Ergonoma journal n 62

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Focus Work from Home / Télétravail Suite de la Page 71

Les espaces de travail avaient également commencé à évoluer en favorisant la flexibilité des espaces (nonattribution des postes de travail ou flex office) afin de stimuler la collaboration et les interactions. Ils se dotaient de digital workplaces pour faciliter la collaboration à distance et l’usage d’outils permettant d’améliorer ces échanges, ou encore la mise en place de tiers lieux plus proches des lieux de vie des collaborateurs. La crise a cependant remis en question ces évolutions en laissant entendre qu’une organisation en travail à distance total pouvait être pérenne. De grandes économies, surtout dans un contexte de bureaux non occupés, seraient alors envisageables. Mais il existe des antécédents qui devraient inspirer les promoteurs du travail à distance permanent et généralisé. Ainsi, Yahoo ou IBM avaient pu mettre en place de tels modèles au début des années 2010 dont ils sont revenus depuis, pointant un désengagement profond de leurs collaborateurs.

en moins au collectif, mais aussi pour les collaborateurs qui se voient de plus en plus isolés et en manque de lien social. La question du sentiment d’appartenance à un groupe est le principal enjeu de cette délocalisation des professionnels. Par ailleurs, l’exemple de la mise en place de méthodes agiles caractérise bien ce paradoxe : il faut plus de souplesse pour que tous les talents s’expriment, mais il faut pouvoir se retrouver sur un même lieu pour pouvoir pratiquer des activités de créativité que tous les outils de collaboration à distance ne sauraient favoriser de la même manière que le travail collectif présentiel. Le défi le plus grand consiste alors en la combinaison de ces deux mondes, instaurant de l’intentionnalité dans le choix de réaliser une activité en présentiel ou à distance et plus globalement concernant nos façons de travailler.

Un nouvel équilibre est donc à rechercher : plus de souplesse pour travailler depuis n’importe où présente de nombreux avantages, que ce soit en termes de productivité ou de bien-être. Mais un télétravail permanent et massif présente de nombreux risques pour les organisations qui pourraient voir leurs meilleurs talents s’identifier de moins

De nouveaux outils, souvent déjà présents mais pas forcément massivement utilisés, ont donc connu un développement soudain et généralisé. Les exemples sont nombreux, de Zoom à Teams, mais aussi des solutions de collaboration en ligne pour éditer un même document en direct, à plusieurs, à l’usage du cloud pour partager les informations, ou encore les évolutions des Intranets, des communications par messagerie... ces outils ont été adoptés soudainement et ont aussi transformé, au moment du retour au bureau, les dynamiques de travail.

2. les changements d’usages et de pratiques accélérés

De nouveaux problèmes apparaissent alors : par exemple, les appels rapides et répétés en visio-conférence gênent les collègues présents, ou ce sont ces collègues qui créent des parasites dans la conversation. Les activités menées au poste de travail ou en salle de réunion évoluent : on n’est plus sûr de retrouver tous les participants à une réunion dans la salle, la majorité choisissant de rester à son poste de travail, d’autres travaillant depuis chez eux ou dans des tiers lieux. Les écosystèmes d’espaces de travail, adaptés à chaque activité, trouvent alors une nouvelle limite : ils ne prennent pas en compte cette «hybridation» des activités présentielles et à distance. Une conséquence parait ainsi couler de source : si nous avons pensé notre bureau à partir de nos activités et que ces activités évoluent, il faut que nous soyons capables de nous poser la question de savoir ce que nous voulons pouvoir privilégier au sein d’un espace commun, le bureau, et ce que nous devrions privilégier à distance ; puis comment adapter notre environnement et notre culture de travail, de vie commune, pour appliquer les meilleures pratiques, à mêmes de faciliter et d’optimiser la réalisation de chacune des tâches que tous les professionnels réalisent.

© BICG - Tina Witherspoon

Janvier / Février / Mars 2021 | 72 | Ergonoma N°62

Cet aspect culturel est fondamental dans ce nouveau contexte. Le modèle de management basé sur le contrôle présentiel, visuel, autoritaire des collaborateurs, s’il paraissait déjà obsolète du point de vue de l’expérience collaborateur et de l’attraction et rétention des meilleures compétences au sein de l’organisation («compétences» plutôt que «talents»), mais aussi des besoins d’agilité, de


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