Coree affaires 103

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La Grande Interview

특집 인터뷰

nu, au bout de 6 mois, c’est un CDI pour deux heures sur cinq jours. Avec ce contrat, le travailleur n’est plus éligible pour certaines aides sociales. C’est ça, le graal, aujourd’hui. On bricole avec des restes d’un régime ancien. Je conseillerais donc aux jeunes de mettre leurs priorités à eux, de fonctionner sans tenir compte de l’ordre qui existe ou n’existe plus : c’est à eux de donner le cap. Cela peut être une envie, une destination, la famille, etc. Les premiers de cette génération vont finir par arriver aux manettes et créeront leurs propres règles. Q. Parlez-nous de votre démarche pour le Quai de Ouistreham, de ce qui a motivé une immersion complète plutôt qu’une enquête traditionnelle, un récit presque romanesque plutôt qu’une analyse ? R. Je ne suis pas une spécialiste de l’économie mais en tant que journaliste, je ne peux pas éviter d’en parler ; il fallait trouver ma manière de le faire. J’ai décidé de me faufiler au sein d’une des classes sociales en difficulté, en me fixant pour objectif de ne mettre dans mon livre aucune donnée disponible, aucune analyse ; seulement l’observation du quotidien des classes précaires. Il n’y a pas plus étranger à soi, d’une certaine façon, que son propre pays. J’ai choisi Caen, une ville où je ne connaissais personne. Je me suis créé une histoire : femme de 45 ans, qui a vécu avec un homme toute sa vie en tant que femme au foyer, et qui, suite à sa séparation, cherche du travail, sans aucune expérience. Le but : travailler dans ces conditions jusqu’à ce que je décroche un CDI. Q. Quels sont les grands stéréotypes véhiculés sur la précarité et le chômage en France que votre expérience a remis en question ? R. Je pensais qu’en postulant aux pires offres d’emploi, je n’aurais pas de problème pour trouver du travail. Pourtant, on m’a très vite fait comprendre dans les agences d’intérim que même ces postes étaient trop hauts pour moi… L’une des réalités les plus fortes à laquelle j’ai dû me confronter, c’est la position des femmes en France. Bien que je connaisse les statistiques, il me semblait que ce n’était plus un problème en France, au contraire même. Pourtant, au plus bas de l’échelle, j’ai réalisé à quel point il y a une condition autre de la femme et cela peut être très discriminant d’être une femme de plus de 50 ans. Je travaillais avec des jeunes filles qui cumulent les petits boulots pour pouvoir joindre les deux bouts, et malgré cela, leur entourage, leur compagnon, voire la société, leur renvoient l’image de « n’avoir pas vraiment de travail », ce qu’elles reprennent parfois à leur compte. On leur dénie leur statut de travailleuses, de par leur précarité. Q. Alors que le journalisme et les médias suscitent de plus en plus de méfiance et critiques, comment

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peuvent-ils évoluer pour mieux s’adapter aux besoins de la société et dépasser leurs travers ? R. Il y a effectivement une certaine défiance vis-à-vis des médias et des mondes médiatique et politique, qui sont déconnectés de la population. Lorsque je suis allée voir mes anciennes collègues avant la publication du Quai de Ouistreham et que je leur ai révélé mon identité, elles ne voulaient pas me croire. Elles ne comprenaient pas pourquoi une journaliste s’intéresserait à « des gens comme elles ». C’est une réalité difficile à accepter, en tant que journaliste, et si la presse ne fait pas cet effort de revenir vers les gens, il y aura toujours cette défiance. Pour assurer plus de transparence, les journaux devraient exprimer très clairement leur éthique et garantir leur charte de fonctionnement, en expliquant leur manière de travailler : « ici, nous ne reproduisons pas une information tirée d’agence de presse », « ici, les voyages ne sont pas payés par les entreprises », etc. Par ailleurs, il y a un appétit pour une information qui est autre. Il est vrai que les médias créent un effet de loupe sur certains événements phare, avec les journaux du monde entier qui abordent tous les mêmes thèmes. Mais certains sont inévitables : il n’est pas possible d’ignorer les élections américaines, par exemple. Pour y parer, le Monde essaye de proposer d’autres manières de s’informer, comme avec l’application La Matinale, sur laquelle nous partageons des informations de manière assez aléatoire. C’est un succès fou. Le problème aussi, c’est que pendant longtemps, la presse était le seul moyen de s’informer ; aujourd’hui, payer pour s’informer n’est pas une démarche évidente pour tous. Ceux qui souhaitent s’informer doivent aussi accepter d’y mettre le prix.

Q. 서울 와우북 페스티벌에서 저서 <위스트르앙 부두>를 소개하셨습 니다. 한국을 선택하신 이유가 궁금합니다.

A. 프랑스의 입장에서 한국은 대단한 성공을 이루었으나 문화와 생 활방식이 상대적으로 알려지지 않았다는 점에서 떠오르는 나라 중에서 도 가장 매력적인 곳에 속합니다. 그래서 개인적으로나 작가로서 지금 의 한국을 꼭 직접 보고 싶었습니다. 노동 분야에 관한 대부분의 기본 통계에서 근무 시간이나 비정규직 부문에서 한국은 프랑스와 상황이 완전히 다릅니다. 프랑스와는 다른 나라의 상황을 바라보고 싶었던 이 유입니다. 워킹 푸어가 프랑스에서는 2000년대 이후에 등장했으나 한 국에서는 늘 존재했습니다. 비정규직화 상황은 이 문제가 최근에 등장 한 나라와 사회보장망이 아직 미비한 나라 사이에서 아주 다르게 전개 될 수 있습니다. 이 같은 차이점이 궁금합니다. Q. 한국은 현재 청년 세대와 노년 세대의 비정규직화 경향이 심합니 다. 프랑스의 상황은 어떻습니까?

A. 프랑스도 비정규직에는 청년 세대가 가장 많습니다. 198090년대에는 청년층(18-24세)의 비정규직 비율이 15%였으나 지금은 50%가까이 됩니다.


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