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BOOKS

CHRONIQUE D’UNE PASSION OBSESSIONNELLE

Mon Mari de Maud Ventura Jusqu’à présent connue pour ses podcasts radio consacrés à l’amour et au couple, Maud Ventura élargit le champ vers la fiction écrite, et livre un premier roman surprenant, qui met en musique la passion amoureuse d’une femme pour son mari. Une vision singulière d’un couple contemporain, traitée d’une plume à la fois drôle et oppressante.

TEXTE : L’ÉQUIPE DE LA LIBRAIRIE ALINÉA

De la première ligne de ce roman jusqu’au point final ou presque, la seule voix de l’héroïne portera le récit, comme en caméra subjective : presque quadragénaire, imprégnée d’amour pour l’homme dont elle partage la vie depuis une quinzaine d’années, le père de ses deux enfants, elle exerce comme professeur d’anglais et traductrice, appliquée et passionnée par son métier ; on imagine le mari cadre commercial, et le décor où s’égrène le fil du roman - sept chapitres, un pour chaque jour d’une semaine idéale- est celui d’un couple parfait, dont on pressent, dès l’entame, les efforts qu’elle déploie pour le maintenir exemplaire : « Je suis amoureuse de mon mari. Mais je devrais plutôt dire : je suis toujours amoureuse de mon mari ». En s’enfonçant dans le récit de cette semaine « type », un certain malaise s’installe, à voir surgir des termes et des situations qui trahissent le versant obsessionnel de son amour. Peur de la perte, obsession de la pureté des sentiments, le quotidien de l’héroïne - dont jamais le prénom ni celui de son mari ne seront révélés- est affaire de contrôle, de calculs, de doutes et des stratagèmes pour les lever. Avec une belle maîtrise, Maud Ventura déroule -choisissant pour seule « pilote », l’épouse amoureuse et forcenée- une succession de saynètes

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NOVEMBRE 2021

où tout fait signe, et où chaque signe impose son interprétation : le choix d’un luminaire pour le salon et la position de l’interrupteur, propice ou pas au rapprochement des corps ; le temps que met le mari à répondre à un de ses innombrables messages quotidiens, et l’opportunité d’y répondre prestement ou pas ; l’intonation de la voix lors d’une conversation avec une collègue…

oreilles, je réécoute notre conversation de ce matin. Je l’ai enregistrée avec mon téléphone portable posé sur la table du petit-déjeuner (à quoi sert la fonction dictaphone, sinon à cela ? Je suis sûre que tout le monde le fait) ». Plongée maladive, quasi névrotique. Par une ultime et saisissante pirouette narrative, l’auteure ramène cependant le récit du côté du jeu amoureux. Et l’on se prend à sourire des méandres dans lesquels, avec une constance remarquable, elle nous a entraînés. ●

Par une ultime et saisissante pirouette narrative, l’auteure ramène cependant le récit du côté du jeu amoureux

Maintenir la perfection du couple, en gardant la tête haute, fait agir l’héroïne sur tous les fronts, méticuleusement, et même l’adultère devient un moyen, celui d’exulter, celui de comparer pour se rassurer. Et si le comique et l’absurde teintent le récit -à commencer par les myriades de « Mon mari » qui scandent la moindre situation- l’héroïne bascule dans des biais qui tirent le roman vers un thriller qui ne dit pas son nom : « Mes écouteurs sur les

Mon mari de Maud Ventura


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