 2020 - Huile sur toile - 162 x 130 cm

Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024

Strouk Gallery

Espace avenue Matignon

108 Armand Jalut Le flux ininterrompu du monde consumériste
109
Tenderly, 2023 - Huile sur toile - 116 x 89 cm

«Vouloir peindre c’est d’abord vouloir inventer une image qui bouleversera les autres.»

SeguĂ­, dĂšs les annĂ©es 60, confĂšre aux figures une place primordiale dans son travail. Il se place alors aux premiers rangs de la Nouvelle Figuration (et du Pop Art) et trouve sa place parmi les artistes qui ont rejetĂ© le formalisme de l’abstraction et redonnĂ© une place « au quotidien ». Sa production est formĂ©e pour la plus grande part de peintures, mais aussi d’estampes et de sculptures.

Jeune peintre, il puise son inspiration auprĂšs d’artistes comme Giorgio de Chirico, Mario Sironi, GutiĂ©rrez Solana ou encore comme le peintre français satirique HonorĂ© Daumier. Dans les annĂ©es 60 et 70, ses tableaux sont sombres et dĂ©nonciateurs. Il y fait figurer des reprĂ©sentants du Pouvoir, de l’ArmĂ©e et du ClergĂ©. Il peint des toiles expressionnistes et satiriques qui font allusion Ă  l’histoire politique et sociologique de l’AmĂ©rique latine ( L’arrivĂ©e du GĂ©nĂ©ral , 1967). Il admet qu ‘« il a toujours eu dans sa peinture, des Ă©lĂ©ments constants, comme la dĂ©nonciation et la provocation. »

Pages suivantes, Ă  gauche, Cuando te Vuelva a Ver, 1985

Huile sur toile 200 x 200 cm

110 Antonio SeguĂ­ Le flux ininterrompu du monde consumĂ©riste Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire

Memoria de un Ropero, 2017 - Acrylique sur bois découpé - 121 x 121 x 8,5 cm

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112 Cut & Clash 2, avenue Matignon
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AprĂšs des Ă©tudes d’histoire Ă  l’UniversitĂ© Paris VII, StĂ©phane PencrĂ©ac’h entreprend, au dĂ©but des annĂ©es 90, un travail de peinture, de sculpture, de dessin, de gravure et d’édition. Il aime reprendre des thĂšmes, des symboles ou des personnages mythologiques, des mythes fondateurs comme base pour Ă©voquer, dans une version contemporaine, des sujets universels. Si StĂ©phane PencrĂ©ac’h dĂ©ploie ses peintures et ses sculptures de maniĂšre assez classique, il vise Ă  fonder une expĂ©rience esthĂ©tique nouvelle, construite en rĂ©fĂ©rence au monde actuel, Ă  une troisiĂšme dimension qui prend forme tant dans le cinĂ©ma, que dans l’univers du net. Poussant sa recherche formelle, il intĂšgre la sculpture en 3D dans ses tableaux, perdant le spectateur dans une complexitĂ© spatiale, multipliant les points de vue possibles. Il rĂ©active depuis quelques annĂ©es la grande tradition de la peinture d’histoire et du monument.

« La modernitĂ© c’est pour moi le principe d’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle, que j’ai pris comme une dĂ©flagration avec « Le DĂ©jeuner sur l’herbe » de Manet d’abord, et ensuite Picasso bien sĂ»r. Casser, recomposer, recommencer. Par extension le chaos comme source d’inspiration et gĂ©nĂ©rateur de formes. Dans mes tableaux les multiples pistes de sens sont balisĂ©es davantage par ces ruptures et changements de formes que directement par de l’iconographie qui s’entrechoquerait. »

Stéphane

Pages précédentes, à droite, Vladimir Poutine, 2023

Huile sur toile

200 x 200 cm

Vue d’exposition

114 StĂ©phane PencrĂ©ac’h Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire
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Elon Musk, 2024 - Huile sur toile - 200 x 200 cm

DĂšs 1963, Adami Ă©labore son langage plastique. La fragmentation de l’espace, les effets de relief et de tridimensionnalitĂ© vont laisser la place Ă  une ligne serpentine et sensuelle dans des suites de formes closes. Il joue sur les juxtapositions, les mĂ©langes, la fusion des idĂ©es, des Ă©motions, des impulsions avec toujours la ligne qui est le vĂ©ritable paraphe de son esthĂ©tique. Cette ligne trĂšs accusĂ©e est le point de dĂ©part et la fin du dessin, elle signe son style, c’est son Ă©criture. Ce cernĂ©, ce trait contour, enserre aussi bien les Ă©vĂ©nements historiques, les paysages, les portraits de cĂ©lĂ©britĂ©s et mĂšne du rĂ©el au symbolique, Ă  une sorte d’allĂ©gorie culturelle aussi bien que personnelle.

116 Valerio Adami Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire

Visitate le Termopili, 1988 - Acrylique sur toile -197 x 260 cm

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La pratique artistique de Damien Deroubaix est marquĂ©e par une grande diversitĂ© de formes et de techniques : peinture Ă  l’huile, aquarelle, gravure, tapisserie, panneaux de bois gravĂ©s, mais aussi sculpture et installation.

À cette variĂ©tĂ© formelle rĂ©pondent des sources et des rĂ©fĂ©rences des plus Ă©clectiques, cohabitant souvent au sein de ses oeuvres dans un esprit qui n’est pas sans rappeler celui, iconoclaste, des montages Dada. Des motifs empruntĂ©s aux danses macabres mĂ©diĂ©vales s’y mĂȘlent Ă  des Ă©vocations de chapitres tragiques de l’histoire contemporaine ; des images d’actualitĂ© y cĂŽtoient la mythologie ou le folklore ; l’histoire de l’art et la scĂšne musicale metal s’y tĂ©lescopent. Ouvertement expressionnistes, ses peintures convoquent bien souvent des thĂšmes apocalyptiques, et c’est peut-ĂȘtre ce qui les rend si intemporels.

118 Damien Deroubaix Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire

La jeune fille, la mort et le diable, 2022 - Huile et collage sur toile - 200 x 150 cm

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« Ça fait bien longtemps que la mondialisation a rĂ©vĂ©lĂ© un monde fragmentĂ©. Par son Ă©tat de morceaux, de la texture matiĂšre ou de pensĂ©es diffĂ©rentes qui se tĂ©lescopent, ma peinture/ collage tend Ă  prĂ©senter cela. »

120

La jeune fille et la mort, 2023 - Huile et collage sur toile - 200 x 150 cm

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AprĂšs une formation de peintre-dĂ©corateur Ă  l’école des Arts appliquĂ©s de Paris, Jacques Monory travaille dix ans chez l’éditeur d’art Robert Delpire oĂč il se trouve en contact avec l’univers de la photo. Il est l’un des principaux reprĂ©sentants du mouvement de la Figuration narrative qui, au milieu des annĂ©es 1960 s’est opposĂ© Ă  la peinture abstraite, avec notamment les peintres

Hervé Télémaque, Erró, Rancillac, Peter Klasen, Eduardo Arroyo et Valerio Adami. Profondément préoccupé par la violence de la réalité quotidienne, les tableaux de Monory suggÚrent des atmosphÚres lourdes et menaçantes.

Les thĂšmes sont dĂ©veloppĂ©s Ă  travers des sĂ©ries et les images qu’il utilise sont directement issues de la sociĂ©tĂ© contemporaine. Des emprunts photographiques et cinĂ©matographiques, le recours Ă  la monochromie, la froideur de la touche et de la composition caractĂ©risent un style singulier et engagĂ© dans la reprĂ©sentation et baignent souvent dans un monochrome bleu.

Couleurs n°5, 2002 - Acrylique sur toile - 176 x 501 cm (Triptyque)

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D’abord connue pour sa peinture, Cristine Guinamand ne se limite pas Ă  un seul mĂ©dium. Son exploration artistique est protĂ©iforme, embrassant le dessin, la gravure, la broderie, l’installation, la sculpture et mĂȘme la crĂ©ation de machines. Cette diversitĂ© est une caractĂ©ristique fondamentale de son travail, lui confĂ©rant une richesse et une profondeur uniques. Le dessin occupe une place importante dans sa pratique. Il lui sert Ă  la fois d’outil d’exploration et de moyen d’expression Ă  part entiĂšre. Ses dessins, souvent Ă  l’encre ou au fusain, sont d’une grande prĂ©cision et d’une grande force expressive. Son style est difficile Ă  catĂ©goriser et mĂ©lange plusieurs influences, ce qui en fait une artiste unique et singuliĂšre.

« L’association de matĂ©riaux forts et chargĂ©s rend visible les intentions voulues. Lorsque j’utilise des puzzles dans les compositions liĂ©es Ă  la guerre, l’impression de fragmentation, de morcellement, de dĂ©bris est augmentĂ©e, traduisant la dynamique mortifĂšre de celle-ci. Ces peintures Ă  l’huile composites donnent des propositions qui rompent avec la linĂ©aritĂ© et la continuitĂ© de l’image et retranscrivent par la mĂȘme occasion un magma significatif tel un champ de bataille oĂč les Ă©lĂ©ments hĂ©tĂ©roclites partagent une mĂȘme zone. L’apprĂ©hension du rĂ©bus formel et narratif des peintures ne peut-ĂȘtre saisi en un instant mais demande un arrĂȘt, un certain temps, comme pour faire prendre conscience de la dislocation du monde. »

Cristine Guinamand

Révélation, 2024

Acrylique et huile sur toile libre 214 x 300 cm

124 Cristine Guinamand Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire
125
Vue de l’exposition Cut & Clash, 2024 - Ɠuvres de Cristine Guinamand - dimensions variables

« C’est dans sa capacitĂ© Ă  conjuguer le projet graphique Ă  l’image choisie que

Valentin van der Meulen rĂ©vĂšle sa maĂźtrise du dessin : la mĂȘme force qui se

dĂ©gage du dessin se trouve dans le geste et le regard. Souvent les dessins de sculpteurs tĂ©moignent de leurs maniĂšres de traiter la pierre, le bois, l’on

pense ici Ă  Baselitz ou Dodeigne. Un mĂȘme poids de la main s’imprime dans la matiĂšre. Valentin van der Meulen n’est pas sculpteur, pourtant son dessin

parvient Ă  confĂ©rer Ă  l’image une prĂ©sence tangible dans l’espace. »

Paul-HervĂ© Parsy, ancien directeur du ChĂąteau D’Oiron et des collections du

Centre Georges Pompidou

Poudre de fusain, pierre noire, bois, polyuréthane, Dibond et laque acrylique

110 x 80 x 5 cm

140 x 70 x 5 cm

126 Valentin van der Meulen Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire Ambivalences de la psychĂ©
127
Birds, 2023 - Poudre de fusain, pierre noire, papier, bois et polyuréthane - 190 x 135 x 5 cm

« L’idĂ©e de fragment m’a toujours intĂ©ressĂ©. Du fragment se pose la question du motif que je me permets d’aborder au sens large du terme. Beaucoup de choses peuvent devenir un motif si on les considĂšre dans leur rapport Ă  la rĂ©alitĂ©. Quand j’aborde ces deux aspects (fragment / motif), les jeux de visible et d’invisible, ou de prolifĂ©ration et de saturation, prennent une nouvelle dimension qui concurrence le sujet premier de l’image et donc en interroge le rĂ©cit. J’ai toujours considĂ©rĂ© l’image dans sa relation avec la rĂ©alitĂ© Ă  travers l’idĂ©e de la mĂ©moire (jusqu’à sa dimension physique quand je la traduis en dessin) plus qu’à travers l’idĂ©e de documentation. Cette idĂ©e permet de s’interroger sur la maniĂšre dont nous Ă©crivons l’histoire dans notre sociĂ©tĂ© et notre relation avec celle-ci. »

128
129

TĂ©moin des atrocitĂ©s commises pendant la Seconde Guerre mondiale et plus rĂ©cemment dans les annĂ©es 90 en ex-Yougoslavie, Vladimir Veličković consacre sa peinture Ă  la reprĂ©sentation du corps humain, un champ d’investigation inĂ©puisable pour lui. Dans ses Ɠuvres, paysages dĂ©solĂ©s, horizons bloquĂ©s, visions de guerre et de carnage forment un univers oĂč les reprĂ©sentations du monde et du corps humain sont des illustrations de la souffrance infligĂ©e Ă  l’homme par l’homme.

130
Veličković Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire
Vladimir
131
KARTON, 2007-2009 - Technique mixte sur carton - 32 x 29 cm (chaque)

L’Ɠuvre d’Axel Pahlavi explore des thĂšmes tels que la violence, la tristesse, la beautĂ© et la spiritualitĂ© Ă  travers des fresques cosmiques et des autoportraits. L’art d’Axel Pahlavi se confronte Ă  l’histoire, Ă  la sciencefiction, Ă  la sociĂ©tĂ© et Ă  la nature. Ses toiles montrent une figure humaine dĂ©risoire hantĂ©e par un sentiment d’abandon et une fatalitĂ© tragique.

« Bien sĂ»r, le collage provient beaucoup de lÂŽutilisation pour ma gĂ©nĂ©ration de lÂŽoutil Photoshop. Mais chez moi il se double par des maniĂšres de matiĂšres qui viennent doubler les collages dÂŽimages : les parties sont peintes avec des outils diffĂ©rents et des vitesses de peinture diffĂ©rentes, ce qui accentue le cĂŽtĂ© explosif dans le frottement entre les parties. Cela est aussi une maniĂšre de penser la fission de la matiĂšre elle-mĂȘme. »

(de gauche Ă  droite)

Étude pour un portrait 1, 2 & 3, 2024

Acrylique et huile sur toile

50 x 40 cm

132 Axel Pahlavi Les fĂȘlures tragiques de l’Histoire
133 Je t’ai toujours aimĂ©, 2022 - Acrylique et huile sur toile - 100 x 80 cm

Pionnier du mouvement de la Figuration Narrative, il est Ă  la fois pop et baroque. Utilisant une technique acadĂ©mique, il combine des images provenant de diverses sources. Tout a commencĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1950, avec des ciseaux et de la colle. PublicitĂ©s, journaux, affiches, propagande politique, bandes dessinĂ©es, il collectionne tout ce qu’il voit, tout ce qu’il lit. Il dĂ©coupe et assemble, composant un collage, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une Ă©bauche du tableau Ă  venir. Ce qui l’intĂ©resse avant tout, c’est notre culture visuelle et politique. De Mao Zedong Ă  la guerre du Golfe, il raconte ce que tout le monde connaĂźt et peut reconnaĂźtre : les figures des despotes, le monde et ses conflits, la guerre des images. En 1963, en arrivant Ă  New York, il lance la sĂ©rie des « Scapes », un flux ininterrompu d’images qui saturent la surface du tableau. Ainsi, une narration

infiniment complexe s’établit, laissant la libertĂ© d’interprĂ©tation au spectateur. « La peinture est une façon de chercher Ă  dĂ©couvrir le sens d’un monde confus », explique ErrĂł.

134 Erró Le flux ininterrompu du monde consumériste
135
Sans titre, 2020 - Acrylique sur toile - 198 x 158 cm

Artiste appartenant Ă  la famille du mouvement nĂ©o pop, ses Ɠuvres se situent dans le courant de la figuration narrative française et du pop art. Myriam Baudin s’attache Ă  dĂ©tourner et rĂ©interprĂ©ter l’iconographie contemporaine ainsi que l’imagerie urbaine et publicitaire de la sociĂ©tĂ© de consommation. Utilisant le graphisme et la couleur, elle tient un propos subversif s’inspirant de la vie quotidienne et de la presse. La peinture de la renaissance italienne lui procure ses premiĂšres sensations et c’est particuliĂšrement chez Piero della Francesca qu’elle dĂ©couvre toute l’efficacitĂ© gĂ©omĂ©trique et chromatique d’une Ɠuvre et oĂč elle apprend Ă  maĂźtriser cette simplification de l’image. Au cours des annĂ©es 90, Myriam Baudin se consacre exclusivement Ă  la peinture. Elle expĂ©rimente de nombreux matĂ©riaux et opte pour la propolis

(résine extraite des ruches de son pÚre) associée à des pigments naturels sur toile marouflée.

Dans ses toiles, l’identitĂ© fĂ©minine Ă©voque le noyau originel. La femme comme ligotĂ©e au sein

d’elle-mĂȘme, doit ĂȘtre, selon l’artiste, « sfogarsi », extraite du feu, se libĂ©rer du feu.

136 Myriam Baudin Le flux ininterrompu du monde consumériste
137
Rewild Mary Bob, 2024 - Acrylique sur toile - 146 x 114 cm

Réincarnation des vaches folles, 2011 - Acrylique sur toile - 130 x 97 cm

138 Myriam Baudin Le flux ininterrompu du monde consumériste

IcĂŽnes aux ornements, 2019 - Acrylique sur toile - 100 x 100 cm

Du lard urbain, 2014 - Acrylique sur toile - 100 x 100 cm

139

« La pratique du collage exprime souvent une explosion de violence ressentie, rĂ©organisĂ©e sur toile pour tenter de se libĂ©rer de soi vers l’espĂ©rance d’un absolu. »

Myriam Baudin

140

« L’émancipation dans la peinture est une grande nĂ©cessitĂ©, elle va droit au cƓur. Le conventionnel n’est que demi-mesure, il refroidit la libertĂ©. L’imagination, c’est de monter et descendre dans un fluide. On dirait qu’un infini ou un point se trouve entre la rotation et l’oscillation. »

« À propos de mes deux tableaux « La guerre de la gourmandise » et « SucrĂ©s », un proverbe chinois dit : « Trop de colle ne colle plus, trop de sucre n’adoucit plus. »

Raphaëlle Ricol

141

RaphaĂ«lle Ricol est une artiste peintre française qui s’inscrit dans le mouvement du Sous RĂ©alisme. NĂ©e sourde, RaphaĂ«lle Ricol a dĂ©veloppĂ© son art de maniĂšre autodidacte. Ses sources d’inspiration sont multiples, allant de la BD, les mangas et les dessins animĂ©s, en passant par l’art urbain et la peinture classique. Elle utilise principalement l’acrylique, mĂȘlant parfois le feutre, le marqueur ou la peinture Ă  la bombe. Dans ses Ɠuvres, on peut parfois trouver des objets incorporĂ©s, comme des figurines en plastique de jeux d’enfants, ou des figurines collĂ©es Ă  la surface de ses tableaux. Sa peinture Ă©volue d’un univers rĂ©aliste

vers un monde peuplé de créatures à la fois violentes et burlesques.

La guerre de la gourmandise, 2023

Acrylique sur toile 150 x 150 cm

142 Raphaëlle Ricol Le flux ininterrompu du monde consumériste

Sucrés

143
, 2023 - Acrylique sur toile - 150 x 150 cm

« Tous les « Ă©vĂ©nements » politiques m’impressionnent. Je l’ai dĂ©couvert quand j’ai dĂ©cidĂ© de faire les toiles sur l’annĂ©e 1966. J’ai compris alors que j’étais un animal politique pas un chroniqueur mondain ! À l’origine de toute crĂ©ation artistique il faut une Ă©motion. TrĂšs souvent chez moi elle est de nature politique mĂȘme quand je peins des Mickey, des musiciens de jazz, des voitures ou des stars de cinĂ©ma. Le journaliste et le photographe sont plus prĂ©sents sur l’évĂ©nement et plus rapides en communication. Mais le peintre a le temps pour lui, le temps de s’enfoncer dans la chair du temps. Cela s’appelle l’histoire. »

144 Bernard Rancillac Le flux ininterrompu du monde consumériste
Bernard Rancillac propos recueillis Ă  Paris en 1991
145
Miss Berger, 1993 - Acrylique sur toile et collage de plaque de métal - 93 x 82 cm

La peinture de Shu Rui est basĂ©e sur l’instant prĂ©sent, s’inspirant de ses propres expĂ©riences. Elle n’a ni sujet de crĂ©ation fixe ni objet de recherche dĂ©fini. Elle dĂ©peint

des choses et des phĂ©nomĂšnes avec une approche morcelĂ©e et dĂ©centralisĂ©e du rĂ©alisme. Son travail combine Ă  la fois une dimension autobiographique et une dĂ©marche documentaire. Elle se consacre principalement Ă  dĂ©peindre –au sens de

« raconter » –les objets qu’elle possĂšde : ses vĂȘtements, ses sacs, son fer Ă  repasser, ses livres, son tĂ©lĂ©phone portable, ses aliments et les emballages de ce qu’elle a consommĂ©. Elle les reprĂ©sente avec une sorte de vĂ©nĂ©ration, copiant les images des emballages comme si elle reproduisait l’Ɠuvre d’un grand maĂźtre.

« Ma peinture reprĂ©sente Ă  la fois un effort autobiographique et une dĂ©marche documentaire. Je me consacre surtout Ă  dĂ©peindre – pas peindre, mais littĂ©ralement dĂ©peindre, au sens de « raconter » – les objets que je possĂšde : mes vĂȘtements, mes sacs, mon fer Ă  repasser, mes livres, mon tĂ©lĂ©phone portable, mes aliments et les emballages de ce que j’ai consommĂ©... Je les peins avec une sorte de vĂ©nĂ©ration : je copie les images sur les emballages comme je reproduisais l’Ɠuvre d’un grand maĂźtre. »

Shu Rui

Vue d’exposition ƒuvres de Shu Rui

146 Shu Rui Le flux ininterrompu du monde consumériste
147 Ma libertĂ© n’est pas la tienne, 2022 - Huile sur toile - 116 x 89 cm
148 Cut & Clash 2 avenue Matignon
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LÉGENDES DÉTAILS

Stéphane Blanquet, p.65 - Dispositif inflammable avant renaissance, 2024

Gérard Schlosser, p.66 - Quelques fois, 2021

Till Rabus, p.67 - Split body 5, 2023

Jean-Philippe Roubaud, p.68 - Mnémosyne atlas apocryphe, Meduse 2, 2024

Léo Dorfner, p.69 - So Tonight That I Might See, 2024

ErrĂł, p.70 - Sans titre, 2020

Myriam Baudin, p.71 - Rewild Mary Bob, 2024

Bernard Rancillac, p.72 - Miss Berger, 1993

Shu Rui, p.73 - Ma libertĂ© n’est pas la tienne, 2022

Valerio Adami, p.74 - Visitate le Termopili, 1988

StĂ©phane PencrĂ©ac’h, p.75 - Vladimir Poutine, 2023

Karine Rougier, p.76 - Sans titre, série Flux, 2022

Michel Tyszblat, p.77 - Sans titre, 2013

Armand Jalut, p.78 - Tenderly, 2023

Antonio SeguĂ­, p.79 - Memoria de un Ropero, 2017

Robert Combas, p.80 - POSE ENTRE DES GROSSES TÊTES DE CAPITALISTES

À « L’ANCIENNE », 2024

Oda Jaune, p.81 - Untitled, 2022

Abel PradaliĂ©, p.82 - Les demoiselles d’Instagram, 2024

Léopold Rabus, p.83 - Intérieur, 2017

Pat Andrea, p.84 - VOORTREKKER, 2015

Abel Pradalié, p.85 - KO, 2023

Marko Velk, p.86 - The agreement, 2023

Katia Bourdarel, p.87 - Linteum - Le paradis blanc, 2022

Madelein Roger-Lacan, p.88 - Weird Fish Isabella, 2021

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CRÉDITS ARTISTES

© Valerio Adami

© Leslie Amine

© Pat Andrea

© Myriam Baudin

© Stéphane Blanquet

© Katia Bourdarel

© Robert Combas

© Damien Deroubaix

© Léo Dorfner

© Erró

© Cristine Guinamand

© Hippolyte Hentgen

© Armand Jalut

© Oda Jaune

© Peter Klasen

© MarlÚne Mocquet

© Jacques Monory

© Axel Pahlavi

© StĂ©phane PencrĂ©ac’h

© Nazanin Pouyandeh

© Abel Pradalié

© Léopold Rabus

© Till Rabus

© Bernard Rancillac

© Raphaëlle Ricol

© Madeleine Roger-Lacan

© Jean-Philippe Roubaud

© Karine Rougier

© Shu Rui

© Gérard Schlosser

© Antonio Seguí

© Michel Tyszblat

© Valentin van der Meulen

© Vladimir Veličković

© Marko Velk

©ADAGP

REMERCIEMENTS

Galerie Anne de Villepoix

Galerie Claire Gastaud

Galerie Semiose

Galerie Michel Rein, Paris / Bruxelles

Galerie Templon

Galerie EAST

Galerie Isabelle Gounod

Galerie Sator

Galerie Suzanne Tarasieve, Paris

Galerie Lange+Pult

Galerie Eigen+art

Galerie Espace Ă  vendre

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

© Romain Darnaud : reproduction des Ɠuvres et photos de l’exposition

© Sully BalmassiÚre : p.17 ; p.19 ; p.83

© Atelier de Pat Andrea : p.21 ; p.23 ; p.84

© Harald Gottschalk : p.29 ; p.31 ; p.80

© Atelier Till Rabus : pp.32-35 ; p.67

© Atelier d’Oda Jaune : p.39 ; p.81

© Atelier de Nazanin Pouyandeh : p.41

© Rebecca Fanuele : p.48 (gauche)

© Thibault Hazelzet : p.48 (droite)

© Atelier de Michel Tyszblat : pp.52-53 ; p.77

© Atelier de Karine Rougier : p.55 ; p.76

© Atelier de Marko Velk : p.57

© Atelier de Leslie Amine : p.61

© Claire Dorn : p.88 ; pp.90-91

© Atelier de Léo Dorfner : p.95

© Aurélien Mole : pp.100-101

© Atelier de Jean-Philippe Roubaud : pp.104-105

© F. Kleinefenn : p.107

© Atelier d’Antonio SeguĂ­ : p.111

© Atelier de Valentin van der Meulen : pp.126-127

© Atelier de Myriam Baudin : p.71 ; p.136-138

© Atelier de Raphaëlle Ricol : pp.142-143

© Atelier de Shu Rui : p.73 ; pp.146-147

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Published by Strouk Gallery

Exposition du 08.03.24 au 20.04.24

COMMISSAIRE D’EXPOSITION

Amélie Adamo

COORDINATION

InĂšs Frachon

Marie Laborde

Juliette Susini

TEXTES

Amélie Adamo

InĂšs Frachon

CORRECTIONS

InĂšs Frachon

ÉlĂ©a Bindi

GRAPHISME

Juliette Susini

RÉGIE

Romuald Pfister

Stéphane Mortier

Arny Peña

www.stroukgallery.com

PARIS

2, avenue Matignon, 75008 5, rue du Mail, 75002 T +33 1 40 46 89 06 contact@stroukgallery.com

@stroukgallery

@strouk_editions

@laurentstrouk

AchevĂ© d’imprimer en mars 2024 sur les presses de l’imprimerie Marie, Honfleur, France

DépÎt légal mars 2024

ISBN : 978-2-493962-08-9

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