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Texte dâAmĂ©lie Adamo
Libertéà lâorigine de Cut & Clash, il y a lâenvie de rassembler dans le disparate. Lâenvie de redonner Ă sentir ce qui dans la peinture est continuitĂ©, porositĂ©, dialogue permanent. Câest lĂ dâabord peut-ĂȘtre un dĂ©sir politique. Celui de se positionner contre une lecture institutionnelle de la peinture en France. Une lecture un peu trop Ă©troite. Frileuse. Une lecture qui a tendance Ă privilĂ©gier lâidĂ©e avant-gardiste de progrĂšs irrĂ©versible, de rupture, de table rase. Une lecture qui a tendance Ă mettre aux bancs des peintres pourtant majeurs, Ă les plonger injustement dans lâombre. Soit quâelle dĂ©crĂšte la fin de la peinture figurative, pratique taxĂ©e passĂ©iste, ringardisĂ©e. Soit quâelle rĂ©cupĂšre ce mĂ©dium en vogue sur le marchĂ© en exultant sur la moindre nouveautĂ©, comme si rien nâavait eu lieu avant ou Ă©tait devenu « hors-circuit ». Diktat de la jeunesse plus absurde encore dans le cas de la peinture qui est un mĂ©dium difficile et relĂšve dâun temps long, qui gagne techniquement en maturitĂ© et se dĂ©finit par essence comme intemporel.
Jeunes Ă©ternellement sont les aĂźnĂ©s dâhier.
Trois gĂ©nĂ©rations dâartistes sont ici convoquĂ©es. Les « aĂźnĂ©s » qui ont Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 1960 et 1980 (de la Figuration Narrative, aux autres nouvelles figurations et Ă la Figuration Libre). Les plus « jeunes » dont la majoritĂ© a Ă©mergĂ© au dĂ©but des annĂ©es 2000. Trois gĂ©nĂ©rations dâartistes qui ont ceci en commun dâavoir renouvelĂ© le visage de la peinture figurative en France alors quâune large part de lâinstitution et de la scĂšne artistique en dĂ©crĂ©tait la fin. Ce qui apparait aujourdâhui avec force ? Câest la prĂ©sence vivante et permanente de ces figurations contre la rĂ©alitĂ© de laquelle se brise cette fiction dĂ©lirante de la rupture, purement idĂ©ologique. Bien Ă©videmment que la peinture vivante nâa eu que faire des discours progressistes et nâa cessĂ© de se rĂ©inventer, comme toujours et depuis bien longtemps. Bien Ă©videmment quâentre ces trois gĂ©nĂ©rations il existe des liens que lâon ne peut effacer.
Bien sĂ»r que les aĂźnĂ©s ont apportĂ© aux plus jeunes. Certains ont Ă©tĂ© professeurs aux beaux-arts comme Pat Andrea ou Vladimir VeliÄkoviÄ et ont tissĂ© des liens profonds avec certains de leurs Ă©lĂšves. Mais plus gĂ©nĂ©ralement, de la Figuration Narrative Ă la Figuration libre, lâĆuvre des aĂźnĂ©s a Ă©tĂ© un jalon pour cette nouvelle gĂ©nĂ©ration qui cherchait Ă renouveler la peinture figurative dans un pays oĂč lâinstitution y demeurait largement rĂ©fractaire. Dans la peinture des aĂźnĂ©s, cette nouvelle gĂ©nĂ©ration trouve, non pas forcĂ©ment une influence directe ou littĂ©rale, mais plutĂŽt une impulsion crĂ©ative et une libertĂ© qui rĂ©sonne avec leur propre dĂ©sir de peindre. Faisant fi des tables rases et des modes progressistes, les plus jeunes ont regardĂ© la peinture des aĂźnĂ©s bien sĂ»r. Mais cette porositĂ© marche dans les deux sens : les plus jeunes ont aussi apportĂ© aux aĂźnĂ©s. Mutuellement ils se sont regardĂ©s, exposĂ©s, collectionnĂ©s. Bien Ă©videmment que leurs Ćuvres transcendent la question de lâĂąge et quâelles se rĂ©pondent par affinitĂ©s ou par rĂ©actions. Elles se regardent et dialoguent dans ce quâelles ont de vivant, dâactuel, ici et maintenant.
Des aĂźnĂ©s aux plus jeunes, les artistes rĂ©unis dans lâexposition Cut & Clash sâinscrivent tous Ă diffĂ©rents degrĂ©s dans une histoire du collage et du montage dans laquelle la premiĂšre modernitĂ© a insufflĂ©
une Ă©nergie nouvelle. Couper. Coller. Avec des ciseaux ou dans sa tĂȘte. Sâapproprier. Remixer. Faire peinture, faire dessin, avec du dĂ©jĂ -lĂ . Prendre une image existante et la transformer pour en faire une nouvelle. Lâhistoire ne date pas dâhier. Mais Ă ce jeu-lĂ la premiĂšre modernitĂ© a Ă©tĂ© un jalon essentiel. De Manet Ă Picasso, de dada aux surrĂ©alismes, de lâart brut aux expressionnismes : la modernitĂ© a renouvelĂ© les bases de la reprĂ©sentation Ă travers une pratique libre de lâimage qui a absorbĂ© les mutations du monde, de lâimpact de lâindustrialisation aux grandes tragĂ©dies mondiales. SĂ©isme dans lâhistoire des acadĂ©mismes et des nĂ©oclassicismes, la modernitĂ© sâest imposĂ©e avec une arme imparable : la libertĂ©.
LibertĂ© dâouvrir et de casser lâimage pour la tirer plus encore vers la pulsation de la vie. LibertĂ© de mettre en tension la main et la machine, dâintĂ©grer dans lâĆuvre de lâhĂ©tĂ©rogĂšne. LibertĂ© de se dĂ©gager dâune vision classique et unitaire pour repenser une image sous haute tension, lieu de dĂ©flagration plastique, temporelle ou symbolique. LibertĂ© du « je » et des subjectivitĂ©s en mouvement contre les carcans dâune tradition figĂ©e et contre lâordre fossilisĂ© des valeurs Ă©tablies. LibertĂ© de rĂ©vĂ©ler la « fabrique-Ă -image » comme fiction monstrueuse et pratique libre, multiple dans sa forme comme dans son sens. LibertĂ© de rejeter lâillusionnisme de la mimĂ©sis et la perfectibilitĂ© des reproductions mĂ©caniques pour aller vers la puissance de lâimaginaire et dâun rĂ©el rĂ©inventĂ©. LibertĂ© dâaller oĂč bon vous semble, sans entrave, de faire exploser et les limites du style et les limites des catĂ©gorisations.
Cette premiĂšre modernitĂ© est Ă lâorigine dâune vision morcelĂ©e et ambivalente de lâhomme qui rĂ©sonne encore aujourdâhui face Ă de nouveaux morcellements et mutations du monde. Elle ouvre grand les possibles dâune pratique libre de lâimage dans laquelle sâinscrivent Ă diffĂ©rents degrĂ©s les artistes rĂ©unis dans Cut & Clash. Oui, des aĂźnĂ©s aux plus jeunes, les artistes exposĂ©s sont hĂ©ritiers de cette modernitĂ©. Mais cet hĂ©ritage est digĂ©rĂ© dans des langages singuliers, brassĂ© Ă mille autres rĂ©fĂ©rents. Que ce soit par lâapport dâun musĂ©e imaginaire oĂč lâart se donne sans aucune limite dâĂ©poques ou de styles. Ou que ce soit par lâapport dâautres sources, comme le cinĂ©ma, la photographie, la musique, la littĂ©rature ou la bande dessinĂ©e. Si tant est quâil demeure impossible de rĂ©duire ces artistes Ă une famille ou une Ă©tiquette.
Dans des esprits et des formes diffĂ©rentes, leurs Ćuvres jouent du clash visuel, entre High and Low culture, les images et les styles dâhier et dâaujourdâhui se tĂ©lescopent. Ici hyperrĂ©alistes, lĂ plus brutes et expressionnistes, les Ćuvres dĂ©rangent par leur ambivalence. Toutes dĂ©stabilisent le regard qui va du Dark au pop acidulĂ©, dâune rĂ©alitĂ© frontale aux plongĂ©es imaginaires. Dans des modes opĂ©ratoires variĂ©s, chacun des artistes manipulant et transformant diffĂ©remment les images sources, jouant tantĂŽt de la machine et dâun rendu lisse, tantĂŽt dâun travail plus libre de la main et de lâimaginaire, chacun rĂ©invente Ă sa maniĂšre les techniques de montage et de collage pour donner Ă sentir diverses pulsations du monde. Certaines dĂ©marches font plus ouvertement face Ă la violence dâune rĂ©alitĂ© historique et sociale : pour elles, le langage formel qui coupe et prolifĂšre dit le morcellement de lâhomme dans le broyeur tragique de la grande Histoire ou dans le flux ininterrompu de la folie consumĂ©riste. Dâautres ont plutĂŽt tendance Ă nous plonger dans les ambivalences de lâintĂ©rioritĂ© : dans la mĂ©canique du bizarre et de lâabsurde, du fantasme et de la mĂ©moire.
De Picasso au cubisme, de dada au surrĂ©alisme, dans des degrĂ©s diffĂ©rents de radicalitĂ© et de rupture avec la tradition, se redĂ©finissent les bases de la reprĂ©sentation et sâouvrent de nouvelles possibilitĂ©s dans la manipulation des images. Pour les uns, la subversion radicale, qui dĂ©place le champ de la peinture vers le photomontage, devient outil politique corrosif. Pour les autres, la pratique libre de lâimage et du cadavre exquis, mais aussi lâexploration des possibilitĂ©s expressives de techniques et matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes, permettent de redĂ©finir une nouvelle beautĂ© directement ouverte sur les profondeurs ambivalentes de lâintĂ©rioritĂ©.
Tout comme Picasso, les artistes dadaĂŻstes et surrĂ©alistes, trouvent dans la libertĂ© dâune esthĂ©tique de lâhĂ©tĂ©rogĂšne un moyen de renverser les valeurs Ă©tablies imposĂ©es par la tradition et la sociĂ©tĂ©. Leur pratique libre et morcelĂ©e de lâimage est une rĂ©ponse Ă la pulvĂ©risation et Ă lâabsurditĂ© du monde dâaprĂšs guerres. Elle est une tentative de reconstruire du sens, de faire Ćuvre en embrassant le chaos et dây replacer la figure de lâhomme quand celui-ci a Ă©tĂ© pulvĂ©risĂ© par les drames de la grande Histoire. VoilĂ un enjeu essentiel qui trouvera une rĂ©sonance majeure pour les gĂ©nĂ©rations futures qui feront face Ă dâautres morcellements, Ă de nouveaux drames et mutations du monde.
Dans les annĂ©es 1960, la gĂ©nĂ©ration dâartistes qui Ă©merge a trĂšs tĂŽt Ă©tĂ© marquĂ©e par la deuxiĂšme guerre mondiale et leurs Ćuvres dĂšs les dĂ©buts portent les stigmates des Ă©vĂ©nements majeurs qui marquent lâhistoire de cette dĂ©cennie, tel mai 68, la guerre du Vietnam et celle dâAlgĂ©rie ou les violences liĂ©es aux dictatures comme en Argentine ou au Chili. Une dimension politique qui a perdurĂ© au fil dâannĂ©es, chacun nâayant cessĂ© dâabsorber dans sa peinture la violence tragique de lâHistoire, guerres, oppressions, crimes et attentats divers. Dans des styles trĂšs diffĂ©rents, qui absorbent lâapport des premiĂšres modernitĂ©s mixĂ© Ă lâimpulsion donnĂ©e par le cinĂ©ma, la photographie ou la bande dessinĂ©e, des peintres comme Valerio Adami, Jacques Monory, Antonio SeguĂ, Vladimir VeliÄkoviÄ ou Dado se sont confrontĂ©s au tragique de la grande Histoire. Tous placent au centre de lâart, la figure humaine, laquelle nâapparaĂźt que morcelĂ©e.
La peinture de Jacques Monory, par son usage de la monochromie et lâĂ©clatement de la reprĂ©sentation en « tension », par ses effets de cassure et de dĂ©coupe de lâimage trĂšs cinĂ©matographique, est empreinte de tendresse mĂ©lancolique, de sentiment de solitude et de violence. MythopoĂ©tique, la peinture de Valerio Adami, avec ses aplats de couleurs franches et Ă sa ligne cerne qui fragmente, doit autant Ă la tradition classique, au romantisme et expressionnisme allemand, quâau cinĂ©ma et Ă lâaffiche. Brassant rĂ©alitĂ© quotidienne et grande histoire, rĂ©cits intimes et mythologiques, les images morcelĂ©es peintes par Valerio Adami sont comme des puzzles Ă reconstituer, Ă©cho au mĂ©canisme de la mĂ©moire et au tragique humain. Chez Antonio SeguĂ il y a un humour caricatural dans lâusage du collage et dâune reprĂ©sentation fragmentĂ©e, oĂč prolifĂšrent les mĂȘmes bonhommes en costumes et chapeaux errant dans les villes. Une drĂŽlerie et une apparente simplicitĂ© derriĂšre lesquelles rĂ©side une dimension tragique, Ă©cho Ă lâinjustice et la violence du pouvoir Ă©conomique et politique, Ă lâabsurditĂ© des vies humaines. Plus expressionnistes et matiĂ©ristes sont les Ćuvres dâartistes comme Dado ou Vladimir VeliÄkoviÄ pour lesquels la violence dans le traitement du collage et la gestuelle picturale incarne la violence de lâHistoire dans la matiĂšre mĂȘme de lâĆuvre. Tentatives de reconstruire des visions de lâhumain morcelĂ©, en proie au non-sens et aux dĂ©chirements des guerres.
Parmi ses aĂźnĂ©s directs, câest de Dado que se sent le plus proche Cristine Guinamand, artiste issue dâune gĂ©nĂ©ration plus jeune pour laquelle la question de lâHistoire est tout autant fondatrice. Pour elle, « Lâutilisation dâune multitude de matĂ©riaux (huile, papier, clous, agrafes, puzzles, tubes de couleurs vides, circuits imprimĂ©s, etc.) traduit un certain chaos rĂ©pondant Ă lâĂ©ternel recommencement de la guerre et des dĂ©sastres ». Assez « Ă©loignĂ©e » du travail des Pop, liĂ© Ă une culture citadine et urbaine (BD, publicitĂ©, cinĂ©ma, rock, etcâŠ) qui ne fait pas partie de son histoire, mĂȘme si certaines Ćuvres peuvent lâintĂ©resser comme « dĂ©clencheur formel », Cristine Guinamand considĂšre leurs dĂ©coupes des formes et leurs aplats colorĂ©s comme trop « clean et propre ». Elle trouve plus de proximitĂ© avec la pratique de Dado, pour son « cĂŽtĂ© brut et brutal (âŠ) qui hurle avec ses tripes ». De mĂȘme que son usage de dĂ©coupes dâimages de livres dâHistoire se rapproche de Raoul Haussmann ou de John Heartfield. Chez eux comme chez elle, le photomontage est utilisĂ© comme « outil de satire et critique politique ». Chez Cristine Guinamand, le recours Ă des matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes comme lâusage du puzzle, et lâimpression de morcellement que cela produit, traduit la « dynamique mortifĂšre » de la guerre, celle dâhier et dâaujourdâhui.
Câest dans une mĂȘme filiation au photomontage dadaĂŻste allemand que sâinscrit le travail de Damien Deroubaix, quâil greffe Ă lâapport du cinĂ©ma, pour lâaspect politique, pour la construction de lâimage par montage, mais aussi pour le recours Ă lâellipse et au symbolique. De la gĂ©nĂ©ration de la Figuration Narrative, câest surtout dâHervĂ© TĂ©lĂ©maque dont lâartiste se sent le plus proche : « le plus grand peintre français » Ă ses yeux, dans le travail duquel Deroubaix se « retrouve complĂštement », surtout pour le « tĂ©lescopage » des « façons de peindre ». HĂ©tĂ©rogĂšne, lâĆuvre de Damien Deroubaix lâest dans la forme et le fond. Elle fait se tĂ©lescoper des sources empruntĂ©es autant Ă lâart quâĂ la musique, joue de symboliques aux sens diffĂ©rents, explore la richesse des Ă©critures tantĂŽt trĂšs Ă©crites, au rĂ©alisme prĂ©cis, tantĂŽt plus expressionnistes et caricaturales. Pour Damien Deroubaix, par cet « Ă©tat de morceaux » de la matiĂšre, de la forme et du sens, sa « peinture/collage » prĂ©sente lâĂ©tat dâun « monde fragmentĂ© », rĂ©vĂ©lĂ© par la mondialisation et les guerres actuelles qui se rĂ©pĂštent sans fin.
Pour StĂ©phane PencrĂ©acâh lâhistoire de dĂ©coupe, de cassure, de fragment et dâassemblage, omniprĂ©sent dans sa peinture, sâorigine dans la premiĂšre modernitĂ©. Ă lâĆuvre chez Manet, et son effet collage de la citation dans le DĂ©jeuner, puis chez Picasso en ce quâil casse et recompose : une histoire dâ« hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle » dans laquelle sâinscrit StĂ©phane PencrĂ©acâh. Ce dernier trouve aussi impulsion dans les nĂ©oexpressionnismes des annĂ©es 1980 et dans la Figuration Libre de Robert Combas, en ce quâil « dĂ©veloppe une puissance Ă priori cacophonique et hurlante qui atteint en fait une grande harmonie et de multiples sens ». Chez StĂ©phane PencrĂ©acâh les sources iconographiques se tĂ©lescopent mais câest surtout par lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle que sâouvrent les sens de la peinture. Lâartiste a recours Ă des ruptures de formes, qui vont dâun rĂ©alisme prĂ©cis Ă une Ă©criture plus expressionniste, mixant peinture et photo ou matĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes. Cette hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© donne Ă sentir le morcellement de lâhomme face aux conflits actuels, la rĂ©pĂ©tition de la violence et lâambivalence du Pouvoir, entre sĂ©duction et horreur.
Un va et vient entre peinture et photographie, tradition rĂ©aliste et tradition matiĂ©riste qui caractĂ©rise aussi la dĂ©marche dâAxel Pahlavi. Un artiste dont lâĆuvre ne peut se rĂ©duire Ă une famille ni une Ă©tiquette. Et chez qui la question du tragique et de lâhĂ©tĂ©rogĂšne sâinscrit dans une expĂ©rience vĂ©cue, en lien Ă ses origines iraniennes et Ă une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© culturelle. « Familialement, mes ascendants nâauraient jamais pu sâentendre. Jâai dĂ» chercher Ă faire la paix en moi avec ces cultures qui se regardaient dâune tranchĂ©e Ă lâautre. Cela a pris la forme dâune Ă©trange tolĂ©rance qui disait oui Ă presque tout. Il me semble que normalement ce genre dâexpĂ©rimentation devrait sâhomogĂ©nĂ©iser. Mais chez moi, la fracture est restĂ©e ouverte. »
Revenant Ă une Ă©nergie picturale qui fait Ă©cho Ă ses premiĂšres recherches, les portraits rĂ©cents exposĂ©s dans Cut & Clash renouent avec une veine matiĂ©riste et expressionniste trĂšs libre oĂč la violence et le morcellement de la figure humaine sâincarnent dans le travail mĂȘme de la peinture. Axel Pahlavi a Ă©tĂ© sensible aux peintres qui ont renouvelĂ© les possibilitĂ©s expressives de la matiĂšre, de Lucian Freud Ă Francis Bacon, de Georg Baselitz Ă Vladimir VeliÄkoviÄ. Tout comme il a absorbĂ© les expĂ©rimentations cubistes, jouant souvent dâune fusion de divers points de vue au sein dâune mĂȘme image. Un goĂ»t pour lâhĂ©tĂ©rogĂšne quâil doit aussi Ă lâunivers de Moebius Gir. Chez Axel Pahlavi, lâusage du collage dâimages photographiques retravaillĂ©es par Photoshop, se voit doublĂ© par tout un protocole pictural : lâartiste use de divers outils, de diverses maniĂšres de matiĂšres et des vitesses de peintures diffĂ©rentes. Ce qui, note lâartiste « accentue le cĂŽtĂ© explosif dans le frottement entre les parties » et permet de « penser la fission de la matiĂšre elle-mĂȘme ». Une violence et un morcellement de la figure incarnĂ©e par le corps mĂȘme de lâĆuvre. Ce que lâĆuvre porte, câest la fissure originelle que porte lâartiste en lui-mĂȘme.
Dans la continuitĂ© de lâimpulsion donnĂ©e par Dada et les surrĂ©alistes, du photomontage Ă la pratique du cadavre exquis, lâun des apports majeurs de la Figuration Narrative dans les annĂ©es 1960, aux cĂŽtĂ©s du Pop Art, câest dâavoir ouvert le champ de lâart Ă la dĂ©ferlante dâimages et dâobjets issue du monde consumĂ©riste et de la culture populaire, dans une perspective critique et politique. Un flux dont lâĆuvre rĂ©vĂšle les ambivalences, tout Ă la fois la violence du consumĂ©risme et la beautĂ© fascinante des images.
Ce flux peut ĂȘtre matĂ©rialisĂ© par la prolifĂ©ration de sources dans une mĂȘme image, comme chez ErrĂł dont la gourmandise dâimages a tout absorbĂ©, des icĂŽnes de lâart aux images de propagandes, des pin-up de magazines aux hĂ©ros de comics : issu dâune pratique systĂ©matique du collage dont les maquettes sont traduites en peinture dans une narration complexe, Ă la fois sĂ©duisante et contestatrice, lâart dâErrĂł rĂ©pond au chaos et Ă la violence du monde Ă lâheure du consumĂ©risme, de la mondialisation et des nouveaux conflits qui se rĂ©pĂštent sans fin.
Mais ce flux peut aussi sâincarner dans la cassure du motif fragmentĂ© par un effet de montages dâĂ©lĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes, comme chez Peter Klasen dont lâĆuvre sous lâimpulsion de Dada intĂšgre dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1960 lâapport de la photographie et de sources tirĂ©es du cinĂ©ma ou de la publicitĂ©, quâil dĂ©coupe et recombine dans de nouveaux agencements, soit intĂ©grĂ©s par collage soit peints Ă lâhuile ou Ă lâacrylique, employant des techniques de lithographie et dâaĂ©rographie. Chez lui, les reprĂ©sentations mĂȘlant morceaux de corps fĂ©minins et objets de la consommation courante, parfois en lien avec lâindustrie ou la maladie, posent la question dâune scission entre lâĂȘtre et lâavoir, de lâangoisse du corps-objet, fĂ©tichisĂ© en mĂȘme temps que violentĂ© ou enfermĂ©, autre rĂ©ponse aux folies du monde actuel.
De lâabsorption de ce flux populaire et consumĂ©riste, dans une veine critique, par effet de montages, de dĂ©coupes et de prolifĂ©ration dâimages recyclĂ©es, il en est aussi question chez les artistes plus jeunes. De Myriam Baudin Ă Jean Philippe Roubaud ou Armand Jalut, de LĂ©o Dorfner au duo Hippolyte Hentgen, Ă Shu Rui. Tous ont pris acte bien sĂ»r de lâapport de la figuration narrative, comme ErrĂł et Klasen, mais pas que. Les rĂ©fĂ©rents en termes de « collages » et « montages » sont nombreux, se mixent : photomontage dada, pratique surrĂ©aliste du cadavre exquis, transparences de Francis Picabia, Pop Art anglais ou amĂ©ricain, Figuration Libre, et tout lâapport que draine lâouverture de lâart Ă une culture populaire : bande dessinĂ©e et cinĂ©ma. Et sâils partent tous de la manipulation dâune banque dâimages dĂ©tournĂ©es, pour les faire rimer autrement et pour en faire surgir un sens nouveau, leur mode de saisie et dâabsorption diffĂšrent.
Bien quâhybridĂ©e Ă dâautres motifs prĂ©levĂ©s dans le monde de lâart, leur banque dâimages demeure largement issue de sources populaires : publicitĂ©, industrie, cinĂ©ma, Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es, imagerie kitsch. Il peut sâagir de photos prises par les artistes, dâimages collectĂ©es sur le net, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les magazines ou sur des objets du quotidien. Une base iconographique dont chaque artiste extrait des fragments, recadre, modifie et recompose, souvent Ă lâaide de Photoshop ou par copie directe dessinĂ©e Ă la main. Câest ensuite que sâopĂšre la traduction en « Ćuvre » et que sâaffirme, dans le dĂ©calage avec lâimage source, la singularitĂ© de chaque artiste. Travail de la couleur Ă lâaquarelle chez Dorfner, Ă lâhuile chez Armand Jalut et Shu Rui, Ă lâacrylique chez Myriam Baudin. Au dessin Ă lâencre fait avec un pistolet aĂ©rographe et collage des images sources sur papier chez Hippolyte Hentgen.
Dans ces traductions personnelles, chacun donne Ă voir sa vision ambivalente et morcelĂ©e du monde. Le rĂ©alisme de Shu Rui, qui prend ses racines dans son Ă©ducation chinoise, porte un regard critique sur la sociĂ©tĂ© de consommation, tout comme il interroge lâimpact de la guerre et celui des mĂ©dias dans nos vies quotidiennes, noyĂ©es entre privation et abondance, fiction et rĂ©alitĂ©. Par ses montages audacieux et son usage de la couleur, entre sĂ©duction et « expressivitĂ© dĂ©sincarnĂ©e », le travail dâArmand Jalut soulĂšve la question du corps-objet et du vide dĂ©shumanisant Ă lâĆuvre dans nos sociĂ©tĂ©s du paraĂźtre. Les morceaux de bouche, dâyeux, de nourritures, de logos, de plantes, peints Ă lâaquarelle par LĂ©o Dorfner sont comme des « petits poĂšmes visuels ou des films » : ils captent « le flux de la jeunesse dâaujourdâhui, rythmĂ©e par le flux incessant dâimages dĂ©bordant des rĂ©seaux sociaux », dans ce quâelle a de beau et dâangoissant.
Chez Hippolyte Hentgen, lâassociation libre, la mise en tension dâĂ©lĂ©ments documentaires empruntĂ©s Ă une histoire collective ou dâĂ©lĂ©ments plus personnels, se donnent plutĂŽt comme un rĂ©bus aux sens polyphoniques : chez elles, la dĂ©coupe des corps, fragmentĂ©s et associĂ©s Ă divers motifs dĂ©coratifs, objets ou Ă©lĂ©ments naturels, peut avoir une rĂ©sonance critique, fĂ©ministe parfois, mais aussi plus onirique et poĂ©tique. Câest un fĂ©minisme critique chargĂ© dâun esprit ironique et caustique trĂšs dada que lâon retrouve chez Myriam Baudin dans des reprĂ©sentations picturales oĂč le corps de la femme morcelĂ©e est hybridĂ© Ă divers Ă©lĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes. HĂ©ritiĂšre de lâunivers de LĂ©on Bloy, Ă la fois violent et drolatique, fascinĂ© par lâobjet et son symbole, pour Myriam Baudin le photomontage est un « moyen dâouvrir les yeux sur un monde tyrannique ». Pour elle, la pratique du collage est une façon de « se faire miroir de la violence que nous impose de ressentir le monde sociĂ©tal puis de rĂ©organiser ce dĂ©sĂ©quilibre (sur toile ou autre) pour une Ă©chappĂ©e poĂ©tique ». Son efficacitĂ© chromatique et gĂ©omĂ©trique qui tend Ă une simplification efficace de lâimage doit autant Ă sa formation en maquette publicitaire quâĂ lâapport de la peinture renaissante. Un travail de la matiĂšre et de la couleur qui rĂ©-insuffle une chair Ă son imagerie kitsch et pop. Une maniĂšre de faire face au morcellement dâune « sociĂ©tĂ© consommante, tatouĂ©e, pucĂ©e et parquĂ©e » en recherchant « lâanimalitĂ©, la chair pour retrouver le contexte Ă©motionnel de la matiĂšre et du geste pensĂ© ». Une sorte de « pop sensationnisme » qui vient contrecarrer la violence du monde et la transformation de nos corps en objet.
Câest encore la peinture dâErrĂł quâa regardĂ©e RaphaĂ«lle Ricol mais dâune toute autre maniĂšre. Ayant grandi dans lâunivers des bandes dessinĂ©es, mangas et comics, Ricol dĂ©couvre Ă lâadolescence la peinture dâErrĂł qui fait « de lâart » avec des morceaux de bande dessinĂ©e. Pour la jeune artiste, « ça sent vraiment la jeunesse Ă©ternelle ». Bien sĂ»r, Ă lâinstar dâErrĂł, RaphaĂ«lle Ricol se nourrit dâun fond dâimages trĂšs libres, qui mĂȘle librement High and Low Culture. Toutefois, sa peinture ne part pas systĂ©matiquement dâun travail de collage en amont, basĂ© sur la manipulation dâune banque dâimages scrupuleusement amassĂ©e et sur la rĂ©alisation de maquette traduite ensuite en peinture. La question du collage dans la dĂ©marche de Ricol est plus instinctive et intĂ©riorisĂ©e.
Pour lâartiste, « le collage, ça ne veut pas dire un bout de papier coupĂ© et collĂ© techniquement sur un support mais un dĂ©calage abrupt, une sorte de dynamique ». Ăa relĂšve plutĂŽt dâun processus de libĂ©ration et dâĂ©mancipation de lâimaginaire nĂ©cessaire Ă la peinture. Une façon dâabsorber le flux du monde, de la violence du rĂ©el qui cogne, et de traduire ce clash dans le corps mĂȘme de la peinture. Chez elle, les rĂ©miniscences dâimages, de sensations, vont et viennent sur la toile, sans calcul prĂ©alable ou usage systĂ©matique de lâordinateur, mais plutĂŽt mentalement, au grĂ© de la vie du tableau et des alĂ©as de la matiĂšre. Câest lâimaginaire et la main qui priment. Les motifs se mĂȘlent et se brouillent dans une Ă©criture qui joue du clash dans le travail mĂȘme de la matiĂšre, dont lâĂ©paisseur, la dynamique gestuelle et lâapport dâĂ©lĂ©ments hĂ©tĂ©rogĂšnes, nous rappellent que lâartiste a aussi absorbĂ© lâapport de modernitĂ©s plus expressionnistes et matiĂ©ristes.
Sâappropriant librement des logos publicitaires, des tableaux comme La guerre de la gourmandise et SucrĂ©s suggĂšrent la perversitĂ© du consumĂ©risme dont la quĂȘte dâabondances et de douceurs nâest quâun voile fake sous lequel se cachent violences et guerres. Ce qui fait Ă©cho, trĂšs librement, Ă lâĆuvre dâErrĂł dans ce quâelle rĂ©vĂšle du flux dâabondance et de saturation. Flux dâabondance et de saturation tel quâon le voit dans les « Scapes » dâErrĂł, auxquels renvoient explicitement les natures mortes saturĂ©es de Till Rabus et autres carnages de mets sucrĂ©s colorĂ©s, savant tĂ©lescopage du pop et du classique. Dans lâĆuvre Discount, Till Rabus a utilisĂ© des publicitĂ©s de grands magasins oĂč sâamassent logos et images de produits de consommation, avec des couleurs flashy qui attirent lâĆil du consommateur. InspirĂ©e par Foodscape peint par ErrĂł en 1964, Discount est une « composition dont les formes peuvent faire penser Ă une nature morte contemporaine et grinçante. »
PlongĂ©e dans les ambivalences de la psychĂ©, mĂ©canique de lâabsurde et du bizarre, du fantasme et de la mĂ©moire
Dans lâhistoire de la modernitĂ©, la question de lâhĂ©tĂ©rogĂšne, du collage et du montage, est aussi une ouverture vers les profondeurs de lâintĂ©rioritĂ©. ConsĂ©quences de bouleversements historiques, scientifiques, religieux, philosophiques, la modernitĂ© perçoit autrement la nature de lâhomme et de la psychĂ© humaine. Contre la beautĂ© classique et son ordre idĂ©al, la modernitĂ© est une porte ouverte sur une beautĂ© plus convulsive et Ă©trange, qui renoue avec le monstrueux et le « mal », au sens de Georges Bataille. De Picasso au surrĂ©alisme, de lâexpressionnisme Ă Cobra ou lâart Brut, lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle donne corps aux ambivalences humaines, aux flux libres des pulsations intĂ©rieures ou des pensĂ©es magiques, Ă la mĂ©canique morcelĂ©e, incohĂ©rente et non linĂ©aire du fantasme, de lâimaginaire, du rĂȘve, de la mĂ©moire.
Robert Combas et StĂ©phane Blanquet sont deux artistes aux styles bien singuliers qui ont cela en commun dâĂȘtre des Ă©lectrons libres, rĂ©fractaires Ă lâidĂ©e de classification et qui ne se sont jamais laissĂ©s enfermĂ©s par la prison du marchĂ©. DâoĂč vient Robert Combas ? De quelle famille se rapproche-t-il ? Moins du sĂ©rieux du surrĂ©alisme que de lâhumour de Picabia ou de celui des incohĂ©rents. De lâĂ©rotisation boulimique de peinture du Dernier Picasso autant que de lâĂ©nergie de lâart brut, de la bande dessinĂ©e et de la musique rock. Et StĂ©phane Blanquet ? Ses sujets, son Ă©nergie picturale, son trait, doivent-ils plus Ă DĂŒrer quâaux comics, au surrĂ©alisme quâĂ Cobra ? « Il y a eu tellement de familles croisĂ©es, avalĂ©es, digĂ©rĂ©es, recrachĂ©es, mixĂ©es et malaxĂ©es, transformĂ©es, rajoutĂ©es, percutĂ©es avec le temps que je nâarrive plus vraiment Ă savoir dans quelle famille je me situe. »
Dans ce grand mĂ©lange, dans ce morcellement, leur univers capte le flux dâune profondeur intime. Il y a quelque chose dâanimal, de caverneux, de dionysiaque, dâĂ©rotique, de chamanique chez Robert Combas. Ăa prend forme dans le flux de son Ă©nergie crĂ©atrice trĂšs pulsionnelle, spontanĂ©e, dans son libre dessin qui prolifĂšre sur tous types de supports, fait dâimbrications de figures, de mots et de couleurs. Sây entremĂȘlent le lisible et le cachĂ©, comme le grand art et le pop, le beau et le laid, le comique et le tragique, le cru et le naĂŻf. Une Ă©nergie brute qui sonde le sale et lâenfance de lâart, qui lĂšve le voile sur les refoulĂ©s avec un soubassement autobiographique. Chose que lâon retrouve chez StĂ©phane Blanquet dont la libertĂ© de manipuler des formes et des sujets hĂ©tĂ©rogĂšnes est une façon de se raconter : « chaque Ćuvre est finalement un bout de moi, un puzzle fait de tout, dâart et de souvenirs, de rĂȘves, de douleurs ou de beautĂ©. »
Autre Ă©lectron libre demeurĂ© en marge des tendances ayant Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 1960, Pat Andrea a dĂ©veloppĂ© un rĂ©alisme perverti qui navigue entre imaginaire et observation du rĂ©el, sâautorisant toutes les Ă©critures et toutes les libertĂ©s expressives en germes dans lâhistoire de la peinture, des variations dâĂ©chelles dans lâart prĂ©-renaissant aux dĂ©constructions modernes dâun Picasso ou dâun Mondrian. Originellement liĂ©e Ă sa vie intime, quâil greffe Ă sa perception de la grande Histoire, la peinture hybride de Pat Andrea nous plonge dans lâambivalence des pulsions humaines. Son rĂ©alisme Ă©trange et surrĂ©el rĂ©sonne tout particuliĂšrement avec le travail dâartistes plus jeunes qui explorent lâambiguĂŻtĂ© inhĂ©rente Ă la mĂ©canique du fantasme, de la mĂ©moire et du rĂȘve.
Variations dâĂ©chelles, tĂ©lescopage entre des morceaux de citations classiques et dâĂ©lĂ©ments observĂ©s du rĂ©el se retrouvent dans lâĂ©rotique bizarre inhĂ©rente Ă la peinture dâAbel PradaliĂ©. Un univers hybride dans lequel lâeffet collage demeure moins proche des surrĂ©alistes que de Manet et de Courbet, lesquels rĂ©alisent des assemblages de modĂšles faits en atelier ou dâaprĂšs photo avec des paysages rĂ©alisĂ©s dâaprĂšs des esquisses faites sur le motif. Chez lui, le collage nâest pas rĂ©alisĂ© Ă lâavance puis exĂ©cutĂ©, il vient plutĂŽt mentalement, lors de la rĂ©alisation du tableau par association dâidĂ©es ou rencontres. Pour Abel PradaliĂ©, le collage est un « moyen de mixer des Ă©lĂ©ments de la peinture classique avec des documents ou moments plus intimes de ma vie mais aussi cela me permet de faire un voyage temporel entre lâhistoire de la peinture et le monde actuel ». Dans cette perspective, « les abattis » de Rodin ont aussi intĂ©ressĂ© lâartiste, en tant que modules exploitables dans de multiples combinaisons et parfois assemblĂ©s avec des archĂ©ologies, crĂ©ant des tensions plastiques et temporelles. De mĂȘme que les polaroids de David Hockney, dans lâhĂ©ritage cubiste, pour leurs visions Ă©clatĂ©es aux points de vue multiples. Nourrie par ces apports divers, la peinture dâAbel PradaliĂ© acquiert une ambivalence mystĂ©rieuse dont lâĂ©rotisme inquiĂšte et dĂ©range.
Il y a de lâabsurde et de lâĂ©trangetĂ© chez LĂ©opold et Till Rabus qui utilisent tous deux plusieurs photographies pour crĂ©er leurs peintures. InspirĂ© par le surrĂ©alisme et dada, mais surtout par des artistes contemporains comme Eli Craven ou Urs Fischer, Till Rabus manipule les documents photographiques par dĂ©coupage, collage, pliage ou superposition. Câest une façon pour lui de sortir lâimage source de son contexte et de lâamener « vers dâautres champs de lecture ». CrĂ©er une ambiguĂŻtĂ© entre figuration et abstraction, tirer le rĂ©el vers la fiction, lâĂ©rotiser, le charger dâun caractĂšre absurde : voilĂ lâenjeu du collage pour Till Rabus. Chez son frĂšre LĂ©opold, lâĂ©trangetĂ© et le morcellement de lâimage renvoient Ă la mĂ©canique de notre perception faussĂ©e du monde et de notre mĂ©moire qui amĂ©nage le vivant pour lâapprĂ©hender, en le tronquant et en le falsifiant. Pour lâartiste « le collage peut reprĂ©senter la maniĂšre dont on fragmente en pensĂ©e le monde ». La peinture devenant le lieu oĂč reprend sens ce morcellement dans un « ensemble harmonieux. »
Inscrits dans lâhĂ©ritage du surrĂ©alisme, parfois mĂȘlĂ© au cubisme et Ă lâexpressionnisme, Ă lâapport de la photo ou du cinĂ©ma, des artistes comme Marko Velk, Katia Bourdarel, Madeleine Roger-Lacan, Karine Rougier, Oda Jaune, MarlĂšne Mocquet, Leslie Amine ou Nazanin Pouyandeh, explorent la part Ă©rotique et onirique du collage, par association dâidĂ©es ou par principe dâimages cachĂ©es.
Les collages et les tĂ©lescopages de matiĂšres sont chez Karine Rougier comme une « archĂ©ologie de la mĂ©moire » et une fenĂȘtre ouverte sur la « pensĂ©e libre », oĂč les ĂȘtres et les animaux sâhybrident, forts de leurs pouvoirs de mĂ©tamorphoses incessants. LâĂ©rotisme et le jeu sur le voilage des corps chez Katia Bourdarel a affaire avec une « rĂ©vĂ©lation », une ouverture sur les mĂ©andres magiques et mystĂ©rieux de lâĂąme humaine », entre le rĂ©el et lâimaginaire, le conscient et lâinconscient. Ludique et jouissif, narratif et intime, lâunivers morcelĂ© de Madeleine Roger-Lacan est une fenĂȘtre ouverte sur la maniĂšre dont « notre conscience se construit, conscience dans le sens âmindâ ». Ainsi prĂ©cise-t-elle : « On est un collage de ce quâon reçoit Ă la fois intimement et de ce que lâon reçoit du monde (âŠ) Tout se mĂ©lange avec nos pulsions, nos refoulements, nos peurs. Le rĂ©cit de nous lisse tout ce bordel mais jâaime rĂ©vĂ©ler ce chaos disgracieux. »
Chez Leslie Amine, le travail sur la mĂ©moire mĂȘle lâassociation dâidĂ©es et lâusage dâimages cachĂ©es dans la reprĂ©sentation picturale. Travaillant en peinture, comme par collages, en associant des formes et des espaces diffĂ©rents, lâartiste aime procĂ©der par recouvrement et brouillage de façon Ă ce que « les formes Ă©mergent lentement et se donnent Ă voir progressivement ». Pour elle, ce mĂ©lange des styles et ce principe dâaltĂ©rations de lâimage, renvoient au mĂ©canisme de la mĂ©moire mais aussi Ă la question de lâidentitĂ©, du mĂ©tissage, de la crĂ©olisation des mondes.
Une problĂ©matique qui se retrouve dans le travail de Nazanin Pouyandeh, artiste dâorigine iranienne entrĂ©e aux Beaux-Arts de Paris au dĂ©but des annĂ©es 2000. Sous lâimpulsion des conseils donnĂ©s par son professeur Pat Andrea, et de ceux dâune artiste photographe Barbara Leisgen, Nazanin Pouyandeh se met Ă peindre ses collages, initialement faits Ă partir de pages de magazines dĂ©chirĂ©es, et Ă sâappuyer sur ses propres photos. « De façon philosophique, je me considĂšre comme un patchwork de culture, de voyage, dâĂ©vĂšnement, ce qui se reflĂšte dans mon travail », pour Nazanin Pouyandeh, le mĂ©tissage des formes et des styles, utilisĂ©s sans hiĂ©rarchie et chargĂ©s dâun sens nouveau, renvoie Ă une question dâidentitĂ©, avec un soubassement politique et fĂ©ministe fort. Une recherche de libĂ©ration des pulsions, de libĂ©ration crĂ©atrice.
LĂ©opold Rabus est un crĂ©ateur dont lâĆuvre se distingue par son humour et son ironie. Il grandit au sein dâune famille dâartistes, oĂč le surrĂ©alisme parodique et dĂ©calĂ© se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. PlutĂŽt que de sâembourber dans une psychologie profonde et prĂ©tentieuse, LĂ©opold Rabus prĂ©fĂšre jouer avec les scĂšnes traditionnelles et les objets du quotidien. Il les dĂ©tourne avec brio pour crĂ©er des Ćuvres uniques et impertinentes.
« Parfois, comme dans le tableau qui sera prĂ©sent dans lâexposition, je regroupe des images sur un mĂȘme tableau, dâun aprĂšs-midi que jâai vĂ©cu chez ma voisine et qui nâavait rien de spĂ©cial. Mais jâai essayĂ© de restituer les images prĂ©cises qui me sont restĂ©es en tĂȘte, ses deux chats , son fauteuil, son oreille⊠car je crois que câest comme ça que lâon restitue le monde dans notre tĂȘte, on perd une part et on falsifie le reste. Câest comme ça que lâon amĂ©nage le vivant. Notre langage sĂ©pare les choses pour pouvoir les saisir et les transformer, une montagne en minerai, une forĂȘt en bois, les animaux en viande⊠Et le monde sâoffre Ă nos yeux, transformĂ© selon nos besoins. LâidĂ©e du collage peut reprĂ©senter la maniĂšre dont on fragmente en pensĂ©e le monde et par lĂ perdre une grande partie de ce qui constitue le vivant. Alors que jâai le sentiment quâil y a des forces actives qui ne sâannulent pas entre elles et qui forment un ensemble harmonieux. »
Léopold Rabus
Vue de lâexposition Cut & Clash, 2024
Espace avenue Matignon
Depuis les annĂ©es 1960, Pat Andrea explore les possibles dâune peinture vraie et personnelle. Câest dans la vie intime en effet que lâartiste puise ses sujets : sa « guerre des sexes », ses amours, ses dĂ©chirures. Mais Ă travers un rĂ©alisme subjectif qui filtre, qui dĂ©forme, qui se distancie et joue souvent, par lâhumour, la carte de la dĂ©rision. Un rĂ©alisme qui dĂ©passe lâanecdote ou lâillustration naĂŻve pour rĂ©vĂ©ler poĂ©sie et beautĂ© dans la trivialitĂ©. MĂȘlant petite et grande histoire, mĂ©moires autobiographiques et rĂ©surgences de mythes ou dâĂ©vĂ©nements politiques, Pat Andrea ouvre lâintime Ă lâarchĂ©typal. Ses images touchent et ne sâoublient pas parce quâelles ont affaire avec un fonds ancien, commun Ă tous. Entre dĂ©sir, peur et violence, elles sâouvrent sous nos yeux comme un petit théùtre des comportements humains, dans ce quâil a de sĂ©duisant, intriguant, ridicule.
VOORTREKKER, 2015 - Huile et caséine sur toile - 60 x 73 cm
La virgen de la falda rayada, 2021 - Huile et caséine sur toile - 60 x 73 cm
La chaise jaune, 2021- Huile et caséine sur toile - 54 x 65 cm
La peinture dâAbel PradaliĂ© est figurative et sâattache Ă transfigurer avec force
le paysage et la figure humaine. Son style est caractĂ©risĂ© par une grande expressivitĂ© et une gestuelle vigoureuse. Il utilise une palette de couleurs riche et variĂ©e, et ses toiles sont souvent empreintes dâune certaine violence et dâune Ă©nergie brute. Il pratique Ă©galement le dessin et la gravure.
« Dans les tableaux dâAbel PradaliĂ©, paysages et figures proviennent de sources diverses. De la grande peinture classique et rĂ©aliste. Lâartiste a particuliĂšrement regardĂ© Frans Hals, Rubens, Jordaens, Courbet et FrĂ©dĂ©ric Bazille. Mais aussi de photographies trouvĂ©es au hasard, de saisies sur le motif ou dâaprĂšs modĂšles Ă lâatelier. Ăternel et transitoire ainsi se mĂȘlent. Le passĂ© se greffe au prĂ©sent et trouve des rĂ©sonances avec lâhistoire intime de lâartiste ».
Extrait, Amélie Adamo, « Abel Pradalié, la matiÚre fantÎme », Artension, n°138, juilletaoût 2016, p.29-31
Vue de lâexposition Cut & Clash, 2024
Ćuvres dâAbel PradaliĂ©
Dimensions variables
Les demoiselles dâInstagram, 2024 - Huile sur toile - 162 x 145 cm
« Le tableau « Les demoiselles dâInstagram » sâinscrit dans une suite dâĆuvres qui ont pour thĂ©matique la peinture, par le prisme de mon panthĂ©on. Jâai utilisĂ© des photos trouvĂ©es lors de mes vagabondages sur Instagram, lieu oĂč toutes les poses suggestives sont autorisĂ©es sous condition de ne pas voir les tĂ©tons ou les poils pubiens. Vous remarquerez que câest le cas dans le tableau de Picasso (ni tĂ©tons, ni poils pubiens), ce qui ne lâa pas empĂȘchĂ© dâĂȘtre perçu comme dâun Ă©rotisme violent et grinçantâŠJe me suis bien sĂ»r intĂ©ressĂ© aux liens entre Picasso et Manet, mais aussi au rapport quâils ont entretenu avec la nuditĂ© en peinture, qui suscite aujourdâhui toujours autant de rĂ©actions alors mĂȘme que nous sommes confrontĂ©s quotidiennement Ă des images dâune cruditĂ© beaucoup plus violente que celles conçues par le prisme de la peinture. »
« Le collage est surtout pour moi un moyen de mixer des éléments de la peinture classique avec des documents ou moments plus intimes, de ma vie ou de mon
entourage, mais aussi cela me permet de faire un voyage temporel entre lâhistoire de la peinture et le monde actuel. »
DĂšs les dĂ©buts des annĂ©es 1980, Robert Combas sâest imposĂ© comme lâinitiateur incontestable de la Figuration Libre en dĂ©poussiĂ©rant la peinture et en lâenrichissant de nouveaux chapitres quâil ne cesse de dĂ©velopper. Toute sa production, fruit du plaisir du geste, sâoppose Ă lâintellectualisme marquĂ© par lâart conceptuel et le minimalisme des annĂ©es 1970. Ses sources dâinspiration sont variĂ©es et surtout dĂ©hiĂ©rarchisĂ©es : livres dâĂ©cole, bandes dessinĂ©es, publicitĂ©s, mythologies antiques ou religieuses, images tĂ©lĂ©visuelles... Dans ses tableaux, lâamoncellement dâĂ©lĂ©ments de provenances multiples et la rĂ©pĂ©tition de situations exceptionnelles ne provoquent pas un sentiment de confusion ou dâimpuissance. Ils incitent au contraire Ă trouver un agencement cachĂ© dans le dĂ©sordre manifeste, dans les lacis de correspondances, dans les assemblages, dans les rĂ©seaux, dans la profusion enchevĂȘtrĂ©e dâĂ©lĂ©ments et de personnages. Par des couleurs vives et un trait noir qui dĂ©limite les figures reprĂ©sentĂ©es, son graphisme trĂšs caractĂ©ristique, immĂ©diatement identifiable, reste libre et spontanĂ©. Le dessin qui entoure systĂ©matiquement la couleur lui donne toute sa force. Essentielle et tapageuse, elle remplit tout lâespace de la toile ne laissant aucun espace vide.
ENTREPRISE CACHĂE DANS UN ARBRE PLEIN DE FEUILLES
Elle Ă©carte les jambes comme le pistil dâune de ces plantes. Et lui il bave de plaisirs futiles, 2023 Acrylique sur toile - 182 x 197cm
- LA PENSEUSE DANS LE LUXURIANT JARDIN DES FLEURS ET DES PERSONNAGES BIZARRES
- SONNEZ TROMPETTES ! LâIMPĂRATRICE ARRIVE
- LA VIRAGO, LISA LâESPAGNOLETTE ET SES ADMIRATEURS
- LA VIOLONISTE QUI JOUE DU CRINCRIN DEVANT ROBERT CRUMB QUI A MIS SON CHAPEAU
ET QUI A SORTI SES PETITS CHIOTS EN LIBERTĂ
2024 - Technique mixte sur papier - 33 x 23 cm
Till Rabus est un peintre hyperrĂ©aliste et sensationnel. Son travail explore le Baroque dans lâart contemporain. Il crĂ©e des sujets fantasmĂ©s Ă partir dâobjets
du quotidien avant de les traduire sur toile. Ses peintures mettent en scĂšne des dĂ©tritus, des encombrants, et des restes de junk-food, tout en reprenant des codes esthĂ©tiques de lâhistoire de la peinture et du Baroque. GrĂące Ă sa maĂźtrise parfaite, les formes exubĂ©rantes quâil reprĂ©sente trompent dâabord
lâĆil du spectateur avant de lâamener Ă sâinterroger sur le sujet peint. Till Rabus produit une Ćuvre autonome quâil met au service dâun regard critique sur lâactivitĂ© humaine et ses dĂ©rives. Sa fabuleuse peinture invite Ă rĂ©flĂ©chir sur notre culture du gaspillage.
Discount, 2024
Huile sur toile
180 x 140 cm
Vue dâexposition
« Pour moi, crĂ©er des images pour mes tableaux Ă partir de plusieurs photographies, câest amener le rĂ©el vers une sorte de fiction. Câest Ă©galement un moyen qui me permet de mâinterroger sur le rapport quâil peut y avoir entre la figuration et lâabstraction. Et câest aussi une maniĂšre dâaborder le thĂšme de lâhumour, car souvent les collages peuvent amener Ă faire des images absurdes. »
Till Rabus
GĂ©rard Schlosser sâest affirmĂ© sur la scĂšne artistique française au dĂ©but des annĂ©es 1970 par un langage pictural parfois hĂątivement classĂ© au sein de lâhyperrĂ©alisme. Ce jugement masque la rĂ©alitĂ© dâune dĂ©marche plus subtile portĂ©e sur lâenvironnement quotidien de lâĂȘtre. Membre actif du Salon de la Jeune Peinture jusquâen 1972, il est un artiste singulier au sein de la Figuration narrative. La couleur fait irruption dans son Ćuvre au milieu des annĂ©es 1960 dans la sĂ©rie des BoĂźtes, avant de sâaffirmer avec une tonalitĂ© pop dĂšs les annĂ©es suivantes dans des « scĂ©nettes » oĂč filtre dĂ©jĂ une expression charnelle explicite. Il fait alors le choix dâun langage figuratif plus rĂ©aliste, mais trĂšs personnel. Ses toiles, rĂ©sultant dâune matrice de photomontage projetĂ©e sur la toile Ă lâĂ©piscope, prĂ©sentent en gros plan dans un cadrage resserrĂ© des corps tronquĂ©s, dans une pose dĂ©contractĂ©e. En perspective, un motif secondaire induit une narration sous-jacente, que renforce le titre Ă©vocateur dâune conversation qui Ă©voque la banalitĂ© mais aussi la langueur dâun
quotidien retrouvĂ©. Il est difficile de trouver meilleurs mots que ceux dâOlivier Kaeppelin pour dĂ©crire le travail de GĂ©rard Schlosser : « LâĆuvre de GĂ©rard Schlosser, pour qui sait la regarder, est dâune infinie richesse, elle use de dimensions multiples, se sert dâĂ©vidences, de clichĂ©s comme dâĂ©nigmes ou de sous-entendus. Elle est Ă la fois sociale, politique, existentielle. Elle porte une grande attention aux ĂȘtres, Ă leurs attitudes, Ă leurs aspirations au bonheur. Elle est silencieuse et attentive aux non-dits. Elle se consacre, sans complaisance, Ă la beautĂ© des corps, Ă celle de la nature, cet autre corps vivant. Elle nous englobe dans un univers pluriel grĂące Ă la peinture, la pensĂ©e de la peinture qui construit une vision structurĂ©e, claire et mobile du rĂ©el. »
Extrait du texte dâOlivier Kaeppelin dans le catalogue raisonnĂ© consacrĂ© Ă lâartiste (Olivier Kaeppelin, Pearl Huart-Cholley, GĂ©rard Schlosser, catalogue raisonnĂ© de lâĆuvre peint 1948-2019, Paris, Ăditions Mare & Martin, 2020)
Quelques fois, 2021 - Acrylique sur toile sablée - 80 x 80 cm
Oda Jaune dĂ©veloppe Ă travers sa peinture et ses aquarelles un univers tourmentĂ© et plein de poĂ©sie. Elle explore des formes et des images fascinantes sorties de son imagination, aux limites du morbide et de lâĂ©trange. Ses crĂ©ations Ă©voquent des personnages et des animaux transformĂ©s, cassĂ©s, pliĂ©s, contorsionnĂ©s, dĂ©placĂ©s, Ă©voluant dans des scĂšnes surrĂ©alistes et oniriques. Les corps quâelle reprĂ©sente sont souvent dotĂ©s dâorganes qui prennent la place dâautre organes, ou dâapparitions surgissant de nulle part, propulsant le spectateur dans une autre dimension.
Entre douceur et noirceur, ses Ćuvres crĂ©ent des symbioses surprenantes. Soucieuse du dĂ©tail et des proportions, alerte sur les changements dâĂ©chelle quâelle opĂšre sur ses toiles, usant dâune
prĂ©cision empruntĂ©e au photorĂ©alisme dans lâexĂ©cution de ses formes, elle opĂšre par juxtaposition
dâĂ©lĂ©ments âun principe qui sâimpose dans sa narration visuelle. Les Ă©tats Ă©motionnels et les images qui Ă©mergent des profondeurs du subconscient se matĂ©rialisent sur la surface plane par des visions Ă la fois terrifiantes et divertissantes. Le spectateur entre librement dans le monde fĂ©erique du fantasme pour mieux se voir submergĂ© par un vortex dâĂ©motions. Il se trouve pris dans un jeu de mots croisĂ©s, une Ă©nigme visuelle dont la partie centrale livre la clĂ© mĂȘme de lâattitude de lâartiste face Ă lâamour et Ă lâĂ©rotisme, Ă la peur et Ă la douleur.
Peintre et dessinatrice, Nazanin Pouyandeh est nĂ©e Ă TĂ©hĂ©ran en 1981. DiplĂŽmĂ©e de lâEcole Nationale SupĂ©rieure
des Beaux-Arts de Paris, elle vit et travaille à Paris. « Les toiles de Nazanin Pouyandeh sont des huis clos, ouverts.
Des espaces libres, taillĂ©s pour lâĂ©closion du fantasme. Les images qui sây meuvent, privent du verbe et se situent au-delĂ du signifiant. Il ne faut pas y chercher de sens, sinon celui du rĂȘve »*. Le travail de Nazanin Pouyandeh a fait lâobjet de nombreuses expositions monographiques et collectives en France et Ă lâĂ©tranger : Ex Africa au
MusĂ©e du Quai Branly âJacques Chirac (commissariat Philippe Dagen), Fondation Yves et Claudine Salomon, Ă Annecy, Le Suquet des artistes, Cannes, Centre dâart contemporain de Meymac, Centre dâart et de Culture Ă Cotonou au BĂ©nin, au StĂ€dtisches Museum Engen Ă Engen en Allemagne ou au Frissiras Museum Ă AthĂšnes.
* Extrait du texte de Léa Chauvel-Levy, exposition « Ruines & Plaisirs », galerie Sator, 12-0103-03-2018
« De façon philosophique je me considĂšre comme un patchwork de culture, de voyage, dâĂ©vĂšnement : cela se reflĂšte dans mon travail. Le collage est une maniĂšre de transcrire le monde tel quâil est aujourdâhui. »
Nazanin Pouyandeh
« Ă lâinstar des artistes surrĂ©alistes, je mâefforce de crĂ©er une atmosphĂšre envoĂ»tante dâambiguĂŻtĂ© et de mystĂšre en superposant des rĂ©cits disparates. Lâutilisation du voile dans mes oeuvres reflĂšte la volontĂ© de troubler les frontiĂšres entre le conscient et lâinconscient, le rĂ©el et lâimaginaire. En superposant des Ă©lĂ©ments disparates, je cherche Ă explorer les profondeurs de lâinconscient humain. Ce faisant, je rĂ©vĂšle les couches cachĂ©es de la psychĂ© et les associations symboliques qui Ă©mergent de lâinteraction entre les diffĂ©rentes strates de la conscience, offrant ainsi un aperçu de notre monde intĂ©rieur. »
Katia BourdarelKatia Bourdarel explore, dans son oeuvre, la dualitĂ© trouble de la nature, oscillant entre Ă©merveillement et crainte. Ă travers la peinture, lâinstallation et la sculpture, elle fusionne des Ă©lĂ©ments de contes populaires avec des fragments de sa vie intime. Son travail se concentre sur la mĂ©tamorphose, symbolisant le concept du devenir autre. Dans cet univers fragile et fĂ©roce, sensuel et principalement fĂ©minin, lâartiste sonde les Ă©motions humaines, le rapport Ă soi et à «lâautre», tout en Ćuvrant entre rĂ©alitĂ© et fiction.
Vue de lâexposition Cut & Clash, 2024
Strouk Gallery
Espace avenue Matignon
Les toiles et sculptures en cĂ©ramique de MarlĂšne Mocquet composent un univers singulier et foisonnant. Il y a du surrĂ©alisme et du conte dans le bestiaire merveilleux de MarlĂšne Mocquet. Ses crĂ©atures hybrides et ambivalentes, tantĂŽt menaçantes, tantĂŽt joyeuses, Ă©voquent Ă la fois la naĂŻvetĂ© de lâenfance et un monde plus sombre et inquiĂ©tant. Son travail est marquĂ© par une attention particuliĂšre pour la matiĂšre, les couleurs Ă©clatantes qui coulent et dĂ©bordent. Oiseaux terrifiants, animaux difformes, figures cauchemardesques, tous sont prĂ©sents pour raconter une histoire.
Vase météorite pépite, 2018
GrÚs rouge, grÚs blanc, émail grand feu, petit feu, émail or 50 x 32 x 32 cm
Unique
Pomme montagne, 2021
GrĂšs Ă©maillĂ©, lustre or et platine, Ćil de verre
47 x 36 x 36 cm
Unique
Pomme Platine, 2021 - GrĂšs Ă©maillĂ© lustre or et platine, Ćil de verre - 27 x 27 x 27 cm
Vénus aux pommes, 2018 - Porcelaine émaillée, lustre or - 40 x 32 x 24 cm
Le ciel bleu arrive, 2021 - Technique mixte sur aluminium - 200 x 125 cm
« Vivant. Dans cette sĂ©rie mon ambition Ă©tait de ne pas dissocier peinture et sculpture. Mon gage dans tous mĂ©diums est de rendre hommage au vivant. Le sentiment pour moi dâavoir acquis la perception que lâoiseau continue Ă prendre son envol, ou que le personnage poursuive son chemin au-delĂ de mon geste, est une rĂ©ussite. LâĆuvre est vivante. Et de ce fait le spectateur devient acteur de ses propres Ă©motions. »
MarlĂšne Mocquet
Michel Tyszblat est un artiste français de la Nouvelle Figuration. AprĂšs un bref passage dans les ateliers dâAndrĂ© LhĂŽte et Robert Lapoujade, il construit un univers portĂ© par une gamme chromatique trĂšs personnelle, fait dâallers et retours entre figuration et abstraction. DĂšs 1960,
il expose aux cÎtés de Rancillac, Monory, Voss, Klasen, mais préfÚre évoluer en solitaire tout en gardant des liens forts avec ceux qui allaient former le groupe de la figuration narrative.
Chaque toile est une relecture constante des objets qui peuplent notre quotidien : jouets, moteurs, tĂ©lĂ©visions, Ă©crous puis palmiers, vĂ©lo, jambe, saxophone ou oiseau⊠Son Ćuvre, trĂšs prĂ©cise
formellement Ă ses dĂ©buts, laissera peu Ă peu la place Ă une grande gestualitĂ©, dans une quĂȘte
constante dâun Ă©quilibre malicieux.
Karine Rougier dĂ©veloppe une pratique du dessin et de la peinture Ă lâhuile sur bois. Son travail est inspirĂ© par ses voyages, ses pĂ©rĂ©grinations sous-marines en MĂ©diterranĂ©e et son dĂ©sir Ă croire au merveilleux. Les dessins de Karine Rougier rĂ©inventent une nature oĂč les formes humaines se mĂȘlent aux formes animales, oĂč corps et puissances invisibles sâunissent en une mĂȘme et envoĂ»tante Ă©treinte. Les lavis Ă lâaquarelle sur papier passent sur les formes et, Ă la façon dâune marĂ©e qui se retire, ne laissent derriĂšre eux que quelques dĂ©tails, quelques traits oĂč notre regard sâaccroche. TraversĂ©es dâun puissant Ă©lan vital, ses compositions sont le fruit dâun regard Ă©mancipĂ© qui insuffle aux corps dĂ©sir et puissance.
« Le collage je le ressens comme un jeu, comme un espace dâexpĂ©rience, de recherche et de rencontre de matiĂšres. Le collage vient soutenir une idĂ©e, lâenrober ou au contraire confronter des matiĂšres.
Comme une archéologie de la mémoire, il fait des liens dans les époques, dans les cultures. Comme le montage au cinéma, le collage vient mettre en lumiÚre un nouveau sens, il permet de faire résonner les histoires entre elles, de soulever les choses cachées, il crée du contraste, et un nouveau sens aux images. Comme une pensée libre qui serait en perpétuelle recherche. »
Karine Rougier
Marko Velk est un artiste figuratif qui explore et repousse les limites du dessin Ă lâaide du bĂąton de fusain. Lâobjectif est atteint lorsque lâincertitude et la certitude quâil sâagit bien dâun dessin au fusain se disputent. Les dessins de Marko Velk, aux proportions souvent imposantes, sont rĂ©alisĂ©s sur VĂ©lin dâArches. Lâensemble de son Ćuvre sâattache Ă traduire un monde plĂ©thorique, mais silencieux, un monde sans parole, un monde hors-science, dans un espace situĂ© entre nature et culture, oĂč les dieux cĂŽtoient les assassins. Compositions dâune Ă©trange modernitĂ©, la technique de Marko Velk, son univers insondable, codĂ©, se singularisent de beaucoup dans le paysage de la production figurative française. Il est associĂ© au mouvement du sous-rĂ©alisme (Under Realism), et participe Ă chacune de ses expositions collectives.
« Ă la base il y a le collage. Depuis toujours, dans ces carnets de formats A4 Ă peu prĂšs, jâai collĂ©, dĂ©coupĂ©, repositionnĂ©, des documents, des rĂ©fĂ©rences, des Ă©crits, des bouts de dessins, des choses arrachĂ©es dans la rue, toute sorte de documents qui Ă mes yeux avaient une valeur graphique, symbolique, ou historique reflĂ©tant mes obsessions et mes prĂ©occupations du moment. Page aprĂšs page. Ces carnets, remplis dâinterventions, dâadditions et de soustractions sont autant de petites opĂ©rations et rĂ©parations du monde qui mâentoure. Une chirurgie de lâimage. OpĂ©rĂ©e Ă la main. Jamais montrĂ©s, ils sont pour moi une source dâinformations inĂ©puisable ou presque. Gestes et pensĂ©es lancĂ©s au fil du jour rĂ©vĂ©lĂ©s par des juxtapositions improbables. Ce systĂšme de rĂ©flexion et dâapproche par le collage a eu un rĂŽle essentiel dans la construction et la recherche des formes dans mon travail de dessin au fusain. Câest un procĂ©dĂ© que jâapplique aujourdâhui hui Ă grande Ă©chelle et qui rĂ©vĂšle la constance et lâimportance du collage Ă la base de mon travail. Il se rĂ©vĂšle essentiel et incontournable. Offrant Ă mon travail au fusain une libertĂ© totale et une puissance dâĂ©vocation qui me conviennent pleinement dans ma recherche. »
Marko Velk
The agreement, 2023 - Fusain sur papier - 155 x 125 cm
La peintre met en place un dispositif pictural complexe susceptible de dĂ©jouer les images toutes faites. Elle travaille notamment la transparence et les superpositions des figures dessinĂ©es en laissant apparaĂźtre, Ă lâinstar des dessins surrĂ©alistes, diffĂ©rentes strates dâune image. Chaque toile devient ainsi un espace diffractĂ© et feuilletĂ© venant dĂ©jouer la reconnaissance hĂątive des formes et des motifs qui la composent. Leslie Amine balade son pinceau au fil dâanecdotes, de recherche de soi, de voyages et de souvenirs dâAfrique. (Extrait du texte de Phillipe Godin, Les terres promises, 2022, exposition «Disparence» Ă la galerie Anne de Villepoix du 09-11-2022 au 14-01-2023)
« Le motif photographique me sert de point dâaccroche. Il me permet dâexpĂ©rimenter la matiĂšre tout en essayant de le rĂ©vĂ©ler, de le faire disparaĂźtre et rĂ©apparaĂźtre. Par la superposition des images et des gestes, lâespace pictural devient le lieu de lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©. Ă la maniĂšre dâun feuilletage densifiĂ© par les formes et les diffĂ©rentes teintes, mon image se construit et se dĂ©construit tout en donnant Ă voir des reprĂ©sentations Ă©vanescentes ou apocalyptiques. »
Leslie Amine
Artiste plasticien, dessinateur français, polyvalent et prolifique. DĂšs lâĂąge de 15 ans, StĂ©phane
Blanquet se lance dans une création totale qui devient indissociable de sa vie. Son parcours
artistique est marquĂ© par une exploration constante Ă travers divers mĂ©diums, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale et une place prĂ©pondĂ©rante dans le paysage de lâart contemporain.
Blanquet a dĂ©butĂ© sa carriĂšre dans le domaine du dessin et de lâĂ©dition indĂ©pendante, fondant notamment la maison dâĂ©dition Chacal Puant, puis United Dead Artists. Au fil du temps, son champ dâactivitĂ© crĂ©atif sâest Ă©tendu Ă la conception et Ă la rĂ©alisation dâinstallations, Ă la production dâĆuvres sur une multitude de supports et de matĂ©riaux tels que le dessin, la peinture,
la sculpture, la tapisserie et la photographie, ainsi quâĂ des domaines comme le théùtre, le cinĂ©ma dâanimation, la musique et lâart urbain. En tant quâartiste urbain, Blanquet a rĂ©alisĂ© une importante fresque au cĆur du MuseumsQuartier de Vienne, en Autriche. Ses Ćuvres font partie de collections prestigieuses en France et Ă lâinternational.
« Jâappartiens parfois au surrĂ©aliste dans le sujet, mais mon Ă©nergie est parfois Cobra dans le trait volontairement cassĂ©, puis se reprends sur un mĂȘme motif dans lâĂ©nergie de la figuration, pour finir dans un trait maniaque dâun DĂŒrer, puis se transforme tout dâun coup en autre chose de plus bancal, Ă cheval avec le comics book. Ainsi tout se mĂ©lange pour me raconter, car il sâagit de cela, et chaque Ćuvre est finalement un bout de moi, un puzzle fait de tout, dâart et de souvenirs, de rĂȘves, de douleurs ou de beautĂ©. »
Stéphane Blanquet
« Jâaime allier aux sujets existentiels des symboles lĂ©gers et presque impropres au genre noble quâest la peinture. Et pourtant pourquoi rejeter de la reprĂ©sentation picturale des symboles et images prĂ©sentes dans nos imaginaires contemporains et urbains ? »
Madeleine Roger-LacanLes peintures figuratives de Madeleine Roger-Lacan se dĂ©ploient dans un univers fantasmagorique, mĂȘlant autoportraits, portraits intimes, paysages oniriques et objets issus de la culture populaire contemporaine. Sa peinture explore toutes ces possibilitĂ©s, prenant de multiples formes, sâassemblant et se dĂ©coupant. Ses Ćuvres Ă©tranges interrogent le regard extĂ©rieur et nous invitent Ă plonger librement dans nos propres rĂȘveries.
« Quand je peins, je veux crĂ©er un choc perceptif fluide qui atteint directement lâintĂ©rioritĂ© profonde de celui qui regarde. La dĂ©sorientation fait Ă©cho Ă ce mystĂšre propre Ă chacun. La lenteur et la patience sont peut-ĂȘtre aussi nĂ©cessaires pour regarder mes peintures. Je veux laisser le spectateur rĂȘver et le laisser dialoguer seul avec la matiĂšre et les formes qui sont nĂ©es dans chaque toileĂ©vĂšnement. Ainsi la rĂȘverie initiale reprend un nouveau cycle et crĂ©e un dialogue de libertĂ© intime. »
Weird Little Fish Isabella, 2021
Huile et technique mixte sur toile
126 x 40 cm
Pizza Party Mash Up, 2024 - Huile sur toile, bois et photo - 73 x 50 cm
Peter Klasen est nĂ© en Allemagne en 1935. En 1955, il intĂšgre lâEcole SupĂ©rieure de Beaux-Arts de Berlin. En 1959, il sâinstalle Ă Paris. Il sâinscrit alors comme le pionnier de la Figuration Narrative. Il dĂ©veloppe son langage pictural en sâappropriant la photographie et en sâintĂ©ressant Ă lâesthĂ©tique industrielle. Pour Klasen la photographie est une approche indispensable, un filtre Ă la rĂ©alitĂ©. « Photographier la rĂ©alitĂ© nâest pas la rĂ©duire mais la sublimer. Il sâagit dâune investigation du rĂ©el Ă travers lâobjectif. Le gros plan limite notre champ de vision et focalise notre attention. Les lieux en marge de nos villes, les faces cachĂ©es de notre monde industrialisĂ© exercent une Ă©trange fascination sur moi »
Peter Klasen, extrait de 1975. Pour rĂ©aliser ses Ćuvres, Klasen sĂ©lectionne les images, les combine dans ses toiles, dĂ©coupe et juxtapose des objets. Il emploie les techniques de lithographie et de lâaĂ©rographie. Son sujet de prĂ©dilection est lâenvironnement/le paysage urbain. Sâil en sonde les moindres dĂ©tails, son intĂ©rĂȘt porte plus particuliĂšrement sur le monde industriel. Lieux en marge des
villes, souterrains, gares de triage, tout est pour lui source dâinspiration. Les Ă©lĂ©ments de ce dĂ©cor sont souvent associĂ©s Ă la beautĂ© fĂ©minine. Portrait ou parties du corps, la femme est mise en opposition avec le monde industriel/ lâunivers matĂ©riel. Son travail le plus rĂ©cent « People in the City » en constitue lâexemple le plus Ă©difiant.
Torse + ampoule + quatre interrupteurs, 1969
Huile sur toile 89 x 116,5 cm
Parce quâĂ force de prolifĂ©ration, les images ont aujourdâhui perdu de leur aspĂ©ritĂ©, devenues aussi lisses que lâespace virtuel de leur diffusion, LĂ©o Dorfner en propose une lecture punk qui
dérange les interprétations trop chastes. Sa réappropriation des représentations médiatiques, des icÎnes publicitaires, des bribes du quotidien et des memes visuels dessine une mythologie
rock du contemporain aussi incrĂ©dule quâindisciplinĂ©e.
Extrait du texte de Florian GaitĂ© « Story from the city », exposition de LĂ©o Dorfner, galerie LâĆil dâhistrion, mai
Falling into place, 2024 - Aquarelle et gouache sur papier - 150 x 110 cm
« Dans ma pratique, jâassocie des images, jâessaie de les faire rimer, quâelles se poursuivent lâune dans lâautre ou, au contraire, jâobserve une collision de laquelle jaillit un sens nouveau. Mais ce que jâaime par dessus tout câest quâĂ travers les images que je sĂ©lectionne sur Internet, parfois agrĂ©mentĂ©es dâimages que je fais, se dĂ©gage une esthĂ©tique particuliĂšre, celle de la jeunesse dâaujourdâhui, rythmĂ©e par le flux incessant dâimages dĂ©bordant des rĂ©seaux sociaux, et qui me rattache dâune certaine façon au Pop Art. »
Léo Dorfner
So Tonight That I Might See & Why does the Earth give us people to love, 2024 Aquarelle et gouache sur papier - 150 x 110 cm
Hippolyte Hentgen est un duo dâartistes, composĂ© de GaĂ«lle Hippolyte et de Lina Hentgen.
RĂ©unies sous ce nom fictif pensĂ© comme une sphĂšre de partage et un outil de mise Ă distance de la notion dâauteur, les deux artistes explorent un territoire de recherche principalement orientĂ© vers lâimage. Si leur pratique sâancre dans le dessin, elles sâaventurent Ă©galement dans dâautres champs de reprĂ©sentation, tels le spectacle, le dĂ©cor, le film et la sculpture. En sâappropriant les codes de la bande dessinĂ©e et du dessin de presse, elles multiplient les tons (burlesque, naĂŻf) et les rĂ©fĂ©rences (de Jim Shaw aux cartoons des annĂ©es 1930, de lâunderground au modernisme, des motifs textiles aux papiers dĂ©coratifs japonais) et revivifient par glissement et greffe, une culture visuelle de masse. Puisant dans lâhistoire de lâart comme dans la culture populaire, elles
sâemparent dâimages iconiques inscrites dans la mĂ©moire collective et les restituent dans un immense collage protĂ©iforme et composite, dâune grande libertĂ© stylistique.
« Le principe du cadavre exquis pratiquĂ© par les surrĂ©alistes est notre premier terrain de jeux et câest cet exercice qui a donnĂ© une inflexion Ă notre pratique libre de lâimage avec en son centre une obsession de lâassemblage de fragments de tous horizons : savants et vernaculaires. Ces diffĂ©rentes sources nous permettent de raconter des histoires personnelles mais aussi grĂące Ă la force du document, de tracer des histoires collectives. »
Jean-Philippe Roubaud est un artiste qui explore le domaine du dessin, lâillusionnisme et la temporalitĂ©.
Connu pendant 15 ans sur la scĂšne artistique niçoise au sein dâun duo avec Cynthia Lemesle, il travaille seul depuis 2015. Il utilise le crayon, le pinceau et, de maniĂšre rĂ©currente, le graphite. Fusionnant diverses techniques artistiques, Jean-Philippe Roubaud sâoblige Ă restreindre les moyens du processus et rĂ©duit lâacte Ă son plus petit appareil pour nâen garder que lâessentiel. Ses dessins peints sont citationnels, quâils soient issus dâouvrages scientifiques ou de simples phĂ©nomĂšnes mĂ©moriels. Ses crĂ©ations franchissent les frontiĂšres entre la peinture et le dessin, offrant aux spectateurs une expĂ©rience immersive et introspective. Ă travers ses Ćuvres, Roubaud explore les thĂšmes de la mĂ©moire, de lâidentitĂ© et de la nature humaine, invitant le public Ă rĂ©flĂ©chir sur sa propre existence et sur le monde qui lâentoure. Son style distinctif mĂȘle souvent des Ă©lĂ©ments abstraits et figuratifs, crĂ©ant ainsi des compositions dynamiques et Ă©vocatrices qui captivent lâimagination.
Mnémosyne atlas apocryphe, Méduse 2, 2024 - Graphite sur papier - 60 x 50 cm
Mnémosyne atlas apocryphe, Narcisse & Orphée, 2018 - Graphite sur papier - 30 x 24 cm (chaque)
« Comme beaucoup dâartistes de ma gĂ©nĂ©ration, jâai constituĂ© une partie de ma culture artistique et iconographique Ă travers les livres et par la suite les recherches sur Internet. Je pouvais sauter un siĂšcle en quelques pages et alterner culture pop et reprĂ©sentation classique trĂšs rapidement. De lĂ vient sĂ»rement mon goĂ»t pour le carambolage dâimages. Je suis admiratif depuis trĂšs longtemps du travail dâAby Warburg fondateur de la
notion dâiconologie. Ses mĂ©thodes de mise en relation dâimages mâinspirent et me permettent de produire du sens Ă lâintĂ©rieur de mes Ćuvres. Aby Warburg montre que dĂ©couper câest choisir, monter câest lier, assembler câest raconter en confrontant. Ces assemblages permettent de faire rĂ©apparaĂźtre la mĂ©moire des images dans un syncrĂ©tisme transhistorique. »
Jean-Philippe Roubaud
La peinture dâArmand Jalut convoque une iconographie cultivant lâambiguĂŻtĂ© et les paradoxes. Il extrait de ses collections dâimages certains fragments, les soumet Ă des dĂ©placements, des jeux combinatoires concevant un dispositif pictural ambivalent.
Devenant artefacts, ces objets hyper figurĂ©s sâenrichissent dâun potentiel narratif aux rĂ©miniscences fantastiques et Ă©rotiques. Son travail rend compte de cette maniĂšre
dâobserver lâanodin, lâobsolĂšte, manipulant et recontextualisant le sujet Ă travers le prisme dĂ©formant de la peinture, Ă©laborant une projection fantasmĂ©e de lâaccessoire.
« Ma pratique du collage est prĂ©cĂ©dĂ©e de recherches iconographiques, de pĂ©rĂ©grinations rĂ©tiniennes quâoffrent le scrolling sans fin et lâinstantanĂ©itĂ© des photos Ă lâiPhone. Cette consommation visuelle mĂšne Ă la collection de sujets potentiels, hiĂ©rarchisĂ©s en fonction de leurs qualitĂ©s picturales et leur ambivalence. »
Armand Jalut
Vue de lâexposition Cut & Clash, 2024
Strouk Gallery
Espace avenue Matignon
«Vouloir peindre câest dâabord vouloir inventer une image qui bouleversera les autres.»
SeguĂ, dĂšs les annĂ©es 60, confĂšre aux figures une place primordiale dans son travail. Il se place alors aux premiers rangs de la Nouvelle Figuration (et du Pop Art) et trouve sa place parmi les artistes qui ont rejetĂ© le formalisme de lâabstraction et redonnĂ© une place « au quotidien ». Sa production est formĂ©e pour la plus grande part de peintures, mais aussi dâestampes et de sculptures.
Jeune peintre, il puise son inspiration auprĂšs dâartistes comme Giorgio de Chirico, Mario Sironi, GutiĂ©rrez Solana ou encore comme le peintre français satirique HonorĂ© Daumier. Dans les annĂ©es 60 et 70, ses tableaux sont sombres et dĂ©nonciateurs. Il y fait figurer des reprĂ©sentants du Pouvoir, de lâArmĂ©e et du ClergĂ©. Il peint des toiles expressionnistes et satiriques qui font allusion Ă lâhistoire politique et sociologique de lâAmĂ©rique latine ( LâarrivĂ©e du GĂ©nĂ©ral , 1967). Il admet qu â« il a toujours eu dans sa peinture, des Ă©lĂ©ments constants, comme la dĂ©nonciation et la provocation. »
Pages suivantes, Ă gauche, Cuando te Vuelva a Ver, 1985
Huile sur toile 200 x 200 cm
Memoria de un Ropero, 2017 - Acrylique sur bois découpé - 121 x 121 x 8,5 cm
AprĂšs des Ă©tudes dâhistoire Ă lâUniversitĂ© Paris VII, StĂ©phane PencrĂ©acâh entreprend, au dĂ©but des annĂ©es 90, un travail de peinture, de sculpture, de dessin, de gravure et dâĂ©dition. Il aime reprendre des thĂšmes, des symboles ou des personnages mythologiques, des mythes fondateurs comme base pour Ă©voquer, dans une version contemporaine, des sujets universels. Si StĂ©phane PencrĂ©acâh dĂ©ploie ses peintures et ses sculptures de maniĂšre assez classique, il vise Ă fonder une expĂ©rience esthĂ©tique nouvelle, construite en rĂ©fĂ©rence au monde actuel, Ă une troisiĂšme dimension qui prend forme tant dans le cinĂ©ma, que dans lâunivers du net. Poussant sa recherche formelle, il intĂšgre la sculpture en 3D dans ses tableaux, perdant le spectateur dans une complexitĂ© spatiale, multipliant les points de vue possibles. Il rĂ©active depuis quelques annĂ©es la grande tradition de la peinture dâhistoire et du monument.
« La modernitĂ© câest pour moi le principe dâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle, que jâai pris comme une dĂ©flagration avec « Le DĂ©jeuner sur lâherbe » de Manet dâabord, et ensuite Picasso bien sĂ»r. Casser, recomposer, recommencer. Par extension le chaos comme source dâinspiration et gĂ©nĂ©rateur de formes. Dans mes tableaux les multiples pistes de sens sont balisĂ©es davantage par ces ruptures et changements de formes que directement par de lâiconographie qui sâentrechoquerait. »
Pages précédentes, à droite, Vladimir Poutine, 2023
Huile sur toile
200 x 200 cm
Vue dâexposition
DĂšs 1963, Adami Ă©labore son langage plastique. La fragmentation de lâespace, les effets de relief et de tridimensionnalitĂ© vont laisser la place Ă une ligne serpentine et sensuelle dans des suites de formes closes. Il joue sur les juxtapositions, les mĂ©langes, la fusion des idĂ©es, des Ă©motions, des impulsions avec toujours la ligne qui est le vĂ©ritable paraphe de son esthĂ©tique. Cette ligne trĂšs accusĂ©e est le point de dĂ©part et la fin du dessin, elle signe son style, câest son Ă©criture. Ce cernĂ©, ce trait contour, enserre aussi bien les Ă©vĂ©nements historiques, les paysages, les portraits de cĂ©lĂ©britĂ©s et mĂšne du rĂ©el au symbolique, Ă une sorte dâallĂ©gorie culturelle aussi bien que personnelle.
Visitate le Termopili, 1988 - Acrylique sur toile -197 x 260 cm
La pratique artistique de Damien Deroubaix est marquĂ©e par une grande diversitĂ© de formes et de techniques : peinture Ă lâhuile, aquarelle, gravure, tapisserie, panneaux de bois gravĂ©s, mais aussi sculpture et installation.
Ă cette variĂ©tĂ© formelle rĂ©pondent des sources et des rĂ©fĂ©rences des plus Ă©clectiques, cohabitant souvent au sein de ses oeuvres dans un esprit qui nâest pas sans rappeler celui, iconoclaste, des montages Dada. Des motifs empruntĂ©s aux danses macabres mĂ©diĂ©vales sây mĂȘlent Ă des Ă©vocations de chapitres tragiques de lâhistoire contemporaine ; des images dâactualitĂ© y cĂŽtoient la mythologie ou le folklore ; lâhistoire de lâart et la scĂšne musicale metal sây tĂ©lescopent. Ouvertement expressionnistes, ses peintures convoquent bien souvent des thĂšmes apocalyptiques, et câest peut-ĂȘtre ce qui les rend si intemporels.
La jeune fille, la mort et le diable, 2022 - Huile et collage sur toile - 200 x 150 cm
« Ăa fait bien longtemps que la mondialisation a rĂ©vĂ©lĂ© un monde fragmentĂ©. Par son Ă©tat de morceaux, de la texture matiĂšre ou de pensĂ©es diffĂ©rentes qui se tĂ©lescopent, ma peinture/ collage tend Ă prĂ©senter cela. »
Damien Deroubaix
La jeune fille et la mort, 2023 - Huile et collage sur toile - 200 x 150 cm
AprĂšs une formation de peintre-dĂ©corateur Ă lâĂ©cole des Arts appliquĂ©s de Paris, Jacques Monory travaille dix ans chez lâĂ©diteur dâart Robert Delpire oĂč il se trouve en contact avec lâunivers de la photo. Il est lâun des principaux reprĂ©sentants du mouvement de la Figuration narrative qui, au milieu des annĂ©es 1960 sâest opposĂ© Ă la peinture abstraite, avec notamment les peintres
Hervé Télémaque, Erró, Rancillac, Peter Klasen, Eduardo Arroyo et Valerio Adami. Profondément préoccupé par la violence de la réalité quotidienne, les tableaux de Monory suggÚrent des atmosphÚres lourdes et menaçantes.
Les thĂšmes sont dĂ©veloppĂ©s Ă travers des sĂ©ries et les images quâil utilise sont directement issues de la sociĂ©tĂ© contemporaine. Des emprunts photographiques et cinĂ©matographiques, le recours Ă la monochromie, la froideur de la touche et de la composition caractĂ©risent un style singulier et engagĂ© dans la reprĂ©sentation et baignent souvent dans un monochrome bleu.
Couleurs n°5, 2002 - Acrylique sur toile - 176 x 501 cm (Triptyque)
Dâabord connue pour sa peinture, Cristine Guinamand ne se limite pas Ă un seul mĂ©dium. Son exploration artistique est protĂ©iforme, embrassant le dessin, la gravure, la broderie, lâinstallation, la sculpture et mĂȘme la crĂ©ation de machines. Cette diversitĂ© est une caractĂ©ristique fondamentale de son travail, lui confĂ©rant une richesse et une profondeur uniques. Le dessin occupe une place importante dans sa pratique. Il lui sert Ă la fois dâoutil dâexploration et de moyen dâexpression Ă part entiĂšre. Ses dessins, souvent Ă lâencre ou au fusain, sont dâune grande prĂ©cision et dâune grande force expressive. Son style est difficile Ă catĂ©goriser et mĂ©lange plusieurs influences, ce qui en fait une artiste unique et singuliĂšre.
« Lâassociation de matĂ©riaux forts et chargĂ©s rend visible les intentions voulues. Lorsque jâutilise des puzzles dans les compositions liĂ©es Ă la guerre, lâimpression de fragmentation, de morcellement, de dĂ©bris est augmentĂ©e, traduisant la dynamique mortifĂšre de celle-ci. Ces peintures Ă lâhuile composites donnent des propositions qui rompent avec la linĂ©aritĂ© et la continuitĂ© de lâimage et retranscrivent par la mĂȘme occasion un magma significatif tel un champ de bataille oĂč les Ă©lĂ©ments hĂ©tĂ©roclites partagent une mĂȘme zone. LâapprĂ©hension du rĂ©bus formel et narratif des peintures ne peut-ĂȘtre saisi en un instant mais demande un arrĂȘt, un certain temps, comme pour faire prendre conscience de la dislocation du monde. »
Cristine Guinamand
Révélation, 2024
Acrylique et huile sur toile libre 214 x 300 cm
« Câest dans sa capacitĂ© Ă conjuguer le projet graphique Ă lâimage choisie que
Valentin van der Meulen rĂ©vĂšle sa maĂźtrise du dessin : la mĂȘme force qui se
dĂ©gage du dessin se trouve dans le geste et le regard. Souvent les dessins de sculpteurs tĂ©moignent de leurs maniĂšres de traiter la pierre, le bois, lâon
pense ici Ă Baselitz ou Dodeigne. Un mĂȘme poids de la main sâimprime dans la matiĂšre. Valentin van der Meulen nâest pas sculpteur, pourtant son dessin
parvient Ă confĂ©rer Ă lâimage une prĂ©sence tangible dans lâespace. »
Paul-HervĂ© Parsy, ancien directeur du ChĂąteau DâOiron et des collections du
Centre Georges Pompidou
Poudre de fusain, pierre noire, bois, polyuréthane, Dibond et laque acrylique
110 x 80 x 5 cm
140 x 70 x 5 cm
« LâidĂ©e de fragment mâa toujours intĂ©ressĂ©. Du fragment se pose la question du motif que je me permets dâaborder au sens large du terme. Beaucoup de choses peuvent devenir un motif si on les considĂšre dans leur rapport Ă la rĂ©alitĂ©. Quand jâaborde ces deux aspects (fragment / motif), les jeux de visible et dâinvisible, ou de prolifĂ©ration et de saturation, prennent une nouvelle dimension qui concurrence le sujet premier de lâimage et donc en interroge le rĂ©cit. Jâai toujours considĂ©rĂ© lâimage dans sa relation avec la rĂ©alitĂ© Ă travers lâidĂ©e de la mĂ©moire (jusquâĂ sa dimension physique quand je la traduis en dessin) plus quâĂ travers lâidĂ©e de documentation. Cette idĂ©e permet de sâinterroger sur la maniĂšre dont nous Ă©crivons lâhistoire dans notre sociĂ©tĂ© et notre relation avec celle-ci. »
Valentin van der Meulen
TĂ©moin des atrocitĂ©s commises pendant la Seconde Guerre mondiale et plus rĂ©cemment dans les annĂ©es 90 en ex-Yougoslavie, Vladimir VeliÄkoviÄ consacre sa peinture Ă la reprĂ©sentation du corps humain, un champ dâinvestigation inĂ©puisable pour lui. Dans ses Ćuvres, paysages dĂ©solĂ©s, horizons bloquĂ©s, visions de guerre et de carnage forment un univers oĂč les reprĂ©sentations du monde et du corps humain sont des illustrations de la souffrance infligĂ©e Ă lâhomme par lâhomme.
LâĆuvre dâAxel Pahlavi explore des thĂšmes tels que la violence, la tristesse, la beautĂ© et la spiritualitĂ© Ă travers des fresques cosmiques et des autoportraits. Lâart dâAxel Pahlavi se confronte Ă lâhistoire, Ă la sciencefiction, Ă la sociĂ©tĂ© et Ă la nature. Ses toiles montrent une figure humaine dĂ©risoire hantĂ©e par un sentiment dâabandon et une fatalitĂ© tragique.
« Bien sĂ»r, le collage provient beaucoup de lÂŽutilisation pour ma gĂ©nĂ©ration de lÂŽoutil Photoshop. Mais chez moi il se double par des maniĂšres de matiĂšres qui viennent doubler les collages dÂŽimages : les parties sont peintes avec des outils diffĂ©rents et des vitesses de peinture diffĂ©rentes, ce qui accentue le cĂŽtĂ© explosif dans le frottement entre les parties. Cela est aussi une maniĂšre de penser la fission de la matiĂšre elle-mĂȘme. »
Axel Pahlavi(de gauche Ă droite)
Ătude pour un portrait 1, 2 & 3, 2024
Acrylique et huile sur toile
50 x 40 cm
Pionnier du mouvement de la Figuration Narrative, il est Ă la fois pop et baroque. Utilisant une technique acadĂ©mique, il combine des images provenant de diverses sources. Tout a commencĂ© Ă la fin des annĂ©es 1950, avec des ciseaux et de la colle. PublicitĂ©s, journaux, affiches, propagande politique, bandes dessinĂ©es, il collectionne tout ce quâil voit, tout ce quâil lit. Il dĂ©coupe et assemble, composant un collage, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une Ă©bauche du tableau Ă venir. Ce qui lâintĂ©resse avant tout, câest notre culture visuelle et politique. De Mao Zedong Ă la guerre du Golfe, il raconte ce que tout le monde connaĂźt et peut reconnaĂźtre : les figures des despotes, le monde et ses conflits, la guerre des images. En 1963, en arrivant Ă New York, il lance la sĂ©rie des « Scapes », un flux ininterrompu dâimages qui saturent la surface du tableau. Ainsi, une narration
infiniment complexe sâĂ©tablit, laissant la libertĂ© dâinterprĂ©tation au spectateur. « La peinture est une façon de chercher Ă dĂ©couvrir le sens dâun monde confus », explique ErrĂł.
Artiste appartenant Ă la famille du mouvement nĂ©o pop, ses Ćuvres se situent dans le courant de la figuration narrative française et du pop art. Myriam Baudin sâattache Ă dĂ©tourner et rĂ©interprĂ©ter lâiconographie contemporaine ainsi que lâimagerie urbaine et publicitaire de la sociĂ©tĂ© de consommation. Utilisant le graphisme et la couleur, elle tient un propos subversif sâinspirant de la vie quotidienne et de la presse. La peinture de la renaissance italienne lui procure ses premiĂšres sensations et câest particuliĂšrement chez Piero della Francesca quâelle dĂ©couvre toute lâefficacitĂ© gĂ©omĂ©trique et chromatique dâune Ćuvre et oĂč elle apprend Ă maĂźtriser cette simplification de lâimage. Au cours des annĂ©es 90, Myriam Baudin se consacre exclusivement Ă la peinture. Elle expĂ©rimente de nombreux matĂ©riaux et opte pour la propolis
(résine extraite des ruches de son pÚre) associée à des pigments naturels sur toile marouflée.
Dans ses toiles, lâidentitĂ© fĂ©minine Ă©voque le noyau originel. La femme comme ligotĂ©e au sein
dâelle-mĂȘme, doit ĂȘtre, selon lâartiste, « sfogarsi », extraite du feu, se libĂ©rer du feu.
Réincarnation des vaches folles, 2011 - Acrylique sur toile - 130 x 97 cm
IcĂŽnes aux ornements, 2019 - Acrylique sur toile - 100 x 100 cm
Du lard urbain, 2014 - Acrylique sur toile - 100 x 100 cm
« La pratique du collage exprime souvent une explosion de violence ressentie, rĂ©organisĂ©e sur toile pour tenter de se libĂ©rer de soi vers lâespĂ©rance dâun absolu. »
« LâĂ©mancipation dans la peinture est une grande nĂ©cessitĂ©, elle va droit au cĆur. Le conventionnel nâest que demi-mesure, il refroidit la libertĂ©. Lâimagination, câest de monter et descendre dans un fluide. On dirait quâun infini ou un point se trouve entre la rotation et lâoscillation. »
« Ă propos de mes deux tableaux « La guerre de la gourmandise » et « SucrĂ©s », un proverbe chinois dit : « Trop de colle ne colle plus, trop de sucre nâadoucit plus. »
Raphaëlle Ricol
RaphaĂ«lle Ricol est une artiste peintre française qui sâinscrit dans le mouvement du Sous RĂ©alisme. NĂ©e sourde, RaphaĂ«lle Ricol a dĂ©veloppĂ© son art de maniĂšre autodidacte. Ses sources dâinspiration sont multiples, allant de la BD, les mangas et les dessins animĂ©s, en passant par lâart urbain et la peinture classique. Elle utilise principalement lâacrylique, mĂȘlant parfois le feutre, le marqueur ou la peinture Ă la bombe. Dans ses Ćuvres, on peut parfois trouver des objets incorporĂ©s, comme des figurines en plastique de jeux dâenfants, ou des figurines collĂ©es Ă la surface de ses tableaux. Sa peinture Ă©volue dâun univers rĂ©aliste
vers un monde peuplé de créatures à la fois violentes et burlesques.
La guerre de la gourmandise, 2023
Acrylique sur toile 150 x 150 cm
Sucrés
« Tous les « Ă©vĂ©nements » politiques mâimpressionnent. Je lâai dĂ©couvert quand jâai dĂ©cidĂ© de faire les toiles sur lâannĂ©e 1966. Jâai compris alors que jâĂ©tais un animal politique pas un chroniqueur mondain ! Ă lâorigine de toute crĂ©ation artistique il faut une Ă©motion. TrĂšs souvent chez moi elle est de nature politique mĂȘme quand je peins des Mickey, des musiciens de jazz, des voitures ou des stars de cinĂ©ma. Le journaliste et le photographe sont plus prĂ©sents sur lâĂ©vĂ©nement et plus rapides en communication. Mais le peintre a le temps pour lui, le temps de sâenfoncer dans la chair du temps. Cela sâappelle lâhistoire. »
La peinture de Shu Rui est basĂ©e sur lâinstant prĂ©sent, sâinspirant de ses propres expĂ©riences. Elle nâa ni sujet de crĂ©ation fixe ni objet de recherche dĂ©fini. Elle dĂ©peint
des choses et des phĂ©nomĂšnes avec une approche morcelĂ©e et dĂ©centralisĂ©e du rĂ©alisme. Son travail combine Ă la fois une dimension autobiographique et une dĂ©marche documentaire. Elle se consacre principalement Ă dĂ©peindre âau sens de
« raconter » âles objets quâelle possĂšde : ses vĂȘtements, ses sacs, son fer Ă repasser, ses livres, son tĂ©lĂ©phone portable, ses aliments et les emballages de ce quâelle a consommĂ©. Elle les reprĂ©sente avec une sorte de vĂ©nĂ©ration, copiant les images des emballages comme si elle reproduisait lâĆuvre dâun grand maĂźtre.
« Ma peinture reprĂ©sente Ă la fois un effort autobiographique et une dĂ©marche documentaire. Je me consacre surtout Ă dĂ©peindre â pas peindre, mais littĂ©ralement dĂ©peindre, au sens de « raconter » â les objets que je possĂšde : mes vĂȘtements, mes sacs, mon fer Ă repasser, mes livres, mon tĂ©lĂ©phone portable, mes aliments et les emballages de ce que jâai consommĂ©... Je les peins avec une sorte de vĂ©nĂ©ration : je copie les images sur les emballages comme je reproduisais lâĆuvre dâun grand maĂźtre. »
Shu Rui
Vue dâexposition Ćuvres de Shu Rui
Stéphane Blanquet, p.65 - Dispositif inflammable avant renaissance, 2024
Gérard Schlosser, p.66 - Quelques fois, 2021
Till Rabus, p.67 - Split body 5, 2023
Jean-Philippe Roubaud, p.68 - Mnémosyne atlas apocryphe, Meduse 2, 2024
Léo Dorfner, p.69 - So Tonight That I Might See, 2024
ErrĂł, p.70 - Sans titre, 2020
Myriam Baudin, p.71 - Rewild Mary Bob, 2024
Bernard Rancillac, p.72 - Miss Berger, 1993
Shu Rui, p.73 - Ma libertĂ© nâest pas la tienne, 2022
Valerio Adami, p.74 - Visitate le Termopili, 1988
StĂ©phane PencrĂ©acâh, p.75 - Vladimir Poutine, 2023
Karine Rougier, p.76 - Sans titre, série Flux, 2022
Michel Tyszblat, p.77 - Sans titre, 2013
Armand Jalut, p.78 - Tenderly, 2023
Antonio SeguĂ, p.79 - Memoria de un Ropero, 2017
Robert Combas, p.80 - POSE ENTRE DES GROSSES TĂTES DE CAPITALISTES
à « LâANCIENNE », 2024
Oda Jaune, p.81 - Untitled, 2022
Abel PradaliĂ©, p.82 - Les demoiselles dâInstagram, 2024
Léopold Rabus, p.83 - Intérieur, 2017
Pat Andrea, p.84 - VOORTREKKER, 2015
Abel Pradalié, p.85 - KO, 2023
Marko Velk, p.86 - The agreement, 2023
Katia Bourdarel, p.87 - Linteum - Le paradis blanc, 2022
Madelein Roger-Lacan, p.88 - Weird Fish Isabella, 2021
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© Valerio Adami
© Leslie Amine
© Pat Andrea
© Myriam Baudin
© Stéphane Blanquet
© Katia Bourdarel
© Robert Combas
© Damien Deroubaix
© Léo Dorfner
© Erró
© Cristine Guinamand
© Hippolyte Hentgen
© Armand Jalut
© Oda Jaune
© Peter Klasen
© MarlÚne Mocquet
© Jacques Monory
© Axel Pahlavi
© StĂ©phane PencrĂ©acâh
© Nazanin Pouyandeh
© Abel Pradalié
© Léopold Rabus
© Till Rabus
© Bernard Rancillac
© Raphaëlle Ricol
© Madeleine Roger-Lacan
© Jean-Philippe Roubaud
© Karine Rougier
© Shu Rui
© Gérard Schlosser
© Antonio SeguĂ
© Michel Tyszblat
© Valentin van der Meulen
© Vladimir VeliÄkoviÄ
© Marko Velk
©ADAGP
Galerie Anne de Villepoix
Galerie Claire Gastaud
Galerie Semiose
Galerie Michel Rein, Paris / Bruxelles
Galerie Templon
Galerie EAST
Galerie Isabelle Gounod
Galerie Sator
Galerie Suzanne Tarasieve, Paris
Galerie Lange+Pult
Galerie Eigen+art
Galerie Espace Ă vendre
© Romain Darnaud : reproduction des Ćuvres et photos de lâexposition
© Sully BalmassiÚre : p.17 ; p.19 ; p.83
© Atelier de Pat Andrea : p.21 ; p.23 ; p.84
© Harald Gottschalk : p.29 ; p.31 ; p.80
© Atelier Till Rabus : pp.32-35 ; p.67
© Atelier dâOda Jaune : p.39 ; p.81
© Atelier de Nazanin Pouyandeh : p.41
© Rebecca Fanuele : p.48 (gauche)
© Thibault Hazelzet : p.48 (droite)
© Atelier de Michel Tyszblat : pp.52-53 ; p.77
© Atelier de Karine Rougier : p.55 ; p.76
© Atelier de Marko Velk : p.57
© Atelier de Leslie Amine : p.61
© Claire Dorn : p.88 ; pp.90-91
© Atelier de Léo Dorfner : p.95
© Aurélien Mole : pp.100-101
© Atelier de Jean-Philippe Roubaud : pp.104-105
© F. Kleinefenn : p.107
© Atelier dâAntonio SeguĂ : p.111
© Atelier de Valentin van der Meulen : pp.126-127
© Atelier de Myriam Baudin : p.71 ; p.136-138
© Atelier de Raphaëlle Ricol : pp.142-143
© Atelier de Shu Rui : p.73 ; pp.146-147
Published by Strouk Gallery
Exposition du 08.03.24 au 20.04.24
COMMISSAIRE DâEXPOSITION
Amélie Adamo
COORDINATION
InĂšs Frachon
Marie Laborde
Juliette Susini
TEXTES
Amélie Adamo
InĂšs Frachon
CORRECTIONS
InĂšs Frachon
ĂlĂ©a Bindi
GRAPHISME
Juliette Susini
RĂGIE
Romuald Pfister
Stéphane Mortier
Arny Peña
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PARIS
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AchevĂ© dâimprimer en mars 2024 sur les presses de lâimprimerie Marie, Honfleur, France
DépÎt légal mars 2024
ISBN : 978-2-493962-08-9