

NouvEllE modE chEz lEs licorNEs
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LE faNtômE qui NE faisait plus pEur
p. 16
La fÉE Colibri
p. 26
Un rÊvE d’abomiNablE hommE dEs NEigEs
p. 36
Drago chErchE dEs amis
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Les licornes aiment être jolies. Elles passent beaucoup de temps à s’admirer dans l’eau des rivières, à peindre des étoiles dorées sur leur croupe, à faire briller leur longue corne d’ivoire ou à tresser des fleurs dans leur crinière. Or un jour, un homme arrive au pays des licornes et s’installe près de la rivière.
Là, il ouvre sa roulotte, déplie une table devant sa porte et y expose de jolies cornes multicolores. Puis il accroche un peu partout dans le pays des affiches qui annoncent : « OSEZ LA COULEUR ! »
Quand elle lit cela, la licorne Blancheline détourne les yeux.
« Ça ne marchera jamais », prédit-elle, moqueuse.
Cependant, une licorne plus curieuse et audacieuse que les autres s’approche de l’étal de ce drôle de bonhomme et lui demande la permission d’essayer une longue corne aux mille couleurs.
Sans attendre, l’homme s’empresse de l’aider à troquer sa corne d’ivoire contre une nouvelle corne multicolore. Puis il tend un miroir à la licorne, qui crie de joie en se découvrant si jolie.
« C’est magnifique ! s’exclame-t-elle, enchantée. Combien je vous dois ?
– Rien du tout, répond le vendeur avec un sourire enjôleur. Pour vous qui êtes ma première cliente, ce sera gratuit. »
Aussitôt, la licorne se pavane dans tout le pays pour faire admirer sa nouvelle corne de toutes les couleurs. Les autres licornes s’extasient.
« Comme c’est joli ! » s’écrient-elles.
Mais la plupart sont vertes de jalousie.
Alors elles galopent chez le marchand lui demander à leur tour de leur vendre une de ses merveilleuses cornes colorées. Le vendeur se frotte les mains.
Les affaires sont lancées.
Dans son coin, Blancheline est atterrée.
« Ça va leur passer », espère-t-elle.
Loin s’en faut.
Après quelques jours, les licornes sont un peu agacées. Partout où elles se promènent, elles rencontrent des congénères qui, elles aussi, arborent une corne multicolore. Ce qui était une nouveauté est devenu désormais d’une triste banalité.
L’une des licornes, un peu plus revendicative que les autres, retourne se plaindre au marchand.
« Vos cornes n’ont aucune originalité ! rouspète-t-elle.
– Que diriez-vous d’une corne dorée ? » lui propose alors le marchand pour se racheter.
La licorne réfléchit, sourit et repart quelques minutes plus tard dotée d’une longue corne dorée.
Le succès de cette nouvelle corne est immédiat et suivi d’une avalanche de nouvelles commandes pour le marchand comblé. Cette fois-ci, les licornes ne feront pas la même erreur et chacune commande son propre modèle de peur de ressembler à la voisine. Bleue, rose, violette, verte, argentée, rayée ou à pois… les cornes des licornes deviennent de toutes les couleurs au gré des préférences des unes et des autres. Au pays des licornes, c’est un vrai défilé.
« Totalement ridicule », soupire Blancheline, agacée. Le marchand se félicite du succès de ses affaires. Et pour convaincre les licornes indécises, il propose même des promotions : « DEUX CORNES POUR LE PRIX D’UNE », annoncent les affiches qu’il continue de placarder partout.
Et soudain, la mode s’emballe ! Une licorne va voir le marchand et lui demande une corne en laine toute douce. Une autre lui préfère du verre.
Une troisième, gourmande, en commande une tout en sucre.
Le marché de la corne de licorne n’a jamais été aussi varié et le vendeur s’enrichit de jour en jour. Il ose même quelques folies.
« Approchez mesdames les licornes bricoleuses, appelle-t-il, venez essayer ma corne-tournevis ! Et pour les cuisinières, j’ai un modèle corne-fourchette ! » Les licornes applaudissent. Que de nouveauté ! Quelle imagination ! On voit alors fleurir des cornes de plus en plus folles dans tout le pays.
« Cela devient du grand n’importe quoi », s’alarme Blancheline. Un jour pourtant, la licorne gourmande vient trouver le marchand. Elle n’est pas très contente : depuis qu’elle se promène avec sa corne en sucre, les abeilles lui tournent autour à longueur de journée.
« C’est très désagréable, se plaint-elle.
– Mais c’est vous qui l’avez voulu », se défend le marchand lâchement. Peu à peu, les plaintes deviennent plus nombreuses. La licorne cuisinière a emmêlé sa corne-fourchette dans les branches d’un arbre. La corne en verre s’est cassée et la corne en laine a pris la pluie et sent maintenant la vieille chaussette. Sans compter les cornes qui perdent leur couleur et qui s’effritent.
« Ça, ça devait arriver ! » sourit Blancheline.
Furieuses, les licornes marchent jusqu’à la roulotte du marchand.
« Vous nous avez vendu de la mauvaise qualité, grondent-elles.
– Oh là, mesdames, s’agace le vendeur. Je ne peux rien faire pour vous aider.
– Rendez-nous nos cornes d’ivoire ! grognent les licornes de plus en plus nombreuses.
– C’est impossible ! s’écrie le marchand. Elles sont à moi maintenant.
Ou si vous voulez les récupérer, vous devez me les racheter.
– Voleur ! Goujat ! Charlatan ! » hurlent les licornes outrées.
C’est alors que Blancheline s’avance, majestueuse avec sa corne blanche en ivoire.
Elle est calme, mais très déterminée. Elle s’arrête devant le marchand et lui dit :
« Rendez leurs cornes aux licornes ou sinon… »
Et Blancheline se penche en avant, pointant sa longue corne sur le gros ventre du marchand.
Lequel, spécialiste des cornes de licorne, sait reconnaître une corne bien solide, très pratique et extrêmement pointue. Et puis, il tient à son gros ventre.
Alors sans demander son reste, il prend ses jambes à son cou et abandonne derrière lui sa roulotte, son argent, et toutes les magnifiques cornes de licorne en ivoire.
Dans son château du sud de la France, Guiôm déprime. Cela fait bien longtemps qu’il ne fait plus peur à personne et, pour un fantôme, c’est embêtant. Les enfants qui l’aperçoivent se mettent à rire au lieu de trembler de peur. Leurs parents s’amusent à l’imiter en poussant des cris ridicules. Quant aux grands-mères, elles lui proposent de repriser son drap qu’elles trouvent vraiment trop usé. Pour Guiôm, c’est la honte totale.
Guiôm est très abattu. S’il ne réagit pas vite, le propriétaire du château risque de le remplacer par une créature plus terrifiante que lui. Guiôm l’a même entendu évoquer l’idée de faire appel à un dragon, et il ne veut pas céder sa place à un reptile qui pourrait tout brûler.
Alors que Guiôm rumine son chagrin, il découvre une petite annonce dans le journal FANTOMANIA : « Retrouvez votre pouvoir terrifiant ! Stage d’une journée avec LE meilleur fantôme d’Écosse. »
Guiôm sourit. Voilà ce qu’il lui faut. Sans attendre, il fait sa valise, dans laquelle il range un drap de rechange, sa chaîne et son boulet avec une boîte de cirage et l’enregistrement de cris glaçants qu’il utilise parfois.
Lorsqu’il arrive un peu plus tard dans le château écossais où se déroule le stage, Guiôm ne peut réprimer un frisson. L’endroit est lugubre à souhait.
« Ouh ouh ! Il y a quelqu’un ? » appelle-t-il d’une voix qui n’est pas très rassurée. Un courant d’air froid passe dans son dos et hérisse chaque fibre de son drap.
Devant lui, la flamme des bougies accrochées au mur vacille. Au loin, une porte claque avec fracas. Guiôm le fantôme sursaute. Il se sent soudain très loin de son château tout propret où le propriétaire nettoie chaque jour la poussière et les vitres.
« Je viens pour le stage, signale-t-il presque en s’excusant.
– BIEN-VE-NUE ! » tonne une voix grave et puissante qui semble arriver de nulle part.
CINQ HISTOIRES, peuplées de créatures fantastiques, à lire sous les étoiles pour s’émerveiller et faire des rêves magiques.
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