Donges lavau

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ESTUAIRE 2029

DONGES - LAVAU S/ LOIRE A la lisière des îles

Dérives des rives

Adèle Bertrand (PFE), Delphine Charnacé (PFE), Hélène Guillemot, Cyrille Merlet (PFE), Thiphaine Sirio Directeurs d'étude : Eric Chauvier, Saweta Clouet, Chérif Hanna ensa nantes - arts de faire

Donges - Lavau S/Loire


ESTUAIRE 2029

arts de faire - janvier 2016


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Estuaire 2029 Estuaire de la Loire, territoire en mouvement

Equipe étudiants : Adèle Bertrand

Delphine Charnacé Hélène Guillemot Cyrille Merlet Tiphaine Sirio

Equipe enseignante : Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Eric Chauvier, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Intervenants : Jennifer Aujame

Flore Grassiot, Architecte et Artiste Marine Le Roy, Architecte Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain

Ouvrage édité en 20 exemplaires - Achevé d’imprimer en Janvier 2016

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ESTUAIRE DE LA LOIRE TERRITOIRE EN MOUVEMENT

DONGES - LAVAU S/ LOIRE A LA LISIÈRE DES ÎLES

DÉRIVES DES RIVES ADÈLE BERTRAND (PFE), DELPHINE CHARNACÉ (PFE), HÉLÈNE GUILLEMOT, CYRILLE MERLET (PFE) & TIPHAINE SIRIO DIRECTEURS D’ÉTUDE : CHÉRIF HANNA, ÉRIC CHAUVIER, SAWETA CLOUET

École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes -arts de faire3


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SOMMAIRE

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PRÉFACE

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DES ÎLES AUX LISIÈRES

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INTRODUCTION

56 64 66 68

Regard neuf Révéler le Donges qu'on vit mais qu'on ne voit pas Où intervenir ? Un projet commun

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PROPOSER

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Le site de l'Espérance

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AU PREMIER ABORD

12 16 22

A l'échelle de l'estuaire La découverte par l'Histoire Premières visites, premières impressions

Se positionner

Le regard initial

Interventions individuelles Tiphaine Sirio

25 26 30 34

VIVRE L'ARCHIPEL

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Territoire en mouvement

Le canal de Martigné Hélène Guillemot

Entre mouvance et inertie Un rythme binaire L'économie des îles

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32, rue Henry Becquerel Cyrille Merlet (PFE)

100

Le marais de Liberge Delphine Charnacé (PFE)

39 40 45 48

UN ARCHIPEL AU PLURIEL

115

Le récit des Autres

Raffinerie - Bourg Adèle Bertrand (PFE)

Rencontrer pour se faire raconter Itinéraire(s) " Et vous, vous en pensez quoi ?"

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BIBLIOGRAPHIE

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REMERCIEMENTS


PRÉFACE Chérif Hanna

Dérives des rives Ménager, aménager l’estuaire - un territoire en mouvement Le concept de « dérives des rives » évoque à l’évidence l’idée de bord. L’échange par nature se fait à la frontière. Et la frontière n’est jamais seulement une clôture. C’est un lieu de passage dans lequel on négocie. Des lieux de transitions qui deviennent des lieux de transactions. Tous les lieux stratégiques sont à la lisière des centres. Le marché est l’espace fondateur de la ville. Pour ces raisons, Roland Barthes1 rappelle que depuis l’Antiquité, la périphérie précède le centre.

Max Ernst (1891-1976) Le jardin de la France

La rive est au bord et le bord est à la marge. La marge peut aussi expliquer certaines histoires et activités affranchies de contraintes, évocatrices de liberté, d’utopies. (…) un ailleurs où se projettent les phantasmes. « La nappe d’eau a agi comme un trucage réussi mais connu, les hommes ont eu le plaisir de voir des formes modifiées..(…) la crue a bouleversé l’optique quotidienne (…) toute rupture un peu ample du quotidien introduit la fête : or, la crue n’a pas seulement choisi et dépaysé certains objets, elle a bouleversé la cénesthésie du paysage, l’organisation ancestrale des horizons : Les lignes habituelles du cadastre, les rideaux d’arbres, les rangées de maisons, les routes, le lit même du fleuve (…) le phénomène le plus troublant est certainement la disparition même du fleuve (…) l’eau n’a plus de cours, le ruban de la rivière, cette forme élémentaire de toute perception géographique (…) passe de la ligne au plan. »2

Sur les rives de l’estuaire ; principalement sur l’estran, les rives , les bords, les berges, les quais ne subissent pas seulement les mouvements naturels du fleuve ou de la mer, ils sont au bord d’un territoire continental ; lieu par excellence des passages et transactions qui animent, modifient , obligent à réinvestir les espaces où les hommes et marchandises embarquent ou débarquent équipements et formes, sensibles aux grandes mutations économiques inscrites dans un rapport de mondialisation. Ces mutations sociales et économiques accélèrent le rythme historique des mutations qui modifient son urbanisation et son paysage. Ce lieu, croisement des traversées, n’est pas un réceptacle passif sur lequel s’exercent différentes transactions, mais un lieu révélateur du changement, où se mobilisent et se problématisent de nouvelles relations à la valeur.

Relever le défi de ce fleuve, qui paraît délaissé par l’industrie et les grandes activités portuaires, des lieux où des urbanités se sont construites, des lieux où il y a eu reconnaissance de cette urbanité. Paris n’a pas été inondé, in Des mythologies de Rolland Barthes, à propos de l’inondation de Paris en 1955.

Roland Barthes « L’empire des sens » éd. Points coll.essais

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1

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Si le territoire porte une mémoire c’est qu’il y a un potentiel. A ce moment, il y une réactivation possible dans une dynamique nouvelle. Ce qui se passe dans cette relation d’échange est plus qu’un retour sur le passé. C’est la puissance du lieu dans sa dynamique actuelle.

œuvre d’une problématique de l’aménagement d’un territoire en mouvement. L’Estuaire de la Loire L’estuaire de la Loire est, de son origine à nos jours, le territoire de tous les départs, celui des voyageurs, des aventuriers, celui des conquérants et des émigrants. Les villes de l’estuaire se sont greffées sur les quais sur lesquels ont transité les hommes, les marchandises et la valeur. Ce territoire instable au rythme des crues, des marées, des creusements du lit d’un fleuve « sauvage » sur lequel se croisaient émigrants et commerçants est devenu l’espace privilégié d’une immigration. Le mouvement s’inverse, le territoire s’invente au fil de l’imaginaire et devient l’enjeu de multiples investissements.

Travailler sur les traces historiques qui se sont constituées une identité autour de cette idée de négociation de la valeur. Le potentiel de ressourcement de l’estuaire est lié à cette redécouverte des mobilités à travers la révélation des lieux d’échanges. Ce retour sur les traces est une reconstruction des liens que la frontière met en tension avec d’autres territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance construit un champ dynamique de force ; le bord apparaît parce qu’il sollicite ou sous tend une connexion plurielle où s’articulent et se jouent des rapports et des fonctions différentes entre les hommes et les lieux. Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’un bord par rapport à ses différents contextes permet d’évaluer, de choisir et de construire les liens qui placent chaque projet en attente d’une relation ou d’un échange.

La valeur de ce territoire repose sur un héritage, celui des mobilités antérieures, dont les infrastructures conservent la mémoire. Elle repose sur les déplacements et mouvements qui les investissent aujourd’hui multipliant les croisements, liens et coïncidences sur lesquels se jouent de nouveaux rapports de civilité et une nouvelle urbanité. Un monde s’invente au croisement de ces mouvements, une métropole originale se construit sur les liens que les nouveaux et anciens habitants tissent sur un paysage redécouvert donc réinventé. La question du déplacement demeure indissociable de celle de l’habiter.

A la quête de ressources qualitatives : des vocations nouvelles, ce qui est important n’est pas toujours la fonction première, mais ce qu’elle induit comme rapports sociaux. Ce qu’on échange dans l’échange. Ce n’est jamais ni l’objet lui même ni son usage mais sa valeur qui est totalement relative à la reconnaissance des partenaires qui sont dans l’échange.

La métropole estuarienne se construira sur une question délicate ; celle de la qualité de nouveaux « espaces-temps » lors la mise en résonance des différents territoires.

Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en 7


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INTRODUCTION Ce mémoire relate un semestre de travail au sein de l'option Estuaire 2029, encadrée par Chérif Hanna, Eric Chauvier, et Saweta Clouet. Il retrace l'étude d'un territoire par cinq étudiants, depuis sa découverte jusqu'à l'aboutissement d'un projet.

des Lavausiens et des Dongeois. Cette démarche "participative" est avant tout une posture : il faut être prêt à se laisser surprendre par "le détail troublant", envisager l'impensé, considérer que la parole habitante peut être en mesure de déformer nos pré-requis.

Dans un premier temps, les trente étudiants de l'option sont allés à la découverte de l'estuaire de la Loire et de ses communes. Puis, les groupes se sont formés en fonction de l'intérêt porté pour une situation particulière. C'est ainsi que nous avons commencé à travailler sur les communes choisies, Donges et Lavau-sur-Loire. Nous étions curieux de regarder de plus près la complexité et les enjeux que génère la cohabitation d'un marais, d'une raffinerie, de la Loire, de bourgs et de hameaux "périphériques".

Pendant plus de quatre mois, nous avons interpellé les passants dans la rue, nous sommes entrés dans les commerces, les PMU, les mairies... Avec pour seul but, discuter et apprendre des récits habitants. L'utilisation d'outils a été indispensable pour recueillir tous les propos. Les entretiens non directifs ou semi directifs, les itinéraires et les dispositifs littéraires ont été précieux. Les ateliers publics ont aussi constitué une étape majeure dans nos recherches. Ces cinq jours en immersion totale ont été très riches en rencontres et en témoignages. Nous avons ensuite dressé le bilan de toute cette matière et commencé à développer notre posture sur ce territoire que nous connaissions de plus en plus. Petit à petit, nous nous sommes individuellement dirigés vers des sites distincts tout en répondant à une stratégie de groupe.

L'enseignement nous a armé d'outils et de méthodes pour découvrir le site et aller à la rencontre de ses occupants. Le processus s'est déroulé selon trois grandes étapes : l'apprentissage du territoire par les cartes, puis par les autres, et enfin par notre propre regard. Ces trois couches doivent se confronter, l'une déformant l'autre, et à terme, donner naissance à une posture, une stratégie, des projets.

Le mémoire est ainsi organisé en cinq parties. La première, plus technique et basée sur les premières rencontres et aborde le site selon le regard du novice, celui qui ne connaît pas encore les lieux. La deuxième partie amène au constat d'un territoire archipel tandis que la troisième relate sa diversité et est principalement portée par les récits habitants. La quatrième partie, quant à elle, présente notre projet commun pour Donges. Enfin, le cinquième et dernier chapitre développe les stratégies et les projets individuels.

L'analyse d'éléments factuels liés à l'histoire, la géographie ou encore la réglementation a fait émerger des premières problématiques. Ces questionnements ont impulsé et orienté la suite de nos investigations. En effet, le but n'est pas de prétendre connaître le site dans sa globalité, mais plutôt de l'explorer via certaines pistes et intuitions. Néanmoins, le regard technique seul ne suffit pas à appréhender un territoire. Ainsi, très rapidement, nous sommes allés à la rencontre 9


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AU PREMIER ABORD Le regard initial

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A L’ÉCHELLE DE L’ESTUAIRE Bien que nous n’ayons pas grandit loin, que nous habitions aujourd’hui depuis près de cinq ans à Nantes, nous ne connaissions pas l’Estuaire de la Loire avant d’entamer ce travail. Nous avions entendu parlé, bien sûr, de Lavau-sur-Loire et de Donges, mais nous n’y avions jamais mis les pieds. Pour nous, Lavau-surLoire, c’était avant tout l’oeuvre de l’artiste Tadashi Kawamata, construite en 2009 pour la biennale d’art Estuaire Nantes<>St-Nazaire. Quant à Donges, c’était la raffinerie.

Position

marécageuse non construite appartenant à la commune de La Chapelle-Launay. De ce fait, les limites administratives communales ne se jouxtent pas mais ceci n’empêche pas un vis-à-vis des deux communes.

Donges et Lavau-sur-Loire s’inscrivent dans le territoire de la métropole ligérienne à deux têtes Nantes-Saint-Nazaire. Donges est une ville de taille moyenne où vivent actuellement 7000 habitants sur 59,9km². Lavau-sur-Loire est de plus petite taille et abrite 700 habitants sur 16,2km².

Par ailleurs, les deux communes ne font pas parties des mêmes entités administratives. Donges est rattachée à la Communauté d'Agglomération de la Région Nazairienne et de l'Estuaire (CARENE). Lavau-surLoire est quant à elle, rattachée à la Communauté de Communes Loire et Sillon. Ainsi en terme de gestion, Donges se tourne vers la ville de StNazaire alors que Lavau-sur-Loire se tourne vers la ville de Savenay.

A l’échelle de l’estuaire de la Loire, Donges, est située sur la rive nord, à 10 km à l'est de Saint-Nazaire. A l’est de Donges, Lavau-sur-Loire, située sur la même rive à proximité de Savenay et à 33 km à l'ouest de Nantes. Dans le contexte métropolitain, Donges est située à proximité de la tête de métropole de la ville de St-Nazaire. Lavau quant à elle occupe une place centrale entre Nantes et St-Nazaire. Les communes sont relativement proches mais ne sont pas voisines. Elles sont séparées par une étendue 12


Les communes et leurs limites administratives dans le territoire métropolitain

Donges > Lavau 13 minutes Donges > Savenay 14 minutes Donges > St Nazaire 14 minutes Donges > Nantes 45 minutes Donges > Paimboeuf 24 minutes

Temps de trajet en voiture estimé de Donges aux diverses communes du territoire métropolitain

Lavau > Savenay 8 minutes Lavau > Cordemais 13 minutes Lavau > Donges 13 minutes Lavau > St Nazaire 31 minutes Lavau > Paimboeuf 34 minutes Lavau > Nantes 42 minutes

Temps de trajet en voiture estimé de Lavau aux diverses communes du territoire métropolitain 13


Connexions Les deux communes sont intégrées au réseau de transport métropolitain. Des voies routières rapides, principalement la route nationale N171 et la route européenne E60, relient le nord de Donges et de Lavau à Nantes, Savenay et St-Nazaire. Donges est également desservie par le train mais sa gare reste un arrêt secondaire avec moins de dix arrêts par jour ouvrable, programmés par la compagnie SNCF sur la ligne Nantes > St-Nazaire > Le Croisic. La commune de Lavau se situe quant à elle relativement proche de la gare de Savenay. Cette dernière est un arrêt important au sein du réseau ferroviaire départemental puisqu’elle établit une connexion entre les deux villes de la métropole, mais établit également une connexion entre la Loire-Atlantique et la Bretagne. Économie, entre tourisme local

industrie

“ A Donges, Total va construire de nouvelles unités qui assureront au site de nouveaux débouchés en Europe. Cet investissement massif permettra d’améliorer significativement la rentabilité de la raffinerie et d’inscrire ainsi son avenir dans le long terme. ” Extrait du communiqué concernant le “Plan pour le raffinage de Total en France” publié en avril 2015

Par ailleurs, Lavau semble depuis peu être devenue un lieu d’attrait touristique. Le cadre bucolique du village et la présence de l’observatoire, oeuvre de l’artiste Tadashi Kawamata construite en 2009 pour la biennale d’art Estuaire, encourage un certain tourisme local sans retombée économique majeure mais encouragée par les élus locaux.

et

“ La “Loire à vélo” ça passe au sud ! Arrivée à Nantes, ça traverse au bac du Pellerin puis après ça chemine le long du sud et ça va jusqu’à Saint Brévin. Nous on est un peu chagrinés par ce truc là parce que les vélos on les voit passer de l’autre côté de l’eau mais on aimerait bien qu’ils passent… donc on y travaille en ce moment ! On y travaille, dans le cadre d’un appel à projet qui a été mené par le pôle métropolitain qui s’appelle Eau et Paysages … ”

Donges et Lavau apparaissent comme des villes périphériques mais semblent être intégrées au réseau de transport métropolitain. De ce fait, les deux communes représentent un territoire d’installation attractif vantageux pour les foyers dont les membres travaillent à St-Nazaire, à Nantes ou encore à Savenay. Ainsi, les deux-tiers des actifs de Donges et presque la totalité des actifs de Lavau travaillent dans ces grandes villes. En contre partie, seul un tiers des actifs de Donges travaillent dans leur commune qui reste cependant un bassin d’emploi important pour la région notamment grâce à la présence de sa raffinerie de pétrole. L’entreprise Total qui l’exploite emploie en effet aujourd’hui 680 salariés et génère 1500 emplois indirects. Ces chiffres sont voués à perdurer suite à l’annonce récente d’un nouvel investissement de 400 millions d'euros de l’entreprise Total dans ses installations.

Christian Biguet, Maire de Lavau sur Loire, entretien réalisé le 6 octobre 2015

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N7

E6

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Les réseaux routier et ferré du territoire métropolitain

Les sites industriels de l'estuaire de la Loire

Les oeuvres de la biennale d'art "Estuaire" et du parcours de "La Loire à vélo" 15


LA DÉCOUVERTE PAR L’HISTOIRE Si leur caractéristiques premières tendent à varier aujourd’hui, Lavau-sur-Loire et Donges ne sont pas pour autant des communes si différentes. Leur histoire respective démontre une évolution relativement similaire. Origines communes

est à l'origine du premier bourg de Donges. C’est à cette époque que se créé la vicomté de Donges qui rassemble plusieurs seigneurs et qui s’étend de Saint-Nazaire jusqu'à Cordemais et au Temple de Bretagne. Au total, la vicomté compte une quinzaine de paroisses couvrant les marais de l'estuaire de la Loire dont Lavau-sur-Loire. La révolution française fait ensuite disparaître la vicomté de Donges.

La région de Lavau et de Donges a connu un peuplement très ancien. Les vestiges des civilisations celtes et romaines sont relevés dans la région. Aux Romains succédèrent les Bretons à partir du Vème siècle. Au XIème siècle, le vicomte de Nantes s'établit dans une motte féodale élevée en bordure de Loire sur un éperon rocheux, site stratégique pour surveiller l'embouchure du fleuve. Ce “donjon” du latin “dongio”

La Vicomté de Donges en 1422. Source : André & Yves Moyon, Archives de Loire-Atlantique 16


Ports & terres agricoles Lavau et Donges occupent les bords de la Loire. Il est n’est donc pas étonnant que les communes se soient dotées d’un port relativement tôt dans leur histoire. Dès le XIème siècle, l’acte de fondation du Prieuré Notre-Dame fait état du “Port du Vicomté” à Donges. A la fin du Moyen-Age, les bateaux de Donges transportaient des marchandises jusqu’à Bordeaux. Cependant, Donges n’a jamais pu rivaliser pour le commerce avec les ports de Montoir ou de Lavau. Après les guerres de religion au XVIIIème siècle, le port ne conserve plus qu’une importance secondaire : c’était un hâvre pour les petits bateaux de pêche et de cabotage.

Carte de Donges en 1850

Carte de Lavau-sur-Loire en 1850

Le port de Lavau a su, quant à lui, conserver une certaine importance qui procura la prospérité à sa commune jusqu’au XIXème siècle. En effet, le port était relativement important dans deux domaines : - Les bacs assuraient le transport de passagers mais aussi du bétail, du grain, du charbon et du vin vers Le Migron, Paimboeuf et La Ramée. Mais au XIXème siècle, le port de Lavau expédiaient également vers l’Angleterre et d’autres pays d’Europe, des produits agricoles (froment, blé noir, colza, avoine, pomme de terre). - La pêche : jusqu’au début du XXème siècle, le port de Lavau abritait une importante flotte de pêche.

Le port de Donges en 1913

Hormis le commerce et la pêche que l’on pratiquait dans les deux communes, l’agriculture d’élevage et de culture était elle aussi largement répandue.

Le port de Donges en 1930

Le port de Lavau-sur-Loire au début du XXème siècl

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Des bourgs qui s'éloignent de l’eau

Donges change de visage, les agriculteurs et les quelques pêcheurs deviennent des ouvriers du port.

L’essor de Saint-Nazaire, surtout depuis 1848, année de la création du premier bassin à flot et l’envasement progressif des bras du fleuve du port de Lavau ont entraîné son déclin. Privé de son rapport à la Loire et du port, les activités de pêche et de commerce disparaissent à Lavau et entraîne un déclin économique progressif de la commune.

“ Autrefois il y avait beaucoup de famille d’agriculteur et puis elles se sont perdues parce que les enfants d’agriculteurs sont devenus salariés de la raffinerie ou des chantiers ou de l’aérospatiale. ”

François Chéneau, Maire de Donges (extrait d'entretien)

“ Depuis que la Loire a changé son lit de place, le port est toujours là mais il y a plus qu’un étier. La Loire ne vient plus toucher le port de Lavau comme ça l’était auparavant, sauf lors des grosses marées. ”

Devenue site économique stratégique, la ville est occupée par les allemands pendant la seconde guerre mondiale. En juillet 1944, les avions alliés de la “Royal Air Force” bombardent le bourg et les raffineries par vagues successives, faisant des dégâts considérables. On déplore la mort de 38 personnes. Dans le bourg, sur 210 maisons existantes, 150 sont détruites. Les écoles, l’hospice, la marie et l’église font partie des lieux bombardés. Il ne reste presque plus rien de l’ancien bourg de Donges. La ville doit être reconstruite. Afin de laisser se développer les installations pétrolières et pour des mesures de sécurité, le pouvoir public de l’époque décide de reconstruire Donges non pas sur elle-même mais quelques kilomètres plus au nord, vers le village de Trélagot. Seules la gare et la ligne ferroviaire Nantes Saint-Nazaire ont conservées leurs emplacements d’origine.

Christian Biguet, Maire de Lavau-sur-Loire (extrait d'entretien)

Dans le même temps, le port de Donges prend un nouvel essor en accueillant dès 1918 la société Paul-Paix qui stocke des produits pétroliers à l’Ouest du bourg. En 1921, la société devient la “Société Générale des Huiles et Pétroles” (S.G.H.P.) en 1921. Son dépôt est d’abord alimenté par des bateaux qui viennent des raffineries du Nord de la France. Donges est désormais un port pétrolier qui ne cesse de s’agrandir avec en 1932, l’installation de la société alsacienne “Pechelbronn-Est” qui décide, pour des raisons économiques, de transférer à Donges les capitaux et les techniciens nécessaires à la construction d’une raffinerie. En mai 1935, la P.O.S.A. (Pechelbronn-OuestSociété-Anonyme) démarre ses installations et atteint une capacité de raffinage d’environ 160 000 tonnes par an.

“ Donges, comme Oradour-surGlane sont les deux seules villes de France a avoir été déplacées et reconstruites ailleurs qu’à leur emplacement d’origine.”

François Chéneau, Maire de Donges (extrait d'entretien)

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Le port de Lavau-sur-Loire aujourd'hui.

Le port de Donges aujourd'hui.

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Développement des communes vers le nord

De la même manière, Donges tend à se développer vers le nord. Au sud, l’espace industriel ne cesse de se développer vers le bourg.

Lavau se développe aujourd’hui vers le Nord du territoire communal. En effet, les vastes terrains marécageux laissés par la Loire au Sud ne permettent pas à la commune de s’y développer.

“ Historiquement, c’est l’état qui a déjà décidé de l’emplacement du nouveau bourg, en concertation avec les élus de l’époque. Ensuite, c’est la raffinerie qui s’est rapprochée du bourg, pas l’inverse, c’està-dire que les installations ont grossies, comme elles pouvaient pas s’étendre vers le sud, elles se sont étendues vers le nord. ”

“ Et comme notre bourg il est sur le bord de la Loire, avec trois côtés les pieds dans l’eau, forcément, c’est relativement limité. [...] On a qu’un seul côté, le côté nord. ” Christian Biguet, Maire de Lavau-sur-Loire (extrait d'entretien)

Jean-Marc Daniel, service urbanisme de la ville de Donges, (extrait d'entretien)

Par ailleurs, la disparition des commerces du bourg et la transmission progressive du pouvoir public au siège intercommunal encouragent les lavausiens à se tournent vers Savenay.

Par ailleurs, la commune de Donges est désormais soumise au Plan de Prévention des Risques Technologiques (P.P.R.T.) de Donges - Montoir-de-Bretagne. Cette loi, applicable dès 2015, a pour objectif de mieux encadrer l’urbanisation future vis à vis des risques technologiques comme notamment, les risques d’explosions que peuvent entraîner les installations de la raffinerie Total. Autrement dit, il est désormais impossible pour la ville de se développer près de l’usine au sud.

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De l'origine au début du XXème siècle // Des bourgs tournés vers le fleuve.

Au début du XXème siècle // Des bourgs qui s'éloignent du fleuve.

Du XXème siècle à aujourd'hui // Développement des communes vers le nord.

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PREMIÈRES VISITES, PREMIÈRES IMPRESSIONS Nos premières impressions confirment les portraits des deux villes dressés jusqu’alors. Elles nous permettent de faire apparaître certains pré-requis que la suite de notre travail s'est attelé à requestionner. Un travail d'écriture, dispositif littéraire

vers

le

Loire que ses habitants souhaitent renforcer.

Le travail d'écriture est un travail que nous avons mené tout au long de ces derniers mois. La transcription de nos impressions par des mots nous a permis de faire apparaître plus distinctement certaines problématiques. “ A l’ombre des feuillages, quelques murs anciens persistent et servent désormais de décor. Le port ancien est endormi. Peu probable qu’il se réveille un jour. ”

“ Le fleuve est large. Au loin de part et d’autre, les couleurs du quai de Paimboeuf et les grues de fer du port de SaintNazaire. Au bord de l’eau, c’est une promenade périlleuse sur les rochers qui semblent être des vestiges d’un quai passé. Derrière, l’usine gigantesque, la raffinerie. Elle pourrait être la ville. Elle a visiblement chassé Donges qui s’est retirée dans les terres.”

Dans cet extrait, Lavau-sur-Loire apparaît comme un village en désuétude. La vie humaine et la présence de la Loire ne sont pas des éléments évoqués. Seule la flore peut faire part d'une certaine forme de vie. Nous semblons décrire un cadre bucolique paisible dans lequel évolue une mise en scène. De ce fait, nous semblons percevoir un certain “potentiel touristique” de Lavau-sur

Cet extrait porte sur le bord de Loire de Donges. Le fleuve apparaît comme un élément qualitatif. Il semble en effet offrir un large panorama sur le territoire alentours. Mais dès que notre regard se rapproche de la berge, c'est à un paysage hostile que nous devons faire face. Nous semblons d'emblée accuser la raffinerie d'avoir façonné un tel lieu où visiblement, aucune vie humaine ne peut s'installer.

Donges, premières impressions, (extrait de carnet de bord)

Lavau-sur-Loire, premières impressions, (extrait de carnet de bord)

Premières photographies de Lavau-sur-Loire et de Donges. 22


La traversée filmée

omniprésente mais nous n’y sommes pas parvenu. Nous l’avons en effet filmée de très près ou encore de très loin sans jamais réussir à la capturer depuis le “dedans” du bourg. Imperceptible aux sens, cette machinerie gigantesque était devenue invisible. Forts de cette expérience troublante, nous avons pu faire apparaître un de nos premiers pré-requis et nous avons pu constater qu’une multitude de milieux cohabitaient. Très vite nous avons été amenés à nous questionner sur ces milieux. Nous voulions aller "voir derrière", nous voulions découvrir de quelle nature étaient ces milieux, de quelle nature était leur "cohabitation", et enfin, quelle qualité nous pourrions mettre en avant au sein de cette cohabitation. Autant de questions qui ont orienté la suite de notre travail.

Lors de l'une de nos premières traversées de Donges et de Lavausur-Loire, nous avons utilisé l'outils vidéo pour rendre compte de nos impressions. Au moment de la préparation de cette traversée, nous partions capturer des images sans scénario précis mais avec une idée, celle de filmer les bourgs de Donges et de Lavausur-Loire selon un axe nord/sud. Ce faisant, notre objectif était de faire apparaître à l'écran des paysages qui s’opposent, entre industrie dans le bourg de Donges et cadre bucolique dans le bourg de Lavau. Un contraste qui nous apparaissait alors troublant. Cependant, notre expérience s'est déroulée différemment de ce que nous avions pu imaginer. Dans le bourg de Donges, nous nous attendions à filmer la raffinerie

Carte des endroits filmés. La raffinerie n'apparaît pas depuis les bourgs. 23


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VIVRE L'ARCHIPEL Un territoire en mouvement

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ENTRE MOUVANCE ET INERTIE Le territoire connaît une contradiction dans son développement, saisi entre libertés et interdictions, autorisations et contraintes, mouvance et inertie. Un territoire en mouvance

mobilité rapide propre à l'archipel. Étonnamment, les hameaux ne sont pas nécessairement répartis autour de ces axes considérés comme majeurs au regard de la carte. Certaines routes dites secondaires deviennent donc des voies usitées quotidiennement par la voiture. Quoiqu'il en soit, ces axes, qu'ils soient « primaires » ou « secondaires », participent au caractère morcelé du territoire et ajoutent une dimension métropolitaine et très mobile à celuici. Il semble donc que le binôme « hameaux-route » aille de paire; sorte de dépendance réciproque. Cette dualité est probablement le fruit d'un nouveau mode de vie recherché ou contraint que nous évoqueront dans la suite de ce mémoire.

Le territoire s'est urbanisé en reprenant la forme de l'archipel, ce qui peut s'expliquer par différents facteurs. La géographie du lieu en est un non négligeable. En effet, le territoire étudié est situé en bordure de Loire. Celle-ci connait des marées régulières. Ainsi, les rivages connaissent des marnages relativement forts. Le territoire change. Les grandes étendues vertes se gorgent d'eau et ne sont plus que des lacs. Pour comprendre comment l'urbanisation a pu se développer malgré un tel phénomène, il est nécessaire de regarder de plus près la topographie du lieu. En effet, les zones habitées sont en réalités localisées sur les points les plus hauts, éparpillées sur le territoire. En découle alors cette fameuse « urbanisation archipel ». Au plus haut niveau d'eau, chaque hameau serait séparé les uns des autres par de l'eau et deviendraient, ainsi, des îles.

Ainsi, le territoire est en mouvance perpétuelle. Il peut dans un premier temps s’agir d'une mouvance naturelle, physique, douce et poétique, impactant régulièrement le paysage en lui donnant un nouveau visage. Dans un autre registre, elle peut aussi être liée à une activité humaine et mécanique, plus rapide et quotidienne. Les axes de mobilités amplifient le phénomène de morcellement en innervant le territoire de toute part et en le reliant directement à la métropole.

De plus, observer la répartition de ces îles a permis de mettre en évidence des axes de développement. Ces groupements d'habitations sont principalement répartis autour de voies routières. Ainsi, cette double relation met en exergue une

Photographie des marais de Donges. 26


Cartographie des hameaux et des axes de dĂŠveloppement.

Cartographie des axes de mobilitĂŠ. 27


Une règlementation qui contraint le morcellement Ce territoire versatile est aussi soumis à une inertie liée aux contraintes réglementaires auxquelles il doit se plier. Ces dernières limitent les possibilités d'urbanisation et sont aussi à l'origine du morcellement. L'une d'entre elles est associée au caractère industriel du lieu. En effet, une partie conséquente de la commune est soumise à la réglementation SEVESO. Il s'agit d'une directive européenne qui vise à identifier les sites industriels « à risques », c'est à dire présentant des risques d'accidents majeurs, et d'y imposer les règles nécessaires pour assurer un haut niveau de protection. Ces contraintes sont définies par le règlement PPRT (Plan de Prévention contre les Risques Technologiques). A chaque niveau de risques défini sont associées des règles à respecter. Ces dernières peuvent aboutir à quatre choses: Elles sont susceptibles de mener à des mesures foncières sur l'urbanisation existante la plus exposée (expropriation, droit à délaissement) ou de réduction des risques à la source sur les sites industriels. Il est aussi possible d'avoir à réaliser des travaux de renforcement sur les constructions voisines existantes. Enfin, la réglementation PPRT peut aussi définir des zones de restriction de l'urbanisme futur (restrictions d'usage, règles de construction renforcées...). Dans le cas de Donges, c'est le bourg situé à 1km plus au nord de la zone industrielle dite « à risque » qui est principalement concerné par cette réglementation. Des entreprises sont touchées par les mesures d'expropriation, et devront donc migrer au nouveau secteur industriel des Six-Croix situé plus au nord. De plus, des habitants voisins se voient dans l'obligation d'effectuer des travaux sur les vitrages de leur maison pour une meilleure protection en cas d'explosion. Globalement, dans le

Carte des zones concernées par la loi littoral etle PPRT.

centre, la construction de nouveaux bâtiments recevant du public (ERP) est limitée, voire interdite pour les ERP difficilement évacuables (type maisons de retraite). Enfin, à certains endroits, la construction de nouveaux bâtiments non liés à l'activité industrielle ou portuaire est strictement interdite. D'autres contraintes sont liées à l'environnement naturel du territoire. Natura 2000 est un réseau rassemblant des sites naturels ou semi-naturels européens ayant une

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faune et une flore extrêmement riche et donc, une grande valeur patrimoniale qu'il convient de préserver. L'objectif est de maintenir cette diversité écologique dans les milieux relevés. Dans le cas de notre territoire d'étude, il s'agit de protéger le marais de Donges ainsi que la Brière. S'ajoute à ceci la Loi Littoral. Celleci n'est pas exactement du même registre puisqu'elle est relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Elle vise à encadrer l'aménagement des côtes (ici des bords de Loire) pour les

protéger. Elle comprend donc un ensemble de mesures relatives à la protection et à l'aménagement du littoral. Ainsi, le territoire observé est en mouvance constante, qu'elle soit liée au déplacements et modes de vie humains ou aux marées naturelles de la Loire. Le site d'étude doit aussi se plier à un certains nombre de règles incontournables que nous avons pu évoquer précédemment. Il s'en voit ainsi figé, contraint de rester à un état actuel immuable, sans réelles perspectives de développement future. 29


UN RYTHME BINAIRE Les cartes étudiées ainsi que les premières rencontres ont révélé un territoire au fonctionnement binaire: deux vitesses, deux échelles, deux rythmes. Un rythme métropolitain Nous avons évoqué précédemment que le territoire morcelé étudié était composé de hameaux associés à des voies routières primaires ou secondaires. Cette organisation n'est pas le fruit du hasard. Il semble qu'elle soit effectivement liée à un mode de vie propre aux habitants de ces « îles ». Il s'agit bien souvent d'une population que l'on pourrait qualifier « d'électrons libres ». De nos jours, on travaille de moins en moins dans sa commune de résidence. Les activités sont en quelque sorte sectorisées. Ce phénomène se voit amplifié depuis une vingtaine d'années. Il peut s'agir d'un choix de vie, correspondant à un idéal et un équilibre recherchés. Les jeunes familles par exemple sont à la recherche d'un espace sain pour leurs enfants, d'une relation de voisinage, ou au contraire de tranquillité.

Situations géographiques de travail des habitants, en %

Ainsi, la distance habitation/travail n'a cessé d'augmenter. Ce schéma de vie éclaire une nouvelle manière d'habiter le territoire. Ainsi, les habitants des hameaux de Donges sont mobiles. Il cherchent le confort de la « campagne », le calme, ou du foncier peu cher pour construire une première maison. Ils veulent « se mettre au vert ». Mais ces nouveaux ruraux que l'on qualifie parfois de « rurbains » travaillent ailleurs, en ville : à Nantes, à St Nazaire, à Pontchâteau etc... Ce nouveau mode de vie a inévitablement induit une très forte dépendance à la voiture. Les rurbains sont hypermobiles, désertant les hameaux le matin pour les retrouver le soir.

"Je voulais que mes enfants grandissent dans un environnement naturel. Je pense que c'est important pour l'épanouissement."

Une habitante du hameau de la Coublais

Ce choix peut aussi très bien être motivé par des questions financières : le foncier en campagne n'est pas cher. "Au départ, on s'est installé dans le hameau parce-que c'était le moins cher!" Une habitante du hameau de la Roulais

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Photographie de la transhumance (Lavau-sur-Loire, le 31 mars 2015)

Un rythme local

La marche La marche est un loisir très pratiquée. Dans la région, de nombreux parcours sont présents pour cette activité.

Cette hypermobilité peut être compensée par des usages à plus petite échelle. En effet, nos différentes rencontres nous ont permis de relever des pratiques qui utilisent des réseaux secondaires, plus réduits et plus lents :

" Là, c'est plus, oui ça fait peut-être plus chemin de remembrement. […] C'est 'y'a très très longtemps que ça a commencé. […] autrefois en Bretagne, les parcelles étaient toutes petites, et puis quand […] il y a eu la révolution agraire, […] 'y'a eu des grosses machines qui sont arrivées. Ça fait trop petit, donc ils ont regroupé des terrains. "

La transhumance La transhumance est une migration périodique des bovins vers les îles. De nombreux habitants sont conviés à participer au trajet.

extrait de l'itinéraire de M-C Lorinquer

" On fait la transhumance avec les vaches. Alors on prend un p'tit chemin là par ici, et puis on fait 12-13 kms et on s'en va sur les sites de la Loire. » (...) «Ils prennent le petit sentier qui est là bas. Pour... parce-qu'on ne passe que par les marais […] . On traverse les routes, on est bien obligés, on n'a pas le choix, mais on ne marche pas, jamais, sur les routes avec les animaux » (...) « C'est par là qu'on passe avec nos animaux, vous voyez ! Ils sortent par là, et hop, ils rejoignent les marais ! "

En effet, les réseaux de chemins sont très développés : " Entre Donges et Lavausur-Loire, il est possible de marcher 20km sans jamais croiser une route. " citation des ateliers publics

Nous avons aussi eu l'occasion de rencontrer par hasard Marcelle lors de sa marche quotidienne. Nous l'avons accompagnée sur une partie de son parcours, l'occasion pour nous de discuter. Elle avait l'habitude de marcher tous les jours. " Comme je m'entraîne tous les jours, j'aime bien varier les parcours. Et il faut dire qu'il y a beaucoup de possibilités dans la région ! "

extrait de l'itinéraire M-C Lorinquer

Marcelle, habitante de Donges

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La marche, au delà du loisir, peut aussi être un moyen de déplacement lié à des activités locales : " Donc c'est ce chemin qu'on emprunte, parce-que la ferme dont je vous parlais, elle est ici " extrait de l'itinéraire de M-C Lorinquer

Extrait de l'itinéraire avec M-C. Lorinquer

La chasse La chasse est aussi un loisir pratiqué dans les marais : " Là vous avez des chasseurs qui s'y mettent, dans les cabanes dans les arbres, pour tirer les pigeons ". extrait de l'itinéraire de M-C Lorinquer

Extrait de l'itinéraire avec M-C. Lorinquer

Cartographie subjective du rythme local

Le vélo Et si les chemins sont des lieux privilégiés pour les marcheurs, ils le sont aussi pour les cyclistes. Durant notre temps d'étude, nous avons en effet bien souvent aperçu des sportifs à vélo. Medhi par exemple, rencontré lors des ateliers publics au hameau de la fontaine à Donges, effectue des sorties en vélo d'au moins une heure chaque semaine avec son VTT.

Rencontre avec Medhi lors des ateliers publics (Hameau la Fontaine, novembre 2015).

" C'est chouette ici, je sors de chez moi et je suis sur les chemins en terre ". Mehdi, habitant de Lavau-sur-Loire

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La pêche

Tous ces usages constituent une sorte de réseau parallèle lié aux flux. Ainsi, mobilité rapide/grande échelle et mobilité lente/échelle locale cohabitent à part égale sur la commune. Ils se complètent en servant des usages bien distincts.

Lors des ateliers publics, une dongeoise nous racontait : " Mon mari venait se baigner là ! Maintenant il pêche ! " Citation des ateliers publics

Nous avons aussi réalisé que les canaux pouvaient être support de loisirs auxquels nous n'avions pas songé "Avec des amis, l'été, on fait du stand up paddle et du kayak sur les canaux " Citation des ateliers publics

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L'ÉCONOMIE DES ÎLES Les îles ne sont pas seulement à observer d'un point de vue géographique, mais aussi économique, fonctionnel et vécu. Plus qu'élément de paysage, elles participent aussi au bon fonctionnement de l'ensemble de la commune. Un archipel qui fonctionne en réseau On accepte donc cet état de fait : le territoire étudié est morcelé, composé d'une multitude de hameaux comparables à des îles. Cet ensemble d'îles singulières forme donc un tout dans lequel chacune apporte en quelques sorte " une pierre à l'édifice ". En effet, nous avons constaté que les îles présentaient des spécificités propres à chacune. Les rôles économiques, sociaux, politiques et urbains varient selon les hameaux et participent au bon fonctionnement de l'ensemble de la commune. Ainsi, voici une première répartition qui pourrait être faite de ces îles, selon la fonction majeure mais pas unique qui les caractérise :

Cartographie des typologies de hameaux

île résidentielle en extension

île industrielle en extension

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île à conforter


île équipée

île industrielle

île résidentielle

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île agricole


Des communes qui tirent profit du morcellement : exemple de Donges

Les besoins, en équipements notamment mais aussi en logements, répondent donc à une réelle demande. Une alternative intéressante semble avoir été trouvée dans les hameaux, moins concernés par les contraintes réglementaires car plus éloignés géographiquement.

Le PADD (Projet d'Aménagement et de Développement Durables) est un document politique exprimant les objectifs de la collectivité locale en matière de développement économique et social, d'environnement et d'urbanisme. Il s'inscrit dans une logique de durabilité. L'étude du PADD de la commune de Donges nous a permis de constater que les volontés politiques allaient aussi dans l'acceptation et le renforcement d'une urbanisation insulaire.

Le hameau de la Pommeraye en est un bon exemple : en effet, le bourg centralise la plupart des équipements, quels qu'ils soient. Nous y trouvons des écoles, des équipements sportifs, des équipements destinés aux nombreuses associations, des commerces, des services... Malgré tout, il semble que le bourg soit désormais « gelé » à cause des normes industrielles. C'est pourquoi un projet de construction de nouvelle école est en cours au hameau de la Pommeraye pour parer à la saturation des écoles dans le bourg.

Effectivement, il semble que la commune ait trouvé dans les hameaux une compensation aux limites auxquelles elle est soumise dans le bourg. En effet, nous l'avons vu, les contraintes industrielles (SEVESO et PPRT) freinent considérablement la densification et l'apport de nouveaux programmes dans le bourg de la commune. Cependant, la démographie tend à augmenter notamment grâce au projet des Ecottais. Ce lotissement situé au nord du bourg et en cours d'urbanisation vise à redynamiser la ville. Ainsi, de plus en plus de jeunes ménages continueraient de s'installer à Donges.

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Carte issue du PADD de Donges

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UN ARCHIPEL AU PLURIEL Le récit des Autres

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RENCONTRER POUR COMPRENDRE "En se transposant sur le terrain de l’habitant, le chercheur est amené à se questionner sur ses propres catégories d’analyses. Les variations émotionnelles qui transparaissent au cours du récit révèlent comment un site se dote d’une histoire et d’une expérience singulière qui échappent au simple visiteur occasionnel." Michèle Grosjean, Jean-Pierre Thibaud. L’espace urbain en méthodes. 2001.

A la rencontre de...

constitué un véritable réseau; où les contacts s'ajoutaient, le plus souvent, au gré de rencontres à rebonds;

Aller à la rencontre de l'autre a avant tout été pour nous, une occasion de questionner nos certitudes en acceptant d'être désorienté, troublé ou tout simplement touché. Les rencontres qui vont suivre s'abordent donc comme un recueil d'histoires vécues du territoire, nous ayant permis de découvrir des lieux par ceux qui l'habitent. Nous avons donné une véritable place à la reconnaissance de la vie quotidienne. Qu'elles aient été impromptues ou prévues, chacune des rencontres a été vécue comme un échange et une opportunité de laisser le territoire parler de lui-même. Cette multiplicité d'interlocuteurs a alors mis en mouvement un système d'acteurs complexe. Nous avons souhaité faire dialoguer les strates de notre territoire d'étude et ce, au travers de ceux qui l'habitent et le pratiquent.

"ça pourraient être intéressant que vous les rencontriez hien? ... J'peux l'appeler je l'ai son numéro [...]"

Gérant de "l'Amiral" Hotel-Restaurant de Donges

Puis, en parallèle de ces rencontres hasardeuses, nous avons aussi fait la connaissance d'autres personnes sous la forme d'entretiens non directifs. Par ce format, nous avons pu recceuillir une pluralité de récits du territoire et dresser plusieurs "portraits" de Donges et de Lavausur-Loire. L'ensemble donne alors à voir la diversité des acteurs de ces deux communes; parmi eux, certains sont habitants depuis toujours, d'autres sont tout juste arrivés, d'autres encore y travaillent uniquement. L'idée n'étant pas d'être exhaustif, voici quelques extraits de rencontre et les contextes dans lesquels elles ont été réalisée.

Tout d'adord, nous avons fait des premières rencontres dans la rue, sur le marché, dans les bistrots. Puis, de fil en aiguille, nous nous sommes 40


Les discussions de comptoires ont souvent été des moments d'échanges importants.

> Les gérants des bars "Le Welcom" et de "L'Amiral" à Donges, qui nous ont souvent acceuillis pour déjeuner ou discuter autour d'un café,

> M. Eric Lemerle, chargé de patrimoine permanent au sein d'Estuarium, qui nous acceuilli dans ses locaux à Cordemais et parlé des situations de Donges et Lavau-surLoire dans le contexte global de l'Estuaire,

> M. François Cheneau, maire et habitant de Donges, qui nous a reçu pour un entretien et également aidé dans l'organisation de nos ateliers publics,

> La directrice et une institutrice de l'école primaire publique de Lavausur-Loire, qui à la sortie des classes nous ont fait partager leurs ressentis sur la commune,

> M. Rémy Klein, élu responsable à la vie de quartier de Donges, qui a pris un peu de son temps pour poser son regard sur les situations urbaines nous questionnant,

> Un couple de nouveaux locataires qui nous a notamment exprimé les raisons de sa venus à Lavau,

> Mme Hélène Renou, directrice de l'école primaire privée de La Pommeraye (située dans un hameau au nord de Donges), qui nous a fait part de son point de vue de personne travaillant et habitant dans un hameau,

> "Momo Pizza", pizzaïolo à Lavausur-Loire, avec lequel nous avons discuté à plusieurs reprises, > ... sans oublier tous ceux que nous n'avons pas cité et qui nous ont aidé dans notre démarche.

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La belle, la vieille, la morte et la saisonnière

Grandir sans s'agrandir, s'ouvrir sans acceuillir?

Le 1 octobre 2015, Marie-Thérèse, habitante de Lavausur-Loire depuis 25 ans, nous invite chez elle et nous raconte sa perception de la commune autour d'un café. Pour elle,

Le 5 octobre 2015, Christian Biguet, maire de Lavausur-Loire et lavausien de naissance, nous reçoit dans son bureau en fin d'après-midi. Lors de cet entretien, il souligne son implication politique et personnelle dans "sa petite commune";

"C’est un joli petit bourg, un peu mort, mais très joli. C’est très, très joli, surtout l’automne, l’été je trouve que c’est moins joli. Y a les fleurs mais je trouve c’est moins joli, je trouve l’automne, c’est la saison la plus jolie pour visiter le Trou Bleu puis faire les randonnées. Dans les marais… quand on voit la marée, on voit quand même les ragondins […] y a des maisons quand même très anciennes, très, très jolies aussi […] il faut aller en campagne, c’est encore plus joli […] l’avantage quand même que c’est calme, et puis bon bah on a quand même la nature […] Mais c’est vrai qu’elle est très jolie aussi cette maison là. C’est vrai qu’il y a de très belles maisons. C’est mort maintenant, mais bon c’est vrai que c’est une commune quand même… tranquille […] c’est un peu dommage de laisser tout ça à l’abandon. Parce que notre commune va mourir hein d’ici peu de temps. Si ça bouge pas, elle va mourir hein. D’ici cinq-six ans, y aura plus grand monde à Lavau hein […] là bah non y a plus rien"

"La plus petite commune de l'estuaire […] et puis est arrivé 2007, l'oeuvre estuaire ... C’était une autre dimension ! On a été un peu débordés… un petit peu inquiets voire plus que ça, parce qu’il y avait trop de monde en même temps ! On est un peu chagrinés parce que les vélos on les voit passer de l’autre côté de l’eau mais on aimerait bien qu’ils passent […] on a du mal … à c’qu’ils mettent quelque chose en route pour, acceuillir des visiteurs ! C’est pas culturel le tourisme ici […] On n’a pas besoin du tourisme pour vivre ici … Le tourisme c’est quelque chose qu’arrive après donc euh, bah faut réussir à l’faire … ça on y arrivera! Et puis faut être honnête, on pas envie d’être une grosse ville non plus hein ! Il y a une certaine qualité, un certain cachet, une démarche aussi à vivre dans une petite commune ! On n’est pas 20 habitants mais… euh… passer à 3000 habitants ça nous intéresse pas … ! On veut pas."

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La Carène versus Donges?

Odorante et inodore, l'insignifiante comme décor ...

Le 5 octobre 2015, Jean-Marc Daniel, responsable du service urbanisme de Donges, nous accueille dans son bureau. Intéressé par notre démarche, nous percevons rapidement son fatalisme lié à la situation de déprise du pouvoir local face aux communautés de communes. Pour lui, Donges a un mode de développement qui atteint ses limites car :

Le 27 septembre 2015, Antoine, animateur de la maison des jeunes participe a un événement organisé par l'OSCD (Office SocioCulturel de Donges). A cette occasion, nous discutons également avec Kévin, un autre animateur, ainsi qu'avec Alain Morice et Charles O'Rorke, respectivement président et directeur de l'OSCD. Au fil des échanges, Antoine nous indique qu'il est originaire de la Chapelle-Launay; il connait donc Donges depuis qu'il est tout petit et y travaille depuis 7 ans maintenant;

"Jusqu’à très récemment, Donges se développait dans ses écarts […] Mais c’est vrai que les objectifs et le mode de développement, il est de plus en plus celui de la Carène et de moins en moins celui de la commune […] c’est-à-dire que ce n’est pas un projet global […] Toutes les grandes orientations stratégiques ne s’font plus à l’échelle communale […] donc là c’est la commune qui agit pour mettre en place la politique qu’est définie au niveau d’la Carène […] Mais toutes les grandes orientations stratégiques partent les unes après les autres au niveau au-d’ssus … (sourire fataliste) une perte progressive du pouvoir local […] Le développement se fait suivant des décisions qui sont prises à l’extérieur […] Qu’est-ce que c’est qu’ce truc que Saint-Nazaire va aller nous pondre ? […] il y a cette peur que la Carène vienne nous plaqué des choses […] On s’fait bouffer par la Carène pour être clair".

"Elle est un peu touchante cette ville quand même ! Elle est prise entre le chantier, le… le… le port, la 4 voies, elle est un petit peu … recluse. Un petit peu coincée […] « C’est vrai que dans les alentours à chaque fois, Donges c’est : ça pue, c’est moche, c’est ce genre de choses ! Non mais ouais, à l’intérieur elle est jolie ! Enfin, vue de l’extérieur, on a l’impression que c’est Batman ou Tim Burton. Et, quand il fait nuit, avec les lumières de la raffinerie, ben c’est vraiment Gotham City ! On appelait ça comme ça quand on était ado ! […] Ouais, on sait que si quelque chose arrive, voilà … On est morts ! … Ça saute tout de suite ! C’est surtout les gaz, chimiques, qui sont très dangereux, on les sent pas, c’est pas comme quand on sent le soufre. "

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ITINÉRAIRE(S) Trois guides, trois manières de regarder et d'habiter ... trois chemins à suivre pour négocier le projet. Aller à la rencontre des personnes qui vivent le territoire au quotidien a été une manière d'enclencher le processus de projet. La posture de l'écoute nous a alors permi de prêter attention à ce qui n'est pas perceptible au premier coup d'oeil à ce qui est vécu mais qu'on ne voit pas forcément. Dès lors, la méthode des itinéraires de Jean-Yves Petiteau est un outil méthotodologique que nous avons pu expérimenter pour découvrir le territoire de l'Autre. Ainsi, par l'action même de marcher sur le territoire, nous avons chercher à découvrir un paysage qui nous intriguait ... celui du marais. Comme vu précédemment, le marais est support de pratiques et d'usages liés à un rythme plus local. Il est important de noter que ces activités semblent provenir de la géographie même du lieu qui, par son ambiance singulière, invite à la promenade et à la traversée.

Dans le marais

Ainsi, qu'ils concernent à proprement parlé le milieu du marais, ou bien des lieux bâtis (bourgs et hameaux), nous nous sommes aperçus qu'ils étaient, le plus souvent, nourris par la géographie des lieux, qu'elle soit physique ou sociale. Les marais apparaissent comme des espaces du "lâché prise" propices à la rêverie. Ils semblent participer à la création d’un imaginaire du lointain, à l'image de la raffinerie qui peut évoquer "Las Vegas" aux habitants. Par ailleurs, les marais sont peu ou mal connus même s'ils sont pratiqués et peuvent donc être des espaces étrangers voire mystérieux pour les habitants. Pour autant, les marais sont vecteurs de savoir-faire locaux, mais nécéssitant des connaissances parfois très techniques.

Le marais étant un élément prégnant du territoire, nous avons pu rencontrer trois personnes le pratiquant quotidiennement: > Marie-Claire. Habitante du hameau de l'Orme à Lavau-sur-Loire, elle va souvent marcher seule ou entre amies. Son mari est conseiller à la mairie de la commune et porte beaucoup d'intérêt à la nature, l'environnement... > Christian. Habitant de Pontchâteau, responsable du service bâtiment de la ville de Donges depuis 33 ans. Il est passionné de nature, de pêche, de chasse aux gibiers.

"Les marais de Donges servent à écouler ou pas la Brière. On se sert de la commune pour écouler. Le problème de la Brière, c’est qu’il faut gérer les niveaux d’eau. Il faut réussir à mettre d’accord les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs…"

> Brigitte. Habitante de Donges, elle promène son chien régulièrement au parcours sportif. Elle est aussi très investie dans le réseau associatif de la commune. Chacun de ces récits de vie nous a permis de nous familiariser avec les pratiques "invisibles" du territoire, ses contre-usages.

Extrait du communiqué concernant le “Plan pour le raffinage de Total en France” publié en avril 2015

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Extrait de l'itinéraire réalisé avec Brigitte Jeudi 22 octobre 2015, 14h30, Le rendez-vous avait été fixé place de la mairie de Donges. Nous avons effectué un itinéraire de 2h avec Brigitte et son chien. Il s’est terminé par la visite de l’église et l’ascension du clocher.

"Vous voyez près du Pont Bleu là bas... [...] Y a un monsieur qui vend des pommes par là, dans le secteur là bas… il a un verger. Et ça arrive que j’aille chercher les pommes en vélo... avec mon sac à dos. Après il faut les rapporter hein… Il a de très bonnes pommes." "La maison qui est dans les arbres c’est… ce qu’on appelle ici le “Cercle des ingénieurs”. C’est la maison où les… les gens de chez Total quand ils ont des repas, des courses, c’est là s’passe.[...] Ils prêtent le parc à l’OSCD à Pâques parce qu’on fait la chasse aux oeufs." "L’année dernière, j’étais venue là pour ramasser des marrons parce que… on m’avait dit que… de mettre des marrons dans sa poche, ça empêchait d’avoir des douleurs."

"Un jour j’étais venue me promener par là car mon petit fils pour son travail au collège, il devait faire un herbier alors on avait toute une liste d’arbres."

"Là on a une autre petite salle, qu’a pas les mêmes dimensions mais qui rend bien service. Les galettes des rois… tous les petits repas … les assos qui font des manifestations, c’est vrai qu'on a besoin d‘espace hein."

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"Ils avaient fait une petite église en bois, provisoire. [...] Y a une chose qui est intéressante à faire s'il fait très beau euh... faut qu’il fasse beau, y a possibilité de monter dans le clocher. Alors là on a une vue magnifique ! Mais l’escalier est bancal alors c’est toujours à nos risques et périls!" "L’bâtiment qu’on voit là bas au fond c’était une ancienne gendarmerie. [...] Ouais on on .. bah on peut passer par là vous verrez … Mais comme on a plus de gendarmes! [...] Donc dans cette gendarmerie ils ont fait des appartements."

"Oui c’est vrai que … moi j’ai fait plusieurs fois des visites avec des groupes de scolaire … Alors c’est amusant quoi, parc’que … que ce soit l’école publique ou, ils nous ont demandé plusieurs fois mais c’est bien moi j’trouve, avec des enfants qu’étaient jamais rentrés dans une église."

"Ca fait une cité relativement neuve parce que comme le centre ville a été détruit. [...] Entre le... l’église, l’ancienne qui a été détruite et puis la construction de la nouvelle."

Quand on est arrivé, beh c’était beaucoup d’anciens … alors la mentalité est un peu différente maintenant car y a beaucoup, y a d’la jeunesse, ça change hein!"

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" ET VOUS, VOUS EN PENSEZ QUOI ? " Comme un prétexte pour engendrer l'action, cette question posée avait pour objectif d'inviter les habitants à parler de leur commune le temps d'un atelier public. Organisée sur quatre jours, cette expérience en immersion totale sur le terrain, a constitué un temps fort de notre démarche.

Extrait des flyers distribués et affichés dans les différents lieux publics des deux communes.

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D'île en île... Notre périmètre d'étude allant de Donges à Lavau-sur-Loire, imaginer un unique point de rencontre nous semblait inadapté. Nous avons très vite souhaité mettre en place un double dispositif, à la fois fixe et mobile. En parallèle d'une permanence tenue à la salle polyvalente près de la mairie de Donges, nous avons choisi de parcourir le territoire dans une camionette aménagée pour l'occasion, afin d'aller à la rencontre des habitants. Nous nous sommes éloignés des bourgs afin de nous

installer dans plusieurs hameaux de Donges et de Lavau-sur-Loire. Par ailleurs, nous avons fait le choix d'expérimenter des dispositifs similaires pour le "QG" et l'itinérance tout en adaptant les formats. Nous ne souhaitions pas privilégier un lieu plus qu'un autre, une commune plus qu'une autre, c'est pourquoi nous n'avons pas fait de distinction apparente. Toutefois, nous avions plus de doutes sur la "réussite" et le "succès" de l'atelier ambulant, même si l'expérience véçue nous a très vite prouvé le contraire.

Mardi - 20h : À côté du camion de "Momopizza" (Lavau-sur-Loire)

Mercredi - 15h : Au hameau de La Fontaine (Lavau-sur-Loire)

Jeudi - 11h : Sur le marché (Donges)

Jeudi - 16h30 : À la sortie des classes au hameau de La Pommeraye (Donges) 49


Pluralité de supports d'expression L'ensemble des outils, aussi divers que variés, que nous avons souhaité proposer aux habitants, avaient pour objectif de susciter une diversité de réactions. Pour ce faire, nous avons donc décliné plusieurs ateliers: Panneau "introductif" Sous la forme d'un patchwork de photos, articles de journaux ... l'objectif était avant tout d'interpeler les passants en donnant à voir nos propres questionnements. Mur "photos/citations habitantes" Nous avions sélectionné et prélevé quelques "paroles habitantes" récoltées durant les premières semaines dans le but d'engager une discussion. Ainsi, au fur et à mesure, les interlocuteurs annotaient et collaient des post'it en réaction aux commentaires précédents. Photographie de l'atelier réactions sur le panorama.

Jeux de cartes De l'échelle de l'estuaire à celle d'un hameau, elles étaient posées sur table et permettaient aux discussions plus longues de s'installer. L'idée était de pouvoir mettre en évidence les lieux et parcours quotidiens de chacun. Nappes transparentes, gomettes et marqueurs étaient alors des moyens de garder une trace de ces échanges, tout en laissant la possibilité de superposer les strates de chaque passage.

Discussion sur carte

Expression libre A la fois destiné aux enfants et aux adultes, ce dernier dispositif s'est transformé, au fil du temps, en atelier "carte mentale". Le principe était simple, il s'agissait pour les personnes d'énoncer les lieux qu'ils aiment ou pas, qu'ils fréquentent ou pas, et de les placer sur une feuille blanche afin d'obtenir des cartographies personnelles du territoire.

Carte mentale (Yoni - 8 ans) 50


Panorama Installée uniquement au QG, une vue de la commune de Donges prise du clochet de l'église, était un dispositif sur lequel les habitants pouvaient annoter/coller/réagir ...

Debriefing Même s'ils n'impliquaient pas les habitants de manière directe, il est important d'évoquer les nombreux debriefings que nous avons effectué à la fin de chaque journée. En effet, ces intenses moments d'échanges permettaient à chacun de raconter aux autres ses rencontres, mais aussi et surtout, d'avancer notre réflexion collective. Nous avons alors cartographié les thématiques abordées et les problématiques observées lors de ces ateliers.

Très vite, nous nous sommes aperçu que cet atelier fonctionnait très bien, c'est pourquoi nous avons décidé de le mettre en évidence, "en vitrine" de notre scénographie. Plus qu'un support de discussion, cet outil donnait véritablement à voir le territoire d'une autre manière qui semblait souvent inédite pour les habitants. Ces derniers appréciaient de pouvoir montrer leur habitation mais aussi les lieux qu'ils fréquentent quotidiennement. Ce dispositif a donc été très riche pour eux comme pour nous. De cet atelier, divers "lieux-repères" (culturel, historique...) ont émergés; à l'image de la caserne des pompiers qu'un grand nombre d'habitants a évoqué pour se repérer.

Co-création d'une carte problématique 51


Adaptabilité et flexibilité

vitrages de la salle polyvalente en inscrivant les types de commerce ayant aujourd'hui disparus de la place de la mairie. De cette manière, la vie passée de la place entrait en dialogue avec les façades et vitrines actuelles. Ainsi, nous avons pu prendre la mesure de la désuétude des locaux commerciaux du bourg.

Une des difficultés inhérente aux ateliers publics est de placer le curseur entre ce que l'on prévoit et la part d'imprévisible. Au fil des jours, nous avons fait évoluer nos dispositifs (changeant la scénographie par exemple...) afin que cette expérience, qui est avant tout humaine, soit la plus riche possible. A l'aide de Dominique, habitant de Donges, nous avons investi les

Au fil des rencontres, de multiples questionnements se sont confirmés quand d'autres sont apparus.

Grâce à Dominique, la vitrine de la salle polyvalente joue avec l'architecture de la ville ... 52


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DES ÎLES AUX LISIÈRES Se positionner

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REGARD NEUF Le travail cartographique et chacune des rencontres vécues sur le terrain sont autant de récits collectés sur le territoire qui nous ont permis de construire le notre ; un récit singulier et inédit qui exprime notre regard, notre point de vue.

Se positionner à Donges? à Lavausur-Loire? à Donges et Lavau-surLoire?

Regard porté sur un territoire Afin de mieux le percevoir, nous avons construit une cartographie subjective nous permettant de nous représenter le territoire.

La complémentarité des outils utilisés nous a notamment permis de mettre en mouvement les récits parallèles de Donges et Lavausur-Loire. Assez naturellement, les enjeux de la commune de Donges ont concentré une grande partie de notre attention. C'est pourquoi nous avons choisi de nous attarder plus longuement sur le cas dongeois, tout en considérant Lavau-sur-Loire en tant qu'environnement proche de Donges.

On considère dans celle-ci les bourgs et les hameaux comme les éléments d’un tout, d’un maillage global. Ils apparaissent comme des polarités. Cependant, des distinctions sous la forme de pondérations se manifestent d'une polarité à une autre. Les degrés de pondérations dépendent directement des liens et des lieux communs que nous appelons stimulis. Comme stimulis, on peut citer par exemple une fête de village, un engagement associatif, une activité commerciale etc. ...

L'ensemble des recherches menées en studio, croisées aux expériences partagées avec les habitants, nous a offert l'opportunité de voir combien un portrait de ville n'est jamais unique. Nous avons donc (re) découvert une diversité, une pluralité de Donges.

Cette représentation est pour nous un moyen de mesurer les intéractions présentes sur le territoire.

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Exemple d'une cartographie subjective. 57


"Les Donges" et leurs problématiques apparentes...

"On peut très bien imaginer l'arrêt du raffinage, dans ce cas, la raff' devient un espace de stockage ... ou bien alors la raff' peut aussi se développer mais changer d’activité dans le sens où elle ne s’occupe plus des mêmes produits. Pour l'instant, on ne sait pas ce qu'il en sera demain, même si Total envisage d'investir plus, ça on le sait déjà! On sait que ça va encore un peu continuer !"

Demain, la raffinerie existera-t-elle encore ? Les trois "Donges historiques", celui de la Loire, celui de la Raffinerie et celui d'aujourd'hui abordés au travers de la rétrospective historique posent la question de l'avenir économique de la commune. Aujourd'hui, même si la Raffinerie semble fonctionner d'elle-même, il est important de prendre position vis-à-vis du futur de cette "hyperstructure". Pour ce faire, nous avons questionner la pluralité de scénarios prospectifs possibles. Certains d'entre-eux ont été sujets de débat avec les habitants. Un conducteur de citerne de chez Lorcy, transporteur installé dans la zone d'activités à côté de la raffinerie, rencontré lors des ateliers publics raconte :

Laurent Desmas, conducteur de l'entreprise Lorcy

Mais alors, Donges sans la raffinerie, c'est possible ? Ce serait quoi ? La projection à l'horizon 2029 et les investissements financiers actuels de Total laissent penser l'avenir de Donges avec la présence de la Raffinerie. C'est avec ce postulat, que nous avons imaginé inscrire nos interventions... Autant dire que la Raffinerie n'a pas fini de briller la nuit!

Photographie de nuit de la raffinerie 58


Photographie de la partie désaffectée de l'école privée Saint-Joseph

Un bourg vacant

laquelle la majorité des commerces étaient installés, est inclue dans les zones à riques du PPRT.

Les trois "Donges géographiques", celui de l'industrie, celui du bourg et celui des villages/hameaux, mettent en évidence le caractère insulaire et archipélique du territoire que nous souhaitons prendre en compte pour intervenir.

Au fil des années, les espaces vacants semblent se multiplier un peu partout sur la commune. Les habitants ont alors souvent mentionné le Cercle des ingénieurs (lieu sous-utilisé même s'il est parfois occupé par l’OSCD), l’école privée Saint-Joseph, la voie ferrée désaffectée au Nord de la commune, ou bien encore l'actuel bâtiment de la gare,

Tout au long de notre démarche, nous avons constaté que les différentes îles, définies précédemment, cohabitent sans dysfonctionnement apparent. En effet, chaque entité possède sa propre organisation et intéragie avec ce qui l'entoure. Par exemple, la principale île industrielle, la raffinerie, semble fonctionner presque exclusivement par ellemême.

"où les jeunes se donnent rdv parce qu’il n’y a personne." Antoine, animateur à l'OSCD

La liste pourrait être encore longue, l'idée n'est pas d'être exhaustif. De plus, notre démarche projetée sur la commune ne vise pas non plus à se positionner en guérisseur d'un bourg "malade". Elle tente plutôt de révéler les "carences d'actions" de la municipalité afin de choisir où agir. Nous prenons donc ses situations révélées comme des potentiels d'action.

Le bourg quant à lui, semble en désuétude. Il ne bénéficie plus des bénéfices de la taxe professionnelle liée à la raffinerie, ses équipements vieillissent donc à vue d'oeil. Il se vide de tout ses commerces. Ce phénomène est notamment dû au fait que la place de la mairie, autour de 59


Des hameaux autosuffisants

"Je suis arrivé il y a quelques mois seulement. J'ai senti quelques réticences au départ. Il faut dire que je ne suis pas arrivé au bon moment. Je suis musulman et vous savez dans la campagne... et avec Charlie Hebdo... Mais bon au final un sourire, un bonjour, et c'est bon ! [...] J'ai rencontré mes voisins les plus proches dès mon arrivée cet été. Nous faisions un barbecue dans nos jardins respectifs. Mais comme le mien touche l'arrière du leur, nous avons commencé à discuter de chaque côté du grillage"

La vie dans les hameaux semble en marge des phénomènes affectant le bourg de Donges. Les villages, semblent avoir trouvé un équilibre par lequel ils se développent. Très dépendants de la vie métropolitaine (pour le travail, les commerces, les loisirs...), ils paraissent tout de même vecteurs d'une sociabilité. Celleci pourrait alors qualifiée d'autosuffisante, autonome; non pas au sens où leurs habitants vivent en autarcie, mais plutôt au sens où ces derniers semblent avoir trouvé une manière de vivre ensemble, comme en témoigne cette rencontre que nous avons faite lors des ateliers publics:

Mehdi, habitant de Lavau-sur-Loire

Cette rencontre a constitué un point de départ dans notre manière de considérer ces petits villages disséminés. Leur histoire, leur organisation spatiale, leur échelle, ainsi que l'esprit «village» qui les habite sont propres à ces lieux et y créent une vie humainement riche où les relations de voisinage sont très présentes.

Alors que nous étions en itinérance, nous avons rencontré Mehdi dans le hameau de la Fontaine. Ce conducteur de tramway avait une trentaine d'années, habitait St Herblain, et avait fuit la ville pour s'installer à la campagne et y mener une vie tranquille, au calme.

Photographie d'un panneau de signalisation - Les hameaux, bien plus qu'un cadre de vie? 60


Trois manières d'habiter Donges Lorsque l'on s'attache aux manières d'habiter Donges, on on peut en distinguer trois principales :

avant de partir en direction des pays du nord. Ce moment nous a rappelé que Donges est un lieu d'accueil, une ville reliée au monde. Cette situation constitue un véritable enjeu.

L'ancrage Ces Dongeois habitent la commune depuis toujours, et ce, souvent de générations en générations. Ce sont "des gens du cru" comme le disent si bien certains.

Nous avons remarqué que les Dongeois se distinguaient souvent les uns des autres de par le nombre d'années vécues à Donges. Il y a les "anciens" et les "nouveaux".

Le turn over En effet, nous avons pu constater un phénomène de turnover et ce, en particulier dans les hameaux. Les personnes y viennent le plus souvent pour le travail pour 2, 5 voire 10 ans puis repartent ensuite. Ces "nouveaux dongeois" sont souvent des jeunes familles attirés par la campagne et le prix du foncier.

Se pose alors une question, celle du sentiment d'appartenance, car en réalité, certains d'entre eux nous ont confié: "Ça ne fait que 17 ans que je suis là, donc je ne suis pas dongeois". Citation des ateliers publics

Ou encore, "J'habite donges depuis 20 ans, c'est pas pour ça que je suis dongeoise!"

Le transit Enfin, il ne faut pas oublier le caractère cosmopolite et transitoire du territoire. Trois marins philippins aux ateliers publics nous ont raconté qu'ils étaient « là pour 26 heures » L'ANCRAGE

Citation des ateliers publics

LE TURN-OVER

Graphiques montrant les trois manières d'habiter Donges 61

LE TRANSIT


Mais alors, "qu'est-ce qui fait d'eux des Dongeois ?"

Pour d'autres, ce sentiment d'appartenance est lié à l'histoire;

Cette question est une question que nous avons posé lors des ateliers publics. A partir des réponses que nous obtenues, nous avons constaté que l'investissement personnel dans la vie de la collectivité semble être un facteur d'intégration important. En effet, participer à la construction et la pérennisation de la vie collective dans sa ville participe au sentiment d'appartenance à celle-ci. Vivre sa commune, c'est aussi y agir, même si chacun le fait à des niveaux différents.

"à une époque, on était attaché à la Raffinerie, maintenant c'est différent, ce sont des jeunes qui viennent et qui repartent." La dualité "anciens/nouveaux" met alors en mouvement la notion de l'appartenance physique ou psychologique à un/des lieu(x). Nous avons alors constaté que celleci est propre à chacun et dépend des activités pratiquées sur le territoire et qu'elle constitue un paramètre important à prendre en compte avant de bâtir.

Ainsi, pour la plupart, " c'est l'attachement associatif qui fait qu'on s'y attache, qu'on se sent fier d'être dongeois.". La commune de Donges a un réseau associatif très riche avec plus de soixante associations à caractère social et culturel, sportif, scolaire et syndical.

Cours de Zumba dans la petite salle polyvalente attenante à la mairie. 62


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RÉVÉLER LE DONGES QU'ON VIT MAIS QU'ON NE VOIT PAS S'habituer, s'accoutumer aux composantes de notre paysage. Quand le quotidien prend le dessus, que l'extraordinaire ne devient qu'ordinaire : de l'appropriation de la ville à la perte d'estime.

Un Donges qu'on vit mais qu'on ne voit pas. Du moins qu'on ne voit plus. Il semble que les Dongeois, politiques et habitants, se soient habitués, accoutumés à certains aspects de leur environnement. Il y a comme une sorte de perte d'estime pour certains lieux.

La notion d'accoutumance semble donc relever de l'habitude. L'habitant d'une ville s'habitue au contexte dans lequel il vit. Nous avons pu nous même en faire l'expérience. Ecrire nos ressentis, nos premières impressions, lorsque nous sommes arrivés à Donges pour la première fois a été primordiale. Nous avons été amenés à passer beaucoup de temps sur le terrain. En l'étudiant, l'observant, l'analysant, notre regard sur celui-ci a inévitablement évolué. Se replonger dans nos premiers écrits a permis de revenir à l'essence même de celui-ci, retrouver l'essentiel. Pour un habitant, l'accoutumance peut, à terme, l'empêcher d'agir et de voir autrement les lieux qui constituent son quotidien.

Définition "accoutumance" : (d'après le dictionnaire Larousse) (Ethologie) Forme simple d'apprentissage caractérisée par la disparition d'une réponse à une stimulation particulière et qui résulte de la répétition de cette stimulation si elle n'est pas suivie de renforcement.

" L’habituation aux parcours quotidiens, ne renforce pas nos sens pour les percevoir, mais les émousse. Elle aboutit à l’affaiblissement des sensations et des impressions, plutôt que leur renforcement. " 1.

- Fait de s'accoutumer à quelque chose, d'être accoutumé à quelque chose. Définition "accoutumer" : (d'après le dictionnaire Larousse) - Faire prendre à quelqu'un telle ou telle habitude ; habituer à

1 Hanène Ben Slama dans Parcours urbains quotidiens. L'habitude dans la perception des ambiances, 2007 64


La ville de Donges, et ses particularités, semblent figées par ses habitants, ou plus précisément par le regard qu'ils portent sur leur commune. A force de les voir, le Dongeois ne remarquent plus les cheminées rouges et blanches, les paquebots, la mer verte qui les entourent... Ainsi, "l'habitué" ne se rend plus compte d'une dynamique présente.

Quelques exemples de "lieux d'accoutumance" représ à Donges

Cette réaction a des répercussions sur l'image que Donges renvoie au monde extérieur. En effet, celui qui ne connaît pas la ville ne voit que ce qu'on lui "donne à voir". Cependant, si les usagers eux-mêmes, politiques et habitants, n'ont pas pleinement conscience de l’existence de certaines richesses dans leur ville, comment alors les transmettre aux autres ? Les richesses économiques, paysagères et sociales perdent de leur dynamique. Elles sont de moins en moins attractives. Cette déperdition d'attractivité distancie d'autant plus ces lieux des attentions qu'on pourrait leur porter. Ces sites deviennent des "délaissés".

Les équipements communaux

Les abords de la raffinerie

Avec notre regard, nous étudiants en architecture, avons décelé des lieux, des potentiels. En effet, il est à Donges des situations particulières, authentiques, qu'on ne retrouve pas ailleurs et où il existe déjà des usages. Il s'agit de les remettre au premier plan.

Le marais de Martigné

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OÙ INTERVENIR ? Où intervenir au sein de ce territoire morcelé? Quel site privilégier ? Où est "l'urgence" d'agir ? Ce sont les questionnements qui nous ont menés à nous "situer", selon deux "conditions". Là où la politique publique n'intervient pas

plupart des projets sur le territoire se situent dans le bourg même, dans quelques hameaux plus développés. La lisière du bourg ainsi que les îles attenantes ne font donc pas l'objet d'aménagement ou d'intérêt particulier.

En observant le PADD (Projet d'Aménagement et de Développement Durable), nous avons constaté que certaines îles étaient laissées de côté. En effet, la

Carte des projets politiques et des contraintes réglementaires 66


Cette situation s'explique. En effet, ces sites sont les premiers concernés par les contraintes industrielles (PPRT, SEVESO) et naturelles (loi littoral, Natura 2000). Agir dans ces lieux, c'est faire face à une réglementation forte et coercitive. Nous comprenons donc la direction que prend la politique d'aménagement en " fuyant " ces difficultés. Cette réaction plutôt naturelle, nous aurions pu l'avoir. Cependant, nous pensons que ces lieux sont des mines d'or chargées d'histoire et de potentiel...

Trois zones d'action possibles : Au sein

Entre

A la lisière

Agir à la lisière, c'est agir sur les deux à la fois, et, ainsi, faire en sorte qu'elles interagissent, et qu'une connexion, physique ou non, se crée, entraînant avec elle une nouvelle dynamique. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'implanter nos différents projets à la lisière de ce bourg. Ainsi, nous proposons une sorte d'alternative à la Politique publique d'aménagement en cours.

A la lisière des îles Nous assumons ce territoire insulaire tel quel. Ce postulat constitue le point de départ d'une réflexion projectuelle. C'est en effet " à partir de " et "avec " cette fragmentation du site que nous souhaitons intervenir et interagir. Cette notion même d'interaction est intéressante : Avoir avec quelque chose d'autre une action réciproque (Larousse). L'idée de morcellement signifie que le territoire est constitué d'entités bien distinctes qui co-habitent. Chaque entité est d'une certaine manière autonome, mais ne fonctionne pour autant pas nécessairement seule. Elle n'est pas forcément hermétique. Ce sont ces dynamiques d'échange même qui nous questionnent et nous intéressent. Mais où intervenir par rapport à ces îles ? Trois possibilités s'offraient à nous: Agir au sein des îles, entre elles, ou à la lisière de celles-ci (cf. schéma ci après). Travailler à la lisière nous a semblé être le plus pertinent. Schématiquement, cela permet en effet de ne pas intervenir sur seulement une entité, ou au contraire aucune d'entre elles en agissant dans « l'entre-deux ".

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UN PROJET COMMUN

Après avoir défini collectivement les enjeux du territoire, chacun d'entre-nous s'est rapproché d'une problématique qui l'interpellait plus particulièrement, d'une situation urbaine qui le touchait plus personnellement. Nos projets prennent place tout autour du bourg, à sa lisière. Ils visent à réactiver des potentiels en créant des lieux et liens communs. Notre démarche globale consiste en une multiplicité d'interventions distinctes qui entrent en échos, et qui, ensemble, redonnent une impulsion au bourg. Plus largement, elle participe à donner un nouveau visage de Donges, celui qu'on ne voyait pas/plus mais qui était pourtant là.

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PROPOSER Interventions individuelles

SITE DE L'ESPÉRANCE

Appuyer les activités associatives et mêler marais et urbanité Tiphaine Sirio

CANAL DE MARTIGNÉ

Valoriser l’entretien des marais et des canaux et mêler activités économiques et loisirs Hélène Guillemot

32, RUE HENRY BECQUEREL

Pérenniser l’hospitalité du lieu & mettre en mouvement des relations de voisinage Cyrille Merlet (PFE)

HORS TERRAIN

Assumer le caractère de l’aménagement de la zone de loisirs et donner place au marais Delphine Charnacé (PFE)

LA PASSERELLE DES VOYAGEURS

Assumer le patrimoine industriel et reconnecter bourg, raffinerie et Loire Adèle Bertrand (PFE)

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LE SITE DE L'ESPÉRANCE Entre marais et urbanité, un catalyseur de dynamique associative Tiphaine Sirio

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« En tant qu’actions publiques, la conservation et la restauration des territoires des marais supposent un double processus social et spatial de mise en patrimoine et de mise en paysage (…) le premier processus crée les valeurs symboliques et le second les valeurs d’usage » Mouvance II soixante dix mots pour le paysage La lisère, un lieu de confrontations et de rencontres

Quelle est la rencontre et les interactions entre ces deux milieux : marais et urbanité ? Comment leur lisière se confrontent-elles ?

Travailler à la lisière signifie travailler à la rencontre de deux éléments distincts, tant par leurs usages que leur typologie spatiale ou géographique. Les marais constituent un élément fondateur du territoire Dongeois. Ils sont alors une constituante de celui ci, une île à part entière. En des situations particulières, les marais viennent se frotter et se confronter à d’autres milieux, et particulièrement au bourg de Donges, tissu urbain constitué. La rencontre de ces deux entités provoque des discours, des imaginaires et des usages, particulièrement des habitants du bourg vers les espaces de marais : lieu d’accoutumance, de balades dominicales ou de production.

Le site de l’Espérance Un site s’est avéré être le lieu d’analyses et d’expérimentations sur ce rapport. Le site de l’Espérance, du nom de l’association propriétaire du terrain, est un lieu situé à l’extrémité est du bourg, qui donne à voir, et potentiellement à être connecté au marais. Il s’inscrit dans un tissu constitué de logements pavillonnaires, en plein cœur du pôle de dynamisme d’équipements du bourg : des équipements publics tels que la salle des Guifettes ou celle du Petit Marais, des écoles

Un site inscrit dans un tissu urbain constitué 74


Site de l'Espérance et halle sportive

publiques et privées, maternelles et primaires mais également un collège, ou encore un tissu associatif. Cette particularité sous entend une diversité de public, particulièrement multi-générationnelle. Le terrain de l’Espérance est donc intégré à cette urbanité et pourtant délaissé depuis 10 ans, date de fusion des équipes sportives Dongeoises.

Un catalyseur associatives

de

dynamiques

Le tissu associatif est un élément que nous avons repéré comme fondateur de la dynamique du bourg, créateur d’un sentiment d’appartenance auprès des habitants engagés. A l’heure où le tissu commercial périclite à Donges, les associations représentent la figure de la dynamique présente et existante, qu’il me semble justifié de renforcer. Le site de l’Espérance s’inscrit spatialement et humainement dans cette dynamique. La rencontre des différents publics vise à être exacerbée dans le projet futur. La Halle de l’Espérance est conservée et réhabilitée pour continuer ses activités sportives. Ce bâtiment fait figure de patrimoine bâti aux yeux des usagers qui l’ont construite en 1968. La salle du Petit Marais, bâtiment vétuste, mais amplement occupé, sera reconstruit, tout comme le club de l’âge d’Or, club de personnes âgées dynamiques. Ces deux entités se répondent dans les usages au travers d’une nouvelle programmation, celle d’un restaurant associatif à vocation multi générationnelle. Mené par le club de l’âge d’Or, il pourra proposer des activités ponctuelles aux scolaires alentours mais également rentrer en résonance avec la Maison des Jeunes.

Une interpénétration des espaces Le site de l’Espérance semble être le lieu propice à une confrontation des milieux et particulièrement à une interpénétration entre urbanité et marais. La figure paysagère du marais et la dynamique humaine du bourg s’entrelacent. Deux phénomènes peuvent ainsi être amorcés. une réactivation progressive du lieu d’accoutumance qu’est devenu le marais en permettant une pratique plus agréable. Cela signifie un appui de l’existant comme le parcours sportif et une attractivité à renforcer une qualité à l’espace bâti pavillonnaire par le traitement de l’espace public autour de la figure paysagère des zones humides : eau et végétation.

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Dans la continuité d’un existant Un existant urbain et paysager L’urbanisation modérée est progressive, s’étalant sur plusieurs phases. Réfléchir au système viaire en premier lieu permet un décloisonnement du terrain, qui ne joue alors plus le rôle de frontière mais bien de transition et passage vers l’espace de marais. Cela permet également de lier les jardins familiaux existants aux logements sociaux, qui en sont bénéficiaires, par une traversée paysagère qui accompagne de l’urbanité à la naturalité. Ces cheminements sont également les éléments fondateurs de l’identité paysagère, bordés d’eau et de végétation qui insufflent une pénétration de l’image du marais dans le terrain. Ils permettent l’implantation de nouveaux jardins familiaux qui complètent les existants, insuffisants en quantité pour satisfaire la demande. Le pôle regroupant les nouvelles activités se concentre à l’amont de la parcelle, proche de la halle conservée et réhabilitée. Cela permet la création d’une place considérée comme espace public. Une densification, en terme de logements, est envisageable en corrélation avec les intentions politiques, sur une partie de la parcelle. Celle ci sera modérée, dans le respect du tissu existant, particulièrement dans l’épanelage des bâtiments. En effet, le tissu constitué est pavillonnaire, il semble donc adéquat de travailler sur des volumétries modestes et fragmentées qui entrent en résonnance avec la forme bâtie des actuels lotissements.

Plan masse du projet

quelque chose de possible, savoir faire sur lequel il serait intéressant de s’appuyer pour les constructions à venir. La matérialité ou la forme des bâtiments sont nécessairement inspirés de bases présentes dans le tissu connu, mais surtout maitrisables par les habitants pour une appropriation et modification optimales.

Un existant dans le savoir faire

Faire le projet autrement ? Le projet, pour qu’il soit appropriable et constructible par les habitants, usagers ou riverains se doit de respecter un phasage qui étale sa réalisation sur un temps plus ou moins long.

Il semble important, dès l’amorce du projet de considérer la part d’implication et de participation des futurs usagers, mais aussi riverains. Avec la Halle de l’Espérance, on voit que l’auto construction est 76


Collage d'intention sur l'interpénétration des milieux

" Faire le moins possible pour donner le plus possible, entrainer tout le monde, interpréter, donner du temps, transmettre, ne jamais faire pareil... En introduisant un autre temps, celui de l'accueil, de l'hospitalité, du respect, de la rencontre et de la transmission, en nous donnant une grande part de liberté, notre présence se traduit en une succession d'expériences qui montrent la diversité des possibles " Patrick Bouchain, Construire autrement 77


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LE CANAL DE MARTIGNÉ Valoriser l'entretien du canal & investir la rive Hélène Guillemot

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Le canal de Martigné constitue l’un des canaux traversant les marais de Donges et s’écoulant à l’est du bourg. Se jetant dans la Loire au niveau de la vanne de Martigné dissimulée derrière la raffinerie, il semble constituer un potentiel pour valoriser des pratiques à renforcer : l’entretien des marais et les usages associés.

Collage, vision subjective du canal

Au sein du bassin versant du Brivet

Les acteurs qui interagissent avec les marais et leurs canaux constituent un schéma complexe : les agriculteurs y produisent du foin et y élèvent du bétail, les chasseurs de gibiers d’eau et les pêcheurs exploitent ces espaces tandis que les promeneurs les pratiquent sans avoir forcément conscience de l’enjeu qu’ils constituent. Le SBVB agit sur le territoire pour préserver sa fonction écologique, bien que son travail soit peu connu et souvent mal compris.

La canal de Martigné a une fonction hydraulique importante à une échelle plus large, il fait partie du bassin versant du Brivet qui rassemble un territoire allant de la Brière au sillon de Bretagne. Guillaume est l’un des techniciens du SBVB (Syndicat du Bassin Versant du Brivet), la collectivité territoriale qui s’occupe de la gestion de l’eau et des ouvrages. Rencontré sur le terrain, il précise :

Agir sur des points névralgiques

"Toutes les gouttes de pluie qui tombent sur cette zone descendent vers la Loire à travers les cinq ouvrages dont celui de Martigné. Les marais de Donges, c’est les réceptacles qui sont en partie basse, les cuvettes qui se remplissent avec le ruissellement."

Sans oublier l’utilité économique et environnementale des marais de Donges, la démarche consiste mettre en valeur des pratiques nécessaires à l’entretien du territoire et à proposer des activités à un public plus large.

Guillaume, technicien du SBVB

D’une part, un travail sur la navigabilité des canaux est essentiel : les vannes actuelles ne permettent 80


pas la passage de bateaux, mais vieillissantes, elles pourraient être repensées pour promouvoir ce moyen de transport d’autrefois. Le canal peut ainsi devenir un élément actif si on y développe des pratiques nautiques (kayak, canöe, pêche…). D’autre part, les activités économiques associées au marais seront développées. Un réseau local autour des productions agricoles sera mis en place tandis que l’exploitation de la roselière située en bord de Loire sera engagée. Utiliser les 20 ha de roseaux existants permettra de protéger ces espaces en bord de fleuve et de préserver l’écosystème qui s’y est développé.

Itinéraire avec Christian "Bien sûr que ça se navigue, mais pas beaucoup à Donges. La plate brièronne, c’est le bateau... un petit bateau en bois manié à la perche..."

La roselière est en effet un environnement favorable aux oiseaux, une exploitation raisonnée permet de renouveler et d’assurer la pérennité de cet habitat. Ce processus lancera aussi le développement d’une économie locale autour du matériau biosourcé que constitue le roseau, pouvant être utilisé comme élément de cloison ou isolant thermique et phonique.

"Les marais de Donges servent à écouler ou pas la Brière. Le problème de la Brière, c’est qu’il faut gérer les niveaux d’eau. Il faut réussir à mettre d’accord les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs..."

La Loire La Pommeraie La Haute Lande Villeneuve

Pouet Le Brouzil

Le Bochet

Hirouse

é

La Censie

Les Ecottais Trélagot

eM

Vieux Pont

Garde-manger

Ca n

al d

LOISIRS NAVIGABILITE

La Mornais

Martigné Canal

L’Ariais

SBVB Stockage Base nautique

La Roulais

du Pr iory

Vanne du Priory

Port

Raffinerie

Gare

La Bergerie

La Balluais

VALORISATION DE L’ENTRETIEN Ecluse de la Taillée

Stockage

La Guyonnière

e

Equipements DONGES Bourg centre

Bellébat

Blanche-Couronne

Taillé Canal de la

Vanne de Priory village

Canal de Bernasseau

Les Six Croix

art ign

Maca

Exploitation de la roselière

La Rue d’Appée

Le Haut Chemin

RESEAU ACTIVITES AGRICOLES

Vanne de Martigné - Loire

La Fontaine

La Noë

La Jeune Haie

LAVAU SUR LOIRE

Marché Liaison estivale possible Liaison estivale existante (Loirestua)

Mise en réseau sur les canaux de Donges et Lavau-sur-Loire 81

Ecluse de Lavau


Activités nautiques + pêche

Transport des ballots sur camion Entretien Economie Loisirs

Lien avec Martigné et le bourg

Raffinerie

Voie ferrée

+ RD100

ustrielle

+ zone ind

Transport sur chaland 30 bottes par bateau 1,7 km

Exploitation des roseaux Exploitation de la roselière Ponton

8000 bottes produites sur 20ha 5 ans de mise en place

Vanne de Martigné

Base nautique à Crossac

Le canal de Martigné et son aménagement

Le pont de Martigné, un point central

un chaland (bateau utilisé) sur 1,5km jusqu’au Pont de Martigné où ils sont conditionnés en ballots puis stockés avant d’être expédiés.

S’implanter au bord du canal implique de construire dans les marais et donc dans une zone humide. Rassembler en un point les différentes activités proposées permettra de limiter l’impact de la construction et de mêler différents programmes. Les exploitants de la roselière côtoient alors les techniciens du SVBV mais aussi les familles, les touristes, les pêcheurs… Le site choisi est celui du pont de Martigné, il se trouve à 20 min à pied du bourg de Donges et est facilement accessible depuis la route départementale.

Le SBVB installe aussi ses bureaux sur le site et un lieu d’exposition où il communique ses actions et sensibilisent à l’entretien du territoire. La base nautique est idéale pour enclencher une nouvelle attractivité du canal. On prévoit une zone d’accès à l’eau par des pontons, des emmarchements mais aussi la mise à disposition de bateaux. La pratique du canoë permettra aux habitants de découvrir des espaces jusqu’alors peu accessibles, comme les bords de Loire à l’arrière de la raffinerie.

Les roseaux sont coupés sur les bord de Loire puis transportés sur 82


Collage d'intention, investir le bord du canal

Construire dans les marais

réutilisés et leur détournement permettra une certaine adaptation. La végétation s’ayant développée dans les marais sera préservée et mise en valeur au centre du projet.

Le bâti s’insère dans un paysage de marais très plat et très ouvert. Il s’agira alors de s’intégrer au contexte avec une certaine modestie et un minimum d’aménagement. La construction est ancrée sur un point haut au bord du canal puis se développe sur pilotis dans l’espace de marais inondable. L’ensemble fonctionne alors, même si le marais se trouve gorgé d’eau en hiver.

"Dans les constructions populaires comme les logements auto-construits ou les constructions industrielles et agricoles, la technique est appropriée à une économie et à un fonctionnalisme drastiques. De façon évidente, ces bâtiments s’installent sur leurs sites, acceptent le vieillissement, la rouille, les extensions ultérieures, car ce travail ne procède d’aucun a priori formel et subit donc naturellement l’influence du temps."

L’entreprise liée à la roselière se situe au centre du projet afin de faire connaître et de valoriser l’activité de ses travailleurs. A la manière des halles et des granges agricoles, on favorise l’utilisation du bois en tant que matériau modulaire et démontable. Afin de favoriser une économie de projet, des portiques standards issus du commerce seront

Jacques Ferrier Jacques Ferrier architecte, Paris : Passage piétons, 2000

Ancrer le bâti sur un point haut 83


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32, RUE HENRY BECQUEREL (rĂŠ)Activation des liens de voisinage Cyrille Merlet (PFE)

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PREMIÈRES INTUITIONS "Même si vous ne le voyez pas d’un bon oeil, le paysage n’est pas laid c’est votre oeil qui peut être mauvais." Jacques Prévert, le Grand Bal du Printemps, 1951

Parachutage

paysages existants de la commune où les parachutés, symbolisant les nouveaux habitants (représentés par un pavillon) ainsi que les travailleurs en déplacement (illustrés par un méthanier) vont devoir se familiariser, s'acclimater, s'accoutumer.

Des premières intuitions se croisent et se rencontrent sur l’espace d’un collage situé, localisé au nord-ouest de la commune de Donges, au camping municipal "Les Tainières". A l’abri dans une tente, le spectateur observe l'atterrissage de nombreux arrivants sur un territoire à risques. Le climat est "hostile", la Carène hyperpuissante accable une terre locale déjà fragile. Dans ce contexte d'urgence, les parachutistes n'ont pour seul point de chute, un horizon recouvert par le risque d'explosion (nuage de fumée) et l'inondation. Ces deux phénomènes, l'un industriel et l'autre naturel, expriment les

Le nid, quant à lui, prend appui sur les richesses du territoire (l'agriculture et l'exploitation du pétrole) laissant imaginer ces ressources locales comme point d'appui, d'accroche, d'emprise avec les lieux. Rempli de sièges de bus, il pose aussi la question de l'accueil dans un monde où il faut trouver sa place. Mais alors, tous ces parachutistes tomberont ils dans ou à côté du nid?

Le collage, regard subjectif sur le territoire 86


LA RENCONTRE D'UN LIEU L'envie d'intervenir au camping municipal Les Tainières à Donges émane principalement d'intuitions personnelles et de deux rencontres marquantes.

Les deux récits habitants ainsi recueillis ont alors été l'occasion de prendre la mesure des enjeux du lieu. Un premier homme, venu avec sa fille pour un cours de zumba dans la salle polyvalente me confie:

Le visage ouvrier de Donges

"J'habite aux Écottais 2 depuis à peine deux ans maintenant mais j'ai vécu 17 ans au camping municipal [...] pour des raisons financières, c'était pas cher, mais les Écottais 2 c'est bien, c'est nouveau, pas très cher."

Au cours des premières visites sur la commune, la présence de la "figure ouvrière", passée et actuelle, m'a beaucoup interpellé et a capté mon attention. Les poids-lourds, les industries (pour ne pas citer uniquement la raffinerie!) mais aussi les ouvriers eux-mêmes sont autant d'éléments participant à l'ambiance générale du bourg. Par ce constat, je me suis alors très vite intéressé à la pluralité de populations de travailleurs qui habitent le territoire soit de manière temporaire, pendulaire ou continue. Les discussions de comptoir ont notamment été des occasions de découvrir petit à petit les rythmes de chacun, mais aussi et surtout les pratiques et les lieux qui font leur quotidien.

Ancien habitant du camping

Le lendemain matin, toujours à la salle de la mairie, un employé municipal évoque l'histoire du camping, ses fonctions et toutes ses évolutions. Sur un schéma à main levé, il représente les transformations parcellaires successives. Puis, à demimot, il raconte : "Au début, ça s'appelait comme ça d'ailleurs, aire d'accueil pour travailleurs en déplacement, maintenant les gens y vivent à l'année, alors la mairie veut le supprimer." Serge Cabalion, employé municipal

La singularité des Tainières Les ateliers publics ont été un moment fort de notre démarche collective mais aussi dans le processus personnel du projet de chacun. Pour ma part, c'est à cette occasion que j'ai (re)découvert la situation particulière des Tainières et ce, plus particulièrement à travers le regard de deux habitants. Avant ces rencontres, je m'étais déjà promené aux abords du camping mais sans pour autant y entrer. Sa présence dans une commune telle que Donges m'intriguait mais j'ignorais encore tout de la réalité de ce lieu singulier.

Photographie de l'accueil du camping 87


VIVRE LA VILLE PRÉCAIRE Aujourd'hui, "Le modèle urbain connaissant le plus fort développement est celui de la ville précaire et près du tiers de la population mondiale vivra dans de tels quartiers d’ici à 2030, soit 2 milliards de personnes." Cyrille Hannape Calais : la «jungle», future ville ? Libération, 2015 Au cours des années 1930, le célèbre éthnologue français, A. Van Gennep, énonce l'idée que "le camping est un phénomène sympathique par le fait qu’il ne dure pas [...] C’est lorsqu’il s’inscrit dans la durée qu’il redevient campement." Ainsi, lorsque la durée est indéterminée, le temporaire semble rimer avec précaire. La problématique de l'habitat ... Dans la commune de Donges, les opérations de logements sociaux, coordonnées par la municipalité et la Silène (office public de l’habitat de la région nazairienne) se multiplient et se démultiplient. Elles vont même jusqu’à délier certains lieux de gestation urbaine à l’image des "Tainières". En effet, comme nous l'avons souligné un peu plus haut, le parti pris de la municipalité est de réduire la capacité d'accueil du camping. Pour ce faire, elle diminue petit à petit sa superficie et reloge les résidents permanents dans des opérations de logements sociaux. Mais, ces réponses apportées par les acteurs métropolitains sont-elles uniques? Sont-elles durables?

Logements sociaux divers Patrimoine SILÈNE Habitations «informelles»

État des lieux des opérations de logements sociaux et des habitati 88


"On a un peu une épée de Damocles, c’est la construction d’logements sociaux" Rémy Klein, élu responsable vie des quartiers, (extrait d'entretien)

"C’est interdit, tout l’monde le sais, maintenant ... les gens sont là ... donc euh ..." Jean-Marc Daniel, responsable du service urbanisme de Donges, (extrait d'entretien)

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ions informelles déjà présentes, ou futures, sur la commune de Donges 89

200


ENTRE REJET ET HOSPITALITÉ "Que s'est-il tramé, que se trame-t-il sur ce lieu? Que veut-on faire de lui? Et qui le veut? Quel fut son apogée, à quand remonte son déclin, pourquoi est-il disponible aujourd'hui et pourquoi doit-on le transformer?" Michel Corajoud, Le projet de paysage : lettre aux étudiants, 2000

Une situation de "péri-bourg"

L'hospitalité des lieux

Le camping des Tainières se situe à la lisière de la commune préexistante. Il est installé là où le bourg finit, là où le Parc Naturel de Brière commence, ou bien l'inverse; la limite n'est ni franche, ni définie. Cette situation géographique n'est pourtant pas anodine. Elle semble refléter une certaine mise à l'écart du lieu vis-à-vis du bourg. A la marge de la commune, le camping est en quelque sorte relégué au second plan; mais alors, ce "n'est pas un lieu mais une distance"1? La fonction même du lieu montre qu'il est à la fois les deux, distance et lieu, puisqu'en étant hors et dans la ville, il participe du rejet (physique et social) des uns tout en les accueillant.

Dans les années 70, l'accueil y était initialement ouvrier pour répondre à la demande d’hébergements des travailleurs en déplacement. Au cours des années 90, il s’est agrandi, modernisé, pérennisé et l’habitat fini par s’y développer à l’année. Courant des années 2000, une aire pour "gens du voyage" est accolée au site. Le terrain est plus que jamais d'accueil tout en devenant inhospitalier. L'aire d'accueil étant entourée de murs, le site est en effet plus que jamais enclavé. Aujourd'hui, le phénomène semble s'inverser, la municipalité tend à réduire l'hospitalité des lieux en proposant des locations mais aussi et surtout en désinstallant l’existant, les habitants comme les emplacements.

1 La Banlieue n’est pas un lieu, c’est une distance.: le petit livre des tagueurs, Titanicbanlieue, l'entonnoir. Max Fullenbaum. 2009

Mais alors, sont-ils tous voués à disparaître au fur et à mesure du temps ? On déloge, reloge pour réhabiliter, « résidentialiser »? Une chose est sûr c’est que le processus est bel et bien enclenché. Il révèle alors une municipalité niant la vie du lieu en le reconnaissant négativement, ce qui laisse présager que plus personne ne le reconnaitra demain. Et puis après-demain, il disparaitra et il ressemblera à tous les autres? II se figera dans le temps pour se remplir de résidents?

Vue aérienne de Donges 90


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Lecture de l'histoire du lieu par l'ĂŠvolution de la morphologie du site 91

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FAIRE PARLER L'EXISTANT "La nature est énigmatique [...] Elle est notre sol, non pas ce qui est devant, mais ce qui nous porte." Maurice Merleau-Ponty, La Nature, cours du Collège de France, 1995

Une des caractéristiques forte du lieu est qu'il est d'ores et déjà habité, occupé, vivant. Regarder les éléments de l'existant et tenter de les comprendre est un préalable. C'est une manière d'enclencher un récit prospectif en prise avec ce qui est déjà-là.

et est bordé par un boisement classé sur la partie nord-est de la parcelle. Par ailleurs, cette partie du site, qui accueille une végétation dense et haute, présente la plus forte déclivité de terrain mais aussi la plus forte pression foncière. Comme vu précédemment, cette portion de la parcelle est en cours de désaffectation (désinstallation des équipements électriques...) pour être vendue puis sûrement urbanisée, ce qui lui donne un statut particulier.

Placer le paysage en préalable1 Le rapport au paysage naturel est omniprésent et semble favoriser un mode d’habiter à l’air libre tout en invitant à la balade et à la traversée. Le site du camping est à l'interface avec les marais de la Brière au nord

Un des enjeux du projet est alors d'induire un nouveau regard sur cette "petite forêt" comme l'appelle ses riverains, en mettant en avant ses qualités paysagères plus que son attractivité foncière.

2 Le paysage en préalable. Editions Parenthèses. Michel Desvigne. 2011

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Végétation et topographie du site

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Photographie du parc naturel existant 92


Maintenir et tirer parti de la diversité culturelle habitante

"Le camping c’est ouvrier, c’est pour les ouvriers. [...] On est arrivés ici après la retraite. A l'époque c'était pour le Queen Mary 2, aujourd'hui c'est pour les chantiers STX à Montoire, la raffinerie [...] Il y a une famille de Portugais, des Italiens."

De par sa fonction d'accueil, une diversité de personnes vivent et habitent le camping sans pour autant se côtoyer. La rencontre du lieu et de ses occupants, qu'ils soient habitants, employés ou simples voisins, fait partie intégrante de la démarche de projet. Cette approche sur le terrain participe de la reconnaissance de la diversité et de la pluralité des modes de vie déjà présents sur le lieu, ce qui est un enjeu prégnant pour le projet.

Un couple d'octogénaires retraités

"Je vis ici depuis onze ans, j'ai habité Nantes pendant 38 ans [...] Un jour mon mari m'a dit: «J'en ai marre des rodéos aux Dervallières alors vient on part!» Je l'ai suivi [...] Il dépanne bien le camping, mais sans lui, je ne sais pas où j’irais… »

"Le camping c'est comme partout, c'est une petite ville ... c'est un hlm à l'horizontal!"

Une soixantenaire vivant seule

Employée du camping

"Souvent il n'y a pas assez de place à Trignac. Nous on vient ici de septembre à juin puis on part pour l'été [...] L'hiver, il fait trop froid dans la douche, alors on demande pour aller dans les sanitaires du camping."

Un autre objectif est aussi le pari d'amorcer une (ré)activation des liens de voisinage, dans et hors les murs du camping, afin de pérenniser le lieu dans son environnement physique et social. Pour ce faire, il semble nécessaire de prêter attention aux récits de vie singuliers des habitants pour ne pas oublier que le lieu est avant tout déjà habité, à l'image des extraits d'entretiens suivants:

Une trentenaire mère de famille tsigane

La vie du camping est rythmée par diverses temporalités. On y vient un jour, une semaine, un mois, une voire des années...

habitants à l'année travailleurs temporaires familles itinérantes

Mobil-home pour travailleurs

Exemple d'habitat permanent

0

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Habitat pour familles itinérantes

Plan des emplacements par typologie d'habitat 93


Faire dialoguer les à-côtés

L'enchaînement des pavillons et des impasses ne laisse pas non plus de place à la rencontre, à l'espace public, au lieu commun. Seuls, ou presque, deux arrêts de bus et un Intermaché constituent des espacetemps de frottement entre les habitants du quartier.

La trame du quartier, régie par une logique de développement en culsde-sac, s’arrête là où commence celle du camping qui, enclos de murs et de grillages, tend à se figer. "Le cadre est agréable, après c’est la vie entre les gens entre eux, mais ça ne déborde pas sur les à-côtés riverains .... Oh bah y’a pas d’osmose, chacun vis sa vie, ne rêvons pas, il n’y a aucun échange ... mais est-ce qu’il en faut? J’suis pas persuadé!"

Un des objectifs à long terme du projet est donc de hiérarchiser les traversées à partir des traces qui sont déjà-là et supports d'usages quotidiens, pour faire dialoguer les entités du quartier. Le but n'est alors pas de tout ouvrir mais plutôt de questionner le lieu sur son potentiel à créer du vivre ensemble.

Rémy Klein, élu responsable vie des quartiers, (extrait d'entretien)

Vers Saint-Nazaire

Trajet du Ty'Bus (T4)

chemin

D4

Arrêt Square Trélagot

Arrêt Lavoisier

Intermarché 0

20

Vers Donges bourg

Cartographie de la trame viaire et des lieux communs à l'échelle du quartier Trélagot/Saint-Paul 94


RÉVELER L'UNICITÉ DU SITE "Les lieux doivent être pensés dans leur unicité réelle, celle qui les différencie absolument de tous les autres [...] L'unicité à tout intérêt à être recherchée dans le lieu lui-même. En effet, c'est l'authenticité réelle qui garantit le mieux sur le long terme, la permanence de l'unicité des lieux" Jean Viard, Court traité sur les vacances, les voyages et l'hospitalité des lieux,2000 Cultiver l'économie de l'accueil

Autrement dit, il s’agirait d'impliquer les habitants dans le ménagement et la gestion du lieu en mettant à profit leurs propres compétences. Sur un principe simple d’échange de services, les habitants pourraient alors donner un peu de leur temps pour en contrepartie, acquérir une sorte de "droit" d’habiter. Concrètement, cela se traduirait par l'acquisition progressive d’un emplacement. Ce scénario sur le futur économique du lieu laisse alors imaginer une pluralité de scénarii prospectifs pour accompagner la mutation progressive du lieu et révéler son unicité à partir de ce qui est déjà là, de ce qui est disponible.

Avant toute chose, le projet propose une prise de conscience de l’enjeu économique du lieu qui le met en péril aujourd'hui. Les logiques de gestion sont parallèles, d’un côté les travailleurs ne sont pas assez nombreux pour pérenniser à euxseuls le lieu, mais en même temps, le levier touristique ne peut pas non plus être actionné car les résidents permanents sont interdits dans les campings. La situation semble figée, Pour autant, le développement d'une économie de l’accueil, qui placerait les habitants à l’année au cœur du projet semble pouvoir s'envisager.

Axonométrie de l'existant 95


RÉCITS DU PROJET

exemple d'autocons

Avant d'intervenir, la légitimité de lier ou de délier les relations de voisinage se pose. Le projet n’est pas d’aménager le site. Il est plutôt question d’aborder le processus d’aménagement en profitant du temps du chantier, véritable mise en mouvement du lieu, pour faire émerger des liens et lieux communs. L'espace central du site, peu investi, va, peu à peu, laisser place au changement, accueillant le vivant de la nature et de la vie habitante.

traversée urbaine

ancien accueil puis arrêt de bus +local vélo

Ouverture de la discussion et amorce du chantier

traversée piétionne

La construction de la maison de chantier, lieu ouvert à tous, marque la mise en mouvement du site. Le lieu invite les habitants à venir échanger avec les différents acteurs du projet pour négocier la mutation future du camping. Sur pilotis, elle s'installe près du boisement classé, pour donner à voir l'environnement paysagé. En parallèle, les grillages sont supprimé sur les côté ouest et est du site, les murs de l'aire d'accueil des gens du voyage sont démolis sur deux-tiers pour pouvoir ensuite être transformés en jardinières. Les voies commencent aussi à se différencier, deux traversées sont notamment créées.

Axonométrie programmatique - Esquisse des principales inter-

Vie du lieu et lieux de vie La seconde phase du chantier s'ouvre avec l'installation de mobiliers et jeux urbains dans le parc boisé. Elle passe aussi par l'amélioration des équipements existants des familles itinérantes (isolation des sanitaires, dispositif de récupération d'eau). Les premiers espaces conjoints aux habitats pour les personnes vivant au camping à l'année sont construits en mitoyenneté dans un souci d'économie de projet. En attendant, ces habitants sont logés dans les mobil-homes pour travailleur. La maison de chantier vit au rythme des allers-retours et l'atelier commence à être investi pour les outils qu'il met à disposition.

Deux mois plus tard, la maison de chantier accueille les habitants qui co-conçoivent leurs habitats avec l'architecte, et devient un espacetemps prétexte aux rencontres entre les habitants. Dans un même temps, l'accueil du camping est désaffecté et le personnel rejoint la maison de chantier. Puis, un atelier collectif s'installe au centre du site en prévision de la construction des habitats. 96


Temps 1

amélioration des sanitaires existant

Temps 2

cheminement paysagé

Temps 3

maison de chantier + accueil ... puis snack

struction

mobilier urbain

jardin commun

sanitaires réhabilités

atelier pour bricoler, fabriquer, vidanger...

espace conjoint

s aire de covoiturage

exemple d'autoconstruction mobil-home pour transition

sanitaires réhabilités amorce d'accès fond de parcelle

passage habitat pour travailleurs

ventions montrant l'évolution du site

Au bout de six mois, le site se transforme petit à petit. L'ancien accueil est réhabilité en abri bus et local vélo. Juste derrière ce bâtiment, un parking paysagé prend place avant de devenir un point de rendez-vous pour les habitants adeptes du covoiturage. En parallèle, les traversées se multiplient. La maison de chantier accueille toujours les habitants, dont quelques familles tsiganes qui souhaitent se sédentariser. L'atelier, quant à lui, est investi par les habitants qui viennent bricoler pour auto-construire leurs habitats individuels maintenant que leurs espaces conjoints sont finis. Au bout d'un an, l'intégralité de ces derniers est bientôt achevée alors que les premiers habitats pour

travailleurs viennent à peine de commencer. L'évolution des lieux communs Dans un autre temps, les dernières traversées sont créées donnant aux riverains la possibilité d'avoir un accès au fond de leur parcelle. La maison de chantier accueille désormais un pizzaïolo deux fois par semaine et un glacier l'été; il devient un food-truck sédentarisé. L'atelier est désormais ouvert toute la semaine et chacun est libre d'y aller pour bricoler (réparer, vidanger, fabriquer...). Enfin, les sanitaires existants sont réhabilités et la partie boisée du site continue d'être aménagée à l'initiative de plusieurs habitants. 97


ARCHITECTURE PLURIELLE "L’habitation est l’expression topique de désirs contradictoires et d’un mode d’être en mutation, et, comme telle, aussi variée que les individus auxquels elle convient à un moment donné de leur histoire." Colette Pétonnet, Espaces habités : ethnologie des banlieues, 1982

Transformation progressive du site

même dispositif pour récupérer l'eau de pluie ou encore l'énergie solaire. Puis, des espaces plus individuels sont accolés à cet espace conjoint. Ainsi, les habitats seraient à la fois interdépendants tout en restant autonomes. Le partage pourrait alors concerner des dispositifs techniques mais aussi des espaces, à l'image de l'atelier de bricolage, afin de donner une place à différents usages communs. Autrement dit, le partage des moyens (espaces, équipements) est aussi prétexte au partage de moments quotidiens.

Au gré de l'avancement du projet, les différentes traversées permettent de redéfinir un parcellaire qui se dessine dans le prolongement de celui qui l’entoure. Ainsi, deux typologies d’emplacement se distinguent par leur taille, la plus petite accueille le temporaire et la plus grande, les habitants itinérants et permanents. L’attribution des divers emplacements, quant à elle, se fait au regard de l’occupation actuelle des lieux afin de conserver les relations de voisinage qui préexistent. Mais, elle se fait aussi au regard des équipements déjà présents, autour des blocs sanitaires notamment, dans un souci d’économie de projet.

En ce qui concerne la morphologie même des habitats, elle est imaginée de manière plurielle. Trois typologies d'habitations se distinguent (habitats spécifiques pour les habitants permanents, les familles itinérantes et les travailleurs) puis reflètent les singularités de chacun. En ce sens, la figure du toit, symbole de l’abri, est déclinée pour faire écho à l’architecture pavillonnaire existante mais aussi dans une logique d’économie de projet (la pente étant un moyen de récupérer l’eau de pluie ou bien encore un moyen de capter l’énergie solaire). L'emprise des constructions se veut, quant à elle, minimale afin de laisser de la place au vivant de la nature et ainsi participer à créer une ambiance inédite et changeante au fil des saisons.

Des habitants, des habitations Chaque habitation est imaginée de manière autonome tout en étant intégrée à un ensemble. Le projet se propose de questionner la hierarchisation des espaces de l'habitat, de plus individuel ou plus collectif. Ainsi, dans une logique de mutualisation (afin de réduire au maximum les coûts), les habitats sont conçus comme une somme d'espaces partageables ou non. Par exemple, un espace conjoint à deux habitats permanents peut accueillir les pièces d'eau (salle de bain, sanitaires, cuisine...) et partager le 98


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Première esquisse du projet en plan masse 99

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LE MARAIS DE LIBERGE Le sport comme vecteur de rencontre et d'ouverture sur le paysage Delphine CharnacĂŠ (PFE)

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DE L'INTUITION AUX ENJEUX

« L'intuition est l'élan qui devrait inaugurer la genèse du projet. »

Michel Courajoud

Postulat de départ

"Il n'y a pas rien à faire à Donges"

L'envie collective d'agir sur le bourg de Donges part du constat que le lien entre les Dongeois et leur bourg s'affaiblit progressivement. De part son histoire, le bourg porte une symbolique forte. Nous l'avons vu, celui-ci s'est reconstruit en relation étroite avec le développement de la raffinerie. Mais si la raffinerie a pu participer à la construction identitaire de toute une génération de Dongeois, elle ne peut en faire de même aujourd'hui. L'activité de l'usine ne structure plus autant la vie des Dongeois que par le passé. Et, si la raffinerie n'est plus Donges, alors qu'est-ce que Donges aujourd'hui ?

Ce désir de souligner les singularités est en partie né de l'expérience du collage. Réalisé à la fin des ateliers publics, le collage permet de transcrire quelques premières réflexions apparues au cours de la découverte et des rencontres. Il fait émerger des pistes qui peuvent servir à construire le projet et constitue ainsi une étape importante dans la démarche. L'échange est le thème principal de ce premier collage. Il fait apparaître les Dongeois, emprunts des marais, et les marins, venus du monde entier. Comme je les ai perçu, les deux groupes semblent "souffrir" à Donges. Les Dongeois s'accoutument à leur lieu de vie sans pouvoir y percevoir encore les richesses dont il recèle, ils ne parviennent plus à en être fiers et ne

A travers ce projet, il s'agit de souligner l'existant, le Donges d'aujourd'hui, celui qu'on vit mais qu'on ne voit plus, celui qui fait de Donges une place toute singulière. 102


"Il n'y a pas rien à faire à Donges"

peuvent plus se porter représentant de Donges. Les marins sont privés d'accueil et dénoncent leur ennui.

Les premiers enjeux de projet Mais un échange entre Dongeois et marins est-il possible ? Mon intuition serait de répondre oui. A l'image des hameaux, il s'agirait de créer un lieu qui provoquent les rencontres et l'échange.

Pourtant, il n'y a pas "rien à faire à Donges", on nous l'a souvent montré. L'intention serait de provoquer un retournement, un "échange de bon procédé". Et si les Dongeois parvenaient à présenter ce qu'ils possèdent de singulier aux marins pour palier leur ennui, ils devraient tout d'abord révéler ces singularités aux yeux de tous, même aux leurs. D'une certaine manière, ce procédé permettrait ainsi de changer la perception de Donges de nombreuses personnes, dongeoises ou non. 103


SE POSITIONNER Un échange

“ Moi, dès que je suis arrivé, je me suis inscrit au club de foot. Ça m’a permis de m’intégrer un peu. Les gars me connaissent maintenant. ”

Mais de quel échange parle-ton ? Durant toute la période de découverte et de rencontres, nous avons pu constater de trois manières d'habiter Donges. Il apparaît que seuls quelques habitants semblent se sentir Dongeois et peu de personnes déclarent avoir des attaches à Donges. Cette situation apparaît comme problématique car elle ne permet pas de créer des liens et des lieux communs à Donges.

Mehdi, habitant de Lavau-sur-Loire

En effet, le sport, notamment le football, l'athlétisme ou le tennis, est devenu un langage universel de part le phénomène de mondialisation. Sur le terrain de sport, les différences culturelles s'évanouissent. Le sport, et tout particulièrement le jeu sportif, n'est finalement qu'un prétexte de rencontres. La pratique sportive apparaît donc comme un moyen adapté pour réactiver des liens entre les habitants.

L'intuition était d'imaginer un échange entre Dongeois et marins, mais c'est aussi l'échange de la rencontre entre Dongeois que nous devons renforcer. Il s'agit donc de provoquer un échange à plusieurs échelles.

" Réactivation de la vie quotidienne et du "vivre ensemble" par le jeu : celui de l'action."

Le sport, un moyen de provoquer l'échange

Luc Lévesque, Sports. Portrait d'une métropole.

Nous avons rencontré Brigitte, Antoine et d'autres qui nous ont fait part de la richesse du réseau associatif dongeois. Pour beaucoup de Dongeois, c'est dans ce réseau qu'ils ont leurs amis, leurs repères. Les pratiques associatives sont des temps de convivialité et de sociabilité jusqu'à devenir un réel point d'attache à Donges, peut-être le dernier. "C'est pour les associations que je reste à Donges. J'y ai toutes mes amies." Citation des ateliers publics

Nous avons également pu constater du rôle d'intégration que jouent les pratiques associatives et notamment des pratiques sportives en rencontrant Mehdi.

Coupure d'un article de journal "L'école du FC Donges fière de son étoile d'argent" présenté par Matthieu, membre du FC Donges.

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Le lieu de l'échange

Le calme et le vaste paysage qu'offre le cadre du marais associé à l'action de marcher semble permettre de retrouver un dialogue intérieur et de pouvoir, tout en avançant à son rythme, émettre des hypothèses, peser le pour et le contre d'une décision, laisser enfin divaguer ses pensées pour qu'elles deviennent fécondes…

Si la vie associative est aussi développée, c'est aussi en partie grâce au fait que la ville de Donges possèdent de nombreux équipements qui lui sont destinés. Or, faute de fonds publics, ces équipements tendent aujourd'hui à se dégrader. Pour autant, le maintient de la vie associative, dont nous venons d'expliciter l'importance, en dépend. Se pose donc la question du devenir de ces équipements. L'enjeu est de souligner leur importance pour les faire perdurer. Parallèlement, si le sport se pratique dans des terrains qui lui sont dédiés, il se pratique aussi dans le marais. Comme nous l'avons déjà évoqué, le marais est un élément prégnant à Donges et lors de nos traversées sur site, nous avons pu y croiser de nombreux marcheurs. C'est à travers l'itinéraire avec MarieClaire Lorinquer que nous avons pu constater de l'aspect thérapeutique de la pratique de la marche dans les marais.

Itinéraire avec Brigitte, le passage dans les marais.

“ C’est une balade si vous voulez un p’tit peu euh (rire) … on disait ça avant mais c’est vrai, maintenant les gens pour un oui pour un non, vont voir des psychologues ! Et puis nous bon bin, on s’raconte un peu nos... nos p’tits problèmes, nos … ça nous fait évacuer quoi ! ”

Rencontre de Marcelle dans les marais de Donges.

A Donges, équipements sportifs et marais se rencontrent Liberge. Pour cette raison, c'est ce site que j'ai choisis d'investir le site de Liberge.

Extrait de l’itinéraire du 13 octobre avec Marie-Claire Lorinquer

Ce qu'il existe à Donges : Réseau associatif important

Équipements nombreux

Projet

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Qualités paysagères


INVESTIR LA LISIÈRE vers les Six-Croix Zone de stockage de la raffinerie de Donges

Marais

Zone de loisirs d Rue

e tad uS

Manoir de La Hélardière (XVème s.)

Maison de retraite

Mairie Eglise

Projet de la nouvelle gare vers le Port 200m

Liberge se situe au sud-ouest du bourg de Donges, très près de la zone de stockage de la raffinerie. Comme coincé entre les cuves gigantesque et le bourg, c'est avant tout un marais dont on a comblé une partie afin d'y installer des équipements sportifs de proximités.

Une limite, la rue du Stade Le site de Liberge s’installe de part et d’autre de la rue du Stade qui se présente comme étant son accès principal. Bordée d’habitations, cette voie semble pourtant établir une limite brutale entre les deux parties du site. En effet, un trafic routier important vient perturber le caractère résidentiel du quartier. Celle-ci relie la raffinerie Total au carrefour routier des Six-Croix qui permet de rejoindre le réseau routier départemental et national. De ce fait, la voie est largement empruntée par de nombreux camions poidslourds transportant des matières dangereuses. Ce problème est soulevé par la municipalité de Donges depuis plusieurs années mais aucune solution n'a été apportée jusqu’alors.

Au premier abord, Liberge apparaît comme un "collage". C'est un lieu de créolisation de différents univers. Il semble offrir un terrain favorable à la rencontre.

Néanmoins, cette situation est aujourd'hui amenée à changer. Dans un article daté du 30 novembre 106


2015, le journal local Ouest-France rapporte que Viviane Albert, Claudine Moriclet et Alain Chazal, élus au conseil municipal, souhaitent impulser la reprise des négociations en faveur du dévoiement des camions. Les trois élus ont ainsi écrit un courrier à la société Total, au souspréfet, au Grand Port maritime, à la Carene et au conseil départemental, leur demandant de réfléchir à une solution sur ce sujet de sécurité publique qui perdure depuis longtemps à Donges.

Vue sur le marais de Liberge. En arrière plan, les cuves de stockage de l'entreprise Total.

" Il est hors de question d'accepter qu'il y ait encore plus de camions transportant des matières dangereuses qui passent par la rue du Stade pour rejoindre les Six-Croix. "

Le terrain de basket et le skatepark de la zone de loisirs de Liberge.

Viviane Albert, propos reccueillis par le journal Ouest-France

D’une part, le bourg Comme nous l'avons expliqué auparavant, le bourg de Donges a été construit dans les années 1950 des suites de la destruction de l'ancien bourg de la commune situé en bord de Loire. Son plan apparaît comme un plan quadrillé relativement stricte qui s’apparente à l’urbanisme moderne de la reconstruction. Aujourd'hui, le bourg ne semble plus aussi dynamique que par le passé mais rassemble tout de même une trentaine de commerce en tout genre.

La rue du Stade.

Liberge est situé à proximité de ce nouveau bourg. Seules 6 minutes de marche séparent le site de la place de l’église. Cette situation devrait donc encourager le dialogue entre les deux milieux. Pourtant, aucune relation directe ne peut être évoquée. En effet, les percées depuis le quartier résidentiel avoisinant ont été condamnées par de grands portails opaques et bloquent désormais le passage et la vue. De la même manière, il n'existe pas de connexion entre la maison de retraite qui jouxte le site, et le site.

Enceintes grillagées du terrain de tennis et du terrain de foot stabilisé actuels.

Enceintes du terrain de foot synthétique actuel. 107


Photographie de Christian du marais de Liberge inondé le 21 février 2014.

D’autre part, le marais

que certaines d’entre elles affichent le logo de l’entreprise, on a peint les autres de manière à grossièrement évoquer un ciel bleu à nuages blancs et ainsi, entreprendre de les faire “disparaître” dans le ciel existant.

Actuellement, le marais de Liberge présente deux visages suivant le rythme des saisons. L'été, le site apparaît comme une large étendue verte avant de laisser place en hiver, à une vaste surface d’eau qui rappelle sa proximité à la Loire.

A Liberge, la vaste étendue du marais et les cuves de stockage peuvent apparaître comme des entités paysagères fortes. Cependant, la zone de loisirs qui s’installe sur le site ne semble pas dialoguer avec ce paysage.

A Liberge, bovins et oiseaux cohabitent. En été, un troupeau de bovins occupe en effet le marais qui devient pré de pâture. Par ailleurs, le marais est reconnu comme une zone de biodiversité importante. Une zone de protection des biotopes y a été créée en 1996. Plusieurs espèces d'oiseaux sont protégées dont la mouette rieuse, la tadorne de Belon et le busard des roseaux. Le marais est également classé zone d'importance pour la conservation des oiseaux, zone écologique de nature remarquable ZNIEFF 1, zone fonctionnelle de nature remarquable ZNIEFF 2 et site natura 2000 au titre de la directive oiseaux et de la directive habitat.

De part et d'autre, la zone de loisirs De nombreux équipements sportifs sont installés sur les terrains de part et d’autre de la rue du stade. On peut compter la piscine espace Neptune, le Stade Jean Pauchard, avec un terrain de grands jeux en herbe et une piste d’athlétisme, un terrain de football synthétique, un boulodrome couvert, deux courts de tennis, un skatepark, un pas de tir à l'arc et un terrain stabilisé.

En arrière plan du marais de Liberge, on peut apercevoir des cuves de stockage de la raffinerie Total. Alors

La plupart de ces équipements de plein air sont utilisés par les 108


membres des diverses associations sportives dongeoises. Le FC Donges est la plus grande d’entre elle. Le club de football compte 2 salariés et environ 300 licenciés. Classé en niveau départemental, le club invite régulièrement différentes équipes du département ce qui donne au site une certaine visibilité mais dont il ne profite pas actuellement. L’autre partie des équipements comme le skatepark sont des équipements dits “de proximité” soit des équipement en libre utilisation.

1965 - Terrain de foot en herbe

En terme d’organisation spatiale, les équipements ont été construit au fur et à mesure du temps, sans principe organisationnel apparent si ce n’est une disposition anarchique sans prise en compte du contexte dans lequel ils s’installent. Aujourd’hui, les équipements semblent “flotter” sur un espace vert. Cette organisation ne participe pas à provoquer des rencontres et dessert les pratiques sportives du site en ne leur donnant pas suffisamment de visibilité.

1975 - Terrain de foot stabilisé + Court de tennis

Parallèlement, ces équipements publics apparaissent aujourd’hui comme des équipements vieillissants.

1984 - Piscine + Pas de tir à l’arc

Epaissir la lisière Liberge apparaît comme un site au potentialité de rencontre. La situation de proximité avec le bourg, son emprise dans les marais et ses équipements existants démontrent une créolisation d'univers distincts que le projet se doit de rendre perméables les uns aux autres.

1995 - Skate park + Boulodrome

Il s'agit ici d'envisager non plus la lisière comme une limite linéaire mais comme un espace où les milieux, de part et d'autre, se confondent dans un dialogue.

2005 - Terrain de basket 109


VERS LE PROJET

Intentions et programme Souligner l’existant Dans un premier temps et dans un soucis d’économie de projet, je propose le maintient des terrains sportifs existants sur le site de Liberge.

pas de tir à l’arc

skate basket

jardin

Afin de rendre visible cette partie du bourg, et selon son propre principe de développement, je propose d’y implanter des éléments marqueurs qui peuvent prendre la forme de nouvelles activités sportives à pratiquer sur site. Pour prendre de la hauteur, un belvédère - tour d'escalade est par exemple construit. Cet élément est aménagé sur site de manière à faire appel depuis le centre bourg.

aire de jeu pic-nic tennis

Laisser place au marais Nous avons vu que le marais de Liberge est aujourd'hui tenu à l’écart des usages qui se développent sur la zone de loisirs. Or c’est bien sur ce territoire de marais, riche de biodiversité, que la zone de loisirs à été implantée. Pourquoi ne pas imaginer laisser cette zone de biodiversité se développer à nouveaux selon ses propres règles ? La flore viendrait s'installer de manière spontanée et un "tiers-paysage" se créerait.

" Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant." 2 Gilles Clément

Plan concept "Laisser place au marais" 110


piscine

terrain de foot synthétique

terrain de foot en herbe

parking

local du sport

Piste d'athlétisme

tour d’escalade belvédère

Plan masse concept. Les pavillons sportifs apparaissent en noir. Leur caractéristique sont anotées en noir suivant ce sont des activités existantes, en rouge si les activités sont des éléments ajoutés. On peut également distinguer sur le plan un premier dessin des cheminements.

Etendre le marais sur le site permet également de l'ouvrir à la pratique de la marche et de le connecter au réseau de chemin qui s'étendent plus loin.

111


Marquer les enceintes

Ménager des cheminements

Dans le projet, les terrains sportifs apparaissent comme des pavillons. Je décide de marquer leurs enceintes.

Les cheminements se déploient suivant un réseau dans tout le marais. Ainsi, ils peuvent devenir un nouveau parcours de marche et un moyen de découvrir le paysage de Liberge. Les cheminements lient également entre eux les pavillons sportifs. Il s'agit ici de percevoir les pratiques sportives au fur et à mesure d'une promenade. Les cheminements traversent la rue du Stade qui elle, est réaménagée pour accueillir un trafic doux.

Les enceintes permettent de signifier l'espace du jeu du reste. Elles assurent autant la sécurité des joueurs que des non-joueurs. La grande variété des enceintes, induites par leurs matériaux, déterminent aussi l'ambiance du jeu en influençant le rapport du joueur au paysage et le rapport du spectateur au jeu.

Coupe concept. L’espace situé à l'interstice des pavillons sportifs est laissé à l’état de friche. Le chemin, probablement ici de bois, est support d’usage. Il devient ici le support de la rampe de skate. L’enceinte du skate park est traité avec un maillage fin et souple.

Coupe concept. Ici, on peut voir le jardin. Ce jardin est délimité par une épaisse rangée d’arbres où l'on peut par endroit, de la même manière que dans une cabane, s'abriter ou se cacher. 112


Induire de nouveaux usages De nouveaux usages s’appuient sur les cheminements. Principalement, des assises sont aménagées pour laisser le promeneur profiter du paysage ou du jeu sportif. Elles apparaissent sous forme de bancs, ou encore de gradins. Certaines fois, les cheminements deviennent également le support des pratiques sportives. Par exemple, ils deviennent appui d'une nouvelle rampe de skate quand ils jouxtent le skatepark.

Photomontage d'ambiance. Différents pavillons sportifs apparaissent sur le site. Dans leur interstice est laissé un espace libre à la friche et à la promenade. 113


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LA PASSERELLE DES VOYAGEURS réconcilier des îles et assumer le patrimoine industriel Adèle Bertrand (PFE)

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À LA RENCONTRE DE TROIS ÎLES Trois îles très différentes les unes des autres; Trois îles au caractère fort cohabitant : Des univers qui se laissent fantasmer.

La raffinerie

La raffinerie, deuxième plus grande de France, est une géante. Géante de fer, immatérielle. Le jour, elle est en activité constante. Infranchissable, on ne peut que deviner l'activité qui l'habite. Depuis la ville de Donges, elle est si grande, si proche et si vieille qu'on ne la voit pas, ou plus. Seuls le bruit sourd des machines et l'odeur nauséabonde qu'elle dégage témoignent de sa présence constante, sous-jacente. La nuit, elle s'endort pour se laisser admirer, brillante et prodigieuse.

" Nous, on a de la chance d'avoir un étage. Tous les soirs, mon mari regarde par le velux à l'étage pour observer la raffinerie. " Un couple de retraités, lors des ateliers publics

" On dirait Las Vegas ! New-York ! "

Antoine, moniteur à l'OSCD

" Moi, ça me fait penser à une Gotham City "

Kevin, moniteur à l'OSCD

La raffinerie de nuit 116


Le port

du monde entier. Le lieu de va-et-vient réguliers ; une évocation du voyage, de l'ailleurs, du dépaysement. A l’abri des regards, il ouvre régulièrement ses portes à des paquebots immenses, et chargés d'or noir. Le reste du temps, ce n'est qu'une grande étendue de marais, de route, de larges trottoirs en friche et d'eau : la Loire. Désertique, immense, et calme : il est à la merci des caprices du vents.

" On se croirait au bord de la mer ! La Loire est très large ici "

Première réaction à Donges, issue de mon carnet de bord

Le Grand Port Maritime, quatrième port français et plus grand port de la façade Atlantique, est le témoin de la richesse du monde. Ses quais sont la terre d'accueil quotidienne de marins

Le Port de Donges

Le bourg

taille : la place et son église, les commerces de proximité, le marché hebdomadaire, quelques passants, quelques enfants, du calme mais pas trop. La quantité de commerces et d'équipements est surprenante bien que de nombreuses vitrines soient recouvertes de peinture blanche et tatouées d'affiches " à vendre " ou encore " à louer ".

" En fait, c'est vivant ! Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de commerces! "

Première réaction à Donges, issue de mon carnet de bord

A première vue, le bourg de Donges ressemble à un centre ville modeste, typique des villes françaises de cette

La place de l'église, un jour de marché 117


L'ISOLEMENT PROGRESSIF DES TROIS ÎLES Du partage réciproque au confinement progressif: Quand un fossé de plus en plus grand se creuse entre trois entités qui ne se comprennent plus.

Un fossé qui se creuse...

de leur valeur. Cependant, au vue des caractéristiques et atouts de chacune, il semble que l'une puisse apporter à l'autre. Il paraît donc nécessaire de permettre à nouveau un dialogue, quel qu'il soit, entre elles. Il faut faire en sorte que ces différences et changements au fil du temps ne soient pas séparateurs mais plutôt unificateurs.

Comment les îles gèrent-elles cette proximité complexe ? C'est la question que je me suis posée et qui m'a menée à réaliser ce photomontage, reflet des enjeux et des prémices du projet. Entre ces trois figures emblématiques se creuse un fossé. Les habitants semblent, dans une certaine mesure, se rattacher à une image de leur ville qui n'existe plus en réalité.

Un changement d'image au fil du temps La distanciation entre les îles n'a pas toujours été de mise. La raffinerie semble avoir joué un rôle important pour la ville par le passé. Les travailleurs habitaient sur place, avec leur famille. De plus, elle était une source de revenu importante pour la commune, qui a ainsi pu se doter de nombreux équipements. L'industrie était un catalyseur pour l'économie et la vie sociale locales. Un Dongeois travaillant à la raffinerie, tout comme son père et son grandpère, racontait:

" Donges c'est la raffinerie ! " nous a t-on souvent affirmé De la même manière que Donges n'est plus un port, Donges n'est plus vraiment la raffinerie. Cette dernière ne fait plus partie de la ville dans les usages. Après le " Donges portuaire " et le " Donges industriel ", la ville d'aujourd'hui est un " troisième " Donges, encore difficilement qualifiable. Face à cette situation, les trois îles se renferment petit à petit sur elles-mêmes. Leur fonctionnement égocentrique les isole et créé une frontière de moins en moins franchissable. Elles perdent

" Avant, c'était un peu la consécration de travailler à la raffinerie " (…) " On avait des 118


Collage d'intentions

avantages. Le bus s'arrêtait en face de chez nous pour nous emmener à l'école. Les gens nous enviaient "

Quand au port, les dongeois semblent avoir tendance à l'oublier. En effet, de toutes les rencontres que j'ai pu faire durant mes investigations, très peu de personnes ont évoqué le Grand Port Maritime de Nantes - Saint-Nazaire. Le passé portuaire de Donges est tellement loin qu'on n'évoque même plus son existence. On n'y va plus, on ne s'y promène plus, excepté quelques pêcheurs qui s'y aventurent de temps en temps. C'est un espace déserté.

Aujourd'hui, les modes de vie ont changé. Les ouvriers n'habitent plus sur place. Ils ne vont dans le bourg que dans une moindre mesure. Certains s'y rendent pour manger dans les restaurants ouvriers, mais une grande majorité se rend à la cantine mise à disposition par Total et située dans son enceinte. L'industrie n'a plus la même " cote " qu'autrefois. Un couple de nouveaux Dongeois affirmait que :

L'éloignement du bourg de la Loire explique en grande partie ce phénomène. Car en effet, Donges a été considérée comme étant une ville portuaire par le passé. Lors des ateliers publics, une dame se remémorait:

" les gens ont une mauvaise image de Donges à cause de la raffinerie " Il n'est pas rare d'entendre ce type de témoignages. Dans les esprits, la " raff' " est souvent associée aux " mauvaises odeurs " ou aux " désagréments " qu'elle génère. De plus, les apports financiers bénéficient désormais à la Carène. Donges, appauvrie, peine à entretenir les nombreux équipement qu'elle possède.

" Je me souviens, mon mari se baignait dans la Loire, il y avait la plage " Mais aujourd'hui, l'estuaire et l'activité maritime qui y est associée ne semblent plus faire partie de " l'identité " Dongeoise.

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QUAND LA RÉGLEMENTATION S'EN MÊLE Restrictions, interdictions, obligations: Des conflits autour de réglementations contemporaines qui assombrissent encore davantage la réputation du site industriel.

Des relations conflicuelles autour de la réglementation PPRT...

refasse de nouveau parce-que la réglementation nous oblige à avoir du triple vitrage. On a un peu d'aide mais on va quand même devoir en payer de notre poche ! C'est une grosse perte d'argent. Nous, on fera pas. " (...)

Situées en plein cœur de la zone SEVESO, le bourg, le port et la raffinerie se trouvent en territoire hostile. En effet, cette nouvelle directive est à l'origine de frustrations, d'incompréhensions et donc de certains conflits.

" Par exemple la voisine, elle est veuve. Bah du coup, elle bénéficie de deux fois moins d'aides financières que nous qui sommes en couple. C'est insensé ! "

"Il y a deux ans, on a refait tout le vitrage de notre maison. Mais maintenant, il faudrait qu'on le

Couple habitant à côté de la raffinerie rencontré lors des ateliers publics

Réglementation SEVESO: les zones à risques industriels 120


... Et le projet de contournement ferroviaire

En réalité, Total nécessitait que ces travaux soient réalisés afin de pérenniser la raffinerie de Donges grâce à un investissement de 400 millions d'euros. Ainsi, la zone industrielle s'étendrait encore un peu plus vers le nord, c'est à dire vers le bourg.

A Donges, un projet de contournement ferroviaire est en cours. Cette initiative vise à réduire l’exposition aux risques industriels à l’endroit de la voie ferrée traversant la raffinerie de Donges.

Néanmoins, la réglementation PPRT interdit toute forme d'urbanisation entre le bourg et la raffinerie. De plus, les zones SEVESO délimitées dépendent directement de la situation du site industriel. Si celui-ci s'étend, les contraintes en vigueur s'étendront aussi, et toucheront davantage d'habitations dans le centre. Une incompréhension et un sentiment d'injustice subsiste donc chez les habitants, et plus particulièrement chez ceux très fortement concernés par les désagréments engendrés.

L'Etat (et la SNCF), les collectivités locales (Département, Région, Carène) et le groupe Total ont signé le protocole d'accord préalable sur le contournement de la voie ferrée qui traverse la raffinerie de Donges. Le projet sera donc réalisé. Le doute subsiste seulement entre deux variantes légèrement différentes du tracé : Les rails passeront au nord ou au sud de la RD100. La décision devrait être prise très prochainement puisque d'après la presse, celle-ci est attendue pour le mois de janvier.

Tracé du projet du contournement ferroviaire

Globalement, j'ai le sentiment que deux facteurs expliquent cette situation d'éloignement. D'une part, les habitants, quels qu'ils soient, se sont habitués à la présence de ces " géants ". Accoutumés, ils les voient mais ne les regardent plus. Comme nous l'a confié le gérant de l'Amiral : " Les gens ne se rendent pas compte de l'ampleur de la raff'. Ça brasse

des millions. C'est énorme ! Et ils ne réalisent pas." . D'autre part, il semble que les désagréments causés par leur présence n'aient pas joué en leur faveur. Les entités ont des intérêts à des échelles différentes, elles ne se comprennent plus. Les relations conflictuelles que cela a généré ont complètement occulté les atouts que leur existence peut présenter.

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DES POTENTIELS À RECONNECTER Déceler, exprimer, partager, révéler. Des atouts présents en attente d'être réactivés : L'enjeu de la reconnexion des trois îles. La multiculturalité offerte par le port, une richesse humaine

Entre un bourg en attente et les besoins des marins, un enjeu économique

" La dernière fois j'ai vu des pakistanais passer devant le bar. Dans une ville comme Donges, c'est vrai que ça fait bizarre ! "

Le bourg de Donges est très équipé, et ce, dans des domaines variés (services, commerces, restauration, équipements sportifs, culturels etc...). Il est actuellement en désuétude : ses commerces ferment régulièrement et ne sont pas rachetés (probablement à cause des contraintes PPRT en vigueur). Parallèlement, se trouvent des marins sur les quais du port qui ont des besoins. J'ai réellement pris conscience de l'activité portuaire assez tardivement, lorsque j'ai aperçu des marins philippins photographier la place de l'église sous toute ses coutures. Voir des étrangers effectuer du tourisme dans une ville comme Donges m'a

Le gérant de l'Amiral, lors d'une discussion

La présence de l'activité portuaire amène une dimension multiculturelle au sein de la ville. Et comme le dit si bien le gérant de l'Amiral, cette situation est plutôt atypique pour une ville de l'importance de Donges. La commune dispose là d'une potentielle richesse. " C'est passionnant de dialoguer avec des gens du monde entier ! " (…) " Le foyer, c'est un lieu d'échange " Mme Le Nay, directrice de l'association des marins de St Nazaire, lors d'un entretien

Répartition des activités à Donges 122


Photographie de marins se dirigeant vers le bourg

interpellée. Lors des ateliers publics, j'ai eu l'occasion de discuter avec trois d'entre eux. Ils étaient là pour 26 heures et ne savaient pas quoi faire. Un peu perdus, ils m'ont demandé dans un anglais approximatif comment se rendre à St Nazaire. Quelques semaines plus tard, j’apercevais d'autres marins équipés de leur combinaison orange fluo et roulant à toute allure en riant sur la piste cyclable allant du port au bourg. Les vélos leur avaient probablement été prêtés sur place. Je me suis alors posée la question : Mais que font-ils de leur temps libre ?

De ce fait, à Donges comme à Montoir, plus rien n'est prévu pour l'accueil des marins à quai. "On voit des marins errer de temps en temps sur les quais. Ils n'ont rien à faire, ils s'ennuient ! " Deux salariés de Lamanage Huchet Desmars

Le monde des marins est particulier et était à mes yeux assez obscure. J'ai donc souhaité en savoir plus et ai obtenu un entretien avec Mme Le Nay, directrice de l'Association des marins de Saint-Nazaire. Elle m'a permis de comprendre les enjeux d'un tel organisme. Leur démarche a pour unique but de satisfaire " le bien-être des marins ". Ces derniers ont des demandes d'ordre matériel (wifi, ordinateur, carte sim... pour communiquer avec leur famille, achats de souvenirs, un accès au supermarché pour se procurer de la nourriture etc). Il est aussi nécessaire qu'une personne " relais " soit présente afin de les orienter efficacement vers ce qu'ils souhaitent (où trouver des "bars à thème", des lieux de culte etc.) et d'être à l'écoute d'éventuelles difficultés (il est difficile de s'exprimer à bord d'un bâteau où des cultures très différentes cohabitent. Les marins peuvent avoir besoin de se confier

En approfondissant mes recherches, j'ai appris que le foyer des marins de Donges/Montoir avait fermé ses portes en février dernier pour des difficultés financières. Ainsi, seul celui de Saint-Nazaire subsiste. L'Association des Marins de SaintNazaire va très prochainement mettre en place une navette qui ira chercher les marins dès la sortie du bâteau pour les amener jusqu'au Auchan le plus proche et St Nazaire. Cependant, ces déplacements nécessitent une escale relativement longue. Hors, pour les armateurs, le temps à quai coûte de l'argent. De nos jours, les escales sont donc de plus en plus courtes. 123


déjà présents dans le bourg et qui ne demandent qu'à être utilisés. La diversité d'infrastructures, un atout potentiel Le site étudié est aussi riche d'infrastructures. En effet, le projet de contournement ferroviaire peutêtre vu comme un atout. La position exacte de la gare n'est pas encore décidée mais deux propositions sont faite. L'une, qui me semble être la plus intéressante, est située à l'entrée du bourg. Autrefois située au niveau de l'ancien centre ville, à 1km de l'actuel, cette nouvelle position semble plus stratégique et plus pratique pour les locaux. Elle est à la fois proche de la raffinerie pour ceux qui y travaillent et proche du bourg pour les habitants. On peut s'y rendre à pied ou en transports en commun.

Foyer des marins de St Nazaire

une fois à quai). Les marins ont aussi besoin d'avoir accès à des activités pour se divertir et passer le temps (foot, babyfoot, billard, pétanque etc.). Ils ont tout simplement besoin de voir autre chose : " Le marin, il voit des quais tout le temps. Il en a marre de voir des quais ! " Mme Le Nay

La Loire et les départementales constituent aussi des supports d'éventuelles mobilités. Ces éléments sont très proches les uns des autres et pourraient fonctionner ensemble.

Discrète mais pourtant bien présente, la vie portuaire et ses marins sont une force et un réel enjeu pour la ville. Il y a actuellement un manque quant à leur " bien-être " à Donges. Une partie de ces besoins pourrait être comblée grâce aux commerces et équipements

Photographie affichée sur les murs du foyer des marins de St Nazaire 124


Carte des enjeux du site

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RECONCILIER LES ÎLES : LA PASSERELLE Représentation physique et architecturale d'un acte de réconciliation : la passerelle est plus qu'un simple ouvrage de construction ... La passerelle se chargera donc de relier ces trois îles. Elle porte en elle une symbolique forte : celle de la réconciliation entre trois entités.

L'objectif de cette nouvelle infrastructure est de donner une nouvelle image, d'avoir un nouveau regard sur ces espaces traversés. Elle offre un voyage inédit dans des lieux d'accoutumance, des espaces délaissés. L'usager se laisse impressionner par l'immensité des lieux. Il voit du beau, du grandiose. Tous les regards sont rivés sur la raffinerie, tours de métal et de feu cernées de nuages de fumée, et sur le Grand Port Maritime, l'air marin en pleine face, les paquebots, la mer, l'ailleurs. Elle est une expérience olfactive qui met nos sens à l'épreuve.

L'infrastructure horizontale sera le lieu d'expérimentations de croisements de gens d'horizons différents, le lieu des mobilités. Elle jouera un rôle à des échelles très différentes : elle sera une connexion avec le monde, la métropole, la ville et le quartier. L'objet construit assume la grandeur des lieux dans lesquels elle s'insère. Il est une mégastructure supplémentaire dans ce site de géants. Il s'impose à leur côté, se " fait une place ", afin de dialoguer avec eux. La passerelle allant du bourg jusqu'au port est une sorte d'ovni qui se pose à la lisière de ces trois îles. Elle recherche l'efficacité, ne va chercher que ce qui est nécessaire , de manière directe. Elle change de trajectoire, monte, descend, s'ouvre, se ferme... et ce, seulement quand c'est nécessaire. Elle s'installe en territoire hostile, ingrat. Hors sol, détachée d'une certaine manière du contexte, elle ne tient compte que de ce qui " l'intéresse ". Elle prend de la hauteur pour mieux prendre conscience de l'immensité des lieux qu'elle traverse.

Collage d'intentions 126


Recherche de dispositifs d'ambiance

Vue dĂŠgagĂŠe sur le marais

Cadrage sur la raffinerie

Ambiance sonore de la raffinerie

Cadrage sur la Loire

Plan masse 127


UNE PROGRAMMATION NAISSANTE Lieu des mobilités, des rencontres et de l'expérience des sens: La mise en forme d'un programme et d'une implantation Des premiers programme

éléments

de

îles. Elle devient une sorte de petit hub auquel se greffent un espace de location de vélos, un arrêt de bus et une halte maritime en connexion avec la rive d'en face, Paimboeuf.

Ainsi, je fais le choix de relier le bourg, la raffinerie et le port. Par ce geste, je me heurte inévitablement à la réglementation PPRT. La dangerosité du site est traduite par des zones sur carte. Mais en y réfléchissant bien, la réalité est bien différente de ce dessin. La cartographie ne prend pas en compte " l'effet domino " où une explosion en entraîne inévitablement une autre. Si une catastrophe avait lieu, les dégâts iraient bien au delà de la délimitation faite. Je décide donc d'assumer la dangerosité dans laquelle les habitants vivent tous les jours ; cette dangerosité qu'ils ont acceptée et à laquelle ils se sont accoutumés. J'agis donc dans cette zone hostile.

Voyage sur la D4 " Notre corps habite l’espace au moyen de chacun de ses sens, espace visuel bien sûr, mais aussi sonore, tactile, thermique et olfactif " 1 Un jour de beau temps, je suis partie en balade sur la D4, route menant du bourg au port. Ce voyage en terre hostile n'a pas toujours été agréable. Cependant, j'ai repéré de nombreux éléments du paysage inédits; qu'ils soient visuels, sonores, ou sensitifs. Effectivement, il est sur cette portion de route des points de vue imprenables et des sensations surprenantes. Ces éléments clefs disséminés tout le long de la promenade constituent des points d'ancrage pour la passerelle. Ils déterminent par où passer et de quelle manière. L'ouvrage est la représentation physique de ce plan basé sur l'expérience des sens: la passerelle s'ouvre ou se ferme, monte ou descend... selon les directives de la carte. Elle induit des regards, influence les attentions portées à certaines choses plus que d'autres et, ainsi, offre un nouveau regard sur l'espace traversé.

Le projet place un nouveau foyer des marins à la lisière de l'île du bourg. Situé sur une partie du parking de la place de la gare, ce nouvel élément de programme entre en résonance avec les autres déjà existants : des restaurants ouvriers , une boulangerie, une poste et un bar tabac. Attenante à la route principale qui mène, entre autre, à la place de l'église et ses nombreux commerces, cette place est une entrée majeure dans le centre ville. Entre les deux haltes proposées par le contournement ferroviaire, je choisis naturellement celle située proche du bourg. La gare fait donc partie du programme de reconnexion des trois

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Hanène Ben Slama. Parcours urbains quotidiens. L'habitude dans la perception des ambiances. Sciences de l'Homme et Société. Université Pierre Mendès-France - Grenoble II, 2007 128


Analyse sensible 129


BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES & PUBLICATIONS - Donges par les cartes postales 1900-1950, Les Cahiers dongeois, n°1, publication de L’Office Socio-Culturel de Donges - Kerouanton J-L & Trivière F-X, Donges, patrimoine d’eau et de feu, Coll. Itinéraires du patrimoine, Service Régional de l’Inventaire Général. D.R.A.C. des Pays de la Loire. Nantes, éd. A.D.I.G., 2001, 32p. - Le Maître Yves & Le Merle Eric, Pour une géoarchéologie des estuaires, Æstuaria n°5 - Collection Les dossiers d'Ethnopôle, éd. ESTUARIUM. 2004, 395p. - Bouchain Patrick, Construire autrement: comment faire? Paris, Acte Sud, 2006, 190 p. - Corajoud Michel, Le projet de paysage : lettre aux étudiants, Jean-Luc Brisson (dir.), Le jardinier, l’artiste et l’ingénieur, collection jardins et paysages, Les Éditions de l’Imprimeur, 2000, 94 p. - Desvigne Michel, Le paysage en préalable, 2011, Marseille, Parenthèses. Sous la direction de Ariella Masboungi ; coordination éditoriale Olivia BarbetMassin,125p. -Clément Gilles, Manifeste du Tiers-Paysage, Sujet/Objet, 2003, 344 p. - Ferrier Jacques, Jacques Ferrier architecte, Paris, Passage piétons, 2000 Pétonnet Colette, Espaces habités : ethnologie des banlieues, 1982, Paris, Galilée, 174 p. - Viard Jean, Court traité sur les vacances, les voyages et l'hospitalité des lieux, 2000, Paris, L'Aube, 169 p. - Mandoul Thierry & NP2F architectes, Sports, portrait d’une métropole, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, 442 p. - Berque Augustin, Aubry Pascal, Donadieu Pierre & Laffage Arnauld, Mouvance Tome II. Du jardin au territoire, soixante-dix mots pour le paysage, Paris, La Villette, 2006, 120p. - Hillairet Dieter Hillairet & Bessy Olivier, L'innovation dans les équipements. Tome 1, Les espaces sportifs innovants, Territorial, 2002, 344 p.

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ARTICLES EN LIGNE - Hannape Cyrille, Calais : la «jungle», future ville ? 2015, Article en ligne Libération - Ben Slama Hanene. Parcours urbains quotidiens. L'habitude dans la perception des ambiances. Sciences de l'Homme et Societe. Universite Pierre MendesFrance - Grenoble II, 2007.

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REMERCIEMENTS

Merci à François Cheneau, maire de Donges et Christian Biguet, maire de Lavau-surLoire, pour nous avoir permi de mener à bien notre démarche, Jean-Marc Daniel, responsable du service urbanisme de Donges, Remy Klein, élu responsable de la vie de quartier, Charles O'Rocke, directeur de l'OSCD (Office Socio Culturel de Donges), Alain Morice, président de l'OSCD, Antoine, animateur à l'OSCD, Hélène Renou, directrice de l'école primaire de La Pommeraye, la directrice et l'institutrice de l'école primaire de Lavau-sur-Loire, Eric Lemerle, chargé de patrimoine à Estuarium, et Marie-Christine Le Nay, présidente de Marine Accueil Loire, pour la richesse de nos entretiens, Marie-Claire Lorinquer, Brigitte Gamelin et Christian Grelier, pour nous avoir fait partager leurs pratiques lors d'itinéraires, Le gérant du "Welcom", les gérants de "l'Amiral", "Momo pizza", Marie-Thérèse, Kévin, Dominique Montfort, Dominique Gérin, Yseult Choimet, Yves Delasalle et sa femme, les habitants et les dames de l'accueil des "Tainières" ainsi qu'à toutes les personnes que nous avons rencontrées, pour avoir pris le temps de discuter, échanger, L'intégralité des habitants ayant participé aux ateliers publics ainsi qu'à Bertrand et Gwénola Audic, pour avoir été nos hôtes lors de cette expérience, Eric Chauvier, Saweta Clouet et Chérif Hanna, enseignants à l'école d'architecture de Nantes, pour leur accompagnement et leur partage d'expériences, Jennifer Aujame, réalisatrice, pour sa collaboration de notre traversée filmée, Flore Grassiot et Antoine Mialo, architectes DPLG et urbanistes, pour nous avoir fait partager leurs savoir-faires afin de mener à bien les ateliers publics, Ricardo Basualdo, artiste et sénographe urbain, pour ses critiques et conseils avisés, Marine Leroy, architecte, pour son regard neuf porté sur notre démarche, Margaux Vigne, paysagiste, pour avoir donné à voir nos travaux réalisé en studio, Bohra Chauvet, Rossila Goussanou et Pierre Y. Guérin, moniteurs au sein du studio, pour leur aide précieuse, Pierre Cahurel, graphiste, pour son aide pour la réalisation de cet ouvrage, à nos collègues de studio, pour avoir partagé ces quelques mois à nos côtés.

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Remerciements à : Christian Dautel, directeur de l’ENSA Nantes ; Nicolas Schmitt, secrétaire général de l’ENSA Nantes ; Pascal Pras, vice-Président de Nantes Métropole pour son investissement pour l'association arts de faire ; François Cheneau, maire de Donges et Christian Biguet, maire de Lavau-sur-Loire ; Aux participants des ateliers publics et à toutes les personnes rencontrées ; Jennifer Aujame, réalisatrice ; Flore Grassiot et Antoine Mialo, architectes ; Ricardo Basualdo, artiste et scénographe urbain ; Pierre Cahurel, graphiste ; Chérif Hanna et Eric Chauvier, Saweta Clouet, enseignants à l’ENSA Nantes ;


ESTUAIRE 2029

Dérives des rives « Les limites – interfaces, canopées, lisières, orées, bordures – constituent en soi des épaisseurs biologiques. Leur richesse est souvent supérieure à celle des milieux qu'elles séparent. » Gilles Clément, Manifeste du Tiers-Paysage

Ce mémoire raconte avant tout le récit d'une expérience menée par cinq étudiants en architecture. L'approche collective, emprunte d'une démarche de terrain, aboutit à l'émergence d'un regard neuf porté sur le territoire des communes de Donges et de Lavau-sur-Loire. La Loire, les marais, la raffinerie, les bourgs et les hameaux apparaissent comme des entités, des milieux. Nous avons été curieux de regarder de plus près la complexité et les enjeux que génère leur cohabitation. Ces milieux ne sont pas là par hasard. Ils reflètent des caractéristiques sociales, paysagères, économiques et institutionnelles qui ont influencé une posture projectuelle collective. Celle-ci a enclenché cinq propositions de projets individuels qui se font écho.

arts de faire - janvier 2016


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