

BLUELINE



LIBERTÉ NOUVELLES TECHNOLOGIES
L'impact des nouvelles technologies sur la liberté d'expression
DOSSIER
L'IA : LE MIROIR DE NOS PARADOXES
L'intelligence artificielle : La nouvelle plaine de jeu de Wall Street
L'IA comme muse : Un bouleversement dans l'industrie du luxe
La face cachée de l'IA : Quand l'innovation épuise nos ressources
Étudier à l'ère de l'IA : Progrès ou paresse intellectuelle ?


24 D'autres fenêtres
INTERVIEW JEAN-PAUL SERVAIS
Les enjeux financiers à la loupe : Discussion ouverte avec Jean-Paul Servais
DÉRISION
IDÉOTICÔNE
Un visage pour une idéologie personnalisée
BIBLIOGRAPHIE

édito
ÉDITO
Chères lectrices, Chers lecteurs,
Une révolution se déroule sous nos yeux. Encore méconnue du grand public jusqu’à il y a peu, celle-ci nous intrigue, nous ballotant entre fascination et frisson. L’intelligence artificielle… on en discute, on l’admire, on la craint, mais nous l’utilisons tous. Elle s’est déployée à vitesse grand V et réécrit notre manière de travailler, voire de vivre. En 2025, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’y échapper. L’intelligence artificielle est-elle un instrument d’émancipation ou le corolaire d’une société qui délègue tout, y compris la réflexion ? Ce sont les divers paradoxes engendrés par l’IA que nous avons souhaité mettre en avant dans ce Blue Line.
Dans ce numéro, nous avons voulu explorer les multiples facettes de l’IA, son utilité et ses dérives car des enjeux capitaux se cachent derrière les prouesses technologiques. Alors que les algorithmes influencent Wall Street plus vite qu’un trader sous caféine et que le luxe se met à tirer son inspiration de datas et non plus de l’imagination des créateurs, c’est à se demander s’il n’est pas plus pertinent de parler d’artifice d’intelligence plutôt que d’intelligence artificielle ? Est-il possible d’innover sans épuiser nos ressources ? Si les étudiants utilisent l'IA plus aisément qu'un dictionnaire, notre génération est-elle en train de renoncer à tout effort intellectuel ? C’est autour de ces interrogations que se concentrera notre dossier central.
Hors dossier central, nous ne pouvions passer à côté de l’impact des nouvelles technologies sur la liberté d’expression. Nous vous proposerons également une interview de Jean-Paul Servais, président de la FSMA, à propos des enjeux financiers gravitant autour de nous. Enfin, notre vingt-et-unième numéro se clôturera par une dérision de notre détachée pédagogique sur le culte de la personnalité politique, symbole d’une idéologie.
C’est maintenant à vous de tourner la page… avant qu’elle ne le fasse à votre place. En vous souhaitant une bonne lecture,

l'impact
technologies des nouvelles sur la liberté d'expression

Au 21e siècle, le nombre de personnes utilisant les réseaux sociaux à travers le monde est constamment en croissance. En 2023, le nombre d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux a franchi la barre des cinq milliards d’individus, soit 62,3 % de la population mondiale. Depuis une vingtaine d’années, les réseaux sociaux ont acquis une place centrale au sein des différents usages, notamment au niveau de l’information et de la communication. Ce changement se manifeste par l’importance de la participation active des utilisateurs à la production, à la diffusion et au partage de contenus et par leur mise en relation sur ces plateformes numériques telles que Facebook, X, YouTube, Instagram ou TikTok –pour ne citer que les plus importantes. Mais quel est le rôle des plateformes numériques dans la diffusion de l’information, quels risques présentent-elles et quels défis doivent-elles affronter ?
PAR NICOLAS HEYNDERICKX
Réseaux sociaux comme espaces d’échanges publics
Boyd et Ellison, spécialistes dans l’étude des réseaux sociaux en ligne, définissent ceux-ci comme « des services Web permettant aux personnes de construire un profil (semi-)public dans le cadre d’un système délimité, d’articuler une liste d’autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations ainsi que de voir et de croiser leurs listes de relations et celles faites par d’autres à travers cette plateforme ». Il s’agit d’une communauté d’individus reliés entre eux, selon la plateforme, par des origines, des centres d’intérêts, des besoins ou des points de vue (proches ou similaires) sur un site web qui fédère ses utilisateurs et facilite leurs échanges de contenu. Les réseaux sociaux deviennent une véritable structure d’échanges, repoussant les frontières de notre espace public. Ils permettent à chacun d’exprimer son opinion et de relayer celle-ci en quelques instants à des centaines, des milliers ou des millions d’individus aux quatre coins du globe, même si ce degré de liberté varie d’un pays à l’autre. Au sein de l’Union européenne, cette liberté en ligne reste relativement bien protégée, comparativement à des pays comme la Chine ou la Russie où la liberté d’expression se retrouve régulièrement malmenée, censurée ou tout simplement interdite. Utilisés à bon escient, ils constituent de véritables instruments au service de l’épanouissement individuel.
Néanmoins, ces mêmes réseaux servent également de plateformes de diffusion massive pour des contenus toxiques : propagande terroriste, messages de haine, fake news, désinformation, cyberharcèlement et violation de la vie privée ; l’affaire Cambridge Analytica ayant été un des premiers révélateurs de cette face obscure des réseaux sociaux. Laisser les réseaux sociaux évoluer sans régulation risque de renforcer leurs aspects néfastes, transformant la liberté d’expression en vecteur néfaste si aucune balise n’est posée, il faut que les grandes plateformes numériques œuvrent pour le bien collectif, tout en maintenant un équilibre entre liberté d’expression et protection contre les abus.
Axes de fonction des réseaux sociaux

Source : Monziols M. Raviat O. & Lesueur J.-L. (2020).
si je me mettais aux réseaux sociaux : Se lancer et les utiliser, mode d'emploi, Eyrolles, p. 13.
Polarisation des opinions à l’ère des réseaux sociaux
Alors que la télévision demeure traditionnellement le principal vecteur d’information, l’utilisation des médias en ligne –particulièrement les réseaux sociaux – est en augmentation, surtout chez les utilisateurs les plus jeunes. Si cette nouvelle pratique questionne le modèle économique des médias traditionnels, la digitalisation de l’information engendre également une dégradation de la qualité des contenus médiatiques, privilégiant une production quantitative exacerbée permise par des coûts de diffusion extrêmement faibles. À l’inverse des médias traditionnels, les réseaux sociaux procèdent à une diffusion horizontale de l’information, le contenu médiatique étant créé par les utilisateurs, avec de faibles barrières à l’entrée.
Avec l’essor des réseaux sociaux, l’opinion, l’information sérieuse et la désinformation se retrouvent mélangées et gérées par les algorithmes. Autrefois produite par les rédactions journalistiques, l’information est désormais relayée par des créateurs de contenus et les utilisateurs des réseaux sociaux eux-mêmes. Au lieu de procéder à une démocratisation des espaces publics d’expression et à une délibération saine, les réseaux sont devenus un lieu de polarisation. Cette polarisation peut notamment s’expliquer par l’utilisation des algorithmes qui influencent les pensées et les choix des individus, notamment politiques, en créant des environnements homogènes et non-délibératifs. L’intelligence artificielle interprète les données externes, apprend et mobilise ces connaissances pour atteindre des objectifs spécifiques en utilisant des algorithmes précis qui définissent une séquence d’opération. Dans le contexte des réseaux sociaux, ces algorithmes peuvent cibler des individus pour les exposer à des contenus alignés sur leurs affiliations idéologiques, influençant ainsi leur expérience en ligne.
Modération, régulation et censure des contenus en ligne
Si « les atteintes à la liberté d’expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi », la pratique tend à démontrer un glissement opérationnel de la sphère judiciaire à la sphère administrative, emportant par la même occasion de nombreuses garanties pour les individus. En raison de son architecture particulière, qui implique l’anonymisation des propos et une somme d’informations extrêmement importante, les réseaux sociaux ne permettent pas une appréhension efficace des délits par les autorités d’application du droit. La menace d’entrave excessive de la liberté d’expression en ligne est donc réelle. Par ailleurs,
le développement des discours sécuritaires, s’inscrivant dans un contexte de crise européenne protéiforme, a conduit à une atteinte sans précédents aux libertés en ligne, si bien que la Freedom House a classé la France parmi les États où cette liberté a le plus reculé en 2015. L’aspect le plus visible s’incarne dans la prolifération d’instruments administratifs de blocage de contenus en ligne jugés inopportuns ou dangereux, glissant d’un traitement pénal vers un traitement administratif, amenuisant les garanties judiciaires pour les individus. Justifiée par des impératifs sécuritaires, la restriction de certains contenus porte atteinte frontalement à la liberté d’expression et à la séparation des pouvoirs.
Face à la désinformation, au contenu haineux ou au cyberharcèlement, la riposte des autorités publiques dans les pays membres de l’Union s’est matérialisée dans le développement d’un véritable arsenal législatif en matière de régulation des contenus sur Internet. Pourtant, ces textes de lois suscitent de virulentes critiques au niveau de la société civile, notamment à cause de fait que ces lois prévoient de transférer les pouvoirs de censure des États vers les géants du numérique, ces derniers se voyant conférer de nouvelles responsabilités qu’ils exercent souvent en tout opacité, dans le cadre de ces récentes régulations.
Au départ, les réseaux sociaux, marqués par l’idéologie du « libéralisme informationnel » et la conception millienne de la liberté d’expression – qui défend la libre circulation de l’information afin de ne pas limiter cette dernière –, se sont d’abord montrés sceptiques face à l’idée de réguler le contenu hébergé sur leur plateforme. Cependant, l’édiction de nouvelles règles leur a imposé de nouvelles contraintes en matière de modération de contenu.
Nouveaux défis pour la régulation des contenus
Cette réticence à la régulation a été mise à l’épreuve par plusieurs évènements marquants : telle l’affaire Cambridge Analytica, révélant l’exploitation des données des utilisateurs à des fins politiques, ou tel le laxisme de certaines plateformes face à la propagande extrémiste, poussant les États à exiger des régulations plus strictes. Les nouvelles législations, comme celles adoptées en France et en Allemagne, imposent aux plateformes de retirer rapidement les contenus illégaux signalés, sous peine de lourdes sanctions financières. Ces régulations ont conduit à une augmentation significative des efforts de modération par les plateformes, qui ont recruté davantage de modérateurs et recouru à l’IA. Cependant, ces systèmes automatisés posent de nombreux défis, notamment des risques de censure abusive et des difficultés à interpréter le contexte des discours. En exerçant une forme de censure

et en supprimant les contenus jugés inappropriés selon des standards opaques, les normes édictées par les GAFAM peuvent favoriser des groupes minoritaires actifs et radiaux, comme la culture woke, au détriment de la cohérence avec les lois démocratiques en matière de liberté d’expression. Par exemple, des publications peuvent être supprimées sans que les critères exacts de modération soient clairement notifiés. Ainsi, la censure, qu'elle soit exercée par l'État ou par les plateformes privées, a un impact significatif sur la société, limitant la diversité des opinions et entravant le débat public. L'autocensure, par laquelle les individus modifient ou retiennent leurs propos par peur de représailles, constitue une forme insidieuse de censure. Les régulations actuelles, bien qu'elles visent à protéger la sécurité nationale et à prévenir les abus, doivent trouver un équilibre pour ne pas étouffer la liberté d'expression et maintenir un espace pour le débat public libre et ouvert.
Les récentes législations apparues en Europe ont démontré le besoin pour les plateformes numériques que leur modèle économique nécessitait des modifications importantes pour perdurer. Cependant, la régulation seule ne suffit pas pour assurer leur intégrité et le respect de la liberté d’expression. Dès l’enfance, il faut apprendre aux élèves à utiliser les réseaux de manière responsable, avec un focus sur le développement du sens critique et du comportement réfléchi. Plus généralement, l’enseignement de la pensée critique doit s’étendre à l’ensemble de la population pour maitriser correctement l’environnement numérique. La supervision des réseaux sociaux repose sur la transparence et l’implication des différents pans de la société. Le régulateur doit favoriser
le dialogue entre les autorités publiques, les plateformes numériques, la justice, la société civile et les internautes pour mobiliser des solutions appropriées et adopter des stratégies efficaces pour gérer le contenu sur Internet tout en préservant la liberté d’expression.
Équilibre entre liberté d’expression et protection
L’influence des technologies sur la liberté d’expression engendre des enjeux complexes pour les droits de l’homme à travers cette sempiternelle tension entre la défense de la liberté d’expression, d’une part et la protection contre les abus, de l’autre. Les plateformes numériques, et plus particulièrement les réseaux sociaux, jouent un rôle central dans la diffusion de l’information. Si elles offrent un vaste espace de communication instantanée, elles demeurent en proie à la propagation de contenus néfastes.
Les régulations nationales et européennes, couplées aux politiques de modération des contenus en ligne, sont devenues indispensables pour maintenir un semblant d’équilibre. Toutefois, ces mesures, extrêmement critiquées et critiquables, doivent être judicieusement calibrées pour éviter une censure abusive qui entrave la diversité des opinions et le débat public. La protection des individus ne doit pas se faire au détriment de la liberté d’expression, reconnue comme droit fondamental dans nos sociétés démocratiques.

Nicolas Heynderickx
Membre de la FEL

DOSSIER L'IA : Le miroir de nos paradoxes
Imaginez un monde où chacune de nos interrogations trouve une réponse en un clic et où la créativité n’existe plus, laissant place à des prédictions algorithmiques. Un monde où les discours politiques sont rédigés par des robots et où les étudiants utilisent des logiciels pour écrire l’ensemble de leurs travaux. Ce monde n’est ni futuriste, ni dystopique : nous y vivons déjà.
L’intelligence artificielle s’est infiltrée dans notre quotidien encore plus rapidement que les smartphones : elle rédige, synthétise, anticipe et analyse sur absolument tous les sujets. Nous voulons plus d’efficacité, mais à quel prix ? Elle optimise les processus des marchés financiers, les rendant toujours plus performants mais aussi plus déshumanisés.
L’IA s’immisce dans l’univers du luxe, là où l’exclusivité et le savoir-faire sont rois. Un tel milieu prône l’authenticité, mais nous y laissons parfois l’IA créer à notre place... Derrière cette révolution se cache un coût énergétique colossal. Nous qui souhaitons un monde plus durable, pouvons-nous vraiment parler de progrès si cet outil révolutionnaire aggrave le problème ?
Dans la même lignée, l’esprit critique est valorisé dans le milieu scolaire, mais nous déléguons la pensée à des logiciels. Au risque de devenir spectateur de notre propre apprentissage, que restera-t-il bientôt de notre faculté à réfléchir par nous-mêmes ?
L’intelligence artificielle n’est que le miroir de nos paradoxes, reflétant nos aspirations et exacerbant nos contradictions. Toutes ces questions méritent une réponse car elles ont pour but de mettre en lumière ce que nous déciderons de faire de l’intelligence artificielle. Nos rédacteurs ont décidé d’en décrypter les multiples enjeux au travers du dossier central de ce Blue Line.
ARTIFICIELLE L'INTELLIGENCE

ARTIFICIELLE L'INTELLIGENCE
La nouvelle plaine de jeu de Wall Street

Le 6 novembre dernier, tandis que les Européens se réveillaient d’une longue nuit à attendre le résultat des élections américaines au dénouement très incertain, le Dow Jones, célèbre indice industriel de Wall Street, atteignait de nouveaux sommets. Ces performances records, poursuivies sur quatre semaines, furent dépassées à plusieurs reprises dans une série impressionnante de hausses successives. Cette performance, attribuée trop facilement à la réélection de Donald Trump, trouve ses origines en réalité dans des raisons principalement financières. Certes, les élites économiques du sud de Manhattan penchaient en faveur du candidat républicain, attirées par son programme économique de droite conservatrice. Mais c’est surtout un évènement clé, moins médiatisé, qui s’est déroulé deux jours plus tard, qui en est la cause. Le géant Nvidia a rejoint les 30 grandes entreprises qui composent l’indice, remplaçant Intel en perte de vitesse. Ce changement marque un tournant majeur dans l’évolution du Dow Jones et illustre l’ascension des entreprises les plus novatrices dans le domaine de l’intelligence artificielle. >>
PAR NICOLAS KOWALSKI
Les nouveaux champions de l’intelligence artificielle, comme Nvidia, TSMC, Vistra – dont les noms sont encore méconnus du grand public –, seraient-ils en passe de faire de l’ombre aux célèbres GAFAM ? Une chose est sûre, les géants de la finance comme BlackRock, Goldman Sachs et JP Morgan misent déjà pleinement sur la vague de l’intelligence artificielle dans leurs stratégies d’investissement. Désormais, l’IA est au centre des discussions sur toutes les grandes places boursières du globe. Ce n’est plus un secteur de niche ni une branche parmi d’autres à explorer, c’est la révolution industrielle et technologique de notre temps dont les répercussions économiques sont si vastes qu’elles restent encore difficiles à mesurer pleinement aujourd’hui. Selon moi, les GAFAM ont encore de très belles années devant elles en raison de leurs capitaux colossaux et leur capacité d’innovation presque illimitée. Le rachat massif des start-ups à prix d’or et l’émergence de leurs nouveaux outils comme Apple Intelligence, Microsoft Copilot, ainsi que le retour en force de Meta, témoignent de leur dynamisme et de leur capacité à toujours trouver de nouvelles sources de profit. Ces géants de la Silicon Valley continueront sans aucun doute à faire sonner la cloche de Wall Street pendant de nombreuses années. Par exemple, bien que le nombre de recherches sur Google soit en forte baisse face à l’émergence de nouveaux outils de recherche comme ChatGPT, cela n’a pas empêché la société mère, Alphabet, d’enregistrer d’excellents résultats au dernier trimestre. En effet, le géant de la tech continue d’innover et d’investir dans la recherche.
De plus, ce qui est le plus étonnant, c’est l’ampleur de cette transformation dans le monde de la finance. Il ne s’agit pas seulement de nouveaux choix d’investissements, c’est l’ensemble des structures et des méthodes qui sont bouleversées. Dans l’imaginaire collectif, largement popularisé par Hollywood, un banquier d’affaires se distingue par sa capacité à vendre n’importe quoi. Aujourd’hui, les salles de marché, bien plus calmes, sont le terrain de jeu des meilleurs mathématiciens et ingénieurs, reflet d’une finance désormais guidée par les algorithmes et les données. Quand autrefois, même le banquier devait se reposer et attendre l’ouverture de la salle des marchés pour passer un ordre, l’IA, elle, ne dort jamais. Petit à petit, les horaires de trading font place à du 24 h sur 24 h où des algorithmes spéculent, vendent et revendent des millions d’actions sans s’arrêter. On pensait que la crise de 2008 avait calmé l’appétit des loups de Wall Street,
mais c’est tout le contraire. Jamais la célèbre rue du taureau de bronze n’avait généré autant de bénéfices. En 2024, le S&P 500, l’indice boursier des 500 plus grandes entreprises américaines, a bondi de 25 %. Le NASDAQ, l’une des plus grandes places boursières au monde et entièrement électronique, est dominé par les géants de la technologie. Aux côtés du New York Stock Exchange, il enregistre chaque jour près de 260 milliards de dollars d’échanges, soit l’équivalent du PIB annuel du Portugal en seulement 24 heures. L’un des défis majeurs pour faire fonctionner ce monde parallèle de la démesure réside dans ses infrastructures. Les immenses data centers qui alimentent les places boursières et les IA en pleine activité nécessitent d’énormes quantités d’électricité et d’eau. Leur consommation atteint des niveaux astronomiques, et l’empreinte écologique est telle que, selon certains chercheurs, la consommation d’eau liée à l’intelligence artificielle pourrait égaler celle de tout le Danemark d’ici 2027. Par ailleurs, la quête de la vitesse des données, essentielle dans la course au profit, ne cesse de s’intensifier aussi. La Belgique a ainsi vendu son ancienne tour de transmission à Houtem à Jump Trading pour 5 millions d’euros, leur permettant de réduire de quelques millisecondes leurs transactions entre la City de Londres et Francfort. Une nouvelle preuve, s’il en fallait, de la déshumanisation d’une finance à toute allure que rien ne semble en mesure de ralentir.
Pour comprendre l’ascension de l’IA dans la finance, il faut d’abord analyser le rôle dominant des États-Unis. La suprématie américaine, manifeste dans tous les domaines, l’est encore davantage dans le secteur technologique où l’IA occupe désormais la position centrale. Tandis que la croissance économique américaine s’envole vers les 3 % pour un PIB de 27,4 trillions de dollars (27 400 milliards) en 2023, l’Allemagne, première puissance économique européenne, reste enlisée dans une stagnation, sans véritable perspective de redynamisation à long terme. Historiquement axée sur l’automobile et l’industrie du XXe siècle, l’Allemagne, comme le reste de l’Europe, a manqué le tournant du développement technologique. On entend généralement dire que « LES ÉTATS-UNIS INNOVENT, LA CHINE COPIE ET L’EUROPE RÉGULE »
« LES ÉTATS-UNIS INNOVENT, LA CHINE COPIE ET L’EUROPE RÉGULE. »
Une maxime qui n’a jamais été aussi pertinente. Alors que l’Europe peine à instaurer un marché commun des capitaux et se perd dans une multiplication de
réglementations, les États-Unis, eux, avancent à grande vitesse, consolidant leur position de leader incontesté dans la course à l’innovation. Toutefois, cette domination technologique repose sur des bases fragiles. La production de micro-processeurs, élément clé des IA et des technologies avancées, est largement délocalisée à Taïwan rendant les États-Unis vulnérables. Une éventuelle invasion chinoise ou un blocus de l’ile pourrait déclencher un effondrement des marchés financiers et une crise comparable à celle de 2008. Conscients de ce risque stratégique, les États-Unis ont entamé la relocalisation de cette production essentielle sur leur territoire mais ce processus est long et complexe. Une chose est sure, malgré les discours sur la montée en puissance de la Chine, les États-Unis semblent fermement décidés à maintenir leur avance. Dans cette course à l’innovation, ils pourraient une fois de plus prouver qu’ils sont les seuls à marcher sur la lune, symbole de leur capacité à atteindre des sommets inégalés, affirmant ainsi leur ambition de rester les pionniers et le leader incontesté sur la scène technologique mondiale.
Pourquoi la finance est-elle aux avant-postes de l’IA ? Parce que les marchés financiers portent souvent sur des réalités lointaines et abstraites, des biens et des produits que ses acteurs ne verront jamais de près. Aujourd’hui, dans ces tours de verre dominées par des hommes riches en costume-cravate, une grande partie des transactions échappe même à leur compréhension directe, ce sont des algorithmes et des IA qui analysent, achètent vendent et revendent à une vitesse et une échelle inaccessibles au cerveau humain. L’un des gros problèmes de cette déshumanisation de la finance sont les krachs éclairs et le trading fantôme. En 2010, dans une conjoncture économique maussade, de mauvaises manipulations ont fait chuter les cours en seulement quelques secondes avec heureusement des conséquences limitées sur le long terme. En 2024, avec des IA de plus en plus autonomes, le risque de cette prophétie autoréalisatrice pourrait entrainer une crise financière sans précédent. Une panique artificiellement déclenchée par des IA pourrait provoquer une panique sur les marchés, cette fois, bien réelle. Un faux mouvement serait aussitôt détecté, induisant des réactions en chaine
par d’autres IA concurrentes, ce qui pourrait déclencher un emballement généralisé.
En guise de conclusion, il faut comprendre que la finance a toujours été le moteur des transformations des relations humaines. Lorsque Pierre Minuit, un Tournaisien, acquit l’ile de Manhattan pour 60 florins et que des familles wallonnes établirent la « Waal Straat », la rue des Wallons de la Nouvelle-Amsterdam, ils étaient loin de se douter qu’ils donnaient naissance à la transaction immobilière la plus lucrative de toute l’histoire. Ils n’auraient jamais imaginé non plus que 400 ans plus tard, ce lieu deviendrait l’épicentre d’un système financier mondial capable de monétiser chaque interaction humaine. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle, comme la découverte du Nouveau Monde en son temps, ouvre un champ de possibilités inédit. Elle questionne ce que signifie être un humain et ce que nous représentons sur Terre. Dans cette dynamique, la finance se trouve naturellement au premier plan parce qu’elle exploite chaque faille ou opportunité nouvelle. Elle ne se contente jamais des acquis et est toujours dans une course effrénée pour exploiter la moindre source de profit. C’est le cœur de mon propos, LA FINANCE EST PIONNIÈRE DE LA COURSE À L’IA PARCE QU’ELLE EST ELLE-MÊME ARTIFICIELLE ET DÉPASSE LES CAPACITÉS DU RÉEL
LA FINANCE EST PIONNIÈRE DE LA COURSE À L’IA PARCE
QU’ELLE EST ARTIFICIELLEELLE-MÊME ET DÉPASSE LES CAPACITÉS DU RÉEL .
Ce monde de chiffres et d’algorithmes se reconnait dans l’IA parce qu’elle repose sur les mêmes bases, elles sont toutes deux ce que l’humain peut faire de plus avancé, de plus rapide, de plus performant non seulement parce qu’elle est toujours en quête d’innovation, mais aussi parce qu’elle est, tout comme l’intelligence artificielle, une construction humaine conçue pour servir l’humanité. Le plus grand défi aujourd’hui est que cette innovation et cette technologie soit réellement au service de tous et non pas au service des élites les plus riches.

Nicolas Kowalski Étudiant, CEL ULB

COMME L'IA MUSE

Un bouleversement dans l’industrie du luxe
EVA MOUASSI
« Tradition » et « innovation » apparaissent comme des antonymes, deux univers inconciliables que tout oppose. Et pourtant, l’intelligence artificielle (IA) casse peu à peu les intransigeants codes de la haute couture. Des algorithmes en mesure d’analyser les tendances aux ateliers des Maisons les plus prestigieuses jusqu’aux podiums des Fashion Weeks, la technologie bouleverse et redéfinit une industrie caractérisée par un savoir-faire artisanal. Peut-on imaginer un monde où le milieu de la mode serait dirigé par ChatGPT ? À l’heure où les plus grandes maisons de couture sont en perpétuel renouvellement créatif grâce aux innovations, l’IA est-elle une alliée ou menace-t-elle l’essence même du luxe ?
Des créations réinventées par la technologie
L’intelligence artificielle s’invite désormais comme un partenaire des designers pour révolutionner l’art de la mode. Des algorithmes comme Runway et DeepDream sont capables d’analyser des siècles de créations pour concevoir de nouveaux designs puisant leur essence dans l’histoire de la Maison pour laquelle ils sont programmés. De cette manière, l’avant-gardiste Iris van Herpen1 repousse les limites de l’imagination en fusionnant des méthodes artisanales et technologies de pointe. Entre ateliers classiques et techniques révolutionnaires telles que l’impression 3D et les logiciels avancés, cet ensemble lui permet de façonner des robes sculpturales d’une ingéniosité remarquable illustrant la manière dont l’IA étend le champ des possibles de cet univers sans renier l’empreinte humaine. >> 1 Iris van Herpen est une créatrice de mode néerlandaise, elle est à l’origine de la marque éponyme.
Cette convergence entre savoir-faire et innovation se manifeste également à travers des collaborations assez surprenantes, mettant en lumière des technologies nouvelles. Google et Levi’s ont, par exemple, conçu une veste de vélo connectée grâce à laquelle le cycliste la portant a la possibilité de changer de musique ou de répondre à un appel d’un simple mouvement de poignet tout en continuant de pédaler. Sur la même lancée, les semelles Digitsole contiennent des capteurs récoltant des données concernant l’état de santé de l’usager. Un tel processus permet d’identifier d’éventuels problèmes de santé de l’utilisateur en analysant l’activité musculaire, la vitesse et peut dès lors prévenir des risques de blessure.
L'IA en tant qu'outil d'analyse et d'anticipation
Au-delà de la création, l’IA s’installe comme une stratégie pour parvenir à décrypter les tendances et redéfinir l’expérience des clients afin de répondre aux exigences grandissantes de ces derniers. La Fashion Week de Paris intègre depuis peu des outils d’IA générative pour proposer des créations sur mesure alors que les créations assistées par Midjourney ou Stable Diffusion2 donnent la possibilité aux créateurs de faire naitre de nouveaux designs en un clic.
La startup française, Heuritech vient en aide aux marques pour leur permettre de prédire les tendances sur la base de données visuelles, en analysant des photos publiées sur les réseaux sociaux afin d’en faire ressortir les formes, coupes, couleurs et matières les plus en vogue et les partager à de nombreux designers. Ce qui permet de cibler les attentes de la clientèle en adaptant les collections en conséquence. Trendalytics permet également de collecter et d’analyser des données en rassemblant des milliers d’images afin de détecter les tendances et préférences des clients pour les futures saisons.
L’intelligence artificielle révolutionne l’expérience client. La réalité augmentée permet de banaliser les essayages virtuels, offrant la possibilité de visualiser plus concrètement une pièce sous toutes les coutures avant l’achat. LVMH a notamment réalisé un partenariat avec Epic Game3 pour créer plusieurs expériences virtuelles telles que des défilés de mode et essayages en ligne. Chez Louis Vuitton ce sont des chatbots dynamisés par l’IA qui assistent les clients au cours de leur processus d’achat tout en répondant à leurs interrogations.
L’utilisation de l’IA permet enfin d’optimiser la gestion des stocks. Hermès utilise des modèles anticipant les ruptures de stocks et diminuant les coûts liés aux pièces invendues. Cette gestion des chaines d’approvisionnement réduit les surstocks et favorise une production plus durable, dans une optique de transition écologique.
L'IA entre muse et menace pour la couture
Bien que l’IA générative suscite des réactions positives, de nombreuses inquiétudes s’élèvent concernant la perte d’humanité des créations et la crainte de compromettre l’authenticité phare du luxe. Même si cette technologie produit une quantité incalculable de motifs et designs en un temps record, elle ne saurait remplacer l’âme humaine qui imprègne chaque création. Elle ne peut que soutenir les créateurs au cours de leur processus créatif et n’a pas vocation à les remplacer.
Les collections assistées par IA, comme c’est le cas de la collection automne-hiver 2020-2021 de la célèbre marque Acne Studios en collaboration avec l’artiste Robbie Barrat, restent minoritaires dans l’industrie de la mode, permettant de conserver l’aspect humain ainsi qu’un savoir presque ancestral.
Les plus grandes Maisons considèrent davantage l’IA comme un outil expérimental plutôt que comme une démarche commerciale. Gucci s’en est servi pour des projets artistiques, la maison Valentino a de cette manière réalisé une vidéo de campagne pour la collection Alta Moda printemps-été 2021 et Lacoste s’est servi de l’IA générative pour créer des visuels mettant en scène les tout débuts de la marque en 1923 dans sa campagne « La folle histoire du crocodile ».
Toutefois, dans un univers où le luxe, et particulièrement sa singularité, rime avec exclusivité, l’automatisation à outrance menacerait l’essence-même du secteur. Les Maisons de mode les plus reconnues rejettent donc encore l’IA et autres algorithmes de manière générale. Le luxe étant lié à la rareté, conserver un savoir-faire traditionnel est crucial. Si la création des pièces se révélait aussi accessible, elles en perdraient de leur prestige.
2 Midjourney et Stable Diffusion sont des programmes de génération d’images numériques à partir d’une intelligence artificielle en analysant des mots clés.
3 Epic Game est une entreprise américaine développeuse et distributrice de jeux vidéo, notamment du jeu Fortnite.

L'équilibre délicat entre innovation et tradition
L’expansion de l’IA pose des questions juridiques capitales concernant la matière de la propriété intellectuelle, et plus précisément le droit d’auteur. Les marques ayant recours aux intelligences artificielles n’ont d’autre choix que de protéger leurs données et créations qui s’en suivent. Clarisse Reille4 recommande même « un outil totalement adapté à la marque, qui doit alors créer son système d’IA avec son propre dataset et univers reflétant son histoire. Cette base doit être sa propriété ». La frontière entre création originale et contrefaçon devient de plus en plus floue, la protection des créations et des innovations est essentielle.
L’impact sur l’emploi est une autre interrogation majeure. L’automatisation peut-elle avoir pour corollaire la réduction du rôle des artisans, voyant ainsi leur nombre diminuer au fil du temps ? Il est donc important de définir de quelle manière et à quelles étapes du processus créatif il convient d’intégrer l’IA générative. À l’inverse, l’intelligence artificielle pourrait aussi offrir de nouvelles perspectives facilitant les tâches et enrichissant les horizons créatifs. Des créatrices comme Iris van Herpen affirment qu’un équilibre est possible : sa collection « Architectonics » présentée à la Fashion Week Haute Couture de Paris en
juillet 2023 allie parfaitement tradition et innovation. Elle atteste avoir travaillé avec l’intelligence artificielle pour générer les environnements et l’architecture permettant de proposer une hybridation entre les humains et le monde aquatique. C’est de cette manière que la créatrice a marié l’IA à son sens créatif qui la caractérise si bien y incluant des références architecturales historiques permettant d’apporter une nouvelle dimension et d’imaginer un futur où la mode est un pont entre l’humain et la nature.
L'IA comme clé et non comme subtitut
L’IA offre de nouvelles perspectives mais ne doit jamais se substituer à l’humain. L’expérience client dans le luxe repose sur le souci du détail et les interactions personnalisées, des éléments que n’importe quelle innovation technologique, aussi avancée soit-elle, ne pourra jamais totalement remplacer.
Le luxe s’appuie sur un héritage, un savoir-faire ancestral soutenu par un puissant storytelling. L’intelligence artificielle ne doit pas effacer cette singularité si précieuse au secteur mais l’amplifier pour donner aux Maisons toutes les clés nécessaires afin de conjuguer artisanat et innovation tout en restant ancrées aussi bien dans leurs valeurs que dans l’ère du temps.

chef 4 Clarisse Reille est la directrice générale de l’IFTH et du DEFI. Ces acronymes désignent respectivement « l’Institut Français du Textile et de l’Habillement » et Défi désigne la plateforme de développement et de financement de la mode française, autrement dit il s’agit d’une structure clé dans le financement des entreprises.
Eva Mouassi
Rédactrice en

LA FACE CACHÉE DE L'IA
Quand l'innovation épuise nos ressources
PAR LARA ZENGINOGLU
En un simple clic, un univers d’informations se met à votre portée, tel un festin servi sur un plateau d’argent. Fini l’époque des recherches fastidieuses sur Google Scholar, où l’on arpentait des centaines de pages pour dénicher la citation idéale. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle accomplit ce travail à votre place transformant en profondeur notre manière d’accéder au savoir tout en préservant, lorsqu’on le souhaite, une touche d’humanité pour en sublimer les nuances. Cette technologie, qui a fait irruption de manière fracassante et s’est infiltrée dans chaque aspect de notre quotidien, nous interpelle néanmoins sur un point encore trop méconnu : quel est l’impact réel de l’IA sur notre environnement ? Alors que certains la considèrent comme l’outil indispensable pour accélérer la transition écologique, il convient d’examiner également l’empreinte écologique qu’elle engendre.
Nous avons tous, à un moment ou à un autre, entendu qu’il fallait supprimer les emails superflus pour réduire notre impact écologique, sans toujours en saisir la logique sous-jacente. Imaginez alors l’impact de votre assistant connecté ! Le 16 janvier 2024, lors du sommet de Davos, Sam Altman, fondateur d’OpenAI, déclarait : « Il est tout à fait juste de dire que l’IA va avoir besoin de beaucoup plus d’énergie », tout en reconnaissant ne pas savoir mesurer précisément ces besoins. À ce jour, l’intelligence artificielle n’apparait pas encore dans le bilan environnemental officiel, mais quelques chiffres retiennent notre attention. Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’IA représenterait environ 0,03 % de la consommation électrique mondiale et d’ici 2026, un surplus de 37 milliards de tonnes de CO2 pourrait lui être attribué.
Si les statistiques sont parlantes, les exemples concrets le sont encore davantage. Par exemple, poser une simple question à ChatGPT consommerait dix fois plus d’énergie qu’une recherche traditionnelle sur Google. Cet article n’a pas vocation à donner des leçons morales, il serait donc déplacé de prétendre qu’il est inutile d’utiliser ChatGPT quand Google existe, mais il vise à illustrer que l’impact environnemental de l’IA est un enjeu bien plus large et complexe qu’il n’y parait.
Le développement de l’intelligence artificielle requiert la mise en place d’une infrastructure colossale : de nouveaux terminaux, réseaux et centres de données, tous tributaires de métaux critiques. D’ici 2050, la demande pour ces matériaux pourrait être multipliée par trois à dix par rapport aux niveaux actuels. L’IA, fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sollicite d’immenses ressources, avec notamment une consommation accrue de cuivre, dont l’extraction se fait souvent dans des conditions sociales et environnementales préoccupantes. Par ailleurs, l’essor de l’IA se traduit également par une consommation d’eau considérable : jusqu’à présent plus de 700 000 litres d’eau ont été utilisés, tant pour refroidir les serveurs que pour produire une partie de l’électricité renouvelable qui les alimente, et d’ici 2027, la consommation pourrait s’élever entre 4,2 et 6,6 milliards de mètres cubes d’eau. Pour donner un ordre de grandeur, refroidir tout le système informatique correspond à peu près à 2 millions de piscines olympiques.
Les data centers, véritables piliers de cette révolution numérique, contribuent fortement à la pollution. Ils stockent et traitent l’immense flux d’informations qui permet aux modèles d’IA de fonctionner, mais au prix d’une empreinte écologique non négligeable. De plus, l’entrainement et l’amélioration continue de ces modèles

L’IA se présente donc comme une arme à double tranchant, offrant autant de risques que d’opportunités. La clé réside dans notre aptitude à exploiter son potentiel pour le bien commun, tout en maitrisant ses effets environnementaux indésirables.

génèrent une quantité de CO2 qui n’est pas anodine. Pour donner une valeur indicative, l’ensemble de ce processus émettrait autant de CO2 qu’un vol commercial reliant New York à San Francisco pour 300 passagers, ou encore l’équivalent des émissions produites par 4 voitures sur l’ensemble de leur cycle de vie, fabrication comprise, soit environ 284 tonnes de CO2. À titre d’exemple, le MIT Technology Review indique que la seule phase de préentrainement de GPT3 aurait généré l’équivalent de 626 000 kg de CO2 Pour mettre cela en perspective, c’est comme faire 71,9 tours du monde en voiture ou fabriquer 3 244 ordinateurs portables. Cependant, la phase d’usage se révèle encore plus énergivore : chaque jour, environ dix millions d’utilisateurs mobilisent pas moins de 564 MWh d’électricité.
Néanmoins, l’IA possède également un potentiel remarquable pour servir de levier à la transition écologique. Elle peut, par exemple, optimiser la gestion des transports, réduire les embouteillages et, par conséquent, diminuer les émissions de particules fines. À Melbourne, l’IA est déjà utilisée pour réduire la consommation énergétique des installations de pompage. De surcroit, elle offre la possibilité d’améliorer la performance et la durabilité des bâtiments, participant ainsi à une meilleure efficacité énergétique. De plus, l’émergence de nouvelles solutions d’IA telles que DeepSeek, l’intelligence artificielle chinoise destinée à rivaliser directement avec le marché américain, offre
une alternative prometteuse, moins gourmande en énergie.
Ainsi, la perspective « Green IA » ouvre la voie à des opportunités considérables tout en posant des défis de taille. Sa capacité à transformer des industries et à résoudre des problèmes complexes tels que le réchauffement climatique souligne l’importance de son intégration dans nos pratiques quotidiennes. Toutefois, il est impératif de ne pas occulter son revers : l’impact écologique lié à la consommation énergétique massive de ses infrastructures, alimente une pollution numérique significative. L’IA se présente donc comme une arme à double tranchant, offrant autant de risques que d’opportunités. La clé réside dans notre aptitude à exploiter son potentiel pour le bien commun, tout en maitrisant ses effets environnementaux indésirables.
Par ailleurs, l’empreinte carbone des technologies d’IA demeure encore largement en marge des réglementations strictes sur leur consommation énergétique. Cette situation s’explique par la relative nouveauté de ces technologies et par la difficulté de quantifier précisément l’impact de chaque modèle. Pourtant, force est de constater que leur empreinte environnementale est bien tangible. En effet, l’ensemble du secteur numérique des data centers aux appareils connectés représenterait entre 3 et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Je pourrais vous inonder de chiffres, mais restons optimistes : chaque défi recèle une solution, à condition de savoir l’exploiter. Comment rendre l’IA plus verte ? De nombreux géants du secteur s’engagent dans la quête de la neutralité carbone pour leurs centres de données. Il est également crucial de réduire l’impact environnemental en optimisant les algorithmes pour que les modèles deviennent plus légers et moins gourmands en ressources de calcul. En privilégiant l’efficacité et la sobriété énergétique, et en sensibilisant à un usage réfléchi de l’IA, nous pourrons transformer cette technologie en un véritable moteur de la transition écologique. Selon le Capgemini Research Institute, l’IA pourrait par exemple contribuer à une diminution de 16 % des émissions de gaz à effet de serre au cours des cinq prochaines années. De plus, des initiatives récentes plaident en faveur d’un encadrement réglementaire plus strict, afin d’intégrer l’empreinte environnementale dans le coût global du numérique.
Alors chers lecteurs, il est certain que l’IA ne sauvera pas le monde à elle seule, et nous non plus. Pourtant son développement nous met face à un nouveau défi : celui d’en faire un outil au service du progrès sans sacrifier nos ressources ni compromettre l’avenir. Ne perdons pas de vue l’essentiel : innover, oui, mais jamais à n’importe quel prix.

À L'ÈRE DE L'IA ÉTUDIER
Progrès ou paresse intellectuelle ?

L’éducation supérieure traverse une transformation majeure avec l’essor de l’intelligence artificielle générative (IAG) dans les salles de classe.
Des outils comme ChatGPT, Midjourney et DALL·E offrent aux étudiants la promesse d’une gestion simplifiée des tâches, d’une accélération de l’apprentissage, et d’une libération de temps précieux (UNESCO, 2024).
Toutefois, cette avancée soulève un questionnement essentiel : l’IA estelle un moteur de progrès ou un facteur d’anesthésie intellectuelle ?
Est-ce que ces outils nous aident véritablement à nous émanciper, ou risquent-ils de réduire notre capacité de réflexion et d’autonomie ?

Les étudiants sont de plus en plus nombreux à adopter ces technologies comme des alliées de leur quotidien universitaire. Selon une étude de la FNEGE, 58 % des étudiants considèrent l’IA comme un « coach personnel », les soulageant de nombreuses tâches répétitives et leur permettant de se concentrer sur des enjeux plus stratégiques de leur parcours académique (Goudey et al., 2024).
Une adoption massive : une révolution de l’apprentissage
L’usage généralisé de l’IA dans les études supérieures annonce une véritable révolution. Elle permet de déléguer des tâches administratives et récurrentes tout en offrant des solutions pour structurer la pensée, accélérer l’analyse et organiser le travail. Il s’avère que 65 % des étudiants l’utilisent pour collecter et organiser des informations complexes, une fonctionnalité qui leur permet de se concentrer sur l’essentiel : la réflexion. L’IA devient ainsi un outil facilitant la gestion du temps, avec la possibilité d’approfondir les sujets sans être accablé par les tâches techniques.
L’IA est aussi un moteur de créativité. Près de la moitié des étudiants (48 %) la considèrent comme une source d’inspiration qui ouvre des perspectives nouvelles et les pousse à innover. Elle devient un point de départ pour des idées fraiches, un tremplin qui libère l’imagination des contraintes académiques habituelles. De plus, 46 % des étudiants l’utilisent comme un « tuteur virtuel » qui permet de revoir les concepts étudiés à tout moment, renforçant ainsi la compréhension de leur matière. Mais, à un moment donné, il faut se poser la question : jusqu’où cet accompagnement peut-il aller avant de risquer de nous rendre dépendants ?
Les dangers de la dépendance : un affaiblissement de la pensée critique
Bien que l’IA offre de nombreux avantages, elle comporte aussi des risques non négligeables, surtout si elle est utilisée de manière excessive. Il devient difficile de nier les effets d’une uniformisation des idées. L’IA, en reformulant des concepts existants, risque de réduire la diversité des pensées et de faire disparaitre des perspectives uniques et personnelles. De plus, un nombre alarmant d’étudiants (20 %) admettent recopier intégralement les réponses générées par l’IA sans effort de révision ou de personnalisation. Ce phénomène tend à effacer la frontière entre ce qui relève de l’apprentissage et ce qui est une simple restitution de données, laissant de côté l’effort de réflexion.
L’usage abusif de l’IA peut également entrainer une perte de compétences analytiques et une paresse intellectuelle. Trop s’appuyer sur cette technologie, c’est risquer de ne plus
savoir structurer des pensées complexes ni approfondir des problématiques sur la base de connaissances personnelles. L’assistance excessive peut aussi entrainer des comportements problématiques sur le plan éthique, comme le plagiat, ou diluer le sens même de l’effort académique (Condroyer, 2024).
Le rôle des professeurs et de l’enseignement supérieur
Il ne fait aucun doute que l’IA fait désormais partie intégrante du quotidien des étudiants. Les enseignants et les institutions doivent en prendre conscience et l’intégrer dans leur pédagogie de manière responsable. Plutôt que de diaboliser cette technologie, les professeurs doivent former les étudiants à son usage critique. Ils doivent enseigner l’art de questionner, de déconstruire et de remettre en perspective les contenus fournis par ces outils. L’enseignement doit encourager la réflexion personnelle, la créativité et l’autonomie, tout en s’assurant que les étudiants utilisent l’IA dans l’optique d’améliorer leur compréhension et non comme un substitut à la réflexion.
Les universités ont un rôle clé à jouer en encadrant l’utilisation de l’IA, en mettant en place des normes claires pour éviter les abus, tout en valorisant les compétences humaines irremplaçables. Ignorer ces outils serait une erreur, mais en faire une habitude sans réflexion critique serait tout aussi nuisible. Des dispositifs comme Compilatio sont des solutions pratiques pour détecter les usages frauduleux, mais ils ne suffisent pas à eux seuls. Le véritable enjeu réside dans l’éducation à une utilisation éclairée et responsable de ces outils.
Les travaux académiques : une espèce en voie de disparition ?
L’essor de l’IA remet en question la manière dont les étudiants réalisent leurs travaux académiques, qu’il s’agisse de rapports, de travaux de groupe, de présentations ou encore de mémoires. Ces exercices visent à évaluer leur capacité d’analyse et leur réflexion critique, mais lorsque l’IA permet de générer des plans, de synthétiser des sources et de rédiger des conclusions en quelques secondes, comment garantir que l’étudiant a réellement construit son raisonnement ?
Le mémoire, en particulier, illustre bien cette problématique. Longtemps considéré comme un aboutissement universitaire, il exige rigueur méthodologique et réflexion personnelle. Or, avec l’IA capable de produire des chapitres entiers, l’authenticité du travail est menacée, rendant plus difficile l’évaluation
des compétences réelles. Pour y remédier, il est essentiel de diversifier les méthodes d’évaluation et d’encourager des approches plus interactives et appliquées.
Les épreuves orales et les débats permettent de vérifier la compréhension et la maitrise d’un sujet en demandant aux étudiants d’expliquer et de défendre leurs analyses. Les études de cas et mises en situation testent leur capacité à appliquer leurs connaissances à des problématiques concrètes. Enfin, les journaux de bord et retours réflexifs offrent un moyen d’évaluer le raisonnement individuel plutôt que la simple restitution d’un contenu généré.
L’objectif n’est pas d’interdire l’IA, mais de garantir qu’elle reste un outil de soutien et non un substitut à la réflexion. En intégrant des évaluations plus dynamiques et axées sur l’esprit critique, l’université peut continuer à former des étudiants autonomes et capables de penser par eux-mêmes.
Entre assistant et substitut : quel équilibre adopter ?
Plutôt que de freiner l’IA, l’enjeu est de l’encadrer intelligemment. En tant qu’étudiants libéraux, nous défendons l’innovation et la responsabilisation individuelle, mais refusons toute forme d’assistanat qui affaiblirait l’autonomie intellectuelle. L’IA doit être un outil de stimulation, non un substitut à l’effort de réflexion.
L’essence de l’apprentissage repose sur l’analyse critique et la capacité à questionner, vérifier et approfondir. Plutôt que d’interdire ces outils, il faut former les étudiants à les utiliser avec discernement : croiser les sources, confronter les idées et développer un raisonnement personnel. Il ne s’agit pas de dépendre de l’IA, mais d’en faire un levier pour affiner nos compétences et renforcer notre indépendance intellectuelle (Mollick, 2024).
L’intelligence véritable ne réside pas dans l’exécution passive, mais dans l’esprit critique. À nous d’adopter une approche qui valorise l’initiative et la réflexion, sans céder à la facilité d’une délégation aveugle.
IA générative : assistant des étudiants ou créateur d’étudiants assistés ?
À vous de trancher !

Charlotte Georges Étudiante, CEL Namur
D’AUTRES FENÊTRES…
PAR LA FÉDÉRATION DES ÉTUDIANTS LIBÉRAUX
L’intelligence artificielle, ce phénomène qui redéfinit nos vies et des secteurs tout entiers, est plus présente que jamais. Comment s’orienter dans une ère numérique où l’IA poursuit une ascension foudroyante ? Notre sélection d’œuvres s’étalant des films aux logiciels met en évidence les multiples facettes de cette révolution. Entre anticipation, dilemmes éthiques et avancées technologiques, ces fenêtres offrent une immersion captivante, bousculent les certitudes et poussent à la réflexion sur un futur déjà là !
SÉRIE
Person of Interest
de Jonathan Nolan, 5 saisons, 2011-2016.
Nous suivons Harold Finch, le créateur d’une intelligence artificielle conçue pour la surveillance de masse capable de prédire les actes terroristes à venir en s’appuyant sur une solide base de données. Cette classification des informations en « menaces de hauts profils » et « faibles profils » permet à Finch et John Reese de prévenir des crimes avant leur survenance.
Cette série illustre l’exemple parfait de l’impact des IA sur la société en explorant des dilemmes éthiques liés à son utilisation dans la surveillance, la prise de décision et les choix algorithmiques.


FILM
Mr. Nobody de Jaco Van Dormael, 2009.
Mr. Nobody est un film retraçant l’histoire de Nemo Nobody, dernier humain mortel sur une Terre où l’immortalité est devenue possible. À travers ce film, Nemo se remémore différentes vies qu’il aurait pu mener selon ses choix passés effectués tout au long de son existence. Cette œuvre cinématographique explore des réalités alternatives et illustre cette infinité des possibles coexistant simultanément dans un instant précédant une décision, un concept similaire aux simulations prédictives des IA.
Une œuvre magistrale dont le thème de l’immortalité s’inscrit dans les débats transhumanistes où l’intelligence artificielle repousse les limites de la vie humaine.
IA
Language Tool
Outil d’intelligence artificielle indispensable pour les étudiants, Language Tool permet de corriger les fautes de grammaire et d’orthographe dans différentes langues. Ce logiciel permet d’améliorer la clarté et la fluidité des textes et propose également des reformulations de phrases. Entre gain de temps et optimisation de la qualité de travail, il aide les étudiants dans leurs tâches aussi bien académiques que professionnelles.

RÉCOMPENSE

1984 de George Orwell, 1949.
Winston Smith évolue au sein d’un régime totalitaire, où chacun est soumis à la surveillance du Parti et de son chef, Big Brother, notamment par l’intermédiaire de télécrans. Le protagoniste principal travaille au Ministère de la Vérité et a pour tâche de modifier les archives historiques afin qu’elles correspondent à la version officielle du passé relatée par le Parti. Il tente de se rebeller, mais découvre peu à peu que le contrôle du Parti est bien plus insidieux que ce qu’il croyait savoir. Ce roman anticipe les dangers de surveillance et de manipulation de l’information. Dans notre ère où l’IA permet une surveillance algorithmique massive, la désinformation via des deepfakes (IA générative) et un contrôle algorithmique des opinions à travers les réseaux sociaux, les dérives mises en lumière par Orwell sont renforcées.
Prix Turing ou ACM Turing Award
En hommage au fondateur de l’ordinateur Alan Turing et remis pour la première fois en 1966, le prix Turing est une distinction décernée annuellement par l’Association for Computing Machinery (ACM) pour récompenser une personne de ses contributions majeures en informatique. Il est parfois même considéré comme le prix Nobel de l’informatique !
Cette récompense a été décernée à maintes reprises pour des avancées marquantes dans le domaine de l’IA, notamment en 1969, 1994 ou encore en 2011.



LES ENJEUX FINANCIERS À LA LOUPE
DISCUSSION OUVERTE AVEC
Jean-Paul Servais
par la Fédération des Étudiants Libéraux
QUI EST JEAN-PAUL SERVAIS ?
Titulaire de deux diplômes universitaires, l’un en droit obtenu à l’ULB et l’autre en économie à la VUB, JeanPaul Servais a effectué ses études dans les trois langues : français, néerlandais et anglais. Il débute sa carrière en tant qu’assistant et enseignant universitaire en Faculté de droit et à la Faculté des sciences économiques. À la fin des années 1980, il réalise un stage au service juridique de la Commission européenne du temps de la présidence de Jacques Delors et à une période charnière marquée, entre autres, par l’essor de l’idéal européen et la mise en œuvre des premiers pas du marché intérieur européen. Comme stagiaire européen, il est également sélectionné pour effectuer un séjour professionnel au Japon, avant d’effectuer son service militaire et d’entrer ensuite dans un Big Four où il travaille dans le contrôle (l’audit) des comptes de différentes entreprises de toute taille. Il réussit ensuite les examens pour intégrer la Commission bancaire et financière. En 1999, il devient chef de cabinet adjoint puis chef de cabinet de Didier Reynders, alors ministre des Finances. En 2003, il est nommé viceprésident de la CBFA qui deviendra par la suite la FSMA (Financial Services and Markets Authority), puis accède à la présidence en 2007, poste qu’il occupe toujours aujourd’hui, après plusieurs réélections et tout en assumant des responsabilités internationales.
En 2013, il lance Wikifin, le programme d’éducation financière développé par la FSMA pour répondre à une demande croissante du public. À la tête d’une organisation de presque 400 collaborateurs, il apprécie la diversité des missions, qui englobent notamment des dossiers sur les OPA, la détection, la prévention et la lutte contre le cas de fraude financière, les délits d’initié, le contrôle de la qualité de l’information financière des sociétés cotées, des fonds de pension, des règles de conduite applicables aux banquiers et aux assureurs…
En 2022, il devient également le président de l’IOSCO (International Organization of Securities Commissions), une organisation internationale qui regroupe plus de 130 autorités nationales qui sont en charge au niveau national du contrôle de près de 95 % du secteur financier mondial.
Bonjour Monsieur Servais, en tant que président de la FSMA, pouvez-vous expliquer à ceux qui ne sont pas familiers avec cet organisme en quoi il consiste et quel est son rôle ?
La FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers, avec la Banque nationale de Belgique, sont les deux autorités du contrôle du secteur financier. Nous avons plusieurs types de missions et compétences comme le contrôle des banques, des entreprises d’assurance, des sociétés cotées en bourse et la supervision de la Bourse de Bruxelles, qui fait partie d’un groupe transfrontalier qui s’appelle Euronext. Nous sommes également en charge du contrôle prudentiel et social des fonds de pension, le deuxième pilier complémentaire à la pension légale. Et nous sommes la seule autorité belge à contrôler notamment les courtiers en assurances, les agents bancaires et les plateformes de crowdfunding
Ce qui rassemble toutes ces missions de contrôle, c’est notre ADN. Et notre ADN, c’est la protection des consommateurs financiers. La Banque nationale, elle, s’occupe de l’analyse de la solidité d’une banque ou d’une entreprise d’assurance : est-ce qu’elle a suffisamment de moyens pour continuer à vivre ? Est-ce qu’elle a la liquidité suffisante pour faire face à des chocs sur les marchés financiers ? Tandis que nous, nous nous chargeons de la protection des clients des banques, des assureurs et nous vérifions que le dialogue entre une banque, un assureur et leurs clients soit équilibré. C’est ce qu’on appelle les règles de conduite MiFID (Markets in Financial Instruments Directive). Par exemple, lorsque vous allez dans une banque ou chez un assureur, ils doivent vous proposer des produits financiers adaptés à votre profil : Est-ce que vous êtes quelqu’un qui connait un petit peu les rouages de la finance ? Est-ce que vous avez des connaissances financières ? Quel est votre patrimoine ? Quels sont vos horizons de placements ?
Évidemment, tout cela implique aussi de parler d’éducation financière. C’est pourquoi, en 2020, nous avons lancé un projet ambitieux : le Wikifin Lab, qui accueille chaque année des milliers d’élèves du secondaire pour leur enseigner l’éducation financière. Au niveau mondial, nous sommes l’une des très rares autorités de contrôle à faire cela.



QU’EST-CE QUE LE WIKIFIN LAB ?
Le Wikifin Lab est un centre d’éducation financière interactif et numérique mis en place par la FSMA en Belgique et destiné aux élèves de l’enseignement secondaire. Le concept général du projet repose sur un parcours digital en groupe, souvent avec un professeur et sa classe, pour développer des réflexes en gestion financière.
Le parcours comprend aussi un « Mur des savoirs » qui utilise des objets insolites pour illustrer des notions financières. Par exemple, un cochon flottant avec une bouée dans une mer agitée symbolise le système européen de protection des dépôts bancaires ; une machine à sous explique les fraudes, Barbie sensibilise au surendettement, tandis qu’une tulipe rappelle la première crise financière moderne (en l’occurrence au XVIIe siècle aux Pays-Bas).
L’objectif est d’aider les jeunes à identifier les informations dont ils ont besoin en matière de finances. À l’image de la célèbre expression de Socrate : « Connais-toi toi-même », l’adolescent est invité à réaliser qui il est en matière financière et de quels conseils il a besoin.
Aujourd’hui, les jeunes deviennent des consommateurs dès 14 ou 15 ans grâce à leur mobile. Cela les expose à des dépenses ou des offres d’investissements alors qu’ils n’ont pas encore nécessairement les outils pour se poser les bonnes questions : « En ai-je vraiment besoin ? », « Ai-je un budget pour cela ? », « Comment planifier mes dépenses ? ». Ces enjeux sont au cœur des missions d’éducation financière que la FSMA aborde à travers le Wikifin Lab.
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Vous avez mentionné votre rôle en tant qu’autorité de contrôle en Belgique, vous êtes aussi président de l’IOSCO, une organisation internationale, qu’est-ce que cela implique ?
La FSMA est une autorité de contrôle, ce qu’on appelle un régulateur. Nous intervenons donc en quelque sorte comme des flics. J’ai l’habitude de dire que Pierre Wunsch, le Gouverneur de la Banque nationale, et moi, nous formons un duo de Good Cop, Bad Cop comme dans les séries américaines. Je suis celui qui défend les intérêts des consommateurs, ce qui n’est pas toujours populaire auprès des banquiers ou des assureurs. C’est moi le Bad Cop et je suis fier de l’être.
En tant qu’autorité de contrôle, nous avons des pouvoirs pour imposer des sanctions aux entreprises. Nous intervenons aussi pour vérifier les qualités des responsables de certaines institutions financières : Estce que ces personnes ont suffisamment d’expérience ?
Est-ce qu’elles sont intègres pour pouvoir être à la tête d’une banque ?
Quant à l’IOSCO, c’est l’Organisation mondiale qui regroupe les autorités de contrôle financier de 130 juridictions, comme la FSMA en Belgique, la SEC (Securities and Exchange Commission) aux États-Unis ou l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) en France, etc. Ensemble, ces autorités supervisent 95 % du secteur financier mondial. L’IOSCO est l’organisation mondiale qui rassemble toutes ces autorités de contrôle et qui propose un certain nombre d’initiatives, de standards qui peuvent être par la suite adoptés au niveau national. Et c’est ce qu’on a fait en matière de finance durable.
Pour devenir président de l’IOSCO, il faut être à la tête d’une autorité de contrôle nationale, comme la FSMA, et être élu par les membres. Je suis président de la FSMA depuis 2007 et ai été élu président (non rémunéré) de l’IOSCO en 2022. Je suis fier d’être le premier Belge à occuper ce poste, car cela reflète le travail remarquable de mes collaboratrices et collaborateurs. Ce rôle
m’amène souvent à l’étranger pour promouvoir les initiatives de l’organisation, qui a son siège à Madrid.
Vous parlez de solutions en matière de régulation financière. Ces solutions sont-elles obligatoires ou chaque État peut-il décider de les appliquer ou non ?
Nous n’avons pas la capacité de rendre nos propositions obligatoires, car je n’ai pas de légitimité politique. Quand j’interviens comme président de l’IOSCO ou comme président de la FSMA, je ne représente pas la Belgique, mais une autorité administrative. Notre but est de développer ce qu’on appelle en anglais les best practices, d’établir des standards.
Ceci dit, le fait que l’IOSCO parvienne à trouver un consensus entre des contrôleurs, supervisant 95 % du secteur financier mondial, est un fantastique levier pour promouvoir ces pratiques. D’autant plus que nos standards sont utilisés par la Banque mondiale et le FMI (Fonds monétaire international) quand ils évaluent chaque année des pays comme la Belgique.
Le FMI fait différents types d’inspection chaque année, par exemple en Belgique, pour donner un avis sur l’état des finances publiques, pour analyser les risques et les opportunités. Et puis, ils viennent tous les cinq ans pour une mission approfondie appelée FSAP (Financial Sector Assessment Program) et ils utilisent nos standards pour la bourse, la protection des consommateurs, les investissements dans des Sicav, etc. Lorsque des normes sont approuvées par l’IOSCO, cela renforce la crédibilité du pays, parce que le gouvernement peut dire : « Regardez, ma législation relative au secteur financier est en ligne avec les attentes de l’IOSCO qui représente quasiment toutes les autorités de contrôle du secteur financier. » La qualité et l’équilibre de nos normes sont donc importantes. Nous avons l’ambition de promouvoir la protection des consommateurs, la transparence des marchés, mais aussi l’innovation dans le secteur financier.
Évoquons à présent un sujet très en vogue : la crypto-monnaie. La capitalisation actuelle de la crypto-monnaie atteint 3 250 milliards de dollars. Sur l’échelle de la finance mondiale, ce n’est pas énorme, mais cela représente tout de même une augmentation de 120 % par rapport à l’année dernière. Quelle est la position de la FSMA sur la crypto-monnaie, sachant qu’elle est un régulateur et que la crypto-monnaie est justement connue pour être peu régulée ?
La crypto-monnaie est à la fois réglementée et n’est pas réglementée, en ce sens qu’au niveau européen, un nouveau règlement appelé MiCA (Markets in CryptoAssets) vient d’être adopté. Ce n’est pas le premier du genre, mais il permet de lancer le débat en termes régulatoires et de poser les jalons d’un contrôle des crypto-actifs. Personnellement, je n’utilise jamais le terme « crypto-monnaie », parce que ce n’est pas une monnaie, elle n’a pas de cours légal. Vous ne pouvez pas l’utiliser en l’imposant à un commerçant. Je préfère employer le mot « crypto-actif ».
Il est essentiel d’avoir un regard critique, au sens scientifique du terme, sur les cryptos. Nous n’avons rien contre ces actifs. Ils ne sont pas interdits. Mais sachez que ce type d’investissement est à vos risques et périls. Tout ce qui dégage des rendements beaucoup plus importants que ce que propose le marché peut potentiellement être plus dangereux. On a lancé des tas de campagnes làdessus. Quand c’est « trop beau pour être vrai », quand on vous propose un rendement qui est complètement exubérant, c’est que les risques sont élevés. Tout le monde ayant un minimum de connaissances en finance sait qu’il n’y a pas de miracle dans ce domaine.
Le challenge avec certaines cryptos réside dans leur lien avec l’économie réelle. Vous évoquiez une évolution récente, mais en réalité, ce qui influence la valeur des cryptos, ce sont avant tout des événements géopolitiques ou des annonces de nouvelles perspectives dans certains pays, qui provoquent un engouement. Souvent, ce qui déclenche une hausse ou une baisse de la valeur d’un crypto-actif est sans lien direct avec l’actif en tant que tel. C’est simplement le résultat de liens très diffus, de spéculations ou de problèmes de calculs sous-jacents. Et ce n’est pas parce qu’il y a une augmentation subite de la valeur d’un crypto-actif que cela dégage forcément plus de richesse. Raison pour laquelle, il faut être très prudent. Raison pour laquelle, notamment en Europe, des mesures ont été prises pour encadrer ce secteur.
J’étais déjà président de l’IOSCO pendant la chute vertigineuse de tous les crypto-actifs. C’était ce qu’on
appelait « l’Hiver Crypto ». Il y a eu quelques scandales dans un certain nombre de pays et des accidents dans ces intempéries. Nous avons alors développé une boite à outils pour aider à contrôler les plateformes transfrontalières qui gèrent la vente et l’achat des crypto-actifs. Parce que par définition, les acteurs avec lesquels vous traitez sont très rarement en Belgique, vous parlez à quelqu’un qui vous propose d’investir à travers sa plateforme et qui est située au nord ou au sud de l’Europe, ou même sur un autre continent. Ce qui veut dire que quand il y a une fraude, l’investissement est beaucoup plus difficile à récupérer. Notre métier consiste aussi à émettre des avertissements.
Les crypto-actifs subissent des variations féroces dans un sens positif, comme négatif. Parfois, ces actifs sont perçus de la même manière qu’un jeu au casino ou un pari footballistique. Et chacun peut avoir des appréciations différentes à ce sujet. C’est pourquoi nous avons pris des initiatives au niveau des organismes de supervision. Il s’agit de gérer des enjeux, des risques, des opportunités au plus haut niveau, c’est-à-dire au niveau mondial. Depuis que nous avons développé cet outil de contrôle transfrontalier de ces plateformes, nous voyons de plus en plus de juridictions, de pays qui l’utilisent. Le FMI l’a aussi adopté pour tester la résilience du secteur financier.
Aujourd’hui, en matière de crypto, ça va mieux pour un certain nombre de raisons surtout liées, je crois, à des enjeux géopolitiques. On verra comment ça se passe. Cependant, avoir ce genre d’outils permet de mieux contrôler ces plateformes. Par exemple, ce qui peut sembler évident pour le contrôle d’un opérateur boursier, comme la prévention des conflits d’intérêts dans le chef de l’opérateur, la séparation des actifs des clients de ceux du gestionnaire, était souvent ignoré dans le secteur des crypto-actifs. Ces principes, que nous appliquons maintenant aux plateformes de cryptomonnaies, se sont avérés cruciaux après plusieurs faillites et fraudes, où des investisseurs ont perdu leurs fonds en raison notamment de l’absence de cette ségrégation entre différents types d’actifs.
En fait, nous appliquons des principes déjà bien connus par d’autres acteurs financiers aux plateformes de crypto. Le challenge pour nous, c’est de pourvoir joindre et communiquer notre message aux gestionnaires parce que les personnes qui développent ces plateformes ne savent souvent pas ce qu’est une autorité de contrôle et n’ont pas le réflexe d’aller tester leurs idées. Dans la plupart des pays, il n’existe pas encore de régulation. Il faut donc pouvoir capter l’attention de ces entrepreneurs qui sont en plus et souvent des fast movers, qui >>
développent des projets et les revendent ensuite une fois que ça marche bien. Et c’est pour ça que gérer cette problématique au niveau mondial, nous permet d’être beaucoup plus efficaces.
Vous avez pointé des entreprises qui ne sont pas nécessairement reconnues par la FSMA et qui se retrouvent un peu partout dans le monde, par exemple dans le nord ou le sud de l’Europe. Prenons Revolut, qui est une néo-banque basée en Lituanie, n’est-elle pas reconnue dans la région nord ?
Elle est sous la supervision de ce qu’on appelle le SSM (Single Supervisory Mechanism), qui est intégré à la Banque centrale européenne à Francfort. Les pays baltes, comme l’Estonie ou la Lituanie, font partie de l’Union européenne et de la zone euro. Certaines banques de ces régions relèvent du SSM, et non des autorités belges, mais elles bénéficient d’un passeport européen pour proposer leurs services.
Je sais qu’un certain nombre de ces comptes sont très populaires chez les jeunes Belges. Cependant, il faut bien comprendre que ces banques sont contrôlées par d’autres autorités. Même si les règles sont souvent les mêmes, elles peuvent varier car les marchés et les habitudes des consommateurs peuvent différer dans une certaine mesure au sein de l’Union européenne et de la zone euro. Mon conseil est le suivant : chaque fois que vous êtes en contact avec une entreprise bancaire, d’assurance ou un intermédiaire financier, vérifiez son agrément. Tapez son nom sur le site de la FSMA (Autorité des services et marchés financiers) et de la Banque Nationale de Belgique et vérifiez si cette entreprise a un agrément officiel. Cela peut paraitre un peu stupide, mais je suis toujours étonné de voir qu’un certain nombre de personnes tombent dans des fraudes parce qu’il n’y a pas eu de vérification. Et si malgré votre réflexe, vous n’êtes pas sûrs de votre réponse, envoyez-nous un email, contactez les organismes de protection des consommateurs qui peuvent vous donner des réponses. Ça fait aussi partie de nos métiers de contrôle d’être utiles à toutes les personnes qui nous appellent. Donc de grâce, challengez l’information. Vous faites partie d’une génération qui est née avec l’Internet, utilisez-le de manière critique.
Merci beaucoup pour ce conseil. Passons à un tout autre sujet : la finance durable et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ou normes ESG) sont de plus en plus évoqués au sein des entreprises, et les organismes comme la FSMA et l’IOSCO jouent un rôle dans leur intégration. Pouvez-vous nous dire quels en sont les enjeux ?
Tout d’abord, la finance durable est une véritable passion pour moi dans ma vie de contrôleur. Même si je ne suis pas ce qu’on appelle un client mais un régulateur financier, je considère essentiel d’être utile au développement de la finance durable et c’est ce que je fais au quotidien.
Pourquoi cette passion ? Elle découle d’un point de départ assez unique. Quand des personnes comme moi proposent des réformes au niveau national, voire mondial, c’est généralement qu’il y a une crise financière. On essaie alors de tirer les leçons de cette crise. C’est un agenda qui au départ est fondamentalement négatif. Ici, ce n’est pas le cas. En matière de finance durable, il n’y a pas pour l’instant de crise financière en tant que telle. Il y a la crise du climat et ses perturbations, mais il y a surtout une demande des citoyens à investir dans des actifs qui correspondent à leurs critères. Nous devons donner des outils à ces personnes qui souhaitent, pour tout ou partie de leurs investissements, avoir une orientation plus en ligne avec la finance durable. Ce qui est fascinant dans l’exercice, c’est que le point de départ de cette demande n’est pas le gouvernement belge, ni la Commission européenne, ni le G20, c’est vous ! C’est beau.
Le problème, c’est que vous n’avez pas envie de naviguer dans un patchwork de normes nationales : belges, françaises, américaines, australiennes, etc. Vous voulez une seule « boite à outils ». C’est pourquoi, dès que j’ai été élu à la présidence de l’IOSCO, je me suis engagé à développer des normes globales. Pas nécessairement pour de gros investisseurs, mais pour Monsieur et Madame Tout-le-monde qui veulent investir. Pour éviter le greenwashing, issu notamment de la possible utilisation de tas de critères différents selon tel ou tel pays, le meilleur moyen, c’est que tout le monde parle grosso modo la même langue, avec des accents différents. Mon rôle, c’est de développer un langage commun.
Nous avons choisi un organe de régulation, l’ISSB (International Sustainability Standards Board) qui a développé des normes que nous avons approuvées (« endorsed »). Cela veut dire que nous avons testé la qualité de ces normes et leur capacité à donner suffisamment d’informations à Monsieur ou Madame Tout-le-monde pour les aider à prendre des décisions sur leurs investissements. Les normes développées par l’ISSB permettent d’en savoir plus sur les ambitions de telle ou telle société cotée : Quel est son objectif en matière de réduction d’émissions de CO2 ? Ou en est-elle par rapport à ses concurrents ? Est-elle en avance ou en retard ? Ces normes fournissent sous forme de bilan de l’information utile à ce sujet.
Est-ce que c’est très glamour ? Non. J’ai l’habitude de dire que chaque fois que je vois des rapports annuels qui traitent de la finance durable avec plein de photos, c’est que ce document peut potentiellement plus contribuer au greenwashing car il manque de substance. Et la finance durable, c’est avant tout beaucoup de chiffres, il faut le reconnaitre. Il faut surtout permettre à tout un chacun qui veut investir d’avoir les clés pour comprendre la trajectoire d’une société et sa capacité à atteindre ses objectifs.
L’enjeu est d’aborder ça au niveau mondial, d’avoir avec nous nos amis et collègues européens, américains, chinois, indiens et autres, ce qui représente 130 000 sociétés. Quand j’ai annoncé ça devant tous mes collègues du monde entier et les journalistes, je crois que certains se sont dits : « Eh, les statistiques belges de Servais, c’est un peu curieux, c’est du grand n’importe quoi. » Un an après, il y a 60 juridictions qui ont d’ores et déjà décidé de passer à ces normes approuvées par l’IOSCO, et ces 60 juridictions cela représente 55 % du PIB mondial, c’est 40 % de toute la capitalisation boursière mondiale. Un an après, nous avons dès lors réussi à convaincre de nombreux gouvernements nationaux de passer progressivement à ces normes.
Le danger, c’est de croire qu’on peut être parfait en un jour, cela se fera step by step et de manière proportionnée. Ces changements peuvent avoir des impacts significatifs sur les business models des entreprises concernées. Il faut parfois transformer des chaines entières de production. Aller trop vite, c’est risquer de susciter des réactions de blocage au niveau politique et au niveau des entreprises. Grâce au travail de la FSMA et de l’IOSCO, nous pouvons avoir une ambition proportionnée qui tient compte des réalités du marché. Et grâce à ça, on peut donner une perspective.
Les pays en voie de développement n’ont pas les mêmes capacités. Donc le train est parti, mais la vitesse et la longueur des trains ne sera pas nécessairement la même dans tous les pays du globe. C’est pour ça que l’IOSCO est une solution utile en termes de multilatéralisme.
Pouvez-vous expliquer les principaux défis qui sont rencontrés par les entreprises pour mettre en place ces critères ?
Le premier défi est de s’approprier les normes européennes au niveau européen, cela concerne 55 000 sociétés, dont 2 000 en Belgique. La Belgique est leader mondial en qualité des comptes annuels déposés : chaque année, près de 500 000 sociétés et associations publient leurs comptes, soit dix fois plus qu’aux États-Unis. Tout le monde sait que pour avoir la confiance des investisseurs, des créanciers, des clients, des fournisseurs, du personnel, il faut une information claire. Bien entendu, les exigences se doivent d’être proportionnées, elles ne sont pas les mêmes pour une star du BEL20 ou une PME. Mais à l’heure actuelle, sur ces 500 000 sociétés et associations belges, environ 200 ont dans leurs comptes annuels des données en rapport avec la finance durable.
À la FSMA, je gère une institution de presque 400 employés, j’ai demandé à mon staff combien d’ETP (équivalents temps plein) seraient nécessaires pour contrôler tous les aspects du programme européen ESG (comprenant notamment le contrôle de l’information financière de sociétés cotées en matière de finance durable), mais aussi les règles de conduite, les produits et les green bonds. Résultat : 20 personnes, soit 5 % du personnel. Cela représente un enjeu et un coût importants. Je partage donc les appréhensions des entreprises et c’est pour ça que nous devons être proportionnés dans notre approche. Si on veut éviter le greenwashing, il faut s’approprier cette réglementation et capter des données de plus en plus fines pour voir comment atteindre nos objectifs climatiques.
Le train de la finance durable doit partir maintenant, parce que chaque année supplémentaire coute davantage aux entreprises. Autant partir à temps pour limiter ces couts, tout en acceptant que ça ne sera pas parfait parce que c’est un nouveau monde et qu’il y a des données qui nous manquent. Il faut dès lors avoir un regard positif et la capacité de gérer de plus en plus de données pour avancer dans un système de confiance où les entreprises sont à même d’expliquer ce qu’elles font en matière de finance durable.


IDÉOTICÔNE
UN VISAGE POUR UNE IDÉOLOGIE PERSONNALISÉE

Le politicien ne cherche plus à convaincre, il cherche à plaire. Il ne prend pas la parole pour qu’on l’écoute, mais pour qu’on l’acclame. Entre apparitions télévisées et performances en ligne, le débat d’idées se métamorphose en joutes oratoires où l’objectif est de marquer des points. Avec des phrases calibrées, où chaque mot résonne comme un coup de canon, il veut faire sensation pour qu’on retienne son nom, son visage. Moins soucieux de changer le monde que de séduire son public, il aspire avant tout à faire grimper son nombre d’abonnés. Et là où on cherche du fond, on trouve des filtres. Dans sa course au buzz, aux likes et aux urnes, le show distille le discours en tentatives habiles de courtiser l’auditoire. Or, à trop parler en slogans, ne ditil jamais rien de grand ? La communication devient un théâtre où il peaufine sa mise en scène, au lieu de sa prise de position. Mais un candidat sans vision, c’est juste une pièce sans actes. Avec la sincérité d’un enfant, sauf quand il parle au peuple, il confond dirigeant et démagogue ; pourtant, entre porter un projet et porter un costume, il y a un gouffre. Et tandis que son image s’expose, sa réflexion se dilue ; l’ego faisant office de programme.
Mais à quel point ce nouveau Narcisse en carton-pâte ne se sert-il pas du peuple pour sa propre gloire ? Il l’invoque, le cajole, sans l’écouter vraiment. Car tant il pense à lui, qu’il n’y a plus assez de place pour penser aux autres. Cette mission qu’il s’était assignée d’œuvrer pour l’intérêt général s’évapore, telle une promesse électorale, se muant en ambition personnelle qui finit par tout submerger. À mesure que sa vanité enfle plus vite qu’une bulle de chewing-gum rose, la capacité d’entendre les aspirations populaires se dégonfle. Rêvant de devenir le nombril du pays, il priorise son propre destin à celui de la nation. Et à force de soigner ses apparitions et son profil pour s’imposer en clinquante Mona Lisa du pouvoir, il oublie que la politique est avant tout une question de valeurs, un travail de conviction, non d’exposition. Hélas, en ces temps de règne du superficiel, une idée creuse parait d’acier si elle est prononcée avec assez d’aplomb !
Lorsque le fer de lance d’un parti tend à devenir son unique emblème, la politique se vit alors en solo. Seule cette figure omniprésente, surtout inévitable, focalise toute l’attention dans un spectacle dont il est le protagoniste sans partage. Pourtant la vie politique est un projet commun et non la projection d’un reflet. Cette concentration excessive autour d’un leader alpha, qui n’a pour seul conseillé qu’un miroir, n’entraine-t-elle pas une distorsion de la nature même de la démocratie ? N’est-ce pas au croisement de toutes les idées que l’on touche à une forme de vérité ? La démocratie est comparable un repas de famille : plus il y a de monde, plus ça crie ; moins il y en a, plus on discute avec son propre écho. Le danger ici n’est dès lors pas seulement de voir une personne à l’image bien cadrée occuper tout l’espace public, mais d’effacer la richesse d’une pensée collective.
Vénérer un individu, c’est faire le lit des dérives. Et comme on fait son lit, on se couche ! Comment dès lors ne peut-on pas avoir peur de virer au cauchemar ? Encenser quelqu’un, c’est lui attribuer un pouvoir césarien et l’Histoire nous a offert des exemples de figures charismatiques élevées au rang d’icônes absolues, parfois absolument iniques. En effet, si les réseaux sociaux ont exacerbé le phénomène, il n’est pas né avec le selfie. Des dirigeants politiques, devenus des idéologies vivantes, ont réussi à manipuler les masses et à annihiler toute forme d’esprit critique. Le fidèle aveugle confond le leadership et l’idolâtrie aussi sûrement qu’il confond la boussole et la girouette. Voilà comment la frontière entre démocratie et autoritarisme se fait aussi fine qu’un cheveu s’accrochant à une calvitie. Voter pour une personne plutôt que pour ses principes, c’est sans doute là que le danger s’insinue ; mais jusqu’où un élu incarne-t-il des idées avant de devenir plus important que son message ? À partir de quand le culte de la personnalité devient-il le régime de la personnalité ?
En toute circonstance, la politique doit être une question de voix, pas de visage. Car, aussi charismatique soit-il, un leader finit toujours par tirer sa révérence. Que laisse-t-il alors en héritage ? Sinon un peuple déconfit au cerveau plein de marmelade. À l’opposé, une vision forte transcende les individus, elle s’inscrit dans le temps, se transmet, se transforme, se développe au rythme des évolutions sociétales. Les révolutions naissent de convictions profondes, prennent forme grâce aux personnalités qui les portent, elles s’enracinent et leur survivent. Mais si tout repose sur une image que reste-t-il quand elle vacille et se brise ? L’humain se fane, les idées fleurissent.
La politique ne devrait jamais être un casting de popularité, elle devrait être engagement sincère pour une réflexion collective et durable. Mais si le politicien s’illustre en influenceur, c’est qu’on s’érige en groupie. De bon gré. On ne suit plus une idéologie, on suit un visage. Or, l’impact est d’autant plus grand que l’autre choisit de se laisser influencer. On a fait de nos dirigeants des produits marketing. Mais à quoi ressemble-t-on lorsqu’on arbore un fanion ou un vêtement à son nom ? À boire dans une tasse à son effigie, on boira la tasse jusqu’à l’hérésie. Plutôt que d’être le socle sur lequel il se pavane, on se doit d’être le rempart ! Il faut garder la tête froide et le cœur solide, rester de marbre face aux artifices. Car tant qu’on fera la différence entre un programme et une coupe de cheveux, tout ira bien. Tant qu’on distinguera un vrai débat d’idées d’une opération de séduction, tout ira bien. Tant que l’éloquence ne remplacera pas la compétence, tout ira bien. Tout ira bien...

Coralie Boterdael
DP de la FEL
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