Estuaire 2029 - La métaphore d'une île

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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Florent Auclair Tilly, Maud Delarue, Laurence Frenoy, Morgane Gloux, Anne-Claire Grimaud, Julie Guibert, Nadine Halbert, Marion Humeau, Nicolas Le Beulze, Eduardo Ledoux Pardo, Clotilde Malon, Clémence Mautouchet, Mirwais Rahimi, Jean-Yves Petiteau, Saweta Clouet, Chérif Hanna, Nicolas Tixier, Xavier Dousson, Anne De Sterck, Bernard Prud’homme Lacroix, Stéphane Bois, Philippe Léon, Flore Grassiot, Ricardo Basualdo

Métaphore d’une île Habiter avant de bâtir

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes


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Estuaire 2029 #2 Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Métaphore d’une île Etudiants Equipe Cordemais :

Florent Auclair-Tilly Marion Humeau Maud Delarue Laurence Frenoy

Equipe Indre :

Anne-Claire Grimaud Julie Guibert Nadine Halbert Eduardo Ledoux Pardo Clotilde Malon

Equipe Rezé :

Morgane Gloux Nicolas Le Beulze Clémence Mautouchet Mirwais Rahimi Julien Artus

Equipe enseignante :

Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Jean-Yves Petiteau, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Intervenants :

Nicolas Tixier, Architecte Xavier Dousson, Architecte Anne De Sterck, Artiste Plasticienne Bernard Prud’homme Lacroix, Directeur du GIP Loire Estuaire Stéphane Bois, Directeur du pôle métropolitain Nantes/Saint-Nazaire Philippe Léon, Grand Port Maritime Nantes/Saint-Nazaire Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain

Aide à la mise en page et à la conception :

Pierre Cahurel, Designer Grrr Agence créative

Ouvrage édité en 25 exemplaires - Achevé d’imprimer en juin 2013


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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Métaphore d’une île Habiter avant de bâtir


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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Métaphore d’une île Habiter avant de bâtir


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6 Préface

30 Tout est paysage

8 Edito Estuaire de la Loire

40 Traversée urbaine Le quotidien en projet

10 Avant-propos Méthaphore d’une île

58 Ateliers publics

Ricardo Basualdo

Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau

Chérif Hanna

18 La métaphore d’une île Topologie, mythes et représentations

Cherif Hanna

Xavier Dousson, Nicolas Tixier

Flore Grassiot

Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau

16 Contre-pied Architecture et territoires

d’après Christine Le Béchennec

92 Entretiens 118 Immersions

Florent Auclair-Tilly, Marion Humeau, Maud Delarue, Laurence Frenoy

124 Itinéraires La méthodes des itinéraires

Jean-Yves Petiteau

Ménager, 158 Parler/Écrire Jean-Yves Petiteau aménager : l’estuaire, un territoire en 172 Cartes collectives mouvement Des(ordres) Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau

26 Colloque Dérives des rives

Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau

Concentre toi !

Anne De Sterck

Îles d’estuaire

Bernard Prud’homme Lacroix

Chérif Hanna

218 Collages Le collage comme structure mentale

Chérif Hanna

232 Workshop

Saweta Clouet


6 - La métaphore d’une île | Préface


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Préface Ricardo Basualdo

Depuis plusieurs années la volonté pédagogique d’Estuaire de la Loire, territoire en mouvement, Master à l’ENSA de Nantes, est d’initier les étudiants à une approche de l’urbain et du territoire fondée sur la reconnaissance de la diversité des interactions des personnes et des institutions de l’Estuaire de la Loire entre Nantes et St. Nazaire. Ce livre tente de restituer le processus de repérage de récits réalisés par les étudiants de l’atelier de 2013 pour rendre compte des territoires vécus et construits de l’Estuaire. Chaque année, l’atelier définit la problématique du cadre général de l’enjeu métropolitain qui sera ensuite décliné et mis en œuvre par les projets des étudiants pour l’Estuaire de la Loire. Ensuite, les étudiants sont conviés à réaliser des dispositifs cartographiques les aidant à comprendre les dynamiques géologiques, démographiques, économiques, anthropologiques et d’infrastructure travaillant le territoire de leurs futurs projets. En même temps, les étudiants sont incités à tenir un carnet de bord (mêlant photographie et récit de leur vécu territorial), à produire des récits de longue durée résultant d’une écoute approfondie lors d’un parcours élaboré par la personne concernée et d’organiser dans les salles de fêtes, les marchés ou la voie publique, des débats autour des perceptions du territoire. Or, l’addition de ces informations ne donne pas à elle seule une « explication » du territoire, ni des forces agissant en son sein. Elle ne fonde pas davantage la « nécessité » d’un projet participant à la construction de l’enjeu métropolitain recherché. Au contraire. La juxtaposition des cartes, du carnet de bord et des propos des personnes rencontrées creuse la fragmentation des perceptions du territoire. Les écarts ainsi produits approfondissent les zones d’ombre. Ils révèlent les hiatus, souvent incommensurables, séparant les données récoltées (sensations subjectives, rhizome des canaux d’irrigation, trame des voies de transport passées, présentes ou à venir, mobilité des périmètres des rives, itinéraires des personnes traçant au quotidien la singularité de leurs modes d’habiter…) et empêchant de prime abord une lecture globale des enjeux territoriaux. Pourtant, il s’agit bien d’énoncer et de choisir les problématiques en jeu dans la dynamique territoriale observée et d’en prendre parti à travers le projet, soit pour les reformuler, pour les accompagner ou pour les contrer… Ce travail d’énonciation prend racine dans la technique du collage. Celle-ci permet aux étudiants de transposer la pluralité des lectures du territoire. Grâce à l’énonciation graphique des enjeux qui, selon l’étudiant « agissent » le territoire, le collage amorcera le passage de la pluralité de perceptions à leur diversité. Toutefois, cette énonciation graphique ménage des paradoxes. C’est là que se nouera la dynamique de nécessité du projet, son arête de connaissance et d’expérimentation. Le projet prend corps à travers le processus de reconnaissance des enjeux que les personnes et les institutions mettent en œuvre pour faire ville et territoire. Ce livre souhaite restituer ce processus afin que chacun de ceux qui ont participé puisse resituer son récit et sa position (et les protocoles des pratiques qui en découlent : l’urbaniste, l’élu, les personnes habitantes…) au sein du territoire et éventuellement, fort de cette nouvelle vision, poursuive le processus de reconnaissance de la palabre amorcée par l’ENSA de Nantes, comme moteur du projet d’architecture et d’urbanisme. Pour le lecteur n’ayant pas pris part à ce processus, ce livre lui offre une vision de première main sur l’une des tentatives contemporaines pour faire de la ville une condition du vivre ensemble dans la reconnaissance réciproque des personnes.


8 - La métaphore d’une ’île | Edito


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Edito

Cherif Hanna et Jean-Yves Petiteau L’estuaire de la Loire est, de son origine à nos jours, le territoire de tous les départs, celui des voyageurs, celui des aventuriers, celui des conquérants, celui des émigrants. Les villes de l’estuaire se sont greffées sur les quais sur lesquels ont transité les hommes, les marchandises et la valeur. Ce territoire instable au rythme des crues, des marées, des creusements du lit d’un fleuve « sauvage » sur lequel se croisaient émigrants et commerçants est devenu l’espace privilégié d’une immigration. Le mouvement s’inverse, le territoire s’invente au fil de l’imaginaire et devient l’enjeu de multiples investissements. La valeur de ce territoire repose sur un héritage, celui des mobilités antérieures, dont les infrastructures conservent la mémoire. Elle repose sur les déplacements et mouvements qui les investissent aujourd’hui multipliant les croisements, liens et coïncidences sur lesquels se jouent de nouveaux rapports de civilité et une nouvelle urbanité. Un monde s’invente au croisement de ces mouvements, une métropole originale se construit sur les liens que les nouveaux et anciens habitants tissent sur un paysage redécouvert donc réinventé. La métropole estuarienne se construira sur une question délicate ; celle de la qualité de nouveaux « espaces-temps »lors la mise en résonance des différents territoires. En parcourant le chemin de son accès, l’observateur révèle, chemin faisant, les traces qui balisent la découverte d’une île, donc son identité. Ce retour sur les traces est une reconstruction des liens que l’île met en tension avec d’autres territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance construit un champ dynamique de force ; l’île apparaît parce qu’elle sollicite ou sous tend une connexion plurielle où s’articulent et se jouent des rapports et des fonctions différentes entre les hommes et les lieux. Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’une île par rapport à ses différents contextes permet d’évaluer, de choisir et de construire les liens qui placent chaque projet en attente d’une relation ou d’un échange. Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en œuvre d’une problématique de l’aménagement d’un territoire en mouvement.


10 - La métaphore d’une île | Avant-propos

Phoenix, Arizona.

Maisons témoins, France.


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Avant-propos Cherif Hanna et Jean-Yves Petiteau

L’histoire de la ville du XIXème a été décrite par P. Lavedan comme étant la ville malade qu’on doit assainir. Le XXème siècle a été celui de la banlieue malade. Ni ville, ni campagne, cette banlieue n’a jamais réussi la synthèse. Otage d’une modernité orpheline de l’histoire, la périphérie urbaine est stigmate d’un échec, d’une dépendance hiérarchique, symbolique, sociale ou économique par rapport à la centralité Le pari est de considérer l’aire suburbaine dans une nouvelle optique; d’une part comme composant d’un espace métropolitain plus qu’une extension dépendante d’une ville centre, de l’accepter comme un assemblage de fragments aux rationalités distinctes et mêmes contradictoires, et d’autre part comme une nouvelle tentative de dialogue avec le milieu naturel. Considérer la nature comme une infrastructure, et le paysage comme source et sujet. Le suburbain devient l’espace de nouveaux agencements. Contexte Les agglomérations de Nantes et Saint Nazaire font aujourd’hui parti de l’espace métropolitain Loire Estuaire. Rejetant l’esprit de concurrence, elles ont choisi de jouer la carte de la complémentarité. Plus de 800 000 habitants aujourd’hui et prés d’un million à l’horizon 2030, la production de logements devra atteindre plus de 8000 logements par an. Les mutations observées entre ces agglomérations sont les prémices d’une transformation profonde d’un territoire à dominante naturelle en espace métropolitain subi, ou imaginé et organisé. Du fait de la rareté du foncier et sa forte attractivité, chacun des pôles génère des vagues de tissus pavillonnaires de plus en plus éloignés. Sur l’espace agricole, se répandent de nouvelles cités dortoir « à la campagne ». Comment penser et projeter le suburbain comme le potentiel d’une urbanité à inventer? Quels agencements pour un ménagement de cette nature suburbaine? Comment concevoir de nouveaux fragments qui contribuent à construire l’identité de l’espace métropolitain? La globalisation des échanges nécessite aujourd’hui des stratégies territoriales à la fois complémentaires et à géométrie variable. Etre reconnus comme pôle attractif et compétitif, attirer et accueillir de nouveaux habitants et surtout créer des conditions de vie et pour la vie soucieuses des préoccupations d’une écologie humaniste sont les défis à relever.


12 - La métaphore d’une île

La citta diffusa – Club Ville Aménagement – avril 2002 Bernardo Secchi s‘y exprime ainsi: « Messieurs, Mesdames les aménageurs, la ville n’est pas seulement celle sur laquelle vous intervenez, des « principautés », ces territoires que vous maîtrisez. La ville se développe également et majoritairement ailleurs, et vous ne vous en préoccupez pas.» la « citta diffusa » : les fragments urbains dans la région de Brescia

Notes de lecture Textes de Bernardo Secchi rassemblés par Chérif Hanna « 1. Quelques hypothèses Mon hypothèse principale que j’énonce d’une manière un peu radicale, et qu’il faudrait peut-être adoucir, est qu’à partir des années 50 ou 60 selon le pays d’Europe, s’est produite une rupture dans l’histoire de la ville européenne telle que s’était écrite pendant toute la modernité, à partir de la Renaissance jusqu’à la première moitié du XXè siècle. Elle prend alors une route différente et le long de cette route on rencontre la naissance d’une ville qui est complémentaire à la ville moderne, qui ne lui est pas opposée et qu’on peut appeler la « ville diffuse ». Ces mots, « ville diffuse », ne sont pas de moi mais sans doute de Francesco Indovina, un collègue de Venise. La ville diffuse n’est pas la périphérie de la ville moderne. Elle n’est pas quelque chose qui se construit et se fabrique autour de la ville moderne. Elle a une propre géographie très importante dans une partie de l’Europe urbaine. Mes estimations me portent à dire qu’environ la moitié de la population européenne vit dans la ville avec des conséquences soit sur le plan économique, soit sur le plan sociologique, soit sur le plan politique, très importantes dont il faudrait s’occuper. 2. la restructuration du réseau urbain européen : dispersion et fragmentation (…) Cette nébuleuse de petites maisons avec jardin, d’habitude pour une famille ou deux, qui se distribuent sur le territoire apparemment sans aucune direction principale, qui profitent de l’infrastructure existante, des petits chemins agricoles, des petites ruelles, des rues plus importantes qui desservent la campagne, qui utilisent un capital fixe existant comme les lignes d’électricité, parfois les égouts et qui trouvent des obstacles seulement dans l’orographie et dans la valeur des terrains agricoles. Elles forment des régions qui se densifient petit à petit dans le temps et qui produisent un environnement dans lequel on vit comme des urbains dispersés, dans lequel surtout on ne vit pas comme des ruraux.


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Par contre, si on regarde la ville consolidée, on trouve toujours plus qu’elle n’est pas le royaume de la continuité et que la ville de nos jours est toujours davantage composée de fragments. Mais si on accepte l’idée du fragment, l’idée que moi je suis différent de toi et donc que j’ai le droit d’exprimer mon identité de manière complète, les liaisons entre les gens, les choses et les activités seront établies par le territoire que jusqu’à nos jours on a appelé le vide et que maintenant on commence à appeler le parc, l’environnement, le lieu de la circulation, des loisirs, de la pratique des sports, les lieux de la promenade, du temps libre, qui dans la vie de nos sociétés est aussi important que le lieu de travail. Si on regarde la ville consolidée encore de plus près on trouve que même dans la partie la plus dense existent des fragments aux identités différentes : dans la ville comme dans la société et dans l’économie. 3. phénomènes méconnus On peut évidemment se demander pourquoi ce phénomène qui date au moins des années 50 ou 60 : en Italie, en Belgique longtemps avant la guerre, n’a pas été vu. En France également on ne s’en est pas aperçu mais si je parcours la Normandie, la Bretagne, les régions voisines de la Suisse et de l’Italie ou le sud, je trouve que ce phénomène intéresse la France de manière évidente. Tous ces phénomènes sont d’habitude surdéterminés c’est-à-dire ont plusieurs causes, comme en météorologie ou dans l’ « Homme sans qualité » de Musil : la première guerre mondiale était un phénomène surdéterminé par plusieurs causes avec la difficulté de dire laquelle était influente. C’est plus ou moins la même chose pour la ville diffuse. l’émergence du sujet Mais il y a deux ou trois choses qu’on peut et qu’il faut dire. Premièrement l’émergence du sujet, de l’autonomie du sujet, de ce qu’on appelle individualisme (bien que ce soit quelque chose de plus profond). L’idée que « moi je suis irréductible à toi » et qu’on ne pourra jamais trouver quelque chose qui soit totalement égal dans deux individus devient perceptible au début du XXè siècle. Je ne veux pas répéter quelque chose que j’ai déjà dit ici il y a cinq ou six ans, mais si on observe ce qui est arrivé dans le domaine des arts au début du XXè siècle on trouve surtout dans la musique - mais aussi en peinture ou littérature - qu’on commence à écrire la musique « note par note. » La société se constitue note par note, individu par individu, chacun avec son horizon imaginaire. Cette émergence d’un sujet irréductible est l’une des causes de la dispersion et de la fragmentation. Bien entendu, il ne faut pas trop l’emphatiser. Chacun naît et grandit dans un milieu culturel avec un poids prégnant des médias. Mais l’observation de nos sociétés révèle que l’émergence de sujet connote le XXème siècle d’une manière très évidente et très forte et cela amène une partie de la population européenne à ne plus accepter la vie organisée des grandes agrégations typiques de la ville moderne, de la ville du XIXème. On veut sortir de la « classe », du « genre », de l’organisation. l’émergence du corps Deuxième phénomène que j’appellerai la « corporalité » de la ville : on est beaucoup plus attentif à nos corps aujourd’hui qu’auparavant. Nos corps étaient réprimés peut- être pendant le XIXème; aujourd’hui, l’observation des pratiques sociales indique une attention extrême à la corporalité, au « soi » et donc au fait que l’espace urbain est un espace que pratiquent nos corps, susceptibles à la chaleur, au froid, à l’humide, au sec, à la lumière, à l’ombre et aux autres corps. Une attention donc beaucoup plus forte qu’auparavant, à l’aspect physique de la ville, à la manière dont la ville est constituée de matériaux, au sens large du terme, qui ont des conséquences importantes sur nos corps. l’émergence du quotidien Troisième élément : l’émergence du quotidien. La littérature des dernières décennies est envahie par le quotidien, par la description d’une série de pratiques minimales des gens de la ville. George Perec, François Maspéro, Annie Ernaux, toute une série d’écrivains, se sont occupés avec succès du quotidien et ce succès est fondé sur le fait qu’ils abordaient un problème au cœur de notre société. Donc une attention est portée plutôt à la manière dont les différentes pratiques des différents individus, très attentifs à leur corps, se déroulent dans l’espace urbain. la démocratisation de l’espace Enfin, quatrième phénomène : la démocratisation des valeurs et de l’espace. Un économiste


14 - La métaphore d’une île anglais, Roy Herod, d’une manière un peu cruelle, disait que les biens dont on dispose dans une société et dans une époque déterminée peuvent être divisés en deux catégories : les « oligarchiques » et les « démocratiques. » Les biens oligarchiques sont ceux qui ont une valeur justement parce que très peu peuvent les utiliser : la baie de Portofino – il y a plusieurs sites en France de beauté égale. Ce très beau lieu, si quelques centaines de touristes l’envahissaient tout d’un coup verrait son ambiance tout à fait détruite et ce serait l’horreur. Ceci est indépendant de la valeur monétaire du lieu. Même si la baie est gratuite, sa valeur est nulle lorsqu’elle est envahie par des foules. Voilà une image très évidente d’un lieu oligarchique. Au contraire, les biens démocratiques, ma plume par exemple, ont une valeur qui ne change pas s’ils sont utilisés par une personne ou des milliers de personnes. Dans la ville contemporaine la destruction des valeurs oligarchiques a été continue et leur démocratisation continue. Si je pense à Venise, Rome ou Paris et d’autres villes françaises, on voit bien une utilisation de la ville et des espaces urbains toujours plus démocratiques et cela nous gêne. Je dois avouer être souvent gêné par les touristes qui m’empêchent de jouir de l’espace de Venise. Ces quatre phénomènes ne doivent pas être trop surestimés car il faut bien se rappeler qu’ils sont doués d’une certaine ambiguïté. L’émergence du sujet nous fait réfléchir à la puissance des médias, la corporalité de la ville nous amène à réfléchir au virtuel et tout ce qui appartient au monde du virtuel, la démocratisation au fait que nos sociétés ne sont pas parfaitement démocratiques, qu’on continue à produire des enclaves dans la société et dans la ville qui vont dans le sens contraire, enfin on dit qu’on a de la dispersion dans le territoire mais on sait bien qu’on a aussi des phénomènes de concentration. 4. le projet de la ville contemporaine et la ville diffuse Face à ces phénomènes je dois dire que nous, les architectes, les urbanistes, on n’a pas compris ce qui était en train de se produire et donc qu’une partie de la ville – la ville diffuse – avec sa géographie, la géographie d’un archipel qui s’étend en Europe, nécessitait d’un effort pour la dessiner, pour la remplir de nos projets. On a préféré s’occuper surtout des grands monuments globaux, des musées, des aéroports, des grandes salles de musique,

des stades... L’architecture doit beaucoup à ces monuments, mais ne s’est pas occupée de l’ordinaire, Georges Pérec dirait de l’infra-ordinaire. Notre attention s’est surtout portée sur la manière d’agir dans la ville constituée, y compris ses périphéries, avec une politique de «renovatio urbis» qui a pourtant produit des résultats très intéressants. Renovatio urbis sont les mots utilisés par le doge vénitien Andra Gritti au XVIème siècle, mots proposés à nouveau par Manfredo Tafuri. C’est une série de projets ponctuels qui colonisent l’espace urbain et confèrent une signification voire une fonction nouvelle à toute une partie de la ville sinon à la ville entière. Donc ce sont les grands projets du XVIème siècle à Venise, à Rome, à Naples, à Gênes. Avec des références plus proches de nous, la politique de Barcelone a été, dans un premier temps, une politique de rénovatio urbis : le thème en était l’espace public, des interventions ponctuelles dans les espaces publics qui ont donné une signification différente à des parties entières de la ville. La politique du Président Mitterrand à Paris, visible au travers des grands projets monumentaux tels l’Institut du monde Arabe, le Ministère des Finances, la Bibliothèque de France, a été une politique de rénovatio. Même la politique de Mme Thatcher à Londres était de cette nature, comme celle à Stuttgart pour la grande rue des Musées. Ces politiques ont été thématisées de manière différente, souvent en accentuant la continuité de l’espace urbain, souvent en accentuant au contraire sa fragmentation. Je dois répéter qu’on doit beaucoup au renouvellement de la ville que ces politiques ont générée, mais on a oublié que toute une partie de la population européenne vivait dans l’ordinaire, ne vivait pas dans la ville consolidée, mais toujours plus dans la ville diffuse et on a laissé cette partie ordinaire de notre territoire européen sans projet. C’est facile aujourd’hui, si on fait un tour dans la région autour de Venise, le Vénéto, une des régions prototype de la dispersion urbaine, de dire mais c’est quoi cela ? Ces petites maisons horribles, dans lesquelles on voit tout le mauvais goût des gens qui les habitent. Mais si on n’est pas snob, on doit se demander qui aurait proposé un projet raisonnable pour ces régions là ? Il faut à mon avis commencer à penser un projet pour ces régions. Elles sont immenses: toute la Belgique, une bonne partie de la


15 Hollande, une très grande partie du Danemark, une partie de la Vallée du Rhin et de l’Allemagne ; allez voir ce qui est en train de se produire dans les pays qu’autrefois on appelait de l’Est, dans plusieurs régions françaises, dans la Catalogne, dans tout le pays basque, au Portugal, en Grèce et en Italie bien entendu, donc dans une grande partie de l’Europe. le territoire de la ville diffuse comme un parc (…) Jean- Jacques Rousseau disait que la Suisse était, à son époque, une grande ville diffuse. Plusieurs régions en Europe font remonter la dispersion au moins au XVIIIème et peut-être même à des périodes antérieures et dans les temps récents ont plutôt subi un processus de densification. Dans un projet récent pour une petite région d’Italie, le Salento, avec Paola Vigano, nous sommes partis de cette considération pour proposer de transformer la région entière en un grand parc avec une série de petites villes concentrées comme des cailloux et de villes diffuses dans le parc. Donc il s’agit de se convaincre qu’il y des régions dans lesquelles ce n’est pas nécessaire de penser une concentration et une densification très forte. (…) un espace ouvert et non délimité Mais le problème le plus difficile est de savoir comment dessiner l’espace ouvert, car dans notre tradition l’espace ouvert a toujours été dessiné comme un espace clos. Lorsqu’on dessine la place des Vosges, même celle de la Concorde ou la grande partie des places et des jardins, c’est toujours un espace délimité. Pour un espace qui n’a pas de limite, la question pour le concepteur est autre. Et il n’y a pas d’expérimentation en la matière. (…) L’idée est encore d’établir des limites très faibles déterminées par l’expansion et la percolation de la nature dans le territoire ; de ne pas en dire plus que ce qu’on peut dire ; de faire attention au centre et de laisser les périmètres dans le vague. » Bernardo Secchi,– l’invité de Th. Paquot Urbanisme – 05/06.99 « (…) nous y avons trouvé de la ‘fractalité’ (…) je crois que les vides qui jouxtent les pleins, le bâti continu, ne sont pas des obstacles à l’urbanité. Il nous faut penser ces irrégularités, ces dispersions, afin de concevoir une « ville diffuse »,citta diffusa, dans laquelle il fait bon vivre. » Bernardo Secchi, Architecture et comportement/ architecture and behav., Vol. 9, n°3, P 329-336 ( 1993) « A l’instar des grandes structures urbaines expulsées de la ville consolidée du XIXème siècle, hôpitaux, prisons,

casernes, gazomètres, abattoirs, quartiers de l’institution HLM, qui ont souvent été les pionniers des banlieues, les nouveaux centres commerciaux, les zones industrielles, les ‘rues marchés’ et les lotissements de la ville dispersée pourraient être les pionniers d’une ville future différente » Bernardo Secchi, ‘agir sur la ville dispersée : la ville invisible qui échappe aux aménageurs’ La ville diffuse n’est pas une périphérie, n’étant pas autour d’une ville mais entre les villes et ne se référant pas à la centralité. Elle forme plutôt de nouvelles polarités. (…) personne ne s’occupe de ce phénomène qui se manifeste comme une forme de ville en rupture avec l’histoire de la ville européenne : une ville fragmentée, qui devint parfois le royaume du kitch. Cette ville là sera peut-être dominée par la figure d’un nouveau mythe, celui de la diversité dans toutes ses formes, la biodiversité, la diversité sociale. La diversité un peu exhibitionniste de l’architecture. A sa manière, elle est une ville démocratique dans laquelle se présentent les germes d’une nouvelle esthétique urbaine qui détruit toute valeur précédente. (…) La ville diffuse est bien un usage élargi du territoire.»


16 - La métaphore d’une île

Contre-pied

Architecture et territoire La nouvelle spatialité de la ville ou le passage vers la ville territoire ‘en dépit des erreurs commises, les grands ensembles préfigurent la ville d’avenir. les grands ensembles étaient les premiers jalons d’une ville hors les murs, alors que depuis des siècles, la ville se constituait par intégration progressive de ses faubourgs. cette rupture n’était pas une erreur, mais signait le passage de la ville radio concentrique à une ville territoire.1’ ‘..construire des logements ne représente plus de menace pour le paysage mais une possibilité de développer de nouveaux paysages culturels attirants. .. diversifier les typologies selon le paysage. la ville, comme contexte et source d’inspiration, est échangée contre le paysage.’2 ‘..ces morceaux d’identité formelle qui sont juxtaposés les uns aux autres, apparemment sans unité. chaque morceau résulte d’une rationalité particulière, et cet assemblage disparate de morceaux de territoire aux rationalités distinctes, et parfois contradictoires, donnent à la fragmentation de l’espace urbain une sorte de cohérence.’3 Les nouveaux contours de l’exercice de l’architecture Les conditions de l’architecture sont modifiées : Il s’agit de redéfinir les contours et les limites de l’exercice de l’architecture. Le projet urbain affiche cette ambition, pour demeurer pleinement acteur dans le contexte de cette réalité complexe et changeante. La légitimité de ce projet d’enseignement prend tout son sens en s’inscrivant dans le débat contemporain sur le renouvellement des liens théoriques et opérationnels qui unissent désormais les champs de l’architecture, de l’aménagement urbain et du territoire.

La comparaison avec d’autres espaces métropolitains permet d’interroger en retour des contextes non lisibles dans les théories urbaines héritées d’une culture nationale La dimension critique des nouveaux concepts en prise sur l’aménagement n’est pas un(e) (obsession) préalable.... La critique des nouveaux concepts n’est plus l’héritage d’un travail de déconstruction uniquement «théorique», mais la conséquence d’un travail centré sur la perception des connexions ou des rhizomes; de ces fragments dans une relation dynamique des territoires. La question de l’analyse et celle du projet sont ici sous-tendues par le concept de «ménagement» (hérité de Heidegger, et «bricolé» par M. Marié.)Anthropologie et projet : Le master est fondé sur l’articulation permanente de la démarche anthropologique et de la conception du projet. Le pari est celui d’une transversalité entre ces deux démarches. Le relevé permanent n’est jamais seulement une préparation ni une vérification, mais l’occasion d’une mise en rapport des contextes scientifiques ou en cours de problématisation avec ce qu’un « observateur progressivement sensibilisé » fait surgir du milieu lorsqu’il est mobilisé par la construction du projet

Fragments «Le fragment» permet, parce qu’il est (légèrement) décontextualisé, de faire émerger, grâce à une lecture différente, un contexte non reconnu ou non valorisé.

Architecture, paysage et urbanisme : Le sens de la démarche, c’est l’interactivité permanente de ces trois dimensions. Le travail repose sur une élaboration progressive du projet et du récit. L’échelle architecturale ne peut se pratiquer qu’en interrogeant et en ajustant son articulation urbaine. Inversement, la construction de l’urbain ne se « ménage » qu’en délimitant son cadrage par rapport à l’échelle architecturale. Le paysage n’est jamais ici une référence étrangère ou modélisable ; il se constitue entre les temps et les espaces d’articulation. Architecture, urbanisme et paysage, ne se constituent que dans un jeu serré d’alternances qu’il faut apprendre à interroger.

1 Bernard Reichen, entretien avec le monde du 6.12.2005 ‘l’utopie manquée des cités-dortoirs’ 2 Adriaan Geuze, in‘la Hollande: refaite ou défaite’, J. Rodermond et H. Tilman, AA – 09/10.99 3 Bernardo Secchi, in B. Secchi – l’invité de Th. Paquot Urbanisme – 05/06.99

Un jeu d’échange permanent entre investigation du terrain et élaboration théorique Les démarches de repérage, des plus simples aux plus élaborées, sont indissociables de


17 la conception du projet. C’est pourquoi il est dangereux de ne considérer le terrain que comme le temps et le lieu d’une simple collecte utilitaire. Le terrain ne devient lieu que sous le regard de celui qui l’éveille et le projet ne prend consistance que dans une confrontation formelle avec les actes ou les intentions qui l’interrogent. C’est pourquoi ce va et vient systématique, du début à la fin de la construction du projet est pour nous, la clé de la méthode. Séminaire Le séminaire entre en interaction permanente avec le temps et les phases d’élaboration du projet. Ce va et vient porte sur : 1. la perception sensible : Celle des hommes, du comportement et du paysage pour le territoire concerné (méthode des itinéraires, et mise en récit d’un territoire) 2. Une élaboration conceptuelle ; Celle d’une démarche anthropologique capable de mettre le projet en question et d’en préciser les attentes. Le séminaire met en rapport la construction d’un projet aux différentes phases de sa réalisation avec : 1. La perception sensible des acteurs et passants considérables in-situ 2. La lecture d’un territoire étranger, (distanciation dans l’espace et le temps). 3. La construction d’une méthode articulant concepts et « arts de faire », permettant d’interroger transversalement différents champs disciplinaires. Les concepts interrogés dans cette mise en œuvre méthodologique sont : Le ménagement, le déplacement, la mémoire, le désir, l’agencement, traverser.

Atelier de projet L’atelier de projet fonctionne avec le séminaire d’une manière itérative. Les apports théoriques sont utilisés pour les mises en situation documentaire et imaginaire du territoire en question. L’acception du principe de la ville fragmentée et en mouvement, permet d’apporter une dimension critique aux théories urbaines héritées. L’acception de la transformation profonde du territoire ouvre l’imaginaire à une série d’interprétations et de nouvelles configurations. Quels nouveaux agencements pour quels nouveaux fragments méroplitains? quels échanges et quels rapports avec le mileu

naturel? quelles qualifications pour les coupures d’urbanisations? quels rapports d’autonomies et d’ndépendances? tels sont les questions qu’interroge l’espace de l’atelier.. La question de l’analyse et celle du projet sont ici sous-tendues par le concept de «ménagement». Sur un mode collectif, et à partir des questions traitées dans le cadre du séminaire, le fragment métropolitain est exploré. Problématiques, programmes et projets sont traités sur le mode individuel. Le projet étant au centre de cette approche, les concrétions spatiales des concepts sont poussées dans leurs developpements.

Workshop Un projet court sur un mode intensif, autour d’une personnalité (François Seigneur) L’idée du workshop est de créer une distance par rapport au projet long de l’option. Autour des questions de l’autonomie, du ménagement et du fragment urbain, le workshop gère une échelle plus ciblée. Il traite d’un objet spatial complexe dans un regard territorialisé. Il s’agit dans le contexte de l’espace métropolitain de réinterpréter de nouvelles situations. Cet espace de projet autorisera une rotation rapide et synthétique des différentes phases de projetation. les concepts de projet sont énoncés et formulés par des représentations graphiques et plastiques. Des concrétions spatiales simples formalisent l’aboutissement du processus.


18 - La métaphore d’une île

Evolution de la Loire en aval de Nantes. (D’après Claude Mignot, Bilan Hydrologique et Hydro-sédimentaire de l’estuaire de la Loire, au cours des 2 dernières décennies, 1993, APEEL)


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La métaphore d’une île Toponymie, mythes et représentations

d’après mouvance des îles de la Loire de Christine Le Béchennec

Nommer :

Le nom est la première figure de l’île.

Mythe :

Paris n’a pas été inondé, in Des mythologies de Rolland Barthes, à propos de l’inondation de Paris en 1955. « la nappe d’eau a agi comme un trucage réussi mais connu, les hommes ont eu le plaisir de voir des formes modifiées…(…) la crue a bouleversé l’optique quotidienne (…) toute rupture un peu ample du quotidien introduit la fête : or, la crue n’a pas seulement choisi et dépaysé certains objets, elle a bouleversé la cénesthésie du paysage, l’organisation ancestrale des horizons : Les lignes habituelles du cadastre, les rideaux d’arbres, les rangées de maisons, les routes, le lit même du fleuve (…) le phénomène le plus troublant est certainement la disparition même du fleuve (…) l’eau n’a plus de cours, le ruban de la rivière, cette forme élémentaire de toute perception géographique (…) passe de la ligne au plan » Si l’île est un monde en elle-même, l’écart qui existe entre elle et le continent propulse paradoxalement l’île en marge du monde. La marge peut alors expliquer certaines histoires et activités affranchies de contraintes, évocatrices de liberté, d’utopies. (…) un ailleurs où se projettent les phantasmes. Représentations : Les représentations cartographiques renseignent sur les différentes interprétations et figures qui sont faites des iles. L’ile est représentée comme un monde fini, doué d’universalité. Le contour des îles a toujours un statut particulier ; les grands navigateurs représentaient les territoires découverts par leurs bords. L’île est donc d’abord définie par ses limites.


20 - La métaphore d’une île

PLANTER - C’est la solution du mimétisme de la nature, d’enracinement des plantes et des arbres judicieusement choisis consolident les berges «Il faut éviter les peupliers (Populus Nigra) qui se déchaussent facilement à cause d’un bras de levier important sur les racines en période de vent.» Bernard Lachat, Cahier du conservatoire.

FICHIER - Technique du génie végétal qui consiste à mêler des plantations et des éléments non vivants, fixant ainsi la berge tels que les pieux, les épis.

CONTENIR - C’est l’objet des digues et des «levées». Celles-ci ont toutefois un impact important dans le resserrement du lit majeur de la Loire, levées/

FAIRE CONTACT - RÔLE DES QUAIS : Contact privilégié entre la terre ferme et l’eau. Plusieurs degrés : croisement de 2 volumes, l’eau et la cale… Ou le quai en pente douce. La imite eau/terre est mouvante, elle se déplace horizontalement de loin en proche et verticalement du niveau d’étage au niveau de crue. Les quais ou estacades. TRACER - LIGNER - C’est l’objet, par exemple, des quais de Nantes, construit pour les bateaux à fort tirant d’eau.


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Eléments anthropiques : mouvances et permanences des contours 1. Le double bord : - les projets d’aménagements ont été orientés avec le souci de l’amélioration de la navigation fluviale puis maritime sur la Loire. C’est la construction de lignes géométriques « en dure », fixes, qui a bouleversé toute la géométrie du fleuve. - la configuration naturellement ou artificiellement changeante des îles, entre apparition et disparition, a obligé l’administration à statuer sur les terrains issue de la sédimentation. Une recherche de mise en valeur foncière de ces « dons de la providence ». 2. plusieurs projets se sont succédés, chaque orientation prise a influé sur les îles, leurs tailles, leurs positions dans le lit du fleuve et leurs rapports avec la rive. - d’abord, construire sur tertre : une surélévation du sol pour construire hors d’eau, - turcie : petite digue de terre, - ensuite, les levées : digue de terre, dès le XIIème, - épis et digues construites longitudinalement, pour réduire la section du lit du fleuve, accélérer le courant et faciliter ainsi l’auto-curage du bras navigable, dès la fin du XVIIème, - bassin de marée créé en amont de Nantes, au XXème siècle, pour créer un effet de chasse d’eau. 3. le désir de fixation des éléments mouvants a mené à la simplification de la géométrie : - planter, pour consolider les berges, - ficher, technique du génie végétal qui consiste à mèler plantations et éléments non-vivants pour fixer les berges, - contenir, les digues et les levées, - faire contact, les quais, espace de contact privilégié avec l’eau, - tracer – ligner, estacade construite pour les bateaux à fort tirant d’eau.


22 - La métaphore d’une île Max Ernst (1891-1976) le jardin de la France

La métaphore d’une île Cherif Hanna et Jean-Yves Petiteau

Ménager, aménager l’estuaire, un territoire en mouvement Le terme ile inaugure un territoire, délimité dans l’espace. Une ile est aussi un concept, elle n’existe que par rapport à ce qu’elle renvoie. Pris dans ce sens, c’est une mise en mouvement des lieux-idées avec un ailleurs. Une ile devient le symbole d’une démarche qui touche tout un territoire. Une ile est toujours dans un mouvement, celui d’une traversée d’une rive à l’autre.

Mobilités Loire lieu de mobilité, Mobilité des hommes, des biens, lieu de départ d’abord et aujourd’hui lieu d’arrivée. Loire sauvage, Loire mobile. Au rythme des crues et des marées, des terres se couvrent et se découvrent ; une mobilité quotidienne et saisonnière ; une mobilité du territoire estran. Une seconde mobilité est particulièrement importante dans l’estuaire, celle de l’édification ou de la disparition des iles et des estrans. Cette mobilité est essentielle, car l’identité même de ce territoire dépend de la reproduction du mouvement de la découverte. Comment ce territoire sollicite d’autres identités ou d’autres lieux et d’autres territoires en écho ?

Imaginaire et réel Presque toutes les utopies sont des iles. Elles ont scindé et séparé l’imaginaire du réel1. Il s’agit de retrouver le lien indissociable entre l’imaginaire et le réel. Il existe un rapport de réciprocité entre mouvoir et nommer le mouvement. : La façon d’aller voir, de cueillir et de traverser pour aller construire, par des représentations, un espace. Il faut d’abord délimiter l’espace de l’ile. D’abord par le fait d’y aller, par la manière dont on y accédera. Cette définition par le mouvement, permet d’identifier les « tensions » qui autoriseront des constructions ou des projections. Arriver à nommer est déjà construire et faire exister. La question est celle de la valeur apportée au lieu2. 1 Merleau Ponti : phénoménologie : la prise de conscience du mouvement et l’énonciation des trajectoires. 2 La métamorphose de la valeur, Georges-Hubert de Radkovsky. Les objets de valeur n’existent pas en soi. La valeur n’existe que dans l’échange. Sans la transaction, aucune matière n’a de valeur.


Redécouverte

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Loire des iles. Des iles qui, en partie, ont construit l’histoire de l’estuaire, car premiers lieux habités. Ces iles sont, d’abord, la mémoire géographique de l’estuaire. Des empreintes du temps passé. Si l’ile de Nantes est une affirmation d’une singularité d’un lieu, les iles de Loire sont la singularité de l’estuaire. Les iles réelles sont des remblais (Cordemais et ile de Nantes) Les vraies iles ont disparu1. Terres disparues, terres à découvrir. La question réside dans ce qu’une idée d’ile peut mobiliser autour, plus que sa révélation physique. Un travail de redécouverte, de mise en force de ce qu’on a oublié. Le potentiel de ressourcement de l’estuaire est lié à cette redécouverte des mobilités à travers la révélation des archipels.

Problématiques 1. Le monde s’est inventé par des gens qui ont migré de cette endroit ; la grande histoire maritime de Nantes. Aujourd’hui, le mouvement s’est inversé. On vend le territoire de l’estuaire. Il y a aujourd’hui un processus culturel d’artialisation de l’estuaire. On le désire. On ne part plus d’ici, mais on y entre. On crée une identité. Il y a donc un travail possible sur la question du retournement. ; Sur les enjeux en lien avec cet imaginaire. 2. les habitants actuels de l’estuaire sont déjà des migrants. Les moines irlandais dans les marais et plus tard, dans la grande histoire maritime, attirés par la Loire industrielle, ils affluent. Ils ont déjà bougé ! 3. la question du déplacement est donc ancrée dans l’histoire de ce lieu, sous divers formes. Déplacements, immigrations, déterritorialisations, traversées,… Ils créent des stratifications de plusieurs ordres : de paysage, de cultures, d’économies, d’histoires et d’état d’esprit. On est depuis toujours dans une mobilité sur cette espace. Nantes n’a pas d’arrière pays…. Ou presque ! 4. logique de desserte du territoire : des bourgs et des hameaux dispersés desservis par des gares. Les gares viennent après et s’installent dans des entre deux ou trois ! Il faut donc réinventer autrement…. 5. La question de rupture de charge. Le nœud. Quelle articulation entre nœud, sociabilité et habité ? c’est le pas de la porte qui est important et non la porte. 7. Il y a aussi la question épineuse de la nature/paysage. Il faut savoir que le paysage n’est possible que s’il y a des gens ! Retrouver donc une familiarité avec cette nature et non la ‘biologiser’ ou l’aseptiser ‘ le paysage est une construction culturelle…. 8. Qui sont ces nouveaux migrants, ces nouveaux gens ? Le processus d’artialisation de l’estuaire fera qu’au lieu d’aller à la Baule, on ira dans le marais. Et il s’agira de gens qui commenceront à se promener ensuite s’installer et peut être y travailler. Des néo-urbains qui vont inventer une nouvelle campagne. 9. Un nouveau mode de vie ? Rejet de la consommation et une reprise en main du ‘marché’ ? L’aéroport va attirer l’économie classique. Ca a déjà commencé. Les entreprises se ruent pour s’agglutiner autour du nouvel aéroport. Mais le système n’est pas binaire, tout ou rien ! Il y a un autre réseau qui peut s’installer basé sur d’autres échelles de proximité. Il y a donc une chance pour une nouvelle économie. « le prix du pétrole et de la bouffe fera qu’il faudra inventer quelque chose d’économiquement viable et valable localement ». articulation entre trois ‘plateaux’ : ma propre métaphore de l’habiter dans les postures du l’immigrant, le récit des autres des habitants, institutionnels, passants élus, travailleurs et le récit du territoire de ces réalités physiques et imaginaires. Le projet est à l’articulation des trois. 1 L’histoire des marins gardiens d’iles / chassant les paysans/terriens qui cherchaient à rattacher des bouts d’iles.


24 - La métaphore d’une île

Sites Deux lectures sont possibles : Géographique : des iles en vis-à-vis et qui forment des entités. Une lecture par séquences. Transversale : en terme de statut comme les iles folles type Bikini et les iles à l’est de Cordemais ou les iles artificielles. Des similitudes qui permettent de créer une mise en rapport transversale et non géographique. Lecture géographique : 0. ile de Nantes I/ 1. Les iles sous pression / les contrepoints de l’ile de Nantes Haute ile / basse ile / trentemoult / 2. Les iles – dernières extensions du port de Nantes / occupation industrielle et portuaire « cheviré » / ile Botty et ile Cheviré II/3. Les iles d’Indre – iles constituées et invisibles Haute indre / basse indre / indrette et la Motte (ile énigmatique qui apparaît et disparaît) /Ile Pivin /« port lavigne » ile de la fourche / mindine / III/ 4. Les iles de Coueron et St Jean / les iles des marais ile bikini / ile de la liberté / ile Thérèse / ile ville en bois


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IV/ 5. les iles folles avant Cordemais : rive sud : ile de la maréchal / belle-ile / ile du massereau / l’ile nouvelle / ile héret / ile sardine / ile des masses / ile de bois rive nord : ile motte binet / ile motte baracon / ile du petit baracon / ile demangeat / ile du grand pineau après Cordemais : ile chevalier et l’ile de pierre rouge / ile de Lavau / ile Pipy 5. l’ile de Cordemais V/ 6. l’ile du Carnet - c’est l’ile nucléaire / Paimboeuf / St Nicolas


Photo : J. Darolles

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Dérives des rives

Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau, Saweta Clouet

Colloque du 28 mars 2013 ENSA Nantes – 2A-08 Les projets d’aménagements ont été orientés avec le souci de l’amélioration de la navigation fluviale puis maritime sur la Loire. C’est la construction de lignes géométriques « en dure », fixes, qui a bouleversé toute la géométrie du fleuve. La configuration naturellement ou artificiellement changeante des îles, entre apparition et disparition, a obligé l’administration à statuer sur les terrains issue de la sédimentation. Une recherche de mise en valeur foncière de ces « dons de la providence ». Plusieurs projets se sont succédés, chaque orientation prise a influé sur les îles, leurs tailles, leurs positions dans le lit du fleuve et leurs rapports avec la rive. Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en œuvre d’une problématique de l’aménagement d’un territoire en mouvement Les sites d’étude, au cœur de l’estuaire – les archipels de Cordemais, Indre et Rezé - sont directement concernés par les enjeux majeurs de l’aménagement. C’est pourquoi nous demanderons à quatre personnes concernées par ces enjeux de les aborder dans le registre de leur savoir ou savoir faire particulier : Anne de Sterk, artiste, Bernard Prud’homme Lacroix, directeur du GIP Loire Estuaire, Stéphane Bois, Directeur du pôle métropolitain et du SCOT Nantes-St-Nazaire, Philippe Léon, Chef de Service Aménagement et Développement Territorial au
Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire Le dialogue avec les étudiants est une propédeutique à leur intervention sur un territoire qu’ils abordent comme une aventure. Cette aventure est à la fois celle de leur découverte, le récit qu’ils inventent et la prise en compte de leur démarche dans la construction d’un projet. Déroulement : 14h00 14h20 15h00 15h30 16h10 16h30

/ 14h20 : Enjeux… / 15h00 : Intervention d’A. de Sterk suivie de B. Prud’homme Lacroix, / 15h30 : Dialogues… / 16h10 : Interventions de Ph. Léon suivie de S. Bois, / 16h30 : Pause / 18h00 : Table ronde.


28 - La métaphore d’une île

?

?

CON Rébus d’anne de Sterck, 2013.

Concentre toi ! Anne de Sterck

Luttons pour qu’enfin nos affects fassent parti de notre organisation sociale. Je voudrais dire qu’il n’y a rien qu’on ne puisse penser ni construire sans affect, c’est comme ça… et il serait temps que l’on ce concentre un peu bordel ! Concentre-toi… Con centre-toi Haaa ! c’est difficile de se concentrer hein ? C’est difficile de trouver son centre… - Bon il est où mon centre !???? - Je crois que je oublié mon centre chez mes parents.


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Iles d’estuaire Bernard Prud’homme Lacroix Directeur du GIP Loire Estuaire

Estuaire de plaine, la Loire s’écoule entre Nantes et St Nazaire, à la surface d’un remplissage sédimentaire, délimité par le Sillon de Bretagne et la voussure du Pays de Retz. Avant que l’homme contrarie son cours, l’estuaire méandrait, sous forme de multiples bras délimitant de nombreuses iles – 57 entre Nantes et Paimboeuf en 1850. Les forçages successifs de la géométrie de l’estuaire, d’abord en endiguant la section entre Nantes et le Pellerin au XIXème siècle puis en lui donnant cette forme convergente entre le Pellerin et Paimboeuf au XXème siècle, ont conduit à l’atterrissement des bras, le rattachement des iles à la terre. Celles ci marquent encore le territoire, légèrement plus élevées en altitude que les anciens bras ou encore les marais aménagés en pied de coteau, sur un territoire ou les différences de topographie conditionnent l’ensemble des échanges hydrauliques. « Les iles » et anciens bras sont ainsi soumis aux submersibilités périodiques dues à la marée, aux gradients de salinité, qui vont structurer des milieux dynamiques et spécifiques. Elles sont également un lieu d’estive d’une agriculture estuarienne ou se pratique un élevage extensif. Elles accueillent après les grandes marées de printemps, les troupeaux qui descendent des coteaux sur ces terres toujours humides et vertes, et maintiennent leur caractère prairial. Héritées des aménagements passés, ces iles sont aujourd’hui le siège d’un équilibre entre leur gestion par l’agriculture et leurs fonctions écologiques.


30 - La métaphore d’une île

La planète terre vue du ciel le 16 juillet 1969.

Questions de paysage Le paysage est partout. Il est omniprésent. Les archipels de la Loire interrogent forcément, la question paysagère. A travers un croisement de lectures, le paysage est questionné sur sa nature même. Le mot et la notion sont abordés pour mettre en évidence la dualité que porte aujourd’hui le paysage. Entre approches naturaliste et culturaliste, portées, l’une, par Michel Corajoud, et l’autre, par l’école doctorale de Paris-la-Villette en association avec l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales menée par l’équipe de Bernard Lassus, Augustin Berque, Michel Conan, Pierre Donnadieu, Jean-Pierre Le Dantec et Alain Roger, le débat , sur le paysage, est toujours vif et d’actualité. Il existe bel et bien un élargissement et une confusion de l’idée de paysage. Cet élargissement est du à ce que « le paysage soit sans cesse confronté à un essentialisme qui en fait une donnée naturelle. Il existe comme une croyance commune dans une naturalité du paysage »1 1 Cauquelin, Anne, l’invention du paysage, Presse Universitaire de France, 2000, Paris. (Plon – 1989)


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Tout est paysage Chérif Hanna

« Notre époque est décidément celle du paysage, du moins en ce qui est de sa reproduction verbale et iconique. Le mot et la chose-image sont partout, dans la presse quotidienne et dans les publications spécialisées, sur les écrans et sur les murs, dans les dépliants et dans les esprits. Aujourd’hui, le paysage est affiché et dévoilé, il est expliqué et adulé, conservé et protégé, et il est également vendu et revendu. Popularisé et démocratisé, il appartient désormais à tout le monde, alors qu’il fonctionnait dans le passé comme code social et signe distinctif d’une ‘élite’ qui se reconnaissait volontiers dans le partage commun des lieux emblématiques ou des représentations topiques. (…) Cette carrière récente du paysage est un phénomène international dépassant les frontières linguistiques et disciplinaires traditionnelles. Grâce à la circulation universelle des images dans les médias, même les sociétés ne possédant point de terme pour désigner l’objet en question connaissent désormais et identifient sans difficulté des paysages. Le paysage n’est cependant pas seulement l’expression caractéristique d’un monde de plus en plus globalisé ; il est aussi l’un des moyens essentiels contribuant à la globalisation croissante des concepts et des schémas visuels à travers la planète. »1 Pour Michael Jakob, l’intérêt grandissant pour la nature est le résultat de deux aspects nouveaux qui caractérisent la fin du XXème siècle. « Le premier consiste dans la crise de la planification de l’après guerre et la dissolution croissante des divisions habituelles entre les pôles identifiables du système territorial (ville-campagne-nature, ville-industrie-campagne-nature). (…) Le manque de repères et la confrontation quotidienne avec des non-lieux et autres espaces interstitiels a motivé l’énième désir d’identifier, de sauvegarder et de célébrer ce qui semblait échapper à cette tendance ; la région, les belles enclaves, le paysage sauvage ou le site pittoresque. (…) Le deuxième aspect à prendre en considération est celui du statut de l’image en tant que telle et des répercussions de notre civilisation de l’image sur le paysage. Une photographie célèbre de juillet 1969 montre notre planète vue à partir de la lune. Elle nous confronte – de loin et grâce à la médiation de la technique – avec ce que nous sommes et fournit à la fois un autre regard et un nouveau cadre épistémologique. (…) Ce n’est que l’image prise à partir d’Apollo 11 qui créa l’identité visuelle de l’objet terre. (…) Cette image non-paysagère ou post-paysagère eut à travers la réflexion écologiste un effet significatif sur notre façon d’interpréter et de gérer la nature. (…) Le paysage se trouve au cœur d’un réseau sémiotique très sophistiqué. Il y a d’une part, à l’échelle planétaire, des milliers d’images-paysage qui nous poursuivent sur des écrans, sur les panneaux publicitaires ou bien dans les médias écrits. (…) La circulation de ces images est l’expression la plus efficace et la plus ambiguë de l’omni paysage.2 1 Jakob, Michael, Le paysage, Infolio Editions, CH, 2009. (Infolio – 2008) 2 Ibid., pp. 10, 11, 12.


32 - La métaphore d’une île Environnement / Ecologie / Paysage « Le premier élargissement et le plus aisément perçu vient de ce qui semble le plus proche du paysage : l’environnement physique. Désolé, délabré, pollué, encombré, il appelle un prompt secours, un assainissement et une réhabilitation. Comme cet environnement navrant se donne à voir sous la forme de paysages out aussi désolés, on assiste à une identification entre environnement et paysage. Le souci écologique vient en effet se greffer sur l’intérêt pour le paysage, et ‘environnement’ devient un mot clef. Par une sorte de glissement, dû en partie à l’inquiétude face aux pollutions, aux responsabilités de type ‘santé publique’, une pratique d’assainissement en est venue à recouvrir l’idée d’harmonie naturelle, par laquelle se définissait naguère le ‘beau paysage’. Ecolgie, pureté de l’air et santé riment avec nature verte et animaux proyégés. Et cette constellation ‘paysagée’ s’étend aux pratiques urbaines où les poubelles aussi sont vertes, spécialisées et aseptisées. (…) Dans la foulée, l’économie, gestion calculée de cet environnement, l’administration, alertée par les dégâts, la politique, avec les décisions necessaires concernant le cadre de vie, la technique et les recherches techno-scientifiques orientées vers l’aménagement des sols, tout ceci forme un tissu complexe et tend à faire passer l’idée de paysage au secon plan, comme s’il s’agissait d’un esthétisme inutile. » Cette confusion n’est pas récente. Elle a été à l’origine d’un conflit à la fois esthétique et théorique, au début des années 80, dans la toute nouvelle école de paysage en France. La discipline du paysage en France est une formation récente. Elle date de la création de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles en 1977. De Jacques Simon à Michel Corajoud et Bernard Lassus Pour comprendre les raisons de la création de l’école de paysage et le conflit qui l’a animé et qui reste un sujet d’actualité, il a fallu remonter aux années 60 et saisir le retournement opéré par Jacques Simon dans l’exercice de la profession de paysagiste. Il faut comprendre que la pratique des paysagistes consistait à accompagner les architectes affairés à la construction des ZUP. Une idéologie étroite du verdissement ou pire encore, de l’accompagnement paysagé des espaces verts. C’est avant la crise de mai 68 que, dans tous les champs de la pensée et de la création, la critique est à l’œuvre. En urbanisme aussi, que les jeunes architectes et paysagistes commencent à dénoncer la pratique avec vigueur. C’est dans ce contexte que des problématiques nouvelles vont émerger Couverture du livre de Jeanneen matière de paysagisme. La nouvelle Marie Sens et Hubert Tonka, génération sera portée par Jacques Pandora éditions, Jacques Simon tous azimuts, collection Simon. ‘ombre vive’, Paris, 1997. Après avoir voyager et travailler dans des pépinières en Suéde, Canada et la France, il intègre l’école d’horticulture de Versailles. Il écrit dans la revue Urbanisme et finit par rejoindre Paul Chemetov dans l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture. C’est en ce moment que Jacques Simon, les pieds dans la glaise, renverse la pratique. Il prend les commandes sur les chantiers de construction, remodèle les sols et plante comme il lui plaît. Bref, chez Simon, un nouvel art du paysage apparaît. Il s’agit pour lui d’inventer un nouveau genre de paysage capable d’exprimer la contamination réciproque de la ville par la campagne. Ce parti pris paysagiste se double d’une attention aux usages. Mais, Simon se distingue par sa double approche technique et artistique. Des performances plastiques in situ ont lieu, au Québec et à Paris et inaugure le Land Art avant l’exposition ’Earthworks’, considérée comme l’acte inaugural du land art. Pour Simon, les paysans sont des épidermistes de talent, et que ses œuvres sont des calligraphies paysagistes. Déjà, le débat était posé. Les écoles d’horticulture de Versailles et d’Angers portaient un enseignement tourné vers la


33 création de jardins de ville. Deux conséquences néfastes : le confinement de l’idée de paysage à la seule ruralité au moment même où la questions des paysages urbains devenait centrale, et la rupture de la discipline, non seulement de l’architecture et de l’urbanisme, mais aussi des arts plastiques, histoire et sciences sociales. La reconstruction d’une pensée paysagiste sera portée par Michel Corajoud. Il travaille avec Simon, ensuite, avec Huidobro et Ciriani avec qui il forme l’atelier de Paysage Urbain, et finit par intégrer l’AUA en 68. Dans le cadre de son enseignement à l’école d’horticulture de Versailles, il développe une pédagogie nouvelle et se trouve porté pour créer une nouvelle école ; l’actuel Ecole nationale supérieure de paysage, dédiée au paysage et clairement séparée de l’horticulture. La nouvelle génération sera ouverte à des problématiques urbaines, sociales, économiques et écologiques. C’est au début des années 80, que les travaux théoriques à propos du paysage en France vont émerger et nourrir l’apparition d’approches créatives nouvelles. Et ce, grâce à un conflit esthétique et théorique que va avoir Corajoud avec Bernard Lassus. «Au centre du débat, la notion même du paysage. Approchée par Corajoud et les siens en terme plus sensibles et plus pratiques que théoriques. Soit comme une réalité physique, géographique et historique à déchiffrer pour la transformer. Or un enseignant de l’école, créateur au sein de celle-ci de l’atelier Charles-Rivière Dufresny1 , Bernad Lassus, contestait cette approche au nom d’une vision essentiellement culturaliste de la notion du paysage. »2 « Bernard Lassus: une pratique ‘démesuralble’ pour le paysage. - 16/02/2009 Cet article ne se propose pas de circonscrire la démarche théorique et pratique de Bernard Lassus, mais d’en retracer la genèse. Placé sous l’auspice du « démesurable », de cette qualité que possède l’espace paysager de se déployer au-delà de sa surface réelle, il se présente comme une mise en jeu des expériences et concepts qui, formant une oeuvre ouverte, balisent le parcours de ce paysagiste singulier. Ce texte rappelle que le paysage échappe à toute définition : constitué par l’interrelation des éléments qui le composent, le paysage ou, mieux, « un » paysage demeure l’hypothèse que le regard porte sur l’environnement. C’est ainsi que, partant de l’expérience fondamentale de la lumière, de la couleur et de la visibilité des choses, c’est-àdire de l’exercice de la perception et de l’imagination, Bernard Lassus a notamment élaboré les concepts de trame, de belvédère ou d’intervention minimale. Ce second pas étant effectué, le propos souligne que, fécondés par de nouvelles expérimentations visuelles et tactiles, enrichis par la rencontre d’une sorte de paysagisme vernaculaire et de ses acteurs - les habitants paysagistes -, ces concepts ont encore évolué, conduisant Bernard Lassus à exprimer sa conception personnelle du projet de paysage, l’esthétique et le caractère éminemment éthique que celui-ci recouvre. Cet article conclut alors sur ce que devrait être une politique publique de paysage afin d’être authentiquement démocratique. » 3 Ancien élève de Fernand Léger, ensuite professeur à l’école des beaux-arts de Paris, il rejoint l’unité pédagogique d’architecture n°6 en 69. Lassus va élaborer une conception du paysage réinterprétant les thèses des aristocrates éclairés créateurs de jardins-paysages à la fin du XVIIIème siècle, et en particulier, celle de Girardin auteur d’un traité important : de la composition des paysages. Pour Girardin, tout fragment d’un pays était loin d’être un paysage. « Cette qualité ne s’atteignait, sur un site réel ou sur la toile d’un peintre, qu’à la condition expresse que ce fragment de pays ait été travaillé par ‘le goût et le sentiment’. Bref, qu’il ait été recomposé, discrètement ou de façon évidente, de manière à pouvoir transmettre un système de significations exprimant l’univers intérieur et, plus encore, la conception du monde de son auteur »4 1 Appellation qui en soi un programme puisque Charles-Rivière Dufresny, auteur dramatique, chansonnier et créateur de jardins, est réputé avoir été le premier jardiniste au monde à avoir conçu, au tout début du XVIIIème siècle, des jardins rassemblant des scènes paysagistes d’ Arcadie rappelant celles peintes par les peintres comme Rosa, Poussin, Le Lorain. 2 Le Dantec, Jean-Pierre, le sauvage et le régulier, art des jardins et paysagisme en France au XXème siècle, Le Moniteur, 2002, Paris. 3 Venturi Ferriolo, Massimo, Bernard Lassus : une pratique ‘démesurable’ pour le paysage, publié dans Projets de paysage le 16/02/2009 - URL : http://www.projetsdepaysage.fr/fr/bernard_lassus_une_pratique_demesurable_pour_le_ paysage. 4 Le Dantec, Jean-Pierre, Ibid., p.212.


34 - La métaphore d’une île

La montagne Sainte-Victoire, 1885-1887

La montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue, 1885

La montagne Sainte-Victoire vue de la carrière Bibemus, 1897

Les paysages sont des acquisitions culturelles Oscar Wilde réalise la révolution copernicienne de l’esthétique en disant :« c’est la vie qui imite l’art »1 « …, Le paysage n’est jamais naturel, mais toujours ‘surnaturel’, dans l’acception que Baudelaire donnait à ce mot quand, dans ‘le peintre de la vie moderne’, il faisait l’éloge du maquillage, qui rend la femme ‘magique et surnaturelle’, alors que, laissée à elle-même, elle resterait ‘naturelle’, c’est à dire abominable. »2 Le paysage n’est pas réductible à sa réalité physique. La transformation d’un pays paysage suppose une métamorphose, une métaphysique, entendue au sens dynamique. Le génie du lieu n’existe pas. « Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. (…) Et, n’en doutons pas, il est de par le monde infiniment de ces points spirituels qui ne sont pas encore révélés, pareils à ces âmes voilées dont nul n’a reconnu la grandeur. Combien de fois, au hasard d’une heureuse et profonde journée, n’avons-nous pas rencontré la lisière d’un bois, un sommet, une source, une simple prairie, qui nous commandaient de faire taire nos pensées et d’écouter plus profond que notre cœur ! Silence ! les dieux sont ici. (…) D’où vient la puissance de ces lieux ? »3 Alain Roger nous avance que ces bons génies ne sont ni naturels ni surnaturels, mais culturels. Ils hantent notre regard et l’habite car ils proviennent de l’art. « La butte Montmartre ressemble à Utrillo, le port de Rouen à Marquet, la campagne d’Aix-enProvence à Cézanne. Que dis-je, ressembler : la montagne Sainte-Victoire finit par n’être qu’un Cézanne. Cézanne était d’ailleurs tout à fait conscient du fait que, pour ces contemporains, à commencer par les paysans de Provence, acun esprit ne soufflait sur la Sainte-Victoire, rien d’une montagne inspirée, puisque comme il l’écrit à son ami Gasquet, ils ne la voyaient même pas ! »4 La montagne Sainte-Victoire, près d’Aix-en-Provence, est le sujet de près de 80 œuvres du peintre français Paul Cézanne. « Louis, comment dis-tu : il est beau ce paysage ? Il me regarde et je comprends que je lui pose un problème difficile. Après un long silence encore, il déclare enfin : ‘Es brave lo païs, on dit’. Je viens de comprendre : le mot paysage n(‘existe pas en occitan. L’incompréhension de départ n’était pas seulement due à l’habituelle difficulté de langage, mais à l’incompréhension du concept même du paysage. Le paysage pour lui, pour les gens, c’est le pays. »5 « Le paysage n’existe pas, il nous faut l’inventer. »6 1 Wilde, Oscar, Le déclin du mensonge, dans Œuvres, Paris, Stock, 1977. 2 Roger, Alain, Court traité du paysage, Editions Gallimard, Paris, 1997. 3 Barrès, Maurice, La Colline inspirée, Émile Paul, Paris, 1913. (1924, 1930, 1960, 2005) 4 Lapicque, Charles, Essais sur l’espace, l’art et la destinée, Grasset, Paris, 1958. 5 Cueco, Henri, Approches du concept de paysage, Milieux, 1982, réédité dans La Théorie du Paysage en France, 1974_1994, Seyssel, Champ Vallon, 1995. 6 Ibid..


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La montagne Sainte-Victoire, 1902-1906

La montagne SainteVictoire vue des Lauves, 1904_1906

Les raisons du paysage1 Augustin Berque, dans ‘les raisons du paysage’, nous renseigne sur les critères de l’existence du paysage : - Des représentations linguistiques, c’est-à-dire un ou des mots pour dire « paysage » - Des représentations littéraires, orales ou écrites, chantant ou décrivant les beautés du paysage. - Des représentations picturales, ayant pour thème le paysage. - Des représentations jardinières, traduisant une appréciation esthétique de la nature. Toute société productrice de jardins d’agrément serait dite paysagère de degré 1. Quand s’y ajoutent des représentations littéraires et/ou picturales, elle serait dite paysagère de degré 2. Si, enfin, le nom « paysage » apparaît, elle serait dite paysagère à part entière. Avant d’inventer des paysages, l’homme a créé des jardins. « Le jardin s’offre au regard, tel un tableau vivace, contrastant avec la nature environnante. D’où le besoin de l’enclore. »2 Le jardin dans la Bible : Eden, la Genèse : «Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur. Un fleuve sortait d’Éden pour irriguer le jardin; de là il se partageait pour former quatre bras (quatre rivières).» Genèse 2:8 à 2:10

1 Berque, Augustin, Les raisons du paysage – de la Chine antique aux environnements de synthèse, Hazan, Paris, 1995. 2 Roger, Alain, Ibid..


36 - La métaphore d’une île

Tapis fleuve persans

Le jardin et le tapis arabe et persan « Cette image de l’oasis, le Coran la reprend de façon récurrente : ‘ceux qui auront cru et pratiqué les œuvres pies, Nous les ferons entrer en des Jardins sous lesquels couleront les ruisseaux ; là, immortels en étérnité, ils auront des épouses purifiées et Nous les ferons entrer sous une ombre dense’ (sourate IV) ‘Voici la représentation du Jardin qui a été promis aux pieux : il s’y trouvera des ruisseaux d’une eau non croupissante, des ruisseaux d’un lait de goût inalterable, des ruisseaux de vin, volupté pour les buveurs, des ruisseaux de miel clarifié’ (sourate XLVII) Le jardin islamique n’est que la réplique, du modèle coranique. (…) Il semble, d’ailleurs que le jardin islamique doive beaucoup au jardin persan, qui l’a historiquement précédé. Le modèle du ‘ferdows’, élaboré dès l’époque Sassanides (221-651), instaure, en particulier, la structure du jardin à quatre parties, soulignées par une allée ou une ligne d’eau, avec, au point de rencontre des deux axes, soit un pavillon, soit un bassin. Cet art des jardins, dont la fermeture et la fertilité sont comme la dénégation de la sécheresse et la stérilité extérieures, se redouble dans celui des tapis-jardins, parfois immenses, (…), accédant ainsi à la dignité de modèles presque autonomes, relevant de l’artialisation. » Hortus conclusus le jardin clos, imitation terrestre du jardin d’Eden. Carré, il était organisé en plates-bandes rectangulaires agencées autour d’un puits central ; les parcelles étaient séparées par des allées se croisant à angle droit et l’eau du puits s’écoulait dans des rigoles en forme de croix, symbolisant les quatre fleuves du jardin de la Genèse le puits, comme l’arbre, sont des éléments, des sources de savoir. Tous deux évoquent cette idée de déplacement vertical, déplacement mystique vers Dieu. « il en va de même dans la tradition médiéval ou hortus conclusus, qu’il soit ‘de cloître’ ou ‘courtois’, et dont la symbolique paraît, à l’origine, se rapporter au Cantiques des Cantiques : ‘jardin bien clos, source scellée’. »1 Jardin japonais, jardin miniature, Jardin nain « Le jardin nain, plus il est petit, plus vaste est la partie du monde qu’il embrasse » Michel Tournier, Les météores. les arbres cultivés dans les potiches doivent rappeler, par leur aspect, ceux qui croissent sur le flanc des montagnes, aux bords des ravins et, tout en restant nains, il faut qu’ils conservent les formes majestueuses ou originales de leurs silhouettes. « mais c’est sans doute dans le jardin japonais que s’illustre le mieux la fonction monadique de l’art, qui consiste à concentrer un maximum dans un minimum. Ce désir, si souvent exprimé par 1 Roger, Alain, Ibid.


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Le jardinet du paradis, Maître d’Oberrhein, XVème

les artistes – ‘le torrent du monde dans un pouce de matière’ (Cézanne) – n’est jamais mieux réalisé que dans ces jardins miniatures, où l’artialisation in situ, à force de réduction, finit par s’abstraire de sa propre matière, pour se transformer en tableau. »1 Jardin français <> anglais Modèle architectural et modèle pictural « contrairement à ce que l’on a pu dire, ou croire, la réaction aux symétries françaises ne s’est pas traduite par une naturalisation du paysage, mais par une picturalisation du pays. (…) : au modèle architectural, représenté par Le Nôtre, se substitue un modèle pictural, bientôt symbolisé par Claude Lorrain. C’est ce que souligne Girardin, quelques décennies plus tard : ‘Ce n’est donc ni en architecte, ni en jardinier, c’est en poète et en peinture qu’il faut composer des paysages, afin d’intéresser tout à la fois l’œil et l’esprit .’ – R.L. de Girardin, de la composition des paysages. »2 Templum « La nature, dans son ensemble, est encore le domaine du désordre, du vide et de la peur ; la contempler conduit à mille pensées dangereuses. Mais, dans cet espace sauvage, on peut enclore un jardin. »3 « Il s’agit, comme dans l’activité artistique, de délimiter un espace sacré, une sorte de ‘templum’, à l’intérieur duquel se trouve concentré et exalté tout ce qui, hors de l’enceinte, diffuse et se dilue, livré à l’entropie naturelle. Le jardin, à l’instar du tableau, se veut monade, partie totale, îlot de quintessence et de délectation, paradis paradigme. »4 Le paysage en Chine - Une société paysagère à part entière La langue chinoise possède un mot, et même deux, pour désigner le paysage : « shanshui, littéralement ‘montagne-eau’, et fengjing, ‘formé du caractère ‘vent’ et d’un caractère qui signifie ‘scène’, avec une forte connotation de luminosité (…) fengjing évoque plutôt l’ambiance du paysage, et shanshui plutôt ses motifs. Au demaurant, comme en français, ces deux termes peuvent désigner aussi bien la chose que la représentation de la chose. »5 « La culture chinoise multiplie les représentations littéraires. Il n’est pas rare que les peintres calligraphient sur leurs rouleux des commentaires plus ou moins poétiques et, surtout, les écrits sur le paysage abondent au fil des dynasties. »6 Jusqu’au XVème siècle, le paysage n’existait qu’en Chine. 1 Roger, Alain, Ibid.. 2 Ibid.. 3 Clark, Kenneth, L’art du paysage, Paris, Gérard Monfort, 1994, p ; 15. 4 Roger, A., Ibid.. 5 Berque, A., Ibid.. 6 Roger, A., Ibid..


38 - La métaphore d’une île

BONKAI. MODÈLE DE JARDIN MINIATURE (exposé à l’ Exposition du Temple S how, à Londres en 1902)

« La vie imite l’art bien plus que l’art n’imite la vie. (…) A qui donc, sinon aux impressionnistes, devons-nous ces admirables brouillards fauves qui se glissent dans nos rues, estompent les becs de gaz, et transforment les maisons en ombres monstrueuses ? A qui, sinon à eux encore et à leur maître (Turner), devons-nous les exquises brumes d’argent qui rêvent sur notre rivière et muent en frêles silhouettes de grâce évanescente, ponts incurvés et barques tanguantes ? Le changement prodigieux survenu, au cours des dix dernières années, dans le climat de Londres, est entièrement dû à cette école d’art. (…) Les choses sont parce que nous les voyons, et la réceptivité aussi bien que la forme de notre vision dépendent des arts qui nous ont influencés. (…) De nos jours, les gens voient les brouillard, non parce qu’il y a des brouillards, mais parce que peintres et poètes leur ont appris le charme mystérieux de tels effets. »1 L’artialisation « L’art constitue le véritable médiateur, le ‘méta’ de la métamorphose, le ‘méta’ de la métaphysique paysagère. La perception, historique et culturelle, de tous nos paysages ne requiert aucune intervention mystique ou mystérieuse, elle s’opère selon ce que je nomme, en reprenant un mot de Montaigne, une ‘artialisation’. (…) Le pays, c’est en quelque sorte, le degré zéro du paysage, ce qui précède son artialisation» « c’est aux artistes qu’il appartient de nous rappeler cette vérité première mais oubliée : qu’ un pays n’est pas, d’emblée, un paysage, 1 Wilde, O., Ibid..

Landscape with a goatherd and goats 1636-37, Claude Lorrain

et qu’il y a, de l’un à l’autre, toute l’élaboration de l’art »2 Le regard que l’on porte sur le paysage est une construction culturelle et historique. Deux formes: l’une directe/ in situ (intervention des jardiniers, paysagistes, land art américain); l’autre indirecte/ in visu (par l’œuvre des peintres, des écrivains et des photographes qui modèlent notre regard) « Si l’on prend l’exemple du corps féminin, il y effectivement deux façons pour l’art de convertir en objet esthétique une nudité. (…) L’une consiste à inscrire le code artistique dans la substance corporelle, in vivo, in situ, et ce sont toutes ces techniques, réputées archaïques, que connaissent bien les ethnologues, peintures faciales, tatouages, scarifications, qui visent à transformer la femme en œuvre d’art. (…) Il en va de même pour notre maquillage, dont Baudelaire soulignait déjà qu’il rapproche immédiatement l’être humain de la statue, enduit sur nature, surnaturel. La seconde procédure est plus économique, mais plus sophistiquée. Elle consiste à élaborer des modèles autonomes, picturaux, sculpturaux, photographiques, etc., qu’on range sous le concept générique du Nu, par opposition à la nudité. Mais un relais supplémentaire est désormais requis, celui de regard, qui doit en effet s’imprégner de ces modèles culturels, pour artialiser à distance et, littéralement, embellir par l’acte perceptif. »3 La naissance du paysage se situerait vers 1415. 2 Roger, A., Ibid.. 3 Roger, A., Ibid..


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Paysage. Hia Kouei (vers 1180-1234). Peinture à l’encre de Chine.

« Le mot et la notion viendrait de Hollande, transiterait par l’Italie pour s’installer définitivement dans nos esprits avec la longue élaboration des lois de la perspective. (…) La perspective rejoint l’infini, un ‘là-bas’ que sa ligne évoque. (…) Cette ‘forme symbolique’ mise en place par la perspective ne se limite pas au domaine de l’art, elle enveloppe l’ensemble de nos constructions mentales de telle façon que ne saurions voir qu’à travers son prisme. (…) Le monde d’avant la perspective légitime n’est pas celui où nous vivons en Occident depuis le XVème siècle. Un saut semble pourtant s’être produit. Qui va plus loin que la seule possibilité de représentation graphique des lieux et des objets, c’est un saut d’une autre sorte : un ordre qui s’instaure : celui de l’équivalence d’un artifice et de la nature. L’image, construite sur l’illusion de la perspective, se confond avec ce dont elle est l’image. (…) Le paysage n’est pas une métaphore pour la nature, une manière de l’évoquer, mais il est réellement la nature.»1 Nature paysage et paysage nature « ces arguments défendent et illustrent le rapport confus que nous entretenons avec ce paysage-nature ou cette nature-paysage. Une double opération s’y manifeste : d’une part, replier le paysage sur la nature comme la seule façon de la rendre visible ; et d’autre part, le déplier en direction du principe inaltérable de la nature, effaçant alors l’idée alors l’idée de sa possible construction. Confusion qui se marque bien dans le flou des notions de ‘site’, d’’environnement’, d’’aménagement’ ou d’’intégration. (…) 1 Cauquelin, A., Ibid..

le paysage, dans cette optique, est un ‘monument naturel à caractère artistique’, la forêt une ‘galerie de tableaux naturels, un musée vert’. Cette définition, élaborée par le ministère de l’Instruction Publique et des Beaux Arts en 1930, souligne l’ambiguïté, ramasse en une formule les deux aspects antagonistes de la notion de paysage. »2 L’environnement, notion d’origine scientifique, vampirise le paysage, notion d’origine artistique. Le paysage est une représentation esthétique subjective alors que l’environnement est un ensemble d’éléments naturels mesurables. Le danger de cette confusion dans les politiques publiques, c’est la perte de la dimension culturelle du paysage. Un paysage n’est jamais réductible à un écosystème, ni à un géosystème, il est bien plus que cela. L’histoire des paysages «ne saurait se figer dans la léthargie des musées»: elle est aussi une histoire à venir, c’est-à-dire à inventer.

2 Cauquelin, A., Ibid..


40 - Traversées urbaines | Méthodologie

Traversée urbaine


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Le recueil des récits et l’itération permanente Nicolas Tixier

Pour Louis Marin , un espace devient un lieu, quand un corps s’y indique et s’y expose. Le lieu est alors un espace-corps où l’expérience peut être référée par une parole qui la dit ou un corps qui la montre et cela par un récit (écoute, lis) ou par une visite (viens voir), c’està-dire par une traduction ou une reconduction de l’expérience vécue. S’intéresser à la fabrique ordinaire de la ville nécessite bien souvent de recueillir ce récit du lieu. Ce récit, tout en étant à chaque fois singulier, n’est jamais un. Par nature, il est pluriel et polyglotte. Il s’intéresse aux pratiques et aux ambiances. Il mélange passé, présent et futur et nous renseigne, habitants, décideurs comme concepteurs sur ce qui fait le quotidien urbain, pour soi, tout autant que pour les autres. Si, pour beaucoup, recueillir ces récits n’est pas encore du projet, c’est au moins une mise en situation d’écoute, de réflexion et d’énonciation de son territoire et c’est, pour quelques-uns, déjà être « en projet ». Un des enjeux pour faire territoire est bien la production et le recueil de récit et la création d’espaces d’expressions où peuvent se partager ces récits des lieux (par le texte, la photo, la vidéo, le corps montrant, etc.). Redonner une place à l’expression de l’expérience vécue, à ces descriptions épaisses, comme les nomme Clifford Geertz , au sein des processus métropolitains. Comment forger alors les outils d’une « culture métropolitaine » faites de pratiques individuelles et collectives, pratiques qui

articulent des temps et des territoires à toutes les échelles ? Culture qui ne serait pas uniquement la culture urbaine de la grande ville. Loin de l’idée d’un storytelling fictionnel derrière lequel tous se ranger, la production des récits, habitants, artistiques, experts, politiques, la construction de leur légitimité, la construction d’espaces et de médiums pour leur partage est une des conditions essentielles pour faire métropole. Ce partage des représentations n’oblige à aucun accord, mais il permet pour tout un chacun de mieux saisir les enjeux urbains à travers le prisme de la position justement de chacun, il permet par le débat de créer une culture métropolitaine faite d’horizons communs, mais aussi de différences et de controverses. Certaines pratiques territoriales disparaissent, d’autres s’ancrent et font patrimoine, alors que de nouvelles s’inventent. L’in situ est vivace et varié, il y a toujours une actualité au recueil et au partage des représentations. Cette actualisation et cette itération permanente que permet aujourd’hui le partage des représentations, c’est la possibilité d’articuler la construction d’un grand récit urbain aux multiples récits qui font la fabrique ordinaire du territoire. Un récit, c’est aussi cent et un récits ; comme un projet, c’est toujours en fait cent et un projets.


42 - TraversĂŠes urbaines | MĂŠthodologie


43 < Atelier Table longue Amiens métropole 2030 Photo Xavier Dousson

Le quotidien en projets Marcher, filmer, projeter Xavier Dousson, Nicolas Tixier Bazar Urbain

Les 1, 2, 3 octobre 2010, 5 traversées du territoire amiénois ont été réalisées dans le cadre de la consultation sur le projet métropolitain « Amiens 2030 ». Si chaque traversée répondait à un même guide méthodologique (entretiens, observation, captation, carte mentales, etc.), elles étaient par contre organisées autour de thématiques différentes, multipliant les façons de connaître le territoire : au fil de l’eau (territoire liquide), d’un mode à l’autre (territoire de parcours et de réseaux), d’un site à l’autre (territoire de patrimoine ordinaire), transect nord/sud (territoire de savoirs, de productions et de cultures), d’un clic à l’autre (territoire numérique). Ces traversées ont été effectuées en parallèle et se sont conclues par un débriefing collectif. Un vidéaste participait à chacune des traversées. Ils avaient comme consigne de réaliser de courtes séquences qui tentent de saisir à la fois l’activité et le paysage d’un lieu, des fragments du quotidien urbain. L’ensemble des séquences a été déposé sur une carte interactive (Google map) permettant de les situer et de les ouvrir aux commentaires. Un film de 49 minutes en restitue le contenu thématisé sur lequel un montage de paroles habitantes a été réalisé. L’ensemble, disponible sur internet, a été présenté en réunion publique dans le cadre de la consultation aux élus, techniciens et habitants. La cartographie vidéo de la métropole amiénoise est complétée ensuite par des séquences réalisées lors des prolongements de l’étude en lien aux propositions de projets. L’enjeu de ces traversées et de ces captations est triple. Il s’agit tout d’abord d’identifier, de

saisir, puis de rendre compte des situations paradigmatiques et des situations singulières à l’échelle d’un grand territoire mais aussi d’entendre le récit qu’en font les habitants, il s’agit ensuite de créer les conditions pour qu’un partage des représentations puisse se faire, il s’agit enfin d’en tirer des principes de projet par situation et parfois d’y puiser les conditions même de sa réalisation. www.bazarurbain.com/amiens


44 - Travers茅es urbaines | Cordemais

1 - le port de Cordemais

2 - la centrale EDF depuis la C么te

5 - le chemin le long du canal du Marais de la Roche

5 - la rue de la Loire


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3 - l’étier de Cordemais vers le sillon de Bretagne

4 - les vaches Highlands dans les prairies inondables de Cordemais

6 - le bras de Rohars

7 - la centrale EDF depuis Rohars

La traversée est une action qui permet de parcourir un espace d’un bout à l’autre. Ainsi traverser le territoire, est l’opportunité de se mettre en contact avec les multiples facettes d’une terre et de rencontrer ceux qui l’habitent. Aborder l’Estuaire de la Loire est un voyage en soi. Autrefois composé d’une multitude d’îles, il s’est transformé au gré des directives politiques et des travaux de mains d’hommes entrepris pour domestiquer le fleuve et assouvir les désirs de riches commerçants voulant préserver une activité portuaire au cœur de Nantes, aménager les marais. L’idée génératrice qui a guidé notre parcours est la progression de la Loire vers les terres du haut. Comme ces hommes et femmes qui en ayant mis pied à terre après avoir traversé le fleuve, remontaient l’étier de Cordemais pour aller vers d’autres destinations au Nord après avoir passé le sillon de Bretagne. Depuis celui-ci, un point de vue large permet d’appréhender les différentes échelles et composantes paysagères de ce territoire en mouvement suivant le rythme des marées et des saisons où terre et ciel se rencontrent. Aujourd’hui, l’estuaire de la Loire est un territoire d’archipels que nous allons vous conter par la découverte d’une mosaïque d’ambiances riches et variées qui le caractérise. le 14 Mars, en compagnie de Xavier Dousson et Jean-Yves Petiteau


46 - Traversées urbaines | Cordemais

Rencontre Mme J. le 14 Mars, vers 15h30 au pied de l’observatoire de l’étier de Cordemais pendant l’itinéraire « Vous êtes venu ici pour la centrale ? A non pas du tout pour la centrale. C’était le hasard parce que mon mari travaillait au Leclerc et à l’époque, c’était bd du Tertre donc y’avait pas le pont de Cheviré. Habiter au Sud Loire, c’était un peu compliqué. C’est pour cela qu’on a atterrit à Cordemais. Et cela vous plait ? Bah cela fait depuis 1979 donc je pense que c’est qu’on est pas mal. Du coup vous avez vu toutes les transformations du village ? Ah oui, tout à fait. Au niveau associations, c’est super. Toutes les associations culturelles et sportives, on est très gâté pour une petite commune comme ça. Alors moi je fais du théâtre mais pas à Cordemais, à St-Etienne-de-Montluc. Parcontre ma fille a fait de la danse. Moi, j’ai mes petits qui font du judo. Et vous êtes venu ici en voiture ou à pied ? A pied. Moi je fais beaucoup de marche à pied et beaucoup de vélo. Vous avez souvent un itinéraire identique ou vous variez ? Non, je viens souvent par là parce que pour tout vous dire, je suis nounou. Maintenant je fais le mercredi et les vacances mais comme j’ai la responsabilité d’enfants, je suis plutôt quand même dans des lieux sécurisés. Habitant très près de l’étier, je descends à vélo sans prendre la route ni rien. Et la centrale, cela fait du bruit ? Ça va, on est habitué. Y’a pas énormément de pollution. Bon quand ça désulfurise maintenant ils ont mis des amortisseurs de bruit. Parce que les premières années où on était là, la maison tremblait. C’est très impressionnant quand vous n’êtes pas au courant (rire). Non parce que c’est vrai que personne ne nous informe donc c’est arrivé en pleine nuit et la maison tremblait. Moi ça fait 30 ans que j’habite là et depuis c’est supportable. Vous savez, toute industrie d’façon à des inconvénients donc . C’est pas un bruit insupportable.


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Et les enfants comment ils vivent la relation avec la centrale ? Vous savez les enfants qui sont nés ici se pose pas trop la question. C’est comme à Paris la tour Eiffel. à la place de dessiner la tour Eiffel, ils dessinent la centrale de Cordemais. Cela fait partie de leur vie. C’est quelque chose qui ne les dérange pas parce qu’ils sont nés là. C’est pas un élément perturbateur. Et ici, c’est un lieu très fréquenté ? C’est un lieu où on fait des rencontres ? Ici le plan d’eau, dès qu’il fait beau même en hiver vous avez toujours du monde qui s’y ballade. Et là que c’était les vacances scolaires, j’vous dis pas les papys, les mamies. Y’a du monde dans le chemin (rire). Là et le point de vue. Vous avez la petite villa cheminée, il y a beaucoup de monde qui s’y promène aussi. Vous parlez de l’autre côté ? De l’autre côté de l’étier, vous avez un autre endroit ? Non pas spécialement, mais c’est très agréable, c’est très nature. Je trouve que les marais c’est toujours joli. C’est un endroit que j’aime beaucoup. Et le rythme des bateaux ? Pendant le moment des civelles y’en a beaucoup ? Alors là c’est pareil, ça a beaucoup changé, parce que j’sais pas si, y’a p’te 2 pêcheurs de civelles maintenant. Parce que autrefois d’ailleurs y’avait des saumons. Là ils se régalaient de saumons à Cordemais.. Les gens qui travaillaient ici en avaient ras le bol d’en manger. Et maintenant allez chercher un saumon dans la Loire.. Non là les civelles, sais même pas s’ils en font 15 jours. Non ça n’a plus rien à voir. A part ça, sur Cordemais, j’peux pas vous dire grandchose. Sais pas, c’est plutôt par rapport à ici que vous vous intéressez ou toute la commune ? Quel est le but exactement ? On va faire un projet sur la commune dans le cadre de nos études, de fin de diplôme. Donc là, on analyse un peu le territoire. Bah écoutez, moi je me trouve bien ici. J’ai pas trop de côté négatif (rire) j’trouve que quand on a de l’eau comme ça, enfin bon moi je trouve cela agréable, c’est vivant. Voilà, bah bonne soirée et j’espère que vous allez glaner plein de choses.»


48 - TraversĂŠes urbaines | Indre


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TRAVERSEE URBAINE Un territoire archipel

Une traversée, c’est le dessin d’un trajet qui part d’une extrémité d’un territoire à l’autre. Une traversée peut aussi être une immersion dans une période, une situation, un environnement. Traverser un tout. Pour nous une traversée, c’était d’abord un voyage. Un itinéraire de découverte du territoire. L’idée du parcours proposé lors de la traversée urbaine a été pensée comme un trajet en bateau, ponctué d’escales sur chacune des anciennes îles de Loire. Haute Indre, Basse Indre, Indret, et Port Lavigne sont les quatre îles habitées qui composent cette partie de l’Estuaire. D’autres îles, comme Mindine, la Fourche, la Motte, ou Pivin sont de grandes étendues vertes marécageuses. Chacune de ces îles est un espace défini en premier lieu par son sol et son contour. L’île, c’est avant tout un morceau de terre entouré d’eau. Avec cette définition, la carrière de le Roche Ballue serait une île inversée, un espace en creux entouré de roche. En suivant cette idée, nous avons choisi d’appréhender ces îles en utilisant le principe du désir. La première découverte se fait en premier lieu par l’éloignement. Le territoire désiré est contourné, regardé et imaginé. L’étendue des espaces et des ambiances se révèle progressivement depuis la rive ou du haut de « La Montagne ». Puis, une fois accosté à l’une des îles, la découverte s’approfondit à pieds. La trajectoire a été imaginée comme une croisière ENTRE les îles, ponctuée de promenades DANS les îles.


50 - Traversées urbaines | Indre

Croisière entre les îles De cette journée, ressortent les notions d’horizons et de paysages. Un autre sentiment commun à tous est celui de la variété et de la complexité du bruit. Des bruits, composés comme des paysages sonores avec chacun leur identité. Perte de repères, la marée à transformé des lieux déjà visités. Le tracé du fleuve se devine par le passage silencieux d’un cargo qui rivalise de hauteur avec le clocher de Basse Indre. Les digues sont dessinées par l’alignement des arbres et tracent des chemins parfois inaccessibles. Sur le territoire habité le caractère insulaire est révélé par la superposition des habitations, les ruelles étroites et son relief. La traversée a révélé un territoire archipel et composé. Il est défini par ses franges, ses contrastes et ses articulations.

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Les alignements d’arbres, traces historiques qui constituent un patrimoine végétal important à Indre

Le 14 mars 2013, en compagnie de Nicolas Texier

1/ La digue de la Montagne 2/ Allée plantée à Indret 3/ La chaussée de Robert

Les îles d’Indre, gardent leur caractère ilien, par des espaces naturels importants et préservés. 1/ Vue de l’île Pivin vers Indret 2/ La traversée du Bac, d’Indret à Basse-Indre 3/ Vue sur Port Lavigne depuis l’île de la Fourche

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52 - TraversĂŠes urbaines | RezĂŠ


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Traversée urbaine

Découvrir le territoire des îles en marchant Mercredi. Préparation de la traversée. Quel parcours dessiner pour découvrir ce vaste territoire des anciennes îles de Rezé? Nous fixons ensemble le dessin d’un itinéraire. Pour cette traversée nous décidons de nous répartir les dispositifs de collecte. Nicolas prend la caméra. Morgane l’appareil photo. Mirwaïs le dictaphone. Julien le capteur de sons. Clémence le carnet de note. Vendredi matin 9h. Nous donnons rendezvous à l’équipe d’excursionnistes au navibus de gare maritime. 9h10. Le bateau arrive. Nous embarquons en direction de Trentemoult, première île à parcourir. 9h20. Notre équipe d’aventuriers pose pied à terre et nous entamons la traversée. Nous vadrouillons dans les méandres des

rues de Trentemoult. Nous contemplons le pendule. Nous escaladons les tas de sable de la Sablière. Nous discutons avec les artistes installés dans le hangar du pendule. Nous passons devant l’école Jean Jaurès. Nous arpentons les contres allées des arrières d’usines. Nous déambulons dans les allées marchandes du Leclerc. Nous suivons la ligne de chemin de fer. Nous découvrons le site en friche des anciens abattoirs. Nous parcourons la zone industriel. Nous arpentons les ruelles dérobées de Haute Île. Nous déjeunons au restaurant ouvrier du café des Bienvenus. Et quittons finalement nos îles par la passerelle 14h. Nous franchissons à nouveau la Loire. L’exursion dans les îles est terminée.


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58 - Ateliers publics | Apports thĂŠoriques

Ateliers publics


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Ateliers publics Flore Grassiot

Co-écritures hybrides et stratégies collaboratives, pour des expériences croisées in situ. Cette année encore, j’ai proposé d’expérimenter collectivement des dispositifs de réciprocités, conçus comme des révélateurs de singularités de ces lieux-hôtes de l’estuaire que nous allions traverser, infuser, interroger. Cette posture implique de considérer le contexte comme prétexte à réinventer des outils de lectures adaptés, d’autres grilles d’appréhensions et de compréhensions mutuelles : des médiums souples et en perpétuelle reconstruction. Les contours des sites d’étude et d’action sont alors redessinés collectivement, ce qui implique toujours une écoute exacerbée, annotée et des prises en compte plus fines des demandes, des besoins, des manques, des doutes et des forces énoncées (ou sous-jacentes et non encore exprimées). L’un des objectif assumé de ces actions urbaines est de rapprocher la parole des experts de celle des habitants. Se joue alors la question des rôles possibles de l’architecte, de ses positionnements, de ses formes d’implication et sa responsabilité publique à redéfinir des règles du jeu plus justes et plus collectives. Ce rôle d’architecte comme médiateur, comme intercesseur, co-inventeur de jeux de filtres interprétatifs est un révélateur de subjectivités.

Tout commence par une journée d’échange et d’élaboration en interne des projets d’ateliers publics. Les trois groupes d’étudiants nous ont tour à tour présenté leurs stratégies. Ils ont expérimenté la cartographie comme outil de réflexion collective pour une co-construction de propositions. Cette phase de réinterprétations croisées va engager le choix de méthodologies adaptatives, évolutives, débattues et dotées de leurs propres moyens d’auto-évaluation (sous forme d’allers-retours collectifs constants). Les étudiants ont réinterprété chacun à leur manière les règles du jeu, ils ont co-inventé des dispositifs ouverts, pertinents et testé des interfaces sensibles, capables de transformer des rencontres en récits, ces récits en cartes et ces cartes en questions. Il s’agissait ici d’expérimenter une approche holistique de la conception de l’urbanité, qui permet d’assurer et d’assumer une responsabilité collective de la fabrication de notre environnement, de traiter des enjeux et des décisions communes de manière enfin plus partagée. Collectif TOPOÏ (avec Antoine Mialon) http://plastol.org


60 - Ateliers publics | Cordemais


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Ateliers Publics Dans un premier temps, nous sommes allés au devant d’un territoire et des habitants avec le temps long de l’arpentage. Il est donc temps pour nous que les habitants viennent à nous pour de nouvelles discussions organisées autour d’ateliers publics. Au préalable nous avions communiqué ce premier évènement marquant officiellement notre entrée sur le territoire auprès des citoyens. Nous avons publié un court article de lancement des ateliers auprès du quotidien local Ouest France et dans la lettre d’information hebdomadaire de la commune. L’invitation à cet évènement s’est aussi faite grâce à de petites cartes postales déposées dans tous les commerces et les mairies ainsi que nominativement dans les boites aux lettres des personnes avec qui nous avions déjà échanger. Nous sommes allés à la rencontre de la directrice de l’école publique de Cordemais qui nous a permis de diffuser les cartes postales dans les carnets de liaison des élèves. Ne pouvant pas se déplacer aux ateliers pour cause d’un emploi du temps déjà bien chargé, la directrice nous a proposé que quelques enseignants mettent en place de petits exercices dans le cadre scolaire, sur leur façon de raconter leur lieu de vie.

Le mercredi... Nous élisons résidence à la salle du pressoir, mise à disposition par la mairie. Nous organisons alors nos ateliers autour trois types de supports. En introduction, dans l’entrée, nous mettons en place une table de mots, mots issus de paroles préalablement récoltées et de textes que nous avons écrits. Des petits papiers blancs de même format restent à disposition pour composer le lexique en commun. A l’intérieur de la salle, accrochées au mur, nous avons disposé douze photos toujours accompagnées d’une petite carte repérant précisémment d’une gommette jaune la prise de vue. Ces photos n’étaient pas une exposition mais des photos réactions : des fils de laine permettaient aux commentaires et dessins de venir s’accumuler au fil des ateliers. Un commentaire en suscitant un autre à la manière d’un dialogue à distance, par photo interposée. La table des mots permettait parfois d’amorcer une parole moins descriptive sur les clichés.


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« L’architecture dure, le temps et tout ne s’efface. Transformé, un lieu rend heureux. Sous condition que tous n’ai pas la même idée, et que la beauté d’un lieu disparaisse par l’idée de mettre une ville à la campagne. Fric, fric «central» dans la vie de certains. Merci de l’accueil. » Daniel


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Au centre, une grande table articule l’espace autour d’une grande photo aérienne du site. Elle propose un premier cadrage sur le territoire, même si nous nous trouvons sur la commune de Cordemais, nous intégrons plus vastement la commune de Bouée et les territoires insulaires plus lointains. Nous proposons comme outils : laine, scoth de couleur, crayons, feutres, post’its. Nous ne savons toujours pas comment constituer une légende. Devons nous laisser chacun des participants créer son propre code couleur et ses thématiques, ou devons nous déjà catégoriser ? Dans un premier temps nous avons donc imaginé qu’à partir de quatre mots choisis sur la table, ils pourraient s’appliquer à quatre nuances de couleurs et alors constituer une légende évolutive en fonction des habitants. Pour autant, à l’issu du premier jour, nous observons que les gens sont relativement déroutés par ce protocole et nous nous décidons à proposer plutôt une orientation de légende sous forme de quatre questions restant relativement ouvertes : < Synthèse des cartes réalisées par les habitants

- Où habitez vous ? Quel est votre espace d’habiter en dehors de votre maison ? - Quelles sont les limites, ruptures d’espaces ou d’états du territoire que vous trouvez remarquables ? - Éléments du patrimoine du quotidien - Les projets et utopies sur ce territoire Ces questions proposent donc déjà une analyse du territoire qui nous est propre tout en permettant sous forme interrogative d’ouvrir la thématique plus largement. La réalisation de calques (propres à chacun) s’est faite de manière différente pour chaque personne, chacun de nous prenant en charge une personne du début à la fin de la discussion, nous avons tantôt accompagné la parole en dessinant et en demandant si chacun des traits étaient justes, tantôt des personnes plus à l’aise avec les outils proposés se prenaient au jeu et touchaient le territoire de leur trait de feutre et tracé de laine.


64 - Ateliers publics | Cordemais


65 Carte réalisée par les enfants de Cordemais

Jeudi face au peu de participants que nous avions rencontré, nous nous sommes dit en voyant les mouvements autour de l’école privée voisine des ateliers, que nous pouvions inviter d’avantage de citoyens par l’intermédiaire de cet l’établissement. Nous allons à la rencontre du directeur de l’école. Celui-ci nous reçoit immédiatement et nous propose d’emmener deux classes faire les ateliers dès le lendemain : ça sera CE2,CM1 et CM2. Nous disposons d’une heure par classe. Le soir même, nous imaginons un dispositif suffisement simple pour intégrer deux classes d’une petite trentaine d’élèves chacune. ‘‘Nous avons une mission que nos professeurs nous ont donné, on doit travailler sur Cordemais or nous ne sommes pas de Cordemais et nous ne connaissons pas ce village, alors nous avons besoin de vous pour réussir cette mission.’’ Ainsi un groupe travaille autour de la table de mots. Trois mots par enfant pour décrire Cordemais. Trois mots pour Cordemais du futur. Le second est assis autour d’une longue feuille vierge. Objectif : dessiner ensemble le

Cordemais de demain. Le troisième : individuellement, chaque enfant illustre à travers son dessin, sa vision de son village. En parallèle le jeudi après midi nous avons réalisé une sorte d’atelier public délocalisé à la maison de retraite. Profitant de ce temps de résidence, nous avons participé à une animation avec quelques photos en supports et une trame de questions larges.


66 - Ateliers publics | Cordemais Dispositif utilisé comme support de ré-activation de souvenirs pour les anciens lors de cette rencontre : une dizaine de vieilles cartes postales du bourg de Cordemais, l’église, les commerces, le port.. agrandies et imprimées au format A4.

Rencontres Maison de retraite le Prieuré, 04 Avril à Cordemais

« Où est ce que vous avez habité avant, comment vous êtes passé d’un village à l’autre ? -Je suis arrivée au Louaré à l’âge de 5 ans avec mes parents qui étaient cultivateurs. Ce village a beaucoup changé. Je me suis mariée en 1946 à 22 ans, quand je suis partie de ce village, il y avait cinq maisons et trois fermes. -Quand je suis arrivée en 1982 au Louaré, il y avait 8 foyers. Et maintenant il y a 19 maisons et plus de fermes. On fait partie des grands villages en expansion avec l’Audiais et la Colle. Qu’est ce que Cordemais pour vous ? Comment vous définissez Cordemais ? -Il y avait beaucoup de cultivateurs en ce temps-là, maintenant y’a plus. C’est que des résidences secondaires. Y’avait un moulin aussi, la Délinais presque en face où j’habitais à La Croulais, et à la Haie Mériais. -Les commerces, avant il y avait deux épiceries, une épicerie-café, coiffeur-café, boucherie-café, deux boulangeries côte à côte, boucherie-charcutier, une alimentation, un bureau de tabac, un sabotier. Maintenant, c’est pas pareil, y a trop de maisons. Dans le bourg, ça a changé, y a plus de commerces et on fait tout pour les écraser. Cela a commencé il y a 20ans. -Y avait beaucoup de prairies et des chevaux, maintenant c’est des lotissements. C’est que des maisons partout. L’évolution de Cordemais avec la centrale, il y a eu beaucoup plus de vie. On avait plus de monde. Y avait pas de voiture. On allait à vélo ou à pied, on avait des sabots. -Y avait pas de maisons, là devant le prieuré, c’était des vignes ici. C’était un vin de pays. Il était meilleur le vin dans les hauts. -Le Cordemais du Haut est différent du Cordemais du bas. Y a le sillon de Bretagne après ça descendait avec les marais et après y a La Loire. La séparation des Cordemaisiens du haut et du bas se faisait par la route du milieu. On se mélangeait. La terre était trop sec dans les hauts, alors on avait des prés à côté de la Loire -Où qu’y a la centrale, c’était du marais. Pareil pour où y’a l’hippodrome… -Y a moins de bateaux. Y avait beaucoup de pêche avant. Cordemais était un grand port de pêche. On pêchait du saumon, des anguilles. Les pêcheurs mettaient leurs bosselles tout le long de la Loire et puis les carnets. Il y a toujours des civelliers mais ils sont moins nombreux. Les civelliers passaient avec des seaux de civelles. On pêchait ça nous avec des bidons à lait et on en donnait à tous les voisins. On en donnait même à manger aux chiens. C’est fini tout ça.

à quel moment sont arrivés les rapportés ? -Pendant la poche, on avait les nantais qui étaient réfugiés chez nous. -Chaque habitant avait au moins une chambre à louer. Y avait toujours un bout de terrain pour mettre une caravane. Chacun y a trouvé son compte. La population a doublé depuis la construction de la centrale. -La poche s’est arrêté à l’entrée de Saint-Etienne de Montluc avant la Haie Mahéas, ça allait jusqu’à Pornic. C’était vraiment tout l’estuaire.


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Mme Bénéteau, Mme Métayer, Mme Ballu

-La signature du traité a été faite à Cordemais à la maison de Mme Moisan. Cette plaque de la maison de Mme Moisan, elle est où était mon passage à niveau. Le passage à niveau a changé de place. La table de la signature du traité a été construite avec le plancher du grenier. -Les fêtes de campagne, on appelait ça des veillés. Tous les soirs pendant l’hiver, on se rencontre. On jouait aux cartes, ou on faisait des dancings, on tricotait également. Et les mariages, on les faisait dans les granges ; on installait des rideaux et des fleurs. -Y avait pas beaucoup de fête l’été. Après la guerre, y a eu des fêtes de village pour récolter de l’argent pour les prisonniers. -Y’a 3km entre Bouée et Cordemais, c‘est les marais qui font la différence. C’était plus vivant Cordemais que Bouée. Y avait juste un petit café, une boulangerie. C’était mort. -L’église, il y avait beaucoup de mariage. Les gens étaient plus pratiquants. Y avait une messe tous les dimanches. Il y avait deux, trois prêtres à Cordemais. Il y avait des aumôniers. Quand le prêtre est parti en retraite, il n’a pas été remplacé. C’est ce qui faisait le noyau d’une petite ville comme ça. -Après le primaire, les enfants allaient à l’école communale à Savenay, avec les cars. -Le train passait souvent ; le train impair allait sur Paris et le train pair venait de Paris. Il y en avait beaucoup dans la journée. Les trains de marchandise, la nuit et il y avait des suppléments l’été. Il n’y a plus de chef de gare ni de guichet. Il y en a un le matin et l’aprèsmidi sinon c’est Savenay-Nantes. -à la côte à Cordemais, on prenait les bateaux, les toues. On mettait les bêtes dedans pour faire la traversée et les amener sur les terrains qui étaient en face. Il y a un tout petit bout qui est à Cordemais en face, sur Belle île. On passait aussi à vélo, pour pêcher les moules. On partait toute une équipe. Au plus près c’était à la Bernerie en Retz. -à la Peille, il y avait beaucoup de jeunesse. On passait la Loire et on allait à la pêche aux pignons, aux rigadeaux. C’était Mr Chevalier, qui habitait à côté de l’ancre de marine qui faisait le passage. Il était passeur. Mais alors il fallait être à l’heure avec la marée. Sinon on restait de l’autre côté.

Comment vous voyez le développement futur au vu du passé ? -On attend la nouvelle maison de retraite. -Il manque une salle de cinéma et des magasins, on fait nos courses à Savenay. -La poste va disparaitre. La personne qui est là, n’a pas de permis. Donc, c’est la dernière personne qui va rester là. Quand elle prendra sa retraite, il n’y aura plus personne. Il faudra aller à Savenay. -Les petits commerces, les gens n’y vont pas, c’est trop cher -On est une ville dortoir. -On est très peu à travailler à Cordemais. Dans mon village au Louaré, on est deux, plus des assistantes maternelles. -La centrale a gardé les derniers commerçants. Les commerçants, qui sont partis en retraite, n’ont pas retransmis. On a deux coiffeuses à Cordemais. La station-service va fermer. -Si on supprimait la centrale, cela enlèverait du travail. -Il fait bon vivre et il fait bon vieillir à Cordemais. Cette rencontre a eu lieu grâce à Nicole LE COGUIC, directrice de la résidence du Prieuré et à l’aimable concours de Michelle Chuniaud, animatrice, en présence de : Mr Le Merle, Mr Michel Lalande, Mme Bréard, Roselyne bénévole, Mme Rignault, Mme Chauwyng, Mme Marcelle Bénéteau, Mme Moisan, Mme Métayer, Mme Ballu, Mme Perron, Mme Marcelle Harnais.


68 - Ateliers pubics | Indre

Cartes postales - Flyers

ATELIER PUBLIC Communication

Le travail de communication a été mis en place sous forme de grandes affiches de chaque côté du Bac et d’autres plus petites dans les principaux commerces et équipements. Des tracts sous forme de cartes postales ont été distribué dans la rue et les boîtes aux lettres. Trois grandes affiches ont été déposé de chaque côté du Bac et à l’entrée du bâtiment où se déroulaient les Ateliers. Finalement, les visites ont principalement été celles des associations qui utilisent les salles du bâtiment et des contacts que nous avions eus précédemment.


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70 - Ateliers pubics | Indre

Carte d’accueil : une journée par couleur.

ATELIER PUBLIC

A LA RENCONTRE DES HABITANTS Les Ateliers étaient organisés en plusieurs pôles thématiques : Une carte d’accueil sur laquelle les visiteus sont invités à se situer sur la carte et à se présenter. Une vue aérienne mobile, pour recencer les lieux préférés et détestés, associé à un mot. Un atelier cartographique de dessin des parcours quotidiens. Un atelier pour localiser les equipements utilisés par les Indrais. Un atelier de carte à dessiner : lieux révés, lieux désirés pour Indre en 2029. Une carte des lieux nommés qui a été ajoutée par la suite. Un atelier photographique de repérage de lieux, et une boîte au lettres pour laisser ses impressions sur un lieu donné, qui, l’un et l’autre n’ont pas réellement fonctionné.


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72 - Ateliers pubics | Indre

INDRE AUJOURD’HUI La carte des lieux nommés et les cartes des parcours montrent les faits et les lieux du quotidien des habitants d’Indre. Sur la carte ci dessous les habitants étaient invités à écrire les noms et surnoms des lieux de leur commune, les expressions et les différentes toponymies qui définissent des endroits spécifiques. On a vu apparaître des noms de lieux liés à leur histoire, leurs anciens noms, ainsi que des dénominations subjectives. Sur la carte ci contre, chaque visiteur était invité a dessiner sur une projection en vue aerienne de la commune ses trajets quotidiens et ponctuels. La légende a été constitué au fur et à mesure des choix de parcours retranscrits. Ces cartes nominatives ont révélé la Loire comme une limite. En effet, les habitants Sud Loire et Nord Loire ne franchissent le fleuve que pour aller au loin malgrès le Bac qui rend cette limite facile à franchir.


73 Madame G.

Monsieur X1.

Monsieur X2.

Monsieur D.

Monsieur et Madame R.


74 - Ateliers pubics | Indre

Les usages Après un travail de recencement des équipements utilisés par les visiteurs sur 6 petites cartes thématiques, le dernier jour, les données recuillies ont été rassemblé sur une carte générale qui révèle la grande mobilité des habitants. La plupart des personnes rencontrées etaient retraités et comprenaient majoritairement des anciens travailleurs des trois sites industiels d’Indre. Les habitants actifs, eux travaillent principalement à Nantes, St-Herblain, Couëron ou Atlantis, à l’extérieur du territoire, exeption faîte Les activitées sportives sont situées pour la plupart dans la commune, avec les salles de sport et le terrain de foot. Ces équipements accueillent aussi plusieurs activités comme le théâtre. Les deux agglomérations les plus proches, Saint-Herblain et Couëron sont parmi les destinations principales pour les loisirs et l’alimentaire bien qu’il reste quelques commerces de proximité sur les quais et au centre des iles.. Saint-Herblain heberge également le Collège. Le territoire de la commune est très prisé pour la promenade et le vélo. Indre dispose de deux écoles, d’un conservatoire et d’une bibliothèque mais Nantes, très proche, reste la destination privilégiée pour les destinations culturelles et le shopping.


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Périmètre de pertinence des usages : Les Indrais vivent-ils vraiment comme des îliens ? Déplacements liés au travail Principaux lieux de courses Alimentaires Points d’attraction culturels Loisirs principaux Equipements sportifs Liens


76 - Ateliers pubics | Indre

INDRE 2029 : Quel futur pour la commune ? Cette carte « imaginez Indre en 2029 » à été élaborée lors des ateliers publics. Les Indrais ont partagé leurs souhaits et rêves concernant le futur de leur commune.

On veut densifier,

Là bas, il faudrait

Qu’est ce qu’on fait

Ré-ouvrir des accès

comme toutes les

mettre un coup de

des cours d’école ?

piétons et en créer

communes, mais

jeune pour que les

Pourquoi ne pas

des nouveaux...

pas n’importe

gens se rencontrent.

ouvrir le stade ? Créer

comment.

des passerelles, ouvrir des lieux sous occupés….


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Cartographie des lieux rêvés, désirés pour 2029.

Il avait été dit que le

Ce serait sympa de

quai serait aménagé

« boucher le trou »

expos, faire vivre les

entre Haute In-

bords de Loire,

à Soferti, du port de

Haute Indre au port

Faire des petits marchés, des

Faire un chemin de ronde à Haute Indre. Pour la marche, pour


78 - Ateliers pubics | Indre

Paroles habitantes

Pendant les trois jours des ateliers publics, nous avons retranscrit sur des post-it les phrases des habitants qui nous semblaient importantes ou révélatrices de sens. A partir de la seconde journée, nous avons constaté qu’elles se rapportaient à différents moments, nous avons alors choisi de les ranger dans les catégories « passé, présent, futur » sur les trois fenêtres de la salle. A l’issue des ateliers, elles ont été consigné dans un tableau à double entrées en fonction des thématiques qu’elles soulignaient. Nous avons alors découvert des thématiques liées aux lieux et de nouveau, aux îles. Sur Basse-Indre, les thèmes qui reviennent sont ceux des lottissements, des quais, des venelles, de l’île de la motte et des automobiles liées au Bac. Sur Haute Indre nous avons beaucoup entendu parler du port, du chemin de ronde, de Soferti


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et des coeurs d’îlots. Sur Indret, sont revenues les notions de préservation du patrimoine, de la disparition des logements et la DCNS. Enfin, les autres thématiques qui ont émergé sont celles de la Loire comme frontière, des rivalitées insulaires comme marqueurs d’identité, de la disparition des commerces de proximité, du Bac et du marché.


80 - Ateliers pubics | Rezé

Atelier Public Mob’îles

«remettre les choses à plat dans les rapports architecteshabitants» Du mercredi 3 au vendredi 5 avril, nous organisons des ateliers publics sur les îles de Rezé. Pour nous, ils sont l’occasion d’une sensibilisation réciproque au territoire entre nous et les habitants et s’inscrivent dans une démarche bien particulière «Atelier Public Mob’Îles». En voici les règles du jeu : Si tu ne viens pas à l’atelier public... ... l’atelier public viendra à toi. L’atelier n’appartient à aucun lieu. En utilisant des supports simples (une carte géante de 3,5mx1,2m et 20 panneaux photos) et grâces aux remorques de l’association «Chemins de faire» de Julien, l’atelier se déplace sur les quatre îles. Avec comme base de repli le Centre Nautique Sèvre et Loire de Trentemoult où il est entreposé la nuit et la matin, celuici se déplace de points d’intensité en points d’intensité. Plusieurs fois par jour, toute la journée il vient au plus près des gens, plutôt que de les attendre dans un local municipal. Faire le cirque L’atelier n’est pas ennuyeux. Plutôt qu’un lieu barbant, il est un événement un peu curieux, une pièce de théâtre dont les habitants et les étudiants en sont les acteurs et le territoire, son décor. Son physique étrange et gigantesque recouvert de laine et d’écailles jaunes, vertes, oranges et rouges nous convainc de nous en approcher. La spontanéité et la simplicité

Lors de l’atelier public, les habitants sont invités à parler sur le mode de l’entretien non directif et non sur un mode d’interaction classique architecte-habitant. Il s’agit simplement de faire parler les gens sur le territoire, sans contrainte et avec le minimum d’interventions puis de fixer les paroles sur la carte sur le lieu évoqué. Des pochettes-catégories ont ensuite été crées en fonction des sujets abordés par les habitants. Celles-ci sont spécifiques et révèlent des problématiques du territoire et de leurs habitants. Considérer tous les habitants comme des Habitants En se déplaçant dans des restaurants ouvriers, des bâtiments commerciaux, des locaux associatifs ou des centres socioculturels, l’atelier public mob’îles accorde autant d’importance à l’habitant qui a un logement sur le territoire des îles que l’habitant qui travaille sur la zone industrielle, fait ses courses dans la zone commerciale ou se promène le long de la Loire. De l’interaction à la relation L’atelier ne s’est pas arrêté le 5 avril. Avec certains habitants, les interactions se sont muées en de vraies relations. Nous décidons de les ré-inviter pour un 2e atelier : «Un Dîner presqu’Atelier».


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en récit mercredi matin, on a pris le temps de finir tous les préparatifs finaux avant de partir. On a collé la grande carte sur les panneaux de bois qu’on avait déjà assemblé à l’école et puis les panneaux qu’on a baladé aussi à côté, on en avait une vingtaine. À côté de ça, on avait aussi préparé des gâteaux et du café, du thé, des jus en se disant qu’on en donnerait pendant les ateliers publics. Ensuite on a filé direct à Morning City, le restaurant de Mme Poirout qui est situé dans la zone artisanale. C’était un peu le baptême du feu et il a des choses qu’on avait prévu qu’on a modifié parce qu’on s’est rendu compte que ça fonctionnait pas. Par exemple, les gens écrivaient pas du

tout donc on a écrit nous-même ce que racontaient les gens. On s’est rendu compte q u e même si les gens ne faisaient que travailler dans le quartier, ils le connaissaient très bien aussi. Et mercredi, Ecorev était ouvert donc on est allés à la sortie d’Ecorev. On a eu d’autres discours, pas forcément des gens qui habitaient le quartier, mais plutôt des gens de l’extérieur. Ca nous intéressait aussi d’avoir cette parole de gens qui sont seulement de passage sur le territoire. On était dans l’allée. Pareil avec la pancarte, on s’installait en fonction de l’endroit où on se posait. Et on

repartait ensuite quand c’était fini. le premier soir, on savait pas combien de post-it on allait avoir la première journée et comme la pancarte était remplie dès le premier soir, on s’est dit qu’il fallait pour le lendemain qu’on la vide sinon on voyait plus rien. Donc on a commencé à trier un petit peu et à faire des catégories des paroles qu’on avait en fonction des choses qui revenaient dans plusieurs paroles et puis un repérer les lieux et les personnes un peu repères. Et on a commencé à classer dans des petites pochettes en dessous de la carte.


82 - Ateliers pubics | Rezé

Île où on était

jeudi matin, on était au CNSL pour la deuxième fois sauf que cette fois il y a eu des gens. Surtout des gens qu’on avait rencontré hier soir au CCQ. C’était plus cool que la veille et on profitait de ce moment pour à la fois terminer les petits travaux autour de la pancarte et la logistique puis aussi rencontrer les gens de manière plus posée. C’est là qu’on a rencontré François qui est arrivé déjà avec des idées de projet. Il avait amené des fonds de carte avec les chemins piétonniers et il avait repéré qu’on pouvait en créer un pour rallier le centre-ville de Trentemoult à pied. C’est une idée de projet qu’on a décidé de poursuivre parce qu’elle était pertinente. Vers midi, on a décollé pour Haute-Île.Donc ça c’était le midi, on était au café des bienvenus à Haute-

accueillis. On s’est mis devant le café avec pareil des gens de passage, on discutait devant la carte. C’était vraiment intéressant, on a commencé à tendre des fils pour faire les liens entre les lieux dont les gens nous parlaient. Et puis on a continué à récolter toutes ces paroles. Dans le froid par contre. Puis finalement, déballage/remballage. On est allés à la sortie de l’école le jeudi après-midi. L’école Jean Jaurès à Trentemoult, où on s’est installés sur le trottoir en face de la sortie. On a mis en plus un grand panneau blanc, qui est plus blanc maintenant, pour les enfants, pour qu’ils puissent nous donner leur point de vue du quartier. Et puis toujours les petites pancartes qui nous suivaient Donc on a pu discuter aussi avec des parents qui venaient chercher leurs enfants. Et on a

eu pas mal de monde ce jour-là parce que c’était d’un seul coup la sortie des écoles. C ’ é t a i t intense et assez drôle. Le soir, on a eu une grande réflexion sur ce qu’on allait faire de tous les post-it de la journée et on voit les petites pochettes dans lesquelles on rangeait les paroles selon les thèmes abordés : les abattoirs, les transports en commun, les changements de population et le sentiment de promiscuité sur le village.


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spécialement nous puis aussi les gens

Vendredi Matin, au CNSL, comme tous les matins. On avait le panneau et puis les gens passaient nous voir avant qu’on parte pour l’après-midi. L’occasion de rencontrer aussi des gens qui venaient voir : personnes rencontrées la veille, élus et qui bossaient au CNSL.Et l’après-midi on était à la Maison des Isles, le vendredi. Avec la pancarte qui commençait à prendre beaucoup de poids.

Bon là ça a moins marché qu’ailleurs, faut dire qu’il faisait moche et froid et les gens avaient peut-être pas envie de sortir de chez eux. Et finalement, on fait un dernier trajet dans les rues de Trentemoult.


84 - Ateliers pubics | Rezé

Photo-manifest-aton «le no man’s land de Rezé» « :-) » «Pêche à la civelle !!! Beghin Say, licenciements jusqu’à quand ?» «Roseaux, Loire, Quais»

«Décontaminer les sols/ Magnifique/lieu d’échanges intersociaux, intergénérations» «Je passe par là quand je fais mon footing.» <vide> «c’est là que je promène mon chien le dimanche. Alix + Gabrielle»

«jardin à côté à la place des abattoirs» «faire des ateliers d’artistes» «à conserver patrimoine» «Le temps passe bien à Trentemoult»


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«Belle vue»

«vue des bureaux du CSC Loire et Seil»

«Belle vue»

«que construire à la place ?»

«La plus belle vue d’OTIS France»

«Trentemoult grand tout vert»

<vide>

<vide> «Rendons le quai aux flâneurs de Loire» «Trentemoult grand tout vert» <vide>

Photo-manifest-aton Comme dans un photomaton, des participants de l’atelier ont posé. Une photo est choisie, un message écrit. La pancarte est brandie.


86 - Ateliers pubics | RezĂŠ

Pan-carte


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88 - Ateliers pubics | Rezé

Mots d’îles_1

Le territoire en belles paroles

Cadrage 1 : Trentemoult


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Cadrage 1 : Haute-テ四e


90 - Ateliers pubics | Rezé

Mots d’îles_2

Le territoire en belles paroles


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Cadrage 1 : Trentemoult

Cadrage 2 : Haute-テ四e


92 - Entretiens | Apports thĂŠoriques

Entretiens


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Être à l’écoute

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« Être à l’écoute » forme aujourd’hui une expression captive d’un registre de sensiblerie philantropique où la condescendance résonne avec la bonne intention, souvent aussi dans une tonalité pieuse. Ainsi, par exemple dans les syntagmes figés « être à l’écoute des jeunes, du quartier, du monde », etc. mais je veux ici l’entendre sur d’autres régistres, dans de tout autres tonalités, et tout d’abord dans une tonalité ontologique : qu’est-ce qu’un être adonné à l’écoute, formé par elle ou en elle, écoutant de tout son être ? Rien de mieux, pour ce faire, que de remonter d’abord en deçà des usages présents. Après avoir désigné une personne qui écoute (qui espionne), le mot « écoute » a désigné un lieu d’où écouter en secret. « Être aux écoutes » consista d’abord à être placé en un lieu dérobé d’où pouvoir surprendre une conversation ou une confession. « Être à l’écoute » fut une expression d’espionnage militaire avant de revenir, par la radiophonie, à l’espace public, non sans rester aussi, sur le registre téléphonique, une affaire de confidence ou de secret volé. Un des aspects de ma question sera donc : de quel secret s’agit-il lorsqu’on écoute proprement, c’est à dire lorsqu’on s’efforce de capter ou de surprendre la sonorité plutôt que le message ? Quel secret se livre-donc aussi se rend public- lorsque nous écoutons pour eux- mêmes une voix, un instrument ou un bruit ? et l’autre aspect indissociable, sera : qu’est-ce donc qu’être à l’écoute, comme on dit « être au monde » ? Qu est-ce qu’exister selon l’écoute, pour elle et par elle, qu’est-ce qui s’y met en jeu de l’expérience et de la vérité ? Qu’est-ce qui s’y joue, qu’estce qui y résonne, quel est le ton de l’écoute ou son timbre ? L’écoute serait elle elle-même sonore ? Les conditions de cette double interrogation renvoient d’abord très simplement au sens du verbe écouter. Par conséquent, à ce noyau de sens où se combine l’usage d’un organe sensoriel (l’ouïe, l’oreille, auris, mot qui donne la première partie du verbe auscultare, »prêter l’oreille », « écouter attentivement », d’où provient « écouter ») et une intention ou une attention que marque la seconde partie du terme. Écouter, c’est tendre l’oreille- expression qui évoque une mobilité singulière, parmi les appareils sensoriels, du pavillon de l’oreille- , c’est une intensification et un souci, une curiosité ou une inquiétude. Chaque ordre sensoriel comporte ainsi sa nature simple et son état tendu, attentif ou anxieux : voir et regarder, sentir et humer ou flairer, goûter et déguster, toucher et tâter ou palper, entendre et écouter. Or il se trouve que ce dernier couple, le couple auditif, entretient une relation particulière au sens dans l’acceptation intellectuelle ou intelligible du mot (au « sens sensé », si l’on veut, par distinction d’avec le « sens sensible »). « Entendre » veut dire aussi « comprendre », comme si « entendre » était avant tout « entendre dire » (plutôt qu’ »entendre bruire »), ou mieux, comme si dans tout « entendre » il devait y avoir un « entendre dire », que le son perçu soit ou nom de la parole. Mais cela même, peut-être est réversible : dans tout dire (et je veux dire, dans tout discours, dans toute chaîne de sens) il y a de l’entendre, et dans l’entendre lui-même, au fond de lui, une écoute ; cela voudrait dire : peut-être faut-il que le sens ne se contente pas de faire sens (ou d’être logos), mais en outre résonne. Tout mon propos tournera autour d’une telle résonnance fondamentale, voire autour d’une résonance en tant que fond, en tant que profondeur première ou dernière du « sens » lui-même (ou de la vérité). Si « entendre », c’est comprendre le sens (soit au sens dit figuré, soit au sens dut propre : entendre une sirène, un oiseau ou un tambour, c’est chaque fois déjà comprendre au moins l’ébauche d’une situation , un contexte sinon un texte), écouter, c’est être tendu vers un sens possible, et par conséquent non immédiatement accessible. On écoute celui qui tient un discours que l’on veut comprendre, ou bien on écoute ce qui peut surgir du silence et fournir un signal ou un signe, ou bien encore ce qu’on appelle la musique…. Être à l’écoute, c’est toujours être en bordure du sens, ou dans le un sens de bord et d’extrémité, et comme si le son n’était précisément rien d’autre que ce bord, cette frange ou cette marge- ou du moins le son musicalement écouté, c’est-à-dire recueilli et scruté pour lui-même, non pas seulement) mais comme sens résonant, sens dont le sensé est censé se trouver dans la résonance, et ne se trouver qu’en elle. 1 Jean-Luc Nancy « À l’écoute » éd. Galilée 2002 Paris


94 - Ateliers pubics | Cordemais

«C’est une cité dortoir, depuis 5 ans je dirais Petit à petit les commerces du bourg s’en vont Il y avait quoi d’autre comme commerces, avant ? Avant il y avait, ben là c’était un hotel restaurant, le castel Ah le castel ! Là il y avait un café, qui s’appelait le café du commerce qui a fermé il y a déjà une dizaine d’année hein, ou peut être moins je ne sais pas. Après plus loin quand on va vers la boulangerie, il y avait une épicerie qui faisait fleuriste aussi et quand on va encore plus loin il y avait une autre épicerie qui faisait charcuterie et il y avait un café à l’entrée aussi. C’est vrai il y en a beaucoup moins, même si il y a encore le restaurant quand on va vers le port, je ne sais pas si vous avez fait le tour ? Oui»


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«Moi les cigognes elles m’dérangent pas… elles viennent là, elles vont parmi les vaches Attend, j’ai encore autre chose, à moins que vous êtes pressés « on faisait des repas là bas, où il y a la table, … non c’est des pêcheurs qui font ça…ça ça a été pris il y a deux ans, il y a un arbre là bas … ah tu peux prendre une photo de la photo ?.... des braconniers. - Vous en faites encore des repas comme ça ? - Ha oui, fin juillet, si y en un qui peut pas on change….une dizaine. » J’avais pris des photos avec mon portable, des cigognes. Xantia c’était y a trois ans tu dis ? Oh on avait un tas de cigognes Ha c’est saint étienne ici ! C’est l’étier qui délimite Il vend des engrais. – Empoisonneur, empoisonneur… Avoir des animaux en bonne santé « Moi j’étais sympathisant en 68-69, j’ai rentré dans la filière en 76, j’me suis fait insulté et tout… ; Alors, ils m’disaient, « ouais tu peux vendre tes produits plus chers ». Moi c’était pas ça. J’voulais des animaux en bonne santé ! C’est pour ça j’avais dit ça au directeur de la DDA à Nantes. « c’est pas ça qui m’intéresse, c’est d’avoir des animaux en bonne santé ». Quand vous avez des animaux en bonne santé … moi c’était pas… j’va le vendre trois fois plus cher, non…ba….. t’as pas le droit d’empoisonner quelqu’un. »


96 - Entretiens | Indre

Entretiens Rendez-vous du 11 mars, dans son bureau

Jean-Luc LE DRENN

Maire de la commune depuis 2008, habitant d’Indre depuis 2006 (..) Donc en fait à l’origine c’était trois entités, et la Loire passait par ici (zone de Soferti) La Loire ne passait pas comme ça, elle passait par ici. Donc en fait ici tout est remblayé. C’est que du remblai, sauf les zones humides, la qui sont de chaque côté. Alors aussi, Indre a un passé industriel, et encore une actualité industrielle très importante puisque bon, il y a DCNS. DCNS actuellement c’est …800 employés mais ils ont étés 2000. Ce qu’on appelait les forges, maintenant Arcelor Mittal, ils ont étés jusqu’à 3500 salariés, donc 700 aujourd’hui, vous voyez un peu… Et puis on avait ici aussi, l’ancienne usine de fabrication d’engrais AZF-Soferti, l’équivalent de Toulouse. Mais qui a disparu. Ils ont cessés leur production en juin 2006. Il y a un projet sur toute cette partie là. Surtout sur la partie qui n’a pas été exploitée et sur la globalité, il y a un projet économique et d’habitat. (...) Sur la commune, on a 75% de zones inondables. Donc pour nous c’est très très compliqué de développer cette commune. Parce ce qu’on a des contrainte… terribles ! Tous les bâtiments qu’on met en place, y compris la mairie, d’ailleurs ; et pourtant c’était dans les années 70 à peu près, c’est sur pieux ! Tout est sur pieux, à 30m de profondeur, pour aller chercher la roche. (...) ça fait des surcoûts, à chaque fois, très importants sur tout ce qu’on fait !(...) Alors, ici on a les problèmes d’inondablilité et là on a d’autres problèmes, on est sur de la roche. De la roche bleue. Et là aussi… je sais qu’ il y a eu des parkings souterrains crées il y a une vingtaine d’année, à l’explosif quand même ! Pour vous dire la complexité du territoire quand même ! Par contre la chance qu’on a, c’est qu’on est en bord de Loire… et ça c’est un atout ! (...) Depuis 1999, on a 25% de renouvellement de population tous les 5 ans. C’est une commune qui bouge beaucoup, qui se rajeunit énormément. Tout ça c’est bien. (rires) Avec des nouveaux habitants, un nouveau regard. Ici, c’était un bastion ouvrier et pêcheur. On a été le premier port de pêche civellier, de la civelle, de France à une certaine époque. Aujourd’hui on n’a plus qu’un pêcheur de civelles. (...) On a beaucoup de professions libérales, des gens qui viennent s’installer… L’attrait de la Loire… Un petit village, quand même, parce que, ça reste l’aspect… On a 4000 habitants, ce n’est pas énorme. Peut être qu’on ira jusqu’à 5000 mais ce sera vraiment un grand maximum à mon avis ! Et puis à proximité de

Nantes. On est qu’à 7km de Nantes, enfin 7km de Gare Maritime ! (...) On a eu jusqu’à 80 commerces ici , quand même. C’était énorme ! 80 petits commerces. Aujourd’hui si on a 20 grand maximum. (...) Et alors le marché ! C’est notre commerce de proximité du dimanche matin… Là c’est 5000 visiteurs en moyenne… Alors je parle bien de visiteurs, pas de clients ! (...) Mais on atteints des pics à 7 500, 10 000. On sature un peu quand même. En termes de stationnements ce n’est pas… Ce n’est pas une ville qui a été construite pour de la circulation. C’est des petites rues… C’est monté sur un îlot. Aujourd’hui on a beaucoup de problématiques liées à ça. Maintenant, les gens, en général il y a deux-trois voitures par foyer, par famille, donc pour stationner tout ça… ça pose des problèmes. Donc en réalité, demain, de pouvoir développer… On a quelques opportunités. On a cette parcelle là (Soferti) Qui viendra peut être fonder une quatrième île d’ailleurs, Et puis, ….On a cette parcelle là, mais qui ne nous appartient pas qui appartient au groupe Arcelor Mittal (...) Là aussi il y a une possibilité de faire des équipements publics et puis aussi du logement. Alors avec des contraintes, je ne vous dis pas… Elle n’est pas polluée, cette parcelle ? Alors (rire) On y vient ! … Très bonne question... Cette parcelle là est très très polluée, surtout ici (Nord-Est) ! Alors cette parcelle là, au fond, est très très polluée. Sur cette partie la, il y a une zone d’hydrocarbures, mais ça ça se traite, facilement maintenant. Ce n’est pas un problème. On a conclu un protocole d’accords pour créer sur cette partie la une zone économique. (...) Et ici du logement et des équipements publics. Ce qui nous permettrait quand même de créer, sur plusieurs années, 250 logements. Nous au global on a que 1800 logements, donc c’est une opportunité quand même ! (...) Mais vous voyez une fois que ces poches là seront remplies, on a plus aucune opportunité. La commune elle est, (rire) Elle est figée ! A moins de de créer du logement mais bon, sur des zones comme ça… on sera jamais autorisés... et puis, c’est pas trop dans l’esprit. Parce que bon les gens qui viennent habiter ici veulent conserver l’aspect village, pour eux, c’est important ! Alors par contre, ils viennent tous de Nantes ou… de la région Parisienne et ils nous demandent la même qualité de vie qu’ils avaient à Nantes, donc c’est un peu difficile. (rires) Mais bon ici, on a des ressources financières importantes dues au passé, qui vont commencer à diminuer, …mais on a des ressources financières quand même dues à la taxe professionnelle qu’on avait à une certaine époque qui était phénoménale ! Je crois que là on va emprunter pour la première fois en 2013. (...) Là, je ne sais pas si vous aviez connu, mais c’est l’ancienne déchèterie de Tougas, qui était à ciel ouvert. C’est encore en activité, les brûleurs sont toujours en activité, … On nous avait dit qu’il y en avait que pour 20 ans….On a bien dépassé les 20ans. Là c’est un site sur lequel, pour l’instant… il y a un projet d’une centrale photovoltaïque de 15 Ha, ce serait une des plus grande de l’ouest, mais pour l’instant (rire) on attend… C’est un appel à projet national. (...)


97 Il y a un travail en ce moment, dans le cadre de la fête de la Loire, puisque on avait la fête des civelles, (rire) et maintenant, c’est la fête de la Loire ! (...) Qui bouge, qui change aussi... Alors ça déçoit un peu nos anciens… Ils étaient attachés à certaines, choses, …la fête foraine, les courses cyclistes… tout ça c’est fini. (...) A une certaine époque, même là dans l’étier qui passe devant la mairie, là vous mettiez la main et puis vous en aviez plein, des civelles ! Ils donnaient ça aux poules, à manger quand même ! Il faut savoir qu’aujourd’hui c’est 400euros le kilo, quoi ! Donc voila c’est assez phénoménal quand même. (...) Et donc en fait ils font une fête mais avec plusieurs poissons de Loire, la lose, l’anguille... (...)Et puis tout ce passé ouvrier, parce qu’on parle du passé pêcheur, mais le passé ouvrier c’est hyper important ici. Hyper important ! Politiquement c’est une commune qui vote à gauche et toujours à gauche aujourd’hui, et dans des proportions ! C’est à 75% à gauche ! Malgré tout ce changement de population ! Je pense que les gens s’identifient, … (...) Avec une activité associative qui est énorme ! Parce qu’on a 42 associations. Donc c’est une pour 100 habitants. (...) Peut être le caractère ilien aussi … Alors ça transparaît moins aujourd’hui mais il y avait quand même… On habitait Basse-Indre ou on habitait Haute-Indre. On n’habite pas Indre. Les gens c’est encore... C’est compliqué pour eux. Ils vont mettre, 44610 Basse Indre ou 44610 Haute Indre, alors que c’est la même commune ! On a deux amicales laïques par exemple, une à Basse Indre, une à Haute Indre. Tout est multiplié par deux. Et Indret, à cause de l’armée… il n’y a plus grand monde… Non il n’y a plus, il n’y a plus d’habitants… On peut considérer qu’il n’y en a plus! Par exemple, il y avait un bureau de vote à Indret. Vous savez, quand vous alliez de l’autre côté pour 34 inscrits, la journée était longue. Et le soir nous n’avions pas le droit de transporter l’urne par le Bac, …au cas où il se passerait quelque-chose sur le bac, il fallait repasser par le pont de Chauviré. (rires) »

C’est comme un camping ? C’est plutôt des gens qui essayent de retaper des vieux bateaux. Parfois ça dure quelques années, ça dépend des moyens…Faut pas croire qu’ici tous les bateau sont des merveilles. Il y a toujours quelqu’un ici ? Oui, c’est un lieu très vivant. Du coup ça fait une communauté ? Pas jusque là, mais on se connait un petit peu. On se donne des coups de main de temps en temps mais c’est chacun son bateau. Il y a plusieurs chantier ; Alu Marine qui fabrique des bateaux aluminium, Port Lavigne Hivernage qui est propriétaire du terrain et loue les emplacements, Il y a un chantier qui répare et fabrique des bateaux plastiques. Il y a de plus en plus de bateaux en hivernage ? Non de moins en moins. On sent un mouvement avec les saisons ? L’été ça se vide. Il y a les crampons comme nous la rangée du fond. Il y a beaucoup de gens qui habitent ici à l’année ? Une dizaine de personnes. J’ai des voisines qui sont là depuis 10 ans. Elle l’on préparé pendant 2 ans, elles ont fait le tour du monde puis elles sont revenues. Vous sentez que vous êtes sur une île ? Non, pas trop. Avant c’était une île mais maintenant avec la digue, le passage est toujours possible. C’est un vrai lieu de promenade. Beaucoup de personnes viennent ici. Faites attention aux vélos. Il y a beaucoup de joggeurs et promeneurs d’animaux.

22 mars, 17h00, à leur domicile

Mr et Mme T,

la cinquantaine, chauffeurRencontre du 14 mars, vers 15h30 livreur, né à Basse-Indre et educatrice, mariés, 4 enfants. Retraité qui répare son Alors comment êtes-vous arrivé à Basse-Indre ? bateau, au chantier de Port J-Y B : «J’ai toujours vécu à Basse-Indre. Je Lavigne ne suis pas né ici mais je suis arrivé en 55, j’avais « Cela fait longtemps que vous fréquenter l’endroit ? Une quinzaine d’années. Et ça évolué en une quinzaine d’année ? Oui à Port Lavigne ça a pas mal agrandi avec des nouvelles maisons. Le village est sympa quand il n’est pas coupé par les inondations. Au départ, je venais promener mon chien, puis j’ai découvert le chantier. J’y ai mis mon premier bateau et là c’est le troisième. Y’a une vie sur le chantier ? Oui, il y a même des gens qui y habitent. Il y a l’espèce de pirate en face qui habite à bord. C’est un « frère de la Côte » c’est un club dont l’emblème est un drapeau de pirate. Ils y a plusieurs personnes à habiter à l’année ici.

6 mois. Mes parents sont venus ici pour travailler. Mon père travaillait aux forges. (...)

A l’époque en 82, quand vous êtes arrivés, c’était comment Basse-Indre ? Y’a eu beaucoup de changement depuis, les quais n’étaient pas fait comme maintenant. Y’a beaucoup de jeunes qui sont arrivés. Ca s’est beaucoup construit avec les lotissements. C’est beaucoup plus propre qu’à l’époque. Les quais étaient très sales, y’avait pas de remblais. C’était un petit près qui descendait directement dans la Loire, c’était vraiment infect… Sale, vous voulez dire naturel ?avec de la vase….. De la vase, des rats. Y’avait des inondations. Y’avait pas de remblais c’était vraiment


98 - Entretiens | Indre vilain. En plus y’avait des commerces beaucoup plus que maintenant, y’avait des garages sur le quai, avec des épaves de voitures c’était l’horreur. En plus dans les années 65-70 il n’y avait pas de tout-à- l’égout à Basse-Indre. Les gens allaient tous jeter leurs seaux d’eaux sales dans la Loire. C’était une commune sale alors que maintenant c’est mignon, c’est attrayant. On a les transports en commun. Nantes, n’est pas loin. On est bien lotis. Le seul inconvénient c’est qu’on n’a pas assez de commerces. C’est pour les anciens, ça monte, ça descend on a juste un Leader… (Madame B arrive…salutations, on se présente….) On parlait du tout-à-l’égout, il est arrivé à quel moment ? Dans les années 75. Ca été très tard. Basse-Indre était sale, Haute-Indre aussi ? Je ne me souviens pas d’Haute-Indre. Basse–Indre était sale surtout au niveau du quai. En fait il y avait 2 parties. Ici où on est actuellement ça s’appelait la pointe et les pointus c’était les habitants de ma pointe, c’était les gens riches, les cadres de chez Gigi-Carnot…Alors que sur les quais s’étaient plutôt les ouvriers. Y’avait 2 clans. Ils ne se mélangeaient pas. N B : C’est comme les gens de BasseIndre et d’Haute-Indre, ils ne s’aiment pas trop. Les anciens mais pas les jeunes. La preuve à BasseIndre on appelle les gens d’Haute-Indre ; les « chiens » d’Haute-Indre. (...) C’est pour ça qu’en quittant Haute-Indre on voit un panneau où est inscrit « dernier bar avant BasseIndre » ? A propos de café, y’en avait un paquet à Basse-Indre, au moins 32 ! (...) Y’avait énormément d’ouvriers. 2000 chez GigiCarnot. Le commerce marchait bien malgré le nombre ! Maintenant quand on passe dans la rue principale on voit beaucoup d’anciennes vitrines… Y’avait des boucheries…. Magasin de vêtements, de chaussures, …tout ! Maintenant, le seul truc qui marche c’est le marché le dimanche. C’est énorme. Quand il fait un beau soleil c’est agréable! Il faut venir. Par contre, ça devient plus possible avec les voitures….Ce n’est pas une commune où on circule facilement, surtout les jours de marché. Même pour se garer. C’est un ancien bourg de pêcheur, avant ils avaient tous des brouettes…. Aujourd’hui on a 2 voitures par couple, c’est plus possible. C’est des gens de l’extérieur qui viennent au marché ? Oui avec le bac c’est pratique, certains ce gare en face et viennent à pied… Le parking en face est plein le dimanche matin. D’ailleurs, il ne faut pas prendre le bac le dimanche matin. C’est dangereux avec les piétons, même en vélo. Y’a trop de monde. On ne va pas dire ça car il n’y a plus que ça à Basse-Indre. Y’a plus de civelles, Y’a plus de pêcheurs…C’est une ville un petit peu morte.

Et vous avez connu l’époque ou la civelle faisait la gloire d’Indre ? Bien sûr. Les pêcheurs venaient de St Nazaire entre Nantes et Indre. On entendait les bateaux qui passaient au mois de mars Ca Klaxonnait… Avec leur petites lumières. C’est dans les années 65-70. On en a vu des centaines de kilo, y’en avait à trainer partout…c’était intéressant de voir tous ces petits fanions passer avec plusieurs couleurs, c’est dommage qu’il n’y ait plus ça. Ils en ont trop pêché. Est-ce que vous ressentez le manque d’un port avec des bateaux ? Ils ont essayé de faire un port mais avec la vase c’est difficile. Ca s’envase tout de suite. Personnellement ça ne me manque pas. Mais ça peut être intéressant, c’est joli un port, à Couëron ils en ont un. A Haute-Indre, ils en ont un. (...) Ils auraient fait un petit pont en bois pour passer l’étier avec une balade, c’est long… avec des arbres, des bancs s’aurait été drôlement sympa au lieu de tout laisser comme ça. Ca fait pas très fini… Son père ça le mine de voir la Motte comme ça dans un état sauvage, on ne voit plus rien… (...) Autrement c’est agréable on est prêt de Nantes à 1h de la mer. Les impôts ne sont pas trop excessifs, ça viendra peut-être quand l’usine d’Indret va fermer ou les forges. (...) Au niveau des transports en commun on a tout. (...) Les enfants n’ont jamais mangé à la cantine même au collège. Le midi avec le bus en 1520 minutes ils étaient à la maison depuis le collège à St Herblain. On est bien desservi. Et vous allez souvent du côté de La Montagne ? Non, en général les gens qui sont là ne vont pas habiter de l’autre côté. Sans y habiter, mais se promener ? Si, on fait des promenades. On prend le bac, on monte à pied, ça grimpe, ça grimpe c’est tout en hauteur La Montagne. Même à travers les champs mais il faut mettre des bottes.C’est agréable, il y a la chapelle Saint Hermeland où ils ont trouvé des anciens fours à canons.Il on faillit l’abattre. Faut dire qu’elle n’est pas belle .Ils la garde à cause de ce qu’ils ont trouvé dessous. Vous avez cette sensation d’être sur une île ? Beaucoup moins maintenant. Avant avec les marées on était entourés d’eau. Aujourd’hui, on n’a plus la sensation d’être sur une île surtout du côté Nord. Il y a des plaques avec le niveau d’eau des crues.C’est pour ça qu’on a des droits de passages chez les gens. Lors des inondations les gens ne pouvaient pas rester chez eux ils remontaient. Quand on a acheté ici, le sol de la maison avait 15 cm de faux niveau. Quand il pleuvait l’eau rentrait dans les maisons et ressortait.Dans le garage voisin il y a un droit de passage.C’est fermé.Mais les voisins on la clef pour passer. Comment vous le ressentez le relief ? Pour nous ça va mais pour les anciens ça pose un gros problème. Ce qui est avantageux c’est la vue. En plus ce ne sont que des maisons à étage. On a une petite cour derrière mais faut encore monter des marches ! C’est que ça, que des marches ! Si vous voulez faire des travaux c’est pénible comme tout ! C’est maisons là son atypiques, très recherchées.


99 Le problème d’habiter sur les rochers c’est qu’il y a toujours de l’eau. Ca suinte les rochers. C’est de l’eau tout le temps, partout. L’eau s’infiltre des rochers et passe dans les maisons. (...) Et au niveau du vent ici ? C’est un peu la catastrophe. Ça fait peur. Quand ça vient Ouest et Sud-Ouest. On entend la charpente qui travaille. Ça fout les boules. On a cassé plusieurs fois les volets…Mais c’est quand même agréable, l’été….jamais j’irai prendre une maison au Nord. Comme ceux qui sont rue de Nantes… (....) Et le passage des bateaux est fréquent ? De moins en moins. 2 ou 3 par jours mais c’est souvent les mêmes. Ce sont des bateaux qui font la navette entre Montoir et le Pont de Cheviré. On n’y fait plus attention. On s’habitue. Et vous vous en pensez quoi de relier Basse-Indre et Haute Indre ? A moi j’aimerai bien. Ce serait bien ! Notre commune comme elle est là elle meurt, y’a plus de commerces, y’a plus rien ! En groupant les deux communes, si des jeunes couples viennent peut être que ça fera comme St Herblain. Les commerces repartiront. Il y a déjà eu un projet d’arcades en face du bac mais personne n’en a voulu… Dans le temps, on avait même 3 cinémas à Basse-Indre ! Maintenant, le plus près c’est St Herblain et Atlantis… Je crois que les gens s’en fiche des commerces du moment qu’ils sont au calme. Y’a du passage avec le bac, cela vous dérange ? Non nous sommes trop hauts. Mais maintenant avec le nouveau bac c’est 40 voitures. Certains sont obligés d’attendre les passages du bac pour sortir de leur garage. Personne ne les laisse passer. C’est un gros flot de voiture quand même. Le problème avec ces gens-là, c’est qu’ils embêtent tout le monde avec la circulation mais il ne s’arrête pas à la pharmacie, à la boulangerie…A un moment il parlait de faire une sortie de bac à Soferti…Ils en parlent …c’est comme d’enlever le cimetière aussi… C’est le seul d’Indre ? Oui, mais je ne sais pas ce qu’ils veulent faire à la place. Un parking, des logements…. En tout cas, moi, je n’habiterais jamais sur le quai, c’est infernal, ça roule, ça roule, on ne peut pas laisser la fenêtre ouverte on ne s’entend plus. (...) C’est dommage que la Loire ce n’est pas la mer, on pourrait se baigner. (...) Utilisez-vous la gare ? Non mais l’accès en vélo et à pied est dangereux le long de la route.(...) Vous dites aux gens que vous habitez à Indre ? Non Basse-Indre.C’est moche d’ailleurs Basse-Indre à un moment il voulait mettre Indresur-Loire. C’est joli Indre-sur-Loire. C’est encore plus moche à la gare car c’est La Basse-Indre. Au niveau du foncier, quelle est la proportion de propriétaires et de locataires ? A Basse-Indre se sont majoritairement des propriétaires. Les logements neufs à côté de

Leader sont des locations. Tous les toits en ardoises sont des locations, tous les toits en tuiles sont des propriétaires. C’est drôle ! C’est pour les différencier…

19 avril, 10h30, pendant l’Atelier Public

Gilles Olivier,

directeur du cabinet du maire d’Indre …) On a eu connaissance du projet de révision du PLU, vous pouvez nous en dire quelques mots ? « Oui en fait, c’est plutôt Nantes-Métropole qui pilote chez nous. Sur le contenu du PLU c’est les élus de la commune, on a aussi fait participé le conseil consultatif communal et l’association Indre Histoire d’îles. Après sur la mise en forme, c’est Nantes- Métropole, Indre dépendant du territoire Pôle Loire- Chézine. Mais je peux vous donner les grandes lignes autour de cette révision du PLU. Tout d’abord, sur la méthode. On a essayé de faire impliquer les citoyens, sachant que tout le monde n’est pas intéressé.(…). On n’hésite pas à faire des réunions publiques pour dire des choses réelles aux gens, nous sommes dans une petite commune ou les rumeurs peuvent partir très vite. (…) Lors d’une réunion publique sur Haute-Inde sont apparus des intérêts particuliers complétement contradictoires avec certains qui disaient « Nous, on ne veut pas de voisins, on habite à la campagne, on ne veut pas de voisins ! » et d’autres qui sont propriétaires qui se disent que s’ils ont deux bouts de terrains à vendre, ils vont se faire un paquet d’argent…La collectivité est obligée d’arbitrer tout ça dans l’intérêt général. On doit dépasser les intérêts particuliers de manière très nette car de toute façon ils se contredisent. Le périmètre d’étude nous permet de préempter au tarif des Domaines (…) les gens propriétaires ont le sentiment d’être volés… (…) Lors de cette rencontre un des jeunes habitants nous a dit « Même si vous densifiez le bout de Haute-Indre, vous n’arriverez pas à rattraper le manque de logements sociaux sur la commune. ». Il a raison, les seules possibilités logiques, et encore dans des proportions limitées, de rattraper notre quota sont les deux futurs sites de Soferti et ArcelorMital (…). On pourrait sortir sur l’un 1.5ha à 3ha, sur l’autre 2,5ha à 3ha. Se pose alors le problème de mixité sociale est-ce qu’à 50/50 on a encore de la mixité sociale ? Faut-il absolument rattraper notre déficit de logements sociaux au risque de retrouver les problèmes des quartiers comme Bellevue et Les Dervallières ? (…). On sait que le 100% n’a pas fonctionné. Une fois que l’on aura aménagé le Crassier et Soferti, après les seules solutions pour récupérer du territoire c’est qu’Arcelor ou la DCN à Indret ferment mais personne ne veut ça… Indret c’est encore un bon millier de salariés, Arcelor c’est 700. La solution d’Haute-Indre prendra du temps. Il n’y aura pas d’expropriation, ce ne sera qu’avec le droit de préemption (…).


100 - Entretiens | Indre La demande d’achat de parcelle à bâtir ou de logement est forte à Indre ? (…) Il y a beaucoup de demande de terrains à bâtir ou d’achat de maison, mais y’en a pas. Et quand il y en a c’est hors de prix (…) surtout les maisons sur les quais. A Basse-Indre on est à plus de 80 logements/ha avec des emprises au sol en moyenne de 50m² sans jardin ni cour. (…) Ça devient un peu comme Chantenay il y a une dizaine d’années des gens un peu bobos sont attirés par Indre. Cela engendre un changement de population? Les nouveaux habitants qui arrivent sont d’une catégorie sociale bien supérieure à celle qu’il y avait ici. Indre était une commune avec une très grande majorité d’ouvriers. Du coup, il y a un changement de typologie de population qui est très net. (…) Il y a un 25% de renouvellement de la population tous les 5 ans. C’est beaucoup. Avec des catégories socioprofessionnelles plus aisées mais on ne retrouve pas ça sur le vote. On se demande s’il n’y a pas un retour aux sources, des gens issus d’un milieu modeste qui reviennent sur une terre ouvrière. Ce serait à vérifier…Ce serait possible. On est à 70-80% à gauche quand même ! Et c’est un peu déphasé par rapport à la typologie de la population…. Il y a une différence entre les 3 îles ? Dans le passé, Basse-Indre était beaucoup plus relié au reste du monde, par le bac au sud-Loire, par le Nord avec Saint-Herbain même si c’était en barque… alors qu’Haute-Indre à l’époque c’était quand même un cul de sac ! La jonction avec la zone industrielle à l’Est n’est pas si ancienne. La route des sables n’est pas si ancienne non plus ! Haute-Indre était plus isolée que Basse-Indre. Il n’y a pas de centre bourg, les endroits les plus fréquentés sont le jardin près du port, l’école, le gymnase et le local de l’amicale laïque de Haute-Indre. Nous sommes surpris de constater que les habitants de Basse-Indre et Haute-Indre ne connaissent pas Indret , la Chaussée de Robert…. Indret, c’est une autre histoire. Cela fait longtemps que ce n’est plus habité. Il y a une vie qui est plus tournée vers le Sud-Loire. Les gens qui logent à Indret aujourd’hui sont des gens qui travaillent à la DCNS (…) Autrefois il y avait une vie de village à Indret mais aujourd’hui la vie à Indret c’est la DCNS. (…) Il y a quelques années, le maire a essayé de voir avec les dirigeants de la DCNS si au niveau du foncier ils n’avaient pas quelques choses à céder… Mais, pour eux c’était impensable ! (…) Au niveau patrimonial, il y a eu un très gros travail de fait par Indre Histoire d’îles, le conseil consultatif et Nantes-Métropole avec le CAUE. (…). La Loire sépare beaucoup. Lorsqu’il y a un fort coefficient de marée le bac ne fonctionne plus. Le fleuve reprend ses droits de temps à temps(…). A la préfecture, ils suivent ça de près, une nouvelle carte des zones submersibles vient de paraître. A Indre, la cartographie n’a pratiquement pas bougé mais en aval la zone de submersion a augmenté alors qu’en amont elle a diminué. Aujourd’hui on maîtrise mieux

les crues de Loire. (…). Ici, on est moins sujet aux crues de Loire cévenoles mais plus aux crues de fortes marées. Les 4 paramètres que l’on redoute c’est simultanément une crue cévenole, un fort coefficient de marée, un vent d’Ouest et une faible pression atmosphérique. C’est ce qu’il s’est passé lors de la crue de référence de 1910 (…). On n’est pas à l’abri (…). On nous demande de densifier mais nous n’avons pas beaucoup de zones à insubmersibles ! Nous ne sommes pas à l’abri. Mais, en fait depuis toujours la commune vit avec ça ! Comme la commune a vécu avec le risque industriel permanent avec 3 entreprises, 3 classements SEVEZO ! Dont un seuil haut avec Soferti ! La commune a toujours vécu avec des risques. Ça fait partie du paysage local. Ça n’a jamais chiffonné personnes ! Aujourd’hui, ce serait plus compliqué avec la nouvelle population ! Nous n’avons rencontré personne qui critiquait les sites industriels d’Indre…. (…)Le rapport entre la population et le site de Soferti est un peu plus complexe. Quand on regarde les anciens documents on voit que l’implantation de La Bordelaise a été imposée par la préfecture contre l’avis du conseil municipal et la population de l’époque. Ici on est plus attaché à l’ancienne fonderie à canons du 18 ième et les forges du 19 ième. On disait même les Forges de Basse-Indre, FBI ! (…). De nombreuses personnes nous ont parlé du passé, moins du futur… Pour nous aujourd’hui c’est une grande question que l’on se pose, comment faire le trait d’union avec entre des populations historiquement ouvrières plus ou moins âgées et des populations nouvelles qui attendent autre chose. Cette question se pose d’un point de vue urbain, mais aussi d’un point de vue culturel. On a du mal à trouver des actions culturelles qui rassemblent l’ensemble des générations. Pour l’instant seul le service culturel a réussi en organisant une fois le Bastr’Indre. C’était un bal du 14 juillet revisité où on a retrouvé toute la population de la commune ! Il y avait un vrai mélange de la population entre les natifs et les nouveaux. Aujourd’hui, c’est une vraie problématique pour nous ; comment faire du lien entre les générations…(…).


101 28 mars, 19h30, à son domicile

Mme V,

38ans, habitante de la Montagne depuis 2003 «(…) Les gens d’Indre et de La Montagne ne s’aiment pas. Je ne l’ai compris que depuis que j’habite à La Montagne. A l’origine, des directeurs, ceux qui avaient des postes importants sur le site d’Indret, sont venus construire sur le rocher de La Montagne. C’était pour eux une époque glorieuse qui contrastait avec le reste de la population. A tel point que j’ai entendu des anciens de La Montagne dire qu’à l’époque il y avait un marché ici, qu’ils appelaient le « marché des cons ». Les « notables » d’Indret achetaient n’importe quoi, sans compter. C’était des gens qui avaient démarré très bas à Indret, puis au fil du temps s’étaient retrouvés à des hauts postes avec beaucoup d’argent. La Montagne, c’était ça. Alors que de l’autre côté moins. J’ai trouvé des ouvriers, vraiment des ouvriers dans l’âme ! Des bosseurs, qui se faisaient leur petite maison, après s’il leur restait de l’argent, ils s’achetaient un petit bout de terrain au bord de la mer… C’est ce que j’ai ressenti à Basse-Indre. C’était des gens agréables à vivre. Ils étaient très honnêtes, très généreux…(…). Moi, j’attribuais ça au Nord Loire- Sud Loire. Avec une différence de mentalité. Ce n’est qu’en venant habiter à La Montagne que je n’ai compris que ce n’était qu’une certaine catégorie de personnes qui avait chopé la grosse tête ! Et les gens originaires de La Montagne ? La Montagne a été construite avec Indret. Avant il n’y avait rien à La Montagne. Ici, les ouvriers d’Indret étaient considérés comme des ouvriers privilégiés avec la sécurité de l’emploi, des bons salaires….Ils n’étaient pas du tout comme les ouvriers de Basse-Indre. Les gens d’ici vont facilement à Indre ? Oui, pour le marché ! Le dimanche c’est la foule ! Ça dure toute la matinée, le bac est plein de piétons et c’est toute l’année ! C’est un vrai folklore ! Je pense qu’il a une certaine réputation. Lorsque j’habitais Nantes, je venais pour l’ambiance… Les gens de La Montagne ne vont à Indre que pour le marché ? Oui, autrement, il y a un vrai clivage. Et toi, tu vois des îles à Indre ? Je n’ai jamais vue ça comme des îles. Par contre, j’aurais beaucoup aimé habiter Indre. A Basse-Indre. Car ça me rappelle toujours un petit port, la vie de voyage….A début, quand j’habitais ici je prenais souvent mon vélo, je prenais le bac puis j’allais de l’autre côté vers les marais de Couëron…Tout de suite c’est dépaysant. Tu prends le bac, c’est génial. Tu n’as pas besoin de faire grand-chose pour être dépaysé. C’est ce qui m’a plus ici. Tu quittes la ville et tout de suite tu es dépaysé. Plus loin, il y a Boiseau, Saint-Jean de Boiseau….à pied c’est super sympa. Tu dis Indre, Basse-Indre, Haute-Indre ? Moi, je dis Indre. Je ne fais pas la différence.

Qui sont les personnes qui habitent à La Montagne ? Ici, il y a une vraie culture fonctionnaire. Beaucoup travaillent à l’hôpital, à EDF…c’est sûrement due à l’origine d’Indret à proximité. Avant, les gens qui travaillaient à la DCN avaient un statut assimilé fonctionnaire, ils travaillaient pour l’Etat(…). Tu avais remarqué qu’il n’y avait qu’un cimetière à Indre alors qu’avant c’était quand même trois îles indépendantes… Mais, c’est pas des îles ! Pourquoi tu dis des îles ? (rires) Tu ne vois vraiment pas d’îles ? Ben non ! Il faut vraiment que je te montre des cartes…(rires) Pour moi, y ’a pas d’île. Il n’y a pas deux bras de la Loire…Qu’est-ce qui ferait que c’est des îles ? Peut-être avec les marais alors qui pourraient séparer…. Je ne vois pas d’île. Par contre, je vois un port. Pour moi, c’est un petit port de pêche. Tu as vu comme ils ont arrangé à Couëron….(…). Basse-Indre me rappelle un peu les petits ports de pêche de la Bretagne. Et j’aurais bien aimé habiter Basse-Indre pour cette raison. A La Montagne, je n’ai pas ce sentiment de port. La Loire, elle est présente il y a le bac, et puis on la voit. Moi, je n’ai pas besoin de descendre le rocher. Tu l’a vois d’emblée, y’a la vallée. (…). Quand on fait la ballade c’est sur le haut du rocher. On a tous les arbres qui poussent, toute la vallée de la Loire puis la Loire. C’est escarpé un peu mais c’est sympa ! De l’autre côté c’est pareil, c’est toujours le même rocher quand on va vers Boiseau…


102 - Entretiens | Rezé pas homologué, dans la limite de parcelle il a pas le droit mais… Ils ont pas accès là non. C’est chez nous. Je vais vous l’article qui est paru dans « Rezé magazine ». (…) V : Moi j’habitais aussi à Norkiouse avant pendant 6, 7 ans. M : Ouais donc c’est quand même un site que vous avez choisi… V : Ouais en fait moi quand on cherchait à acheter une maison on a vu des trucs dans tout Nantes, mais moi la Loire elle me manquait trop. On est tombé là-dessus on a craqué tous les deux. M : Comment vous avez connu ça ? En vous baladant ? V : Comment on a trouvé ? Euh le bon coin ! M : Mais le site pourquoi il vous intéressait ? Parce que vous étiez déjà venus avant ? V : Haute-île ? Bah moi Haute-île je connais et puis on connaissait parce que on venait de Norkiouse et euh oui on a cherché et on a trouvé en faisant une recherche sur le bon coin avec le mot « île» et on est tombé sur Haute-Ile et on a visité celle-ci la

Nous avons rencontré Violette le Quéré le 19 mars 2013 dans l’après-midi à Hauteile, chez elle. Nous avons pu rentrer en contact avec elle par le biais de Jean-Yves Petiteau. Après une visite de l’appartement, elle nous propose le café et nous démarrons l’entretien. V : (…) Ici c’est le problème y’a toujours des marées, et quand en plus ça ravine bien … voilà quand ça se rencontre marée haute et les fortes pluies… Sauf que la Sèvre depuis qu’ils ont mis l’écluse y’a beaucoup moins d’inondations. N : Et ça monte haut là encore ou pas ? V : Ah bha ouais ouais, vous avez vu les panneaux là d’inondation ? M & N : Oui. V : De temps en temps l’eau elle est au niveau de l’herbe là. M : Oui j’avais lu quelque part que y’avait des escaliers en façade, c’était au cas où c’était inondé c’est ça ? Pour pouvoir monter au premier étage ? V : Oui c’est ça. Oui et puis avant quasiment toutes les maisons communiquaient par le deuxième étage entre elles pour s’échapper. N : Ah c’est marrant comme système. Et y’a encore des communications comme ça ? (cf meuble dans le mur) V : Non. N : Comme là, elles sont fermées ? V : Ouais. M : Et vous vivez là depuis combien de temps ? V : On est arrivés en avril dernier. N : Ca coûte cher ou pas d’habiter ici ? V : Franchement pas trop. Par rapport à Trentemoult ça n’a rien à voir. C’est inimaginable. Je connais des gens qui ont acheté là-bas, 200 m2 avec une petite terrasse de genre 20 m2, ils payaient presque 800 000 euros je crois. Et donc nous on a payé au m2 … donc là-bas ça fait 4000 euros le mètre carré, ici on est à 2500. N : Et puis y’a des touristes en moins ?

Oui c’est hyper calme. Même les nantais ils ne connaissent pas en fait.

V:

(elle nous montre le plan cadastral de Haute-île) Voilà sur notre ilôt on le sent bien le petit module carré. Là y’ a une terrasse qui s’est rajouté, là un autre construction… Enfin c’est pas vraiment des carrés, c’est pas forcément des carrés partout mais disons que la surface au sol était limitée. N : Et pourquoi ça a été construit aussi dense ? Pour utiliser la structure des maisons avoisinantes ? V : Hmmm je sais pas. Non je pense pas parce que on a tous nos murs quand même. Mais euh c’était comme ça quoi. C’était la forme urbaine…Ca date de 1800 le village. Mais si tu regardes les vieux hameaux c’est toujours comme ça aussi, très aggloméré. C’est aussi pour des questions de V : Alors oui y’a des maisons… celle-ci je pense qu’elles ont toujours été comme ça. Après y’avait des maisons… comment il disent ? Pas des maisons-maître mais… de capitaine! M :Et le petit jardin là c’est que le vôtre ? Les deux maisons là ?... V : Ah bha c’est que chez nous là. Lui il a une fenêtre mais qui n’est

46 et la 51. Le même jour. Et on a craqué pour celle-là. M : parce que y’avait la vue sur la Loire ? V : Oui (rires). N : C’est marrant d’avoir deux accès. V : C’était un peu tout pourri avant. Dans mon book là, je suis en train de m’installer à mon compte. Et j’ai mis les travaux de restauration dedans pour les potentiels clients quoi. Ouais donc en fait quand on est arrivés, c’était vraiment affreux, enfin pas affreux mais y’avait des lambris partout, de la tapisserie, des lambris dans les poutres. C’était sombre de chez sombre. Et surtout aussi y’avait un bar à l’américaine là, où on est là, et la cuisine qui était dans la niche là. Et ici y’avait la salle de bains qui était là, donc le chiotte et la salle d’eau qui était hyper grande. Et le toilette en gros il donnait entre la cuisine et le canapé. M : Ah sympa (rires) ! V : Et en haut c’était hyper mal foutu parce que eux ils avaient deux enfants donc y’avait le petit qui était là dans une chambre de moins de 9m2. L’ancien salon qui était devenu la chambre de la fille, 17m2 pour elle toute seule. Et eux ils étaient au deuxième mais ils avaient 30m2 pour eux tout seuls. Et y’avait plus que 20m2 d’espaces communs. C’était hyper mal foutu mais bon. Quand on a signé le compromis on avait le droit à une contre-visite, on s’est regardé tous les deux « est-ce qu’on a pas fait une connerie ? » (rires). Au final on s’est pas trop mal démerdé. M : Vous avez mis un poêle ? V : Aah oui. En fait avant y’avait une chaudière à gaz avec un tuyau, un conduit, il plongeait dans ce mur-là. Et moi j’avais remarqué que y’avait un rebouchage plâtre en fait et donc on a récupéré le conduit pour remettre le poêle. V : Et du coup vous avez combien de temps d’observation ? C’est juste une promenade physique ou c’est aussi relier des personnes ? Est-ce que du coup vous avez le droit de déformer le territoire ? Vous voyez les cartes là… C’est tout un mouvement où ils se sont dit bon bah voilà on se représente le monde comme ça avec des cartes géographiques mais en fait y’a plein de façons pour faire les cartes. Par exemple temporelle, ou Paris et New York par exemple c’est beaucoup plus près qu’en vrai. En fonction des modes de transport

Parce que même la Loire elle peut prendre différentes formes quoi parce que bah la Loire on la voit d’ici, de la rue donc je sais pas soit c’est transformé, à des endroits elle pénètre où on est beaucoup plus loin d’elle mais en fait on la voit pas … non dès fois on est loin on la voit et d’autres endroits elle est près et on la voit pas.

M : Justement ces cartes là on va les faire en fonction de ce que les gens disent sur le site. Pour l’instant on ne connaît pas assez… V : Bah oui mais moi à part te dire que je voyais la Loire des 3 étages de ma maison heu (rires) c’est à vous de vous faire votre propre interprétation. M : Oui. Et donc avant vous habitiez à Norkiouse ? V : Oui sur le carrefour du Kiloutou là. Et c’est pas du tout pareil non. C’est quand même un carrefour Norkiouse hein. N : Norkiouse c’est là où ça va à Carrouf’ après ? V : (elle nous montre sur notre plan) Ouais y’a le Kiloutou qui est juste en face, y’a Mondial Moquette derrière et là y’a le Leclerc. Et nous on était vraiment au coin là. La maison qui est dans le coin ouais. Elle est … (elle va chercher sur internet) M : Et là pareil pourquoi vous avez décidé d’habiter à Norkiouse ? Bah parce que c’était une location vraiment pas chère. Y’a les anciens collègues de Julien (son compagnon) qui habitaient là et on payait 500 pour 110 m2. M : Ah oui ça va ! V : Donc Norkiouse c’est là, là y’a le pont des 3 continents, là Ecorev. Faut pas aller trop vite sur ce site… J’aime pas…

Et donc ouais c’était pas du tout pareil parce


103 que Norkiouse c‘était le carrefour quoi.

C’est vraiment les 3, 4 maisons qui sont là, les deux, trois, et là c’est le vieux Norkiouse. Et donc c’était cette maison là, qui est d’ailleurs séparée en plus que ça aujourd’hui. Et nous on était ici, et là y’a une maison, ils ont une terrasse là. Et là une autre avec le rez-de-chaussée qui est séparé avec un escalier extérieur qui conduit au premier. Et nous on habitait au premier. Et c’est pas du tout pareil, on était bien exposé, on en voyait pas la Loire , mais bon y’a l’opération Barré-Lambot que vous connaissez peut-être, ici qui est hyper bien je trouve, et donc j’allais toujours me promener en bord de Loire. Non mais tu vois ici t’as les jeux pour enfants, t’as deux petits troquets. Non bon avant y’avait Madame Java, un p’tit bar qui était ici (Norkiouse) mais

elle a arrêté. Elle faisait des concerts. Donc t’as pas trop de vie à Norkiouse les gens discutaient pas beaucoup. Ici en un an on connaît plus de gens qu’à Norkiouse en 6 ans. Et donc ici t’as les jeux pour enfants, t’as le compost collectif, y’a deux restaux ouvriers qui font brasserie pas chère et bon. Donc c’est pas du tout la même ambiance. Y’a des fêtes de village tout le temps. L’année dernière y’a du en avoir 4 plus la brocante, vide-grenier. Y’a eu un truc dimanche dernier mais j’étais pas là. Non mais je crois que c’est en avril le vide-grenier. Et puis t’as des fêtes quoi, t’as des baloches.

M : Et ça se passe où ça ? V : Au bout là-bas du quai. A côté du boulodrome. Concours de boule et tout. N : D’accord.

V : C’est plutôt une bonne ambiance. Même à Trentemoult y’en a des fêtes de village mais je suis pas sûre que ce soit autant … ça doit être plus intime ici Y’a quand même pas beaucoup de gens de l’extérieur qui viennent quand même. Et même ici les gamins ils sont tous tout seuls tout le temps, les gens ils roulent à 20 km/h, tout le monde fait bien attention. A Trentemoult le quai y’ plein de gens qui roulent vite, y’a plein de gens qu’habitent par là et qui passent par là et qui du coup font pas trop gaffe. Ici c’est vachement plus calme ouais. Et Norkiouse c’était quand même, rien à voir quoi. N : Un truc qui se traverse ? V : Ouais. A part ce petit quartier là il est cool. Avec l’opération de Barré Lambot là. Vous pouvez y aller. N : Oui on y a été déjà. D’ailleurs on se demandait si elle marchait la place ? Parce que nous à chaque fois qu’on passait elle était vide. V : Bah écoute heu quand il fait beau t’as les gamins, tu te promènes en vélo là-dedans, moi je trouve ça marche bien et d’ailleurs j’avais discuté avec Philippe Barré et ils se sont battus pour pas mettre de barrière, de grillages et de grille … N : Oui c’est un peu ce qu’il se fait ici.

Parce qu’aujourd’hui y’a des grilles partout parce que y’a des problèmes sur qui entretient l’espace public. Mais là comme c’est du logement social c’est

V:

peut-être un peu différent. Mais moi je trouve ça marche bien. Après c’est pas tout le temps occupé mais … là aussi il flotte tout le temps en ce moment. Quand il fait beau y’a des gens sur les bancs, y’a des gamins qui font du vélo. C’est sympa quoi. T’as pas non plein d’habitants quoi, c’est pas ultra-dense donc il peut pas y avoir plein de gens. Même ce petit hameau je trouve qu’il marche assez bien. Il est assez dense. M : C’est vrai que y’a aucun… Enfin si y’a un petit passage là. V : Oui si y’a une ruelle. Là y’a un petit passage piéton. Il doit y avoir pas mal de servitudes. M : C’est que vrai que Norkiouse quand on passe on ne s’arrête pas vraiment. N : Oui c’est moins perceptible, tu ne sais pas quand tu es rentré dedans ou pas. V : Sauf cet endroit là qui est plus piéton (autour de l’opération Barre Lambot). Et puis y’a pleins de camions qui vont au Leclerc qui se plantent parce que tu as un panneau qui est mal foutu, t’as pleins de camions qui viennent là faire demi-tour. Alors du coup ça fait un bazar pas possible. Et nous notre proprio c’est le gars qui avaient les deux maisons-là et y’avait une sombre histoire de son père pendant la guerre… et si vous allez dans la rue, dans l’impasse qui s’appelle l’avenue de la Loire y’a des baraques, je crois qu’il y en a une ici qui n’existe toujours pas au cadastre d’ailleurs. ‘Fin bon y’a des baraques qui ont été construites

sans aucune déclaration et en fait ce mec là il a quasiment toute la rue qui est à lui. Je crois qu’il a vendu celle-là à la petite blonde là mais le reste il ne voulait pas vendre. Et c’est lui qui a le gros parc là. N : Ah oui je me demandais ! (rires) V : Il avait un pin super spécifique, je ne sais plus lequel, en en 2003 y’a eu un orage, une tempête, ou plus tard je ne sais plus et le pin s’est couché en plein milieu, il a eu le bon goût de se coucher en plein milieu du jardin. Et nous ça nous a réveillé ! On a cru avec ma coloc que le ciel nous tombait sur la tête ! Il a des supers vieux arbres. M : Et c’est pas là où il y a une façade avec des parpaings derrière ? N : Si. V : Ah bon ? M : Ouais en gros y’a une porte, tout est vitré et ça a été bouché derrière. Je crois que c’est parce que c’était squatté. V : Oui bah je connaissais un gars qui squattait là (autre bâtiment derrière en bord de Loire). C’est un local, un hangar, et le mec s’est fait une petite piaule, style… euh bon pas vraiment loft (rires) mais… et du coup il s’est fait viré parce que il avait pas le droit d’être là. N : C’est le proprio de là qui l’a dégagé ? V : Ouais.

Et Madame Java qui était là, le troquet, où y’avait des supers concerts et tout. Elle elle a arrêtée parce que elle s’est fait trop pourrir par son voisin et que ce mec là il connaît un gars à la mairie et que du coup un jour Sylvie a reçu un papier comme quoi elle avait le droit de faire ses concerts que le jeudi jusqu’à 10h et le vendredi jusqu’à 11H. Et pas les autres soirs de la semaine, donc au bout d’un moment, au bout de quelques années de prises de gueule elle a arrêté de galérer. M : Elle est partie ? V : Hmmm.

ontinents. Et du coup elle était en train de se faire expropriée pour libérer le passage. M : Oui parce que pour l’instant c’est bouché ?

Mais Sylvie ça l’aurait arrangé en fait, parce si y’a une promenade là elle se faisait reconstruire un troquet ici et du coup elle embêtait carrément moins son voisin.

V : Oui.

M : Et puis face à la Loire… V : Ouais et puis elle pouvait garder sa maison. Mais comme ils traînent, ça fait des années qu’ils ont ce projet ! M : Et les entreprises là dans le coin elles sont toutes en activité ? V : Je crois ouais. T’as un gros dépôt Conforama là, tout au bout t’as l’usine de poisson. Ecorev ça marche à fond. T’as un truc de Paintball aussi. Je pense que tout est utilisé ouais. M : Oui juste le hangar là qui a été squatté, qui n’est plus trop… V : Oui je ne sais pas s’il le reloue, pour du stockage.

Et Colas ? Vous avez vu ? Lui il a une pression sur son terrain ! Gigantesque. Son terrain est gigantesque, il va faire monter les prix là tranquillement. Les promoteurs ils doivent être au taquet là. M : Ils veulent faire quoi ? V : Oh bha à terme… vous avez vu les gros projets qu’ils veulent faire, avec les abattoirs tout ça ? N : Non non. V : Je sais pas moi j’ai entendu parler de centre avec une piscine et tout… M : Oui voilà j’en étais sûre que ça allait être un truc comme ça ! V : Mais ça de toute façon faut pas trop écouter, vu comment se développe la ville aujourd’hui. Dfaçon là à l’école, vous avez pas encore une idée de comment sont les rouages complets du développement urbain en ce moment. Mais tant mieux vous allez faire autre chose. (…) V : Je vois tous les comblements là, c’est que de l’entreprise. Gros hangar et tout, y’ a une pression foncière qui est énorme. Et puis c’est quand même le projet de l’aéroport qui va pas mal changer les choses. On est hyper proches de l’aéroport quand même, donc s’il se fait l’aéroport ça va quand même dégager pas mal d’activités, à part Airbus. Il va y avoir un peu de changement de géographie vis-à-


104 - Entretiens | Rezé vis des entreprises. Et puis y’a une pression foncière parce qu’on est proches du centreville. Et Colas c’est sûr qu’ils ont eu des propositions gigantesques pour déménager. En plus Trentemoult c’est hyper côté. Après ça attire les gens que ça attire…

N : Et vous le vivez comment tout ça ? Ca vous fait pas flipper ?

Ah bha moi j’aimerais bien qu’ils construisent à fond ! Parce que ma maison elle prendra de la valeur. Justement si y’a plein de commerces qui arrivent parce justement il y a plus d’habitants c’est… Aujourd’hui c’est trop petit… A Trentemoult y’ a une boulangerie mais Trentemoult c’est trois fois plus gros que Haute-ile. Donc à Trentemoult y’a une boulangerie, un bar-tabac-presse, et puis des restaus. Mais en commerce de proximité nous on a pas. Mais il faut qu’il y ait un minimum d’habitants.

V

:

Nous on est abonnés à une AMAP, sur l’île de Nantes. Moi je bossais avant chez Gaëlle Péneau, qui est aux Fonderies. Et l’AMAP est à côté sur la maison de l’ile de Nantes là qui est dans le quartier. Et Julien bosse par là à Voltaire. A l’AMAP moi je prends du pain, des

Mais je pense que je vais changer prochainement, j’aimerais bien arrêter d’aller cher Leclerc.

légumes…

M : Y’a un marché là dans Rezé ? Vous allez dans Rezé ? V : A Trentemoult y’a un marché bio. Où ils vendent des carottes qu’ont pas meilleur goût qu’ailleurs mais qu’ils vendent 8€ le kilo. (rires) Si y’a des bons fromages, des bons pains, mais les fruits et légumes je trouve ça hors de prix, pour pas beaucoup de différence. Et surtout y’a 10 pelos ou 12 commerçants qui viennent donc c’est pas non plus… Tu peux pas faire toutes courses dans la semaine. T’as pas de poissonnier, de boucher… Et sinon y’a d’autres marchés mais nous on va à Talensac le dimanche matin. N : Et vous y allez comment ? En voiture ? V : Ouais ouais en voiture. Pas très écolo mais… N : En même temps y’a que ça. Parce que ici pour se trimballer les courses jusqu’à l’arrêt de tram…

V : Ouais mais tu vois il est pas si loin que ça. Trentemoult c’est beaucoup moins facile au niveau transport en fait. Nous quand on habitait là à Norkiouse j’allais souvent prendre le tram là (Pont Rousseau) parce qu’on était direct sur la 2. Parce que ici (cf Trentemoult) j’ai souvent pris le bateau mais tac t’en as pour 10 minutes, après faut prendre le tram et après reprendre le 2. J’avais une pote Marine qui allait à l’école à pied, d’archi, elle

mettait quasiment 1h30. Mais en vélo alors là c’est royal on peut prendre le petit pont de la voie férrée. Pour aller au bureau je mettais 5 minutes. Dommage ça n’a pas duré longtemps… (…) N : Mais c’est marrant j’ai remarqué que vous parliez pas trop d’en dessous (Rezé centre), des transports tout ça.

V : Ah bha je ne connais pas. Bah ouais. En fait j’ai pas l’impression d’habiter à Rezé. Je fais tout à Nantes. Mon médecin il est à Nantes, mon coiffeur, mon dentiste. Je suis plus proche de Nantes. Je vais très rarement à Rezé à part chez des copains qui habitent là. Mais je suis, je me considère pas trop comme rezéenne, alors que administrativement je le suis. Mais mon paysage c’est Nantes. Au niveau de toutes mes activités, je suis plus de Nantes que de Rezé. Et puis Rezé c’est ultrarésidentiel quand même. En gros moi je vais souvent à Trentemoult quand il y a du soleil, boire un petit café au bar du port à Trentemoult et sinon je suis à Nantes. C’est vrai que on a pas trop l’impression d’être à Rezé du fait de la proximité avec Nantes.

Et puis l’île de Nantes elle est en train de devenir… Enfin tout ça ça va être, enfin c’est des projets hein, le centre-ville il se rapproche de cette rive là. Du coup Rezé à moins d’attrait que Nantes. N : Bah pourquoi ?

V : Bah parce que c’est pas LE lieu. Au niveau culturel. Enfin si je suis souvent allée à la Barakason, à la médiathèque de Rezé, y’a des expos, des trucs, mais c’est pas la plupart de mes sorties. Et puis même les copains c’est plus en centreville. Enfin ils viennent ici y’a pas de soucis mais la plupart du temps c’est plus à Nantes.

M : Et vous en pensez quoi de la nouvelle vue que vous allez avoir ? V : J’ai pas regardé en fait. N : Mais c’est flou. Déjà tu te rends compte que le projet de l’île de Nantes c’est surtout le nord. V : Ouais mais ça se développe. Mais quand ils feront cette route ce sera bien (bd Victor Schœlcher à bd Léon Bureau) . Avant je bossais au Hangar 33, et c’était hyper bien. La vue, le paysage, la vue sur toute la butte Sainte Anne, toute la zone indus, les gros réservoirs, les couchers de soleil, c’était un super paysage.

Au début j’ai habité deux ans en centre-ville et c’est vrai que depuis… depuis qu’on a habité à Norkiouse pour moi La loire c’est un paysage toujours important. Avc des belles lumières, pour prendre des photos. Elle est vachement prégnante, et moi elle me manquerait aujourd’hui.

N : Ouais je comprends ça c’est un peu pareil. J’ai pas de vue sur la Loire mais je sais qu’elle est pas loin. (…) V : (…) Après j’ai déménagé à Norkiouse on était plein sud. Et c’est vrai qu’ici le seul truc qui manque, bon on s’en rend pas compte quand on bosse on est pas trop là, mais on est plein nord donc ça manque un peu de lumière. Mais on est plein nord sur la Loire. Mais on peut pas avoir tout non plus. Mais y’a quand même quelques maisons qui sont traversantes. Ca aurait été pas mal aussi.

Et cet axe là (bd du Général de Gaulle), même s’il est un peu strict, il est quand vachement bien niveau circulation. Après le pont de Pornic là, quand tu veux allez à la mer c’est rapide. C’est pas mal. Y’a pas souvent de bouchons, à part sur le pont. Vous êtes allés voir l’instal’ là ? N : Le pendule ? Ouais. M : C’est pas mal comme site la Sablière. V : Ouais bah ce matin j’y suis allée et j’ai croisé un de vos collègues. N : Oui y’ a une autre option aussi sur ce site… (…) V : Vous êtes allés vous promener là dans les abattoirs ? Bah les Roms ils sont revenus là. Ah non. Enfin ils arrêtent pas. Ils rentrent par un côté ils se font virer, ils rentrer par un autre ils se font virer. Y’en a qui vont là, y’en a qui vont ici. Ils squattent la friche. Mais ils font des bosses pour pas qu’ils passent.

N : Oui finalement y’a beaucoup de Roms. V : Oui et puis comme y’a pas de solutions par la ville bah ils se font virer ailleurs, c’est en boucle quoi. C’est vraiment dramatique. Sinon super solution, aller sous le pont de Cheviré. Y’a peut-être mieux à faire. Ca c’est un bon projet à faire, trouver une solution pour eux. (…) V : (…) c’est

plus du tout les mêmes temporalités. Le logement et les industries. Le samedi matin, les commerces… N : Oui les gens ne sont plus chez eux donc le bruit les dérange moins. V : Le seul problème c’est entre habitants, entre logements que logement et industrie.


105

M : Et… bon c’est une anecdote mais vous sentez pas les odeurs ? V : Le truc de savon là ? De ce côté du village ça va mais c’est vrai que … toujours est-ol que quand ils ont développé la clinique nantaise là à côté je crois qu’ils ont quand même du faire des efforts au niveau de la pollution olfactive y compris l’usine d’épuration, et le savon. Parce que quand même en cas de vent dominant, d’ouest, c’est la clinique qui se prend tout dans la gueule ! (rires) Donc ils ont fait pas mal d’efforts, et que y’a 10 ans ça sentait beaucoup plus mauvais à Haute Ile. Moi souvent jvais promener au bord de la Loire jusqu’à la voie ferrée et je reviens, quand t’es tout près c’est vrai ça sent pas bon mais dès que tu t’éloignes ça va. Mais c’est vrai que quand y’ a un bon vent de sud est un peu chaud c’est pas pareil ! M : Mais ça va parce que sur le pont ça sent le savon. V : Ouais mais reste correct je trouve.

M : D’accord. Et on pêchait ça ? N : Ah ouais. Et puis ça vaut cher. A une époque les gens bon… Historiquement euh tous les gens qui sont au bord de la Loire quand ils atteignent un certain âge il ne faut pas leur parler de civelle parce que c’est tout juste s’ils avaient pas ça au petit déjeuner, et y’en avait plein. Après la flotte s’est polluée donc bon bah y’en a pas. Après les pêcheurs, donc c’est ces p’tits bateaux-là, y’en a un là. Mais normalement à cette saison-là ouais jusque pratiquement au mois d’Avril y’en avait une vingtaine là devant. Ouais y’en a d’autres là-

(…) (cf magazine Rezé) M : Ils disent que Haute Ile et Trentemoult ce sont des villages patrimoniaux, Norkiouse ça n’en fait pas parti ?

M : Et ils font quoi du coup ? N : Soit ils désarment, en terme de marine, ils arrêtent. Ils sont obligés de se recycler. M : Hmm… Y’a une péniche habitée là aussi non ? N : A droite celle-là ouais. (…) Donc là y’avait de la navigation à cette saison-là, même la nuit hein. Moi je les entendais. De ma fenêtre là avec les volets en bois.

Bah Norkiouse c’est une peu le bâtard. Y’a quelques anciennes maisons mais c’est plus euh… je sais pas pourquoi ils en parlent pas. Peut –être parce que c’est vraiment petit.

V:

M : Pourquoi Norkiouse en fait ? V : Ca vient de North House, maison du nord. Au nord du territoire. Sur le carrefour c’est écrit Norkiouse et sur l’arrêt de bus c’est Northouse. N : C’est une histoire de Viking je crois (rires) ! C’est ce que disait Mirwais. Fin entretien - 1h4

Et puis maintenant ils veulent renouveler la ressource, ils enlèvent les licences, ils leur mettent des cotâts, donc les gars ils gagnent plus leur vie.

bas.

Alors il faisaient « rrouu » jusque là, au bout, et puis ils revenaient. Comme un tracteur qui laboure. M : Et l’activité ici la nuit, y’a plus rien ? N : Non y’a plus rien. Si cette année y’en a eu un petit peu, j’ai entendu un ou deux bateaux partir. Et puis après je connais quelqu’un qui est un ancien pêcheur et puis alors il me dit « c’est cuit, c’est foutu ». Les gars ils ont des frais quoi, ils ont quoi euh des licences, ils ont du carburant, le bateau à entretenir, et puis ils ont une rémunération à se faire. Donc si ça donne pas bah ils arrêtent quoi. Et ça se vendait cher en dernier lieu parce qu’en fait c’était exporté au Japon et ça valait une fortune le kilo. Une fortune ça veut dire… Ca leur était acheté aux pêcheurs 100€ le kilo. M : Ah oui quand même. N : Ouais ouais. Le kilo. Bon et puis après c’était démultiplié et puis exporté. De temps en temps on en voyait encore… Là je ne suis pas allé à Talensac depuis un moment. Vous regardez le prix du gramme et puis vous multipliez au kilo. C’est facile ! (rires) Qu’est-ce que vous faites ? Vous faites les Beaux-Arts ou un truc comme ça ? Non non. M : Je suis en archi. N : J’avais, je ne sais pas où je l’ai fourré parce que l’autre jour j’en ai parlé à quelqu’un, mais l’autre jour ça doit faire deux ou trois mois, au moins, et à une époque on m’avait donné un document qui était épais comme ça, sur Trentemoult. Et en fait la particularité, ça se voit un peu ici. Là on le voit, vous qui faites archi, si vous prenez la fenêtre du haut là. Bon alors moi j’ai transformé un peu. En

fait y’a une linéarité, c’est-à-dire que en fait on prend la fenêtre du haut, on tire une ligne. Là ça le fait là, heu

sur la bleue. Après on a transformé. Alors maintenant ils vont devenir plus exigeants ici, parce que j’ai participé à deux, trois réunions.

J’ai rencontré Noël Bonnet le 9 mars 2013 à Haute-Ile, en fin d’après-midi. J’étais en train de dessiner, assise sur un banc devant la Loire, quand il s’est approché... N: ça dessine ? Ou ça écrit ? Bonjour M: Un peu des deux. N : Alors ça dessine quoi ? M : Euh là c’est le tout début, j’ai pas du tout… N : C’est quoi ça ? M : Non non c’est que je vais dessiner ce qu’il y a là mais j’ai pas commencé. N : Ah ouais ? Bon c’est bien. M : Vous habitez ici ? N : Là en face, là. (il me montre une des maisons du quai, la jaune). C’est pour ça que je vous voyais ! J’ai vu par la fenêtre, tiens y’a quelqu’un qui dessine. M : J’aime beaucoup cet endroit. N : C’est sympa hein ! Bah oui c’est original. M : Vous habitez ici depuis longtemps ? N : Oui ça fait 10 ans. Tiens voilà le Saint Germain ! (un bateau passe) Le seul bateau qui passe. Je suis monté une fois, par sur celui-là mais un autre à l’époque qui s’appelait le Grand Charles. Là il passe plus mais c’est celui-là. Ceux-là vont chercher du sable au large de Noirmoutier. Ils vont en mer. Là il est parti probablement déposer son sable à Saint-Julien-de-Concelles, et puis après il va doubler SaintNazaire et il va remonter. Il travaille 24h sur 24.

De temps en temps on voit un ou deux petits bateaux mais c’est vrai qu’on pourrait penser que normalement il pourrait y en avoir plus mais … non. Y’a des pêcheurs mais plus maintenant beaucoup parce que la civelle c’est cuit. M : La civelle ? N : C’est des petites anguilles. C’est des bébés anguilles quoi. C’est grand comme ça, tout blanc avec des tout petits yeux noirs.

Parce que la ville de Rezé a fait intervenir ici un cabinet belge pour tout photographier, tout mettre en tranches etc pour que les extensions qui se feront gardent quelque part, le style du site. Ca veut dire que les gens ne feront pas n’importe quoi. M : Hmm. Mais ce qui est bien ici par rapport à Trentemoult, c’est que c’est moins… lisse. Vous voyez ce que je veux dire ? N : Oui oui je vois bien. C’est moins lisse, j’aimerai bien qu’ils bouchent les trous (de la route) d’ailleurs de temps en temps ! (rires) M : Oui non je veux dire, c’est moins exposé, il y a moins de touristes. N : Oui oui j’ai bien compris. On s’éloigne du dictaphone, mais il me

montre une maison en bois à l’angle et m’explique que quand les personnes qui y habitaient ont dû faire des travaux on a été exigeants avec eux. C’est-à-dire qu’on leur a demandé d’aligner les fenêtres par rapport à un axe de symétrie en façade. Comme les anciennes maisons. Et on le voit là, la maison qui est aubergine là. Pareil. Là-bas aussi. Et à Trentemoult c’est hyper significatif ! Vous vous plantez à Trentemoult et vous regardez, pour celui qui à l’œil, enfin pour celui qui aime ça ou parce que c’est son futur métier… M : C’est vrai qu’il y a une symétrie. N : Ah ouais ouais. D’ailleurs le document là, c’était une thèse faite par un archi, et on voyait il tire des traits comme ça, il a dessiné des maisons. Ouais non mais c’est vrai, on est pas mal là. M : Vous habitiez où avant ? N : Avant j’habitais dans le Maine-et-Loire. Oui et je suis venu ici. C’était une vague, oui alors j’appelle ça des vagues. J’ai dû arriver à la deuxième vague. Maintenant on doit être rendu à la quatrième.

C’est-à-dire qu’en fait à l’origine les gens qui habitaient ici en fait c’était des gens qui étaient là depuis tout le temps, des personnes âgées etc et donc bah ils finissent par vendre. Et moi quand j’ai acheté la baraque (…) y’a un partage qui devait être fait sur la valeur (…)


106 - Entretiens | Rezé M : Et maintenant on est rendu à quelle vague ? N : (rires) Celui qui a la maison blanche là il vient de racheter y’a 6 ans un truc comme ça. (…) Les gens qui sont arrivés là vont probablement rester hein (…) M : Pourquoi vous avez pas choisi Trentemoult ? N : Ah bah j’avais essayé ! D’abord je trouvais que c’était sympa. J’avais contacté les gens en direct (…) c’est quand même assez mal foutu, faut pas rêver hein ! Les baraques elles sont pour certaines, d’autres y’en a qui ont bien tiré parti de la chose. Bon… voilà donc… j’arrivais

de la campagne, la promiscuité à un moment donné ça ne va pas le faire. J’aime bien la perspective c’est-à-dire que j’aime bien, il me faut une vue. Si on est face face comme ça. Et puis maintenant les voitures ils peuvent plus les mettre. Et puis il a y une énorme promiscuité alors bon, y’en a pour qui ça se passe très bien, ils mettent des tables, ils passent l’un chez l’autre parce que voilà y’a des groupes qui se forment bon… donc c’est pour ça que j’ai pas choisi Trentemoult. Et puis ça valait très cher ! Maintenant ça vaut encore plus cher.

devant, y’en a une dans le salon, toutes bouchées hein, et une autre là plus récente et une autre dans la cuisine. Y’avait des conduits quoi. Alors ça veut dire que le seul moyen de se chauffer des gens à l’époque, c’était la cheminée. Donc les baraques devaient pas être grandes. Alors maintenant si, c’est toujours pas grand mais avant ça devait être petit quoi. (…) M : Mais la vue ici c’est marrant on a pas du tout l’impression d’être à Nantes. Y’a une espèce de mur là qui sépare. N : Oui oui. Et puis ce qui est intéressant c’est cette usine là. M : Begin Say ? N : Oui. M : Et d’ailleurs on m’a dit que les façades bleues là avaient été faites qu’en 1991 ? N : Oui par une architecte parisienne. Les couleurs de la structure, et les fenêtres devaient déjà existées, c’était inspiré du style Louisiane.

Ca ressemble à une sucrerie de Louisiane. Elle va fermer d’ailleurs.

M : Oui je me demandais, c’est toujours actif ? N : Oui mais maintenant ils doivent plus être que 70 ou 80. Ils raffinent plus maintenant. Ils emballent c’est tout. Ca va pas durer. C’est plié, ça va se terminer. A côté de la cheminée ils ont enlevé un bâtiment, donc ils commencent. Mais ils vont garder ça, ils vont faire quelque chose là-

M : C’est vrai que ici c’est un endroit plus à l’écart. N : Bah y’a moins de … y’a pas énormément de maisons en fait. M : Bah ça fait un peu « petit village qui subsiste ». Parce que y’a les hangars là derrière, tout le côté industriel qui grignotent petit à petit. N : Oh ils vont pas grignoter parce que le prochain stade probablement… parce que y’avait eu pleins d’histoires. Une

boite là elle a faillit fermée mais en fait même la mairie leur a mis, par rapport à des normes … ils ont essayé de les dégager quoi. Mais comme c’est une boîte qui gagne beaucoup d’argent ils sont restés. A terme cette zone là, pas dans 5 ans, pas dans 6 ans mais dans quelques années ça dégagera. J’vais dire dans le principe certains outils industriels n’ont plus lieu d’être en ville. Mais avant c’était le contraire. C’est-à-dire qu’en fait à l’origine y’avait à la place des

nouvelles cliniques là, c’était des abattoirs ! M : Ah bon ? Mais y’en a d’autres là encore derrière ? N : Ah non non c’est pas des abattoirs ça, c’est … oui c’est vrai ça paraît… ils rentrent des animaux et puis ils les font cuire et puis ils en tirent la graisse. Alors maintenant ils ont des normes, cheminées, filtres écologiques, là ils leur ont serré le boulon au maximum mais ils se sont mis dans les rails. Y’a une époque ça sentait mais maintenant ça sent plus du tout. Ils ont bien réglé leurs problèmes industriellement. Et là y’a des poissons (hangar juste à côté des maisons) J’ai visité y’a pas longtemps parce que y’a quelqu’un qui était de monter une entreprise que je connais. En fait on a été le voir pour une raison et là-dedans y’a des gros (rires) bacs comme ça avec des anguilles ! C’est vrai hein ! Non mais c’est sympa ici. M : Oui c’est vrai qu’en arrivant ici j’ai d’abord vu les hangars et après les petites maisons colorées, le contraste est assez frappant. N : Oui c’est vrai. Alors les gens râlent pour certains. Je discutais avec ma voisine pour un truc. Mais ce qu’il faut savoir c’est que c’est le contraire qui s’est produit. En fait tous les quais à l’origine depuis fort longtemps c’était industriel. M : Mais les maisons-là elle datent de quand ? N : Celle-là ? Moi j’ai des actes ici qui datent de 350 ans. M : Ah oui quand même ! N : Ils ont fait un truc ici à une époque, ils ont mis des petits drapeaux ou je ne sais pas quoi, ils ont donné des diplômes aux gens qui avaient des maisons de capitaine. J’ai rien dit parce que je m’en foutais, mais moi quand j’ai acheté ici, dans les actes, le notaire, je savais même pas que ça existait, il m’a donné 4 petits bouquins épais comme ça, écrits à la plume Sergent Major, et la baraque appartenait à un capitaine. C’est marqué hein, capitaine ! Et c’est de ça y’a 200 ans. Mais je ne pense pas qu’il habitait ici, en fait ça lui appartenait, il habitait peut-être ailleurs. Parce que bon c’était des gens, qui, à l’époque, gagnaient leur vie. Ils avaient les plus grosses

Enfin d’abord elles n’étaient pas faites comme ça. Déjà y’avait la véranda en moins, en plus c’était deux baraques, on se demande comment les gens ils vivaient. Tiens vous qui êtes

baraques.

archi. A l’intérieur de la maison, dans le grenier là, y’a une génoise. Quand je suis dans le grenier, la petite porte jaune là et ben au milieu sur le fronton à l’intérieur et bah y’a une génoise comme ça. Y’a aucune raison d’avoir une génoise à l’intérieur d’une baraque si ce n’était pas la façade d’avant. Déduction. Donc avant elle ne devait faire que la moitié, la moitié à la cheminée là. Et y’a une cheminée à gauche, dans la chambre du fond, une autre dans la chambre de

Nous avons rencontrés les artistes du Hangar du Pendule lors des traversées urbaines, à ce moment-là en train de peindre une fresque sur leur porte d’entrée. Nous revenons vers eux pour un entretien et rencontrons Laurence, la présidente de l’association. Le 26 mars 2013 dans l’après-midi au Hangar. C : (présente le projet) Donc ça s’appelle Estuaire 2019, en clin d’œil à Nantes 2030. L’idée c’est de travailler sur les territoires entre Nantes et Saint Nazaire et de se dire que y’a autre chose entre ces deux métropoles. Nous on travaille sur les îles de Rezé. L : L’idée c’est de voir ce qui peut être aménagé ? M : Pour l’instant il n’y a pas du tout d’idée de projet d’aménagement. C : La première partie du projet est intitulée « habiter avant de bâtir ». Comprendre les problématiques du quartier. L : Oui ne pas planter un projet comme ça sans lien avec l’existant ! C : Et donc ça fait combien de temps que vous êtes arrivée ? L : Alors moi je m’appelle Laurence, je suis présidente mais je dirais que fallait nom. J’ai pas spécialement de qualité particulière pour être présidente. C’est un concours de circonstances, c’est un groupe de personnes un peu éclaté au départ. Ce lieu a été mis à louer, avant ici y’avait « Osez Forêt Vivante », une association de réinsertion par tous les métiers du bois je crois. Et il se trouve que le propriétaire

du lieu est un ancien menuisier aussi. Ils sont partis, c’était la mairie qui leur louait ça. Et donc il l’a remis à louer. Pour l’historique, c’est


107 quelque chose de famille, il a tout bâti de ses mains… C : On l’a rencontré. Mais il nous a pas trop parlé de ce lieu. Juste qu’il le louait. L : Alors y’avait un autre hangar aussi mais ça a été dispatché entre frère et sœur. Lui il a pas du tout envie que la mairie ne prenne quoique ce soit. Y’a pas mal de bataille aussi avec la Sablière, c’est un endroit un peu clé j’ai l’impression. En tout cas c’était à louer, et donc y’a des artistes

et des artisans pour se retrouver, pour avoir un lieu de travail. Moi c’est un peu différent, j’étais dans un délire d’ouverture d’épicerie à Trentemoult. Qu’il y a eu d’ailleurs mais ça s’est terminé parce que c’était compliqué pour les gens de gérer. Mais

moi je trouve que ça manque les commerces à Trentemoult. Un village sans commerces c’est pas pareil. Etre dépendant des grandes surfaces non plus. Et je trouvais que ça collait avec Trentemoult et son histoire.

Au début j’avais tapé dans une maison dans les petites ruelles. Une salle d’expo pour les artistes, une bibliothèque pour les gamins, pas que un lieu d’épicerie. Personne n’a été intéressé par le projet… Mais je cherchais un lieu quand même et une amie m’a parlé de ce lieu. J’en ai parlé autour de moi, dont à un photographe de Trentemoult. Mais ils n’étaient pas intéressés par des histoires de commerce mais

A l’époque, en février dernier, y’avait en tout entre 8 et 10 personnes qui visitaient. Moi je faisais de la sculpture depuis longtemps et c’était le moment d’assumer. Le lieu nous a paru génial !

plus sur quelque chose d’artistique.

Le photographe avait une asso mais qui n’existait presque plus, La Rue Râle, ou la rue qui râle, ou l’art dans le monde rural. Y’avait 2500 euros sur le compte, alors autant passer la main. Pour payer le loyer déjà, c’est 1800 euros. L’idée de la nouvelle asso c’était de promouvoir des échanges culturels et artistiques, ici. Et donner un espace de travail à qui a besoin. Y’avait un projet sur l’espace central mais on a jamais eu le temps, pareil pour un labo photo. On est 12. Et donc sur ces espaces libres on a accueilli un musicien et une costumière. Tous les espaces ont été occupés. Un métalliste, Mick qui fait des lampes, deux peintres-plasticiennes, deux photographes, Olivier le designer, un musicien, la costumière, Mélanie qui est sculptrice, Thomas qui était peintre au départ et moi qui fais de la sculpture. Thomas vient de partir maintenant il y a deux peintres. Faire un projet commun, on ne l’a pas encore fait. A Noël Mick a ouvert les portes pour présenter son travail. Y’a eu un parcours sur Trentemoult auquel il a prit part. On a fait une fête entre copains, mais au final on s’est retrouvé à 200 ! C’était génial, on s’est rendu compte du potentiel du lieu. Ca nous a boosté pour créer des évènements, on a le droit à six évènements dans l’année. Mais ça reste un lieu de travail, c’est vachement important. Le premier événement artistique ce sera « l’Art prend l’air » mais nous a pas postulé parce que c’était trop tard. Mais individuellement quelques uns ont participé, donc par leur biais on pourra exposer. N : Soit ils désarment, en terme de marine, ils arrêtent. Ils sont obligés de se recycler. M : Hmm… Y’a une péniche habitée là aussi non ? N : A droite celle-là ouais. (…) Donc là y’avait de la navigation à cette saison-là, même la nuit hein. Moi je les entendais. De ma fenêtre là avec les volets en bois.

moment d’assumer. Le lieu nous a paru génial !

Le photographe avait une asso mais qui n’existait presque plus, La Rue Râle, ou la rue qui râle, ou l’art dans le monde rural. Y’avait 2500 euros sur le compte, alors autant passer la main. Pour payer le

L’idée de la nouvelle asso c’était de promouvoir des échanges culturels et artistiques, ici. Et donner un espace de travail à qui a besoin. Y’avait un projet sur l’espace central

loyer déjà, c’est 1800 euros.

mais on a jamais eu le temps, pareil pour un labo photo. On est 12. Et donc sur ces espaces libres on a accueilli un musicien et une costumière. Tous les espaces ont été occupés.

Un métalliste, Mick qui fait des lampes, deux peintres-plasticiennes, deux photographes, Olivier le designer, un musicien, la costumière, Mélanie qui est sculptrice, Thomas qui était peintre au départ et moi qui fais de la sculpture. Thomas vient de partir maintenant il y a deux peintres. Faire un projet commun, on ne l’a pas encore fait. A Noël Mick a ouvert les portes pour présenter son travail. Y’a eu un parcours sur Trentemoult auquel il a prit part. On a fait une fête entre copains, mais au final on s’est retrouvé à 200 ! C’était génial, on s’est rendu compte du potentiel du lieu. Ca nous a boosté pour créer des évènements, on a le droit à six évènements dans l’année. Mais ça reste un lieu de

travail, c’est vachement important. Le premier événement artistique ce sera « l’Art prend l’air » mais nous a pas postulé parce que c’était trop tard. Mais individuellement quelques uns ont participé, donc par leur biais on pourra exposer. C : Par rapport à Trentemoult, vous comptez exposer des projets en lien avec la ville ? L : Déjà je pense que ça prend du temps de se connaître tous, de

Les envies elles viennent au fur et à mesure, on peut pas programmé « un truc pour… ». Y’a Jérémy et Charlotte qui ont organisé à

s’installer, de se côtoyer.

la résidence de quartier Madeleine Champ de Mars, un recensement photographique, avec une association La Vigie, composée de photographes. C’est marrant c’était tout un truc, se déplacer, aller faire la photo, parce que c’était des photos un peu à l’ancienne avec la famille au complet. Et il disait pourquoi pas faire ça à Trentemoult ? Pendant notre fête on a fait quelques projections aussi, pourquoi pas faire des projections de films, de façon annuelle. Y’a

de choses à imaginer.

beaucoup

C : C’est juste un lieu de travail ou un lieu de vie aussi pour certains ? L : Je crois que c’est vraiment un lieu de travail. Mais ici on vient pour bosser mais on fait des pauses quand on veut, on a pas les mêmes objectifs non plus. C : C’était une proposition du propriétaire ce lieu pour artistes et artisans ? L : Lui il proposait un lieu de stockage. Mais il avait vraiment envie d’un lieu vivant, par son passé de menuisier il voulait quelque chose de manuel. Il est très ouvert comme type. Il avait un gros projet au moment de se pointer : développer, agrandir ce lieu, mettre des conteneurs sur le toit, faire un toit végétalisé, que les gens puissent profiter en hauteur. Et quand nous on a débarqué il s’est dit, eux ils vont aller dans le sens de ce que je propose. Avant c’était la mairie le locataire, et il était très déçu. Eux ici passaient par voie de recommandé à chaque fois que y’a un truc qui n’allait pas, lui il voulait quelque chose de plus humain. Et du coup je crois qu’il est très content aujourd’hui à ce niveau là. Il a fait une commande pour la fresque sur la porte aussi. Ce côté artistique à Trentemoult ça a l’air de faire un moment qu’il existe. On m’avait dit y’a pleins d’artistes, mais en arrivant j’ai trouvé que c’était pas si prenant.

Finalement Trentemoult c’est assez hétéroclite, y’a les pêcheurs et puis y’a les capitaines. Et aujourd’hui c’est toujours un peu ça. Ceux qui

habitent dans les baraques archi minus de 15m2 sur trois étages et ceux qui ont les baraques de capitaine avec un immense jardin. On ne parle pas des mêmes personnes là. C’est des milieux socioculturels assez différents, mais il en faut. Sans parler de la population assez âgée de Trentemoult. Maintenant ça s’est hyper embourgeoisé, ça se rénove à bloc. Acheter une maison aujourd’hui c’est plus compliqué qu’il y a 20 ans.

J’ai participé à un projet avec une vidéaste chinoise, qui avait comme fil conducteur le vide grenier de Trentemoult. Et en parlant avec les gens on a bien senti l’évolution. Mais c’est une évolution globale en France je pense. Enfin voilà j’ai pas envie de cataloguer non plus.

Mais les gens qui arrivent ce sont des gens avec des enfants… d’un certain niveau, oui. C’est bien qu’il y ait des HLM. C’est flippant de voir une certaine homogénéité, il ne faut pas trop être dans son ghetto luxueux. C : Et vous vous le voyez comment ce rattachement de Trentemoult à Rezé ou à Nantes ? L : Je pense que chacun fonctionne différemment. Y’en a qui sont à fond Chlorophylle et tant mieux pour eux, et y’en a qui vont au Lidl, et d’autres à Leclerc. Moi je fais les trois par exemple. En fonction de où on bosse ça joue aussi. Mais y’a pas de magasins à Trentemoult, y’a un tabac-presse, un coiffeur, une boulangerie. Y’a des kinés et des osthéos et bientôt l’Architecte de Trentemoult. Et après restaus. Et une art-thérapeute aussi.

Trentemoult c’est le village du bonheur pour les enfants. Le fait qu’il n’y ait pas de voitures, ça en fait une ville à leur échelle. Ils se connaissent tous. C : Et l’idée de l’épicerie pourquoi ça n’a pas marché ? L : J’avais fais de la pub de dingue, réunion au CNSL, y’a eu 7 personnes… Enfin voilà ça prend du temps, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Mais auparavant il y a eu un projet d’épicerie, associatif, et comme ça a capoté les gens étaient récalcitrants à venir écouter une nouvelle fois un projet comme celui-là. Mais y’a une certaine influence dans les villages aussi, si l’un dit que ça ne l’intéresse pas, les autres suivent. C : Quand vous parlez de Trentemoult comme un village, c’est-à-dire ? L :

C’est tellement enclavé. PAF la Loire, PAF


108 - Entretiens | Rezé la grosse route, les grosses surfaces, c’est terminé. De part et d’autre y’a plus rien. On peut pas se dire « tiens on va se balader » c’est PLOUF on tombe ou EURK « qu’est-ce que c’est que ces lumières et ce son ? » Donc on est là, on s’organise à l’intérieur.

L’école est très présente aussi, y’a quand même 200 enfants scolarisés. Y’a 100 famille qui gravitent autour de l’école. Y’a 550 boîte aux lettres à Trentemoult. Les parents sont hyperactifs, y’a deux associations de parents-élèves. Donc une indépendante de la FCPE. L : Moi j’estime que les gens ici qui sont en création aient l’opportunité de s’extérioriser. Echanges culturels à l’intérieur, entre nous, tout

le monde s’apporte quelque chose. Etre à plusieurs c’est vachement bien et amener les choses vers l’extérieur. Amener une sensation d’air frais. Parce que ce qui est un peu chiant, claustro c’est que les gens de Trentemoult sont vachement entre eux quand même. Les gens de l’extérieur qui viennent sont en costume trois pièces et puis « blablablabla », on les croisent, ils disent jamais bonjour, ouais super on va au restau, ils retournent bosser et y’a aucun contact avec la population. Et c’est en contraste avec ce qu’on vit au quotidien.

C : C’est marrant parce que la configuration du village n’amène pas à ça justement ? L : Parce que avant y’avait les commerces qui réunissaient les gens. Et puis il reste le Café du Port qui reste LE lieu. Les gens du matin sont pas les mêmes que le soir. Le matin c’est les parents, le soir les vieux de la vieille. Et le midi la pause ouvrière. La Guinguette c’est encore autre chose. Ces deux lieux là ont encore un poids.

On visite le lieu. Fin entretien - 59’

portes ouverts du centre nautique alors que les bateaux sont de sortie sur la Loire sous l’oeil des spectateurs admiratifs des canot, seils et autres bateaux de Loire. Après une petite navigation le long des quais de Trentemoult, nous nous enfermons dans la salle de réunion du CNSL pour débuter l’entretien.

Emile Robert : Bon ben moi c’est Emile Robert, je suis donc habitant de Trentemoult maintenant depuis... Très précisément depuis 1978. J’ai habité dans trois maisons différentes à trentemoult. C’est vrai que j’ai été assez vite attiré par «habiter sur le quai», près de là mais bon là je me retrouve dans une maison qui est plus en retrait du quai et j’en suis pas forcément mécontent. Parce que le quai maintenant, c’est un lieu touristique mais c’est aussi un lieu, notamment en hiver... Le vent de Nord-Est euh... C’est pas facile quand même! Et euh les gens qui habitent sur le quai, ils allument le chauffage trois semaines à un mois avant nous. C’est... c’est quand même... Moi quand je suis, quand je suis arrivé ici, je suis venu volontairement, délibérément habiter à Trentemoult, j’ai choisi d’habiter à Trentemoult. Trentemoult, ça faisait partie de mon imaginaire familial. C’est à dire que... Mon père est architecte naval, ils sont nantais, ma mère et mon père sont nantais tous les deux même si ils ont été des bons bretons exilés en région parisienne, comme beaucoup d’autres. Et quand je suis revenu

à Nantes, très rapidement, moi j’ai cherché à... Outre que j’avais un bateau, que je naviguais, je suis venu habiter à Trentemoult quoi. C’est curieux parce que même dans la région parisienne, ma mère chantait la chanson de Trentemoult, l’histoire de la barbière là... La barbière de Trentemoult qui était la chanson :

«A Trentemoult, la jolie ville, Où il y a des maisons blanches, On dit qu’il est une barbière Qui est plus belle que le jour…»

Emile Robert est un habitant de Trentemoult que nous avons rencontré lors de la préparation de l’Atelier Public Mobile. Il est le président de l’association CNSL (Centre Nautique Sèvre et Loire) et c’est à ce titre qu’il nous a laissé une partie du centre nautique à disposition lors des ateliers publics. C’est lorsque nous nous sommes vus lors de la remise des clés du centre nautique qu’il commence à nous parler son «habiter Trentemoult». Décision est alors prise de se revoir pour entretien plus long. Le 5 avril, nous nous revoyons à l’occasion des journées

Et c’est l’histoire d’une barbière qui rase les gens etcetera et que les gens pour la draguer, viennent se faire raser la barbe et ils aimeraient bien «voir ses yeux remplis d’amour» mais évidemment les amours sont pour un marin parti en mer qui reviendra dans quelques jours. Voilà... Et donc euh... Donc cette chanson-là, quand j’étais gamin dans la région parisienne, là-bas, loin... Et quand je suis revenu habiter à Nantes euh... On dit qu’il y a pas de hasard, hein. Ma compagne de l’époque qui était nantaise, donc je suis venu habiter à Nantes et dès que j’ai pu je me suis retrouvé à Trentemoult, parce que Trentemoult ça faisait partie de l’histoire. Parce que aussi, l’histoire qui était contée dans la famille, c’était que... quelle est la ville en France où il y a le plus grand nombre de capitaine de long court au mètre carré, point d’interrogation. Et il fallait répondre tous en coeur «c’est à Trentemoult!». Ce qui est... Il y a une vérification statistique à refaire quand même... Ceci dit, entre les capitaines de long court et les capitaines côtiers etcetera qui sont venus s’installer à Trentemoult, il y avait vraiment du monde. Et notamment il y a eu un chef d’état major de la flotte, qui avait ses fonctions... Le capitaine Ollive, pendant le... L’amiral Ollive, pendant la guerre, il a été un des grands pontes au ministère de la Marine, c’était un Trentemousin. Et donc c’est des gens qui ont fait parler d’eux... Commandant Lacroix, etc. Voilà, donc avec ces histoires qui se racontaient dans ma famille parisienne de l’époque, je peux dire que quand je suis arrivé à Nantes, le but du jeu c’est de venir d’urgence habiter à Trentemoult quoi. Et à ce moment-là, quand j’y

Le quartier était mal famé! Le quartier avait mauvaise réputation. C’était euh... C’était de la bagarre, c’était euh... Le désarroi face

suis arrivé en 1979, oui c’est ça... 79 presque 78 quoi... Fin 78...

à la crise pétrolière, le début des premières crises en 74-75. Là c’était euh, c’était aussi les chantiers qui commençaient à battre de l’aile. Les chantiers navals, les chantiers Dubigeon. Donc euh et la vie d’une population très prolétarisée ici était pas facile quoi. Et comme elle était pas facile, ben entre eux c’était aussi pas facile. Ce qui veut dire que les gens, les personnes de mon âge qui habitaient à Trentemoult, ils n’avaient qu’une seule envie, c’était de partir! Les habitants de Trentemoult, quelques copains qui en étaient, se sont barrés dès qu’ils ont pu quoi. Et qui


109 d’ailleurs, ne sont jamais revenus parce qu’ils n’ont plus les moyens de revenir. Ils ont vendu leur baraque et puis ils l’ont vendu à l’époque pour une bouchée de pain et maintenant ça coûte très très cher. Voilà voilà donc euh et quand on dit que effectivement ce quartier était mal famé et tout et tout, il y a certains trentemousins de souche qui sont restés dans le quartier et certains ont trouvé insupportable que je puisse parler comme ça du quartier, parce que je m’étais fait interviewer dans le journal quand on préparait les régates, donc euh j’avais expliqué ça et... Nicolas : que c’était mal famé? E. R. : qu’il y a eu une période mal famée etcetera et d’autres personnes m’ont écrit après en me disant «quand même euh pourquoi vous venez habiter ici si c’est pour dire des choses pareilles sur le quartier? C’est pas vrai et tout et tout.» J’ai après représenté cette lettre à d’autres personnes qui m’ont dit «ben oui effectivement, ces personnes-là...» N. : Oui, de toutes façons ça recoupe aussi ce qu’on nous a dit... E. R. : Des personnes qui déjà à l’époque glorifiaient un peu le quartier et comme par hasard, c’était ceux qui étaient en lien avec la municipalité et il y avait... C’était un premier notable du quartier, qui habitait un peu sur la marge, comme les capitaines hein... Et puis l’équipage... Les équipages habitaient au coeur de Trentemoult et puis les capitaines, les maisons de capitaines, sur les côtés. Le rapport

de classes, il existait hein. ‘Fin voilà, et donc euh d’autres personnes qui disaient «ben attends moi euh j’ai été faire mes études quand j’étais gamine à côté au lycée Goussier là je ne disais jamais que j’habitais Trentemoult»,

voilà, c’était... Je me faisais repérer quoi. Stigmatisé quoi. C’est comme dire qu’on habite Clichy aujourd’hui finalement. Voilà. Alors maintenant, c’est l’inverse. Maintenant t’habites à trentemoult, t’es un bobo quoi. Alors bon... Je prétends que je fais pas partie de ces gens-là même si ben j’ai aussi mon attirance sur la vie culturelle, sur la vie esthétique, pleins de choses quoi hein. Et que les bobos, tout compte fait, j’ai contribué à les faire venir, c’est comme ça, hein... Alors bon donc euh moi, première approche du quartier, j’avais envie d’habiter sur un quartier maritime, un quartier populaire, un quartier qui était pas anonyme quoi. J’veux dire... Et de fait, je m’en plains pas quoi. Jusqu’à ce que ma compagne me rejoigne en 81, et qu’après ben qu’on ait des enfants, qu’on fréquente l’école euh... Et que il s’est passé pas mal de choses. Et on peut dire que on a vu le quartier évoluer bien avant le fameux film de «la Reine Blanche», hein, on l’a pas attendu. Euh c’était, notamment sur-

tout autour de l’école que les choses se sont jouées. C’est à dire que quand on est arrivés et que on a inscrit notre enfant en 88 ou 87 même, à l’école de Trentemoult, il y avait trois classes. Il y avait deux classes de maternelle et une classe de primaire. Et ce qui était extraordinaire, c’était que entre... C’était le même bâtiment hein! Il y avait deux cours et entre les deux cours, les petits, il y avait une directrice d’Ecole maternelle et une directrice d’école primaire. Pour trois classes, hein. Et entre les deux, il y avait le grillage. Sérieux, hein. Pour dire que bon... Tout ce monde-là était en tension un peu les uns sur les autres, même dans l’école. Et euh... ça a fritté pas

mal quand une année... Nous on était quand même, il y avait des parents quand même qui étaient là, des copains un peu, mêmes idées que nous, avec des enfants... Nous on voulait pas spécialement que nos enfants aillent cavaler, à Planché à l’école Planché c’est? Planché c’est l’école à côté de la mairie. Donc tu vois, il fallait aller à perpette quoi. Et donc on a... On a agi, créé l’association de parents d’élèves et tout, avec la FCPE pour donc essayer de maintenir les élèves là, nos enfants là et puis obtenir des créations de classes. Et de fait, il y a eu une génération d’enfants qui a fait toutes les ouvertures...

Tous les deux ans, il y avait une ouverture de classe. Quand la classe ouvrait, bon ben l’effectif pof était donc étalé, alors ça n’ouvrait pas et l’effectif qui arrivait, nous on arrivait... Dès qu’on voyait une femme qui était enceinte... Disons qu’on y allait «allez hop! Vous allez où à l’école?». On mettait le paquet hein. N. : Mais l’école avait mauvaise réputation ou bien? E. R. : Pas spécialement, ça commençait à venir mais c’était pas

complètement acquis quoi et par contre ça a commencé à bien marcher quand justement avant qu’il y ait vraiment des ouvertures... ‘Fin, il y a eu une fois une ouverture et puis il y a eu vraiment un gros problème une fois de plus relationnel avec euh l’instit qui était dans le primaire qui se la jouait euh... qui voulait pas ouvrir, qui voulait dans son coin... ‘Fin il y a pleins de choses à dire autour de ça, un compliquées mais résultat des courses il y a eu un moment, c’est quelqu’un qui a eu des attitudes par rapport aux enfants assez agressives et euh elle devait sentir que ça empiétait chez elle,

chais pas quoi là, en tout cas ça s’est très très mal passé et mon fils était en maternelle et je me rappelle parfaitement du jour où je vois un attroupement de mères de familles devant l’école primaire

Les parents avaient déclenché une grève de présentation des enfants à l’école. Et avec des mots aussi durs que... euh... de toutes façons... L’instit en question était une petite fille de capitaine, alors que l’instit de la maternelle était une petite fille de marin d’équipage, une petite fille d’anciens ouvriers des chantiers navals et euh... «Ouais on sait bien de toutes façons, les baujus ils ont toujours pris les autres pour des cons.»

et ça causait et ça causait et euh...

(rires) à la sortie de l’école primaire et ça a bien fritté que de fait l’inspection académique est intervenue, a extrait l’instit de l’école, à ce point-là et où il y a un instit qui est arrivé en remplacement et qui est d’ailleurs toujours là, qui est Thierry Daillot le directeur actuel et ce gars-là donc qui est un gars plus apaisant apaisé, pas impliqué dans les conflits de quartier euh ben était plus accueillant sur les parents, a pu recréer l’école quoi. C’est après avec lui que on a pu relancer la mécanique d’ouvertures de classes jusqu’à ce que on finisse par retrouver un groupe scolaire complet à tel point que la mairie a été contrainte... Parce que c’est un peu ça hein... Au début ils y croyaient pas... ben d’ouvrir un chantier d’agrandissement de l’école et on peut dire que c’est toute cette génération-là qui a redonné du lustre au quartier et qui a donné de la

vie, etcetera et qui a donné aussi pas mal d’envie à des gens de revenir. Parce que en même temps que cette affaire-là se faisait, nous on... Pendant qu’il se passait des choses à l’école, on s’occupait de la vie du quartier. C’est à dire qu’on a recréé le carnaval, on a créé une brocante de parents d’élèves etcetera. N. : Ah oui, c’est demain non? E. R. : C’est demain oui. Une sorte d’animation autour des ateliers d’écriture. Quand les enfants faisaient un atelier d’écriture sur l’école, nous on lançait avec le même écrivain un atelier public pour les parents sur le quartier pour euh. Et c’est toute cette atmosphère-là qui a fait que à un moment, les gens se sont mis à parler de leur quartier, se sont aperçus que il fallait pouvoir y vivre enfin. Et puis et puis et puis, un jour euh, pour finir t’as un cinéaste qui est arrivé et qui a

effectivement fait un film et ce film-là, il a eu surtout l’avantage de rappeler aux gens qu’ils étaient à la tête d’un patrimoine aussi, patrimoine bâti notamment... Et qu’il y avait un caractère qu’il fallait préserver et notamment qu’il fallait pas faire n’importe quoi, foutre des pvc n’importe comment, démolir des façades, faire des grandes baies vitrées etcetera, ça bousillait tout ! Et c’est là qu’il y a eu un début de prise de conscience et euh qui arrive...

N. : C’était plutôt le bâti finalement, pas le patrimoine social? E. R. : Alors euh oui euh ya des, ya après quand les gens sont arrivés

à Trentemoult, ils étaient attirés par une atmosphère sympa un peu baba cool qui se passait dans le quartier, à laquelle nous on avait oeuvré, les petits concerts chez l’habitant euh les petites fêtes euh machin, les quais euh la fête de la musique euh, tu vois pleins de chose qu’on a créé à ce moment-là pour dynamiser le quartier et euh de fait de fait l’atmosphère était, ‘fin se dégageait bien donc ça se percevait donc les gens venaient pour ça et tout et tout mais très rapidement on a vu des gens aussi arriver et euh... Qui commençaient à venir consommer le lieu, quoi hein, c’est à dire que bon à ce moment-là ben ça a commencé un peu à... Et l’appréciation que certains d’entre eux avaient pour le quartier était beaucoup plus une appréciation esthétique que sociale. Alors donc ça pis euh c’est là que vous arrivez des gens aussi,

des convertis de Trentemoult qui

ont tout vu, tout lu, tout bu

euh, qui déboulaient dans les rayons et qu’on retrouvait expliquer comment fallait faire et tout et tout et pis ceux-là ben deux ans plus tard on les voit plus ou alors ils remballent tout pis ils se coulent dans le moule et pis ils se calment et puis ils reviennent à un comportement plus adapté quoi. Alors donc euh et c’est vrai qu’avec ma compagne euh ben on a été très très partie prenante de toute cette évolution-là, c’est à dire euh parce qu’on a eu des enfants, on a été euh... moi je suis le président du centre nautique depuis pas mal d’années maintenant, ils veulent pas me lâcher (rires).


110 - Entretiens | Rezé N. : Depuis combien de temps? E. R. : Ben ça fait plus de vingt ans que je suis président alors donc

ceci dit, voilà, ils ont pas besoin de moi, ils se débrouillent très bien sans moi. Ca tourne plutôt bien. Mais ils veulent me garder comme président parce que je sais assumer devant pendant qu’ils font le boulot derrière quoi. N. : «Assumer devant»? E. R. : Ben c’est à dire euh amortir les chocs euh prendre le temps de discuter avec les uns, savoir, représenter, parler, donner du sens euh, savoir ce qui se fait à gauche à droite, c’est des choses que je sais faire donc euh, et reconnaître chacun à sa place et voilà puis donc et moi j’organise de moins en moins de choses et je suis de moins en moins pris par l’activité elle-même quoi. En plus, maintenant que je suis conseiller municipal, je suis conseiller municipal, pas dans la majorité de la ville euh mais bon il faut aussi vraiment pour le CNSL que je sois pas trop trop, que je sois vraiment un président d’honneur quoi. Si bien que maintenant, les interlocuteurs avec la ville c’est un binôme d’adhérents qui ont pris en charge tout ce qui est dialogue autour de la gestion des lieux, de l’espace euh. N. : Parce que c’est vrai que c’est un lieu assez tendu?

d’élèves qui sont là bénévoles pour l’organisation de la brocante , il y une petite équipe de basse ile. Ils sont actuellement en train d’installer tout enfin bon nous on a été effectivement, Catherine et moi très actifs euh avec notamment le côté emblématique des régates de trentemoult qu’on a porté euh nos enfants s’y sont investis comme

navigateurs et euh l’équipage familial a raflé les premières places en voile-aviron pendant plus de cinq ans quoi ils étaient indéboulonnables il a fallu qu’on les sépare et même en les séparant ils gagnaient quand même (rires) si

bien qu’on a changé un petit peu notre système de navigation alors maintenant on fait des voiliers associatifs pour essayer de varier un peu le... garder un caractère euh N. : c’est quoi des voiliers associatifs? E. R. : Ben voilier euh on invitait les gens à se réunir euh voilier à

on est pile à la pointe, au cœur de l’évolution du quartier quoi. Et donc ça on est... un peu sous pressions, tout ça. ‘Fin donc moi, j’ai été président du centre

thème, c’est à dire euh l’équipage du centre socioculturel, l’équipage de l’école de Rezé centre, l’équipage de l’association de lutte contre la mucoviscidose etcetera etcetera, quoi. Et ce qu’est un peu en train de se faire là : il y aura un équipage d’élus municipaux

on était un peu militants, on est arrivés avec des gros sabots là-dedans mais on est tombés sur des gens complètement réfractaires euh...

quartier le bon ben en étant bien présent dedans

un petit bateau de croisière et puis ils allaient à Hoedig planter leur bateau pour quinze jours et pis ils avaient pas de... c’était une activité traditionnelle entre eux. Eux ils riaient bien entre eux... Ils se connaissaient etcetera mais c’était pas du tout du tout accueillant alors c’est vrai que nous on est peut-être arrivés un peu avec des

y a eu plusieurs fois on a été sollicité parce que bon on a été à l’école, ben autour de l’école quoi, avec les parents d’élèves euh, bon on a été un peu sollicités pour raconter un peu l’histoire euh... notamment le sens de cette fameuse brocante des parents d’élèves euh l’association FCPE l’a lâchée au profit d’un collectif de parents alors «pourquoi faire?» enfin bon euh on savait... Et il fallait que l’association adhère au centre socioculturel pour que le centre socioculturel prenne en charge la brocante... Se débarasser des tâches matérielles un peu contraignantes d’accueil, d’inscription, des trucs comme ça pour... «alors non ça c’est possible, c’est pas le but du jeu», au contraire nous on accueille les projets mais on accueille pas pour vous en débarrasser. Voilà un peu. Alors il a fallu se réexpliquer tout, tout ça alors on a bien senti que notre histoire du quartier pesait lourd dans la ... . Bon voilà c’est un peu tout ça quoi. N. : Est-ce que vous avez des lieux ou des personnes un peu repères? [interruption réunion objectif loire, début du brouhaha] E. R. : Mais euh les personnes que j’ai un peu en repère, c’est l’ancien président du syndicat d’initiatives de Trentemoult Michel Soulas, vous pouvez parler avec lui mais qui est bien fatigué et enfin de compte aussi Steven demay, qui est président du syndicat d’initiatives de Trentemoult, qui est l’association un peu traditionnelle quoi. Qui d’ailleurs à l’époque, organisait les régates. Mais qui les ont abandonné parce que c’était trop de contraintes, trop de difficultés, c’étaient pas des marins et euh on les a repris, on les a relancés donc oui avec eux ça a été très clair. [ça devient le bordel, parle de personnes qui organisent le festival de musique, musiciens bretons] ... puis je pense que ceux qui sont intéressants et qui vraiment prennent conscience de la nécessité de s’ancrer dans le quartier et pis d’avoir euh... ce

E. R. : Ah oui et puis donc

nautique, on a recréé les régates aussi hein! Les nouveaux venus là puisque le club nautique de Trentemoult euh ceux qui étaient au port là-bas étaient euh... refusaient de nouveaux adhérents et voulaient pas changer d’activités et euh voulaient faire que du permis de mer, pas de voile-aviron ‘fin bon c’était... notre arrivée sur la question du voile-aviron, des petits bateaux qu’on voulait relancer pour redonner une activité maritime à trentemoult entre autres, on est arrivés avec des... ‘fin c’est vrai qu’

N. : Ils faisaient quoi comme bateau plutôt eux? E. R. : Ils avaient des bateaux à moteur quoi. Plus un bateau à...

gros sabots mais... Si bien que ça s’est pas très bien fini entre nous. Ils ont euh... Certains d’entre nous ont été exclus de la société, de l’association carrément et puis donc on a créé à côté de ça un autre club nautique puisque ceux de Trentemoult voulaient pas de nous, on a créé le Centre Nautique Sèvre et Loire. Et donc voilà grosso-modo

l’histoire et pendant que moi je travaillais sur cette question-là euh ma compagne elle était très branchée sur euh le monde de la maison de quartier etcetera et d’ailleurs actuellement elle est président du centre socioculturel N. : euh la maison des isles? E. R. : La maison des isles oui. Elle est président du centre socioculturel qui comprend la maison des isles, la maison xxx barbusse, et la maison xx, donc il s’étend le centre socioculturel, ben il s’étend sur l’ensemble de l’image quasi quoi [montrant notre pancarte], jusqu’à pont-rousseau. //interruption d’un adhérent// N. : Et bon d’accord, vous vous m’avez parlé exclusivement de Trentemoult c’est parce que vous vous considérez plus comme Trentemousin ou vous connaissez moins les autres îles? E. R. : Ben moi j’habite à Trentemoult, je connais plus Trentemoult, je sais tout de même... Et de fait la population de Haute-Île notamment est restée beaucoup plus euh... Et maintenant il

avant quoi. Et on sent bien qu’il y a une belle identité qui est

en train de se créer là. A Norkiouse, ça se cherche un peu parce qu’il y a des nouveaux bâtiments, c’est un habitat plus traditionnel m’enfin les gens ont quand même le sentiment quand ils habitent à Norkiouse qu’ils participent à quelque chose d’un peu... ‘Fin bon, je sais pas vous comment vous l’avez perçu? si vous avez rencontré des gens de Norkiouse? N. : On a rencontré des gens qui avaient vécu à Norkiouse et qui disaient que... la disposition est pareille aussi parce que c’est assez traversant finalement et du coup il y a pas vraiment une idée de... C’est pas comme une île en fait quoi ‘fin je sais pas... E. R. : En plus Norkiouse maintenant, c’est un quartier tout neuf hein. Ils ont, les maisons, notamment les petits collectifs qui sont là euh qui sont vraiment tous récents alors ça se cherche un petit peu. N. : Et basse ile c’est encore plus bizarre ils ont plus de rapport à la Loire. E. R. : Non... Enfin si il y a une petite équipe, parmis les parents

N. : Ah bon?

E. R. : Ouais ouais ouais qui est mais donc on va, on leur a proposé des périodes d’entraînements à neuf et le premier entrainement commence samedi prochain pour les régates qui auront lieu le quinze septembre. On appelle ça le «défi Objectif Loire» [blabla «ah oui ceux qu’on a vu hier - la salle de réunion - etc]. Voilà quoi et donc euh donc euh, comme les régates c’est aussi un petit peu ça a été euh l’une des premières fêtes un peu emblématiques du renouveau du

on peut dire c’est vrai que... et ma compagne et moi... aussi euh... on a une forme, j’en suis bien convaincu euh, on a une certaine forme d’autorité morale qui peut jouer quoi, à certains moments, sur certaines choses, il

les parents d’élèves. On y revient. La force collective elle est là. Là par exemple, au centre

sont

socioculturel, ils organisaient un petit défilé aux lampions avant les vacances de... /// au point de se demander si on continue, au final on remet ça un peu... On sollicite à gauche et à droite... Les parents d’élèves! Parce que ce sont les gamins qui défilent et puis ils ont une force d’activité et autour de l’école il y a toujours cet esprit de... C’est un réseau de relations qui se créé même si nous on y est plus, on le sent bien, il y a encore... [fonctionnement du financement du centre socioculturel, projet social financé par la caf, relance de la fête de la musique avec scène ouverte]. C’est à dire qu’on paye pas des pros pour nous faire de la musique mais on revient bien à la partie d’origine qui est «ceux qui veulent chanter à la fête de la musique, il y a une scène qui est là, allez y, nous on y va et tout» par exemple. Alors pis ainsi de suite quoi, on est garants d’une certaine forme de lien

social quoi. Et ça le centre socioculturel y travaille beaucoup. Pis maintenant il y a des moyens quoi, il y a des moyens humains d’animateurs au centre socioculturel. Donc la volonté indi-


111 viduelle est relayée et donc c’est pas plus mal. Plus une association de plasticiens, ceux qui organisent euh le printemps des créateurs là donc une fois tous les deux ans, les maisons sont ouvertes et ça marche pas mal. Les Trentemousins créateurs qui accueillent ceux qui ne le sont pas, d’autres. Ca et ainsi de suite quoi. Et puis les fanfaronnades

N. : ah oui ça je connais bien mais ils y sont cette année? E. R. : Ah oui 18-19 mai. Voili voilà quoi par contre je

vois que le quartier a un peu de mal avec son image bobo parce que quand même l’habitat est pas si facile que ça à vivre. Ben oui, euh... Où ranger les bagnoles quand on en a deux ou trois hein? On est un peu les uns sur les autres quand même, et puis euh... Faut paraître quoi! Faut être sympa, faut paraître baba cool et tout et tout! Et quand on est pas bien et ben ça fait pas bien dans le décor, quoi. Donc on n’est pas trop acceptés si on est un peu dans le trou, quoi.

N. : On a rencontré une ex-serveuse qui a dit «Trentemoult c’est devenu un projet immobilier plutôt qu’un projet de vie»

E. R. : C’est peut-être un petit peu fort, c’est peut-être lié à l’histoire

de la personne mais en attendant faut pas rêver hein N. : En fait c’est plus sur le fait qu’elle est partie parce que ça avait radicalement changé d’ambiance.

E. R. : Il

y a des populations qui ont été brutalisées oui. Et ceux qui ont regardé l’évolution du quartier sans avoir de prises dessus se sont senties éjectées... ça c’est clair. Moi j’ai vu... Et j’ai participé à l’évolution du quartier

mais c’est vrai que j’étais dedans et même si parfois je déplore certains comportements il n’empêche que je suis là quoi enfin bon, je le supporte facilement puisque c’est un peu la «rançon du succès».

Maintenant faut assumer la vocation touristique du quartier. Et ça c’est pas toujours facile. On

est un peu envahis. C’est vrai que moi je regarde pas tout ça. Je suis en deuxième rideau complètement. N. : Est-ce que vous vous considérez comme habitant de trentemoult

ou rezé ou des isles ou nantais metropolitain? E. R. : Travaillant à Nantes et ayant plus de contacts avec Nantes et la population nantaise... au niveau du boulot euh moi je me suis senti très vite nantais. Mais euh vous travaillez où? [Métier d’Emile Robert, éducateur sp]. On est complètement Rezéens. Mais bon je dis à Cyril Hunault, Trentemoult on est les héritiers du port de Rezé. Alors ça fait plaisir au maire. Ca met en valeur le travail de la ville. Toutefois, je lui en balance d’autres moins sympathiques. Mais là je reconnais que c’est ça quoi. Voili voilà. Fin entretien - 32’16

’ai croisé une première fois Monsieur et Madame Lelong de manière fortuite - ils discutaient devant leur portail un après midi où je vadrouillais dans le quartier. Suite une brève discussion je perçois que le couple à beaucoup de chose à me raconter sur le territoire. Nous convenons donc d’un rendezvous pour un entretien plus long la semaine suivante. L’entrevue aura lieu chez eux, l’après midi du 19 mars 2013. Ces trois heures de discussions se sont déroulées dans leur véranda autour d’une table remplie d’albums photos, d’anciennes revues et de livres d’histoire que Madame Lelong nous avait scrupuleusement préparé au préalable. C: Ça fait combien de temps que vous êtes arrivé dans cette maison la ? L: 31 ans. non 35, 5 ans à haute ile, 10 ans à Trentemoult. C: On travaille sur les anciennes iles de la Loire, Haute ile, bas ile, NORTHOUSE, comment vous dites ? L: Norquiouse ! C: Et puis Trentemoult. L: On

a commencé à haute ile puis on est partis à Trentemoult, ça fait 50 ans, on a prit un petit meubler à Haute ile, après j’ai eu mon numéro un, puis on a changé maison, très grande maison, une pièce et demi, ma mère qu’était dans le coin, j’avais mon ainé qui dormait dans ce coin là. À l’époque on était en attente aux HLM.

C: Quand vous étiez à Haute ile vous n’avez pas trouvé d’autre logement qui correspondait à votre famille ? L: Non, mon marie était en chantier, avec un petit salaire, à l’époque ce n’était pas 80 pour cent la maison qu’on vous donniez. […] M: Les vieux habitants sont ceux de Trentemoult et Haute ile, ici il avait quoi ? L: Il avait un étang qu’était devant, l’entrée de maison était par derrière, nous on l’a toujours connue devant. On a le droit de passer devant, derrière et à coté. M: Et pourquoi il y a autant d’entrées différentes ? L: Comme il y avait un étang devant en hiver on n’est pas passé pas devant. Ici il n’y a pas la source c’est la Loire la source. […] M: Et le bras de Seuil ? L: Je m’rappelle pas. Mais on a connus l’abattoir ancien qu’est la nouvelle clinique maintenant et l’abattoir actuel. C: Et maintenant la friche de l’abattoir... L: Maintenant c’est les Roms. […] M: Vous savez pourquoi il y a plus rien ? L: Il y a plus de travail… […] C: L’abattoir c’est abandonné depuis combien de temps ?

Je me rappelle plus. ça fait pas longtemps qu’est fermé, 2009 je crois.

L:

C: Il avait des activités quand ça fonctionnait ?

L: Oui, c’était assez fréquenté. Ils ont vendu par trois. […] Ecoreve, je méfie des Roms depuis qu’ils sont là-bas. Quand ils était dans l’abattoir ils étaient pas voleur.

C: Avant d’habiter aux iles vous habitez où ? L: Nantes sur l’Erdre, puis j’ai travaillé à Nantes […] Je visitais ma mère au CHU, il avait une annonce qui était un petit meubler à loyer. Donc j’ai la prit. […] On est restés 25 ou 26 mois, […] je vous montre les photos, ça c’est la place Charles moreau, j’habitait à la rue Louis Samson, et c’est la rue jean Taro, et

ça c’est café la fraicheur où il ont tourné le film de la reine blanche, et puis c’est

la rue de la chevalier à l’époque, c’est encore changé le nom, je sais pas comment. Ils ont changé le numéro de la café deux trois fois. […] C: Le café de Simone c’est fermé depuis quand ? L: Simone est partie en retraite en 90. M: Vous regrettez la fermeture ? L: C’était mieux que maintenant… […] Les petits commerces…avant il y en avait à Trentemoult et puis à Haute ile il y avait trois épiceries ! Et

puis il y avait le café de Simone, le café des bienvenues et puis un restaurant. […]


112 - Entretiens | Rezé M: Quand vous voulez sortir vous allez où ? A Rezé, à Nantes ou à Trentemoult ? L: A Rezé devant le Corbusier, je vais voir mon médicin, puis j’ai pas

je me déplace toujours avec mon petit vélo. […] Quand on est arrivés à Haute Ile en 1964, il avait riens, les gens venaient combler la zone. Puis les usines sont venues après…c’était des prés l’abattoir, y’avait pas de route, mais il y avait un chemin de terre entre Haute Ile et Trentemoult. […] Les remblais on était fait

besoin de sortir,

par l’Etat. […] M. L: Il y avait 15 citernes sur les plateformes. […] L: […] Le garage Citroën à la place de Paint-ball. […] En 1985 on traversait la Loire à pied ! […] La mairie l’a déplacé avec l’accord de Friedrich. […] C : Qui est-ce qui avait la clé mis à part vous ?

L : Mr Lemogaine, il l’avait aussi parce que lui il avait une pêcherie là-bas derrière, donc fallait y

aller. On avait été convoqué au bureau et pis si on lassait quelqu’un d’autre passer ils nous l’enlevaient tout de suite mais un jour il y avait un…qui avait volé, les pompiers étaient arrivés et pis les flics. J’étais allé leur ouvrir pour qu’il le récupère en Loire, ils ne l’ont jamais su… Bah oui les gars, encore je leurs dit, vite la marée basse, alors y’en a qui sont partis au bout et d’autres là-bas et ils l’ont coincés. C : ça vous arrive encore maintenant d’aller vous promener sur les bords de Loire, sur Trentemoult? L : Jamais, ohlalala, jamais, je n’irais pas là-bas… C : Trentemoult vont n’y retourner plus du tout ? L : Oh pas beaucoup, et puis ma chienne elle ne supporte pas les chiens et les chats, elle veut les manger donc je ne veux pas avoir de problème avec…alors je l’emmène plutôt sur la Haute Ile, il y a moins de chatons. Oh oui parce que un chat elle en fait deux, elle le prend par le milieu et c’est terminé. Je veux pas avoir d’histoire

Trentemoult il n’y a pas de trottoir pour y aller alors on tombe toujours avec le bus et elle a horreur du bus alors c’est pas la peine, et puis elle ne se plaît pas,

j’aime autant…D’ailleurs quand je vais par Trentemoult, je tombe dans les embuscades, par là je mets une heure et par là je mets deux heures et demi alors il y a une heure et demi qui passe quelque part, oui je tombe sur des gens…je tombe sur des embuscades. Bah oui parce qu’on a quand même été dix ans ! C : Vous avez été à Haute Ile puis vous avez déménagé à Trentemoult et…vous avez senti une différence au niveau du voisinage, etc. ?

Parce qu’à la Haute Ile on ne connaissait pas Mme Lelong, c’était Anette.

L : Ooooh oui !

Que Trentemoult y’a pas d’Anette. A la Haute Ile y’avait pas de Mme Lelong. Quand on cherchait Mme Lelong, « c’est qui ? ». Tout le monde c’était Anette, d’ailleurs Mme Sauvigné c’est toujours Annette, y’a pas de Madame Lelong. M. L : Maintenant c’est la mère Lelong. L : Le facteur oui, l’ancien facteur, c’est la mère Lelong. Et lui je l’appelle le père Boinard…Bon je crois qu’on a vu nos photos là…maintenant… on a pris tous les bouquins là, hein. C : Trentemoult vous aviez choisi d’y aller pour… ?

pis moi ce que j’appréciais à Trentemoult c’est l’école.

L : Bah c’est qu’on avait trouvé cette maison,

M. L : Trentemoult on n’a pas beaucoup de souvenirs, d’façon. L : On avait l’école, la maternelle à côté et ma fille…On est arrivé là au mois d’avril, elle a fait mai, juin, le car la prenait devant et nous la ramené le soir et puis après elle est partie sur Rezé mais… Trentemoult c’était l’école. On avait combien de chez nous pour aller à l’école, trois quatre cent mètres, même pas. M. L : Oh à l’école on avait 150m… L : Je prenais des petites rues, alors…ça j’appréciais ça. Parce qu’à la Haute Ile sinon, il faut aller du côté de Saint Paul là-bas, ha non non non, et puis on ne choisissait pas à ce moment là. Parce que maintenant vous en prenez beaucoup de Haute Ile qui vont à l’école à Trentemoult, c’est que tantôt on avait pas le droit. Ahahaha, c’était

Trentemoult c’est Trentemoult mais faut voir qu’ils l’ont ragrandi l’école, aaaaah ! Alors que quand ma fille est passée en CP, ils voulaient la fermer !

Rezé ou Saint Paul.

M. L : Et les enterrements c’étaient au Rozère aussi il me semble bien. Maintenant c’est le même curé partout… L : Oui maintenant ils ont démolis le Rozère…il y avait même la messe le dimanche au Rozère quand on est arrivés à Trentemoult. […] C : Quand vous dites il y a quatre îles…ça se ressent ? L : C’est trois îles qu’il y a ??? M : Haute Ile, Basse Ile, Norkiouse et Trentemoult L : (rires) Norkiouse !! Ouai bah je sais pas je crois qu’on considère ça comme la rue de la Basse Ile. C’est considérer à la Basse Ile Norkiouse, nan ? M. L : C’est intermédiaire, ça dépend pour quoi c’est. Quand ça les intéresse tu fais partis de Trentemoult et quand ça ne les intéresse pas...Norkiouse

c’est le carrefour, le petit coin

qui est au bout…

ma voisine elle dit « ah je défend mon coin c’est la Basse Ile, c’est pas Trentemoult ! ».

L : Y’en a qui dise qu’on est à Trentemoult ici,

C : Il y a des gens pour qui c’est important…

L : Ah oui, mais moi je n’ai pas trouvé de changement. Mais la Haute Ile était plus sympathique que Trentemoutl. Mais maintenant les gens ont changés, je vois

nous les gens ici les voisins on ne se connaît pas. Y’en cinquante c’était autre chose mais les gens maintenant à la Haute Ile ils ne se connaissent plus, c’est devenu pareil, ce qui fait c’est la mentalité des gens. C’est des jeunes, c’est…[…] A Trentemoult les gens qui cherchaient à venir chez vous il fallait s’en méfier, les gens correctes… On se parlait dans la rue mais sans plus alors ceux qui cherchaient vraiment à vous fréquenter il fallait s’en méfier. C’était soit des nanas qui venaient passer l’après midi, vous voyez, essayer d’emballer votre mari si elles pouvaient et puis il y avait des durs là-bas à Trentemoult, ohla, me disait l’ancienne boucher, comment qu’elle s’appelait déjà ? Mme Bouchot ! Ohla elle disait « le pays à Trentemoult, les filles sont chaudes qu’elle disait comme ça… ». Surtout quand elle avait son petit coup dans le nez parce qu’elle ne crachait pas dessus. […] Non mais

elle, elle avait une bonne cage, ça je peux vous le dire ! Mais y’a plus de boucher à Trentemoult. Il y avait Gos aussi…il est mort…Maintenant la charcuterie on prend chez Cossard au marché et puis sinon moi je préfère à Leader de goût que Leclerc, j’aime pas la viande du Leclerc, j’aime pas. Et puis autrement j’ai mes musiciens que je vais tuer, mes coqs…Les œufs j’en achète pas, je ne

sais pas ce que c’est. Mes petites barbaries c’est des machines à pondre. On vit bien, c’est pour ça qu’on est en bonne santé ! […] Il est regardé notre jardin, si on n’avait pas notre chienne ça ferait longtemps qu’on aurait eu de la visite.

La ville de Nantes ça fait bien longtemps qu’on n’y a pas été. La dernière fois qu’on y a était c’était à

M. L :

la clinique route de Rennes là-bas. L : Je sais même pas si j’y suis retourné depuis qu’Antoine est né ! M. L : Bah si t’es venu avec moi…on a été ensemble à la clinique.

La chose qu’ils ont fait de bien c’est le pont des trois continents. Alors je peux vous dire le jour qu’ils

L:

l’ont inauguré ! Le jour de mes 58 ans, il y a 18 ans, le 3 mars, alors ça fait en…95. Depuis qu’on est passé en 2000 j’arrive plus à compter ! C : Et vous n’êtes pas retournés sur Nantes depuis… L : Si pour la mi carême…y’a longtemps que j’ai pas été à la mi carême… M. L : Quand est-ce que j’ai fait mon scanner, c’est vieux… L : D’ailleurs c’est plus la mi carême qu’on a connu. M. L : C’est in circulable maintenant à Nantes. C : Vous y alliait plus régulièrement avant sur Nantes ? L : Oh oui dans le temps, quand je travaillais chez Ernest Renault… il y avait au moins un an que je passais place du Commerce que je savais pas que c’était place du Commerce. Je passais le matin il faisait pas jour et je partais le soir il faisait noir, alors ! C : Comment vous y alliez du coup dans Nantes ? L : Mobylette ! Fallait aller par le pont de Pirmil ! Non, on a pris longtemps, y’avait un petit passage auprès du passage à niveau. […] Il y avait un bateau qui faisait la traversée. Il a vendu des carnets le matin, le soir il a dit je travaille plus, ça a fait du bruit son histoire. L2 : C’était un gros con lui aussi. L : Mais y’a un bateau qui est tombé par temps de pluie en Loire, parce qu’il y avait tempête. Mon mari travaillait au chantier et je lui disais je ne comprends pas, on habitait où la haute île à ce moment là ? Oui c’est ça. Je lui dit bah écoute pourquoi que tu prends pas le… Le bateau ils n’ont jamais rien compris, il a disparu, ils ne l’ont jamais retrouvé. Après je ne lui ai jamais redis tu prends le bateau pour aller travailler de l’autre côté, c’était fini. M. L : Il y avait un embarcadère, sur la cale Crucy sur Chantenay. Il y avait un dock…vous ne l’avait pas connu. […] M : Avant dans le quartier, il y avait beaucoup d’inondations ? L : Ah mais nous on l’a eu dans le garage ! Hé oui mais par une buse qui nous ramenait l’eau de la Loire quand la Loire était en crue. M. L : Elle remplissait le jardin d’un côté et après elle arrivait chez nous. L : Mais le jour où ils ont fait le tout à l’égout, ils ont du couper cette buse plus loin parce qu’elle devait venir de plus loin. En 95 Trentemoult a été inondé mais nous on n’en a pas eu. M. L : L’eau est venue jusque dans l’allée. M : ça vous est arrivé combien de fois ? L : Oh plusieurs fois, mes lapins, j’avais retrouvé des petits lapins noyés, des petits pigeons. […] Le mardi j’avais été au marché et puis il y avait un monsieur qui venait d’Angers qui vendait des champignons et des asperges, c’est tout ce qu’il vendait. Il m’a dit, quand j’ai vu ce que j’ai vu à Angers méfiez


113 vous à la fin de la semaine ! Le vendredi ont a fait rentrer des parpaings mais par contre le lendemain on baignés. Ah oui. […] 95, Trentemoult a été

inondé mais on n’a rien eu ici […] Y’a des grilles pour que le trop plein […] ça se remplit avec les marées.

Le puit dans le jardin il monte avec les marées. […] A chaque marée on a de l’eau, on l’utilise pour le

M. L :

jardin seulement, pour arroser, parce qu’elle est pas…avant elle était belle. Maintenant je la donne même plus à mes bêtes. […] La pompe tire plus vite que ça monte…qu’avant au début qu’on a fait le puit, ça tournait toute la journée, toute la journée dans le jardin ! Maintenant

on n’a plus d’eau. Y’a des trucs…C’est tis la Loire qui fait moins son travail, je sais pas. […]Mais

on peut pas, y’a des fois que ça tourne même pas une heure,

Conforama on été inondé là. Mais heu je sais pas si c’est bien la crue ou les orages, c’est pas avec l’orage, la grèle qu’on a eu en 83 qu’ils ont été inondés ? Conforama, ils étaient là en 83, non ils n’étaient pas là ça devait encore être Leclerc, non ? On est venu là en 78, ahhhh, c’était Confo, Leclerc est parti pas longtemps après qu’on soit arrivés

Si bien que maintenant leur réserve elle est là, c’est plus haut. Que là c’était un chantier de bateau, les dépôts de Conforama c’était un chantier de bateau. Là ils faisaient de la galvanisation…[…]

là.

C : Et quand vous parlez de la pêche, etc., tout ça ça a disparu ? L : Il y a plus de poissons

C’est pas qu’il y a plus de poissons, c’est qu’on peut plus approcher. Et puis vous prenez l’anguille avant on y avait le droit toute l’année.

M. L :

Maintenant en face ça ouvre le 1ier mai…et ça ferme au mois de juillet et après ça rouvre au dessus du pont de Pornic…Avant on avait le droit toute l’année. L : Et les gars…quand on est arrivé là Michel avait 14, Daniel en avait 11, puisque c’est tout les 3 ans et ma fille en avait 8 mais elle n’y…oh si des fois elle allait les voir à la pêche. Mais faut voir les fritures qu’ils ont fait !! Ils ont même vendus une fois du poisson. Il y avait un gars de chez Friedrich qui lui avait dit je te l’achète ! Y’en dix ans on prenait sept huit anguilles à chaque fois qu’on y allait. Maintenant il faut les noter ! T’en as pas noté beaucoup l’année dernière ?! M. L : Treize… L : Ouai t’as marqué ! Il serait écœuré de voir…il a rien fait l’année dernière. Tu vas pas leur envoyé. Ils vont se dire que le pêcheur est mort. Y’en rien et puis la Loire se…y’a du bois, y’a de la ferraille.

Marée haute on voit pas mais marée basse pffff c’est affreux, c’est dégueux. Mais les gens sont sales. Ils balancent tout. Avant la Loire était belle, vous prenez le trou à Lisette, ou qu’y a les bateaux là-bas, mais c’était pas fait comme ça avant. J’en avait un, tu te rappelle Daniel, qu’avait

tombé dans la Loire là-bas dans le trou à Lisette. […] C : Et c’est quoi le trou à Lisette ? M. L : Y’avait une avance comme ça, la pointe de la Loire, y’avait un banc de roseau, ça faisait une petite anse si vous voulez….ça faisait une avancée de terre avec les roseaux et puis la Loire qui passait là. Là les bateaux venaient s’ancrer. A marée haute là-dedans on allait à la friture un petit peu. Mme Lelong sort le livre avec d’anciennes photos de Trentemoult. M. L : Le Seil ça été comblé. Mais on l’a quasiment jamais connu….[…] L : Mais à Trentemoult il y avait une carcasse de voitures qui faisait le pont, les gamins ils pêchaient sur la carcasse de voitures pour… M. L : Ils pêchaient de la carpe là…[…] C : C’est un livre que sur Trentemoult ? L : Ah oui oui. C’est madame Leray qu’avait donné les photos. Et elle m’a dit je lui redonnerai pas pour…parce qu’ils voudraient faire une suite. Elle m’a dit non je ne lui donnerai pas parce qu’il n’a pas fait le bouquin comme il aurait du. […] ça c’était la mère Baloche (en parlant d’une photo), ah bah quand elle passait avec sa flûte…on savait que les poissons étaient sur la place. […] La digue près de Cheviré, tu l’as connus toi cette digue là ? M. L : Non moi j’ai pas connu ça…Mais le quai de Cheviré a été fait qu’après la guerre c’est tout alors… L : Le café de Bellevue, c’était où ça ? Il y a longtemps qu’ils doivent être morts ces pauvres…Ah il y a monsieur et madame Soulas. […] M : Pourquoi est-ce que l’on dit route de la Californie, vous savez ? L : Non je sais pas. Oh, y’a des belles maisons route de la Californie c’est assez chic. […] La pharmacie…le café du port…la place Levoyer… la maison à madame…la rue Jean Junot. C : Au niveau des transports en commun, c’est bien desservis ici ? L : Oh oui ! Oh oui ! Il y a le 36, mais ça fait bien longtemps que je ne l’ai pas pris. […] La rue de la Californie… M. L : Oh bah elle a bien changée ! […] L : La Chapelle…enfin maintenant c’est un parking, les gens ne vont

plus à la messe. […] Oh l’inondation de 1910, ouh ça avait été dur…Ouioui dégage ! (en parlant au chien) […] C’est

en quelle année qu’on est les seuls qu’en ai pas eu à Trentemoult ? Madame Morinnière descendait avec des bottes dans sa cave. Toutes

les maisons sont sur pilotis, vous avez vus nous le marches qu’il y a à monter ? Mais…là les gens ne pouvait plus faire de lessives, ne pouvait plus aller aux toilettes…C’est en quelle année ça ? […] Mon gars me disait toujours le sept sept soixante dix sept il se passera quelque chose. Et bah il s’est pas trompé, Leclerc a été inondé, nous on a été inondé et y’avait ça d’eau dans les rues. Et nos grenouilles on ne les a jamais revus ! […] Avec ce qu’il y a eu cet hiver, si ils n’avaient pas fait ce qu’ils ont fait il y en aurait partout. […] C’est là qu’on a eu les Roms…ils venaient avec des voitures…[…] Là c’est la mercerie…[…] Eh oui là il y a de la glace…j’ai vu dans…qu’en 87 les bateaux étaient bloqués, je ne me rappelle pas de 87. Je sais qu’on a eu trois années 85, 86…

Ah bah là, les fameux Roquios, c’est comme ça qu’y en a un qu’avait coulé en face…[…]

M. L :

L : Avant on parlait toujours de Trentemoult, maintenant c’est Rezé.

[…] Aaah Beau Rivage, c’était une plage, c’était les vacances des gamins l’été. Si vous saviez tous les après midi les gamins…où qu’y a maintenant la maison des Iles, la maison pour les retraités… C : Et les gens allaient se baigner ? L : Alala oui, l’eau était propre et puis y’avait du sable…Et après ils ont emmenait une péniche qui faisait dancing, alors là ça commençait déjà le bazar. Parce qu’il y avait les bagarres, il y avait…ouai ça été le bazar. Et par contre du coup, ils avaient ouvert la Guinguette et bah ils avaient bien fait, oui ils avaient rouvert la Guiguette… C : Oui, j’en ai entendu parler de la Guinguette, par des personnes de Chantenay qui venaient aux fameuses guinguettes de Trentemoult ! L : Hé ouiii. J’avais passé le virus à ma fille. Et le samedi soir on allait danser, je lui ai appris les valses, les tangos, les passos, les javas, les…Oui il y a un peu plus de vingt ans, alors tous les samedis

soir…Alors on partait en chausson, parce que les talons aiguilles n’aurait pas supporté le voyage. On mettait les chaussures dans les sacs et puis quand on arrivait là-bas à la Guinguette, il y avait une cabine téléphonique, là on mettait nos talons…Des fois on en reparle, ooohhh, on a des partis de fou rires quand on se retrouve. On a rigolé là-bas, c’est incroyable

et après on reprenait nos chaussons pour revenir. On avait près d’un kilomètre à faire hein ! C : Et ça n’existe plus du tout les guinguettes ? L : Ah non, les voisins ont couinés alors…Par contre dans la zone là, y’a un western qui a ouvert. J’ai vu les patrons et puis elle m’dit bah… Ah bah j’dis je ne vous dit pas non parce qu’avec ma fille et mon gendre peut être. J’ai des gars mais ils sont trop sérieux, ils vont pas

danser. Mais avec Mila on rigole avec ça ! […] Alors là c’est le trou à Lisette, où qu’mon gars avait tombé quand il était à la pêche, et puis là y’avait des roseaux…mais les roseaux reprennent leurs place ! […] Mais moi je ne me rappelle pas de 87, je me rappelle de 85 et 86. 85 ça avait été en janvier, 86 ça avait été en février, on avait du moins treize moins quinze, c’était descendu à je sais pas combien dans la terre. […] L’année 63, quand on s’est marié, ça été dur aussi. […] Alors ça, c’est une vieille famille de Trentemoult,

c’est monsieur Soulas qui a encore sa sœur qui a 92 ans et c’est lui qui organisé les chars de la mi carême et c’était un des plus beau char qu’avait Rezé…et c’est de là qu’ils ont fait le film la Reine Blanche ! C’est pour ça que Jean Louis Hubert est venu le tourner, parce que Jean Louis Hubert, ses parents habitent du côté de Rezé. Oh ça a fait une animation dans le quartier ! Oh c’était bien, on était mélangés…Moi je devais tourner dessus oh puis il faisait une chaleur épouvantable au mois d’août, j’avais une grosse robe d’hiver, et puis merde je me suis dit j’y vais pas. Mais mon fils il a tourné sur les bateaux, comme dockers. Jean Carmet c’est pas la route du rhum qu’il a fait c’est la route du muscadet, tous les soirs, oh, kppff ! Mais on les voyait, aller faire leurs courses, ah oui oui. Y’a qu’une qui gardait ses distances, c’est Deneuve. C’était Madame Deneuve. […] Ah, voilà Simone ! Simone devant la fresque… C : Ah je vais prendre en photo Simone… L : Ah mais vous l’emporter le bouquin ! J’en ai plusieurs, à l’époque ma fille portait les prospectus dans les boîtes aux lettres, alors j’en ai gardé plusieurs. […] Alors vous voyez ils ont représentés le char de la mi carême dans le film. Elle c’est celle qui a remplacé Simone dans le café, elle n’a pas tourné Simone. Elle était bien là Simone, maintenant


114 - Entretiens | Rezé elle est complètement gaga, elle ne sait plus qui elle est… C : Le bar était réputé à l’époque? L : Oh le bar de Simone c’est tout ce qu’il y avait. Et c’est la seule qui avait le téléphone dans le temps. Elle aurait voulu, elle aurait passé toute sa journée à aller

chez les voisins…mais elle n’avait pas que ça à faire Simone ! ça faisait café et jeu de boules… M. L : Et puis elle faisait des casse-croûtes.

L : A l’époque mon frère travaillait aux abattoirs donc elle me disait la mère…mumh vous venez le chercher et puis bah elle faisait ses riettes

et puis elle mettait ses riettes sur le casse-croûte…Elle étalait…y’en avait qui amenait leurs casse-croûtes….Et puis elle a été tué route de Pornic en…la mère, la mère hein. Elle était parti sur le marché et puis y’a un client qui vient et qui dit oh y’a une dame qui vient de se faire fiche en l’air route de Pornic avec son vélo. Ohla bah elle a fermé le café tout de suite, c’était sa mère. L’après midi qu’la police est venue pour lui dire vot’ mère, elle a dit y’a longtemps qu’le sait. […] Alors là vous voyez tout… y’a même Le Corbusier ! C : Le film est assez représentatif, vous l’aimez bien ? L : Oh il est bien bien bien ! Non il est bien ! Mais y’a des gens qu’on reconnaît dedans. Y’a un voisin qu’on voit passer avec son vélo et sa remorque. (rires) Oh moi je trouve qu’ils ont fait une belle chose. […]

Un soir on était parti danser à la guinguette, et puis je dis y’a Jean Carmet, les autres me disent oooh. Je dis vous avez qu’à descendre vous allez voir. Ils étaient venus faire leurs rondes de nuit et ils étaient au bar en bas ! Alors bah on est descendu à plusieurs et on a eu la bise de Jean Carmet. Ah !!! Bah je me suis pas lavé depuis parce que…Ils étaient venus repérés

pour tourner le film. […] Oh la guinguette, ça commençait après les restos vers 22h…Oh j’aime mieux vous dire qu’on pleurait pas ! Ah bah les petits oiseaux chantaient quand on rentrait à 4h ! M. L : Au moins… L : Oh j’usais pas beaucoup les draps, à 8h j’étais levée. […] Oh ils ont pas du pleurer à Trentemoult parce que…y’avait même des chauffeurs de taxi qui ne voulaient plus les prendre. Oh bah dit donc, c’était 14 juillet à Paris tous les jours hein ! ça c’est notre mairie qui est affreuse…Ah oui non vraiment Jean Carmet c’’était tous les soirs, c’était la fête au village. Oh c’est des souvenirs ! […] C : On se recroisera peut être…comme la première fois ! L : Oh oui hein, c’était marrant. J’ai cru que vous vouliez acheter tout le quartier. Je me suis dit chouette parce que là ça serait vendu ça nous arrangerait hein. M. L : On pensait à un complément d’enquête. (rires) L : On n’aurait plus de Rom dans notre quartier, hein. Parce que là on a peur. Hier y’en a qui sont passés avec une caravane, ils regardaient… bah ma chienne a aboyée. […] N’allez pas voir les jeunes, ils ont pas le temps et puis les jeunes ils ne connaissent pas le quartier. Là prenez les voisins, le matin ça prend la voiture, ça part travailler, le week end ils s’en vont en Vendée là bas en famille…Nous on a jamais eu de voitures, on a toujours resté dans le quartier, not’ sortie dans le temps, on allait à la pêche à Cheviré, moi j’allais avec mon p’tit vélo làbas, on avait monté une espèce de cabane avec un sac en plastique, quand y pleuvait j’tricotait en dessous du sac plastique, c’était gai dans le temps ! On a jamais eu de voitures, on a jamais fait comme les autres, on a jamais quitté le quartier. Moi jvous dit quand je sors ma chienne, on en voit plus à pied qu’en voiture hein.

Y’a des choses que je voit qu’y a des gens qui voyent pas ! Parce qu’à pied on voit quand même davantage de choses, c’est différent. Les

gens passent en voiture, ils ne vit pas les gens, ils sont toujours… Tandis qu’à pied…Bon avant j’étais plus courageuse, il va falloir que je reprenne du poil de la bête, j’allais jusqu’aux cliniques avec ma chienne, là ils vont se demander si je ne suis pas malade, ça fait longtemps qu’ils ne m’ont pas vus ! Fin entretien - 1h43’

J’ai rencontré Monsieur Fouchard une première fois pour lui demander mon chemin lors d’une promenade dans le quartier. Il discutait avec son voisin de la pluie et du beau temps devant son hangar. Suite à ce premier contact, durant lequel je lui explique brièvement notre démarche, il me dit ne pas hésiter à l’appeler pour plus de renseignements. Quelques jours plus tard nous décidons donc de prendre rendez-vous avec lui. Nous le rencontrons finalement dans l’après midi du 26 mars 2013. L’entrevue se déroulera autour de la table de la cuisine. F : Si moi je ne me retenais pas, si je vendais là d’ailleurs la municipalité me préempterais et me… N : Pourquoi ils préempteraient ? F : Bah parce que je suis tout seul ici, je suis entouré de mairie ou de Nantes Métropole, la rue c’est Nantes Métropole, là c’est Nantes Métro… ou Rezé enfin je sais plus mais tout ça c’est un mélange hein faut pas rêver, tout ça ils s’entendent comme…copains comme cochons. Et puis il faut pas rêver si ils peuvent arnaquer comme

ça gentiment…C’est pour ça qu’ils me refusent cette histoire là quoi… N : Votre permis de construire ouai… F : C’est lamentable ! Je fais vraiment plus confiance à plus grand monde, ça je peux vous le dire. Les politiques, les banques, j’ai tout

retiré, presque tout. […] Je suis contre l’aéroport aussi, je vous le dit en passant, contre le nouvel aéroport, y’en a pas besoin, bah non il n’est pas saturé, il ne sera jamais saturé. Et j’prend l’avion hein ! Je fais parti de la société des horticulteurs

amateurs, et puis on va visiter des choses, […] on discute avec le propriétaire des lieux […] et je lui dit on est obligé de revenir aux fondamentaux parce qu’on bouffe que des cochonneries […] et lui je lui il est pour l’aéroport et je lui dit mais vous prenez souvent l’avion et il m’dit non jamais et je le prendrais jamais. Je dis mas attendez ! Il est gentil autrement, oh non non mais c’est impensable. […] N : On étudie toutes les îles […] F : Moi

j’y suis né moi ici à Trentemoult. Il y a un moment, ça fera bientôt 64 ans le 25 juillet et je pensais que c’était le centre du monde moi


115 ici quand j’étais tout petit et puis après j’ai vu d’autres choses hein…Je ramenais tout à Trentemoult mais

en fait c’est un petit village, au départ de marin parce que Nantes qui était le premier port du commerce triangulaire…ils habitaient là, enfin là et autre part mais…y’en a beaucoup qui travaillaient à Trentemoult. Quand je me suis mis à mon compte en 91, j’ai travaillait pour des anciens capitaines, cap-hornier et tout. A onze ils étaient à bord et puis y’en a qui finissaient capitaine. Et puis d’autres matelot et

puis bah voilà les plus belles maisons c’est les capitaines et puis les petites maisons à Trentemoult c’est l’équipage. Dont celle-ci ne fait pas

parti, nous on n’est pas…mes parents n’étaient pas une famille de marin, mon père est d’Ancenis originaire, bon de la Loire mais ce n’est pas de la marine au long court et puis il n’était pas marin non plus donc voilà. Et ma mère elle était des bords de Loire aussi, le Layon, près de Chalone mais bon y’a aucun rapport…[…] Elle est de 69 la maison, elle n’est pas vieille et l’atelier devant qui a été racheté par Nantes Métropole là, en oubliant de sortir les servitudes…y’a 25000€ de travaux […] et les servitudes ça va être à mes frais et il en est hors de question, c’est le notaire qui n’a pas fait son boulot. Je me suis rabattu sur Nantes Métropole qui s’en lave les mains, en fin bon voilà si ils peuvent arnaquer ils arnaquent et là j’en fais parti. Ils m’ont arnaqué là-dessus. […] Mes parents avaient fait leurs donnations, moi je savais que j’avais la maison et puis ma sœur a hérité de ça et elle l’a vendu à Nantes Métropole, pour une bouchée de pain d’ailleurs, sans que je sois au courant, je ne suis pas en bon termes avec elle […] C’est la ville de Rezé qui a ça du coup et quand on leur demande ce qu’ils veulent en faire bah ils ne savent pas ! […] Nan mais c’est comme ça qu’on gère des communes de 36 000 habitants ?! Des petites communes sont mieux gérées que ça ! Fin voilà, ça dépasse mais moi je le dis quand même. C : Et vous me parliez quand on s’est vus la dernière fois du pendule… F : Ah oui, bah en 2007 y’a eu Estuaire 2007 2009…y’a pas eu 2011, ça été reporté en 2012, ouai c’est ça…Bah là il y avait une centrale à béton qui est venue en même temps que la maison en 69 sans rien demander à personne ils ont montés sois disant une centrale mobile, quand y’a des fondations grosses comme la maison hein…c’est sacrément mobile hein, non ils ont trompés leur monde encore. Et puis bon, ça c’est Trouillard point P qui est maintenant Saint Gobain qui est propriétaire, ils font ce qu’ils veulent avec l’argent, c’est pour ça que les politiques c’est de l’argent, voilà. […] Et puis Girodet qu’il s’appelait le responsable de centrales chez Point P., il m’a dit Monsieur Fouchard - vous savez on fait comme ça, comme les politiques quoi – il m’a dit je vous tiens

au courant pas de problème, vous serez le premier informé ! J’ai non seulement été le dernier informé mais ça m’est resté sous le nez sans savoir ce qui allait se passer et puis en fait le maire de Rezé pour la gloriole il a voulu heu…un machin à lui aussi sur le sud de Loire parce qu’a part un port qui est inutilisable, parce que sur le papier c’est joli, sur un plan. Et puis voilà il a voulu un truc il l’a eu, il a son pendule quoi. L’artiste je le connais il

est sympa, je n’ai rien contre l’art puisque j’ai des artistes là dans mon atelier, je n’ai rien contre, au contraire, moi c’est mon métier aussi, je pourrais vous montrer des pièces d’ébénisterie que j’ai…Mais à partir

de là, ils font tout dans notre dos. Je n’ai rien contre la promenade en bord de Loire, au contraire c’est super, ça attire du monde. Il y a eu beaucoup moins de monde pendant 15 mois là, il y a eu les Roms. Ils faisaient demi tour les gens ils ne venaient pas, ça c’est encore une autre histoire, fin bon c’est encore une histoire. Là, de l’autre côté de ma clôture, je n’ai pas eu d’histoires avec eux, j’avoue…J’ai pas eu de différents, y’avait des grosses voitures qui faisait des dérapages ou des pointes de vitesse, des BMW ou des…Fin voilà, c’est pas des gens qui sont là pour s’intégrer, faut être clair, heu…ils sont pas là pour s’intégrer, ils sont là parce que le système fait que c’est intéressant pour eux et puis voilà. Ils cherchent même pas à parler français ou très très peu, 10% peut être. Ça fait parti des histoires de Trentemoult ça aussi. Ici ils sont restés quinze mois, ils sont partis fin juillet l’année dernière,

Ils sont arrivés le 8 mai je crois, ils sont arrivés, il y avait 18 caravanes, 16 ou 18, le premier dimanche, on ne les a jamais entendu, le chien n’a pas aboyé, ils n’ont pas fait un bruit. Oh putain j’me dis, je me lève le dimanche matin, je me dis qu’est ce qui se ouai je crois. […]

passe là. Oh ! Y’avait pleins de monde…[…]

N : Vous partez souvent ? F : On essaye tout les ans. L’année dernière on a fait les Comores, là bas y’a du boulot parce que les musulmans à part leur religion ils gèrent que dalle. Ils font des coups d’éclats avec des mosquées,

Avec les Roms, la caravane qui était tout près du portillon, il y avait une famille, le père, la mère et deux enfants, deux ou trois parce qu’on sait pas trop…à qui…c’était bonjour seulement, sinon ils ne parlaient pas. La petite fille qui faisait tout

des trucs comme ça mais y’a rien qui se passe quoi. […]

le boulot, la cuisine, la vaisselle et tout, elle aurait bien voulu parler davantage mais ils restent sur leurs garde et puis voilà…Et puis il y a eu un paquet d’abus, de tous les bords parce que il y a des gens, je ne sais pas d’où ils venaient, des associations d’aide, Secours populaire ou autre, j’ai vu une voiture particulière en break là descendre des grands sacs poubelles de vêtements, elle les mettaient avant que se soit une aire de jeux là, ils me foutent un thé dansant, elle a posée ça devant le long de cette clôture provisoire là. Bon ils sont allés quelques minutes après récupérer ces sacs, ils ont ce dont ils avaient besoin et le reste ils ont foutus dans les poubelles. Et bah je trouve ça complètement anormal qu’on leur donne des trucs qui sont remis en bon état, propres et puis si il y a des choses qui conviennent pas les foutres à la poubelle. Je suis complètement contre, et eux ils savent pas, on leur a pas appris. A Bouguenais je sais qu’il faut qu’ils se déplacent pour aller chercher les vêtements. […] Voilà comme contact

sinon…j’avais des brugnons que je donnais à qui en voulait, je leurs en ai donnés. Je leurs ai cueillis parce que je voulais pas qu’ils viennent chez moi, ils n’ont rien à y faire, voilà, c’est privé et je leurs est donné les brugnons, qu’est ce

qu’ils en ont fait ça je ne sais pas, est-ce qu’ils les ont mangés, j’en sais rien. Je leurs ai prêtés aussi un demi bidon parce que la ville a mis en place un bouton pressoir de flotte, qui était derrière mes ateliers là-bas à 1,80 m quoi, quand le sceau en dessous ils appuyaient sur le bouton, y’a la moitié qui venait à côté, alors je leurs ai donnés un demi bidon, ça tombait bien et donc la du coup ça tombait dans le sceau. Mais après le demi bidon je l’ai retrouvé un peu plus il se barrait à la Loire. Ils l’avaient laissé traîner devant là, sur l’herbe, il le rendait pas. Ils balayaient tout le temps mais il y avait toujours autant de foutoir quoi. Une canette de bière ou de coca cola, ils ne la mettaient pas à la poubelle, ils la balançaient. Pof ça passait au dessus de ma clôture, je ne disait rien à personne, je la renvoyait, voilà c’est pas compliqué. Bon les ballons ça peut encore arriver, c’est encore arrivé dimanche là…ça c’est des mômes qui jouaient. Là du coup il n’y avait plus du tout de visite du pendule, les gens s’arrêtaient, oh putain dès qu’ils voyaient les caravanes demi tour, ils ne venaient pas en face du pendule ! […] Au début il y avait des poubelles mais après ça c’est passé parce qu’il foutait le feu dedans, après ils ont mis des bennes métalliques. […] On a retrouvés des congèl’ avec des quantités de sucre incroyable ! Bah oui on leurs donne mais ils gaspillent mais incroyable! Et puis hé ils tuaient les moutons, les cochons là devant, iiinpensable. Nous on fait ça là on va directos en prison. Ah bah oui, des poules et tout, incroyable, moi je ne vais pas le signaler, c’est pas mon rôle…mais les flics ils ne viennent même plus. Au début ils ne descendaient pas de leurs véhicules, ils venaient au début mais après démerdez vous nous c’est la paye qui nous intéresse, les politiques…Et puis bon après ils sont partis aux anciens abattoirs et là ils ont été éjectés y’a pas très longtemps, y’a deux mois et du coup ils se retrouvent sur l’île de Nantes je crois, du côté du hangar à bananes. Je crois hein, je les suis pas moi hein. Et heu, y’a une famille qui s’est engagée à s’intégrer. Je crois même que c’est ceux qui été près de moi là, près de mon portillon. D’après ce que j’ai pu voir sur la photo du journal, ça fait 10%. Les autres qu’est-ce qu’on peut faire ? Parce qu’ils veulent pas s’intégrer, on va pas leurs percer le crâne. Voilà, j’ai pas de solutions moi. C : Et ils sont partis à cause de pétitions… ?

Ouai y’a eu des pétitions, y’en a qui ont été cambriolés, volés dans leurs jardins paraît-il. Moi j’avoue que j’ai pas eu ce souci là. […] J’ai vu

F:

un reportage sur le Louvre […] les Tuileries […] c’est à nous ça c’est notre patrimoine […] C : Et le patrimoine Trentemousien ? F : A Trentemoult ? Mais on n’a pas de patrimoine

à Trentemoult…que des maisons de pêcheurs. On va pas dire qu’il y a un port mais qu’est pas un port puisqu’il n’est pas praticable. Alors

moi qui ai un bateau je suis obligé de le mettre…Non mais ça c’est à souligner. Maintenant je fais des canaux, la mer j’y vais plus, j’aime bien maintenant être pénard. Mon bateau je suis obligé de le mettre à Messac Gibry parce que ici y’a pas de place déjà, je suis allé demander y’a pas de place pour les gens de Trentemoult et puis bon de toute façon il n’est pas praticable le port. Faut des grosses marées pour venir s’échouer pof on attend le moi d’après…moi qui est travaillé pour des anciens cap-horniers […]


116 - Entretiens | Rezé jamais ils ont demandé à ces gens là, c’est beau en plan mais là…c’est nul. C’est de la gloriole quoi ! […]

N : Et si on parlait de patrimoine ordinaire ou quotidien…des lieux qui vous sont chers… F : Ah bah les bords de Loire ! Les bords de Loire, moi je vais tous

J’engueule ceux qui vont prendre leurs pains dans les grandes surfaces. Je dis attends elle va fermer notre boulangerie, c’est le seul commerce qui reste. Tu prends de la saloperie là chez Liddle…C’est

les matins chercher mon pain à pied.

bon chez Liddle, j’y vais mais j’aime pas les grandes surfaces. Il paraît que chez Leclerc ils font du très bon pain mais oui mais on a une boulangerie là ! […] J’gueule moi (rires). N : Et il y a d’autres lieux, les bords de Loire… F : […] Le matin je vois les myocastors, les rats sur les bords de Loire….je les vois ! Ils ont rien fait la ville de Rezé. Il y a des agents de réglementation ou de prévention… N : Chargé de quartier… ? F : Oh non elle elle a ordre de me laisser tranquille ! (rires) […]

F : Donc sur les bords de Loire je vois les myocastors, mes canards là mes colverts et heu…et quand je vois le boulot qu’ils ont fait… les cales envasées. Ah oui les cales sont envasées. Mais tu peux pas accéder en bateau il y a rien rien. Tu veux venir voir quelqu’un en bateau, un ami à Trentemoult il n’y a rien rien.

Si il y a le Navibus mais c’est autre chose… C : Et c’était quelque chose qui existait avant ? F : Heu non non c’est vrai mais il y a près des cales des plages où l’on pouvait s’échouer facilement et les grands voiliers étaient à l’ancre […] je sais pas moi mais je pense qu’il y a allez cinquante bateaux dans l’année à Trentemoult […] Ils veulent doubler le pont Anne de Bretagne mais ça condamne tous les quais qu’il y a ! […] Par contre moi je suis partisan, y’a des villes où ils font des téléphériques…et ça coûte pas très cher en plus ! C : Et vous l’imagineriez d’où à où ?

Et bah de derrière là de Trentemoult, des sablières là…Alors là ils parlent de mettre le cirque plume là à l’année. […] F :

C : Vous parlez des bords de Loire, vous vous y baladez souvent ? F : Ah bah moi je pars d’ici, du pendule, pour aller à mon pain aller retour. Après si plus loin après on fait des ballades du dimanche on va jusque derrière la Colas. Alors heu c’est pareil après ils voulaient la virer. C’est qu’la Colas elle a le bras long, c’est des grands groupes qu’il y a derrière […] comme pour l’aéroport derrière ce sont des sommes énormes ! Les politiques c’est que l’argent qui les intéresse… ou la gloriole. […] N : Et mis à part les bords de Loire, il y a d’autres lieux qui vous sont chers…sur Trentemoult, North House… F : Norkiouse qu’on dit ici à Trentemoult, on simplifie. Oh je parle pas anglais moi. Heu…C’est

un appontement qu’il faudrait sur la Loire, un appontement pour les plaisanciers. La bientôt on va remonter la Loire de Nantes pour

aller à Angers et on fera la Sarthe et la Mayenne […] J’ai fait parti du club nautique de Trentemoult dans les années 85, c’était là où il y a la maison des îles maintenant… […] et on donnait des cours, on faisait de la pratique, je faisais passer des permis…[…] C : Et toute cette culture là dont vous parlez du nautique…elle se garde ? F : Oh oui oui oui. Les gens viennent à Trentemoult parce qu’ils sont très attirés par l’eau. Y’a beaucoup de rêveurs quand même…[…] C : Et il y a une vie de quartier… ?

les artistes là, les libéraux, les professions libérales, ils essayent de faire des choses, ils font des choses hein. Je n’ai plus d’enfants pour F : Oui, la maison des îles,

aller à la petite école de Trentemoult mais je crois qu’ils font une grande braderie là, début avril…Donc ça fait tourner ces histoires de sortie…[…] C : Et il y a eu des mutations de population, vous qui avez toujours vécu ici… ?

Moi j’ai connu Trentemoult…déjà quand j’avais dix piges, moi j’allais sur le bord de la Loire, je pêchais les civelles moi, à la maison, on les

F : Ah bah oui complètement ! C’est plus du tout les mêmes.

donnait aux poules mêmes. […] Au bord de l’eau on jouait dans les bateaux, mais on ne larguait pas les amarres comme maintenant ! Les jeunes qui montent sur un bateau, ils larguent les amarres et il l’envoie au large. Non mais c’est pas des blagues ! Maintenant on leur dit rien aux mômes ! C : Et la civelle il y a en moins…ou c’est plus règlementé c’est ça ? F : Bah c’est toujours le même problème c’est une question d’argent. Y’en a qui on gagné leur année, il payait leur bateau et il travaillait que pendant la civelle à une époque, y’a quinze vingt ans. Mais oui mais faut arrêter de racler les fonds, on racle toujours tout au maximum. Résultat on est obligé d’interdire. […] C : On nous a parlait aussi de toutes les guinguettes de Trentemoult… F : Bah oui ça c’est pareil, ça a duré pffff, on remonte quarante ans Les bistros…ah bah ça picolé sérieusement. Y’avait les chantiers et les gens qui allaient au boulot en bateau ils allaient boire un coup ou plusieurs mêmes parce que y’avait sept bistrots alors si ils prenaient leurs lignes et ils suffisaient qu’ils s’étaient trompés de route et qu’ils repartaient dans l’autre sens, ça faisait quatorze !! Oh ça

en arrière. Après ça s’est terminé.

arrivait ça ! Mais j’ai jamais été un grand pratiquant des bistros. Mais des fois je disais mais toi c’est pas vrai t’habites où, au bistrot ? […]

Nous a Rezé c’est minable, on ne dépend que de Nantes métropole, c’est Nantes. Et maintenant

notre maire est président de Nantes métropole donc voilà ! On se mord la queue. N : Vous vous considérez plus comme nantais métropolitain, rezéen, îlien… ? F : Ah moi j’ai été au Vietnam, j’ai été à Madagascar, bon j’ai voyagé un peu hein…Je dis que je suis de Nantes, bien sur. Trentemoult ils ne connaissent pas, c’est rare. N : Et dans la vie de tous les jours ? F : Bah je suis nantais et je considère que Nantes est en Bretagne

Je suis nantais parce que les gens connaissent pas Rezé ni Trentemoult.

!! Bien sur. Bah oui […]

N : Et dans votre pratique, est-ce que vous allez souvent à Nantes, à Rezé ? F : Ah non non non. Je vais voyager loin en attendant de revenir quand je serais moins en forme de rester dans la région, enfin en France.

Mais…si je vendais à un bon prix, j’me tire à l’étranger ! Ah bah carrément, j’quitte le pays, carrément ! J’ai pas qu’ici moi, j’ai des apparts et des terrains…à l’île Dieu. N : Ca ne vous dérangerait pas de lâcher la Loire ? F : Non non parce que j’irais en bordure d’eau hein. Ca peut être aussi bien Madagascar que Rodrigue…ça fait parti de l’île Maurice. Ils sont supers gentils les gens là-bas mais bon…à l’île Maurice j’irais bien m’installer là-bas […] Non y’a trop de contraintes ici…bon c’est un beau pays notre pays mais on se fait bouffer pas l’Islam là ! Non mais faut arrêter quoi ! […] Nantes métropole et Rezé ils sont pieds et mains liées ! Et ça le sera de plus en plus. […] Ceux qui nous gèrent c’est des profs, ils ne savent que parler…. […] C : Vous m’aviez parlé la dernière fois d’un festival ou d’un bal qui allait s’installer près de chez vous ?

F : Ah oui, j’ai failli avoir près de ma clôture un comment…un restaurant dansant, un thé dansant, un truc quoi. J’avais pas pigé le truc moi, la ville

avait donné le permis. Alors la ville ou Nantes métropole parce que voilà quand ce n’est pas l’un c’est l’autre. Ils se déchargent…c’est un truc pour noyer le poisson en fait Nantes métropole, on ne sait plus à qui on a à faire. […] Donc je l’ai échappé belle… C : Et ils voulaient faire ça où exactement le restaurant dansant ? F : Juste là, vous voyez la clôture là, de l’autre côté. C : Et ça va se faire du coup ? F : Non non. Alors ils parlent de le reporter là-bas mais les gens, les investisseurs bah ils ont du faire autres choses. Heu ils faisaient une bonne affaire mais les voisins c’étaient une mauvaise affaire. Au niveau du bruit. […] C’est des jeux de triche ces politiques, c’est malheureux mais c’est comme ça. C : Et vous avez connu l’installation de toutes les industries… ?

F : Bien sur, bien sur. Jusqu’en 70 c’était des prairies… Quand vous prenez Pornic, du côté Rezé et bah c’était pareil. C’était des creux là. […] C’étaient

des trop pleins de la Loire en crue ces zones là…Mais ils boucheront un de ces jours dans le bas des Couëts, parce que les autres oui c’est déjà bouché…Alors je vois sur le journal de ce matin, ils parlent des remblais où était Démark, vous savez en face des nouvelles cliniques, il y a eu un Super U, une station service bien sur…et bein là ils que le problème n’est pas complètement réglé, il reste la dépollution et la

Parce que toute la zone a été remblayé avec, et bah du sable de Loire et bah il faut le dépolluer parce qu’il y a du plomb. Non mais c’est impensable quoi ! Partout c’est du

dépollution de quoi, je vous donne en mile.

sable de Loire sauf moi ici. Parce qu’ici aussi c’est remblayé, on est


117

deux mètres au dessus du sable là. C : Et avant il y avait de la culture dans les champs ? F : Ah non non non. Il y avait seulement des chevaux, des vaches, derrière par exemple il y avait des chevaux. […] Monsieur Fouchard retrouve l’article dans le journal et nous le lit. F : Ah voilà, c’est là…Alors on reparle de Confluent, c’est un des projets immobiliers de la ville…à l’entrée de Rezé, l’ancien site du magasin de tapis Rêve Orient détruit il y a quelques mois, plusieurs contentieux juridique oppose le propriétaire et le promoteur Eiffage et freine le projet, notamment le coût de la dépollution. Ces terrains ont été remblayés il y a longtemps par du sable de Loire chargés en arsenic, c’est pas en plomb c’est en arsenic. C’est pas beau ça ? La vie est belle ! Et voilà, tout est comme ça ! […] Ah oui y’a ça aussi, il m’énerve, alors que je suis plutôt vert…là c’est pareil ils sont en train de noyer le poisson là […] C : Et il y a des conseils de quartier…Vous y participez ? F : Ah non non non. Ils tiennent pas compte. C’est comme l’ancien président, ils tiennent pas compte. Blanc bonnet et bonnet blanc. […] Heu ils sont pour le doublement du pont Anne de Bretagne, et bah voilà le bras où est le Bélem ça vient d’être fini, ça a coûté je ne sais combien et bah on recommence, voilà où va le pognon, tout est comme ça. […] Je suis d’accord pour être contre l’aéroport. […] Je connais moins les gens mais sachant…que mon atelier je le loue à des artistes, une dizaine d’artistes. […] C : C’était déjà des artistes avant ? F : Non, je louais à la ville de Rezé, je me suis fait arnaquer pendant des années. […] J’avais mon projet sur mon hangar, mais bon je vous en parlerais une autre fois. Mais je l’ai quand même à travers de mon projet, j’enlevais le toit, je mettais une structure métallique et puis je faisais une toiture végétalisée. J’ai touuut prévu, j’ai chiffré même le truc et bah non c’est la préfecture qui doit me donner des nouvelles cette année en 2013 mais j’attends. Donc j’abandonne le projet, je repose même pas la question sachant que mon projet il est

Il y a un niveau à respecter parce que c’est inondable ici ! J’ai connu moi des crues…la dernière est de 92 et c’est 6,32 le niveau et il va passer à 6,57 quelque chose comme ça, c’et à dire que

1,5 mètres au dessus du niveau général de la France. […]

là ici le sol il n’est qu’à 6m donc si j’avais une construction à faire… […] Mais bon il n’y a plus rien de constructible à Trentemoult sauf si la ville décide de me racheter et de raser tout. J’ai entendu à une réunion à la maison des îles il y a deux trois ans, je n’étais pas au courant…[…] et puis le maire avec son bâton là il montrait mon terrain, il montrait la maison, oooon garderait la maison. J’étais soufflé, vous voyez ce que je veux dire

et puis lui il dit ça et puis après c’est Nantes Métropole qui gère par derrière ou alors l’AURAN…Tout les bon coups paf bon pour accord, pour arnaquer le petit, comme moi. Alors moi je n’ai pas grand-chose d’intéressant parce que je fais que gueuler. Fin de l’entretien 1h33’


118 - Immersions | Cordemais

Immersions


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Carnet de voyage Florent Auclair-Tilly, Marion Humeau, Maud Delarue, Laurence Frenoy

Mars 2013. Nous ne connaissons pas Cordemais. À l’occasion d’une première phase de studio ‘‘habiter avant de bâtir’’ (que nous prenons alors au pied de la lettre) : nous partons ‘’habiter avant de bâtir’’. L’immersion devient alors une manière de se fondre et d’appréhender intensément, données du territoire mais aussi une somme importante de ressentis et sensations. La rencontre avec les habitants se fait au grès des parcours, des recommandations. Nous nous frayons un passage et commençons à nous faire reconnaître, au delà de nous faire connaître. Nous recherchons un logement et trouvons alors un compromis entre habiter avec les habitants par le biais de Couchsurfing et habiter en parallèle dans un logement que nous louons au lieu dit La Croix Morzel.


120 - Immersions | Cordemais

Vendredi soir Bagages : sacs de couchage, appareils photo, caméra, carnet, dictaphone et nos bottes. 19h00 départ de Nantes. - Arrivée chez Maxime et Analu. Nous rencontrons nos hôtes pour la première fois, ils étaient les seuls à pouvoir nous accueillir grâce au site internet Couchsurfing. Nous nous découvrons peu à peu autour d’un verre et d’un bon repas. Maxime : prestataire de service à la centrale thermique de Cordemais depuis 4 ans. Analu : Brésilienne, accompagne maxime en France depuis 6 ans, aujourd’hui elle fait des ménages et garde des enfants à domicile. Nous échangeons, généreux ils nous parlent déjà de beaucoup de choses sur ce village que nous découvrons vraiment par leur regard. Dans leur salon, entourés de peintures colorées venues du Brésil. Nous ne notons rien, nous n’enregistrons rien et pourtant ils nous montrent du doigt déjà des façons d’habiter ici, la centrale et les étrangers, les sociabilités rêvées...


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Samedi 8h15 : Le réveil semble dur pour tout le monde. 9h30 : Ils nous emmènent voir le château du Goust, il fait humide, ils nous guident à travers les sentiers boueux le long de la ligne de chemin de fer. 10h30 : ‘‘Vous voulez prendre un café chaud avant de repartir ? -Non merci, il est déjà tard on va y aller, merci et à mardi soir alors, on se redit ça.’’ Nous repartons trempés vers le bourg de Cordemais. Buée dans la voiture. 13h : Nous rejoignons le café de la croix Morzel. Michelle, la patronne nous accueille et nous donne les clefs d’un des appartements qu’elle loue. Nous nous installons rapidement dans le deux pièces qui donnent sur la RD49 menant au village. Le soleil fait son apparition après une matinée très humide. Nous profitons de l’éclaircie pour aller explorer les chemins de Loire. Comment joindre au plus proche la Loire ? Au détour de l’un d’eux nous faisons la connaissance de Pierre un agriculteur retraité venu entretenir la barrière d’un champ dont il est encore propriétaire. Il nous observait depuis notre arrivée, il sort son chien de la voiture et ‘‘Attention il est méchant !’’ : rire général au vu de son chien qui vient chercher les caresses. La discussion s’entame à l’arrière de son coffre de voiture. Nous sommes sur la commune de Saint Etienne de Montluc à l’Est de la centrale. Le soleil rend fantastique la centrale et les marais qui nous entourent. 19h Repas à l’appart, on débrief, de tout de rien.


122 - Immersions | Cordemais

Dimanche

Lundi

Analu et Maxime nous avaient parlé du poissonnier sur la place de l’église le dimanche matin. Nous rencontrons alors le poissonnier en question qui fume un cigare en vendant son poisson. Il entame volontié la conversation. Nous partons ensuite au hasard dans les rues du bourg, nous suivons sans nous en rendre compte les pas de trois femmes et leurs enfants. Cette marche au travers du bourg, de l’école, des salles de sport, nous mène au café l’Ancre marine. Salle comble, au comptoir, les hommes au pastis et au blanc sec, les femmes et les enfants assis aux tables proches des fenêtres sirotent coca et autres jus de fruit. Nous nous faisons une place. Le match de foot de la veille, on drague la serveuse, ... 13h30 Nous rentrons cuisiner notre poisson qui semble légèrement avarié.

Saint Etienne de Montluc, nous allons collecter quelques données auprès de la Communauté de commune Coeur d’estuaire : plans, PLU, SCOT. Nous rencontrons Jérémy HAUDRY Directeur de l’aménagement et de l’urbanisme. Notre matinée administrative se poursuit à la mairie de Cordemais où nous sommes reçus par l’adjointe à la DGS, qui nous livre des éléments sur le PADD (le PLU est en cours de révision), ainsi que des projets communaux en cours. 14h Nous prenons notre café chez Michelle à la croix Morzel. Entre deux services, elle vient nous parler. Après l’avoir écoutée à plusieurs reprises, nous conter son territoire, nous lui demandons si elle veut bien nous emmener, nous montrer… Après un peu d’hésitation, et quelques échanges. Nous sommes partis. Après deux heures de ‘’voyage’’ dans les marais et hameaux, Michelle nous redépose à la croix Morzel. À force d’arpentages au Nord de la Loire, nous nous disons qu’il est temps de faire un contre point. Nous prenons le chemin de Basse Indre pour emprunter le bac de Loire. Le ciel devient de plus en plus gris. Nous arrivons au canal de la Martinière, nous suivons alors le chemin des Carris, nous nous perdons dans les sentiers des marais, accompagnés par les cigognes à peine farouches.

Après-midi, ballade sur le sillon de Bretagne, hameaux de la haie Mairiais et rencontre avec des marcheurs réguliers du GR.


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Mardi

Mercredi

Après avoir appris la vieille à la mairie que la maison de retraite allait être détruite pour être reconstruite dans le cadre d’une construction d’un éco quartier, nous nous disons qu’il faut aller se renseigner sur ce projet auprès des principaux intéressés. Nous rencontrons la directrice, autour des plans du bâtiment neuf, elle nous explique les raisons de ce déménagement, le nouveau fonctionnement de l’établissement… Peu à peu elle nous parle d’elle avec pudeur, de sa manière de vivre ici. 11h00 Direction la mairie de Bouée : rencontre avec le maire qui nous offre un livre sur le village de Rohars. -Retour vers Isabelle Pichon qui tient la boutique droguerie, quincaillerie, pompe à essence… c’est la troisième fois que nous la rencontrons. -Rendez vous avec M. Lemerle géographe et salarié de l’association Estuarium (pour la promotion du territoire estuarien, dans le domaine du patrimoine bâti, faune et flore ainsi que l’histoire de la construction de ce territoire) -retour à notre ‘’base vie’’ : la croix Morzel, pour prendre un chocolat chaud. Michelle nous demande si on ne peut pas faire quelque chose pour elle, enfin pour son fils, est ce qu’on voudrait donner des idées, des idées pour la réhabilitation de deux vieux bâtiments… elle nous offre des noisettes.

10h Rendez-vous avec M. Monnier : président de l’association des amis de la chapelle à Rohars. Il nous guide à travers le village en ruine. Ici ou là il y avait ça, ici on se réunit une fois par an pour la fête des marais, là c’était un chantier avec des gars qui ont de vrais savoirs faire…. Il est midi quand nous repartons, nous décidons de prendre notre déjeuné à la baraque à frites située sur le parking de l’hippodrome. Ouvriers de la centrale, univers masculin, gilets jaunes et bleus, bandes fluorescentes. Vous pourrez retrouver l’ensemble de la démarche dans les rapports PFE qui racontent non seulement des projets, mais aussi leur démarches, et le processus se construisant chemin faisant.


124 - Itinéraires | Apports théoriques

Itinéraires


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Méthode des itinéraires Jean-Yves Petiteau

Les itinéraires ne sont pas l’application d’une approche théorique inspirée des concepts et intuitions de Michel de Certeau, JeanFrançois Augoyard, Georges Devereux ou Fernand Deligny. Ils sont nés de ma réaction à l’occasion d’une commande. Dans les années 70, des ingénieurs des ponts et urbanistes ont été chargés par le ministère de l’équipement d’instaurer de nouvelles procédures concernant l’aménagement des villes moyennes. L’un des premiers terrains d’intervention était le centre ville de Cholet. Ce projet situé à la croisée des chemins qui traversent la ville historique était censé valoriser une reconnaissance hiérarchique les représentations et pratiques sociales des Choletais. Le rôle d’un sociologue était de valider auprès

d’un échantillon représentatif la qualité du projet présenté, ou pour le moins construire un argumentaire « scientifique » reconnaissant les pratiques sociales et représentations des habitants, dans l’hypothèse de la mise en œuvre du scénario retenu. Contacté pour répondre à cette commande, j’ai pu la reformuler en dénonçant le coût élevé d’une enquête représentative pour une population de 50 000 habitants et proposé une pré- étude expérimentale sur la perception du centre : C’est avec le secret espoir de déstabiliser le modèle hiérarchique de ceux qui prétendent répondre aux conduites et valeurs essentielles, que j’ai proposé à sept personnes différente de m’initier physiquement, et pas à pas, in-situ, au territoire qu’ils reconnaissaient comme centre.


126 - Itinéraires | Apports théoriques

Ce déplacement de la commande relevait d’une prise de position critique : soit la volonté de mettre en question la culture technocratique de ces urbanistes capables d’élaborer seuls des modèles théoriques d’aménagement et de considérer « le terrain ou les habitants » comme le lieu d’évaluation d’un modèle après coup. Le parti consistait à échapper pour un temps aux généralités consensuelles des programmateurs, en adoptant une démarche fondée sur le ménagement pour recueillir en situation, à partir de l’expérience sensible de chaque personne concernée, un récit capable de déstabiliser cette hiérarchie univoque des valeurs et pratiques et laisser apparaître des expressions ou des liens occultés ou négligés. La construction d’un premier protocole de la méthode des itinéraires découlait de cet engagement pragmatique : « Aucun penseur ne peut se consacrer à la réflexion s’il n’est attiré et gratifié par des expériences complètes et totales qui ont une valeur intrinsèque. Sans celles-ci, il ne saurait jamais ce que c’est que de penser réellement et serait complètement désemparé lorsqu’il lui faudrait distinguer entre pensée authentique et simulacre de pensée. La pensée procède par enchaînement d’idées, mais les idées s’enchaînent seulement parce qu’elles sont bien plus que ce que la psychologie analytique appelle des idées. Ce sont des phrases, qui se différentient sur un mode émotionnel et pratique, d’une qualité sous-jacente qui se développe ; ce sont des variations qui fluctuent ; elles ne sont pas séparées et indépendantes (…), mais sont des nuances subtiles d’une teinte qui progresse et se propage » La démarche, s’appuie ici sur le retournement du rapport de pouvoir de celui dont le savoir ou le savoir-faire est socialement reconnu à celui de la personne dans sa relation à l’habiter ;dans l’approche des itinéraires, la personne rencontrée n’est plus traitée comme l’otage d’une évaluation d’un récit qui lui reste étranger, mais comme l’inventeur d’un parcours où chaque étape est la trace émotionnelle d’une résonance qui révèle des liens sensuels ou métaphoriques qui tissent un nouvel agencement de la centralité. Ce retournement des rôles entre celui qui est sensé savoir et celui qui est interrogé, est la condition première de cette méthode. Jacques Rancière témoigne de l’importance pédagogique et politique d’un tel retournement lorsqu’il relate l’aventure intellectuelle de Joseph Jacotot au début du XIX° siècle dans le « maître ignorant » . Paolo Freire, responsable de programmes d’alphabétisation au Brésil obtenait des résultats exceptionnels parce qu’il appuyait son apprentissage de la langue sur la reconnaissance première de la compétence artistique des indiens capables, de mettre

en scène graphiquement des situations interactives. C’est aussi en considérant les enfants autistes comme des interlocuteurs de langue étrangère, que Fernand Deligny engageait avec eux une écoute réciproque. Lors de la présentation des récits itinéraires, le maire de la ville portait une attention distraite au récit des habitants jusqu’à ce que je relate l’expression d’un ancien tisserand qui me forçait dans son parcours,à toucher les murs avec la main en disant : »Cholet c’est derrière les façades, là vous touchez le granit, on boit du muscadet et il y a des divorces ; là , vous caressez du tuffeau, on boit du vin d’Anjou et il n’y a pas de divorces. Cet énoncé a permis pour un temps de capter l’attention des commanditaires. Les récits de ces parcours déplaçant, l’ordre univoque d’une hiérarchie des activités et pratiques sociales. La personne interviewée n’est plus réduite à témoigner de la qualité de l’œuvre de l’aménageur en titre, elle devient le guide initiatique d’un territoire où le chercheur est invité à percevoir dans la chronologie du parcours la résonance d’une parole dont il ne connaît pas encore la rhétorique. Lors de la journée de l’itinéraire, cette personne devient guide. Elle initie le sociologue à la découverte d territoire inconnu et sa parole jalonne sa mémoire au présent ; le sociologue marche à ses côtés et l’écoute. Un photographe témoigne de cette journée en prenant un cliché à chaque modification du parcours, temps d’arrêt, variations du mouvement ou expressions émotionnelles perceptibles. le récit est entièrement enregistré. Ce dispositif ritualise la journée : l’équipe est repérable, l’expérience sera unique et non reproductible. Elle repose sur l’initiation du chercheur. Écouter l’autre consiste non seulement à accepter d’entendre une autre rhétorique, d’autres références culturelles, mais aussi être déplacé sur un territoire inconnu.Demander à celui qui nous parle de nous emmener sur un territoire qu’il parcourt, c’est lui donner, par le corps, par la marche, le pouvoir d’être seul guide du rapport d’hospitalité par lequel il nous accepte comme étranger dans son « monde ». Celui qui nous invite à le suivre, choisit comme un metteur en scène, le paysage où il situe sa parole et construit son récit. Il confronte au présent, des fragments de sa mémoire qui interrogent in situ le paysage comme le contexte de son histoire. La marche joue alors avec la parole un rapport indissociable. La méthode des itinéraires tente, dans une durée supportable, d’inciter celui qui invente son récit à exprimer, au fil d’un parcours, les souvenirs qui retrouvent au présent une évidence première. Ce que cette méthode cherche à atteindre, c’est précisément ce qui traverse, donc ce qui


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déstabilise l’ordre ou la logique de la mémoire volontaire, celle qui présuppose l’ordre ou la hiérarchie des souvenirs. La mémoire involontaire, c’est celle qui étonne les partenaires de l’aventure partagée lors d’un itinéraire ; la meilleure définition est sans doute celle que donne Gilles Deleuze à propos de l’œuvre de Proust : « La mémoire volontaire va d’un actuel présent à un présent qui « a été », c’est à dire à quelque chose qui fût présent et qui ne l’est plus. Le passé de la mémoire volontaire est donc doublement relatif : relatif au présent qu’il a été, mais aussi relatif au présent par rapport auquel il est maintenant passé. Autant dire que cette mémoire ne saisit pas directement le passé : elle le recompose avec des présents… La mémoire involontaire semble d’abord reposer sur la ressemblance entre deux sensations, entre deux moments. Mais plus profond que tout passé qui a été, que tout présent qui fut.Un peu de temps à l’état pur », c’est à dire l’essence du temps localisé. Placer la « mémoire involontaire » comme objectif central de la recherche est doublement paradoxal : La mémoire involontaire n’a de sens que par la chose qu’elle soustrait à la mémoire ordinaire. Sans vigilance par rapport à la logique de la mémoire volontaire ; l’imprévu ne peut apparaître. Le prévoir est l’illusion la plus grande. L’imprévisible est toujours certain. Cela ne veut pas dire qu’il faut être imprévoyant- et pourtant cela veut dire qu(il faut savoir commencer de telle manière que le commencement ménage l’imprévisible. Il y faut une réceptivité, une passivité dans laquelle un geste a lieu- et non la détermination d’une signification. (Monnier et Nancy 2005). La mémoire involontaire n’apparaît que lorsqu’elle échappe à la vigilance ; c’est l’interdépendance originelle entre le volontaire et l’involontaire qui lui donne sens. -Le second paradoxe, c’est que le chercheur s’engage à ne retenir comme objet scientifique que ce qui « échappe » à une intention ou reproduction consciente et à ne retenir comme signe ou signification que ce qui le déstabilise ou lui résiste comme une énigme. La personne, selon Georges Devereux n’apparaît comme « autre » que lorsqu’elle nous déplait ou lorsqu’elle nous séduit ; seuls moments où elle résiste aux modèles de reconnaissance où nous projetons nos jugements. Ce qui implique de remarquer dans l’écoute la dimension émotionnelle, marque

d’une interaction qui surprend nos habitudes et suspend pour un temps le processus d’interprétation. « En science et en philosophie, l’intelligence vient toujours avant : mais le propre des signes, c’est qu’ils font appel à l’intelligence en tant qu’elle vient après. Il en est de même de la mémoire : les signes sensibles nous forcent à chercher la vérité, mais ainsi mobilisent une mémoire involontaire ». La méthode n’est pas une stratégie simplement transposée de la psychanalyse pour résoudre une énigme étrangère aux références culturelles du chercheur, c’est un processus d’énonciation dans la durée et dans l’espace. l’itinéraire interroge et déplace la question du sens. -C’est le chemin, le contexte et la chronologie de son récit qui déplacent les repères de celui qui écoute. -Dans l’oralité du récit, la qualité émotionnelle de l’expression, traverse la grille d’interprétation conceptuelle qui sous-tend toute relation d’interview. -Le récit se construit sur les articulations du dialogue ponctué par le silence. -L’écoute est la clef de voûte de la méthode des itinéraires ; la parole de l’autre n’est reconnue qu’en sensibilité de celui qui l’écoute « Lorsqu’on est à l’écoute, on est aux aguets d’un sujet, ce(lui)qui s’identifie en résonnant de soi à soi, en soi et pour soi, hors de soi par conséquent, à la fois même et autre que soi ; l’un en écho de l’autre, et cet écho comme le son même de son sens . Ors le son du sens, c’est comment il se renvoie ou comment il s’adresse, et donc comment il fait sens « L’attention, accueil de ce qui échappe à l’attention, ouverture sur l’inattendu, attente qui est l’inattendu de toute attente ». C’est dans une relation d’empathie que se développe le processus d’énonciation.. « Tout a commencé en Allemagne au XVIII° siècle, en pleine période romantique, Théodor Lipps. Pour faire comprendre la signification de l’empathie, cet auteur nous invite à imaginer ce qui se passe quand nous regardons un équilibriste. Nous sommes suspendus à chacun des mouvements de ses mouvements parce que nous entrons dans son corps.À lel point que s’il se déséquilibre, nous craignons de tomber avec lui ! Lipps a proposé de désigner ce processus par le mot Einfühlung, qui signifie »capacité de saisir de l’intérieur ». Plus tard, il a utilisé son équivalent grec empatheia, qui désigne le fait de consacrer une forte attention à quelqu’un. C’est le mot que les auteurs anglais et américains ont traduit par empathy, avant qu’il ne devienne en français »empathie ». Le terme Einfühlung est pourtant souvent repris tel quel quand on parle d’empathie. Il ne s’agit pas seulement-et


128 - Itinéraires | Apports théoriques d’ailleurs pas forcément-d’imiter les gestes et les attitudes d’un autre, mais de ressentir ses émotions comme s’il s’agissait des nôtres. Il contient l’idée d’entrer dans l’intimité psychique d’autrui. La définition de Lipps est d’autant plus importante qu’elle nous place sur un tout autre terrain que celui de l’empathie considérée comme une manière de comprendre l’autre. Elle nous rappelle que nous sommes dans l’empathie parce que nous avons un corps, tout simplement. Entre l’autre et moi, tout est d’abord affaire de mouvements, d’émotions et de corps. Le mot a connu un grand succès en Allemagne. Les poètes et philosophes allemands regroupés dans le mouvement romantique valorisaient en effet les manières d’être ensemble qui privilégiaient les sensations sur la réflexion. Ils exaltaient les vécus fusionnels dans lesquels chacun imagine que les autres vivent la même chose que lui. Le mot Einfühlung venait à point pour désigner la sensation d’une entente instinctive et viscérale. Ce n’est que plus tard que le mot Einfühlung a été appliqué au domaine de l’expérience esthétique. L’empathie consiste alors à projeter dans l’objet contemplé des émotions et des sensations qui lui donnent sens, mais ces projections ne s’effectuent pas au hasard, elles s’organisent autour de vécus corporels profonds que l’artiste et son spectateur sont censés partager. L’artiste les a vécus au moment de sa création et le spectateur les vit au moment de sa découverte de l’œuvre. Celle-ci « parle » à celui qui la regarde ou l’écoute, par ses rythmes et ses formes qui sont autant de traces des gestes accomplis ou ébauchés par l’artiste. Et c’est d’abord dans son corps que le spectateur éprouve cette continuité avant de tenter, parfois, de l’expliquer avec des mots. Certaines expériences intimes singulières seraient donc suscitées de la même façon par la création d’une image et par sa contemplation. Du coup, l’empathie serait une sorte d’embrayeur permettant que s ‘établisse un pont entre le « faire » de l’artiste et le « voir » du spectateur.Le premier aurait humanisé la matière en y déposant une partie de sa vie psychique et le second y aurait accès en acceptant de s’abandonner à ses sensations et à ses émotions face à l’œuvre. Le corps et la sensori-motricité sont la courroie de transmission entre le regard porté sur l’œuvre et le sentiment d’une proximité émotionnelle avec son créateur : le corps vient d’abord, la création suit….. Tout commence avec la synchronisation du corps ».

« Le désir d’extimité est désir de se rencontrer soi-même à travers l’autre… c’est un désir de reconnaissance articulé sur une valeur, L’empathie ne se réduit pas à éprouver ce que l’autre ressent, encore faut-il le lui manifester. Ce qu’on éprouve est inséparable de ce qu’on montre. Toute émotion tend naturellement à se traduire dans une action parce qu’elle implique le corps. Dans « émouvoir », il y a « mouvoir » Suivre l’auteur d’un itinéraire, c’est accepter d’être invité à l’écoute d’une histoire dont l’origine précède la rencontre. L’auteur nous invite sur un territoire que nous ignorons pour nous faire découvrir sa lecture d’un territoire tel qu’il l’habite ici et maintenant. De même, dans son énonciation, l’auteur mettant en scène son itinéraire n’achève pas son récit lorsqu’il achève son parcours ; l’intérêt de sa confrontation avec les différents contextes qu’il associe à sa parole, repose sur les croisements et ouvertures qui l’obligeront, chemin faisant à articuler sa démarche et sa pensée sur l’hétérotopie du monde qu’il mobilise. La relation intervieweur/interviewé n’est ni une séance de psychanalyse, ni un bilan sur le passé, mais une construction dynamique fondée sur la mise en tension d’un désir. La plupart du temps, les lecteurs ou auditeurs d’un itinéraire attendent le témoignage d’un passé, alors que l’énonciation d’un récit lors de la traversée d’un territoire met la parole en résonance avec les lieux qui convoquent les contextes, si l’on emprunte le concept de John Dewey ; de la « valuation » d’un désir au présent. En ce sens le récit d’un itinéraire est une construction dynamique qui propose de nouveaux agencements entre les lieux, c’est- à-dire les espaces temps sur lesquels s’élabore son désir. « Étant donné qu’une valuation, au sens de priser ou de veiller sur quelque chose, ne survient que lorsqu’il est nécessaire de créer une chose qui manque, ou de préserver l’existence d’une chose menacée par des conditions extérieures, elle implique le désir. Ce dernier diffère du simple souhait, si l’on considère que réaliser un souhait se fait sans effort. Comme dit le proverbe : « Si les souhaits étaient des chevaux, nous serions tous cavaliers »…. Les termes « désir » et « souhait » désignent tout simplement des choses différentes. Par conséquent, définir la « valuation », en tant que désir, comme quelque chose de premier et de complet en soi, nous empêche de distinguer un désir d’un autre et, par suite, de mesurer la valeur de


129 différentes valuations en les comparant entre elles… Au lieu d’être purement personnel, le désir est une relation active de l’organisme à son environnement.et c’est ce qui distingue le désir authentique du simple souhait ou du phantasme. Par le lien qu’elle entretient avec le désir, la valuation est par conséquent rattachée à des situations existentielles et diffère en fonction des contextes. » le processus d’énonciation est une traversée du territoire et chaque traversée parce qu’elle éveille un reste qui jusqu’ici était latent, oblige à négocier le territoire traversé sur les bords d’un contexte qui fait lieu. Et parce que l’auteur d’un itinéraire énonce dans la traversée les liens qui, pour lui, mobilisent le territoire en résonance, il l’invente en projet. Aucun itinéraire ne détient à lui seul la clef de lecture d’un territoire. Chaque nouveau récit est à la fois une re-lecture ou une ré-écoute de l’espace et à la fois une échappée. En acceptant la mise en scène d’un territoire par de multiples itinéraires qui le mettent en tension, il devient possible de faire jouer les plaques sensibles sur lesquelles se cartographient des mobilisations multiples qui révèlent des marges et des contextes où se négocient les articulations et ouvertures d’un lieu. Dans les différences qu’ils font apparaître, les itinéraires mettent en résonance ou en dissonance les zones sensibles et les aspérités d’un lieu, les itinéraires sont une propédeutique à la mise en œuvre d’un « ménagement » : « pour qu’un espace soit habité, il ne suffit pas qu’il soit construit. Encore faut-il soit travaillé par le sens que lui donnent les gens qui l’habitent. Pour qu’un territoire soit livré au train, à l’hydraulique, au tourisme… il faut d’abord qu’il ait été ferroviarisé, hydraulicisé, touristisé… et cette opération qui consiste en une sorte de métissage, de phénomènes d’hybridation entre les techniques et les sociétés n’est pas seulement consommatrice d’espace. Elle est aussi grande consommatrice de temps, d’expérience humaine et de transaction sociale.» Les itinéraires présentés résultent de collaborations avec des artistes différents : Gilles Saussier, photographe, Dominique Leroy, artiste sonore, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Lors des premières expériences d’itinéraires, le cliché n’était pas une image, mais un arrêt sur image manifestant le point de butée d’une émotion scandant ou articulant le déroulement d’un récit, au sens que lui donne

Jean-Luc Godard lorsqu’il interrompt par une image fixe le déroulement d’une scène filmée. Ma collaboration avec un artiste photographe, Gilles Saussier a modifié dans la construction du récit, la relation texte image. Gilles Saussier, qui travaillait avec une chambre, a choisi de dissocier Le récit photographique du texte en construisant dans une temporalité différente, une chronologie des prises de vue exprimant la résonance émotionnelle des lieux convoqués par l’auteur dans son histoire. Lors de sa construction, l’itinéraire échappe à la référence du photo-roman. Les décalages dans la page et dans la durée, des images et du texte présentent l’écart ou la coïncidence de deux récits parallèles. Cette distance entre l’image et les mots offrent à chaque variation émotionnelle, une pluralité de sens par l’ouverture de contextes différents. L’un des apports majeurs de cette collaboration lors du montage des itinéraires relève des habitudes de travail du photographe, me demandant de revenir avec lui sur le terrain de l’itinéraire pour réaliser des images qui évoquent le climat émotionnel du parcours. Ce retour sur le »lieu du crime » est un moment privilégié pour la mise en écho de la parole dans ses contextes. Et inversement pour faire surgir les lieux que la parole fait surgir du paysage. De même c’est lors du repérage et du tournage du film de Jean-Marie Straub sur le texte de l’itinéraire de Jean Bricard que le cadrage et la durée des prises de vue construisent entre le texte et la terre, un rapport indissociable. La maintenance du récit sonore dans le travail réalisé avec un artiste travaillant la perception sonore, Dominique le Roy, modifie radicalement la nature du récit. La parole devient spontanément l’écho des contextes qu’elle convoque.


130 - ItinĂŠraires | Cordemais


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134 - Itinéraires | Indre

Itinéraire

avec Jean-Claude Rousseau

retraité de la DCNS, habitant de Basse Indre (quartier du pré-clou)

C’était un terrain en terre qu’il y avait. Et nous on était tout petits, on avait quoi, 8-9 ans. Alors on prenait de la chaux et on traçait le terrain de football, vous savez dans le temps… Et puis on jouait avec des gros ballons en cuir. Alors ça rebondissait dans l’eau, tout ça, c’était quelque chose. Ça c’est des souvenirs incroyables. Et puis lorsqu’on voulait faire sa toilette après le match, enfin façon de parler, il y avait une grosse bassine d’eau qui était des fois gelée l’hiver, et puis allez plouf plouf plouf, on se lavait comme ça.

Et puis ici, de tout temps hein, il y a eu des petits bistrots comme ça, de restaurants. Là c’est plein à craquer le midi, je sais pas si vous êtes passées… Il y a tous les routiers qui s’arrêtent ici. Tiens ce café là on l’a pas trop pratiqué, parce qu’il était trop loin du centre.

Là y a une histoire. Quand y a eu la réfection des quais, parce que c’est récent là, tout ce qu’a été refait. Et ça ce sont des étendoirs, dans le temps c’étaient les filets qu’étaient suspendus ici. Et puis après les gens mettaient, enfin mettent encore leur linge, si vous voyez, tous ceux qui sont là. La mairie a voulu couper tout ça, alors là ça a été une révolution dans la ville. Ils ont été obligés de laisser ces vieux poteaux. Ah ils sont toujours utilisés hein. C’est-à-dire que les gens là ils n’ont pas de jardins derrière, alors ils viennent là. Alors là il y a des restes de ponton ici. Il y avait une énorme animation ici. Alors ici il y avait tout un tas de… et c’est ça qu’est dommage c’est qu’ils ont tout détruit. On voit un peu le morceau ici là. Tout ça c’était de la pierre, et avec des escaliers. Y a un moment y avait au moins 40 pêcheurs, c’était rempli de bateaux pour les civelles et tout ça, et là y avait des apontages un peu partout. Là ça s’appelle la maule, c’est là que les gens venaient avec leurs sacs de civelles, ils les laissaient là. Ils ont fait des escaliers là, avant c’était super beau quoi. Là c’était une activité intense pour les pêcheurs.

Je sais pas si vous avez remarqué au niveau des fenêtres, il y a quelque chose des fois. Vous avez jamais remarqué ? Alors attendez, de quel côté je vais vous montrer ça… Attendez on va aller par là on va voir. Est-ce qu’il y en a ici ? Voilà y en a un ici, alors : voyez vous les attaches là, les crochets… Sur la commune il y en a une quarantaine je crois. Ca servait parce qu’en haut ils mettaient les grains, et tout un tas de truc. Et c’était pour monter dans le… C’est toujours des petites pièces qu’il y a en haut. On en voit encore là-bas, on en voit un peu partout. Ça c’est typique, c’est important, cette histoire là est importante. Là haut y en a qu’ont suspendu autre chose. Alors là c’était que des marins, que des pêcheurs. Regardez y en a encore deux autres. Je pensais pas qu’il y en avait autant. Encore un là et un là.


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C’est imbriqué. Et quelque fois on est surpris derrière parce qu’il y a des beaux petits jardins. Comme ça devant on dit y a rien du tout mais derrière si c’est assez grand. Il y a plein de petites rues, partout partout dans tous les sens. C’est assez curieux. Et ce café là c’est marrant parce qu’il y a des chambres. Vous voyez ici c’est marqué chambres. Et cet endroit là en fin de compte c’est un passage. Donc quand ils ont acheté l’hôtel restaurant, ils se sont accaparés ça, bah il y a eu un procès après, et il a fallu qu’y laissent le passage parce qu’il y a des gens qui habitent. L’accès aux chambres c’est dans le fond comme ça. C’est-à-dire qu’ils avaient considéré que c’était à eux le passage là, mais ça donne accès à des petites maisons derrière. Alors le café là-bas c’est pareil, c’est intéressant. Je me souviens quand je travaillais à Indret on faisait venir des techniciens de Papeete.

De l’autre côté Mastro, vous connaissez Mastro. A une époque, y a une vingtaine, une trentaine d’années, y a des agriculteurs, des paysans, ils faisaient passer leurs vaches là, et ils allaient paître sur le Mastro. Le petit bras va jusqu’au bout là-bas. Mais alors c’est très vaseux. Les marées ben toute façon ça descend et ça monte. A une époque ce que la mairie voulait faire c’était des passerelles pour visiter ça là. Mais ça coûte très cher parce qu’il faut mettre des pieux, tout ça. Là c’est un réservoir d’animaux là, il y a même des ibis des fois qui se mettent là, et qui nichent et tout ça. C’est protégé. Et ça ça appartient au port autonome, pas à la commune d’Indre.

On va reprendre la rue du midi… hop… quand on était jeunes on faisait des courses ici. Dans les gens de mon âge, très peu ont gardé les maisons des parents, ils sont partis. Alors là c’est une autre, je sais plus comment elle s’appelle celle là, cette rue… C’est un peu coupe gorge m’enfin… C’est vrai je ne rigole pas. Les pêcheurs, le soir avec les ouvriers y avait de la bagarre, y avait des couteaux qui sortaient, ouais ouais ouais. Ah ça rigolait pas. Nous on avait pas peur, parce que ils allaient pas nous frapper. ... Ce qu’est marrant quand même c’est qu’ils ont gardé tous les vieux murs. C’est bien.

Et le petit marché du jeudi. Ah c’est excellent. Moi j’achète souvent du poisson frais là. Le jeudi j’aime bien, il y a souvent des trucs intéressants. C’est vrai que les quais ont drôlement changé. C’était pas du tout ça avant. C’est beaucoup plus joli comme ça maintenant. Parce qu’avant les berges étaient pas du tout entretenues, comme là où on était tout à l’heure, les roseaux tout ça. C’ était moche quoi. C’était sauvage ouais. Bonjour Sophie ! Tu comptes tes tomates ? Et lui qui fait mine de travailler… Ça va ? Alors ça c’est notre vendeur de poisson. De bon poisson ! Alors là y en a 4 ou 5 c’est tout. C’est pas le dimanche hein, c’est pas pareil.


136 - Itinéraires | Indre

Alors ça c’était une rue, il y avait je sais pas, peut être 30 magasins, simplement de là jusque là bas. Il y avait 2 magasins là, un ici, il y avait une, deux boucheries… On va passer là, la rue noyée. Dans la rue de Nantes ils mettaient des parpaings et des machins en bois, et puis on montait dessus car il y avait ça d’eau hein, et les maisons étaient inondées, complètement. C’était comme ça, y avait une crue, y avait de l’eau… Depuis que la Loire a été recreusée ça va mieux quand même. Vous avez remarqué c’est souvent en longueur les jardins. En fin de compte les maisons sont pas larges. C’est restreint, c’est plutôt en profondeur. Ici c’était le truc des douanes.

C’est construit sur de la roche ici, c’est quelque chose de costaud ! Et encore, c’est moins dur qu’à haute Indre. A haute Indre ils n’arrivaient pas à faire sauter tellement que c’était dur. C’est le rocher. Je crois qu’on est à 35 m au dessus du niveau de la Loire là. Je n’avais même pas vu ce balcon. Des fois on passe devant et on ne voit pas. C’est beau hein ? J’apprends moi aussi !

Avant cette maison-là, c’était des bains douche. C’étaient des douches municipales. On allait tous les samedis se laver ici. Ma chambre c’était la cuisine, la salle à manger et la salle de bain en même temps. On faisait les devoirs sur le bout de la table. (Rire) Cette maison là elle a une histoire aussi, elle s’appelait après 7 ans mon repos. C’est un monsieur qui avait était condamné aux travaux forcés à perpétué. Sois disant il avait tué quelqu’un. Ça avait paru dans quel magazine… détective je crois. Ils étaient dans un bistrot avec des gendarmes et là ils ont entendus, depuis 7 ans y en a un qui trinque pour nous. Oupela, il a été délivré au bout de 7 ans par ce que c’était un de ces deux là qui avait fait le coup. Là, il s’est fait avoir. Oui, y a plein d’histoires. Les histoires c’est les bagarres que le quai entre les pêcheurs et tout ça… Y en avait un il s’appelait tarzan, il dormait sur les quais, il avait un bateau retourné, il y avait des bout de toiles et tout, et sa femme on l’appelait tarzinette, et un jour il lui avait coupé un sein. Tarzan était complètement fou (rire). On avait peur hein ! On courait autour mais on n’était pas sûr…

Et là c’étaient les maisons des anglais. C’est très vieux c’est durant la guerre, les anglais étaient là. Mais c’est affreux c’est minable enfin ce n’est pas entretenu. Tout ce qui est jaune. Et là ils ont construit je ne sais pas quoi. Il y avait un beau bâtiment avec un toit en ardoise qui était superbe. Alors ils mettent de la tôle et tout ça. C’est peut-être un abri anti atomique. Là c’est un jeune de Basse Indre qui faisait des œuvres de toute beauté.


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Où je suis né ça vaut pas le coup, c’est des maisons classiques, ce n’est pas très joli. Moi sur Indre, j’aime bien, enfin, j’aimais bien, maintenant j’aime plus. Ça a beaucoup changé. On ne retrouve plus l’animation qu’il y avait avant tout les jours. Maintenant l’animation c’est le dimanche, c’est tout. Puis dans la semaine c’est plus vivant du tout, sauf dans les restaurants. Avant ça courrait, y avait tellement de magasins, que tout le monde faisait ses courses. Ce n’est pas de la nostalgie mais c’est que c’est plus agréable.

Attendez, on va peut être aller par là il y a un petit pont. On s’en va vers Haute Indre après. C’est pareil y a plein de petites ruelles, mais il y a 2 km, c’est loin. Là c’est pareil, c’est des zones inondables. Y a des petits courant d’air là. Vous savez que les pêcheurs à l’époque ils avaient jamais froid eux, ils étaient toujours en chemise. Mais dessous ils y avaient trois pulls. Alors ils faisaient les costauds ! (rire) On va regarder le petit pont y a pas grand-chose à voir mais ça fait rien… Le petit bras là, Ça s’appelle la bouma b-o-u-m-a. j’habitais un peu plus haut. La pêche le soir en rentrant du boulot, y avait des anguilles. Les bosselles, ça vous dit quelque chose ? Ce sont des grands casiers comme les casiers à homards. Y est arrivé une fois que j’avais 100 aiguilles. On mettait des roseaux. Quand ça descendait ils étaient piégés. Les gros malins qu’on était ! Ça s’est des vestiges de l’ancien pont. C’est parce que c’est un parcours de randonnée.

Là bas, c’est les roms. Et puis là les bungalows qui ont été installés pour eux On vient voir un peu ici, Ça fait partie de la commune, ça fait partie du paysage.

Ça fait chouette, elle s’appelle st Hermeland comme cette de st Herblain, l’église a le même nom. Le soir quand vous venez, c’est beau, il y a des lumières bleues. Vous savez où se trouve la bibliothèque et tout ça ? Même pas ! Bon alors on va tourner à droite Alors ici il y avait un cinéma, le Trianon il s’appelait. Maintenant il faut aller à st Herblain. La dame que l’on a vu tout à l’heure, c’est elle qui s’occupe du cinéma de st Herblain. Ils travaillent beaucoup avec les écoles, ils font des films pour les écoles. Il fait meilleur ici hein, c’est ma rue ici. Vous avez vu ici comme les maisons elles sont penchées celles-ci. C’est parce que c’est du sol de Loire. C’est du sable. Comment on les appelait... On les appelait les maisons penchées…


138 - Itinéraires | Rezé


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Glaner plutôt que flâner

Une traversée des «îles vertes» de Salvador Nous avions pris rendez-vous pour un itinéraire avec Salvador à la fin du «dîner presqu’atelier». Nous le retrouvons dimanche après-midi. Le soleil et les chants d’oiseaux nous mettent d’emblée de bonne humeur et nous empruntons le chemin de glane que Salvador veut nous montrer. Un chemin qu’il fait tous les jours, un chemin toujours différent...


140 - Itinéraires | Rezé N : Chouette on va entendre le chant des oiseaux sur l’enregistrement. S : Parfois les gens l’entendent au téléphone. ..... S : Il y 4 bacs en dessous. Un bac d’apport. Là on dépose. C’est sympa à l’ouverture à chaque fois, l’odeur. Là on met en réserve du broyeur, parce que tous les déchets sont mélangés avec du broyeur. En fait les déchets qui viennent de la cuisine, on dit que c’est azoté. Aussi que c’est humide, mou ou vert. Ca se mélange avec du carbone, du dur, du sec, du brun. Et puis là, quand ça arrive à un certain stade d’avancement, on met là-dedans. Il y a des fourmis mais surtout des vers de terre et d’autres animaux plus microscopiques. Des collamboles. N : Du coup là il est prêt ? S : Pas encore, là il travaille encore. On le récupère, là il est pas encore vraiment mûr.

dedans et c’est vraiment très fin. Tout est très fin.

Un compost est mûr quand il y a plus de ver de terre

N : Et ça fait combien de temps ? S : Celui là il doit avoir trois mois. Parce que la semaine dernière, on a vidé une bonne partie du bac d’apport qu’on a mis là. Il y a tout une faune dans le compost. Il y a des plantes qui germent. N : C’est quoi ça ? S : Un cucurbitacée, concombre, melon, courgette, je sais pas pas. Ils germent à cause de l’humidité et de la châleur et après ils cherchent la lumière. N : Mais ils la trouvent pas trop... S : (rires) Non! Non, ben ils meurent et puis ils se décomposent. Moi j’aime bien dire que

«Ici on transforme le plomb en or.» (rires) N : Et du coup, vous le répandez où après?

S : On le distribue entre nous pour ceux qui ont des jardins ou des jardinières. Ou des amis. Mais on a pas le droit de le donner, enfin en dehors de nous. Officiellement. Mais on a pas le droit de le donner, ni de le vendre parce qu’il faudrait faire des analyses. Comme ça, ça évite que ce qui n’est pas industrie... Ca favorise les industries évidemment. C’est le calendrier des permanences. .....

Alors ouais on peut aller jusqu’à Pirmil, moi c’est un chemin que j’aime bien faire. Donc euh le chemin que j’aime bien faire... la base avec ma mère. Ben l’idée, sans qu’on se le dise, c’était de changer de régulièrement de chemin mais en fait, même en prenant un seul chemin, selon les périodes, le chemin lui-même il change. Il y a de la variété. Et puis là on va voir un peu différent paysages jusqu’à Pirmil. Là c’est un village habité. Après c’est très influencé par l’industrie. Et puis après, il y a un peu plus de nature. On va passer du côté de l’hosto, des nouvelles cliniques. N : En plus c’est des coins qu’on connaît pas beaucoup.

S : Ouais là c’est l’extrémité des 4 îles. L’une des extrémités de la haute ile et des quatre iles. Alors il y a des gens qui aiment bien donner à manger aux canards et aux oiseaux. Quand la Loire est assez haute, ils mettent ça directement dans la Loire. Et les canards, ils connaissent le coin. Je les ai rarement vus sur la pelouse. Là la personne elle a jeté une partie dans la Loire et une partie sur l’herbe. Il y a différent canards. Des animaux que je saurais pas nommé mais il y a pas strictement que des canards. N : Ils ont la dalle, on dirait. S : Ah ben ils ont toujours la dalle (rires). Des ventres sur pattes, comme les chiens. ..... S : Pas trop dur le dimanche ? Vous avez dû finir tard hier soir. N : Non non même pas, hier moi j’étais en Bretagne voir la famille. Pis en général le dimanche c’est boulot. Et toi ça a été la fin de jeudi soir? S : Ouais ouais. N : Patrick était un peu fatigué. S : Ben je l’ai perdu de vous à partir du moment où il est rentré. Donc là on va avoir plus d’influence industrielle. Donc euh comme c’est dimanche, l’usine ne fonctionne pas. Sinon, on verrait les rejets.

N : Ah ouais? S : Ouais

ben ils essaient de rendre ça propre mais pas à tel point qu’ils puissent l’utiliser. Ils achètent de l’eau à la ville et ils consomment des milliers de litres.

N : Et ils rejettent où? On voit les buses ? S : Là il y en a une là. Là c’était une conserverie. N : Ca là? S : Le bâtiment là. Je passe là voir ce que la nature a donné. Là ce serait des endroits cultivables, des courgettes... Quoiqu’il y a pas mal d’ombre là. N : Oui ça doit être bien humide.


141 S : Oui le sol c’est bon. Mais il manque de la lumière. Tiens là on voit le rejet. N : Ah ouais c’est bien dégueulasse. Comment ça se fait que c’est rouge comme ça?

Ben un peu plus loin, pas tellement plus loin, juste derrière là, il y a un bac euh... Disons un digesteur. Ca marche aux enzymes. Comme nos intestins, où ils essaient de se débarrasser au maximum des matières polluantes avant de rejeter ce qui reste en Loire. Donc il y a peut-être des restes des bactéries, tout ça, qui colonisent.

S : Euh...

N : C’est inquiétant quand même...

Ben j’ai participé à la commission Alva là. J’ai eu le dossier en main et j’ai bouquiné. Les animaux qu’on consomme en fait, il y a 50% de la viande qu’est prise pour faire des filets, des steaks, des machins, des côtes. Donc seulement 50%. Le reste c’est très difficile à avoir, faudrait racler les os, c’est devenu interdit là parce qu’il pourrait y avoir des morceaux d’os qui finissent dans nos assiettes. Donc ça vient dans cette usine-là, ils font de la graisse euh qu’on appelle le suif et des protéines.

S :

N : Ah ouais ici c’est tout les déchets de l’industrie alimentaire. S : C’est des sous-produits d’équarrissage. Il y en a qui me disent non. Moi je dis que si. (rires). Donc en plus dès le départ, quand le gars il nous a présenté à la réunion son usine,

il nous a certifié qu’il travaillait pour l’environnement parce que si on trouve un cadavre quelque part...

d’animal, parce que l’homme ce n’est pas eux qui vont le gérer, ils sont obligés de le gérer. Ils le prennent, ils le prennent en compte et puis voilà, ils débarrassent la voie publique, donc c’est vrai que quelque part, ils participent, faut bien que quelqu’un le fasse c’est sûr. Moi je me dis, là on trouve un cadavre de chien, donc ils vont le prendre, tac. Mais est-ce qu’ils vont pas le

mettre aussi dans la même bassine?

Là ici, il y avait les Roms, là qui avaient.. Qui étaient restés pas mal de temps. Et ici avaient poussé des pieds de tomates. N : Les roms avaient fait pousser des pieds de tomates?

S : Non (rires). Non mais ils avaient pas de toilettes. Alors ils faisaient leurs besoins... Donc c’était pas très classe de passer par là à ce moment-là mais euh il

y avait des graines dans leurs affaires et des pieds de tomates ont poussé alors soit tout le monde a pris toutes les tomates, soit là elles ont pas trouvé un bon environnement.

N : C’est marrant. S: Elles ont déserté quoi. N : Et ça se passait bien la cohabitation ? S : Oui. C’est la municipalité qui a porté plainte et la justice qui a dit «ok!» et le préfet qui a envoyé. Moi je trouve qu’on y perd notre âme dans cette affaire-là.

Surtout ce qui m’a vraiment excédé, c’est devoir expliquer à mes nièces et neveux «Pourquoi il y a des gens qui vivent comme ça?». Alors bon, sans pour autant en faire des rebelles de la société, il faut pas non plus dévaloriser les êtres qui sont là. C’était assez difficile.

..... N : Ils sont restés combien de temps là? S : Pas mal de temps, je saurai pas te dire. Un an, peut-être plus, un an et demi. Après, ils sont allés jusqu’à Trentemoult, au Pendule. Après ils sont revenus vers les abattoirs. Ensuite, ils sont allés de l’autre côté, en face là, au hangar à banane, tout ça. Et là ils sont revenus de ce côté-ci de la Loire. Ils sont... Ouais je les ai vus ensemble, à un endroit où ils ont déjà été d’ailleurs. Ah ben vers euh... Il y a un vieux magasin Saint-Macloud vers Pont-Rousseau, ils y sont retournés. Ils ont y été pendant des années. Enfin quand je dis euh en fait à chaque fois vu que je les connais pas moi personnellement, c’est peut-être différents groupes. Mais là, le groupe qui était là, il est allé là-bas au pendule, revenu aux abattoirs, parti de l’autre côté de la Loire et revenu là. C’est pas une vie. .....


142 - Itinéraires | Rezé


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Là j’ai un champ d’orties. Pour faire, soit le purin d’orties, ou même les mangers

directement. C’est 20% de protéines dans la matière sèche. Pendant des siècles, les humains en mangeaient, ici notamment. Evidemment, il y avait pas de viande. Enfin la viande, c’était réservé aux seigneurs, mais ils avaient pas les pommes de terre, pas les tomates, des tas

de choses qui n’existaient pas. Ca a été découvert aux Amériques. Le maïs aussi. Mais ça, ça peut se manger comme ça. N : Faut prendre par en dessous. S : Ouais. Ca peut piquer l’intérieur de la bouche. Je viens de m’apercevoir (rires). J’avais vu quelqu’un en manger. Ca peut se faire. Ah bon? Je la finis quand même. N : Nan mais en soupe c’est bon. S : En soupe, ou ça peut se faire comme les blettes. N : En plus il y en a la race quoi. S : Comme les épinards, en potée. Il y a des tas d’autres légumes comme ça. Pis il y a beaucoup de vitamines C aussi. Il y a des tas de vitamines là-dedans. On peut aussi en faire des tisanes médicinales. Et le purin d’orties c’est bon pour la croissance des plantes. Après, pour la floraison, on prend de la consoude. N : C’est quoi la consoude ? S : Il y en a pas là mais c’est une plante, en fait qui servait pour réduire les fractures «qu’on soude». N : Ah ouais ? On appliquait ça dessus? S : Ben peut-être en cataplasmes. Avec une certaine préparation et puis ça aidait à réduire les fractures. Voilà, à l’ancienne. Mais bon comme je m’intéresse à la

phytothérapie. Les plantes. Il y a des tas de plantes qu’on dit nuisibles ou mauvaises herbes, elles sont pas du tout, ni nuisibles, ni mauvaises. Juste, on veut pas les cultiver (rires). On voudrait qu’elles soient pas là où on veut faire pousser des choses. N : Là elles dérangent personne.

S : Non, non. Au contraire d’ailleurs. Moi je passe, je remplis le sac, hop. Ca peut se mettre aussi dans le pain maison. N : Ah bon t’as un four et tout? S : Non, non mais j’ai vu sur une vidéo, un mec qui fait du pain mais en forêt. Il a emmené sa farine donc il prend même pas le temps... Le pain ça doit se faire lever tout ça. Il prépare ça vite et il met des orties dedans, hop, il cuit ça au feu de bois. N : Ah ouais il fait du pain aux orties? S : Ah ouais c’est la débrouillardise, moi ça m’intéresse beaucoup. Dans le stage de phytothérapie que je fais, il y a aussi une partie «se nourrir de plantes sauvages» et ça je... Ca m’inspire beaucoup. Là, alors ça, on en trouve beaucoup et ben c’est pas ce que je croyais que c’était mais je vais en trouver plus loin. Du fenouil aneth. N : Ah oui c’est bon, c’est un aromate. S : Ouais puis ça a des belles racines, à manger aussi. Là N : Où ça ? S : Là celui sur la gauche du chemin. Il est plus en fleurs. N : Il a déjà donné ?

on a passé un cerisier là bas.

S : Pas encore les fruits, juste les fleurs. Les cerises vont arriver. Il y a aussi d’autres cerisiers, il y en a beaucoup qui ont été coupés. Je sais pas si c’est pour qu’ils aient une vue plus dégagée, ils ont buté des tas de cerisiers.

Ah ben là, on a déjà des petites... Il y a une semaine, il était en fleur. Il était blanc.

N : Ca devait être beau. S : Ouais ouais, à la japonaise. (rires) On m’a dit qu’il y avait des marronniers dans le coin mais je les ai pas trouvés encore. Je vais demander à la personne de me les montrer. N : Et là faut revenir quand du coup? S : Courant juillet celui-là. ..... Vous, vous cherchiez des choses en particulier ? N : Non, non, nous on te suit. On est là pour se faire emporter. S : On

va passer par au-dessus, mais là, voilà, un coin à fenouil. Ouais ça ressemble, physiquement ça ressemble


144 - Itinéraires | Rezé

à ce que je voyais tout à l’heure. N : Ca sent trop fort! C : Ca sent l’anis un peu. S : Il y en a dans les pots de cornichons. Il y a la racine, c’est le fenouil. N : On peut l’enlever ?

Ben généralement, la racine est assez énorme. Faudrait une bêche, une fourche. C’est vrai qu’il faut que je prenne le courage de venir. Que je vienne avec une bêche à fourche pour en récupérer quelques spécimens pour les mettre dans le jardin. D’ailleurs tout à l’heure si vous avez encore le temps, on pourra passer au jardin parce que c’est assez typique, il y a la S:

dame qui fait à sa façon, simili ancienne. Et moi je fais, façon permaculture, on voit la différence. Là où elle travaille, c’est un champs de mine quoi. C’est hallucinant, elle

fabrique du désert. Elle prend la terre, elle enlève les plantes, ça sèche. Là encore un cerisier. Il y a des petites olives là, façon. Ca c’est hallucinant, il y a une semaine, il y avait pas mal de ces arbres qui étaient pas du tout développés. Ah ils vont nous polluer la route. N : Anti-touriste! (rires) Dis donc ils sont bien équipés.

Voilà c’est là. Donc là, ça se trouve, il y a le bureau du directeur en face. Il voulait avoir une belle vue. Et là du coup...

S:

N : Oh putain!

S :

Les plantes se laissent pas faire, elles essaient de repousser mais...

Là il y avait des

cerisiers là. Maintenant, ils ont laissé ces plantes là, je sais pas pourquoi.

N : Putain mais qu’est ce qui s’est passé ?

S : Ben ouais je sais pas. Là on N : En tout cas, ils y sont allés à la brutale. S : Ouais. .....

reconnaît bien les feuilles de cerisiers. C’est arrivé il y a un ou deux mois.

S : Pourquoi ces arbres-là alors que ceux derrière montent assez haut. Ils bouchent la vue quand même. N : C’est pas sensé être interdit d’intervenir sur les berges comme ça normalement? Parce que je crois que les berges sont solidifiées par les racines et tout. S : Mais il y a toujours des petits arrangements, des dérogations. Ils doivent payer pas mal d’impôts les hostos, les cliniques. .....

S : Il y a pas mal de pissenlits. C’est bien aussi en salades. Bon par contre faut cueillir, faut faire attention aux urines quoi. Pas prendre ça sur les bords de chemins. Les mâles lèvent la patte. Faut faire gaffe (rires).

Alors là, il y a du bois, je sais pas si c’est du bois flotté ou pas. Ou si c’est vraiment du bois de coupe. Je crois que

c’est du bois de coupe. N : Ca vient d’où ça?

S : Je sais pas. C’est un peu N : Ca fait longtemps que c’est là ça ?

morbide.

S : C’est

là depuis deux semaines. Régulièrement, on voit du stockage de bois. Ca doit être les services municipaux qui se sont fait un stockage. Et là, cette zone elle est plus ou moins interdite. Plus ou moins parce qu’on peut

quand même y aller. Là bas, il y a des plantes qui ressemblent à des framboisiers tout ça mais quand on voit les fleurs, même d’ici, on se rend compte que ce sont pas des framboises. N : Le long du mur là? S : Les fleurs toutes rondes là. Quand on a vu les fleurs avec ma mère, on s’est dit «oh il y a des framboisiers et tout, faudra qu’on pense à y repasser!». Mais quand on a vu les fleurs... N : Mais c’était pas ça.

S : Non. Mais là, c’est pareil, c’est remplit l’estomac mais... N : Ouais mais c’est comme des bonbons.

le genre d’endroit qui pourrait être nourricier quoi. Parce que bon les framboises, c’est pas ça qui


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146 - Itinéraires | Rezé S : Ouais voilà, cassis, framboises. Là

ça fait deux ans que je suis inscrit sur la liste pour les jardins familiaux. Je les ai appelé parce que je commençais à en avoir marre d’attendre et... encore deux ans l’attente. En tout, quatre! Alors qu’il y a des endroits, des friches... Ne serait-ce qu’aux anciens abattoirs là! Alors Julien, il voudrait, les bâtiments, en faire une maison d’assos. À l’extérieur, il y a quand même pas mal de territoire, il y a moyen d’investir ça pour faire des jardins familiaux ou partagés. Partagés, c’est aussi bien d’ailleurs.

Alors là il y un joli coin de verdure, avant c’était très abandonné mais il y a des roms... Fin des roms, des manouches qui squattaient par là bas, alors eux ils étaient installés. Et au bout, juste à côté N : C’est vrai? Ben c’est parti.

du pont qui va de Mangin à Pirmil, il y a des pruniers, reine-claude.

S : Mais il y a pas que moi qui les ai repéré. Du coup, c’est sympa, on en prend mais on en prend... On vide pas l’arbre quoi. On en laisse pour d’autres. Pis ceux qui sont venus avant nous nous en laissent. C’est pareil, j’ai essayé de prendre un rejet l’autre fois.

Parce que les arbres font des rejets. Il y a des trucs vraiment c’est assez marquant. On voit une forêt de bouleaux par exemple. Il se peut que ce soit un seul individu... qui fait des rejets, un rejet, un autre rejet, etc. N : C’est quoi un rejet? S : T’as l’arbre principal, pis après, c’est pas forcément un noyau qui va germer, ça peut partir d’une des racines. Et quand ça part d’une des racines, on appelle ça un rejet. N : Du coup, tu peux le ramasser et le replanter quoi? S : Ouais, c’est séparé de l’arbre principal. Je pense qu’on dit «rejet», ça a une connotation péjorative pas positive. Parce que quand on fait les... je sais même plus comment ça s’appelle... des rangs d’arbres fruitiers... Et comme on aime bien gérer tout ça...

va le couper!»

«Oh il y a un truc qui pousse! Oh c’est un rejet! On

N : Alors que c’est un bébé plutôt... S : Ouais voilà. Les orties, c’est pareil. Il se peut que le champ d’orties, ce soit qu’un seul individu. Par les racines qui repoussent à chaque fois. Là, il y a de la ronce. Ca c’est de la ronce. Ca peut donner des mûres. Près de chez moi, là l’autre fois, pas très loin du composteur, j’aurais pu vous le montrer en passant,

on ira au retour, on passera devant. L’autre jour, je montrait le composteur à une voisine et puis je me retourne... En fait on arrivait d’ici... Je vois la voiture des gars de la mairie et je dis «qu’est-ce qu’ils vont encore nous détruire?» mais

comme ça quoi. Pis je passe, je regarde même pas ce qu’ils font, c’est pas du mépris mais voilà, je vais au compost, pis un moment je me retourne et je les vois les gars,

ils étaient en train d’attaquer à la faux au bout d’un long manche un super roncier qui nous donne des mûres en juillet, alors que normalement ça donne en septembre. Donc ce roncier, tous les juillets, c’est la fête autour quoi. Avec les enfants, on va cueillir... Des crottes de lapin. (rires) Un super engrais! Avec les enfants, on va cueillir, il y a d’autres enfants, c’est génial. Et pis alors là les gars, ils étaient en train de défoncer ça à la faux. Je leur dis «Mais qu’est-ce que vous faite???!» et je leur fais un petit scandale et pis ils me font «Ouais mais c’est pour passer la tondeuse.» (rires) «Vous pouvez faire le tour quand même...». N : Oh les cons!

Mais c’est vrai aussi que d’un autre côté, la population elle est... Elle est pas un hein! Enfin, on est un mais on est différents. Il se peut aussi qu’ils se fassent engueuler régulièrement. «Mais qu’est ce que vous

S : Super vexés... Ah la la. Ils étaient étonnés de me voir fâché.

laissez ce bordel là ?» N : Ouais mais pas les gens de Haute-Ile non. S : Ah ben il y a un peu de tout. Là je sais qu’il y a des plantes nourricières qui poussent mais je sais pas encore lesquelles, je les ai pas repérées.

N : Dis donc il y a une belle vue ici.

Ca c’est des courges, on dirait de la rhubarbe. Quoique là les feuilles... La rhubarbe, les feuilles il y a pas de poils dessus. Mais ça y ressemble beaucoup. Ca y ressemble tellement qu’a priori on pourrait faire pousser de la rhubarbe ici. Les plantes souvent quand elles se ressemblent, elles partagent le même écosystème. Ouais c’est vrai que c’est un jolie vue. Les gens ils nous ont vu arriver, ils ont dit «bon on va y aller!» (rires) Et la marée, elle vient jusqu’ici hein. L’influence de l’eau de la marée elle se fait ressentir, là il y a des endroits qui se font régulièrement inonder. Là il y a un peu de dépôt de vase. S : Ouais ce serait à mettre en évidence.

On en oublierait presque la ville. N : On a une vue jusqu’à Chantenay là!

S : C’est vrai que ça mériterait peut-être une petite mise en avant ce point d’observation. N : Oh ben je pense que les gens connaissent. S : Ben moi je suis pris aussi par le jeu quoi. La télé hop on bouge pas, elle nous fait se déplacer tout en restant de le fauteuil. N : C’est bien d’avoir des endroits secrets aussi. Enfin que les gens croient secrets et en fait c’est secret pour beaucoup de gens. S : Dans la zone un peu plus loin y’avait quasiment un champs de pourpiers rampants, ça c’est le genre de trucs qu’on dit mauvaises herbes surtout pour les jardiniers parce que ça pousse dans les chemins. C’est

pareil ils aiment bien même désherber les chemins ! (rires)

N : Pour qu’ils soient bien beaux. S : Et comme on marche dessus la terre est tassée et ça c’est une plante qui aime bien les sols pas très riches, bien tassés, bien durs. Mais du coup elle est très bonne à… Et là je sais N : Où ça ? Ici ?

pas ils ont massacré le champ.


147 S : Oui devant le tas de gravats. N : Ils ont fait quoi ? S : Ca doit leur servir de réserve N : C’est de la terre de chantier ça ?

pour remmener ça ailleurs peut-être. C’est pas des tas de compost !

S : Une année ils m’avaient filé une amende comme la terre là elle est très sableuse, j’en avais pris parce que la lavande elle aime bien la terre sableuse, … Là on devrait trouver du pourpier, là déjà je devrais en voir. C’était un champ de pourpier ! Mais faut qu’il pleuve et qu’il fasse beau. Ah c’est mort. Avant on marchait dessus, y’en avait beaucoup. Ou alors c’est pas la période. Voilà voilà. N : Je ne connais pas du tout ce truc là. Y’en a pas dans le chemin ? S : Non. N : Oh un lapin ! (rires)

S : Ils ont quand même réussi à détruire une bonne partie de l’habitat des lapins. N : Ca fait longtemps ça aussi ? S : Commencer à réinvestir l’endroit ? 4, 5 ans. A la louche. ..... Ca ça ressemble à … Ah bah je me rappelle plus du nom. Regardez-moi N : Trop beau ! S : J’adore regarder les fractales. N : Ah ouais ? Genre dans la nature ?

cette belle fractale !

S : Ouais. Même les artificielles aussi. Dans

la nature c’est très beau. Les arbres, leurs branches, même leur distribution dans l’espace. Tiens un laurier. C’est un laurier-sauce Y’a le laurier rose aussi, qui n’est pas bon du tout. Pas sûr que ce soit un laurier-sauce, c’est peut être un laurier rose. On s’en sert dans les sauces mijotées. Mais c’est vrai que quand ça sent bon,

c’est cool. N : Je vais en prendre pour chez moi. S : Je t’en passerai de mon arbre plutôt. De chez moi je suis sûr que c’est du laurier-sauce. Remarque on pourra comparer les odeurs. .....

Ah ouais non mais c’est sûr que en une semaine, ça change vite. ..... Par ici j’avais repéré une camomille mais je suis pas sûr, je la retrouve plus.

Un prunier ! Il a pas encore de fruits. Ah si ! Il y en a qui sont belles et d’autres qui sont pas belles. Celle-là elle est belle. Bien brillante et tout. Les autres je sais pas on dirait des OGM. Ou alors je sais pas elles ont pris des gaz de … au japon … de Fukushima ! Et là y’a la Reine-Claude un petit peu plus loin. N : C’est marrant que ce soit là. S : Ah ouais c’est repéré mais y’a de la masse à récupérer. N : Bah ouais ils ont des bonnes tailles. ..... C’est des ronces ça ? On dirait des baies. S : Bah là ronce elle donne des mûres hein !

Là le prunier Reine-Claude.

N : Ah ouais, c’est pareil il commence à y avoir des fruits.

S : Ouais il donne en juillet-août. Et puis là-bas y’en a un autre, mais faut y arriver. Et il donne des fruits magnifiques, superbes. La semaine dernière c’était praticable mais là ça devient chaud. Tes collants vont souffrir !

C : Ah !... Mais c’est des supers résistants. S : Là y’a encore un arbre qui donne des fruits, des prunes. Des prunes normales on va dire. Et celui-là ils sont supers bons, magnifiques. Je


148 - Itinéraires | Rezé


149 ne sais pas si il porte un nom spécial mais supers bonnes. Différent des autres. Là, en –dessous pour l’anecdote légèrement morbide, j’étais descendu pour chercher du bois pour faire une branche, pour attraper les autres branches et en fait j’ai découvert les restes d’un repas et bah c’est certainement un chien qui s’est fait mangé là. Mais en entier hein, ils ont rien laissé. J’ai trouvé que les os. Avec le petit feu à côté. Pour dire que je sais pas on est à 20 minutes du centre-ville à pied et bah faut avoir faim pour manger ça. N : Oh putain. S : En général on s’arrête là. Ca c’est pas mal ça. Scotch autour de l’arbre pour le soigner. (rires) L’écorce devait s’en aller alors ils ont mis du scotch pour faire tenir. Spécial ! Bon je passe jamais par là. Y’a des gens qui jouent dès fois là-dedans. Quand on cherche à s’isoler un peu. Y’a des gens qui ont dormi, cachés dans les plantes. N : En tente ? S : En tente ou zonard carrément. Vite fait en été quoi. N : J’avoue qu’en été c’est sympa. Ca c’est quoi le trucs rouges là ? S : Je sais pas. ..... Tiens y’a un iris juste là. N : Putain excellent ! S : J’en suis pas absolument sûr. Tiens viens voir Clémence ! Oh y’a un lapin qui trace sa route. Par contre fais gaffe y’a des orties dans tous les sens. C : Oh génial ! S : C’est bien caché celle-là et puis y’en a pas 36 exemplaires.

Les murs là ce sont de vieux murs, mais je ne sais pas peut-être que vous en savez plus que moi, on a repéré avec ma mère que c’était des murailles… N : Ouais des anciens murs. S : Du coup là c’est moins praticable qu’en hiver. N : C’est le revers de la médaille ! S : Y’a des gens qui se font des petits feux de bois, sympa. N : Ah ouais. S : T’as vu le sol là ? N : Ouais ça doit être un petit quai. Ca doit être quelqu’un qui doit avoir un manoir ici. S : Je sais pas. Ca me dit rien. Vous en avez pas entendu parler ? N : Non on ne connaît pas trop cet endroit-là. On n’est jamais venus ici en fait. S : Il faudrait que je voie l’histoire de Pirmil pour me rendre compte. N : Y’a des bouquins à l’école. Pont-Rousseau, Pirmil, Rezé et tout. A l’époque de la Révolution tout ça. Si tu veux venir voir, hésites pas. S :

Ok. On voit que

la Loire elle bouffe la terre. Les racines sont … Alors les arbres

ils protègent les berges mais quand la berge a été manufacturée, maçonnée, ils ont tendance à bousiller la maçonnerie. N : Ah bah ouais c’est à moitié fracturé.

S : De fil en aiguille y’a plus rien. N : C’est sympa avec le temps là. S : Ah bah ouais c’est parfait. N : Les premières fleurs. S : … les vers de terre. J’avais vu un petit reportage là-dessus. C’est 70% de la masse animale sur terre. N : Ah ouais ?! S : Avant quand sur la terre y’avait aucune vie, la vie est venue de la mer. Les premières plantes c’était des mousses, des fougères, des lichens qui en fessaient pas trop de racines parce que y’avait pas trop de terre, c’était de la roche. Les premiers animaux qui sont arrivés ont mangé les déchets végétaux et donc sans les vers de terre y’a aucune terre arable, aucune terre de forêt. Y’a pas de terre. N : On repose sur eux alors qu’on les voit pas. S : Exactement. Toutes les terres c’est un mélange de sable, d’argile et d’humus. L’humus c’est le compost c’est à peu près la même chose. Et en fait l’humus c’est des crottes de vers de terre. Ils pondent et puis ils se taillent. (rires) Tiens on peut peut-être faire ça, on passe jamais par là-bas. En tout cas avec un compost on peut alourdir une terre légère ou alléger une terre lourde. Une terre lourde y’a trop d’argile, une terre légère y’a trop de sable. Et on rééquilibre avec l’humus ou le compost. Qui n’est pas un engrais. N : C’est marrant tous ses coins. S : Ah ouais ouais, ça pourrait être encore plus sympa si ils laissaient un petit peu plus faire la nature. Si y’avait pas ces gros tas de gravats. .....

Ca c’est un barrage qui est censé nous éviter les inondations. Vers la Haute-Ile, Trentemoult tout ça. N : Ah du coup ils bloquent la Sèvre ?

S : Euh ouais. Loire et Sèvre. Ouais parce que pendant les grandes marées, même la Sèvre elle monte. Donc si y’a des grandes pluies et grandes marées… La Haute-Ile souffre. Donc ce barrage a été mis en place.


150 - Itinéraires | Rezé N : T’as déjà vu des inondations ?

Vous avez vu pour rentrer chez moi y’a un petit escalier et pour aller chez le voisin y’a le même escalier en face. L’eau arrivait jusqu’à la marche qu’on a en commun. A 2h du matin y’a une voisine qui m’a réveillé, fallait que je déplace ma moto. Y’en a qui se sont pas réveillés et qu’en a un qui a retrouvé sa voiture au milieu du quai. Il a ouvert la portière et « pssshhh ».

S : Oui j’en ai vu une ou deux.

N : Oh non !! S : On peut passer voir un pommier sauvage. Je l’ai découvert un jour où je voulais m’isoler un peu. Et puis euh « tiens un pommier » ! Là récemment en y retournant avec ma mère on a retrouvé un petit chêne au pied. C’est marrant parce que y’a pas de pommier alentour, pas de chêne alentour. Bon là le chêne il est tout petit. Ce qui est assez marrant pour le fenouil et l’aneth, y’avait des gars qui travaillent de la mairie, des paysagistes, et on voit cette plante-là avec ma mère, on va les voir et on dit « euh excusez-nous mais vous savez ce que c’es que cette plante ? ». Ils savaient pas. On a su je ne sais plus où. Mais pas par les gars de la mairie !

Alors ils mettent des plantes qui ne sont pas vraiment acclimatées. Je trouve ça un peu aberrant.

Le bambou euh il monte pas là… Il aurait soif ! Un petit géotextile là histoire de bien polluer. Ce qui est assez délirant c’est que j’ai des voisins, ils voulaient faire un truc joli selon leurs goûts, donc ils ont mis une grande bâche bleue, ils ont parce à certains endroits pour mettre leurs plantes et des cailloux sur la bâche bleue. Et puis bah y’a des plantes qui poussent, ils ont arraché les plantes et ils ont rajouté du caillou. Mais le problème c’est que plus ils vont rajouter des cailloux plus ils vont donner de la place aux racines pour s’étendre, ça augmente la taille du substrat, les plantes vont encore plus se battre. (rires). Ah non y’a des gens dans le village… Moi j’essaye de garder de la convivialité mais c’est vrai que… (rires). Dès fois justement on voit passer la dame de

cette maison, parce que le samedi matin elle fait le ménage, elle jette les poubelles. Mais elle a arrêté. Ou alors avant 11h parce que nous à 11h 12h on fait la permanence pour le composteur. Et bah moi je suis en mode convivial tout le temps, alors je lui dis comme ça « alors vous avez quelque chose pour nous ? », bah non elle va jeter à la poubelle. 5 minutes après on la revoit passer avec encore d’autres sacs pour la poubelle. Alors je dis en rigolant « mais c’est de la provocation ça c’est pas possible ! » Et puis la personne qui était avec moi elle s’est choquée elle-même un peu, je sais plus ce qu’elle a dit mais un petit peu plus agressive. Ca a jeté un froid. Mais en même quelqu’un qui allait jeter des poubelles il avait forcément de l’organique. N : Bah ouais. S : Faut arriver à dire le truc sans… Tiens

là.

c’est de la sauge ça. Moi je pense qu’il devrait y avoir que des plantes aromatiques

N : Oui il y aurait des bonnes odeurs. S : Oui des bonnes odeurs et aussi parce qu’elles sont médicinales… L’allopathie. N : C’est quoi ? S : C’est de la médecine j’ai envie de dire brutale. Antibiotique, inflammatoire, matériaux de synthèse. Au contraire de l’aromathérapie, les huiles essentielles. La phytothérapie avec les plantes, les tisanes. Y’a une grosse influence de l’esprit sur le développement des maladies. Si on est démoralisés c’est foutu. On peut prendre toutes les chimio qu’on veut. (silence) Tiens hier on a eu la visite de Egrainage ! Ils sont venus au composteur. Parce que c’est cette voie ferrée qu’ils veulent utilisés. N : Ouais. Ils ont démarche vachement alimentaire. Du coup je pense que ça les intéresse de voir les initiatives existantes. Ouais ils sont cools. S : Ouais ouais, ça fait plaisir de voir des projets alternatifs. .....

Parce que c’est vrai que là c’est de la simple juxtaposition. Les usines, la ville, les commerces, de la ville, des usines. Sans que y’ait de lien alors que ce serait très intéressant… Par exemple cette usine, là on voit la savonnerie et derrière y’a Alva. Et je leur avais proposé, parce que de temps en temps ils peuvent prévoir qu’il va y avoir des grosses puanteurs dont souffre le village. Et donc je leur avais proposé qu’ils mettent un panneau d’affichage avec… N : Les horaires où ça dégaze quoi !

S : Ouais ! (rires) Et aussi qu’ils nous en donnent les « clés », que nous aussi on puisse faire des annonces. Du genre « fête du village », ou « n’oubliez pas composteur 11h 12h ». Et le gars de l’usine il m’avait répondu « oui mais on a peur que ce soit pris comme si le village nous appartient, ça deviendrait village Alva », il avait pas envie quoi. Toujours des bonnes raisons pour pas faire ce qu’ils veulent et inversement. On est tous un peu comme ça (rires). N : Oui mais certains plus que les autres.

S : C’est vrai qu’on embête beaucoup Alva. Tiens ça a l’air d’être en friche là. Ah non y’a un camion dedans. N : Ouais mais c’est complètement ouvert. S : Alors le sol aussi faut voir, les premières plantes qui arrivent, qui se contentent de peu et qui vont venir enrichir le sable. N : C’est la pampa là ! S : Y’a deux chênes. N : Ah ouais ! Ils sont minus. S : C’est marrant parce que y’a pas un seul chêne à la ronde. ..... Alors là le sol il est…c’est là aussi que l’on voit les premières plantes qui arrivent, qui se contente de peu et puis qui vont enrichir le sol. N : Ouai


151 ..... N : Et c’est la pampa là ! S : Ouai. Donc là il N : Ah il est en fleur !

y a un pommier sauvage.

S : Ouai là il est en fleur…Et N : Il y a deux ? S : Deux chênes. N : Ah ouai putain, ils sont minus ! S : Ouai et c’est

en fait il y a deux chênes aussi.

marrant parce qu’il n’y a pas un seul chêne à la ronde. Il donne des petites pommes sauvages, très

bonnes.

N : C’est quoi comme sorte de pomme ? C’est des… ? Ca n’existe pas vraiment ? S : C’est des sauvages. N : Ouai

On dit si tu veux faire des arbres fruitiers et notamment les pommes et puis d’autres aussi, si tu veux qu’il donne il faut le greffer. Mais c’est pas vrai, mais si tu le greffes tu va avoir des pommes plus grosses…

S:

N : Ah ouai, alors que là c’est des petites naturelles. S : Pleines de goût et pas bourrées de pesticides. ..... S : Ça on dirait l’arbre… N : Que l’on a vu tout à l’heure ouai. .....

S : Donc les savons qui sont fait là il y en a beaucoup qui sont fait à partir de la graisse animale qui est tiré de … N : De chez Alva S : De chez Alva ouai. Il y a un tuyau qui va directement d’une usine à l’autre. 816 N : C’est vrai ?! S : Ouai ouai. (rires) N : Et après ils le vendent à qui ce savon ? S : Bah à des grandes surfaces… N : lls le revendent à d’autres marques genre Nivea et tout ? S : Ah bah ils font Persavon, ils ont des marques… .....

Le gros tas de gravas qui est là c’est pas anodin hein N : C’est pour…. ?

S : C’est pour que N : Ah ouai d’accord.

les Rom ne puissent plus ramener des caravanes.

S : Et du coup on vit dans…j’en pas N : Ah ils ont laissés un chemin quand même. S : Tiens N : Ah oui.

envie de dire le Liban mais bon…ça parle quoi.

là il y a de la tulipe.

S : Sinon il y a des daturas qui poussent aussi la dessus. Là on en voit un cadavre. N : Oh putain c’est quoi cette fleur ?! S : Ça c’est la datura avec ses graines qui sont un poison hallucinogène. N : C’est vrai ? S : Si on n’en prend pas trop c’est grosse hallucination si on en prend trop on décède. N : Ah ouai. (rires) Il vaut mieux le savoir. S : C’est une plante médicinale aussi mais là du coup il faut en prendre encore moins. N : Oui à petite dose quoi. (rires) Remarque des fois c’est vrai que ça guéri trop quoi. S : Ça te guéri trop ouai (rires) c’est ça ! (silence) Je suis en train de me demander si ça ça serait pas de la camomille. Ça sent pas grand chose…Il y a pas les fleurs en plus. Fin quand heu quand il y aura les fleurs je m’en rendrais plus compte. .....


152 - Itinéraires | Rezé Donc les Rom en fait ils étaient installés là sur toute cette surface, c’est pour ça là bas c’était leurs toilettes. N : Près de la Loire.

S : Ouai. Et sous le pont et tout. Ah c’était une infection hein, y’a pas à dire mais bon faut bien…s’y plaire un peu quoi hein. (rires) Ils avaient finis par faire des toilettes quasiment que la Loire qui donnaient directement il n’y avait rien en dessous quoi. C’était…pendant longtemps il restait un morceau de ces toilettes là. N : Ah oui on les avait vu je crois. S : Y’a pas longtemps encore il y était. Ouai c’est

là. Les toilettes qui donnaient directement sur la Loire.

N : Excellent. S : Et là là les marques noires c’est des feux que les gens font pour récupérer le cuivre, pour bruler le plastique qu’il y a autour. N : Ouai c’est du cuivre… S : Alors celui là peut être ouai. N : Ah ouai donc ils chouraient du cuivre et ils le cramaient ici. S : Alors du N : Ah bon ?

coup moi je voulais cultiver là, j’ai abandonné l’affaire, en plus l’environnement est vraiment…laid.

S : Ouai.

Ouai ptète c’est la bonne raison que je me suis trouvé, je sais pas. (rires) J’avais demandé les deux côtés et on m’a dit oui, ce côté-là oui, l’autre non ça appartient à la SNCF tout ça mais qu’est-ce qu’ils en ont à foutre ! Au lieu de ces plantes là j’en aurais mis d’autres et puis basta.

N : Ouai. Et pourquoi t’as abandonnés du coup ? S : Heu…Je trouvais ça aussi un peu loin de chez moi. Me faire un jardin, faut pas quand même que ce soit… N : Oui c’est bien de pouvoir le surveiller, le regarder pousser. S : Ouai exactement. Parfois je vais excellent il y a des tas de trucs à voir. .....

au jardin là que la dame me prête les mains dans les poches, je vais regarder. C’est

Tiens je vais regarder, je peux pas m’en empêcher. Je cherche la camomille. Ç’en est pas. (rires) N : C’est bon ça après pour les tisanes et tout. S : Ça coûte assez cher en huile essentielle. C’est l’une des plus chères. Moi je ne suis pas encore équipé pour faire de l’huile essentielle. N : Faut quoi, faut des alambics et tout ? S : Ouai un alambic. Au feu de bois, fin un feu, de l’eau. L’eau emporte les huiles essentielles et puis après en refroidissant et en faisant décanter. N : Ah oui mais je crois que j’avais fait ça en chimie ou quoi, au lycée. S : Par contre ce qui est noir là c’est du compost. N : Ah bon ? S : Ouai c’est des plantes qui, bah qui meurent, qui tombent, qui sont bouffées, dégradés. Ça c’est du compost, sauvage on va dire. 829 N : Ça à l’air riche, bien humide et tout. S : Ah oui ! Ça sent super bon. C : Ah oui, c’est frais. S : Puis moi je végétalise un peu les toitures comme ça. J’ai balancé pas mal de déchets végétaux, ils se sont décomposés et puis ils nourrissent des graines qui arrivent par le vent, ou j’ai aussi jeté quelques graines, balancé quelques plantes grasses parce qu’on est sur de la toile à l’ancienne là, béton et…bah ciment et… N : Fibre ciment. S : Ouai fibre ciment. A l’amiante et tout. Donc là je l’attache avec ça. N : Ouai jpense c’est pas mal ça les plantes un peu de…un peu sèches genre plantes de dune ou quoi.

S : Ça prend le temps mais c’est intéressant de voir aussi les choses évoluer. Et puis même, une ou deux plantes à racines. On se demande un peu où sont les racines (rires) vu qu’en dessous c’est de la tôle. Ils y a beaucoup de mousse aussi et alors là il y a des plantes qui viennent d’Amérique. Alors si vous avez pas de pain on va se faire agresser. (rires) N : Ils viennent chercher le pain jusque sur la berge ? S : Je les ai peut être vu une ou deux fois sur la berge mais il faut que ce soit la bonne personne qui soit là en train de jeter le pain. Sinon… (silence) Traction avant. N : Ah putain pas mal ! S : Tiens tu peux te…la ronce elle est abimée. ..... N : C’est une cabane des enfants ? S : Ouai. Interdit aux adultes ! (rires) C’est marrant N : C’est réservé. S : Je trouve que c’est bien pour leurs propres constructions. .....

mais ouai ouai. Je crois pas que j’ai déjà vu un adulte par là bas.

C’était un sacré buisson

Ouai c’est là. Il y a aussi la force vitale de la plante qui essaye de pousser. , on ne voyait pas au travers. Et puis on voit au sol la marque. Alors en plus ils ont massacrés jusque là bas mais ils ont tondus que jusque là. Alors est-ce que c’était pour me faire plaisir je ne sais pas. (rires) C’est du massacre, on voit bien qu’ils n’ont pas fait ça proprement. Même si ils prennent ça pour un buisson, voilà. C’est un buisson, il faut le tailler, il faut faire ça proprement !


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154 - Itinéraires | Rezé


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N : Quelle connerie quoi. En plus faut aller les chercher maintenant les… S : L’année dernière N : En allant chercher les…

ma mère elle est tombée dedans.

S : Mais de dos et puis…bah

les ronces elles-mêmes l’ont retenue. Ça lui faisait comme un, une litière quoi, un dossier. Je lui ais dit « tu bouges pas j’arrive ! » Alalala. Et lui il donne en juillet au lieu de septembre alors c’était génial.

N : Et ton jardin, il est ?

S : Ah ouai. Par là. On va prendre un chemin que mes N : Ils ont quels âges ? S : Le plus ancien, onze ans. Ça doit faire onze, neuf et six ou…sept. (silence)

nièces et neveux appellent le passage secret. (rires)

L’un des seuls murs à la chaux du village. Il est caché ! (rires) La rue des Chevaliers.

..... S : Alors depuis le début…Là N : Ah ouai c’est un peu sec.

c’est…la dame cultive. A sa façon on va dire.

Et là ça devient un peu… pour certains l’anarchie pour moi c’est très beau.

S : Vu qu’elle n’est pas couverte, la terre est sèche. Et puis quand il pleut boum elle est martelée.

N : Ouai j’avoue. C’est permaculture quoi. S : Là de la sauge. Ça c’est sur. J’ai mis en terre quelques trucs. N : Et en fait permaculture c’est un peu au hasard ou c’est réfléchi et tout ?

S : C’est très réfléchi, c’est laisser la nature faire donc en ayant compris ses systèmes de Bah là tu vois tu as du compost pas fini quoi mais les cucurbitacées qui sont là là vont adorer ça. Les autres elles vont aussi aimées. N : C’est des oignons après les trucs ? S : Des poireaux. Il y a aussi de l’oignon. Non ça c’est un poireau, ça c’est de l’oignon. N : Et du coup c’est un lit de compost. S : Ouai. Je l’ai mis en place il y a quelques jours. 848 N : Ah ouai ?

S : En fait, je le ais semés en septembre. Elles ont poussées quand elles ont voulues. Début du printemps. L’idée

(rires)

fonctionnements. Heu….

c’est que…Les techniques que l’on a mis au point c’est à chaque fois pour optimiser, pour que la plante donne le plus possible. On les mets à un certain écart, on les plante à telle période. Si on plante plus tard la plante elle va pousser mais elle va donner sur une moins longue période. Mais on a toujours voulu rationn…

N : Optimiser le truc ouai. S : Optimiser plutôt que rationnaliser d’ailleurs. S : Et

moi je veux laisser faire.


156 - Itinéraires | Rezé

Nous éteignons le dictaphone et nous installons à table pour déguster le remède elfique que Salvador nous a concocté. Durant la discussion non enregistrée, Salvador nous reparle du composteur collectif mis en place depuis un an et demi. Il est pour lui : « Mon agora, tous les samedi matin entre 11h et 12h. C’est ma tribune, je peux y mettre mon grain de sel. Ça fait une cohésion sociale, c’est presque un facteur de solidarité. Il y a deux permanents plus un guide. Les permanents ne sont jamais les mêmes pour que les gens se connaissent.». Il nous explique ensuite les caractéristiques du remède elfique : sa composition et ses bienfaits sur la santé. Il nous fait part aussi de son intention de faire une réunion le 14 juin à la maison des îles pour mettre en place des jardins collectifs. Enfin, nous discutons sur le concept de «ville nourricière». Selon Salvador «tout ce qui est vital devrait être gratuit». Notre remède fini, nous sortons prendre une dernière photo de Salvador devant chez lui, qui nous coupe au passage quelques plantes aromatiques à ramener chez nous.


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158 - Parler/écrire | Apports théoriques

Parler/écrire


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Parler / écrire Jean-Yves Petiteau

L’écoute est Le repère fondamental de l’approche (anthropologique) proposée et partagée dans ce travail. l’écoute est à l’origine de plusieurs démarches sur lesquelles s’articule le master : celle des itinéraires, ou les ateliers « parler/écrire » sur lesquels s’articule le travail de perception et d’analyse du « projet ». « Être à l’écoute » forme aujourd’hui une expression captive d’un registre de sensiblerie philantropique où la condescendance résonne avec la bonne intention, souvent aussi dans une tonalité pieuse. Ainsi, par exemple dans les syntagmes figés « être à l’écoute des jeunes, du quartier, du monde », etc. mais je veux ici l’entendre sur d’autres régistres, dans de tout autres tonalités, et tout d’abord dans une tonalité ontologique : qu’est-ce qu’un être adonné à l’écoute, formé par elle ou en elle, écoutant de tout son être ? Rien de mieux, pour ce faire, que de remonter d’abord en deçà des usages présents. Après avoir désigné une personne qui écoute (qui espionne), le mot « écoute » a désigné un lieu d’où écouter en secret. « Être aux écoutes » consista d’abord à être placé en un lieu dérobé d’où pouvoir surprendre une conversation ou une confession. « Être à l’écoute » fut une expression d’espionnage militaire avant de revenir, par la radiophonie, à l’espace public, non sans rester aussi, sur le registre téléphonique, une affaire de confidence ou de secret volé. Un des aspects de ma question sera donc : de quel secret s’agit-il lorsqu’on écoute proprement, c’est à dire lorsqu’on s’efforce de capter ou de surprendre la sonorité plutôt que le message ? Quel secret se livre-donc aussi se rend public- lorsque nous écoutons pour eux- mêmes une voix, un instrument ou un bruit ? et l’autre aspect indissociable, sera : qu’est-ce donc qu’être à l’écoute, comme on dit « être au monde » ? Qu est-ce qu’exister selon l’écoute, pour elle et par elle, qu’est-ce qui s’y met en jeu de l’expérience et de la vérité ? Qu’est-ce qui s’y joue, qu’est-ce qui y résonne, quel est le ton de l’écoute ou son timbre ? L’écoute serait elle elle-même sonore ? Les conditions de cette double interrogation renvoient d’abord très simplement au sens du verbe écouter. Par conséquent, à ce noyau de sens où se combine l’usage d’un organe sensoriel (l’ouïe, l’oreille, auris, mot qui donne la première partie du verbe auscultare,

»prêter l’oreille », « écouter attentivement », d’où provient « écouter ») et une intention ou une attention que marque la seconde partie du terme. Écouter, c’est tendre l’oreilleexpression qui évoque une mobilité singulière, parmi les appareils sensoriels, du pavillon de l’oreille- , c’est une intensification et un souci, une curiosité ou une inquiétude. Chaque ordre sensoriel comporte ainsi sa nature simple et son état tendu, attentif ou anxieux : voir et regarder, sentir et humer ou flairer, goûter et déguster, toucher et tâter ou palper, entendre et écouter. Or il se trouve que ce dernier couple, le couple auditif, entretient une relation particulière au sens dans l’acceptation intellectuelle ou intelligible du mot (au « sens sensé », si l’on veut, par distinction d’avec le « sens sensible »). « Entendre » veut dire aussi « comprendre », comme si « entendre » était avant tout « entendre dire » (plutôt qu’ »entendre bruire »), ou mieux, comme si dans tout « entendre » il devait y avoir un « entendre dire », que le son perçu soit ou nom de la parole. Mais cela même, peut-être est réversible : dans tout dire (et je veux dire, dans tout discours, dans toute chaîne de sens) il y a de l’entendre, et dans l’entendre lui-même, au fond de lui, une écoute ; cela voudrait dire : peut-être faut-il que le sens ne se contente pas de faire sens (ou d’être logos), mais en outre résonne. Tout mon propos tournera autour d’une telle résonnance fondamentale, voire autour d’une résonance en tant que fond, en tant que profondeur première ou dernière du « sens » lui-même (ou de la vérité). Si « entendre », c’est comprendre le sens (soit au sens dit figuré, soit au sens dut propre : entendre une sirène, un oiseau ou un tambour, c’est chaque fois déjà comprendre au moins l’ébauche d’une situation , un contexte sinon un texte), écouter, c’est être tendu vers un sens possible, et par conséquent non immédiatement accessible. On écoute celui qui tient un discours que l’on veut comprendre, ou bien on écoute ce qui peut surgir du silence et fournir un signal ou un signe, ou bien encore ce qu’on appelle la musique…. Être à l’écoute, c’est toujours être en bordure du sens, ou dans le un sens de bord et d’extrémité, et comme si le son n’était précisément rien d’autre que ce bord, cette frange ou cette marge- ou du moins le son musicalement écouté, c’est-à-dire recueilli et scruté pour lui-même, non pas seulement) mais comme sens résonant, sens dont le sensé est censé se trouver dans la résonance, et ne se trouver qu’en elle. Jean-Luc Nancy « À l’écoute » éd. Galilée 2002 Paris


160 - Parler/écrire | Cordemais

«Le sac de la médiathèque» «Tout le monde a le sac de la médiathèque. Ils vont à la médiathèque. Est-ce qu’elle va à la médiathèque? Peut être qu’ils vont à la médiathèque mais t’es pas obligé d’y aller avec le sac de la médiathèque ? Il est peut être super pratique. Oui il est peut être super pratique mais voilà d’un côté Petiteau qui disait que voilà il y avait les panneaux qui te disaient «alors tu sautes, là tu fais ça» et sur la mairie c’est parfait, je vous dis c’est le meilleur des mondes ici. Et la ville du weekend, c’est ce que tu disais. Oui c’est ça je sais plus... Oui c’est la ville du weekend mais il y a quand même un soin pour le quotidien tu vois, c’est pas toujours bien foutu s’tu veux … fin j’veux dire il y a pas beaucoup de communes de cette taille là qui sont capables de payer un aménagement de place comme ça, après c’est pas… c’est pas mon goût mais bon Le jet d’eau, les taupinières, Et tu vois ils savent pas quoi foutre ils vont aller racheter des champs pour mettre des vaches qui viennent d’ailleurs. Ah non mais ça le coup de la vache ! Ils ont tellement de sous que… C’est génial, c’est de la comm. écologique : ‘’ah les highlands c’est cool, machin…nnnn’’ Il nous a dit ‘’les tondeuses’’ Il nous a parlé de ça dans l’agenda 21 Tu vois nous aussi on a été séduit par ces vaches, c’est écologique etc etc, mais la nana elle a plus de terrain pour ses chevaux et elle est pas la seule apparemment, et ça coûte cher une vache. Ce que je trouve hyper dur ici, c’est que tu as un oeuf et tu as du mal à percer la coquille quoi. Tu vois pas l’intérieur quoi, le vrai fond du problème, les vrais enjeux politico-économico lobbing… parce qu’on est quand même, on a forcément un lobbing de la centrale. Bah EDF, l’ancien maire est d’EDF, tout est financé par EDF. L’ancien ou le nouveau ? L’ancien. Et le nouveau peut être. Non mais voilà quand même. Il est maire depuis bientôt 10 ans Oui 2003 c’est ça ? Ah oui c’est ça enfin dans des villages comme ça c’est pas beaucoup, c’est quoi ? deux mandats ? Le maire de mon village il est maire depuis 60 ans et non qu’est ce que je dis, je dis une connerie, 50 ans. Non mais tu vois tu es déjà venue chez moi ? quand tu arrives, il y a le super U, t’as un caviste, t’as une coiffeuse, t’as un tabac, t’as un fleuriste, … tout ça à l’entrée du village. Et dans le village c’est que des baraques avec en RDC une ancienne vitrine. Et dans le village il y a une pizzeria, un bar et une boulangerie qui fait faillite, deux boulangeries. Il y a 4000 habitants dans mon village, mais pour le coup il n’y a pas d’hippodrome, par contre il y a un collège et un lycée… et aussi vous avez remarquez, moi j’ai l’impression qu’il y a vraiment les histoires des hétérotopies de Foucault, tu sais un peu des mondes inaccessibles, clos, parfaits, c’est des mondes très contrôlés, on est vraiment dans une hétérotopie. Bah le meilleur des mondes quoi, il faut que je le relise. Et en même temps quand on dissèque un peu les choses t’as aussi des mondes très très isolés, très très différents, quand tu prends le camping c’est un monde à part entière, tu prends le port à sec c’est un monde à part entière, tu prends les lotissements, même si c’est plusieurs zones localisées mais tous les nouveaux lotissements c’est des gens qui vivent pas à Cordemais, qui ont une sorte de… donc c’est un monde à part entière, tu as la maison de retraite qui est par définition une hétérotopie mais je veux dire il y a ça, T’as la zone artisanale, t’as…tout est très… et c’est bien camouflé, c’est ça le truc, c’est que c’est fait dans une espèce d’harmonie d’arbres et de fontaines et de sculptures et de vaches highlands et de… Et c’est quoi le… Bah dans le PADD d’ailleurs ils disent que c’est à conserver, dans la zone d’équipement, l’espèce de grande haie qui cache les hangars. C’est quoi l’imaginaire qui a fait naître ça ? D’où ça vient? Quoi la place ? Oui la place là. Bah c’est déjà un mec extérieur qui l’a dessinée non ? Oui mais c’est quand même le maire qui… regarde là les gens on dirait qu’ils regardent tous le drapeau qui est centre, tu as l’espèce de colonnade sur le côté… Tu veux dire, Mussolini n’est pas très loin ? Bah….un peu quand même. Bah tiens il y a la police municipale qui passe en plus. Bah tiens alors là je trouve que celui là il tombe à pique lui. Il y a quand même un coté… et puis cette espèce de fontaine qui sert à rien… Agenda 21 Regarde les gosses qui regardent l’avenir, le drapeau et encore une mamie qui passe avec son sac de la médiathèque. Mais elle va à la médiathèque !


161 Non mais y’en a marre, y’en a marre Grosse affluence aujourd’hui (rire) Il faut vraiment que je lise «Le meilleur des mondes» parce que la… Hum non mais il y en a plein tu prends «Des souris et des hommes» c’est un peu ça, le «Truman show»… Ah mais c’est ça, c’est exactement ça ! mais c’est pour ça que la musique classique ça marchait parce qu’il va au travail tout les matins avec le truc de mozart et tout le monde lui dit bonjour, bonjour. Et tout est parfait, mais c’est trop ça. Oh faut qu’on se regarde ça. Mais c’est sur une île non ? Non en fait Mais si Ah oui oui C’est une île est en fait c’est une grosse boule mais pour lui il faut pas qu’il traverse l’île parce qu’il a peur de traverser le pont, je sais plus pourquoi il a peur de traverser le pont mais… Mais un moment il prend un bateau et tout à coup il se heurte au décor de fond et il trouve une porte dans le décor de fond. Dans le décor de fond, d’ailleurs bleu comme les cheminées de la centrale, les cheminées ou la centrale ellemême. Bon on va chercher un peu trop loin peut être. Non mais c’est un parallèle c’est forcément pas …. calculé. On bouge ? on est resté quand même 17 minutes sur cette place. Non Oui mais ça fait que 8 minutes que tu enregistres. Allez stop ! Non mais tu dis des trucs intéressants, rire, il faut noter Ah oué Gnnn Les gens vont nous prendre pour des témoins de Jehova (Rire) avec une petite saxo grise Bon ça vous dit qu’on bouge là, quelque part? bon euhh la carte, elle est où ?! Mais moi j’ai rien envie de faire, chui bien là à faire de la buée à l’intérieure de la voiture. Attend tend tend, on va peut être trouver un truc bien à faire. Mais c’est vrai que cette place il fallait y rester quand même. Parce que j’avais pas vu d’abord que tous les personnages regardaient le drapeau… Mais c’est toi qui a la carte regarde non ? Moi ce que j’arrive pas très bien à comprendre, c’est la colonnade, ah oui mais Siii, tu sais pourquoi il y a des petites équerres là parce que… ils vont suspendre…. Des pots de fleurs Oh ouiiii, oh des pots de fleurrrrs…. Des géraniums j’espère Même les sapins ils sont taillés Bah oui c’est des taupinières Et c’est l’idée genre on contrôle… toi t’as intégré toi, qu’ils veulent détruire les jardins potagers là qu’il y a là là. C’est pas moi qui ai la carte ! En tous cas les gens qui habitent à la poste ils doivent avoir une belle vue. C’était très intéressant ce qu’il nous a dit sur les marais Booh en même temps on avait à peu prêt compris quoi Bah attend sur le bourlet et tout ça, c’est vachement nickel. Booooh Non non non non Oui sur les écluses et tout ça Oué Oui oui on a apprit des choses quand même. Oui mais bon à moi on me la fait pas, on m’apprend rien (rire) Non mais c’est pas comme ça que je voulais dire. J’aime, j’aime trop la… Isabelle qui dit ‘’alors qui s’est coupé les cheveux ?‘’ genre pfff ‘’ça se voit pas du tout quoi’’ Elle nous a sourit la dame Elle se demande ce qu’on fait. Bon qu’est ce qu’on pourrait faire d’intéressant là on va pas rester là jusqu’à 6h et demi là On a dit quelle heure à Maxime ce soir On a dit 8h … Moi je pense qu’on peut aller au camping. Ou sinon on va à la Croix Morzel on va voir Michelle pour son truc là. Ah oui Allez on décolle là.»


162 - Parler/écrire | Indre

Memoire au présent

La découverte du territoire d’Indre 14 mars 2013

A Indre, la diversité de la nature du sol donne la tonalité du site. Parfois sable, parfois roc, parfois vase, parfois terre, les îles se devinent sur la palette de la Loire. Le vaet-vient du fleuve et la présence de l’homme accentuent cependant fortement le manque de repères sur les limites. Où commence l’île, où finit-elle ? Suis-je encore sur une île ? Pour l’étranger, seule l’unité du lieu par sa pluralité s’affirme. Indre : une commune archipel Un archipel en tout cas composé de morceaux de terres qui animent mon imaginaire avant que je découvre enfin ces territoires. Dans mon rêve, l’île de la Motte est comparable à une motte de terre sur laquelle un jardinier solitaire serait reclus tel Robinson Crusoé sur son île. L’île de la fourche serait celle d’un paysan cultivant son blé. Je me demande si Haute Indre est vraiment plus haute et Basse Indre plus basse. Indret ? Ça doit être une version miniature d’Indre. La poésie des mots m’emmène déjà en voyage. La cité des trois îles, une commune ligérienne fragmentée et marqué qui forge et pêche son identité dans le berceau mouvementé de son histoire et de son estuaire. Les îles rocheuses sont dessinées par la Loire, déliées entre terres naturelles humides ou immergées et territoires inaccessibles et délimités, entre paysages préservés et zones d'activités. Des liens sont tissés, un imaginaire se resserre, la chaloupe, l'angélique, l'antre, la fourche, autant de fils qui dessinent la carte d'un endroit singulier. Le lit ancien persiste. Le bac reste. La Loire continue de monter et descendre. Corridor d'accueil, riche et contrasté, ici, on a envie de prendre le temps, de s'arrêter dans les venelles, de longer les étiers et d'arpenter les quais. A Indre les contrastes sont frappants et nombreux. En effet, la ville basse s’oppose à la ville haute, l’architecture traditionnelle se démarque des architectures plus moderne des nouveaux lotissements et les terrains très rocheux à fort relief contrastent avec les étendues planes et marécageuses. Dans cette commune patchwork, tout

parait très sectorisé à l’image des maisons de maitre regroupées sur les hauteurs ou des anciennes maisons de pécheurs situées proche de l’estuaire. Il ne semble pas y avoir de mélange. De plus, La commune apparaît comme très fragmentée en termes d’ambiance. Basse Indre et haute Indre sont très résidentielles et disposent de commerces alors qu’Indret semble se limiter à son usine. L’école publique désaffectée d’Indret renforce cette impression d’île usine. Seules quelques maisons ouvrières font exceptions dans ce paysage de hangars. Un fort et une chapelle font également de la résistance. Les usines de basse Indre et haute Indre forment des îles dans les îles. Finalement, les îles qui composent Indre sont bien plus nombreuses que trois. On se trouve face à nombreuses iles qui ne sont pas nécessairement totalement isolées physiquement mais qui conforment des petits territoires avec des caractéristiques très fortes et très différentes. C’est un archipel de contrastes. Il y a des contrastes entre territoires constitués qui n’ont pas des changements et des territoires qui sont toujours en mouvement changeant d’une façon continue. Désormais on trouve aussi des forts contrastes entre des territoires artificiels et des territoires naturels ou on peut étudier les tensions existantes entre la nature et les activités humaines. Une des problématiques qui posent les contrastes cités c’est l’impossibilité d’une grande croissance car les iles ont des contours très forts difficilement franchissables, donc il y a une tendance à la conservation des caractéristiques du territoire et c’est un peu cela est-ce qui cherchent les nouveaux habitants de l’estuaire qui sont probablement entrain de fuir de la globalisation des grandes villes. Finalement on pourrait penser que le future de l’estuaire est plutôt la décroissance et que les industries vont peu à peu disparaitre ayant une opportunité pour transférer la nature aux espaces industriels et aussi une opportunité de laisser la nature transformer le territoire librement, que l’homme s’adapte à la nature mais pas la nature a l’homme.»

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Pour laisser une trace de notre état d’esprit àux différentes étapes de découverte du territoire, nous avons choisi de travailler sous forme d’un cadavre exquis. Avec comme point d’appui, une thématique commune, les textes sont rédigés l’un après l’autre, en envoyant la dernière phrase à celui qui va suivre.


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La rencontre des habitants d’Indre 4 Avril 2013

Le dernier jour des ateliers publics, nous avons renouvellé l’expérience du cadavre exquis sur la thématique des rencontres.

Jean-Claude nous a donné rendezvous chez lui, au pré clou. Il a préparé ses fiches et tel un professeur enseignant à ses élèves, il nous raconte l’histoire d’Indre, l’Histoire avec un grand H. Puis, au fil du récit, Jean-Claude lâche prise et nous raconte sa vie à Indre, son enfance. Rendez-vous est pris pour un itinéraire ensemble, il en a beaucoup à raconter. La plus grande partie des gens qui nous visitent à l'atelier, ce sont des personnes âgées qui aiment leur commune et pas beaucoup les changements, même si ils ont un peu de mal a faire leurs courses dans le village. Par contre, on a rencontré d'autres personnes plus actives qui sont pour le changement et l'union de la commune. Ces actifs bougent beaucoup sur la rive Nord, surtout vers St Herblain, mais « ne mettent jamais les pieds » à La Montagne, « de l’autre côté ». C’est pour eux un monde inconnu et ne reconnaissent pas les lieux photographiés. Dommage, alors qu’il existe un patrimoine si riche « en face »… En face, ce sont des étrangers ! On ne traverse pas la Loire facilement quand on est de Basse-Indre, même si le Bac est en face. Les quais, ils évoquent pleins de souvenirs aux anciens de la commune, quand ils étaient encore mal entretenus, et qu’ils étaient très animés.

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Au fil des rencontres, la découverte du territoire s’anime de lieux nommés, d’histoires ou d’anecdotes. Elles font réapparaître des maisons anciennes, des clefs partagées pour remonter en cas de crues, de trappes ou de passages secrets. Elles tracent aussi d’anciennes frontières ou dessines des envies, des distances ou des rapprochements. Les habitants sont ils aussi variés que les paysages ?


164 - Parler/écrire | Rezé


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Parler-écrire

Entre documentaire et fiction Qu’est-ce que les îles de Rezé ? Comment sont-elles agencées, construites ? Qui les habitent ? Comment les appréhender, les arpenter, les explorer ? Ces interrogations constituent les prémisses, l’enclenchement de notre démarche. Ces anciennes îles, nous les parcourons dans un premier temps, de manière libre et hasardeuse forts d’une ignorance de leurs histoires, de leurs géographies et des tensions qui les constituent. Nous commençons à rencontrer les Habitants qui les pratiquent et échangeons de manière plus ou moins longues sur leurs ressentis et leurs vécus du territoire. Ces déambulations et ces discussions nous amènent à une redécouverte constante du territoire. Au-delà

des cartes que nous commençons à dessiner, nous décidons en parallèle d’élaborer une compilation de récits. Nous mettons en place des règles du jeu simple – une situation datée, une photo (dépourvue d’individu), un court texte. Libre ensuite à chacun d’entre nous de s’approprier ce protocole et de raconter à sa manière une expérience au sein du territoire qui lui fait sens. Agréablement surpris des premiers essais, nous décidons de poursuivre cet exercice jusqu’à la fin du projet.

Dimanche, 17h02 : Pshhhhhhhhit, pshhhhit, clic, clic, clic. c’est au fond du couloir, que ces ombres apparaissent. Après cinq heures de marche solitaire, il y a des sons qui rassurent. Un désert pas vraiment, la peur de croiser quelqu’un ou plus vraiment. Un signe de la tête et ils m’emmenent sur leur terrain de jeux. Terres oubliées ou ces milliers dobjets deviennent une opportunité, une surface à

transformer, une possibilité. Cette sensation du pas de porte, du pas de clefs ou tout est accessible. Une découverte instantanée, encore une ligne, quelques couleurs comme pour marquer qu’on est passé. Sur cette île, le temps semble avoir été coupé court, pourtant ça sent la peinture fraîche comme au premier jour.

Ce répertoire de petites histoires constitue aujourd’hui une chronique qui romance notre expérience de terrain durant ces cinq mois de projet.


166 - Parler/écrire | Rezé

Rue de la Basse Île, 9 mars 2013, 16H00 : M. et Mme Lelong étaient là, l’un derrière le portail côté jardin, l’autre devant, côté rue. Ils discutent. Des dernières récoltes matinales, des poules pondeuse de simone - l’ancienne patronne du jeu de boule de la Haute île - qui perd la tête en maison de retraite, de la larme qui à coulée quand les citernes ont disparues en face de chez eux, il y a maintenant un an, des capacités de Bidule - leur chien - pour chasser les Roms de leur potager, du rendez-vous chez le chirurgirn qui les obligeront à remettre les pieds sur Nantes - endroit impratiqué depuis plus de 10 ans par Mme Lelong, de la clé - bien inutile maintenant - qu’ils possèdent pour accèder aux berges, du rachat de la maison de Mme Hubert par de jeunes inconnus qu’ils n’ont toujours pas croisés, des gelées de 86 et du temps qu’il fera demain. Enfin la nuit tombe il faut rentrer les poules.

Rue Véga, 20 Mars 2013 14h22, Vue vers la haute-ïle : Mur routier ou barrage de transport. C’est une sorte de mur de Berlin qui a déchiré les îles de Rezé du centre. Quatre allées, dures et sèches, nous permettent de rentrer aux îles : Rue de l’île Massé, Boulevard de Victor Schoelcher, l’ex avenue des Marronniers, aujourd’hui la zonne Atout-Sud et rue de la Californie. On a l’impression que les Rezéens et les «îliens» ne se côtoient pas souvent. Le chemin de fer, le boulevard du général de Gaull, ainsi que la route de Pornic ont créé une sorte de frontière.


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Rue de la Californie, 11h31 : M. y accrocha car de toutes façons, il avait du mal à entendre à cause du brouhaha des voitures. Visiblement dégouté d’avoir raté le dernier bus de trois minutes, il ne daigna pas saluer le viellard qui lui lançait de gros regards aguicheurs sur sa gauche et reprit son chemin en direction de la Sobreda - Boucherie gourmande - charcuterie - boucherie - Volaille - fromage - traiteur - vin - OUVERT aux particulier en se remémorant le panneau qu’il avait lu cent mètres avant : «La marche effet durable pour la santé».

Quai de l’échouage, le 9 mars 2013 à 17h37 : «Alors ça dessine ?» La curiosité permet d’engager la conversation. «Ahh le Saint-Germain… le seul bateau qui passe…» La nostalgie dans sa voix reflète son regret de ne plus venir les pêcheurs passer. Comment c’était avant ?Apparemment les bateaux donnait vie à la Loire la nuit. Haute-Ile, c’est mieux que Trentmoult, c’est moins lisse. Enfin… Il aimerait bien qu’on bouche les trous de la route de temps en temps.


168 - Parler/écrire | Rezé

Pont de Pornic, le 10 mars à 19h00 : «Vous aimez la photo ?» Jeune homme, lunette de soleil, blouson bleu, sourire aguicheur. «C’est vrai que la lumière est belle». En effet la fabrique se voit sublimée par ce coucher de soleil. Et nous fait parler photographie. Discussion étonnante, contexte étrange.

Trentemoult, le 10 mars 2013 à 16h00 : Un dimanche après-midi. Une odeur de crèpe flotte dans l’air. La pluie vient de tomber, les ruelles sont vides mais des paroles et rires d’enfants viennent percer le silence. L’un raconte son voyage en Inde, l’autre ne le croit pas. L’un essaye, tant bien que mal, de faire du vélo sous le regard inquiet de son père. L’autre hésite à emprunter la grande descente du toboggan. D’autres s’inventent des histoires, en imaginant un monde fantastique parmis les hangars de taule. Les parents sourient et ne le prennent pas vraiment au sérieux.


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Rue Raphaël Lancelot, 15 mars 2013, 15h00 : En ce jeudi après midi du mois de mars Sarah et Benjamin profitaient des quelques rayons de soleil pour déployer leurs ustensiles de peinture en extérieur. La future création qu’ils ébauchent est plutôt improvisée - une commande de leur propriétaire qui désir égayer l’une des portes de son hangar. Cet ancien entrepôt est un lieu qu’ils partagent depuis mao

Place des chantiers de Béziers, samedi 9 mars, 17h00 : Comme tous les samedis, après le cours de théatre, Zoé et Noémie ont l’habitude de rester ensemble en attendant que Martine - la mère de Noémie qui habite Rezé - vienne la chercher. Elle en profitent pour potiner et se livrer leurs derniers secrets. Leur endroit favoris pour se retrouver est une vieille péniche abandonnée cachée dans les broussailles. Mais aujourd’hui, elles ont plutôt envie de bouger. Elles décident donc d’enfourcher leurs patinettes respectives et se rendent sur la petite placette avec les palmiers où il n’y a jamais personne. C’est plutôt tranquille comme lieu et puis…c’est tout bétonné, alors pour rouler c’est le top.


170 - Parler/écrire | Rezé

Quai Surcouf, 24 mars 2013 8h29 : Monsieur Y était étonné par cet endroit caché, agréable, qu’est la promenade des bords de Loire. Nous avons choisi entre les deux parcours proposé la grande boucle de 17 km, laquelle était l’occasion de découvrir un circuit sauvage dans la ville de Rezé.

Rue Ordronneau, 9 mars 2013 17h07, Vue vers le bâtiment pôle jeunesse : «C’est un batiment à l’aspect moderne qui ce trouve au milieu d’un quartier ancien se trouvent des activités commerciales et industrielles», disait Mme X, l’une des employés du pôle jeunesse. «Quand je regarde derrière moi, je vois trentemoult, ça me rappelle la belle époque, mais quand je vois devant moi je constate les délaissés qui grignote dans le site».


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Rue de la Basse ile, 17 Avril 2013 20h00 : Madame et Monsieur X profitent du sens unique de la route pour faire du footing, quand la ville a changé le sens de circulation des voitures, ils ont constaté qu’il y en a eu de moins en moins.

Rue Véga, 20 Mars 2013 14h22, Vue vers la haute-ïle : Mur routier ou barrage de transport. C’est une sorte de mur de Berlin qui a déchiré les îles de Rezé du centre. Quatre allées, dures et sèches, nous permettent de rentrer aux îles : Rue de l’île Massé, Boulevard de Victor Schoelcher, l’ex avenue des Marronniers, aujourd’hui la zonne Atout-Sud et rue de la Californie. On a l’impression que les Rezéens et les «îliens» ne se côtoient pas souvent. Le chemin de fer, le boulevard du général de Gaulle, ainsi que la route de Pornic ont créé une sorte de frontière.


172 - Cartes collectives | Apports thĂŠoriques

Cartes collectives


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Des (ordres) Chérif Hanna

Eléments extraits et réinterprétés de l’exposé de G. Hanning, architecte urbaniste Conseiller technique à l’IAURP en septembre 1973. On se donne comme ligne d’approche une recherche d’un ordre des paysages. Il y a un système géométrique très strict qui règle la disposition des fonds parcellaires sur le relief ; la trame foncière.1 La trame foncière est la structure globale du réseau des limites des parcelles. Le mécanisme de fixation ou déplacement des limites n’est pas le fruit du hasard ; il est le produit d’un processus historique dans le cadre de systèmes juridiques et de lois économiques, mais aussi dans le cadre de systèmes géométriques et géographiques : trame agraire, trame forestière, trame d’agrément, trame viaire, trame solaire, etc… Chacun de ces systèmes se caractérise par : > un type de mise en valeur selon une technologie, schématisée dans ses contraintes géométriques par rapport au site, > des lignes de forces spécifiques, > une inertie. L’inertie de ces systèmes explique leur conservation en dépit de mutations ultérieures des modes d’occupation du sol et des technologies. Elle justifie en particulier l’importance attachée à la trame agraire. Les lignes de force de la trame agraire sont : - la ligne de plus grande pente, quelle que soit la valeur de la pente, - sa perpendiculaire, c’est à dire approximativement la courbe de niveau. Cette organisation s’explique par la technique traditionnelle du labourage. Schématiquement, le labour consiste à tracer des sillons permettant de minimiser la dépense d’énergie nécessaire à l’ameublissement du sol, en maîtrisant l’écoulement des eaux. Cela exige le respect des quelques règles suivantes : - le sillon est rectiligne,¬ - le sillon a une longueur optimum (environ 200 mètres) - le sillon est perpendiculaire à la ligne de plus grande pente, quand la pente est forte ; supérieur à 6%, - le sillon est parallèle à la ligne de plus grande pente quand la pente est faible. Le champ traditionnel idéal est un rectangle dont les dimensions sont déterminées par la longueur optimum de visée (200 mètres), par le rayon couvert par la volée du semeur (5 mètres), par le travail pouvant être effectué en une journée. Le journal est donc l’unité de surface de l’ancien régime qui survit avec l’acre britannique : 200 m x 20 m = 4 000 m2 soit 40 ares. 1 In approche foncière du paysage ; un instrument de composition urbaine, par Nicole Gretzel, géographe à l’IUARP – 1973.


174 - Cartes collectives | Apports théoriques

Ces normes sont ajustées au terrain. La juxtapositions des champs, découpée selon cet ordre géométrique et géographique, permet de couvrir la totalité du territoire, de même que des morceaux de cuir pratiquement rectangulaires lorsqu’ils sont cousus tous ensemble font un ballon de football et lorsqu’ils ne sont cousus qu’en partie seulement reconstituent une surface concave ou convexe pouvant être assimilée à des surfaces topographiques.

La ligne de plus grande pente n’est une droite que lorsque la surface du sol est réductible à un plan. Elle est une courbe sur toute autre surface (convexe, concave,…). Les parcelles pavent la surface du sol en s’adaptant au modelé du relief.

La mosaïque parcellaire est tracée suivant les lignes de plus grande pente du terrain.


175 Il y a donc, d’abord, un ordre géométrique très simple et très rigoureux. Ensuite, les éléments de superstructure tels les maisons, murs, haies, arbres, caniveaux, etc…, ne sont pas implantés n’importe comment. Ils s’implantent toujours sur une génératrice ou une perpendiculaire à la génératrice de ces surfaces.

1) Il y a un ordre foncier strictement adapté aux reliefs. Le parcellement foncier, d’origine agraire, forme la trame fondamentale du paysage.

2) Les éléments plantés et bâtis s’ordonnent conformément à l’ordre géométrique des sillons.

3) Les éléments bâties, anciens et nouveaux, s’inscrivent d’eux mêmes dans le canevas parcellaire : l’ordre fondamental rural s’impose à l’urbain.

Cet ordre géométrique simple est amené à cohabiter avec d’autres qui viennent se superposer sur lui. L’exemple de Paris 1

1 In la composition urbaine en région parisienne, exposé de la réunion d’information du 28 septembre 1973 – Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne.


176 - Cartes collectives | Apports théoriques

L’exemple de Paris (suite…)


177 L’analyse par soustraction Mario Gandelsonas est un architecte américain d’origine argentine. Il exerce à New-York et est professeur à Princeton. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur l’analyse urbaine et de dessins vendus tels des œuvres d’art. Il a travaillé en France en 1968, avec Rolland Barthes. Décrivant la ville américaine et un de ses projets à Shanghai, il présente sa démarche de projet, fondée sur l’analyse urbaine.1 « mon mode de représentation et d’analyse tend à appliquer aux différentes couches de la ville américaine un processus de soustraction. En retirant du plan de Manhattan la trame de 1811, apparaît clairement Broadway, l’ancien chemin indien, qui suit l’irrégularité du sol : soustraire la trame révèle l’histoire et la géographie.

the master’s bedroom Max Ernst 1920

1 In projet urbain, n°15 de décembre 1998 –publication éditée par la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction – Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement.


178 - Cartes collectives | Apports thĂŠoriques

Mario Gandelsonas Etudes sur Boston


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180 - Cartes collectives | Cordemais

Là où je vis... par les élèves de CE2 et CM de l’école Sainte Anne de Cordemais


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‘‘la ville playmobil’’

« Cordemais, c’est très beau et bizarre à la fois »

‘‘Le jardin périurbain’’ ‘‘cité dortoir ’’ ‘‘les pylones, le fil du temps’’ ‘‘PAF la piscine , PAF le terrain , Paf l’hippodrome’’

Grille d’urbanisation des presqu’iles entre les marais

‘‘le cimetère et le placard’’

Hameaux

Estuaire de la Loire

‘‘les cheminées c’est le pot d’échappement de la planète’’

‘‘la centrale c’est notre vache à lait ’’

Pointer du doigt

La métaphore domestique au profit du renversement des valeurs Entre imaginaire construit et réalités territoriales. Quand pour parler d’un territoire et de ses pratiques, nous procédons à la métaphore bouleversant totalement les échelles et mettant en tension les éléments présents : les marais deviennent ‘‘le jardin périurbain’’ alors que la centrale est ‘‘une vache à lait’’. Cette carte est issue de paroles habitantes échangées au cours des premiers ateliers publics et de nos premières intuitions sur les différents espaces. La métaphore permet de faire glisser doucement la description objective d’un lieu vers la critique, elle met en tension le territoire et ses composants avec le grand territoire, avec la situation socio-économique, avec la politique de la ville...

Cette carte et les dessins d’enfants permettent aussi d’établir des points de valeur dans le territoire, lieux que les habitants pointent du doigt souvent, donnant alors des indices et pistes de travail. Par exemple si les enfants dessinent pour une grande majorité la centrale, les adultes nous expliquent qu’ils ne la voient même plus. Alors comment se fait-il que les enfants la voient et les adultes ne la voient plus ? Peut être trouverait-on une réponse par la parole d’un habitant : ‘‘mes voisins quand ils ont reçu pour la première fois leur taxe d’habitation ils ont dit «Purée ! c’est pas cher ici ! On la voit même plus la centrale du coup.»’’


182 - Cartes collectives | Cordemais


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Désir de Loire Un des paradoxes que ne révèle pas la carte du territoire de Cordemais, c’est que la Loire est certes proche, mais très absente du territoire. Elle n’est visible et physiquement atteignable qu’au bout de l’île de la centrale, ce point de vue est d’ailleurs le lieu d’implantation de la villa cheminée, œuvre du parcours d’art contemporain : Estuaire. On peut également l’apercevoir de loin depuis les hauteurs du sillon de Bretagne. Sinon c’est une Loire sousjacente qui se donne à voir et à se ressentir à travers la planéité des paysages, l’absence de végétation, les percées vers un paysage lointain. D’autant plus discrète que certain chemins permettent de s’en approcher, d’accéder aux prairies de Loire. Ces impasses entretiennent un désir de Loire. Le désir c’est un effort de réduction d’une tension issue d’un sentiment de manque. Dans le cadre d’un projet de développement du territoire, est-ce réellement nécessaire de reconnecter

la ville à la Loire ? Ne faut-il pas entretenir ce désir, sentiment plus puissant et moins sujet à déception que la satisfaction hâtive qui transformerait ces points de vue en lieux de consommation du paysage, de manière ultra-touristique. A l’inverse, développer des cheminements qui servent à la fois aux exploitants agricoles et aux promeneurs, qui suggèrent la Loire, qui permettent d’en sentir la présence et parfois la révéler à travers ses caprices d’hiver nous paraît plus pertinent pour ce territoire qui garde les traces d’un fleuve très vivant. En effet la Loire a toujours vu son cours se modifier, et les rives de Loire sont aujourd’hui encore mouvantes, du fait de l’envasement et de l’érosion.


184 - Cartes collectives | Cordemais

«C’était mon jardin avant. Avant que les maisons derrière se construisent.»

PADD Cordemais Limiter, protéger, mettre en valeur, aménager, conforter, favoriser, accueillir, urbaniser, pérenniser, préserver, maintenir, … Autant de termes qui jalonnent ce PADD du nouveau PLU de Cordemais. Le PADD de la commune de Cordemais s’organise suivant quatre grandes lignes : mettre en valeur le patrimoine bâti et naturel remarquable et préserver l’activité agricole, une extension maîtrisée de l’urbanisation, promouvoir des déplacements diversifiés, poursuivre la dynamique économique et commerciale. S’en suive des intentions plus précises telles que : densifier des zones urbaines, préserver et conforter les commerces de la commune, ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation en continuité immédiate des tissus urbains existants afin de limiter la consommation d’espace et le mitage des espaces agricoles, pérenniser l’activité de la centrale thermique, conforter les zones d’activités, préserver les espaces naturels remarquables, maintenir un niveau

d’équipement élevé, dimensionner la station d’épuration du bourg pour l’accueil des futurs habitants, aménagement du parking de la gare, limiter l’urbanisation dans les hameaux, conforter les liaisons douces entre les différents secteurs urbains de la commune… Toutes ces intentions tendent à faire de Cordemais une ville résolument dans l’air du temps, respectant scrupuleusement le SCOT Nantes/Saint-Nazaire. Cependant, avec la volonté de développer la zone de la Croix Morzel où se situe actuellement la gare de Cordemais, ne voit-on pas se dessiner une ville à deux têtes dans laquelle le centre bourg perdrait de son importance ? L’implantation de nouveaux commerces à La Croix Morzel nuirait aux petits commerces de centre bourg qui ont déjà bien du mal à survivre du fait de la situation en cul de sac de Cordemais. « À Cordemais on y va, on n’y passe pas ». Cependant, la commune n’a que peu d’alternatives pour poursuivre son extension, comme nous l’explique Mr Éric Lemerle,


185 ‘‘Limiter... Protéger... Mettre en valeur... Aménager... Conforter... Favoriser... Accueillir... Urbaniser... Pérenniser... Préserver... Maintenir... Préserver...’’

« Dans les prochains PLU ça deviendra plus problématique de s’étendre mais pour l’instant…»

La Croix Morzel

« Tout va vite »

Le Tertre

« Tous ceux qui connaissent le lieu trouvent ça aberrant qu’ils construisent là »

« maintenant il y a trop de maisons à Cordemais »

0

membre du conseil municipal : « Il faut essayer de trouver des solutions pour continuer à accueillir modérément, modestement et raisonnablement du monde ; ce qui est prévu dans le cadre du prochain PLU en cours d’élaboration. Le Tertre, ça se développera à moyen terme. Sur la Croix Morzel, à venir. Dans les prochains PLU ça deviendra plus problématique de s’étendre mais pour l’instant… L’évolution ?… de manière assez figée du coup. J’espère. Les marais restant à mon avis des zones inconstructibles assez longtemps. Plutôt des zones de respiration pour toutes les populations périurbaines qui vivent dans le secteur. Et qui demandent le maintien d’abord de ces espaces et n’oublions pas quand même qu’il y a moult agriculteurs qui travaillent, alors il faut garantir aussi leur existence dans ces marais. Il y aura des soucis à moyen terme pour trouver de nouveaux espaces à urbaniser. Sur le Sillon, on n’a pas le droit c’est protégé, ZNIEF. Ok. Les marais sont protégés. Ok. Là, la centrale avec

Pôles à densifier Urbanisation à court et moyens termes Urbanisation à long terme Eco quartier pour 2017 Station d’épuration Conforter liaisons douces Aménagement du parking de la gare Préserver la trame vertesexistante

son périmètre. Donc il n’y a plus grand-chose. À terme, on peut toujours remplir un peu, mais c’est vrai que dans une centaine d’années ça ne va pas être facile d’être élu et de faire venir du monde dans le secteur. »

1 km


186 - Cartes collectives | Indre


187

Cartographies Habiter avant de bâtir

Deuxième plus petite commune du département avec ses 472 hectares, la commune d’Indre partage avec Nantes la singularité d’être implantée à cheval sur La Loire. Le passé nous montre qu’elle se situe même entièrement dans l’ancien lit du fleuve… Indre, c’est aussi 4006 habitants et 2400 emplois à seulement 8 kilomètres en aval de Nantes… Toutes ces particularités amènent de multiples questions sur son devenir. Nommée « La cité des 3 îles », peut-on encore aujourd’hui parler d’îles à Indre? Qu’engendre un territoire « assis » sur un fleuve ? Quelles sont ses problématiques et ses possibilités d’évolution dans un tel contexte géographique? A l’aube de Nantes 2030, comment Indre, la « petite convoitée», peut faire sa place dans le vaste territoire qu’est l’Estuaire ?


188 - Cartes collectives | Indre

Les venelles de Basse-Indre

Les îles d’Indre sont elles encore des îles ? « Vous avez remarqué au niveau structure quand même, les maisons sont comme des cubes, je sais pas si vous avez vu, à part celle-ci. C’est quand même assez serré, toutes les maisons sont les unes dans les autres, comme à Trentemoult en fin de compte. C’est imbriqué. Et quelque fois on est surpris derrière parce qu’il y a des beaux petits jardins. Comme ça devant on dit y a rien du tout mais derrière si c’est assez grand. (…) Vous avez remarqué c’est souvent en longueur les jardins. En fin de compte les maisons sont pas larges. C’est restreint, c’est plutôt en profondeur. » Jean-Claude Rousseau


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Les villes d’Indre ont une typologie typiquement insulaire les venelles, les parcelles en lanière

La Loire et ses bras dessinent aussi les îles Les anciens étiers contournent les îles

Un relief qui marque clairement l’emplacement des îles Les habitations se sont construites sur la roche, sur les points hauts

Des îles au parcellaire étroit Une forte densité de constructions dans les îles

Un réseau routier qui relie les îles entre elles Des îles au milieu des terrains inondables


190 - Cartes collectives | Indre

Un archipel arrimé au continent L’ancien lit de la Loire, supperposé à la carte IGN actuelle, remet en exergue les anciens contours des îles de l’estuaire et leurs points d’acces. Ces cheminements, composés d’anciennes digues ou de remblais dessinent les liens du « continent » à la Loire.


191

Tous les chemins mènent à la Loire Ancien lit de la Loire Chemin Cul de sac - fin de chemin


192 - Cartes collectives | Indre

Entre traversées et contournements Apres un travail sur les réseaux en complément des ateliers publics qui ont révèlé la grande mobilité des habitants des îles d’Indre, cette carte raconte les mobilitées principales qui se déroulent sur le territoire. La grande proximité de la métropôle Nantaise est révélée par une bonne desserte des transports en commun. On peut noter que le bus qui dessert Indre, dessert largement Basse Indre, peu Haute Indre et pas du tout Indret, ce qui contribue à l’aspect sectorisé de la commune. Les circuits piétons actuels dessinent littéralement le pourtour de l’ile de haute Indre et de basse Indre. Le contour d’Indret, est interrompu le long de la Loire. Les cheminements piétons de randonnée ou de promenade sont nombreux et fréquentés. Les circuits piétons désirés sont des liaisons qui nous semblent importantes de mettre en place afin de rendre plus fluides les circulations douces. Sud Loire, le tracé de la Loire à vélo est bien aménagé, mais l’emplacement des usines Soferti et Arcelor Mittal l’éloigne temporairement du bord du fleuve. On remarque un réel manque d’aménagement au sud de la Loire. Ces différentes observations sur les manières de circuler dans la commune mettent à nouveau en lumière les anciennes îles. Elles sont toujours présentes lorsque l’on analyse les circulations possibles sur Indre.


193

Cheminements principaux Zone naturelle protégée de bord de Zone industrielle inaccessible en bord de Voies ferrées Routes principales Eurovélo, voies aménagées Bus 81 (Nantes) Circuits piétons existants Circuits piétons désirés Connexions inexistantes


194 - Cartes collectives | Indre

Les îles objet 1/ La mairie 2/ La gare 3/ L’église de Basse-Indre 4/ Le bac 1

2

3

4

Des îles usines aux îles mobiles... Au fur et à mesure de la découverte du territoire, se sont révélées de nouvelles qualitées d’îles. Après les îles habitées qui se sont constituées sur les îles rocheuses originelles et îles usines, construites sur des remblais, d’autres territoires sont marqués par des carractéristiques insulaires. Le Bac et les cargos forment des îles mobiles et silencieuses.


195

Carte sensible des îles ressenties, îles objets, îles inventées...

Île industrie Île historique Île lotissement Île parking Île objet Île en friche Île mobile


196 - Cartes collectives | Indre

Un territoire à cheval sur la Loire Les témoignages collectés lors de l’atelier public nous ont révélé la faible communication entre des habitants de la berge Sud et la berge Nord. La Loire est une véritable frontière malgré la présence du bac. L’analyse de la nature du sol montre deux berges différentes. La berge Nord est une ligne tendue qui dessine le trait du coteau de la Montagne. La limite est franche. Alors, que la berge Sud est une ligne souple qui s’enfonce dans le continent caractérisant une limite diluée. Cette différenciation met en exergue l’absence de dialogue géographique entre les deux berges.


197

Basse Indre

Basse Indre inondĂŠe

Indret inondĂŠe


198 - Cartes collectives | Indre C’était magnifique quand on longeait avec les vélos ! Il y avait plein de saumons, il y avait beaucoup d’artisans cordiers sur les quais les ramendeuses aussi.

La Loire elle coupait tout avant, maintenant ça commence à se rapprocher.

C’est une barrière quand même la Loire!

La Loire c’est comme la mer, la traverser c’est une croisière.

C’est que, la Loire elle est tellement dangereuse. J’aime bien faire l’allerretour, ça fait comme un mini-voyage. Il faudrait une maison des pêcheurs. (Un lieu de mémoire, de souvenirs.) Ré-ouvrir des accès piétons et en créer des nouveaux. Avant, on pouvait traverser la Loire à Une guinguette sur l’eau.

la nage.


199

Des berges Singulières : La nature du sol dessine une berge frontale au sud et une berge patchwork au nord Sol artificiel meuble Sol naturel meuble Sol naturel dur


200 - Cartes collectives | Indre

- Indre, une commune de gauche, en quête de logements sociaux. - Seulement 8% de logements sociaux selon le SRU soit un manque de 136 unités. - Basse-Indre : 80 logements / ha - Haute-Indre : 40 logements / ha

Découpages réglementaires : Zone UA Zone UB Zone 2UA (destinée à être urbanisée fortement) Zone UG (réservée aux équipements publics et industries) Zone UE (réservée aux équipements publics, commerces et tertiaires Zone NN (espaces naturels et protégés) Zone NL (espaces naturels destinés à être aménagés)

«

Une politique de développement urbain en cours de mutation On a quelques opportunités, il y a cette parcelle (Soferti)... qui viendra peut-être fonder une quatrième île d’ailleurs. Et puis, on a cette parcelle là, mais qui ne nous appartient pas, qui appartient au groupe Arcelor Mittal. Ils ne voulaient aucune construction dessus, mais aujourd’hui, ça prend une autre forme. Je pense que les enjeux aussi chez eux ont changés, donc vendre du patrimoine ça les arrange aussi. Et cette partie là aussi en fait n’a jamais été exploitée, faisait partie du groupe AZF Soferti mais n’a jamais été exploitée. Donc là aussi il y a une possibilité de faire des équipements publics et puis aussi du logement. Mais alors avec des contraintes !

»


201


202 - Cartes collectives | Indre

«

Il y a quelques années, le maire a essayé de voir avec les dirigeants de la DCNS d’Indret si au niveau du foncier ils n’avaient pas quelque chose à céder…Pour eux c’était impensable !

( DCNS : état français à 65% + Thalès à 35%...) Gilles OLIVIER, Responsable du cabinet de Maire.

»

Un zonage avec des incohérences face aux risques naturels

«

Lors d’une réunion publique sur Haute-Indre sont apparus des intérêts particuliers complétement contradictoires des habitants avec certains qui disaient « Nous, on ne veut pas de voisins, on habite à la campagne, on ne veut pas de voisins ! » et d’autres qui sont propriétaires qui se disent que s’ils ont deux bouts de terrains ils vont se faire un paquet d’argent…La collectivité est obligée d’arbitrer tout ça dans l’intérêt général. (…). Même si vous densifiez le bout de Haute-Indre, vous n’arriverez pas à rattraper le manque de logements sociaux sur la commune. La seule possibilité logique de rattraper notre quota sont les deux futurs sites de Arcelor-Mital et Soferti. Se pose alors le problème de mixité sociale est-ce qu’à 50/50 on a encore de la mixité sociale ? Faut-il absolument rattraper notre déficit de logements sociaux au risque de retrouver les problèmes des quartiers comme Bellevue et Les Dervallières ? Gilles OLIVIER, responsable du cabinet du Maire. d’Indre.

»


203

Des zones d’insubmertion et de submertion aléa faible à bâtir. Zone d’insubmertion Zone de submertion aléa faible Zone de submertion aléa moyen Zone de submertion aléa fort et très fort Zone de potentionalité projectuelle


204 - Cartes collectives | RezĂŠ

zones indondables alĂŠas faible

(h<0.5m) moyen

(0.5<h<1m) fort (h>1m)


205

La Loire, obstacle et ressource du territoire Le rapport du site à l’eau L’étude du rapport à l’eau semble essentielle étant donné le passé de notre territoire, notamment par la topographie du site, anciennement composé d’iles mais aussi par la présence des anciennes populations de pêcheurs. Au cours des Ateliers Publics nous avons ressenti une certaine nostalgie chez les habitants quant au passé de la Loire. Mais aussi de nouvelles envies : une recherche de tranquillité, une vie au bord de l’eau et en retrait de la ville. Pour aborder cette thématique nous avons tout d’abord analysé les zones inondables et les traces des anciens usages ligériens : la pêche, la baignade, les chantiers navals, le roquio etc. A quel moment ont-ils été les plus sollicités? De cette première analyse nous nous sommes demandés ce qu’il restait de ces usages aujourd’hui. Nous avons pu classer trois nouvelles catégories : l’abandon (les cales de la Sablière, les péniches de Norkiouse,

la pêche), le réemploi (les deux péniches habitées, les cales de Trentemoult, la pêche à Haute-Ile) et la valorisation (le navibus et le CNSL). Enfin nous nous sommes questionnés sur la perception de la ville face aux espaces des berges. En étudiant les projets d’aménagements réalisés ou non, en cours et futurs. Comment fonctionnent-ils? Quels sont leurs atouts et leurs contraintes? Plusieurs problématiques se sont alors révélées. Quelles orientations donner aux aménagements des berges de notre territoire? Quels usages sont à revaloriser, à apporter? Que faire des espaces délaissés? Quelles constructions sont possibles face aux réglementations? Au sein des différents acteurs du territoire, qui dirige les projets ?


206 - Cartes collectives | Rezé

sablière

trentemoult pendule

norkiouse

basse-île

félix eboué

colas

haute-île

haute-île


207

Le site des anciennes îles de Rezé est singulier par la diversité des activités qu’il comporte dans un même espace. XXe

XIXe

XVIIIe

Les zones d’habitations, présentes depuis plus d’un siècle pour les plus anciennes, sont constituées de deux « villages » principaux : Trentemoult et Haute Ile avec des habitations plus éparses entre les deux dans les zones de Norkiouse et Basse Ile. Ces logements, historiquement habités par des pêcheurs, sont des maisons individuelles d’une typologie bien particulière. Elles sont généralement petites, étroites et hautes, et sans jardins. Depuis une vingtaine d’années, ces habitations sont colorées par leurs propriétaires et possèdent un attrait touristique particulier notamment sur le village de Trentemoult. Cette attraction se fait aussi ressentir dans les nouvelles populations qui s’installent sur le territoire. On y trouve aussi des équipements publics de différents types. L’école Jean Jaurès, très dynamique depuis quelques années apporte une vie de quartier importante. La Maison des Iles, maison de quartier située sur Trentemoult, est aussi une centralité pour les habitants. Les nouvelles cliniques, installées depuis 2003, sont elles aussi un lieu d’interaction à l’échelle métropolitaine. On trouve sur le site quelques activités associatives et de loisir tel que le Centre Nautique Sèvre et Loire (CNSL). Plus récemment, on peut aussi mentionner le Crasy ball 44 qui a réinvesti un hangar industriel et permet une pratique du paint ball.

abandon

réemploi

valorisation

Mosaïque des îles

Un mille-feuilles d’activités en mutation

D’un point de vue commercial, on distingue deux échelles de commerces. Dans les « villages » on repère, bien que leurs nombres aient considérablement diminués, de petits commerces de proximité : restaurants, cafés, boulangerie…D’une toute autre échelle, des bâtiments commerciaux se sont installés depuis les années 50 sur une large zone du territoire. On trouve ainsi le centre commercial Leclerc Atout sud bordé par divers bâtiments commerciaux tels que Leroy Merlin, Conforama ou encore Gemo qui attire une population métropolitaine. Un pôle industriel s’étend sur la zone ouest du territoire. On y trouve des entreprises diverses et variées des secteurs secondaire et tertiaire qui accueillent, durant la journée, des employés au sein de la zone. Enfin, on constate des zones laissées à l’abandon tel que la sablière à l’est et le site des anciens abattoirs. Le futur aménagement de ce dernier, par sa centralité et sa large emprise foncière, est aujourd’hui en débat.


208 - Cartes collectives | Rezé

8 7

11

13 6

14

9 1

12

15

4

Habitat

Équipements publics

Loisirs

1 Logement collectif 2 Résidence étudiante

3 Nouvelle clinique nantaise 4 Bâtiment TAN 5 Pôle emploi 6 École 7 Maison des Iles

8 Pain ball 9 CNSL


209

2 10 3

5

Industrie

Commercial

Friches

10 Alva 11 Colas

12 Leclerc 13 Boulangerie

14 Ancien abattoir 15 Sablière


210 - Cartes collectives | RezĂŠ

Sites de ĂŽles 1856


211

Aperçu historique L’évolution des îles de Rezé

Pour mieux comprendre les limites des anciennes iles, nous avons cherché des cartes historiques de l’époque celtique à nos jours. En 1856, on constate plusieurs événements marquants : la construction du pont de Pornic et du pont Mottes (ou Pont Massé) et l’apparition du chemin n°11 qui relie Haute Ile à Trentemoult. Haute-Ile, NorthHouse et Trentemoult ont un rapport direct avec la Loire alors que Basse Ile est située de l’autre coté du chemin. L’ancienne avenue des Marronniers aujourd’hui nommée avenue du Maréchal à North House mène vers un autre village. Avant la construction de l’église Saint Pierre le chemin des Marronniers avait une continuité. Le quartier Saint Lupien est construit à la place de la cité Gallo Romaine.

Les îles à l’époque Celtique

Les îles en 1856

La carte actuelle montre l’arrivée du chemin de fer et le début de l’endiguement du Seil. Le chemin n°11 change de nom pour devenir le chemin d’intérêt commun qui va jusqu’au village des Couet. On constate en même temps la construction du pont des Couets. À partir de ce moment, le Seil est régulièrement comblée. L’autorisation de construction de la route nationale est lancée en 1949 et quelques années plus tard le chemin de fer est construit, il permet de rejoindre le port à bois. Au fil du temps la route prend une ampleur de plus en plus importante et marque une certaine frontière entre Rezé et ses iles.


212 - Cartes collectives | RezĂŠ


213


214 - Cartes collectives | Rezé

Un coeur de métropole en pleine croissance urbaine

Mobilités et connexions entre grands projets métropolitains

Bas-Chantenay (en projet)

Lignes de Tramway et Busway

Transport fluvial Navibus

Z.A.C des Isles (en projet)

Perspectives 2030 Tramway et Busway

Perspectives 2030 Navibus

Île de Nantes 2000-2030 (en réalisation) Coeur de ville 2015 (en réalisation) Malakoff/Pré-Gauchet 20012015 (en réalisation)

Lignes de Chronobus Perspectives 2030 Chronobus

?

Perspectives d’infrastructures 2030 : franchissements, noeuds de connexion


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Les îles en déplacement

Une enclave sous tensions Les îles sont aujourd’hui caractéristiques du glissement du centre de Nantes, entouré de grands projets urbains et apparaît comme le prochain territoire de développement métropolitain. Si celui-ci présente un emplacement attractif (car proche du centre-ville de Nantes) et de nombreuses friches à exploiter, le devenir des îles de Rezé est aussi conditionné par l’épineuse question du déplacement de l’aéroport Nantes-Atlantique à Notre-Damedes-Landes qui viendrait modifier le faisceau des réseaux de mobilités du Sud de Nantes ainsi que les potentialités de construction sur le territoire des îles. À une échelle plus réduite, un premier élément

important est la route de Pornic, aujourd’hui barrière du site, élément de contournement des îles, peut-on l’imaginer axe apaisé en devenir ? Le site, ensuite, nous apparaît aujourd’hui, sous l’angle de la mobilité, comme un ensemble de mondes séparés, conditionné en grande partie par les modes de déplacements : des zones industrielles sculptées par l’accessibilité aux gros transporteurs routiers et ferroviaires aux villages de pêcheurs trop étroits pour être praticables en voitures en passant par les zones commerciales et leurs immenses espaces alloués à l’automobile. Se pose alors la question de l’intermodalité des déplacements à la frontière de ces mondes.


216 - Cartes collectives | RezĂŠ


217

Les Isles en déplacements Chemins piétonniers Lignes de bus

Générateurs de déplacements métropolitains Barrières du territoire

Lignes de tramway


218 - La métaphore d’une île

Collage


< Pablo Picasso, Nature morte à la chaise cannée, huile sur toile cirée sur toile encadrée de ficelle, 29 x 37 cm, Musée Picasso, Paris.

219

Le collage comme structure mentale Chérif Hanna

Agencements La technique du collage consiste à prélever un certain nombre d’éléments dans des œuvres, des objets ou des messages déjà existants et à les intégrer dans une création nouvelle pour produire une totalité originale où se manifestent des ruptures (discordances) de types divers. Les éléments prennent une valeur dans la mesure où ils sont isolés de leur contexte habituel et participent à un montage original. Une activité plastique qui permet de réaliser des agencements d’éléments disparates sans que les parties soient liées dans des rapports « organiques » dans une formation close. Des collages Cubistes: autour de l’objet directement emprunté au monde réel Des papiers collés (découpés): des papiers de couleur qui remplacent la couleur Surréalistes - Max Ernst: emprunte des éléments dessinés « Chez Max Ernst, il en va tout autrement. Les éléments qu’il emprunte sont surtout des éléments dessinés, et c’est au dessin que le collage supplée le plus souvent. Le collage devient ici un procédé poétique, parfaitement opposable dans ses fins au collage cubiste dont l’intention est purement réaliste. (…) Tous ces éléments serviront à Ernst pour en évoquer d’autres par un procédé absolument analogue à l’image poétique. Toute apparence, notre magicien la recrée. Il détourne chaque objet de son sens pour l’éveiller à une réalité nouvelle. « Et si tout ce qui est ainsi extraordinairement ordinaire trouve par hasard quelqu’un pour en ressentir l’insolite. » « Il est certain que le merveilleux apparaît à celui qui peut le considérer avec lenteur comme une instance dialectique née d’une autre instance perdue. Le mervelleux s’oppose à ce qui est machinalement, à ce qui est si bien que cela ne se remarque plus, et c’est ainsi qu’on croit communément que le merveilleux est la négation de la réalité »1 Ready made Louis Aragon fournit, à propos des papiers découpés de matisse, une analyse du processus du collage: « dans la peinture traditionnelle l’artiste part de zéro, du blanc, du vide, mais dans le collage, le point de départ, c’est l’objet donné, l’objet non peint sans doute, mais qui se trouvera finalement incorporé à la peinture,… . la pensée du peintre a pris le pas sur l’objet initial, l’objet réel, emprunté au monde extérieur semble peint…,… une manche retournée demeure une manche» > la relation d’une forme à sa signification n’est pas rigide; > la possibilité de faire un emploi figuré de symboles constitue une puissante ressource d’expression et d’innovation. > La question de l’abstraction Le divorce qui s’est établi entre la représentation des choses et le nom qu’elles portent. dans l’écriture, c’est l’abstraction qui a vaincu. Le développement de la peinture est tardif Refiguration2 comment instaurer une tension entre des objets dessinés et des fragments matériels du monde réel? 1 Aragon Louis, les collages, collection savoir, Hermann, Paris, 1980 (1965) 2 Ricœur Paul, la refiguration : théorisé dans Temps et récit vol.III, seuil, paris


220 - La métaphore d’une île

David Griffin et Hans Kolhof, City of composite presence.

l’élément emprunté au monde réel se trouve « refiguré » dans son nouveau contexte; c’est-àdire valorisé pour ses propriétés qui n’étaient pas explicites au préalable. le collage n’est pas seulement un procédé technique mais surtout une structure mentale: imaginer des modalités d’enchaînement de séquences en toute indifférence par rapport à l’origine et la fin du processus une pratique dite « désintéressée » : un lieu où s’inventent des structures de pensées alternatives. > le collage comme procédure de conjonction de type et/et (opposée à la disjonction exclusive de type ou/ou. explorer toutes sortes de combinaisons inédites, qui elles mêmes, en fonction des résultats solliciteront des reprises et d’autres métissages imprévisibles. > le désir d’expérimentation sans certitudes absolues. Plan game « Le plaisir du jeu résidait plutôt dans la transgression du tabou éclectique. A une époque où le fonctionnalisme ambiant ne tolérait pas qu’une composition spatiale puisse exprimer d’autres conditionnements que ceux de ses contenus programmatiques, des techniques constructives et de l’ «esprit du temps », cette manière de façonner des espaces avec des systèmes constructifs hybrides, des plans indéterminés en terme d’usage et indifférents à l’idée de synchronie, ne pouvait passer que pour une canaillerie. Pourtant, ce jeu avait un fondement sérieux : Il postulait que la relation d’une forme àsa signification n’est pas rigide, qu’au contraire, la possibilité de faire un emploi figuré de termes ou de symboles, pourvus d’un sens littéral conventionnel, constitue une puissante ressource d’expression et d’innovation, dont l’histoire de la langue et des arts en général n’a jamais cesseé d’enregistrer les effets. Si les formes disposent d’un réservoir de polysémie qui les immunise contre le passage du temps et leur permet à tout moment d’accepter de nouveaux contenus, de nouveaux usages,


221

Hommage à Yves Brunier, paysagiste.

d’être acclimatées dans de nouveaux environnements, le procédé du clooage s’affirme alors comme un formidable instrument de recyclage, de reconquête du temps et d’initiation à la poésie d’espaces joyeusement et savamment désordonnées.1 Le renard et l’hérisson.. « Le renard sait bien des choses, mais le hérisson sait une grande chose »2 l’hérisson pose la primauté d’une seule grande idée, le renard s’expose à une multitude de stimuli. « La pratique collagiste, telle qu’elle se présente aussi bien dans un papier collé que dans une composition de ‘sampling’ musical, opère des resémantisations de formes existantes. Elle insère et retravaille des corps étrangers dans un contexte représentationnel donné, non seulement pour troubler le rapport entre le réel et sa figuration, mais aussi pour élargir le champ assigné à la rematon esthétique, désormais obligée de tenir compte de mécanismes d’intégration et d’introjection d’habitus de lecture, de décodage et de prception exogènes. (…) Au delà, il est possible de dire que le collage est aussi, plus qu’une technique atérielle, un mode spécifique de pensée qui procède par des gestes circonscrits de liaison et de déliaison entre les éléments qu’il met en jeu. »3 Le collage : un dispositif de synthèse de l’hétérogénéité La dimension philosophique du collage (déjà annoncée par Aragon en 1965 dans Les Collages, Paris, Hermann) mérite donc d’être considérée comme phénomène propre à la modernité : O. Quintyn considère qu’il recouvre une « opération de symbolisation — qui prend nécessairement une dimension cognitive » (p. 21). Il s’agit donc pour l’auteur de démonter un problème épistémologique majeur dans la représentation du monde à partir du collage, s’appuyant sur la théorie de l’incommensurabilité4 énoncée par Paul Karl Feyerabend pour tenter de démontrer que le collage en est la manifestation plastique. L’assemblage de deux unités autonomes produit en effet un conflit : seul le dispositif, qui les 1 Malfroy Sylvain, EPFL, Lausanne, Laboratoire d’histoire de la ville et de la pensée urbanistique, in présentation de Collage City, Rowe Colin, Koetter Fred, collection Archigraphy, In Folio éditions, CH, 2002. 2 Berlin Isaiah, The Hedgehog and the Fox, Londres, 1953 3 Quintyn Olivier, Dispositifs/dislocations, Lyon : Al Dante / Questions théoriques, coll. « Forbidden beach, », 2007, 144 p., EAN 9782849571156. 4 Quintyn emprunte à l’épistémologue Paul Feyerbend la notion d’incommensurabilité. Sont incommensurables des vocabulaires dont les conditions de significabilité demeurent incompatibles.


222 - La métaphore d’une île

englobe de façon plus large, peut leur ménager un sens, même si ce sens dénonce l’absurdité des assemblages. « Cette logique implique qu’il n’y a pas un seul monde vrai, mais plusieurs modes de construction de mondes possibles simultanés, en conflit, que seuls un ou plusieurs effets de dispositio logiquement et génétiquement postérieurs peuvent articuler » conclut O. Quintyn (p. 25).1 Art et collage Le terme collage provient de la terminologie de la peinture comme une remise en cause de la bi dimensionnalité du tableau. Une approche pragmatique de cette technique a surgit, à partir de 1912, dès l’instant cubiste des peintres P. Picasso et G. Braque, ouvriers d’un « art de laboratoire » qui transforma le papier collé, le collage, le relief en machinerie, fabriques, petits théâtres, montrant leurs cordes et leurs épingles, leurs coulisses et leur percées, leurs strates et leurs interstices. Cette énumération désigne le fondement de la recherche cubiste : l’espace à fonctionnement multiple. Leur travail consiste alors à coller sur la toile des matériaux divers déjà existants. Les deux peintres appellent d’abord cette technique «papiers collés». Une des premières œuvres à relever du collage fut « Nature morte à la chaise cannée » de Picasso, en 1912, devant être interprétée comme la mise à plat d’une élévation. « (...) Morceau de cannage de chaise qui n’est ni vrai ni peint puisqu’il s’agit d’un fac-similé en toile cirée, qui a été collé sur la toile et recouvert partiellement de peinture. En une seule image, Picasso jongle avec la réalité et l’abstraction dans deux supports, et à quatre niveaux ou rapports différents. (...) [Et] si nous nous arrêtons pour penser lequel est plus “ réel ”, nous quittons soudain la contemplation esthétique pour la contemplation métaphysique.» A. Barr2 « ... Le collage naît de la rencontre entre des réalités différentes sur un plan qui n’y semble pas approprié - et l’étincelle de poésie qui surgit du rapprochement de ces réalités » M. Ernst Cette technique, trouve une résonance un peu partout en Europe, des futuristes italiens à l’Avant- garde russe (A. Rodtchenko et G. Klutsis), et surtout chez les dadaïstes (R. Hausmann) puis les surréalistes (M. Ernst) qui renouvellent le procédé du collage. Rapidement, le collage et ses nombreux prolongements – comme le photomontage – s’incorpore complètement aux usages de l’art moderne, on le retrouve aussi bien chez Dubuffet que chez les affichistes du Nouveau Réalisme ou encore dans le Pop Art. « C’est comme des mariages d’amour et de raison : des choses s’attirent et je les mets ensemble, ou bien elles ne s’attirent pas et je les mets ensemble. » J. Tinguely Dans la seconde moitié du XXe siècle, le collage est partout ou presque, aucun art n’est épargné par la tentation collagiste. L’explosion des tendances et la multiplication des pratiques individuelles sont à l’origine de toutes sortes de collages en deux ou trois dimensions. Dans la diversité, refusant toute doctrine et tout modèle normatifs, en correspondance avec des intentionnalités multiples et parfois contradictoires, les expérimentations collagistes produisent des œuvres novatrices, défiant les règles de l’art «ancien». 1 In Magali Nachtergael -»Le collage : une lecture épistémocritique du réel», Acta Fabula, Notes de lecture, 2010 2 Barr, Alfred Hamilton jr., est historien d’art américain et premier directeur du Museum of Modern Art à NewYork.


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Les œuvres de collage mêlent la réalité concrète et le merveilleux, l’ici et l’ailleurs, l’identifiable et le bizarre, elles dépaysent, perturbent, déstabilisent et provoquent. Peut-on parler de collage non seulement en tant que procédé technique, mais aussi, et sans doute surtout, en tant que structure mentale ?
 Littérature et collage « Cette vie émotionnelle des mots, très loin de n’être que fonction de leur sens, les dispose à ne se plaire les uns aux autres et à ne rayonner au-delà du sens que groupés selon des affinités secrètes, qui leur laissent toutes sortes de nouveaux moyens de se combiner.» A. Breton Le langage n’est pas seulement un moyen de communication, une médiation entre les locuteurs mais il a sa vie propre, son mode particulier d’existence indépendamment de l’utilisation que l’on peut en faire. Cette négation de sa fonction de communication révèle son activité créatrice. La découverte d’un « au-delà du sens », les combinaisons infinies proposées par le langage font signe vers un ailleurs. La leçon surréaliste consiste dans sa capacité à créer «un monde» qui dépasse les emplois ordinaires du langage, de transgresser ses limites, aller au-delà du concevable et du dicible tels que les détermine la pensée majoritaire. « Aujourd’hui toutes les opérations relèvent, même sans le vouloir, du cadavre exquis (...). »
R. Koolhaas Les capacités poétiques de la pensée non dirigée peuvent être mises en lumière par une collectivisation de l’activité mentale ; en allant au-delà de la subjectivité personnelle, on découvre où peut mener un discours dont les éléments proviennent de différents locuteurs. Il est permis, dit le Manifeste du surréalisme de 1924, d’intituler poème ce que l’on obtient par l’assemblage, aussi gratuit que possible, de titres, de fragments de titres découpés dans les journaux. Le cadavre exquis Cette pratique découle de cette théorie. Il s’agit d’un jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, chacune d’elles ignorant ce que les autres ont écrit ou dessiné préalablement. On va ensuite assembler les formulations, en espérant que de leur rencontre fortuite naîtront des phénomènes poétiques inattendus. Ce qui se vérifie c’est donc la puissance métaphorique du langage comme combinaison infinie en libérant, comme dit Breton, « l’activité métaphorique de l’esprit ». L’ensemble célèbre, qui a donné son nom au jeu favori des surréalistes est la phrase « Le cadavre exquis boira le vin nouveau ». Il existe une différence entre le cadavre exquis dessiné et le cadavre exquis écrit. Dans le dessiné, chaque exécutant laisse apparaître une partie de son dessin pour que le suivant puisse continuer ; dans l’écrit le suivant ne voit jamais l’écrit du précèdent bien qu’il doive toutefois écrire dans un ordre prédéterminé à l’avance (sujet, verbe, complément,...). Dans cet esprit, et toujours en quête de rencontres révélatrices, Breton, avec les poèmes objets (1930- 1934) associe l’écriture, la photographie, la gravure, la peinture à des objets en trois dimensions. Il veut faire basculer le rêveur dans le rêve, faire jaillir l’inattendu, le merveilleux.


224 - Collages | Cordemais


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226 - Collages | Indre

Clotilde MALON - Parking du bac (Indret)

Collages

Des territoires identifiĂŠs


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Julie GUIBERT - Le port de Haute Indre

Nadine CASTREC - La chaussée de Robert (Indret)

Anne-Claire GRIMAUD - L’île Mindine et la carrière de la Roche Ballue


228 - Collages | Rezé

Voilà ce que l’on aperçoit de Nantes : les petites maisons de Haute Ile cachées derrière quelques arbres, le village coloré de Trentemoult et son port, la célèbre Cité Radieuse, le Pendule d’Estuaire. Et le Navibus qui ne cesse de faire des allers et retours sur la Loire, paisible. Cadre idyllique ? On en oublierait presque la zone industrielle qui tapisse le fond de ce paysage. Le rapport à la Loire ? Presque inexistant. Si ce n’est l’unique trajet de la navette qui lie Trentemoult à Nantes et les nouveaux sentiers des berges qui ne fabriquent finalement pas de lien réel avec le fleuve. En référence à l’Ile de Nantes des Machines, l’idée est de créer une île qui flotte de manière mystérieuse au-dessus de HauteIle, Norkiouse, Basse-Ile et Trentemoult. Une cinquième île qui lierait ces quatre villages de manière douce et mobile, libre et indépendante, en ramenant les anciens usages liés à la Loire. Les bateaux sont là, abandonnés, habités, ou inutilisés et sont tout ce qu’il reste de connexion entre l’eau et la terre. En souvenir de Madame Java ou du Café de la Fraîcheur, il faudrait concevoir une île sur laquelle cohabiteraient concerts, ateliers, repas collectifs, vide-grenier, marchés, performances artistiques et nature. Où ça ? Sur les bateaux justement et par endroits ponctuels dans des infrastructures existantes comme les hangars abandonnés qui composent aussi le paysage. A la manière du Tacheless de Berlin.

Les loisirs et la création feraient le lien entre ces quatre îles. Ainsi qu’avec Nantes en développant un nouveau réseau fluvial, en souvenir du roquio et en anticipant l’évolution précipitée de Nantes, de son Ile et de Chantenay. Ainsi, imaginer des berges qui abriteraient des usages de manière à contrer ou améliorer l’aménagement actuel des bords de Loire. Pour parler plus concrètement et précisément, la première zone d’intérêt serait Norkiouse et la zone industrielle de Basse-Ile. Réinvestir les barges abandonnées pour monter un projet, un lieu de connexion et de rassemblement au sein d’un écotone. Puis étendre ce projet aux entrepôts abandonnés. Autrefois la Loire était là, pourquoi ne pas retrouver ce lien ? Autrefois on se baignait là, pourquoi ne pas retrouver cet ancien usage parmi tant d’autres ? « Pourquoi des fenêtres en transparence ? Pourquoi un quadrillage ? Référence à l’atrium : appel, seuil ? Créer de la transparence, de la porosité sur le site. Portail, cadre sur le site ? Ile mystérieuse : doutes qui ressortent des cartes ? »


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L’espace habité est teinté, coloré par la subjectivité de son habitant, de son “ caractère ”, de ses mœurs, de ses souvenirs, de ses mouvements et gestes, de son rythme et de sa vibration. Tel un puzzle le paysage des îles de Rezé métisse des activités diverses et variées occupées et activées par des Habitants. Ce territoire, aujourd’hui en pleine mutation, est enclin à une dynamique qui lui offre une vitalité propre. Face à ces changements on peut s’interroger. Comment ce territoire va être agencé ? Quelles vont être les parties prenantes du projet de mutation ? Comment mettre au grand jour le dessous des cartes et des décisions? Comment imaginer un travail collectif du territoire ? Un travail à plusieurs mains - celle de l’habitant, de l’élu, de l’urbaniste – n’est-il pas nécessaire ? A la manière du tableau « Do it yourself » d’Andy Warhol le territoire n’est-il pas un immense terrain de jeu ? Un espace sur lequel chacun peut venir y mettre « sa patte », son « grain de sel », son dessin. Les parcelles, engorgées de numéros, redessinent les îles et la diversité des visions, des idées, des possibles qu’elles contiennent. Les numéros s’enchevêtrent montrant aussi la complexité du travail sur un tel territoire. Ainsi, on peut se questionner sur « l’[a] ménagement » de ce territoire, ce territoire physique, ce territoire habité ? Comment, par un agir micropolitique, participer à rendre la ville plus écologique et plus démocratique, à rendre

les espaces de proximité moins dépendants des processus par le haut et plus accessibles aux Habitants. Finalement, comment, par un travail dans les interstices, imaginer une mise en relation de ce patchwork des îles ?


230 - Collages | Rezé

L’émergence d’une 5e île Ce collage fait porter le regard sur une cinquième île du territoire : Atout Sud. Alors que Trentemoult, Norkiouse, Basse-Île et HauteÎle ont mérité leur titre d’«île», le statut de la zone commerciale «Atout Sud» questionne. Personne n’y habite et pourtant elle est assurément l’endroit le plus métropolitain. Atout Sud, c’est la «France moche» de Télérama1, les «non-lieux» de Marc Augé2, c’est un ensemble de gros hangars posés là, près de la Route de Pornic pour qu’on puisse y arriver rapidement, sans lien avec le territoire. Ca s’est développé le long de la rue Ordronneau selon toujours le même schéma (route/pancarte/parking/magasin) sans se poser la question de savoir ce qu’il y avait autour. Et puis surtout ça s’est construit pareil : des hangars en tôle, léger, pas chers et rapides à construire ou détruire. Comme ça, pas de problème, on arrive, on se pose, on fait le business et on repart quand on a terminé : la caravane de marchands du XXe siècle. Le devenir de cette zone-là questionne à l’heure de la métropolisation. Quelles places ont ces boîtes à chaussures dans la «ville dense» alors qu’elles occupent une place énorme et laissent inutilisées les 4/5e de leur façades ? Quelle place a la zone commerciale 1 Xavier de Jarcy et Vincent Remy, «Comment la France est devenue moche», Télérama n°3135, février 2010 2 Marc Augé, Non-Lieux, 1992, 150p, Seuil

dans la «ville des courtes distances» alors que même pour aller de Leroy Merlin à Kiloutou on prend sa voiture ? Plutôt que de prendre le parti de déplacer cette zone, le parti pris ici est de se dire que déplacer Atout Sud, c’est déplacer le problème. Par conséquent, le parti ici adopté est celui de la considération d’Atout Sud comme une 5e île par contraste avec les îles de Rezé. Le travail portera alors sur la zone commerciale et sa réactivation en un lieu à part entière. Pour ce faire, la réflexion va porter sur plusieurs éléments : l’ancrage de la zone commerciale dans la ville, la réutilisation de ses délaissés, le déplacement sur ces îles, et l’implantation de nouveaux usages en lien avec l’économie locale.


231

De près ou de loin, la vision du site laisse deviner des légendes étonnantes. Le cadavreexquis montre la temporalité de chaque lieu avec une approche visuelle et sonore différente. L’assemblage est l’amalgame entre perception du lieu et impression personnelle, malgré l’hétérogénéité des endroits et connaissances individuelles, le point d’accroche éclairera toute l’obscurité.


232 - Workshop | Apports thĂŠoriques

Workshop


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Workshop Saweta Clouet

Après avoir exploré les territoires, rencontré les personnes, approché la topographie, les cartes hydrométriques, les circulations, les réseaux de transport urbain, les cartes historiques, … une forme de prise de conscience se met en place, ces lieux commencent à nous habiter. La présence de certaines installations, la position relative des ouvrages, des bâtiments, des arbres des rivières commence à prendre un sens. Comme si un immense puzzle mental se mettait en place régulièrement, avec des ensembles découverts d’un seul coup et des explorations laborieuses et progressives. La connaissance du territoire est chaotique, c’est une surface, mais aussi une abstraction et des récits des rencontres. Le workshop c’est le moment de la prise de risque, le moment de la (ou des) proposition(s). « Et si on faisait ça, alors ça se passerait comme ça » Le workshop consiste à construire des fictions, ou à se raconter des histoires… De prolonger le réel rencontré par l’imaginaire. Le workshop c’est le conditionnel, choisir certaines conditions, en mettre d’autres de coté. Il s’agit alors d’assumer ses propres choix, d’accepter et d’utiliser certaines hiérarchies « Ça, j’aime ! Ça, non ! » « J’ai envie de ça ! Ça, j’en veux pas » Au gré de l’avancement de la réflexion et des confrontations au réel (physique, humaine…), ces propositions résistent ou tombent. Ainsi se dressent des hypothèses de plus en plus valides, les intuitions se confirment progressivement par l’expérience du réel. Le territoire au sens urbain, est une surface fragmentée dont les éléments sont en relation sous la forme d’un rhizome (multiconnection), tout élément nouveau devra donc lui-même être en relation avec les autres éléments mais également en créer. Plus il tissera de liens, mieux il s’y ancrera.


234 - Workshop | Cordemais Habiter le hameau

Projet en réseau

Maud Delarue

lE PROJET EN RésEau EN RÉSEAU

ACTIONS URBAINES expérimentations

aujourd’hui

Immersion

vidéos

Ateliers Publics

BLOG

mots

+

expo photo

Affiches

Commentaires propositions

expo photo Photo Réactions

marches urbaines de la parole à l’acte

propositions

ACTIONS

Photo Réactions

Expo Processus

Retour sur lieu

demainS

(RE)tisse ton réseau Laurence Frenoy

Le workshop fut l’occasion de regarder d’un œil neuf le site, d’émettre des hypothèses en élargissant le point de vue vers la grande échelle, après la formalisation du collage individuel. Ainsi, tel l’explorateur, je partis à

+

Contres visite


235 La pêche aux oiseaux

Atelier de production Rurbaine

Florent Auclair - Tilly

Marion Humeau

PROJETS

RéféRENcES Les trois écologies,

‘‘L’idée d’aller vivre ‘‘à la campagne’’ est très fortement ancrée dans les mentalités. or, curieusement, les résidences proposées par les urbanistes et les promoteurs sur le territoire qu’ils ont emprunté à la campagne sont conçues sur des plans masses complètement intériorisés, retournés sur eux-mêmes, dans un système en cul de sac et caché derrière des thuyas. on y profite jamais de la vue et de la perspective sur la campagne.’’ F. Coragoud

Félix Guattari

la pèche aux oiseaux

The Truman show,

Peter Weir

Atelier une base vie

Habiter les hameaux

Roselière

‘‘Utopie récréative écologisée’’ Campagne-ville, le pas de deux

‘‘La cité n’est pas un produit de consommation’’

Crèche

Patrick Le Mahec

Forum rencontre et liens

‘‘le mettre à profit’’ versus profiter ?

Séjour le cheminement

M. Coragoud

Lieu

être là ?

L’idéal pastoral, Cynthia Ghorra-Gobin

Interaction agencement

‘‘Pas plus que nous ne pouvons nous en tenir au topos ontologique moderne, nous ne pouvons considérer notre existence comme seulement ek-sistence, au sens d’un être-au-dehors-de-soi’’ à la manière heideggérienne ou d’une extériorisation de notre corporéité à la manière de LeroiGourhan ; car à ce compte là, toute individualité se dissoudrait dans le milieu commun, et le monde ne cesserait de nous fuir. Dans sa trajectivité, l’existence humaine est tout autant ek-sistence hors de cette chôra collective qu’elle l’est hors du topos individuel ; et c’est justement de l’infinie contingence de cette dualité inhérente à l’humain, cet être à la fois individuel et collectif, que naissent indéfiniment les histoires humaines. Telle est la genesis des lieux de l’écoumène.’’

‘‘Les urbains regardent la campagne avec une grande désinvolture, ils s’y promènent comme si elle n’était qu’un service de loisirs de plus.’’

Augustin Berque

M. Coragoud

?

‘Ce territoire agricole est orienté, il a un bâti. Pourquoi ne se servirait-on pas de ce bâti pour faire la ville’’ M. Coragoud

‘‘Le désir d’entre soi, le satisfaire de manières intelligentes’’ M. Coragoud

‘‘bien vivre avec son paysage ?’’ M. Coragoud

nos îles et autres hétérotopies

LE GRAND SOIR

Benoît Delépine et Gustave Kervern

‘‘Ils sont où les gens ? Plus dans les usines, plus dans les champs, plus dans les églises, ils sont chez eux, ils sont tout seul chez eux.’’

‘‘Tous ce qui est à toi est à nous mon pote.’’

‘‘Et c’est une propriété privée ici !!! Mais non ta maison elle est à la banque!’’’

un geste PfE // habiter le hameau // la pêche aux oiseaux // atelier de production rurbaine

es ...

CHANTIERS

la recherche d’autre mystère. Est-ce que les ruines de Rohars sont le seul paradoxe de ce territoire ? De cet arpentage, en bordure de lisières, un archipel d’îles imaginaires émergea.

‘‘Ta maison elle est en zone inondable. Moi je pêchais des poissons ici.’’


236 - Workshop | Indre

la place portuaire Julie Guibert

La pratique du site m’a fait découvrir qu’il était animé et festif selon des temporalités. Il s’agit de travailler avec ces lieux utilisés, appréciés et de les reconnecter entre eux, pour faire se

rencontrer les habitants. Il est important de revaloriser la lisière de l’île trop longtemps obstruée par des aménagements.

La jetée

Anne-Claire Grimaud Le territoire de l’île Mindine prend la forme d’une île submersible, rythmée par le mouvement des saisons, des marées et des hommes. Une île aux contours mouvants qui dessine un estran entre le coteau de la

Montagne et la Loire. Comme un fil, un sentier relie les terres hautes au bord de l’eau. Le dessin de ce chemin d’accès raconte pour moi une figure : la jetée.


237

Tous à Indret Clotilde Malon

A Indret le quai est une lisière visible mais aujourd’hui inaccessible. Les indrais aimeraient le parcourir à nouveau, et redécouvrir le patrimoine de l’île.

Renaissance d’un passage pour se (re)lier Nadine Castrec

La chaussée de Robert n’est pas qu’un passage pour aller de Indret à La RocheBallue, elle est aussi un lieu où l’on habite l’entre-deux; entre l’île et le continent. Dans l’alignement des arbres, les promeneurs des 2

rives (nord-Loire et sud-Loire) peuvent s’y (re) lier. Le projet pourrait être d’habiter le marais le temps d’un parcours, d’une rencontre. Un principe de grilles au sol pourrait rendre son accessibilité entre la montée des eaux...


238 - Workshop | Rezé

atout sud - les isles Nicolas le Beulz

Le projet vise à créer de l’urbanité au sein de la zone commerciale Atout Sud. Il est composé de trois étapes : - Étape 1 : Réancrer Atout Sud à ses îles voisines Trentemoult et Rezé en reconnectant deux ensembles paysagers : la Loire et la Jaguère. Le moyen utilisé sera un franchissement piéton et cycliste. - Étape 2 : Réinvestir les délaissés de façade de trois hangars commerciaux avec un programme d’ateliers de bricolage au niveau de la promenade Colder. - Étape 3 : Monter sur les toits et réinvestir les délaissés de toiture.

(A)ménager les interstices Clémence MAUTOUCHET

La concertation, voire la participation, apparaît aujourd’hui comme un impératif politique dans la production des espaces publics. Celle-ci serait non seulement le gage d’une meilleure appropriation de l’espace par les citadins dans toute leur diversité, dans l’optique de fabriquer des espaces de mixité, mais permettrait aussi aux pouvoirs publics d’améliorer la durabilité des nouveaux aménagements, par une

conception au plus proche des pratiques, des besoins et des désirs des citadins associés au processus. Comment, dans ce territoire des îles de Rezé, impliquer les habitants dans l’agencement de l’espace urbain ? Emergence d’un fil…Une promenade…Un parcours qui se glisse dans le territoire et interroge des lieux singuliers au frottement d’écologies diverses.


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Les bateaux habités Morgane Gloux

« (…) A Trentemoult au début on était le seul bateau.Avantqu’il y ait les immeublesc’était un chantier naval aussi (…) Pendant un bout de temps, très long, c’étaitjuste un terrain vague (…) Et après là, ça fait pas longtemps, y’a des logementscollectifs (…) C’estnotreancien emplacement qui n’est pas occupé pour l’instant. D’ailleursilfautqu’onretournel’occuper. De-

Au Croisement du Cardo et du Decumanus Mirwais RAHIM

Le projet commence par les axes. L’axe bleu: la mobilité douce (prioritairement piéton et vélo),

puisqu’onestparti tout est à refaire (…) Mêmesiy’apersonne, les bateaux sonttoujourslà, ilssonthabitables (…) “ AdèleV.

anciennement le chemin d’intérêt commun. L’axe rouge la mobilité dure (Voitures et camions) . L’axe vertical, ( l’axe de la Loire), le liens entre Loire et le mairie. Au croisement de ces deux axes il aura mon point de repaire.


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Remerciements à : M. Christian Dautel, directeur de l’ENSA, M. Joël Geffroy, maire de Cordemais, M. Jean-Pierre Fougerat, maire de Couëron, Mme Anne AUFFRET, maire de Donges, M. Jean-Luc Le Drenn, maire d’Indre, M. Jacques GACHOWSKI, Maire de Lavau, M. Patrick Rimbert, Maire de Nantes, M. Michel Bahurel, maire de Paimbœuf, Mme Valérie Demangeau, maire du Pellerin, M. Gilles Retière, maire de Rezé et président de Nantes-métropole, M. Pascal Pras, Maire de Saint-Jean-de-Boiseau, M. Joël-Guy Batteux, Maire de Saint-Nazaire, M. Franck Savage, directeur de Nantes-métropole aménagement, M. Bernard Prud’homme Lacroix, directeur du GIP estuaire, Mme Martine Staebler, ancienne directrice du GIP estuaire, M. Jean-Pierre Chalus, directeur du port Nantes/Saint-Nazaire, M. Philippe Léon, Chef du service de l’aménagement et du développement territorial du port Nantes/Saint-Nazaire, M. Stéphane bois, directeur du pôle métropolitain et du SCOT Nantes/Saint-Nazaire, M. Stanislas Maé, ancien responsable du pôle métropolitain et SAMOA, Mme Cécilia Stéphan, directrice de l’Estuarium, M. Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire, M. Philippe Grosvalet, président du conseil général de Loire Atlantique. Mme Evelyne Thoby, chargée de la reprographie de l’ENSAN sans qui ce livre n’aurait pas été édité à temps.


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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Métaphore d’une île Habiter avant de bâtir

En parcourant le chemin de son accès, l’observateur révèle, chemin faisant, les traces qui balisent la découverte d’une île, donc son identité. Ce retour sur les traces est une reconstruction des liens que l’île met en tension avec d’autres territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance construit un champ dynamique de force ; l’île apparaît parce qu’elle sollicite ou sous tend une connexion plurielle où s’articulent et se jouent des rapports et des fonctions différentes entre les hommes et les lieux. Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’une île par rapport à ses différents contextes permet d’évaluer, de choisir et de construire les liens qui placent chaque projet en attente d’une relation ou d’un échange. Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en œuvre d’une problématique de l’aménagement d’un territoire en mouvement.

Achevé d’imprimer en juin 2013


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