Mémoire 2e année | Partie 2

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HÉRITAGE, IDENTITÉ ET MODERNITÉ EN AFRIQUE :

ENTRE OUBLI ET REDÉCOUVERTE DU PATRIMOINE

HISTORIQUE.

Études de l'identité, Évolution des Usages et de la gestion du patrimoine : Cas du plateau, Dakar, Sénégal.

Fatimatou Diallo

Sous l’encadrement de : Anne-Sophie GODOT, Docteur es histoire de l'art, spécialité architecture contemporaine

École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles

mémoire collective autour de ces bâtiments autrefois emblématiques du paysage industriel.

Concernant son usage, 76 % des personnes interrogées n’ont pas d’opinion, 20 % pensent qu’il devrait être amélioré, et 4 % estiment qu’il n’est plus d’actualité. Aucun répondant ne considère son usage actuel comme optimal.

Sa fréquentation est encore plus faible que celle de l'Immeuble Maginot : 88 % des habitants déclarent ne jamais l’avoir visité au cours de l’année écoulée, et 80 % n’y sont jamais entrés. Seuls 12 % l’ont fréquenté, principalement pour des raisons commerciales.

À l’instar de l’Immeuble Maginot, 72 % des répondants n’ont pas d’avis sur sa reconversion, mais 24 % estiment qu’il pourrait être réutilisé pour d’autres fonctions. Cela montre une ouverture à la transformation de ces bâtiments, bien que l’indifférence générale reste dominante.

La perte d’intérêt pour ces deux immeubles reflète une tendance plus large dans l’évolution urbaine de Dakar. Les nouvelles générations ne perçoivent plus ces bâtiments comme des lieux emblématiques, mais plutôt comme des vestiges d’un passé révolu. L’émergence de nouveaux centres d’affaires et d’infrastructures modernes a accentué leur marginalisation.

Cependant, l’enquête révèle une certaine ouverture à leur reconversion. Une transformation en centres culturels, espaces de coworking ou pôles d’innovation pourrait leur redonner une utilité tout en respectant leur valeur historique. Cette perspective permettrait d’allier préservation patrimoniale et intégration aux nouvelles dynamiques urbaines de Dakar.

L’Immeuble Maginot et l’Immeuble des Allumettes, bien qu’ils aient été des symboles de l’histoire architecturale et sociale de Dakar, ne jouent plus un rôle central dans la ville

moderne. La jeune génération montre peu d’intérêt pour leur histoire et leur usage actuel, ce qui pose la question de leur reconversion.

La redéfinition de leurs fonctions pourrait permettre de préserver leur héritage tout en les intégrant aux nouvelles dynamiques urbaines de Dakar. Leur transformation en espaces adaptés aux besoins actuels, qu’il s’agisse de logements, de bureaux ou de centres culturels, apparaît comme une alternative viable pour éviter leur abandon et maintenir leur pertinence dans le paysage urbain.

B. L'hôtel des Indépendance 1973

Construit entre 1973 et 1978 par Henri Chomette, Roland Depret et Thierry Melot, l’Hôtel de l’Indépendance constitue un exemple emblématique de l’architecture postindépendance au Sénégal. Inspiré des formes vernaculaires ouest-africaines, il incarnait à la fois la modernité et l’affirmation d’une identité culturelle propre à Dakar. Inscrit dans la politique urbaine de Léopold Sédar Senghor 36, il traduisait une volonté d’ancrer l’architecture locale dans un contexte contemporain. L’usage du béton et sa façade asymétrique reflétaient cette ambition, en proposant une réponse adaptée au climat et aux réalités urbaines du pays.

Dès son inauguration, l’Hôtel de l’Indépendance a joué un rôle central dans la vie économique et politique de la capitale. Situé à proximité des grandes institutions, il est rapidement devenu un lieu de rencontre privilégié pour les diplomates, hommes d’affaires et personnalités internationales. Il accueillait conférences, événements politiques et réceptions officielles, renforçant ainsi le positionnement de Dakar sur la scène régionale et internationale. Par ailleurs, il symbolisait l’hospitalité sénégalaise en conjuguant prestige et ouverture à une période marquée par une dynamique de développement.

Au fil des décennies, l’hôtel a progressivement perdu de son attractivité, concurrencé par l’essor des grandes chaînes hôtelières et l’évolution des attentes en matière de confort et de services. La modernisation du secteur touristique a amplifié cette tendance, fragilisant son modèle économique et réduisant son rôle dans l’accueil des événements internationaux et politiques.

En 2019, l’IPRES (Institution de Prévoyance de Retraite du Sénégal) a racheté l’établissement, amorçant une transformation radicale. L’hôtel a cessé d’être un lieu d’hébergement et d’événements pour être reconverti en espace administratif. Cette mutation a marqué la fin de son statut emblématique et modifié en profondeur son impact sur l’environnement urbain.

La transformation de l’Hôtel de l’Indépendance a eu des conséquences notables sur son rôle social et sa perception dans la ville. Jadis espace de rencontre et de prestige, il est devenu un lieu strictement fonctionnel, accueillant principalement des employés sans l’effervescence qui caractérisait ses premières années.

Les rénovations ont également altéré son apparence architecturale, effaçant la façade asymétrique qui incarnait l’esthétique senghorienne, pensée comme une synthèse entre modernité et identité africaine. Cette disparition soulève des interrogations sur la gestion du patrimoine urbain à Dakar et la préservation des éléments architecturaux porteurs de mémoire.

La reconversion de l’Hôtel de l’Indépendance illustre les tensions entre modernisation et préservation patrimoniale dans la capitale sénégalaise. Alors que Dakar s’adapte aux exigences économiques et infrastructurelles contemporaines, plusieurs édifices emblématiques voient leur vocation et leur identité redéfinies. Cette évolution soulève des défis en matière de conservation du patrimoine, interrogeant sur l’équilibre à trouver entre adaptation aux enjeux actuels et préservation de la mémoire architecturale de la ville. Pour mieux appréhender ces transformations et leur réception par la population, une enquête a été menée

36 Premier président Sénégalais

afin d’analyser la perception et la fréquentation de l’ex-Hôtel de l’Indépendance après sa conversion en bureaux.

Les résultats révèlent une déconnexion progressive entre ce bâtiment et la population locale, illustrant ainsi les défis liés à la préservation du patrimoine dans un contexte de modernisation urbaine.

Photographie d’hôtel de l’Indépendance, Delcampe

L’étude révèle que 52 % des habitants connaissent l’ex-Hôtel de l’Indépendance, tandis que 48 % n’en ont jamais entendu parler. Cependant, un constat frappant se dégage : 84 % des répondants ignorent son histoire. Cette perte de mémoire collective s’explique sans doute par la transformation du site en un espace administratif, réduisant ainsi son ancrage symbolique dans la ville.

Seulement 8 % des personnes interrogées considèrent l’Hôtel de l’Indépendance comme un élément représentatif du patrimoine historique de Dakar. Autrefois perçu comme un symbole de modernité et d’hospitalité, le bâtiment semble aujourd’hui éclipsé par les évolutions architecturales contemporaines et la transformation de ses usages.

Concernant son usage actuel, 60 % des répondants déclarent ne pas avoir d’opinion sur sa reconversion en bureaux, traduisant ainsi un manque d’information ou d’implication à ce sujet. Parmi ceux qui se prononcent, 32 % estiment que cette transformation est positive, tandis que 8 % jugent qu’elle devrait être améliorée. Ce manque d’enthousiasme ou de rejet fort suggère que l’édifice a perdu sa place centrale dans l’imaginaire collectif des Dakarois.

Lorsqu’ils sont interrogés sur une éventuelle réutilisation du bâtiment, 64 % des répondants ne se prononcent pas, reflétant une absence de réflexion sur son avenir. Toutefois, 24 % suggèrent une réhabilitation pour d’autres usages, alors que 12 % s’y opposent. Ce manque de consensus témoigne d’une incertitude sur la manière dont ce patrimoine pourrait être valorisé dans le tissu urbain actuel.

L’enquête met en évidence un faible taux de fréquentation : 92 % des répondants déclarent ne jamais avoir visité l’hôtel au cours de l’année écoulée, tandis que 4 % s’y sont rendus plus de 10 fois et 4 % une seule fois. De plus, 84 % des habitants n’y sont jamais entrés, confirmant ainsi

que le bâtiment s’est refermé sur lui-même, se détachant de la vie sociale et culturelle de Dakar.

Parmi les rares visiteurs, 83 % déclarent ne pas avoir de raison spécifique pour fréquenter les environs du bâtiment. Seuls 4 % s’y rendent pour des démarches administratives, tandis que 4 % évoquent une motivation touristique ou culturelle. Cette situation contraste fortement avec son passé prestigieux, marquant ainsi une perte de sa fonction d’accueil et d’événements internationaux.

L’Hôtel de l’Indépendance a perdu son rôle central dans la vie sociale de Dakar. Son rachat et sa transformation en bureaux ont entraîné une baisse significative de sa fréquentation et de l’intérêt qu’il suscitait auprès des habitants. Bien que son existence soit encore reconnue par une partie de la population, il est aujourd’hui perçu comme un espace purement fonctionnel, dissocié de son passé et de son héritage symbolique.

Cette situation soulève des questions sur la gestion du patrimoine urbain et sur la nécessité de préserver une mémoire collective autour des édifices emblématiques. L’enquête suggère qu’une réappropriation du bâtiment, notamment par le biais d’usages culturels ou sociaux, pourrait lui redonner une place active dans la vie dakaroise, tout en respectant son importance architecturale et historique. Plus largement, ces réflexions s’inscrivent également dans l’évolution des usages urbains à Dakar, où les transformations architecturales traduisent les mutations sociales, économiques et culturelles de la ville.

4. Impact Économique et Touristique

des Usages Actuels

A. Cathédrale Souvenir africain

Les bâtiments patrimoniaux jouent un rôle clé dans l’économie locale et le développement touristique de Dakar. En plus de leur valeur historique et culturelle, ces édifices dynamisent divers secteurs tels que l’hôtellerie, la restauration, le commerce et le tourisme. Leur valorisation permet ainsi de renforcer l’attractivité de la ville tout en contribuant à la préservation de son identité architecturale.

Parmi eux, la Cathédrale du Souvenir Africain illustre cette interaction entre patrimoine et économie. En attirant habitants et visiteurs, elle participe à la vitalité urbaine et à la création d’emplois. Toutefois, son potentiel touristique reste sous-exploité, ce qui limite son impact économique à l’échelle locale.

D’autres villes africaines ont mis en place des stratégies pour exploiter leur patrimoine à des fins économiques. Yamoussoukro et sa Basilique Notre-Dame de la Paix offrent un exemple intéressant, bien que contrasté. Avec une capacité d’accueil de 18 000 personnes et un coût de construction de près de 300 millions de dollars, cette basilique monumentale reste l’une des plus grandes au monde, mais souffre d’un isolement géographique qui limite sa fréquentation touristique. En comparaison, la Cathédrale du Souvenir Africain, bien que plus modeste, bénéficie d’un tissu urbain dense, favorisant une fréquentation plus soutenue, mais qui pourrait encore être améliorée avec une stratégie de valorisation mieux structurée.

Cette comparaison met en évidence un point essentiel : la valorisation économique du patrimoine ne dépend pas uniquement de la taille ou du prestige du

monument, mais aussi de son intégration dans l’espace urbain et des services qui l’entourent.

Construite en 1936, la Cathédrale du Souvenir Africain représente un jalon important de l’histoire urbaine de Dakar.

Son architecture unique, mêlant influences néo-soudanaises et byzantines, ainsi que l’utilisation de matériaux africains, lui confère un caractère distinctif.

Cependant, malgré cette richesse architecturale et symbolique, son exploitation reste limitée. Bien qu’elle accueille régulièrement des messes, des mariages et des concerts de musique sacrée, ces événements ne suffisent pas à structurer une offre touristique pérenne. En l’absence d’une stratégie ciblée, l’impact économique de la cathédrale demeure faible, ce qui limite les retombées pour les commerces et services environnants.

Une enquête menée auprès de 100 habitants de Dakar révèle une reconnaissance unanime du monument (100 % des répondants la connaissent), mais une méconnaissance de son histoire pour 56 % d’entre eux. Ce déficit de transmission culturelle constitue un frein à son intégration dans le circuit touristique.

Concernant la fréquentation, 66 % des répondants n’ont pas visité la cathédrale au cours de l’année écoulée, et seulement 8 % s’y rendent pour des raisons touristiques ou culturelles. L’un des facteurs explicatifs réside dans le contexte religieux de Dakar, où 95 % de la population est musulmane, réduisant naturellement l’intérêt local pour un lieu de culte chrétien.

Par ailleurs, 68 % des interrogés déclarent ne pas avoir de raison particulière de fréquenter la cathédrale, tandis que 32 % ont déjà visité ses alentours. Ce constat met en évidence le manque d’activités attractives autour du site et l’absence d’une programmation culturelle capable de séduire un public plus large. De plus, 71 % des répondants déclarent ne jamais avoir assisté à un événement organisé sur place, et 84 % n'ont jamais participé à une visite guidée. Ce manque d’engagement reflète l’absence d’une véritable stratégie pour attirer les visiteurs et renforcer la visibilité du site.

Afin d’accroître son attractivité et de maximiser son impact économique, plusieurs actions peuvent être mises en place. La première consiste à développer un tourisme patrimonial structuré en organisant des visites guidées régulières. Ces visites permettraient de mettre en lumière l’histoire, l’architecture et l’importance symbolique de la cathédrale, en les rendant accessibles aux visiteurs locaux et internationaux.

Par ailleurs, l’enrichissement de l’offre culturelle pourrait contribuer à une meilleure fréquentation du site. En diversifiant les événements proposés, tels que des expositions artistiques, des conférences ou des concerts ouverts au public, la cathédrale pourrait s’imposer comme un véritable espace culturel au-delà de sa seule fonction religieuse.

L’intégration de la cathédrale dans un parcours touristique plus vaste, reliant d’autres sites emblématiques de Dakar, renforcerait également sa visibilité. Une mise en

réseau avec d’autres lieux patrimoniaux, tels que le Marché Kermel, la Place de l’Indépendance ou l’île de Gorée, permettrait d’attirer davantage de visiteurs et d’ancrer la cathédrale dans une dynamique plus globale de découverte de la ville.

Enfin, l’aménagement des abords de la cathédrale, en développant des espaces de rencontre, des boutiques de souvenirs et des infrastructures d’accueil adaptées, pourrait améliorer l’expérience des visiteurs. Cette approche permettrait de stimuler les retombées économiques locales en favorisant les interactions entre le site et les activités environnantes.

L’exemple de la Basilique Notre-Dame de la Paix souligne que la simple existence d’un édifice monumental ne garantit pas à elle seule un impact économique durable. Pour qu’un monument contribue efficacement au dynamisme local, il doit être intégré dans un environnement urbain actif et bénéficier d’une programmation événementielle cohérente.

L’analyse met en évidence un fort attachement symbolique à la Cathédrale du Souvenir Africain, mais également un manque d’exploitation de son potentiel économique et touristique. La faible fréquentation et l’absence d’initiatives culturelles limitent son impact dans l’offre touristique de Dakar. Toutefois, une stratégie de valorisation renforcée permettrait de faire de ce site un véritable moteur économique et culturel. En développant une communication plus efficace autour de son histoire et de son architecture, en diversifiant les activités proposées et en intégrant pleinement la cathédrale aux circuits touristiques existants, elle pourrait retrouver une place centrale dans le rayonnement de Dakar et devenir un modèle de tourisme patrimonial durable.

Photographie

5. Études de Cas des Bâtiments

Patrimoniaux à Dakar

A. L’ancien palais de Justice, un patrimoine qui a su s’adapter à son évolution

L’ancien palais de justice de Dakar, construit en 1958, est un édifice emblématique niché sur le Cap Manuel 37, à la pointe extrême de Dakar. Ce bâtiment a été conçu pour abriter la Cour suprême, auparavant localisée à la place Protet 38, au cœur de la ville. Cet emplacement, soigneusement choisi, répond à une volonté de créer une perspective monumentale. Ce propos est bien souligné par cet auteur : « Au cours de leur étude, les créateurs du palais décidèrent d’implanter le palais sur le cap Manuel, à l’extrémité de l’avenue Pasteur. Cette dernière est rectiligne et conduit à une sorte de petit promontoire. Cet emplacement déterminerait ainsi une perspective aboutissant sur le temple de Thémis » ([Seignot Alexis, *Titre de l’ouvrage*, Lieu d’édition, éditeur, date, p. 96]).

D’autre part, l’implantation du palais sur le cap Manuel, lieu où fut dressé le premier fort colonial, incarne une volonté de rupture nette avec l’histoire coloniale : « son implantation […] se donnait pour vocation de faire table rase de l’histoire » ([Seignot Alexis, p. 97-98]).

En effet, « L'image très entachée de la France devait par conséquent être restaurée et le palais de justice le permettait. Il fallait que l'opinion africaine redonne sa confiance à la "Grande", la "Majestueuse" France républicaine

et démocratique. Le discours architectural officiel devait faire oublier l'image d'une France paternaliste, injuste, oppressive et possessive. C'est ainsi que s'est développé autour du palais de justice une véritable "mise en scène" urbaine. Le soin apporté à cette construction témoigne de son importance symbolique » 39

Cette architecture traduira donc l’abandon des styles précédemment associés à l’ère coloniale, tels que l’« arabisante » ou le « néo-soudanais », jugés peu compréhensibles pour la population. Ceux-ci seront remplacés par des choix plus universels et évocateurs adoptés, comme la présence de lions à l’entrée du palais, symbolisant la force des Français d’Outre-mer ayant sacrifié leur vie pour la cause nationale.

L’architecture du palais de justice s’inscrit donc dans un style moderniste et brutaliste, marquant une rupture nette avec les influences précédentes. En raison de l’émergence d’une élite noire engagée, aspirant à un renouvellement des symboles de pouvoir, les styles architecturaux des débuts des années 1900, souvent qualifiés de « styles vainqueurs », n’étaient plus adaptés. L’architecture soudanaise et les références coloniales perdirent leur pertinence dans ce contexte proche des indépendances. « La transformation des anciens lieux de pouvoir constituait en fait le préambule à un renouvellement complet du langage architectural officiel » 40 Cette transition, amorcée dans les années 1950, fut déterminante. Le langage architectural se devait désormais

37 Zone située à la pointe de Dakar

38 Ancien nom de la place de l'indépendance

39 SEIGNOT Alexis. Architecture coloniale française : Dakar, capitale de l'A.O.F. (1902-1958). Mémoire de Master

40 SEIGNOT Alexis. Architecture coloniale française : Dakar, capitale de l'A.O.F. (1902-1958). Mémoire de Master

Coll. Fatimatou Diallo

Le palais de justice incarne une volonté symbolique et politique forte, une intention qui se manifeste à travers son architecture, que nous allons à présent examiner.

Description Architecturale

La superficie de cet ancien palais de justice est de 9 700 mètres carrés, conçue selon un plan de cour à cinq entrées. Cette configuration assure une circulation fluide répondant aux besoins fonctionnels d’une institution judiciaire.

Le bâtiment est marqué par un jeu harmonieux entre plans et volumes. Comme le souligne Alexis Seignot : « Celuici adopte une architecture moderne tout à fait fonctionnelle et basée sur un rapport plan / volume. Les éléments structurels climatiques qui lui sont imprimés utilisent cette filiation définie pour le "building administratif" : le mur treillis, les pare-soleil… » 41

D'après la description de cet auteur, le découpage volumétrique reflète également une hiérarchie politique et humaine repensée, plus adaptée à un contexte républicain.

Les éléments, comme les murs treillis et les paresoleil, répondent aux contraintes climatiques de Dakar en offrant une ventilation naturelle et une protection contre la chaleur. Cette approche démontre à travers le palais, l’architecture qui a voulu s'adapter au contexte local dakarois.

La lumière principale centrale éclaire la Salle des Pas Perdus, une cour centrale mesurant 65 mètres par 55 mètres. Cet espace, élément clé du projet, est conçu comme une cour ouverte selon le style islamique 42. Elle est bordée par quatre cours, et à l’ouest, elle est fortifiée par un bureau de

bar. Sa hauteur de 6,70 mètres est renforcée par un plafond à caissons soutenu par des colonnes sur une charpente de 4,50 mètres, donnant à cet espace sa monumentalité qui le caractérise.

L’ensemble du bâtiment suit une conception où les parties semblent disposées pour former un tout cohérent. Le Tribunal du travail et la Cour suprême, deux entités distinctes, sont situées au sud du noyau principal. Cette configuration donne à l’édifice une forme irrégulière, témoignant de l’adaptation architecturale aux différentes fonctions.

Sur le plan technique, la structure du bâtiment est entièrement réalisée en béton armé, avec des murs non porteurs en briques de ciment. Les façades, quant à elles, sont conçues avec des brise-soleil et des claustras en béton inclinés à 45°, répondant à une recherche fonctionnelle liée au climat tropical de Dakar.

Cette architecture prend forme à un moment où la France cherche à redéfinir sa présence en Afrique. Face à une image fragilisée, elle adopte un style plus sobre, éloigné des ambitions coloniales du passé, tout en intégrant des éléments adaptés à son contexte. Dès son inauguration, le bâtiment commence à être investi, révélant ses premiers usages et les fonctions qui lui sont attribuées. On étudiera alors la manière dont il prend vie à travers les activités qui s’y déroulent, les acteurs qui l’occupent et les interactions qu’il génère, illustrant ainsi son importance dans le quotidien et son ancrage dans le paysage urbain.

41 SEIGNOT Alexis. Architecture coloniale française : Dakar, capitale de l'A.O.F. (1902-1958). Mémoire de Master

42 Barblan Hernach, Mémoire dégradation d’un héritage

Photographie anonyme de l’Ancien Palais de Justice

1) Transformation des Usages à Travers le Temps

Le Sénégal a connu deux palais de justice successifs. Le premier, situé sur la Place Protêt, aujourd’hui Place de l’Indépendance, occupait une position centrale dans l’organisation coloniale de la ville. Avec le temps, il devient exigu et délabré, ne répondant plus aux exigences d’un bâtiment censé incarner l’autorité judiciaire. Son état de détérioration avancé et les coûts élevés de son entretien justifient alors la construction d’un nouveau palais, offrant un espace plus fonctionnel et adapté aux besoins de la justice.

En 1904, la décision est prise de construire un nouveau Palais de justice, un édifice plus vaste et plus imposant. Ce bâtiment de quatre étages, à l’architecture contemporaine, se dresse alors sur le plateau du Cap-Vert, dominant l’avenue Pasteur. Son implantation, à l’extrémité de l’axe urbain, renforce sa position symbolique dans le paysage administratif de Dakar.

Lors de sa construction, Dakar comptait environ 300 000 habitants, et le choix de bâtir ce nouveau palais de justice répondait à la nécessité d’adapter l’infrastructure judiciaire à une ville en pleine expansion. L’édifice était conçu pour prendre en charge les besoins des justiciables dans cette population croissante.

En 1958, le nouveau palais de justice entre officiellement en fonction. Dès ses premières années d’activité, il devient le théâtre de procès emblématiques qui marqueront l’histoire du Sénégal. À travers ces affaires judiciaires, il s’impose comme un lieu central de l’expression du droit, où se jouent des décisions qui façonnent la vie politique et sociale du pays.

Nous allons voir comment ces procès ont contribué à inscrire ce bâtiment dans l’histoire nationale, et comment ils ont façonné la perception que les Sénégalais ont de ce lieu.

1963, Procès de Mamadou Dia 43

En 1963, 6 ans après son inauguration, l’ancien palais de justice devient le théâtre du procès de Mamadou Dia, un moment clé de l’histoire politique du Sénégal. Ce procès dépasse le simple cadre judiciaire : il expose publiquement les tensions profondes qui traversent le jeune État indépendant et marque un tournant dans la consolidation du pouvoir de Léopold Sédar Senghor 44 .

Mamadou Dia, homme politique influent et artisan majeur de l’indépendance sénégalaise, a été Grand conseiller de l’AOF 45 en 1948, puis sénateur du Sénégal en 1949, avant de siéger avec Senghor à l’Assemblée nationale française en 1956. L’opposition entre les deux hommes prend une tournure décisive en 1958, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum sur la Communauté française, Dia prône une rupture totale avec la France, alors que Senghor préfère maintenir le Sénégal dans cette structure, ce qui sera finalement adopté.

Cette divergence ne cesse de s’accentuer jusqu’à l’indépendance, où Mamadou Dia, devenu président du Conseil, incarne une ligne politique plus rigoureuse et interventionniste dans la gestion de l’État, ce qui le met en opposition frontale avec Senghor. En décembre 1962, cette fracture atteint son paroxysme : Dia est accusé de tentative de coup d’État après avoir voulu empêcher par décret la tenue d’une session parlementaire jugée hostile à son gouvernement.

43 Homme sénégalais

44 Premier président Sénégalais

45Afrique Occidentale Française est le territoire administratif qu’occupaient les colonies Ouest africaines de la France

Le lendemain, il est arrêté par un détachement de paras-commandos avec quatre de ses ministres : Valdiodio N’Diaye, Ibrahima Sar, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Leur procès, tenu devant la Haute Cour de justice du 9 au 13 mai 1963, se déroule dans un climat de forte tension politique.

C’est dans la salle d’audience du nouveau palais de justice, que Mamadou Dia 46 est condamné à la prison à perpétuité. Alors même que le procureur général ne requiert aucune peine, le verdict scelle son sort : il sera détenu au centre spécial de détention de Kédougou, tandis que ses compagnons écopent de 20 ans d’emprisonnement. Ce procès, souvent qualifié de "procès de Moscou", révèle les zones d’ombre du régime senghorien, illustrant la manière dont la justice peut être instrumentalisée dans un contexte de rivalité politique.

1967, Exécution de Moustapha Lo

Dans ce même contexte politique marqué par les tensions et le contrôle du pouvoir, l’ancien palais de justice abrite en 1967 le procès de Moustapha Lô, accusé d’avoir tenté d’assassiner le président Léopold Sédar Senghor 47. Ce procès, qui s’inscrit dans une période de consolidation du régime, va aboutir à un verdict sans précédent dans l’histoire judiciaire du pays. Comme l’écrit Mehdi Ba : "C’est ici que fut aussi jugé Moustapha Lô, reconnu coupable de tentative d’assassinat contre le même Senghor (il sera le dernier condamné à mort exécuté au Sénégal, en 1967)."

Le 22 mars 1967, Moustapha Lô commet un acte qui secoue la nation : une tentative d’assassinat contre le chef de l’État. L’affaire prend rapidement une ampleur

46 Homme politique sénégalais

47 Premier président Sénégalais

48 Ancien président sénégalais

considérable et place la justice sénégalaise face à un enjeu symbolique majeur. Moins de trois mois plus tard, son procès s’ouvre au tribunal spécial du Sénégal, installé dans ce même palais de justice qui a vu, quelques années plus tôt, la condamnation de Mamadou Dia. La sentence tombe, "Dakar, 16 juin. - Moustapha Lo, l'auteur de l'attentat qui, le 22 mars dernier, faillit coûter la vie au président Senghor, a été condamné à mort jeudi après-midi par le tribunal spécial du Sénégal. La décision est sans appel, et seule la clémence du chef de l'État, usant de son droit de grâce, peut éviter au condamné le peloton d'exécution."

Cette affaire suscite une grande émotion à travers tout le pays. La condamnation à mort de Moustapha Lô marque une rupture brutale avec la tradition judiciaire sénégalaise, où la peine capitale était rarement appliquée. Mais ce procès deviendra surtout historique par ce qu’il symbolise : Moustapha Lô sera le dernier condamné à mort exécuté au Sénégal. Son sort clôturera définitivement l’usage de cette sentence, ouvrant une nouvelle phase dans l’histoire de la justice pénale du pays.

1988, Procès de Abdoulaye Wade

En 1988, l’ancien palais de justice sert une nouvelle fois de cadre à un procès politique. Cette fois, c’est Abdoulaye Wade 48 qui comparaît devant les juges, au lendemain d’une élection présidentielle contestée. “C’est ici encore qu’en 1988, au lendemain d’une présidentielle contestée, se tint le procès à grand spectacle de l’éternel opposant Abdoulaye Wade 49. Dans certaines pièces, des milliers d’archives laissées à l’abandon gardent la mémoire de ces affaires, grandes ou petites.” 50

49 Ancien président sénégalais

50 Mehdi Ba dans le monde

Accusé d’avoir provoqué les troubles postélectoraux, Wade et plusieurs de ses partisans sont arrêtés. L’audience se tient ici, dans ce même palais où se sont déjà jouées des affaires majeures de l’histoire du Sénégal indépendant. Ce procès, comme ceux qui l’ont précédé, est hautement politique. A l’annonce de son verdict, un an de prison avec sursis. Une condamnation qui l’éloigne des cellules, mais qui tente de freiner son ascension.

De 1958 à 1988, ce palais aura été le témoin direct de l’histoire politique du pays. Les procès qui s’y sont déroulés ont marqué les époques, gravé dans ses murs les tensions entre justice et pouvoir. Mais après des décennies d’usage, le bâtiment montre ses failles. Ce palais de justice va progressivement être abandonné dans l’état où il se trouvait. Pendant encore quelques années, il continue d’accueillir des audiences, mais la structure s’affaiblit. Le manque d’entretien se fait sentir. Le bâtiment est fragilisé, et avec lui, l’image de l’institution qu’il abrite. Nous allons maintenant nous pencher sur les raisons de cet abandon et les enjeux qu’il soulève.

2) Fréquentation, Impact Social et Accessibilité

Les Années d’abandons

L’étude d’un bâtiment ne se limite pas à son usage actif, elle inclut aussi ses périodes d’abandon. Comprendre ces phases permet de saisir comment il évolue, ce qu’il représente une fois vidé de sa fonction. Le palais de justice de Dakar en est un exemple. Après des années d’activité, son évacuation en 1988 marque le début d’un long abandon, vidant le lieu de sa présence et de son rôle.

En 1988, l'évacuation du palais de justice sera effective, celle-ci marque le début de vingt années d’abandon. Un bâtiment qui, pendant près de quarante ans,

avait incarné l’autorité et la justice sénégalaise, devient un lieu figé dans le temps. Il reste là, visible, mais sans fonction, sans passage.

La fréquentation chute brutalement. Le palais, autrefois animé par le va-et-vient des magistrats, des avocats et des justiciables, n’est plus qu’une enveloppe vide. Son impact social s’efface, il n’est plus qu’un repère visuel, un vestige que l’on regarde sans s’y projeter. L’accessibilité n’est plus une question, car plus personne ne le fréquente. Comme vu précédemment, sa position à l’extrême pointe de Dakar, autrefois un atout, contribue aussi à son abandon, isolant davantage un bâtiment déjà déserté.

Pourquoi ce déplacement ?

Les signes de fragilité du palais ne sont pas apparus en 1988. Dès 1965, les premières fissures sont relevées sur les parois du bâtiment. Mais rien n’est fait immédiatement. Ce n’est qu’en 1988 qu’une étude partielle vient confirmer ce que l’on redoutait : l’édifice menace de s’effondrer. Il est évacué, vidé de ses usages.

Depuis, il reste dans cet état. En 2008, un nouveau palais de justice est construit à Reubeuss 51. L’ancien bâtiment, lui, devient un simple espace de stockage. Il ne sert plus qu’à entasser des milliers d’archives judiciaires, déposées à même le sol. Les couloirs sont recouverts de dossiers, des piles de documents que les rares visiteurs piétinent pour avancer. Seuls trois gardiens mandatés par le ministère de la justice veillent encore sur ce qu’il reste d’un lieu autrefois symbole de pouvoir.

Un édifice condamné par son sol

Le palais ne s’effondre pas à cause du temps, mais à cause de son sol, instable dès le départ. Il a été construit sur

51 Quartier de Dakar

une terre argileuse gonflante, qui se déforme au fil des saisons. L’hivernage, avec ses pluies torrentielles, amplifie les mouvements de terrain, fissurant encore plus la structure.

Rien n’a été anticipé. Pas de joints de dilatation, aucune marge pour absorber les mouvements du sol. Pas de système efficace d’évacuation des eaux de pluie, ce qui laisse l’humidité s’infiltrer dans les patios, fragilisant encore l’ensemble.

Et puis il y a la mer. Le palais étant proche de l’océan. Il subit les vents marins, les sels corrosifs qui rongent les matériaux. Toutes les huisseries métalliques sont aujourd’hui rouillées, impossibles à récupérer. L’air marin a tout attaqué, réduisant le bâtiment à une structure fragile et rongée de l’intérieur. Mais au-delà des effets du climat, d’autres facteurs viennent renforcer cet abandon. Des considérations plus symboliques, plus spirituelles, influencent aussi le regard porté sur ce lieu.

Raison religieuse ?

En se penchant un peu sur les articles de journaux parus à cette époque, une autre raison derrière ce déplacement surgit. Officiellement, c’est l’instabilité du sol qui a condamné le palais. Mais dans un pays où les croyances religieuses et mystiques influencent profondément les décisions, le doute s’installe.

Un chef spirituel aurait prédit une "mauvaise augure" sur ce palais de justice. Une parole qui, dans un contexte où la spiritualité façonne la perception des lieux et des événements, ne pouvait être ignorée. Dès lors, la dégradation du bâtiment n’est plus seulement une affaire de fissures et de terrain instable. Pour certains, c’était écrit. Le palais devait être abandonné, il n’avait plus sa place. Le lien entre le pouvoir et le sacré est ancien au Sénégal. Les dirigeants,

même ceux qui se veulent rationnels, prennent en compte ces voix venues d’ailleurs, ces signes qui échappent aux rapports techniques et aux études d’ingénierie. Le déplacement du tribunal vers Reubeuss 52 aurait donc aussi répondu à une nécessité invisible, une volonté de ne pas défier un destin que certains jugeaient scellé. Mais qu’on y croie ou non, le résultat est là : l’ancien palais de justice est resté vide. Comme si, finalement, personne n’osait vraiment lui redonner une fonction.

Mais un bâtiment abandonné n’est jamais complètement désert. Privé de sa fonction initiale, il finit toujours par être investi autrement. Pendant ces années d’abandon, le palais de justice connaît de nouveaux usages, informels, détournés. Cette étude, qui se veut révéler et enquêter les usages du patrimoine, permet de comprendre ces occupations intermédiaires et ce qu’elles disent du bâtiment. C’est ce que nous allons voir maintenant.

Usages intermédiaires ?

"Il y encore, juste à l’entrée de la bâtisse, d’autres tas de papiers qu’on n’évite qu’avec peine de piétiner et qui confèrent à l’endroit une ambiance presque lugubre. On se croirait dans l’un de ces lieux hantés qui peuplent les scènes de film d’horreur. Les murs tapissés de toiles d'araignée renvoient en écho, le moindre son émis. Les faisceaux de lumière mêlés à la poussière éclairent par endroits, l’intérieur de la bâtisse. Avec la multitude de documents, de débris de verre des vitres cassées et la mince couche de poussière qui recouvre le sol, rien ne montre le caractère majestueux d’antan de ces lieux. Mais, à la vérité, l’ancien bâtiment du Palais de justice ne laisse pas indifférent. Le palais est là, immobile. De l’extérieur, il semble tenir bon. Mais à l’intérieur,

52 Quartier de Dakar

Photographie de l’ancien Palais, Francois-Xavier

tout a changé. La poussière recouvre le sol, les papiers s’entassent, les murs s’effritent. Le silence est lourd, seulement troublé par l’écho des pas. L’endroit ne rend plus justice. Il n’abrite plus de magistrats, plus d’affaires à juger.

D’abord un simple espace de stockage, il devient au fil du temps un refuge, un lieu investi autrement. Ce ne sont plus les robes noires qui le fréquentent, mais d’autres visiteurs. Certains viennent y chercher un abri, d’autres y voient un décor brut, chargé d’histoire.

L’abandon lui-même devient un sujet d’analyse. Il n’est pas juste une parenthèse, il est un moment où d’autres usages apparaissent. Ici, on va s’intéresser à ces occupations qui ont émergé malgré tout. Car même laissé à l’écart, ce palais a continué, d’une manière ou d’une autre, à être utilisé. Sur son parking, dans ses recoins, il a accueilli des pratiques nouvelles, loin de son usage premier. Il a connu des passages, des occupations, des transformations. C’est ce que nous allons voir dans la suite.

Quels usages ?

Favorable à la dégradation par sa position sur la pointe extrême de Dakar, Cet ancien palais de justice ne sera jamais laissé sans surveillance. La gendarmerie nationale veille. Un bâtiment comme celui-là, chargé d’histoire et de symboles, ne peut être livré totalement à l’oubli.

Sa position, sur la pointe extrême de Dakar, n’a fait qu’accentuer son inutilisation. Isolé sur le cap Manuel 53, un secteur sécurisé entouré de résidences politiques et d’hôpitaux privés, l’ancien palais se retrouve coupé du reste de la ville. L’accès y est restreint, principalement limité aux voitures et aux bus Dakar Dem Dikk, dont le terminus se trouve juste devant son parvis.

Même les gendarmes affectés à sa surveillance en témoignent : le bâtiment est à l’écart, dépourvu d’infrastructures de proximité. Il n’y a presque aucun commerce aux alentours, seulement des villas de fonction, des résidences d’ambassadeurs et des bureaux de délégations européennes. L’activité commerciale, quand elle existe, est conditionnée par les horaires des bus. Dès qu’ils cessent de circuler, le quartier se vide. L’ancien palais de justice n’est pas seulement abandonné, son emplacement pose aussi un problème. Trop loin, trop institutionnel, il devient un lieu que l’on traverse sans s’y arrêter.

Temps de dégradation et usages extérieurs : quand l’espace se réinvente

Au fil de cette étude, un premier usage extérieur se démarque : l’installation d’un arrêt de bus Dakar Dem Dikk 54 sur le parvis de l’ancien palais de justice. Son réseau relie Rufisque au Cap Manuel, traversant des points stratégiques comme la place de l’Indépendance et l’Hôpital Principal. L’ancien palais, autrefois un symbole de justice, devient un simple point de passage, un terminus où les bus marquent l’arrêt avant de repartir.

Mais l’espace ne reste pas vide pour autant. Un autre phénomène intéressant se dessine : l’aptitude des bâtiments abandonnés à s’adapter à de nouveaux usages, souvent informels. Au-delà du terminal de bus, le parvis et les abords du palais deviennent des lieux investis par les Dakarois. On y joue au football, on y apprend à conduire, on y organise des courses de scooters. Loin de son rôle initial, ce palais déserté devient un terrain d’expérimentation, un espace urbain où les habitants réinventent leurs.

D’abord simple arrêt de bus, puis terrain de sport improvisé, l’ancien palais commence à être investi

53 Zone située à la pointe de Dakar

54 L’opérateur national du transport en commun à Dakar

autrement. Peu à peu, des artistes et organisateurs d’événements culturels s’y intéressent, voyant en lui un potentiel à exploiter. Ils souhaitent en faire un espace culturel, un lieu de création et de rencontre. Expositions, performances et projections redonnent vie aux salles vides et commencent à relancer son impact dans la ville.

3) Impact Économique et Touristique des Usages

Actuels

Le début d’une manifestation culturelle au sein du Palais,

En 2016, les organisateurs de la Biennale Dak’Art en font leur principal site d’exposition. Ce choix marque un tournant pour cet événement consacré à l’art contemporain africain, qui cherche de nouveaux espaces capables d’accueillir des œuvres toujours plus audacieuses.

La Biennale de Dakar, aussi appelée Biennale de l’Art africain contemporain ou Dak’Art, est l’une des principales manifestations dédiées aux artistes africains, qu’ils vivent sur le continent ou à l’étranger. Instituée par l’État du Sénégal en 1989, sa première édition, en 1990, était consacrée à la littérature avant de s’orienter vers l’art contemporain en 1992. Depuis 1996, elle est exclusivement dédiée à la création artistique africaine.

C’est la plus ancienne biennale de ce type en Afrique et l’une des pionnières du développement de l’art contemporain sur le continent, aux côtés de la Biennale du Bénin. Malgré sa notoriété internationale, elle cherche encore à gagner en autonomie vis-à-vis de l’État sénégalais et à renforcer son organisation.

Organisée les années paires (excepté en 1994 et 2020), la Biennale a longtemps eu pour principal lieu d’exposition le musée Théodore Monod d’Art Africain de Dakar En 2016, pour sa 12ᵉ édition, elle prend un nouveau tournant en s’installant à l’ancien Palais de Justice.

Le commissaire de cette édition, Simon Njami 55 , choisit ce lieu abandonné pour son atmosphère brute et son

architecture marquée par le temps. Les fissures et l’usure des murs confèrent à l’espace un charme déglingué, comme l’évoque Le Monde. Ce décor magnifie certaines œuvres, notamment l’installation de Kader Attia 56 autour des Révolutions de pierre, mais il peut aussi accueillir des créations plus discrètes.

Ce nouvel espace donne une dimension inédite à l’événement. Grâce à ses vastes volumes, il offre aux artistes comme Kader Attia et Modupeola Fadugba 57 la possibilité d’exprimer pleinement leurs luttes et engagements, en intégrant l’architecture du palais à leurs installations. L’édition 2016 marque ainsi un tournant dans l’histoire de la Biennale, réaffirmant son rôle dans la mise en valeur de l’art contemporain africain. Nous allons maintenant voir en quoi cette ancienne architecture trouve naturellement sa place dans la Biennale et renforce son impact.

Pourquoi l’ancien Palais ? Spatialité et monumentalité.

L’architecture de l’ancien palais de justice de Dakar s’inscrit dans une dynamique où la matière et l’espace dialoguent avec la fonction et l’usage. Construit en béton armé, il incarne une modernité pensée pour s’adapter aux contraintes climatiques et aux impératifs institutionnels. L’organisation des volumes traduit une recherche d’équilibre entre monumentalité et fonctionnalité, un principe cher à Le Corbusier dans sa vision du béton comme matériau structurant et expressif. Aujourd’hui, cette architecture trouve

55 Ecrivain et commissaire d’exposition

56 Artiste français

57 Artiste nigériane

Photographie de l’ancien Palais, Le Monde

un nouvel usage en devenant un lieu emblématique de la Biennale de Dakar, où l’histoire et la modernité se croisent pour accueillir des pratiques artistiques contemporaines.

La Salle des Pas Perdus, vaste espace central de 65 mètres sur 55 mètres, incarne cette monumentalité. Sa hauteur sous plafond de 6,70m et son plafond à caissons soutenu par des colonnes permettent d’exposer des œuvres de grand format tout en laissant pénétrer la lumière naturelle. Conçu à l’origine pour inspirer respect et autorité judiciaire, cet espace s’impose désormais comme un écrin idéal pour l’expérimentation artistique. L’ouverture de la salle sur quatre cours latérales renforce cette fluidité et rappelle les principes corbuséens d’espaces modulables et de transitions aérées.

Lumière et ambiance climatique

La lumière joue un rôle fondamental dans la mise en scène architecturale du bâtiment. La cour principale, inspirée du style islamique, s’ouvre sur le ciel et apporte une respiration lumineuse qui sublime les espaces intérieurs.

Les brise-soleil et claustras, composés de modules en béton inclinés, filtrent la lumière et régulent la température, rendant l’espace plus agréable à parcourir. Cette architecture prend en compte les exigences climatiques du Sénégal, en intégrant des solutions qui réduisent l’impact de la chaleur sans recours excessif aux dispositifs mécaniques. Le béton devient un élément actif, un filtre thermique qui contrôle l’exposition au soleil tout en favorisant la ventilation naturelle. Cette gestion de la lumière et de la chaleur, qui servait autrefois le confort des magistrats et du personnel judiciaire, s’adapte aujourd’hui aux exigences d’un espace culturel où la perception des œuvres est étroitement liée à leur environnement lumineux.

Circulation et organisation des espaces

L’irrégularité du plan du bâtiment joue un rôle clé dans son adaptabilité aux nouveaux usages. Plutôt qu’un ensemble rigide, les espaces semblent s’imbriquer naturellement, formant un tout cohérent et vivant. La disposition en plusieurs blocs, avec des zones distinctes pour le Tribunal du Travail et la Cour Suprême, produisait à l’origine une séparation fonctionnelle des usages. Aujourd’hui, cette fragmentation permet d’adapter la circulation aux expositions et performances de la Biennale.

Cette configuration rend possible une transition fluide entre les différents espaces d’exposition, créant des parcours immersifs où chaque œuvre dialogue avec son environnement immédiat. Les visiteurs traversent des séquences architecturales variées, alternant entre des espaces vastes et ouverts et des zones plus intimes. La salle principale devient un lieu d’interaction où les œuvres monumentales s’imposent dans la hauteur du volume, tandis que les cours périphériques, plus contenues, permettent une expérience plus introspective.

L’expérience sensorielle du lieu

L’ancien palais de justice n’est pas seulement un espace à voir, mais un lieu à ressentir. La texture brute du béton, la manière dont la lumière pénètre l’édifice, l’écho des pas sur le sol, tout participe à une mise en scène spatiale qui dépasse la simple fonction d’exposition. Le passage d’une zone ombragée à un espace baigné de lumière, la variation de la température entre intérieur et extérieur, la matérialité du béton qui absorbe et restitue la chaleur, créent une atmosphère où l’architecture elle-même devient une expérience.

Les parcours à travers le bâtiment sont rythmés par ces variations sensorielles. Dans la Salle des Pas Perdus, la sensation d’espace et de hauteur invite à une contemplation verticale. Dans les cours, l’intimité des patios permet une immersion plus douce dans l’art exposé. Chaque élément

Photographie de l’ancien Palais, Mail Guardian

architectural, pensé à l’origine pour l’administration de la justice, trouve une nouvelle signification dans son appropriation culturelle.

Politiques accompagnent cet usage ?

À partir de l’édition 2016, le Palais de Justice s’ancre comme un espace clé de la Biennale de Dakar. Son potentiel culturel ne passe pas inaperçu et, face à son succès, les politiques se mettent en marche pour accompagner son expansion.

En 2017, le président Macky Sall entérine officiellement cette transformation en allouant le bâtiment au ministère de la Culture. Cette décision marque un tournant : le palais, autrefois vide et abandonné, devient un lieu d’expression artistique reconnu par l’État. Quelques semaines plus tard, la chanteuse Imany et le danseur Lil Buck immortalisent cette renaissance en y tournant le clip de Lately, donnant encore plus de visibilité au site.

Dans cette dynamique, les organisateurs de Dak’Art espèrent pérenniser l’expérience de 2016 et faire du palais un écrin pour les œuvres de la Biennale 2018. L’endroit, autrefois refuge pour les serpents et le silence, entame sa métamorphose en véritable hub culturel, ancré dans le paysage artistique et institutionnel de Dakar. Le palais s’est affirmé comme un lieu culturel majeur, accueillant des événements d’envergure et s’inscrivant progressivement dans le paysage artistique de Dakar. Son usage se stabilise, ses espaces s’adaptent aux nouvelles pratiques, et son avenir semble définitivement tourné vers la création.

Mais au-delà de ces évolutions, quel est l’impact réel de cette transformation ? Ce changement d’usage a-t-il modifié la perception que les Dakarois ont de ce bâtiment ? Est-il devenu un espace véritablement investi par la population, ou reste-t-il un lieu ponctuellement animé par les manifestations culturelles ? Pour répondre à ces

questions, nous allons maintenant analyser son inscription dans la ville, interroger les usages qui s’y développent et voir comment il dialogue aujourd’hui avec son environnement et ses habitants.

Quand est-il aujourd'hui ? Comment la population sénégalaise voit cet édifice ? Quel est l’impact de son changement d’usage ?

Pour comprendre la perception actuelle de l’ancien palais de justice de Dakar et mieux appréhender son évolution en tant qu’espace réhabilité, un questionnaire a été mis en place afin d’interroger différents publics sur leur vision de cet édifice.

Deux formulaires distincts ont été diffusés. Le premier était destiné à la population dakaroise afin de recueillir son regard sur les changements d’usage et son rapport au lieu. Le second s’adressait aux architectes et aux professionnels du bâtiment, permettant ainsi d’obtenir une analyse plus technique de l’état du bâtiment et de sa transformation.

L’objectif de cette enquête est d’explorer comment ces différents acteurs perçoivent la transition du palais de justice vers un espace d’exposition, de mesurer leur degré de conscience des changements opérés, mais aussi d’identifier les enjeux soulevés par cette mutation architecturale et patrimoniale.

L’analyse des réponses des architectes et professionnels du bâtiment révèle une perception marquée de la dégradation avancée de l’ancien palais de justice. 43,8 % des répondants identifient cet édifice comme celui ayant subi l’état de détérioration le plus grave parmi les bâtiments étudiés. La cause principale évoquée est le manque d’intérêt public, ce qui témoigne d’une absence de mobilisation autour de sa préservation avant sa reconversion. Cette situation illustre une problématique plus large dans la gestion du patrimoine à Dakar, où certains édifices

historiques souffrent d’un abandon progressif faute d’initiatives pour les entretenir et les intégrer dans une dynamique urbaine contemporaine.

Parallèlement, les habitants de Dakar ont une conscience nette des transformations opérées sur ce bâtiment. 37 % des répondants estiment que le palais de justice est l’édifice dont la nouvelle fonction est le moins en adéquation avec son usage initial. Ce sentiment s’explique par une longue période d’abandon qui a marqué une rupture dans la mémoire collective du lieu. Le fait que ce bâtiment ait perdu sa vocation judiciaire avant même d’être réinvesti a renforcé l’idée d’un édifice en décalage avec son histoire.

L’ancien palais de justice de Dakar apparaît comme l’édifice ayant connu la transformation la plus marquante selon une majorité des répondants. 71,4 % des personnes interrogées considèrent qu’il est celui qui a subi le changement d’usage le plus significatif parmi les onze édifices proposés. Ce chiffre témoigne d’une prise de conscience collective quant à la mutation du bâtiment et à la rupture fonctionnelle qui l’a accompagné. Le passage d’un lieu judiciaire, autrefois symbole d’autorité et de régulation sociale, à un espace d’exposition dédié à l’art contemporain est perçu comme un basculement radical. Ce changement d’usage est interprété de différentes manières par les répondants. Certains le voient comme une évolution naturelle de Dakar, en adéquation avec les nouvelles dynamiques urbaines et culturelles. D’autres considèrent cette transition comme une tentative de concilier préservation du patrimoine et développement, un moyen de donner une seconde vie à un édifice autrefois en déshérence tout en l’inscrivant dans une nouvelle dynamique sociale et artistique.

Connaissance histoire

L’enquête met en évidence un contraste entre la présence du bâtiment dans l’espace urbain et la

connaissance de son histoire. 72 % des répondants disent connaître l’ancien palais de justice. C’est un chiffre important qui montre que ce lieu reste identifiable, malgré son changement d’usage. Il est toujours ancré dans la ville, il fait partie du paysage de Dakar. Mais cette reconnaissance ne signifie pas que son passé est compris. 60 % des répondants disent ne pas connaître son histoire. L’ancien palais de justice est là, visible, mais son rôle d’origine s’efface. Sa mémoire institutionnelle semble avoir été oubliée. Peut-être parce que son abandon a marqué une rupture. Peut-être aussi parce que sa transformation en espace culturel l’a éloigné de son identité première.

Ce décalage entre la perception du lieu et la connaissance de son histoire pose question. Un bâtiment peut être conservé, transformé, réhabilité, mais que reste-til de ce qu’il a été ? Ce changement d’usage a permis de redonner vie à l’édifice, de lui offrir une nouvelle fonction. Mais la transmission de son passé, elle, n’a pas suivi. Ce lieu est là, mais sa mémoire ne semble pas avoir été racontée.

Usages et accessibilité

L’analyse des réponses met en évidence une perception contrastée de l’accessibilité et de l’usage de l’ancien palais de justice. 26 % des répondants considèrent que le bâtiment est très bien accessible en l’état, tandis que 42 % estiment qu’il y a des améliorations à apporter. 32 % ne se prononcent pas, traduisant une certaine indifférence ou un manque de fréquentation du lieu.

La répartition des visites illustre encore plus ce rapport distant avec l’édifice. Parmi les 50 répondants, 42 % le visitent entre une et trois fois par an, tandis que seuls 2 % s’y rendent entre 4 et 10 fois ou plus régulièrement. À l’inverse, 54 % des répondants déclarent ne jamais y aller. Ces chiffres révèlent un usage limité et une fréquentation occasionnelle, largement dominée par des événements ponctuels comme la Biennale.

L’impact de cet événement artistique sur la fréquentation du lieu est significatif. 38 % des répondants ont déjà pénétré dans le bâtiment à cette occasion, confirmant son rôle presque exclusif de site culturel. Hors de ce cadre, l’usage du lieu reste marginal. Seuls 2 % des répondants indiquent fréquenter ses abords pour jouer au football sur l’espace ouvert situé devant l’édifice. Ce détail illustre une forme d’appropriation informelle du site par la jeunesse, qui détourne son usage premier en y intégrant une fonction plus sociale et récréative.

La perception des services associés au bâtiment renforce cette lecture d’un usage exclusivement culturel. 42 % des répondants déclarent n’avoir aucun besoin particulier vis-à-vis de cet édifice, ce qui montre une absence d’attente pour d’autres usages. Les autres réponses se répartissent principalement autour des dimensions culturelles et événementielles : 32 % évoquent un intérêt pour le tourisme ou la culture, 18 % pour la participation à des événements et 24 % pour des activités purement culturelles. Seule une minorité, 4 %, exprime un besoin en services administratifs, confirmant ainsi la rupture totale avec la fonction d’origine du palais de justice.

Ces chiffres mettent en évidence que le bâtiment, aujourd’hui, est perçu avant tout comme un lieu culturel. Il ne remplit plus d’autres rôles urbains ou administratifs. Son usage est ponctuel, rythmé par des événements comme la Biennale, et son intégration dans la vie quotidienne des Dakarois reste faible.

Fréquence d’usage et perception patrimoniale

L’usage de l’ancien palais de justice est majoritairement perçu comme occasionnel, avec 42,9 % des répondants partageant cette vision. Cette perception reflète une réalité : le bâtiment est principalement exploité lors de la Biennale, un événement ponctuel qui structure sa fréquentation. En dehors de cette manifestation artistique,

l’édifice reste largement inactif, ce qui limite son intégration dans la vie culturelle et sociale quotidienne de Dakar.

Considération patrimoniale et attachement au bâtiment

Malgré cette faible fréquence d’usage, la dimension patrimoniale du lieu est largement reconnue. 44 % des répondants considèrent sa conservation comme très importante, tandis que 36 % estiment qu’elle est importante. Cela signifie que 80 % des Dakarois interrogés accordent une valeur significative à la préservation de ce bâtiment. Seuls 20 % se répartissent entre une importance faible ou nulle.

Cette importance accordée à la conservation s’explique par une perception forte du patrimoine comme témoin de l’histoire. Le bâtiment n’est pas seulement un espace fonctionnel, il représente un héritage architectural et culturel. Il est un repère dans la ville, un symbole du passé judiciaire de Dakar, et sa préservation est perçue comme une nécessité pour maintenir un lien avec cette histoire.

Une demande pour plus d’activités culturelles

Bien que son usage soit limité, l’enquête révèle une demande claire pour une intensification des activités culturelles au sein du bâtiment. Une question ouverte du questionnaire a permis aux répondants d’exprimer leurs attentes, et plusieurs suggestions ont émergé. Beaucoup souhaitent voir plus d’événements culturels et d’expositions artistiques tout au long de l’année, en complément de la Biennale.

D’autres vont plus loin en évoquant de nouveaux usages, qui permettraient de faire de l’ancien palais un véritable centre culturel permanent. Parmi les propositions, certains suggèrent la création d’une salle de cinéma, d’une école d’art, ou encore d’un espace polyvalent pour des événements culturels. Cette volonté illustre un paradoxe : bien que peu fréquenté en dehors de la Biennale, l’édifice

suscite un fort potentiel d’appropriation si son offre culturelle venait à être élargie.

Ces réponses montrent que l’ancien palais de justice est perçu non seulement comme un patrimoine à préserver, mais aussi comme un espace sous-exploité, qui pourrait jouer un rôle plus actif dans la dynamique culturelle de Dakar.

Projection et enjeux futurs

L’avenir de l’ancien palais de justice de Dakar semble s’inscrire dans une dynamique de transformation encore plus profonde. La réhabilitation envisagée par Wilmotte prévoit la conversion du bâtiment en un ensemble immobilier intégrant un palais des arts, des logements et un hôtel, dans une approche architecturale contemporaine qui rompt avec la logique initiale du lieu. Ce projet marque une évolution radicale du site, où la fonction patrimoniale et culturelle actuelle pourrait être intégrée à une dimension plus large, mêlant habitat, tourisme et diffusion artistique.

Cette orientation soulève plusieurs questions quant à l’équilibre entre conservation et modernisation. L’introduction d’une architecture contemporaine qui s’éloigne des principes originels du bâtiment pourrait transformer profondément l’identité du site, tant sur le plan visuel que fonctionnel. Cette nouvelle phase de mutation interroge sur la manière dont la mémoire du lieu sera préservée et si son rôle symbolique pourra coexister avec ces nouveaux usages.

D’un autre côté, cette évolution pourrait répondre à la demande d’un usage plus constant du bâtiment exprimé par les répondants de l’enquête. En intégrant une programmation plus variée, avec des logements et un hôtel, le site bénéficierait d’une fréquentation plus régulière, rompant avec l’intermittence des événements culturels actuels. Toutefois, la question de l’accessibilité des espaces dédiés à l’art et à la culture reste centrale : le risque d’une

privatisation partielle du lieu pourrait limiter son appropriation par la population locale.

Ce projet pose ainsi les bases d’un débat sur l’avenir du patrimoine dakarois, entre préservation, transformation et adaptation aux dynamiques urbaines et économiques actuelles. La transition vers un modèle hybride, mêlant culture, habitation et tourisme, pourrait redéfinir le rapport des Dakarois à cet édifice, en lui offrant une seconde vie, mais au prix d’une redéfinition de son identité architecturale et de son rôle historique.

L’art et la réinvention du lieu

L’ancien palais de justice de Dakar a traversé le temps, passant du symbole de l’autorité judiciaire à celui d’un espace en transition. Après son abandon, il aurait pu disparaître, se fondre dans l’oubli. Mais au lieu de ça, il a trouvé une nouvelle fonction, détournée de son usage initial. Aujourd’hui, il est devenu un lieu d’art, un espace où l’histoire et la création se rencontrent. Son architecture, qui portait autrefois l’autorité judiciaire, se réinvente en un lieu de liberté artistique. L’ampleur des volumes, la robustesse du matériau et l’organisation des espaces en font un écrin idéal pour la création contemporaine.

Cette transformation n’a pas été immédiate. Longtemps laissé à l’abandon, le bâtiment a souffert de son isolement, de son état de dégradation avancé et du manque d’intérêt public. L’étude a montré que pour beaucoup de Dakarois, ce lieu reste connu, mais son passé judiciaire s’efface peu à peu. 72 % des répondants savent où il se trouve, mais 60 % ignorent son histoire. La mémoire s’émousse, et avec elle, la perception de ce qu’il représentait autrefois. Son changement d’usage est perçu comme radical : 71,4 % des interrogés estiment que c’est l’édifice qui a subi la mutation la plus marquante parmi ceux étudiés. Ce glissement d’un lieu de pouvoir vers un espace culturel ne fait pas l’unanimité. Pour certains, c’est une reconversion réussie,

Photographie de l’ancien Palais pendant la biennale, L

une manière de lui redonner vie. Pour d’autres, il reste en décalage avec son passé, un bâtiment dont l’identité s’est transformée trop brutalement.

Mais au-delà de sa simple reconversion, l’ancien palais de justice s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation des espaces institutionnels en lieux culturels. Il témoigne de la capacité d’un édifice à se réinventer sans perdre son identité. Cette mutation n’efface pas son histoire, elle l’enrichit. L’art, en investissant ce lieu, dialogue avec son passé, le détourne, le questionne. L’ancien tribunal devient un espace où s’expriment de nouvelles voix, où se confrontent héritage et avant-garde.

Pourtant, malgré son nouvel usage, il peine encore à s’ancrer dans le quotidien des Dakarois. Hors des événements comme la Biennale, le palais reste un lieu peu fréquenté. 54 % des répondants disent ne jamais y aller. Ce chiffre pose question : un espace culturel doit-il se limiter à quelques manifestations ponctuelles, ou peut-il s’ouvrir à d’autres formes d’appropriation ? L’analyse des enquêtes montre que si ce lieu est reconnu, il reste un espace temporaire, rythmé par des événements, mais absent de la vie urbaine quotidienne.

Enfin, l’avenir du palais soulève d’autres interrogations. La réhabilitation prévue par Wilmotte, mêlant hôtel de luxe et espace culturel, reflète une tendance plus large que l’on retrouve dans plusieurs capitales africaines : celle d’une transformation patrimoniale orientée vers des logiques économiques et touristiques. Mais la ville n’attend pas. L’étude a révélé une demande pour plus d’activités culturelles et un attachement fort au bâtiment en tant que patrimoine. 80 % des répondants jugent sa conservation importante.

L’ancien palais de justice de Dakar s’inscrit ainsi dans un phénomène plus global où des lieux autrefois dédiés au pouvoir et à la régulation sociale deviennent des plateformes

de création et d’échange. Il ne se contente pas d’accueillir l’art, il participe à son récit, faisant de chaque exposition une rencontre entre passé et présent, entre la rigidité du béton et la liberté de la création contemporaine.

III. Perspectives de Préservation et de Valorisation du Patrimoine

La question de la préservation et de la valorisation du patrimoine architectural est devenue une problématique centrale dans la gestion des espaces urbains modernes, en particulier dans des villes en pleine transformation comme Dakar. Le patrimoine, en tant que reflet de l’histoire, de la culture et de l’identité d’une société, joue un rôle majeur dans le développement des villes. Dans un contexte de mondialisation et d’urbanisation rapide, il est essentiel d’élaborer des stratégies adaptées qui allient conservation du patrimoine, dynamisme économique et réponse aux exigences contemporaines.

Les bâtiments patrimoniaux, qu'ils soient religieux, civils ou culturels, sont des témoins précieux du passé et des éléments constitutifs de l'identité urbaine. Cependant, ces édifices, souvent anciens et chargés d'histoire, font face à une série de défis liés à l’usure du temps, à l’évolution des normes architecturales. La gestion de ce patrimoine ne peut plus se contenter de stratégies de conservation passives, mais doit s'inscrire dans une démarche proactive de mise en valeur, afin que ces bâtiments continuent ou puissent jouer un rôle actif dans la vie économique, sociale et culturelle de la ville.

Dans cette optique, cette troisième partie se propose d’explorer les perspectives de préservation et de valorisation du patrimoine architectural à Dakar. Elle mettra en lumière

les enjeux de la préservation, les stratégies possibles pour restaurer ces édifices sans altérer leur essence historique, et les différentes approches permettant de les intégrer efficacement dans le développement économique et social de la ville.

1. Enjeux Sociaux, Culturels et Économiques de la Préservation

Les enjeux sociaux et culturels de la préservation du patrimoine

La préservation du patrimoine architectural ne concerne pas uniquement la conservation matérielle des bâtiments, mais aussi son impact sur la société et la mémoire collective. Comme on a pu le voir à travers les études de terrain, dans une ville en perpétuelle évolution comme Dakar, ces édifices restent des repères essentiels pour les habitants, incarnant un lien tangible entre passé et présent

L’Hôtel de Ville, par exemple, ne se limite pas à un simple vestige historique. Il demeure un espace de rencontre et d’échange, où se déroulent des événements officiels et des rassemblements sociaux. Sa conservation permet donc de maintenir son rôle dans la vie urbaine contemporaine tout en valorisant son histoire. De la même manière, la Chambre de Commerce et d’autres bâtiments institutionnels continuent d’être des lieux d’activité et d’interaction, prouvant que le patrimoine peut être fonctionnel et ancré dans le quotidien des citoyens

Toutefois, préserver ne signifie pas figer ces bâtiments dans le temps. Un des défis majeurs est d’adapter ces édifices aux usages contemporains sans en altérer l’identité architecturale. La Gare de Dakar illustre bien cette approche, ayant conservé son architecture tout en étant modernisée pour s’intégrer aux infrastructures de transport

actuelles. Cette réhabilitation a permis de préserver sa valeur patrimoniale tout en renforçant son utilité dans le quotidien des Dakarois.

Sur le plan culturel, la préservation du patrimoine est un moyen essentiel de maintenir vivante l’identité locale. Dakar, ville en pleine effervescence et marquée par des transformations rapides, trouve dans son patrimoine une richesse culturelle inestimable, que ce soit à travers son architecture ou les récits qu’elle véhicule. L’Immeuble Maginot, l’Hôtel de l’Indépendance et la Cathédrale du Souvenir Africain portent chacun les empreintes de l’histoire politique, sociale et religieuse de la ville. Leur préservation assure une continuité dans l’identité culturelle de Dakar, évitant une rupture avec le passé.

Dans cette perspective, la transformation des bâtiments historiques en espaces culturels et communautaires apparaît comme une solution efficace. Il ne s’agit pas seulement de préserver leur structure, mais de leur donner une fonction qui favorise les échanges et la transmission culturelle. L’Hôpital Principal de Dakar en est un exemple réussi : tout en conservant son architecture coloniale, il est devenu un centre de santé de premier plan, prouvant ainsi qu’un édifice peut conserver son identité tout en servant les besoins contemporains

L’impact culturel du patrimoine ne se limite pas à la conservation : sa réutilisation en espaces d’échange et de création renforce la vitalité culturelle locale. L’Hôtel de Ville et la Chambre de Commerce pourraient ainsi accueillir des expositions, spectacles et activités communautaires, leur permettant d’être des lieux de culture vivante et non de simples édifices institutionnels. Cette approche garantit une appropriation collective et évite que le patrimoine ne devienne un élément figé et déconnecté des préoccupations contemporaines.

Ainsi, la préservation du patrimoine ne peut être envisagée sans une réflexion sur sa réinterprétation et son intégration dans la dynamique urbaine. Faire de ces lieux des centres de culture et de rencontre permet de renforcer l’identité de la ville tout en assurant une transmission intergénérationnelle, où mémoire et modernité coexistent harmonieusement.

Les enjeux économiques de la préservation du patrimoine

D’un point de vue économique, préserver et valoriser le patrimoine architectural de Dakar contribue au développement de la ville en créant des opportunités d’investissement, en dynamisant le tourisme et en stimulant l’activité locale. Bien que la conservation des bâtiments soit parfois perçue comme un coût, elle peut également générer des bénéfices substantiels à travers le tourisme, la réutilisation commerciale et la valorisation immobilière. Certains édifices historiques possédant une forte valeur symbolique ont le potentiel de devenir des attractions majeures, contribuant ainsi à l’attractivité économique de la ville. L’optimisation de leur potentiel à travers des projets de réhabilitation ou de transformation (en hôtels, bureaux, musées ou centres commerciaux) peut attirer des investissements et créer de nouvelles opportunités économiques.

En particulier, certains bâtiments disposant de grandes surfaces offrent des possibilités de reconversion pour des usages à fort potentiel économique, tels que des espaces commerciaux, des bureaux ou des centres culturels et de loisirs. Ces projets permettent non seulement de maintenir l’intégrité architecturale, mais aussi de générer des revenus pour les collectivités locales. La valorisation du patrimoine devient ainsi un moteur d’attractivité économique et un levier de dynamisation urbaine, en

intégrant ces espaces dans une logique de développement durable.

La préservation du patrimoine peut également avoir des effets positifs sur l’emploi local, notamment dans les secteurs de la construction, de la restauration de bâtiments historiques et de la gestion du patrimoine. La réhabilitation d’anciens édifices implique la mobilisation d’experts en rénovation, mais aussi la création d’emplois dans des domaines variés, allant de l’artisanat traditionnel à la gestion de projets urbains et culturels. Cette dynamique offre à la ville une double opportunité : conserver son identité architecturale tout en stimulant l’économie locale.

Enfin, la valorisation du patrimoine peut avoir des effets indirects sur l’économie urbaine. Les projets de réhabilitation contribuent à la revitalisation des quartiers environnants, en favorisant une hausse des prix immobiliers et une amélioration des infrastructures urbaines. Cette dynamique participe ainsi au renforcement du cadre de vie, rendant les zones patrimoniales plus attractives pour les habitants et les investisseurs.

Ainsi, la préservation et la réutilisation du patrimoine architectural de Dakar ne se limitent pas à une question de conservation historique, mais représentent un enjeu économique majeur. Lorsqu’ils sont correctement valorisés, ces bâtiments peuvent stimuler l’économie locale, créer des opportunités d’investissement et participer à la croissance durable de la ville. Ces enjeux doivent donc être placés au cœur des stratégies de développement urbain, afin de garantir un équilibre entre préservation du patrimoine et modernisation de l’espace urbain.

En complément de ses dimensions sociales et culturelles, la préservation du patrimoine architectural représente un véritable levier économique pour Dakar. Toutefois, pour que ces édifices continuent de jouer un rôle actif dans la ville, il est nécessaire de mettre en place des

stratégies adaptées. Il s’agit non seulement de conserver ces bâtiments, mais aussi de les intégrer dans une dynamique de développement urbain, en trouvant des solutions qui allient préservation, réutilisation et modernisation. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les stratégies de valorisation du patrimoine.

2. Stratégies et Propositions pour une Valorisation Durable

Les stratégies de préservation et de restauration

La restauration des bâtiments patrimoniaux soulève des questions techniques et éthiques majeures. Il est essentiel d’adopter une démarche structurée qui prenne en compte les spécificités architecturales tout en répondant aux exigences contemporaines. La réflexion porte notamment sur le degré d’intervention à privilégier : faut-il restaurer un édifice à son état d’origine ou l’adapter à de nouveaux usages tout en préservant son identité architecturale et historique ?

Les approches de préservation varient selon les objectifs visés. Certaines privilégient des interventions minimales, afin de conserver l’authenticité des bâtiments, tandis que d’autres intègrent des modifications pour répondre aux besoins actuels. L’intégration de matériaux modernes compatibles avec ceux d’origine, ainsi que l’emploi de techniques avancées de conservation, permettent d’assurer un équilibre entre préservation de la structure et adaptation fonctionnelle.

Par ailleurs, les cadres juridiques et réglementaires jouent un rôle clé dans la protection du patrimoine. Les lois sur les monuments historiques, les conventions internationales et les initiatives locales définissent les règles et les responsabilités en matière de conservation. Les autorités publiques, les collectivités locales et les

associations culturelles doivent donc s’engager activement dans la définition de politiques adaptées, en intégrant des mesures de valorisation et de transmission du patrimoine aux générations futures.

La préservation par la réutilisation adaptée

L’une des stratégies les plus efficaces pour préserver durablement le patrimoine architectural consiste à favoriser sa réutilisation. Il ne s’agit pas seulement de conserver ces bâtiments comme des monuments historiques, mais de les intégrer dans la dynamique urbaine en leur attribuant de nouveaux usages.

Certains édifices pourraient ainsi être réhabilités pour devenir des centres culturels, des espaces éducatifs ou des lieux polyvalents tout en conservant leur caractère historique. Cette approche permettrait non seulement de préserver leur architecture, mais aussi de leur assurer une nouvelle fonction sociale et économique.

D’autres bâtiments, disposant de vastes espaces, peuvent être transformés en infrastructures mixtes, intégrant bureaux, commerces et logements. Cette adaptation, tout en respectant l’architecture d’origine, leur permettrait de répondre aux besoins actuels sans sacrifier leur identité. L’adoption de techniques respectueuses des normes de conservation est primordiale pour garantir une rénovation durable et limiter l’impact écologique lié à la construction de nouvelles structures.

La création de synergies urbaines et sociales

Valoriser durablement le patrimoine à Dakar passe par une meilleure intégration des bâtiments historiques dans le tissu urbain. Plutôt que de les considérer comme des éléments isolés, il s’agit de les relier entre eux pour renforcer leur rôle dans la ville

Certains édifices peuvent être réhabilités pour accueillir de nouvelles activités, combinant fonctions

culturelles, économiques et sociales. Par exemple, un bâtiment patrimonial peut être transformé en lieu d’échange, en espace de coworking ou en centre d’exposition, créant ainsi de nouvelles interactions dans son quartier.

L’adaptation des infrastructures existantes permet également de renforcer les liens sociaux en rendant ces espaces accessibles aux habitants. En intégrant des événements communautaires, des activités citoyennes et des services adaptés aux besoins actuels, le patrimoine devient un levier de cohésion urbaine.

Enfin, le développement économique peut être stimulé en exploitant le potentiel des édifices historiques. La réhabilitation de certains sites en centres d’affaires, incubateurs de start-ups ou espaces commerciaux permettrait d’attirer des investissements tout en préservant l’identité architecturale de la ville.

Créer un réseau de lieux patrimoniaux réhabilités contribue ainsi à redynamiser les quartiers, à renforcer leur attractivité et à faire du patrimoine un moteur du développement urbain.

Le tourisme culturel et éducatif

Le tourisme culturel et éducatif représente un axe stratégique pour la valorisation du patrimoine à Dakar. Ces bâtiments historiques ne sont pas seulement des éléments architecturaux, mais des témoins de l’histoire du Sénégal, attirant aussi bien les visiteurs locaux qu’internationaux.

Pour maximiser cet impact, la mise en place de circuits touristiques thématiques reliant les sites emblématiques permettrait d’offrir une expérience enrichie.

Ces parcours pourraient inclure des visites guidées, des expositions temporaires, des conférences et des ateliers sur l’histoire et l’architecture de la ville. Par ailleurs, la création de

musées et de centres d’interprétation dans certains édifices renforcerait la transmission du patrimoine de manière interactive.

Cette dynamique aurait aussi un impact économique significatif en créant des emplois dans les secteurs de la culture, de l’hôtellerie et du service. En attirant davantage de visiteurs, Dakar pourrait renforcer sa place en tant que destination culturelle incontournable tout en intégrant un modèle de tourisme durable et respectueux des communautés locales.

Le développement durable et la Mobilité Verte

L’intégration des principes du développement durable dans la valorisation du patrimoine est un enjeu essentiel. À Dakar, la mobilité urbaine constitue un défi majeur. L’amélioration des connexions entre les sites historiques et les réseaux de transport modernes permettrait de faciliter l’accès tout en réduisant l’impact environnemental.

La mise en place de modes de transport écologiques, comme des bus électriques, des tramways ou des vélos en libre-service, favoriserait une mobilité fluide autour des sites patrimoniaux. En parallèle, l’utilisation de matériaux durables et l’optimisation énergétique dans les projets de réhabilitation des bâtiments permettraient d’allier conservation du patrimoine et engagement écologique.

Ainsi, associer tourisme culturel et développement durable garantirait une valorisation efficace du patrimoine, inscrite dans une démarche respectueuse de l’environnement et bénéfique à l’économie locale.

La participation des communautés locales

L'engagement des communautés locales est essentiel pour assurer une gestion durable du patrimoine architectural de Dakar. L’intégration des habitants dans les projets de conservation, à travers des consultations

publiques, des ateliers de co-conception et des initiatives participatives, permet d’adapter les transformations aux besoins locaux et d'encourager une appropriation collective

Un autre aspect clé est la transmission des savoirs par la formation des jeunes aux métiers du patrimoine, tels que la restauration architecturale, l’archéologie et la gestion des sites historiques. Développer ces compétences favorise la pérennité des initiatives et assure la continuité des efforts de conservation.

L’approche adoptée doit combiner préservation de l’histoire et adaptation aux évolutions urbaines. L’intégration des bâtiments réhabilités dans un réseau d’espaces culturels, l’essor du tourisme patrimonial et le développement d’une mobilité respectueuse de l’environnement sont autant de stratégies complémentaires. En tenant compte de ces différents axes, Dakar peut affirmer son identité, renforcer son attractivité et stimuler son développement économique, tout en établissant un modèle durable de gestion patrimoniale.

Valorisation du patrimoine à travers l'innovation

Face à la pression urbaine croissante et aux besoins de développement, il devient essentiel de réinventer le patrimoine pour qu’il reste un élément vivant du paysage urbain. Il ne s’agit pas seulement de restaurer ces édifices, mais aussi de leur redonner une fonction adaptée aux réalités contemporaines afin de renforcer leur attractivité auprès des habitants et des visiteurs. Cette adaptation repose sur une approche diversifiée qui mobilise les nouvelles technologies, la culture et la coopération entre acteurs publics et privés.

Les innovations numériques offrent des solutions inédites pour mettre en valeur le patrimoine. La numérisation des sites, les visites virtuelles et la réalité augmentée permettent d’améliorer l’accessibilité et l’interactivité des

bâtiments historiques. Ces outils contribuent non seulement à la préservation de la mémoire architecturale, mais aussi à l’éducation et à la transmission du patrimoine aux générations futures. Par ailleurs, les manifestations culturelles telles que les expositions, festivals et événements artistiques renforcent la dynamique patrimoniale en intégrant ces lieux dans la vie urbaine contemporaine.

Le financement et la gestion du patrimoine nécessitent des ressources conséquentes. Les partenariats public-privé et la coopération internationale jouent un rôle déterminant en associant les moyens des institutions publiques aux investissements privés. Une collaboration efficace peut favoriser une réhabilitation transparente et pérenne, en s’inspirant des expériences réussies dans d’autres villes du monde.

Toutefois, la préservation ne peut se faire sans l’engagement des communautés locales. Les habitants, en tant que premiers témoins et usagers du patrimoine, doivent être impliqués dans les décisions et la gestion des sites historiques. Leur participation garantit une préservation adaptée aux besoins réels, tout en renforçant le sentiment d’appartenance et la transmission de l’histoire collective.

La préservation du patrimoine ne peut être pensée indépendamment du développement urbain et économique. Il ne s’agit pas uniquement de conserver un héritage, mais de l’inscrire durablement dans le paysage urbain en répondant aux attentes contemporaines. Entre préservation et innovation, entre tradition et modernité, le patrimoine architectural de Dakar peut devenir un moteur du développement durable, garantissant à la fois la conservation de son identité et son intégration dans la ville de demain.

Conclusion

L’étude du patrimoine architectural du Plateau de Dakar s’inscrit dans un contexte de transformations rapides, où la réhabilitation des édifices anciens interroge leur préservation et leur adaptation aux exigences contemporaines. L'observation des chantiers en cours a mis en évidence une mutation profonde de l’espace urbain, notamment avec la reconstruction du marché Sandaga, qui a profondément modifié l’image familière du centre-ville. Ce constat a soulevé une question essentielle : Comment les bâtiments patrimoniaux de Dakar, témoins de son histoire coloniale, évoluent-ils dans un contexte urbain en mutation, entre préservation de leur identité historique et adaptation aux besoins contemporains ?

La richesse architecturale du Plateau a favorisé son choix comme terrain d’étude en raison de son rôle central dans l’histoire urbaine de Dakar. Ancienne capitale de l’AOF 58 et centre d’affaires actuel, cette zone est le point de convergence de différentes époques et influences architecturales. À travers l’analyse de bâtiments emblématiques tels que la Gare de Dakar, l'Hôtel de l'Indépendance, la Cathédrale du Souvenir Africain, l’Immeuble Maginot, l’Immeuble des Allumettes, l'Hôpital Principal, l'Hôtel de Ville et la Chambre de Commerce, cette étude a permis d’examiner l’évolution du patrimoine dakarois à travers le prisme de l’usage.

L’histoire architecturale de Dakar montre une succession de styles qui ont façonné son paysage urbain. D’abord marquée par des constructions traditionnelles adaptées au climat et à la vie communautaire, la ville a ensuite intégré des influences importées, comme le

néoclassicisme avec l’Hôtel de Ville, puis le néo-soudanais avec le marché Sandaga, illustrant une volonté coloniale de créer un urbanisme structuré et monumental. L’art déco, incarné par le marché Kermel, a marqué une modernisation plus affirmée, tandis que le parallélisme asymétrique de Senghor 59, visible dans l’Hôtel de l’Indépendance, a cherché à concilier tradition et modernité après l’indépendance. Enfin, les styles contemporains, tels que le brutalisme et l’architecture internationale, témoignent d’une transformation plus fonctionnelle et globale de la ville.

L’analyse des usages a révélé que certains bâtiments, bien qu’ayant conservé leur fonction première, ne sont plus perçus comme des espaces vivants par les habitants. L’Hôtel de Ville, construit en 1914, reste un symbole institutionnel, mais son accès limité aux fonctions administratives empêche une réelle appropriation citoyenne. De même, la Chambre de Commerce, malgré son architecture remarquable, souffre d’un manque de visibilité et d’une fréquentation réduite. Une réadaptation de ces édifices à des usages plus ouverts pourrait favoriser une meilleure intégration dans la dynamique urbaine contemporaine.

L’accessibilité est également un facteur déterminant dans l’évolution des bâtiments patrimoniaux. L’Hôpital Principal, bien que modernisé, reste difficile d’accès en raison de la saturation des infrastructures environnantes et d’un manque de transports publics adaptés. En revanche, la Gare de Dakar, après une longue phase de déclin, a retrouvé un rôle central grâce au Train Express Régional, illustrant comment une réhabilitation bien pensée peut redonner vie à un édifice historique et le réintégrer dans les mobilités urbaines.

58 Afrique Occidentale Française est le territoire administratif qu’occupaient les colonies Ouest africaines de la France

59 Premier président Sénégalais

L’étude de la fréquentation et de l’impact social a montré que certains bâtiments ont progressivement perdu leur ancrage dans l’imaginaire collectif. L’Immeuble Maginot et l’Immeuble des Allumettes, autrefois des pôles économiques majeurs, ont vu leur activité décliner, rendant leur reconversion essentielle pour éviter leur disparition du paysage urbain. L’Hôtel de l’Indépendance, autrefois symbole de modernité et de prestige, a suivi une trajectoire encore plus marquée en devenant un simple espace administratif, rompant ainsi avec son rôle initial.

L’impact économique et touristique du patrimoine reste largement sous-exploité. L’exemple de la Cathédrale du Souvenir Africain illustre ce constat. Bien que reconnue et intégrée au paysage urbain, elle ne bénéficie pas d’une valorisation suffisante pour en faire un moteur de dynamisme économique. En comparaison, la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, malgré son isolement géographique, montre qu’un édifice patrimonial peut jouer un rôle clé s’il est intégré dans une stratégie touristique bien structurée. À Dakar, la cathédrale, bien située, pourrait être mieux mise en valeur par une offre culturelle enrichie et une meilleure intégration aux circuits patrimoniaux de la ville.

Et enfin, L’ancien palais de justice de Dakar illustre parfaitement les tensions entre préservation du patrimoine et adaptation aux besoins contemporains. Construit en 1958 pour incarner une justice moderne et indépendante, il a été un symbole fort du pouvoir judiciaire sénégalais, témoin de procès historiques qui ont marqué l’histoire politique du pays. Son architecture brutaliste, en rupture avec les styles coloniaux, traduisait une volonté d’affirmation d’un nouvel ordre républicain, adapté aux aspirations du Sénégal indépendant.

Abandonné en 1988 en raison de son état de dégradation et de son implantation sur un sol instable, le

palais est resté à l’abandon pendant près de deux décennies, vidant peu à peu ce lieu de sa fonction et de son rôle symbolique. Son inoccupation prolongée, couplée à une gestion patrimoniale incertaine, a laissé place à un espace figé dans le temps, délaissé par les institutions et progressivement oublié par la population. Pourtant, loin d’être effacé, ce bâtiment a connu une transformation radicale avec sa réappropriation par les acteurs culturels. La Biennale de Dakar, en y installant ses expositions dès 2016, a permis de donner un second souffle à cet édifice, désormais perçu comme un haut lieu de l’art contemporain africain.

Cette reconversion contraste avec d’autres bâtiments patrimoniaux qui, bien qu’ayant conservé leur fonction première, ne sont plus perçus comme des espaces vivants par les habitants. L’Hôtel de Ville et la Chambre de Commerce, par exemple, restent des institutions administratives essentielles, mais leur fréquentation et leur appropriation par la population sont limitées. Leur préservation passe par une réadaptation qui permette une meilleure appropriation citoyenne, sans compromettre leur valeur historique et administrative. L’ancien palais de justice, en revanche, a totalement changé d’usage, passant d’un lieu de pouvoir à un espace culturel, ce qui lui a permis de retrouver une nouvelle dynamique.

L’analyse de ces cas montre que la transformation des bâtiments patrimoniaux passe par une réflexion plus large sur leur intégration dans la ville et leur accessibilité aux usagers. Si la réhabilitation permet de prolonger leur existence, elle doit aussi s’accompagner d’aménagements adaptés aux réalités urbaines et sociales, afin de renforcer leur rôle dans la dynamique contemporaine de Dakar. L’exemple de la Cathédrale du Souvenir Africain illustre bien cette problématique. Bien qu’elle soit un édifice emblématique, elle souffre d’un manque d’exploitation de son potentiel touristique et culturel, limitant son impact

économique et social. Comme l’ancien palais de justice avant sa reconversion, elle demeure un lieu statique, dont la valeur patrimoniale n’est pas pleinement exploitée pour enrichir l’offre culturelle et touristique de la ville.

L’ancien palais de justice de Dakar, par son changement d’usage, démontre que la survie d’un bâtiment patrimonial ne repose pas uniquement sur sa conservation matérielle, mais aussi sur sa capacité à s’adapter aux évolutions de la ville. Lorsqu’un édifice cesse d’être un espace de vie et d’échange, il perd progressivement son rôle dans la dynamique urbaine. Ce phénomène est visible à travers la transformation de la gare de Dakar, qui, après une période d’abandon, a retrouvé un rôle central avec le Train Express Régional. À l’inverse, des bâtiments comme la Chambre de Commerce, qui n’ont pas connu de reconversion majeure, peinent à maintenir leur pertinence dans le paysage urbain.

L’avenir du palais s’inscrit cependant dans une tendance plus large de réhabilitation patrimoniale orientée vers l’attractivité économique et touristique. La transformation prévue par Wilmotte, dont le projet est d’y adjoindre un hôtel et des logements, inscrit cette transition dans une dynamique plus vaste où les bâtiments patrimoniaux deviennent des supports d’investissement et d’attractivité commerciale. Cette orientation, que l’on retrouve dans d’autres grandes capitales africaines, notamment avec la multiplication des hôtels de luxe intégrant des éléments patrimoniaux, pose la question de l’accessibilité et de l’appropriation populaire du patrimoine. La privatisation croissante des espaces historiques au profit d’investisseurs étrangers ou de logiques marchandes soulève un débat fondamental sur la place du patrimoine dans le développement urbain.

L’ancien palais de justice de Dakar illustre donc, à lui seul, les dilemmes qui traversent la gestion du patrimoine en Afrique. Son passage d’un lieu de justice à un espace culturel,

puis à un futur complexe immobilier, témoigne des tensions entre mémoire et modernité, entre conservation et rentabilité. Ce cas met en lumière un enjeu central : comment réhabiliter les bâtiments historiques sans les détourner de leur identité ni les soumettre uniquement à des logiques de spéculation foncière ? Dans une ville où les mutations architecturales sont rapides et où l’espace se fait rare, ces questions deviennent cruciales pour définir l’avenir du patrimoine dakarois. L’évolution de ce bâtiment symbolise ainsi un choix fondamental qui s’impose aux décideurs et aux citoyens : préserver la mémoire collective en intégrant le patrimoine dans une dynamique de développement équilibrée ou le voir disparaître progressivement sous la pression des projets lucratifs.

Les hôtels de luxe et les complexes immobiliers redessinent progressivement les espaces patrimoniaux, les intégrant dans une dynamique où le prestige et l’attractivité touristique prennent le pas sur leur valeur historique et sociale. Dans ce modèle, les lieux emblématiques ne sont plus pensés pour ceux qui les ont toujours fréquentés, mais pour une clientèle étrangère, réduisant leur accessibilité et modifiant leur fonction première. L’ancien palais de justice, aujourd’hui réhabilité pour accueillir l’art contemporain, pourrait-il conserver ce rôle si son projet de transformation aboutit ? L’équilibre entre conservation et modernisation doit être interrogé avant que ces espaces ne deviennent des vitrines touristiques déconnectées du quotidien des habitants.

Le cas de Dakar n’est pas isolé. En Guinée, en Côte d’Ivoire, et dans bien d’autres villes africaines, le même schéma se répète : des bâtiments historiques sont vidés de leur fonction sociale pour être intégrés dans des projets économiques qui ne prennent pas toujours en compte leur identité. Cette dynamique révèle une problématique plus large, celle de l’absence d’un langage architectural propre

aux villes africaines post-indépendance. Chaque projet s’impose indépendamment, sans dialogue avec l’existant, créant une ville fragmentée où l’histoire est effacée au profit d’un urbanisme standardisé, souvent influencé par des investisseurs étrangers.

Dakar, comme beaucoup d’autres capitales africaines, doit aujourd’hui faire un choix. Faut-il continuer à subir ces influences ou faut-il construire une identité architecturale africaine forte, qui s’inspire des héritages locaux tout en répondant aux besoins contemporains ? Ce débat dépasse la simple question de la conservation des bâtiments anciens. Il interroge notre rapport au patrimoine, à la transmission et à la manière dont nous voulons que nos villes reflètent leur histoire. L’ancien palais de justice, à la croisée de ces tensions, incarne ce dilemme. Son avenir, entre espace culturel et projet hôtelier, posera inévitablement la question de la place du patrimoine dans la ville de demain.

Si ces décisions ne sont pas prises aujourd’hui, ce sont les futurs patrimoines qui seront façonnés par des logiques qui ne prendront plus en compte l’histoire et l’identité des villes africaines. Reste à savoir si l’ancien palais de justice deviendra un symbole de résilience et de réinvention, ou un nouvel exemple de patrimoine sacrifié sur l’autel du développement économique.

Aux quatre coins du monde, spéculation, profit et gain dictent leur loi. Ce mémoire prend la ville de Dakar comme prétexte pour soulever un problème auquel font face toutes les sociétés. Loin de tomber dans une nostalgie innocente, ou dans ce que joseph Ki-Zerbo appelle le complexe muséographique, la préservation de ce qui fait l’identité des nations est un besoin aussi vital que ne le sont leurs romans nationaux ou leur projet de société, car elle permet de tirer le trait unissant le passé au le présent et le présent au futur. Le monde regorge de bâtiments qui nous

replongent dans des époques immémoriales, nous faisant voyager dans le temps pour entrer en contact avec des civilisations disparues et dont nous avons encore beaucoup à apprendre. Si le destin de l’humanité est de transcender le cycle de la vie, alors jouons notre partition et préservons ce qui permettra aux générations futures d’étancher leur soif de savoir d’où ils viennent.

IV. Bibliographie

Livres

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• MORICONI-EBRARD François, HARRE Dominique, HEINRIGS Philipp. L’urbanisation des pays de l’Afrique de l’Ouest 1950-2010 [en ligne]. Africapolis, mise à jour 2015, p. 38-44. Disponible sur : https://www.oecdilibrary.org/fr/l-urbanisation-des-pays-de-l-afriquede-l-ouest-19502010_5jm3sv1hbttc.pdf?itemId=%2Fcontent%2Fpublic ation%2F9789264252257-fr&mimeType=pdf (consulté le 1ᵉʳ juillet 2024).

• DIOP Carole, MBOUP Nzinga. Dakarmorphose [en ligne]. 2023. Disponible sur : https://fr.selebeyoon.com/research-room/the-architectural-andurban-development-of-dakar et http://www.rawmaterialcompany.org/_2239?lang=e n (consulté le 3 juillet 2024).

• DIOP Carole, MBOUP Nzinga, Raw Material Company. La ville est à nous [en ligne]. Février 2024. Disponible sur : http://www.rawmaterialcompany.org/_4455 (consulté le 3 juillet 2024).

• GEFFRIAUD Caroline, MBOUP Nzinga. Habiter Dakar [en ligne]. Février 2024. Disponible sur : https://www.archdaily.com/955865/living-in-dakara-study-of-senegalese-housing-and-futuredevelopment (consulté le 4 juillet 2024).

• SOS BRUTALISM. Henri Chomette / Roland Depret / Thierry Melot: Hôtel Indépendance, 1973–1978. [en ligne]. Disponible sur : https://www.sosbrutalism.org/cms/18861197 (consulté le 6 juin 2024).

• XAM SAGOX. Place de l'Indépendance, Dakar [en ligne]. Disponible sur : http://xamsagox.sn/en/places/3 (consulté le 5 janvier 2025).

• WILMOTTE & Associés. Palais des Arts [en ligne]. Disponible sur : https://www.wilmotte.com/projets/palais-des-arts/ (consulté le 5 janvier 2025).

• ODYSSÉES D'ARCHITECTURES. Palais des ArtsInstagram [en ligne]. Disponible sur : https://www.instagram.com/odyssees_darchitecture s/p/Cx3Mt_0M3Vz/?img_index=7 (consulté le 5 janvier 2025).

Vidéos en ligne

• TALL Mamy, MBOUP Nzinga. Patrimoine Architectural du Sénégal [en ligne]. Juin 2021. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=1dNcCjTXaZA&ab _channel=Institutfran%C3%A7aisduS%C3%A9n%C3%A 9gal%C3%A0Dakar (consulté le 4 juillet 2024).

• Patrimoine : Fenêtre sur les bâtiments anciens à Dakar [en ligne]. Janvier 2022. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=pCi4Szp_r8E&ab _channel=ItvS%C3%A9n%C3%A9gal (consulté le 4 juillet 2024)

Mémoires / Thèses

• SEIGNOT Alexis. Architecture coloniale française : Dakar, capitale de l'A.O.F. (1902-1958). Mémoire de Master, Université Pierre-Mendès-France, Département d'Histoire des Arts et Archéologies (Grenoble), juin 2001.

• BARBLAN Damaris, HERNACH Guillaume. Dégradation d'un héritage : Dakar, place de la rénovation dans la métropole sénégalaise. Mémoire de Master, École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), 2014, 167 p.

• FAYE Lamine Dionewar. Habitants, architectes, face au brutalisme interventionniste : dans le contexte d’urbanisation incontrôlée de la ville de Dakar. Thèse (Architecture, aménagement de l’espace), École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, 2022, 111 p. Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04275059v1

• FAYE Mame Ndiémé. Dakar-Plateau ou les dessous d’un centre-ville en modernisation [en ligne]. Mémoire de Master, École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, 2018, 104 p. Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas02090222v1/file/M1820183874_FAYEMame.pdf (consulté le 15 juin 2024).

Générales

• WIKIPÉDIA [en ligne]. Liste du patrimoine mondial au Sénégal. Disponible sur :https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_du_patrimoine_m ondial_au_S%C3%A9n%C3%A9gal (consulté le 4 juillet 2024).

• UNESCO. UNESDOC [en ligne]. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ (consulté le 6 juin 2024).

• ICOMOS. ICOMOS - Conseil international des monuments et des sites [en ligne]. Disponible sur : https://www.icomos.org/fr (consulté le 6 juin 2024).

Archives / Fonds

• Archives du Sénégal. Fonds des Archives du Sénégal.

• Cité de l'Architecture et du Patrimoine. Fonds des Archives de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine.

• FORTIER Edmond. Fonds photographique Edmond Fortier. Archives photographiques, [s.d.]. Disponible sur : https://edmondfortier.org.br/postal/07-01-vv-0118/ (consulté le 01 Octobre ).

V. Annexes

• Formulaire d’enquête des habitants de Dakar :

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• Formulaire d’enquete de personnes issues du domaine de l’architecture sur l’ancien palais de justice, le marché de Kermel, le marché de Sandaga :

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• Formulaire d’enquête des habitants de Dakar sur l’ancien palais de justice, le marché de Kermel, le marché de Sandaga

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