Entreprise et sante numero 28

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BTP I SERVICE I COMMERCE & ARTISANAT I INDUSTRIE I INTERIM

Tous connectés...

ET LA SANTÉ, DANS TOUT CELA ?

Vos droits, vos devoirs :

Zoom sur :

Priorités et Coiffeurs : le risque chimique Plasturgie p08

p24

p11

Dr Brigitte Pamart :

La pénibilité, quoi de neuf? p27

N°28

4ème Trimestre 2014 www.entrepriseetsante.fr


SOMMAIRE

N°28 • 4ème Trimestre 2014

VRAI OU FAUX ?

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BRÈVES

EN DIRECT :

p05

Entreprises d’insertion : en santé au travail, les salariés ont les mêmes droits Prévenir l’inaptitude médicale : dans le BTP, c’est possible ! TMS et lombalgies : mobilisation générale pour la prévention

p08

VOS DROITS, VOS DEVOIRS :

p09

ERGONOMIE & ORGANISATION :

p10

VOTRE SANTÉ, VOTRE EMPLOI

Coiffeurs : le risque chimique est aussi chez vous !

Ergonomie : chaque situation de travail est concernée !

Essai encadré : mieux vaut essayer avant de reprendre son poste !

DOSSIER p.11 à 22

Fiche détachable

Tous connectés… et la santé dans tout cela ? . . . . .

Interview : Xénophon Vaxévanoglou Le Conseil général de la Somme expérimente le télétravail Qualité de vie au travail : vous avez dit « télétravail » ? Point de vue…Professeur Gérard Vallery La polyvalence au cœur du travail des téléopérateurs

97 % des entreprises sont connectées. 7 conseils pour être bien !

ZOOM SUR :

p24

Vallé de la lys, des priorités pour un secteur industriel fort ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE :

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Exposition aux fumées de soudage : sachons chasser le chrome hexavalent ! INTERVIEW :

p27

Dr Brigitte Pamart, Médecin du Travail : Pénibilité, quoi de neuf docteur ? AUX ALENTOURS :

p30

p31

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Santé Travail Sambre Avesnois Votre cotisation est un investissement ! ACTU :

Votre agenda

Entreprise & Santé • 4ème Trimestre 2014 • N°28 • www.entrepriseetsante.fr


ÉDITO

Hervé Delpierre En devenant président du GISSET (Groupement InterServices de Santé au Travail), j’ai accepté la mission de directeur de publication d’Entreprise & Santé. Je m’attacherai à maintenir la ligne éditoriale : valoriser les actions de prévention menées par les entreprises du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, grâce à l’expertise et l’appui de leurs services de santé au travail. Santé Travail Sambre Avesnois nous rejoint. 3 000 entreprises supplémentaires, et leurs 33 000 salariés, vont donc à présent bénéficier d’Entreprise & Santé. Tous les services du Nord-Pasde-Calais collaborent aujourd’hui à ce magazine trimestriel, édité par le GISSET.

Nous sommes connectés en permanence. Jour et nuit ! Ceci modifie nos organisations de travail. Avec quels impacts sur notre santé ? Le dossier central répond à cette question. Merci aux professeurs Xénophon Vaxévanoglou (Université de Lille II) et Gérard Vallery (Université de Picardie Jules Verne) de nous apporter leurs éclairages. A travers deux expériences, l’ASMIS (Santé au travail de la Somme) nous permet d’aborder deux sujets en émergence : le télétravail d’une part et l’importance de l’ergonomie pour les centres d’appels d’autre part. Dans les autres rubriques, des entreprises apportent leurs témoignages sur des sujets très différents : • Le risque chimique chez les coiffeurs (rubrique Vos droits, vos devoirs) avec le CEDEST. • Le styrène dans une entreprise de plasturgie (rubrique Zoom sur) avec le SIMUP. • La réduction de l’exposition au chrome hexavalent lors du soudage inox (rubrique Environnement & technique) avec l’AISMT. • Les entreprises d’insertion (rubrique En direct) avec l’ASTIL 62. • Le maintien dans l’emploi dans le

vous proposent le magazine :

N°28 • 4

ème

trimestre 2014

Numéro diffusé gracieusement aux entreprises des services adhérents

Contact : entrepriseetsante@nordnet.fr Les éditions de l’encre vive Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Directeur de publication : Hervé Delpierre Comité de rédaction : Alain Cuisse, Bruno Decherf, Louis-Marie Hardy, Dr Alain Moniez Conception et Responsable de rédaction : Dr Matthieu Méreau Méthodes et Médiation - Lille

BTP (rubrique En direct) avec PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord. • L’essai encadré pour le retour à l’emploi dans une entreprise de métallurgie (rubrique Votre santé, votre emploi) avec MTA. • La prévention des TMS et des lombalgies dans une imprimerie (rubrique En direct) avec l’AST 62-59. • L’ergonomie des postes informatiques dans une confiserie industrielle (rubrique Ergonomie & organisation) avec l’ASTIL 62. Avec la publication de six décrets au Journal officiel le 10 octobre 2014, la prévention de la pénibilité revient sur le devant de la scène. Merci au docteur Brigitte Pamart d’avoir accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé. Bonne lecture !

Hervé Delpierre Directeur de publication pour Services de Santé au Travail

AISMT - Association Interprofessionnelle des Services Médicaux du Travail - 1461 avenue du Cateau place Santos Dumont CS 50182 - 59404 Cambrai Tél. 03.27.72.63.63 www.aismtcai.com ASMIS - Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme 77, rue Debaussaux CS 60132 80001 Amiens Cedex 1 Tél. 03.22.54.58.00 www.asmis.net AST 62-59 - Association Santé Travail 62-59 6, rue de la Symphorine Parc des Bonnettes - CS 60503 62008 Arras Cedex Tél. 03.21.15.12.32 www.ast6259.fr ASTAV - Association de Santé au Travail de l’Arrondissement de Valenciennes 1, avenue de l’Europe 59880 SAINT SAULVE Tél. 03.27.46.19.24 www.astav.fr ASTIL 62 - Association Santé Travail Interentreprises du Littoral 430 boulevard du Parc BP 94 62903 Coquelles Cedex

Rédaction : Matthieu Méreau Secrétariat de rédaction : Nathanaëlle Debaene Création et mise en page : Graphic Design Solutions www.gdsgroup.fr Crédit photos : P6 : RABOT DUTILLEUL, p7 : IMPRIMERIE DE LA CENTRALE LENS, p9 : FIZZY, p10 : ENSIVAL MORET, p12 : XÉNOPHON VAXÉVANOGLOU, p16 : GÉRARD VALLERY, p23 : APREVA, p.24 : SIMUP, p26 : YGNIS, p27 : BRIGITTE PAMART, p30 : STSA, p31 : AISMT, FOTOLIA.

Coordination, Fabrication, Diffusion : Les éditions de l’encre vive 71 boulevard Montebello - 59000 Lille Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Régie publicitaire : Entreprise et Santé - Matthieu Méreau, Nathanaëlle Debaene Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Impression : Imprimerie Léonce Deprez - Ruitz Dépôt légal à parution N°ISSN en cours

les

Tél. 03.21.85.51.85 CEDEST - Centre pour le Développement Santé au Travail 4/10, rue Albert Thomas 59210 Coudekerque-Branche Tél. 03.28.24.98.98 www.cedest.net MTA - Médecine du Travail de l’Aisne rue Théodore Monod - Z.A. Bois de la Chocque 02100 Saint-Quentin Tél. 03.23.62.52.48 www.mt02.org PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord 118, rue Solférino - Lille BP 1365 59015 Lille Cedex Tél. 03.20.12.83.00 www.polesantetravail.fr SIMUP - Service Interprofessionnel de Médecine du Travail des Unions Patronales d’Halluin, Wervicq et Comines (Vallée de la Lys) 22 rue de Lille BP 40018 - 59431 Halluin Cedex TÉL. 03.20.94.12.54 www.simup.fr STSA - Santé Travail Sambre Avesnois 24, Rue Romain Duchateau 59720 LOUVROIL Tél : 03.27.53.31.34 www.sante-travail-sa.fr Tirage : 99 000 exemplaires Édité par :

Groupement Inter Services Santé Et Travail 40 bis allée du Bénélux Zone Artoipole 62060 Arras Cedex 9 Tél. 03.21.22.28.21 www.gisset.org

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BRÈVES

E-learning SALARIÉS ET CHEF D’ENTRPRISE : SE FORMER LÀ OÙ ON EST ! Evaluation des risques, bruit, risques chimiques, manutention manuelle de charges, gestes et postures… Des préoccupations communes pour de nombreuses d’entreprises ! La formation des salariés est une obligation. C’est aussi une opportunité. D’autant plus accessible que des modules de formation sont disponibles sur internet grâce aux services de santé au travail et l’AFOMETRA (Association pour la Formation dans les Services de Médecine du Travail). PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, le CEDEST (Santé au travail de Dunkerque), l’AST 62-59 (Santé au travail d’Arras-Béthune-Hénin-Lens) et l’ASTAV (Santé au travail de Valenciennes) le proposent dès maintenant à leurs adhérents dans le cadre de leurs cotisations, sur leurs sites respectifs (ast6259.fr, cedest.net, polesantetravail.fr, astav.fr). Prochainement, l’AISMT (Santé au travail de Cambrai) et STSA (Santé au travail Sambre Avesnois) le proposeront à leurs adhérents. Entreprise & Santé vous en dira plus dans son prochain numéro (n°29, janvier 2015). Qualité de l’air au travail VALEURS LIMITES INDICATIVES OU CONTRAIGNANTES ? Dans l’air respiré des lieux de travail, il existe des concentrations de produits chimiques (en partie par million, ou en mg/m3 ou nombre de fibres/m3) à ne pas dépasser. Après consultation des partenaires sociaux et sur la base de travaux scientifiques, le Ministère du travail inscrit ces valeurs dans le Code du travail. Elles s’imposent alors à chaque employeur. Fixées par décret, certaines valeurs sont contraignantes : ne pas les respecter expose à des sanctions (poussières de bois, amiante, benzène, chlorure de vinyle, plomb, quartz,…). Fixées par arrêté, d’autres valeurs sont indicatives : elles établissent un seuil minimal de prévention à atteindre. Source : Institut National de Recherche et Sécurité : inrs.fr/acueil/risques/chimiques/contrôle-exposition/valeurs-limites Qualité de l’air au travail VALEURS LIMITES SUR 15 MINUTES OU 8 HEURES ? Les valeurs limites d’exposition peuvent être fixées et mesurées pour une période de prélèvement d’air de 15 minutes ou 8 heures. On parle alors de Valeurs Limites de Court Terme (VLCT) pour une mesure effectuée sur une période de référence de 15 minutes. Elles s’appliquent à l’évaluation des pics d’exposition. Les VLCT remplacent les anciennes VLE (Valeurs Limites d’Exposition). Par ailleurs, on parle de VLEP 8 h (Valeurs Limites d’Exposition Professionnelles) pour une mesure effectuée sur une période de travail de 8 heures. Les VLEP 8 heures sont équivalentes aux anciennes VME (Valeurs Moyennes d’Exposition). Toutes les mesures doivent être effectuées dans l’air de la zone de respiration d’un travailleur. Source : Institut National de Recherche et Sécurité : inrs.fr/acueil/risques/chimiques/contrôle-exposition/ valeurs-limites

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VRAI OU FAUX

Comme tout employeur, les coiffeurs ont l’obligation d’évaluer l’exposition aux risques chimiques. Réponse rubrique « Vos droits, vos devoirs » page 8.

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VRAI OU FAUX

L’essai encadré permet à un salarié de « tester » son retour au travail dans le but de son maintien dans l’emploi au sein de l’entreprise. Réponse rubrique «Votre santé, votre emploi» page 10.

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VRAI OU FAUX

Les Services de santé au travail doivent signer un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens avec la DIRECCTE et la CARSAT. Réponse «Zoom sur…» pages 24-25.


v Ser ice

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EN DIRECT

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ASSOCIATION TRAVAIL ET PARTAGE 62

9 salariés permanents, 300 salariés mis à disposition pour 60 ETP (Equivalent Temps Plein) Dominique CARNEL, Directrice Valérie LEBAON, Assistante BOULOGNE-SUR-MER ASSOCIATION ESPOIR TERRE DES 2 CAPS

5 salariés permanents, 90 salariés mis à disposition pour 25 ETP (Equivalent Temps Plein)

Les métiers et travaux exercés par ces salariés sont très nombreux et variés Docteur Elisabeth Ducarme, médecin du travail, ASTIL 62

Auparavant, ces 2 200 salariés avaient une simple visite médicale chez un médecin de ville agréé. Aujourd’hui, ils bénéficient donc des mêmes droits de suivi de santé au travail qu’un autre salarié. « Dans la pénurie actuelle de médecins du travail, nous avons développé une réponse adaptée à ces associations et ces salariés », situe Christophe Géneau, directeur de l’ASTIL 62. « Chaque association a ses particularités et sa culture propre. Chaque salarié mis à disposition a une histoire de vie qui lui est personnelle, avec des ruptures et des situations de déshérence sociale qui sont souvent très importantes ».

Une démarche « Projet » Après rencontre avec l’Union Régionale de l’Insertion par l’Activité Economique (URIAE), les docteurs Elisabeth Ducarme et Dominique Blangy, médecins du travail, Virginie Lapôtre, assistante en santé au travail et Christophe Géneau, directeur, ont constitué un groupe Projet au sein de l’ASTIL 62. Ce

Franck CARLU, Directeur MARQUISE SANTÉ AU TRAVAIL CALAIS-BOULOGNE-LE TOUQUET (ASTIL 62)

Entreprises d’insertion

En santé au travail, tous les salariés ont les mêmes droits Depuis le 1er juillet 2012, les associations intermédiaires de réinsertion ont l’obligation d’adhérer à un service de santé au travail pour le suivi des salariés qu’elles mettent à disposition d’entreprises, de collectivités ou chez des particuliers. Auparavant, elles n’adhéraient que pour leurs salariés permanents. A l’ASTIL 62 (Santé au Travail de Calais-Boulogne-Le Touquet), 10 associations d’Insertion sont concernées. Elles ont 64 salariés permanents pour 2 200 salariés mis à disposition sur trois territoires à prédominance rurale. Neuf médecins du travail doivent donc assurer, en moyenne, le suivi de près de 250 salariés en plus de leurs effectifs habituels. Ces salariés réalisent des activités de ménage, nettoyage, jardinage, bricolage, rénovation, ou d’autres services « sur mesure », dans le cadre d’un accompagnement personnalisé d’Insertion par l’Activité Economique (IAE). groupe a travaillé avec Dominique Carnel, directrice de Travail et Partage 62, Franck Carlu, directeur d’Espoir Terre des 2 caps et M’hammed Fariss, directeur d’AIFOR pour définir une prestation spécifique et mettre en place une expérimentation avec quelques Associations d’Insertion avant généralisation.

Santé au travail et insertion Pour Elisabeth Ducarme, « Les métiers et travaux exercés par ces salariés sont très nombreux et variés ; nous apportons une aide à l’élaboration du Document Unique d’Évaluation des Risques professionnels, nous formons les permanents aux différents risques, nous avons élaboré des fiches de postes « type » remplies par les encadrants en fonction du poste de travail et des risques de ce poste, avec lesquelles le salarié vient à sa visite médicale de santé au travail ». Les situations sont très différentes d’un salarié à l’autre en termes d’horaires et de durée de mission, de donneur d’ordre et de travail réel, de degré de

précarité et de problématiques de santé.

Association Intermédiaire et santé au travail Dominique Carnel est directrice de l’association Travail et Partage 62 : « L’approche développée avec l’ASTIL 62 ouvre de nouveaux horizons pour la santé de nos salariés en voie d’insertion, pour un budget que nous avons donc adapté en conséquence ». Assistante à Travail et Partage 62, Valérie Lebaon témoigne : « La mise en place d’un suivi de santé au travail valorise nos salariés, car il leur ouvre une réflexion personnalisée sur leur santé ». Pour Franck Carlu, directeur d’Espoir Terre des 2 caps : « Nous réalisons un travail d’insertion sociale et professionnelle. Le dialogue avec les médecins du travail et le travail collectif de concertation avec les différents opérateurs en amont des visites, nous apportent une réelle plus-value ».

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EN DIRECT

BTP

BTP

RABOT DUTILLEUL Construction, promotion, maintenance Plus de 2 000 collaborateurs (RABOT DUTILLEUL) Plus de 1 000 collaborateurs (Filiale Construction) Laurence DEBOFFE, Directrice des ressources humaines

WASQUEHAL PÔLE SANTÉ TRAVAIL MÉTROPOLE NORD

Prévenir l’inaptitude médicale

Dans le BTP, c’est possible ! En 1920, Henri Rabot et Barthélémy Dutilleul fondent leur entreprise près de Lille. Cent ans après, le groupe familial RABOT-DUTILLEUL a une renommée nationale, voire internationale. Classé parmi les 10 premiers acteurs français du BTP, le groupe possède une maîtrise complète et confirmée de la promotion, la construction et la maintenance de bâtiments. Dans la filiale « construction », la prévention des risques et des dangers est une préoccupation constante. Dès 2009, le groupe impulse les Plans d’action Seniors puis le Contrat de génération. La filiale construction, dont le siège est à Wasquehal, saisit cette opportunité, avec l’appui de son service de santé au travail : PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord.

Médecin du travail à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, Christian Morel suit RABOT DUTILLEUL depuis 1985 : « Tous s’est construit dans la confiance et l’autonomie. C’est une entreprise familiale, pour laquelle la valeur humaine veut dire quelque chose. Bien que la situation économique soit très tendue, nous considérons, ensemble, que l’inaptitude médicale est un échec. Une commission Maintien dans l’emploi s’est mise en place. Elle permet un dialogue constructif et régulier sur le devenir de chaque salarié, pour lequel se profile une restriction d’aptitude ou une inaptitude médicale. Chacun reste dans son rôle. Chacun respecte le secret médical et le secret de fabrication ». Responsable des ressources humaines, responsable de la formation, directeur de travaux, directeur d’exploitation, animateur QSE (Qualité Sécurité Environnement), responsable de la fonction logistique, médecin du travail composent cette commission.

Saisir les opportunités Directrice des ressources humaines au niveau du Groupe, Laurence Deboffe témoigne : « Les textes relatifs au plan Seniors, au Contrat de génération, à la prévention de la pénibilité ont été, pour nous, autant d’opportunités qui ont renforcé notre 06

conviction. Il nous faut anticiper et prévenir les risques liés à l’inaptitude médicale de nos salariés. Avec le plan d’actions de prévention de la pénibilité, la commission a une approche collective. Elle permet aussi une approche individuelle, en trouvant des solutions collégiales, au cas par cas. Sur 38 situations analysées, 11 salariés ont bénéficié d’accompagnement individualisé : changement de poste, Reconnaissance de la Qualité de Travailleurs Handicapé, retraite. 12 ont repris leur travail normalement. Un salarié s’est malheureusement retrouvé en situation d’inaptitude médicale, sans maintien dans l’emploi au sein de l’entreprise. 14 ont bénéficié de visites de pré-reprise avec aménagement temporaire ou définitif de poste ».

Une réflexion collective, des solutions individuelles « La commission a aussi permis de mieux comprendre les fiches d’aptitude médicale et d’établir une liste de missions adaptées aux personnes accidentées, permettant des affectations sur des postes temporaires. Tout cela dépend d’une réflexion commune entre notre médecin du travail, le salarié et son encadrement » précise Laurence Deboffe. Devant des difficultés ostéo-articulaires, un salarié est devenu grutier ; un maçon-coffreur a intégré le bureau d’étude. La fonction « d’homme-trafic » a été créée sur

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Il nous faut anticiper et prévenir les risques liés à l’inaptitude médicale de nos salariés Laurence Deboffe

Directrice des ressources humaines, GROUPE RABOT DUTILLEUL

les chantiers. Après formation, un ouvrier est devenu chef de chantier. Un autre salarié a accepté un poste de finition. Pour Christian Morel : « Le médecin du travail connaît tous les métiers et les postes de l’entreprise. Notre mission est de dialoguer avec l’entreprise. La réussite repose sur une confiance réciproque et une volonté partagée de chercher à trouver des solutions ».


EN DIRECT

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IMPRIMERIE DE LA CENTRALE LENS 50 salariés Céline CHARLET, Il est important Coordinatrice Qualité Sécurité Environnement que les salariés SANTÉ AU TRAVAIL ARRAS-BÉTHUNEHÉNIN-LENS (AST 62-59) puissent exprimer leurs resTMS et lombalgies sentis en toute Mobilisation générale confiance pour la prévention

Céline Charlet,

Coordinatrice QSE IMPRIMERIE DE LA CENTRALE DE LENS

Céline Charlet, coordinatrice Qualité Sécurité Environnement, va au-delà du respect permanent des normes et règlements1 : « C’est à l’occasion de la fusion des entreprises de Lens et de Béthune que nous avons voulu mettre en place une nouvelle démarche pour une prévention durable des TMS et des lombalgies. Nous n’avons pas de maladies professionnelles déclarées. Et la prévention entre dans une démarche générale de Responsabilité Sociale des Entreprises, voulue par notre direction ». Elle précise : « Nous nous sommes tout naturellement tournés vers notre service de santé au travail, l’AST 62-59 ».

L’AST 62-59, partenaire privilégié Le docteur Isabelle Hay, médecin du travail situe les enjeux : « Initiée par le docteur Jean Maréchal, mon prédécesseur, la démarche est notamment justifiée par les contraintes organisationnelles et biomécaniques (manutentions, tâches répétitives…) ». De nombreuses situations de travail sont concernées : conditionnements, pliages, presses, encartage, massicot, logistique, rou-

A l’Imprimerie de la Centrale Lens, une cinquantaine de salariés réalisent une multitude de supports : en-têtes de lettre, cartes, factures, bons de commande, enveloppes, plaquettes, plans, chemises, dépliants, catalogues, brochures, invitations, flyers, cartes de vœux, calendrier, programmes et affiches ! Leur savoir faire est vaste : PAO (Publication assistée par ordinateur), impression offset ou numérique, pliages, découpages, façonnages, routage. La qualité est un objectif permanent. La santé au travail en fait partie. En témoigne cette démarche d’amélioration continue de la prévention des TMS (Troubles MusculoSquelettiques) et des lombalgies, engagée avec l’appui de l’AST 62-59 (Service de Santé au Travail d’Arras- Béthune -Hénin -Lens).

tage. Stéphanie Watrelot, ergonome à l’AST 62-59, complète : « Nous accompagnons l’entreprise en déployant une conduite de projet impliquant tous les acteurs. Ainsi, c’est l’entreprise elle-même qui s’approprie la démarche et déploie ses solutions, concertées en interne ».

Tous Impliqués ! « Tout repose sur la volonté de la direction et la participation de chacun à tous les niveaux, en partant de l’activité réelle de travail », explique Stéphanie Watrelot. Première étape : mise en place d’un comité de pilotage « avec la participation de Messieurs Capelle, directeur, Lalet, représentant du personnel, Truffier, chef d’atelier, madame Charlet, le docteur Hay et moi-même, après analyse de la demande et visite sur le terrain ». Deuxième étape : la formation-action sur les TMS et l’analyse des situations de travail, avec Cécile Stoffaes, de l’AST 62-59. « En trois demi-journées, monsieur Truffier et madame Charlet ont ainsi pu appliquer une méthodologie d’analyse des situations de travail, qui associe les salariés concernés. Ceci permet

de recueillir leurs propositions et de les sensibiliser à la prévention des TMS ». Troisième temps : Plan d’actions et pérennisation. « Nous avons généralisé cette approche à l’ensemble des postes concernés. Il est important que les salariés puissent exprimer leurs ressentis en toute confiance. Nous nous sommes équipés d’un transpalette électrique et d’élévateurs pour que les charges soient à bonne hauteur. Nous avons également engagé une réflexion pour diversifier les tâches. Tout ceci nous a permis d’être autonomes en allant à notre rythme » conclut Céline Charlet.

1 - Norme iso 9001 pour la qualité, Document Unique d’Evaluation des Risques, sécurité des processus et des bâtiments, norme iso 14001 pour l’environnement, normes PEFC et FSC, le label Imprim’Vert, certificat équilibre EDF (EDF s’engage à injecter sur le réseau de l’électricité, certifiée d’origine renouvelable, à la hauteur de notre engagement – 20%)

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VOS DROITS VOS DEVOIRS

Santé au travail de Dunkerque (CEDEST)

Coiffeurs : le risque chimique est aussi chez vous ! Tout employeur est tenu à une obligation générale de prévention des risques auxquels sont exposés son ou ses salariés. Les principes généraux en sont définis à l’article L. 4221 et suivants du Code du travail. Le point de départ est l’évaluation de ces risques. Depuis le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, chaque entreprise, quelles que soient son activité et sa taille, doit colliger cette évaluation, et les mesures de prévention prises, dans un Document Unique d’Evaluation des Risques. De son côté, dès 2002, la jurisprudence a institué, pour l’employeur, une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité au travail. Le risque chimique en fait partie. Qu’en est-il chez les coiffeurs ? Les cosmétiques sont-ils si inoffensifs ? L’approche « métier » est développée au CEDEST. Elisabeth Le Bihan est médecin du travail, référent Coiffure : « Je suis des salons de coiffure depuis de nombreuses années. Objectivement, la situation s’améliore. Le port de gants est entré dans les mœurs. Ils sont recommandés depuis de nombreuses années et, aujourd’hui, acceptés. De jeunes femmes manipulent de nombreux produits tout au long de la journée. Ceux-ci sont classés cosmétiques. A priori, on pourrait penser qu’ils sont inoffensifs. En réalité la situation est plus complexe, notamment sur le risque pour la santé ». Les produits cosmétiques ne font pas l’objet de Fiches de Données de Sécurité. Pour l’employeur, l’évaluation des risques est nettement plus complexe. Un lissage brésilien brûlant ! « J’ai reçu en visite médicale une jeune coiffeuse qui saignait du nez lors de la réalisation de lissage brésilien » nous déclare le docteur Santiago

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Rivas, médecin du travail au CEDEST. « Peu de temps après, toujours lors d’un lissage brésilien, une erreur de manipulation a incommodé une autre jeune coiffeuse enceinte ». La cliente elle-même avait souffert de légères brûlures chimiques cutanées. Après s’être rendu sur place, le médecin du travail a demandé à Olivier Decroix, hygiéniste industriel au CEDEST, d’établir une évaluation du risque chimique, y incluant le risque CMR : Cancérogène-Mutagène-Reprotoxique. Un travail de détective… Normalement le fournisseur d’un produit chimique donne à son client la Fiche de Données de Sécurité. En application du règlement européen REACH (n°1907/2006), cette fiche livre, en seize rubriques, des informations sur les propriétés physiques, la sécurité et la toxicité des différents composants, ainsi que les mesures de prévention. « Les cosmétiques

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échappent à cette obligation » déplore Olivier Decroix. « Il a donc fallu référencer tous les produits utilisés ainsi que toutes les substances qui composent ces produits. Leur liste est fournie par ordre décroissant d’importance en termes de poids ou volume ». Dans le cas présent, une substance classée Toxique avec les phrases de risques R25 (toxique en cas d’ingestion) et R43 (peut entraîner une sensibilisation lors d’un contact avec la peau) a été identifiée dans le produit utilisé lors du lissage brésilien. Une substance, classée CMR de catégorie 2, est retrouvée dans une laque. Un shampoing contient une substance classée potentiellement toxique pour la reproduction. « Seule une évolution de la réglementation concernant les cosmétiques permettra de faire une évaluation correcte des risques chimiques et donc une prévention adaptée et efficace pour les nombreux salariés de cette profession » conclut le Docteur Rivas Santiago.


ERGONOMIE EN DIRECT & ORGANISATION

> Santé au Travail de Valenciennes (ASTAV)

Ergonomie : chaque situation de travail est concernée !

« Créateur de plaisir et d’émotions », FIZZY connaît des pics d’activités avant les fêtes de Pâques et de Noël. En effet, associer confiserie et jouet (selon le « Candy concept ») constitue le cœur de métier de FIZZY. A Sars-et-Rosières, près de Valenciennes, 80 salariés apportent leur savoir faire pour le bonheur des petits : panier de Pâques, sabots de Noël, confiserie de poche à emporter, side-car Scoobydoo, téléphone Barbie, caméra Barbapa, etc. La gamme est très large. Elle répond à tous les goûts et couleurs. La qualité de vie au travail et l’amélioration permanente des conditions de travail font partie de la vie de l’entreprise. Au fil des ans, des liens de collaboration continue se sont tissés avec le service de santé au travail de Valenciennes : l’ASTAV.

Béatrice Bertin est directrice générale administrative et financière : « Nous avons tissé une excellente relation, riche de pragmatisme et de bon sens, avec l’ASTAV. Le docteur Daniel Broekaert, notre médecin du travail, nous apporte régulièrement un regard extérieur, expert et neutre ». En 2006, un cabinet spécialisé en ergonomie est intervenu pour la formation du personnel au secteur conditionnement. « Puis nous avons fait appel aux ergonomes de l’ASTAV, pour le secteur logistique. Devant les résultats, nous avons demandé de passer en revue tous les postes informatiques, administration et direction comprise. C’est l’occasion d’avoir une vision d’ensemble donnant des conseils pertinents, sans grands discours ». 42 postes informatiques « Sur demande du docteur Daniel Broekaert, nous avons passé en revue tous les postes de travail informatique. Au total : 42 postes, notamment des secteurs comptable, marketing, informatique et direction. Et toujours en présence du salarié concerné ! Ceci nous permet un échange adapté à chaque situation » précise Elodie Senave,

ergonome à l’ASTAV, qui est intervenue avec sa collègue Liliane Renaud. Dans certains cas, des conseils précis dans la disposition des matériels, ou des réglages simples, ont permis des améliorations notables. Dans d’autres cas, notamment devant les mesures d’éclairement ou d’ambiance sonore, des réimplantations ou des aménagements de postes ont été nécessaires. « Chaque personne est différente. L’intervention s’est déroulée sur un mois et demi. Elle a donné lieu à un rapport validé par le médecin du travail. Elle a permis de rappeler les recommandations générales portant sur le poste lui-même, les postures et l’environnement général ». Une relation de confiance réciproque « Chez Fizzy, tout repose sur un partenariat équilibré, autant avec les salariés que la direction. Une confiance mutuelle s’est installée. Il est capital de se parler, en sachant que les changements s’obtiennent par touches progressives » précise Daniel Broekaert. « Pour les postes informatiques, tout est parti d’observations faites en CHSCT1. Nous avons estimé qu’une vue d’ensemble, permettant l’expression de chaque salarié

concerné était nécessaire. L’ergonomie est une réponse adaptée qui apporte des solutions personnalisées. Les conseils et préconisations ont été suivis et nous avons fait une restitution en CHSCT ». Dans l’entreprise, on parle encore du passage des ergonomes de l’ASTAV. « Au fil des ans, nous avons obtenu une baisse notable du taux d’accidents du travail. Les conditions de travail demandent une attention permanente. Tout est perfectible chaque jour ! L’ASTAV nous apporte les compétences d’une équipe attentive et dévouée » conclut Béatrice Bertin.

FIZZY, Confiserie 80 salariés Béatrice Bertin, Directrice générale administrative et financière SARS-ET-ROSIÈRES SANTÉ AU TRAVAIL DE VALENCIENNES (ASTAV)

1- Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail.

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VOTRE SANTÉ VOTRE EMPLOI

> Essai encadré

Mieux vaut essayer avant de reprendre son poste !

De nombreuses industries ne peuvent pas fonctionner sans pompes. A commencer, par exemple, par les stations d’épuration ou la pétrochimie… Concevoir et fabriquer de telles pompes est la spécialité d’ENSIVAL MORET à Saint-Quentin. Sur ce site, 160 salariés conçoivent et produisent des pompes centrifuges en fonte, à usage industriel. Chacun apporte son savoir-faire : achat, commercialisation, ressources humaines, bureau d’études, recherche et développement, production. Tourneur professionnel, Hervé Quinmeuld a 25 ans d’ancienneté chez ENSIVAL MORET Saint-Quentin. De retour d’un arrêt maladie de 3 ans, il veut reprendre son poste dans l’atelier de production. « L’essai encadré » lui a permis de réaliser que cela n’était pas possible… « Pour l’instant ! » nous dit-il.

L’essai encadré est né dans l’Aisne, sous l’impulsion de Christophe Jankowski1, ergonome responsable du SAMETH 02 (Service d’Aide au Maintien dans l’Emploi des Travailleurs Handicapés). Schématiquement, un salarié reconnu Travailleur Handicapé peut ainsi « essayer » la reprise du travail à son poste initial, avant la fin de son arrêt maladie. « Encadré » parce que cet essai relève d’une procédure spécifique auprès de l’assurance maladie, menée en liaison étroite entre le salarié, son médecin du travail, son employeur et le SAMETH. Véronique Gibbe est médecin du travail à MTA (Santé au Travail de SaintQuentin) : « Dans le cas de monsieur Quinmeuld, cet essai a été crucial. La nécessité de concevoir un poste adapté est devenue une évidence qui s’imposait à chacun. Et l’entreprise était attachée à trouver une solution pour son maintien dans l’emploi ». Un métier que j’aime Hervé Quinmeuld démarre d’emblée : « D’abord, je suis tourneur. Et c’est un métier que j’aime ! Au fil du temps, j’ai acquis une expérience et j’aime faire "les moutons à cinq pattes". Après mon arrêt maladie, je voulais absolument retrouver

mon poste de travail dans l’atelier. C’est mon univers. Alors j’ai essayé une journée. Au fur et à mesure de la journée, j’ai dû me rendre à l’évidence : pour l’instant, ce n’est pas possible». Il nous précise qu’il souhaite que son expérience soit utile à d’autres. « C’est pour cela que je témoigne… ». La recherche concertée de solutions Responsable des ressources humaines, Sylvain Charpentier complète : « Hervé voulait donc reprendre son travail. Mais le pouvait-il ? Sur quel poste ? Avec quelle organisation ? Comment le remplacer sur son poste initial ? Pour quels coûts éventuels ? Avec quelles aides ? Pour répondre à ces questions, il nous fallait échanger avec lui, le docteur Véronique Gibbe, notre médecin du travail, et Christophe Jankowski, du SAMETH 02. C’est ensemble, dans le dialogue, que nous avons trouvé la solution. C’est complexe. Tout seul, on n’y serait pas arrivé ». Une plus value pour chacun « Aujourd’hui, on a trouvé une solution qui me convient » poursuit Hervé Quinmeuld, qui a repris en mi-temps thérapeutique, puis à temps complet. Dans un poste qui comprend

1 - Voir interview dans Entreprise & Santé numéro 25, 1er trimestre 2014.

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deux missions : gérer le magasin d’outillages pour les machines d’une part, exercer un contrôle sur les pièces usinées d’autre part. « Je suis dans mon univers. En contact avec les machines et les collègues. J’apporte mon expérience et je continue d’apprendre ». Sylvain Carpentier conclut : « L’humanisme est une des valeurs de l’entreprise ».

ENSIVAL MORET France 160 SALARIÉS Sylvain Charpentier, Responsable des ressources humaines Hervé Quinmeuld, Tourneur SITE DE SAINT-QUENTIN SANTÉ AU TRAVAIL DE L’AISNE (MTA)


TOUS CONNECTÉS…

ET LA SANTÉ DANS TOUT CELA ? Nous ne saurions plus imaginer notre vie sans être connecté. Autant à la maison qu’au travail ! Et ce n’est paraît-il qu’un début, avec l’arrivée des objets connectés… Les messageries et les réseaux sociaux, Internet, le GPS et les autres outils connectés ont pris une place considérable dans notre vie. Ils influencent nos

activités et nos relations… Qu’en est-il en termes d’organisation et de santé au travail? Entreprise & Santé fait le tour de la question en quelques pages. Avec une attention particulière sur une modalité de travail émergente : le télétravail. Et un métier en plein boom : les téléopérateurs.

DOSSIER

Tous connectés...


Xénophon Vaxévanoglou Maître de conférences en Ergonomie à l’Université de Lille II (Droit et Santé), Xénophon Vaxévanoglou est responsable du master « Ergonomie, Santé et Développement ». Ce titre est très clair : l’ergonomie concourt à la santé et au développement. Diplômé de Lille III en Psychologie du Travail (DESS) et Psychologie Sociale (DEA), en Ergonomie au Conservatoire National des Arts et Métiers et titulaire d’un Doctorat en Ergonomie et Psychologie du travail, Xénophon Vaxévanoglou s’est spécialisé sur une question cruciale, celle des liens entre Organisation du travail et Santé psychique au travail. Il s’est, tout naturellement, intéressé aux impacts sur la santé des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC).

« Il faut éviter le piège qui consiste à laisser à la technologie et a fortiori aux NTIC, le soin d’organiser le système de production et le travail humain » Si on vous dit NTIC… A quoi pensez-vous ? XV : Je pense à l’accélération du temps dans les organisations de travail. Les mails et les messageries sont une forme de NTIC. A peine le mail a-t-il été adressé et reçu, il doit déjà avoir une réponse ! Et il faut souvent montrer que « c’est déjà fait »... Tout est devenu immédiat. Il faut tout, tout de suite. Notamment dans le secteur des services, de la vente et du tertiaire. Dans les anciens processus de travail, de type Taylorien, les temps étaient comptés, calibrés et figés. Dans les organisations qui se structurent à coup de process dématérialisés grâce aux NTIC, on constate une accélération de l’activité, et une exacerbation du « ici et maintenant » ! Personne n’y échappe. Les rapports sociaux s’établissent sur des temps et des délais de plus en plus réduits. Et cela pose de réels problèmes qui concernent la qualité des relations interpersonnelles dans les entreprises. Je pense également à l’abolissement des frontières entre

« travail » et « non travail ». La charge de travail déborde l’espace et le temps du travail et envahit la vie privée et ce de façon inégale selon les organisations. Un ouvrier, qui travaille dans une organisation Taylorienne/Fordienne, ne peut pas prendre une voiture d’une chaîne de montage pour la finir le dimanche chez lui ! Dans de nombreux établissements bancaires, le chef d’agence prend des dossiers chez lui et travaille à distance par internet, mail… Quels en sont les impacts sur la santé ? ? XV : Les impacts sont indirects et étroitement liés à la difficulté de maîtriser la charge de travail. Les NTIC intensifient les contraintes qui pèsent sur l’activité et font qu’une partie de la charge de travail n’est plus « visible »… car elle est gérée en dehors de l’entreprise! Elle glisse sur la vie privée. Du coup elle n’est pas discutée et ne fait pas l’objet d’une quelconque reconnaissance. Tout est alors réuni pour dégrader la santé psychique d’une personne. Il

faut également faire attention à la modification des rapports sociaux au travail que les NTIC induisent. Depuis 15 ans, on assiste à la déshumanisation des rapports interpersonnels qui sont médiatisés par les NTIC. Et les situations de harcèlement moral, reconnues par le législateur, se multiplient. Par exemple, tel directeur régional d’une Banque envoie par mail des injonctions et/ou des critiques sur le travail et les résultats d’un conseiller, sans copie au chef d’agence qui est le responsable hiérarchique direct et sans donner la possibilité au conseiller de lui répondre. Il n’y a donc pas de confrontation constructive, directe, transparente et claire, avec développement de contre-arguments…Le débat sur le travail ne peut pas exister quand les rapports sociaux sont médiatisés et se déroulent à distance… Les rapports interpersonnels deviennent alors délétères. Les NTIC conduisent aussi à la mise en visibilité du travail de chacun. Il n’y a plus d’anonymat ou de vraie confiden-

tialité. Par exemple, l’agenda de chaque collaborateur est visible par tous. L’activité d’un salarié est suivie par non seulement sa hiérarchie, via le reporting par ailleurs dématérialisé, mais aussi par ses collègues. Dans des organisations, qui, pour booster la productivité, inventent des processus de mise en concurrence des salariés, Il peut y avoir des effets pervers, violences et harcèlement, qui détruisent les collectifs de travail et qui constituent un frein à toute forme de développement. Les systèmes d’évaluation des salariés, dans ce contexte de visibilité du travail de chacun rendue possible par la dématérialisation du travail, sont tout aussi délétères car ils comportent une dimension subjective qui ne trouve pas ancrage dans la réalité. Cela modifie les rapports interpersonnels et peut conduire à des situations d’épuisement émotionnel, de harcèlement moral, à des dépressions. La déstructuration de rapport au travail est une conséquence inévitable de ces processus. Les

« Mettre les NTIC au service de l’organisation. Et non pas, l’inverse ! » 12

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NTIC mises au service d’organisations qui se structurent sur des objectifs financiers intensifient la perte d’autonomie et la perte de contrôle sur son travail, ce qui est source de dysfonctionnements opérationnels et sociaux. De nombreuses études, expertises, monographies existent et sont régulièrement publiées. Elles montrent clairement ces processus de dégradation et leurs impacts. Par contre, nous n’avons pas encore suffisamment de données épidémiologiques pour pouvoir « imposer » des démarches d’évaluation et des modes de prévention ! Peut-on faire sans les NTIC ? XV : C’est « LA » question ! En fait, on a calé l’organisation du travail et le fonctionnement de l’entreprise sur les NTIC. Et non, l’inverse. Les 20-30 ans ne peuvent pas faire sans les NTIC. Ce n’est pas imaginable. Dans toutes les tranches d’âge, on perd le rapport aux objets, du fait de la technologie internet. Qui fait une recherche bibliographique dans une bibliothèque en sortant de leurs rayons des dizaines de livres ? Acheter un billet de train se fait de chez soi ou de son lieu de travail, c’est

disponible à chaque instant. Et immédiatement ! Et pas besoin de rencontrer un congénère, échanger avec lui, construire un rapport interpersonnel pour cela. Sur un plan économique, il m’apparaît inimaginable de faire aujourd’hui sans internet… On ne peut pas revenir en arrière et remettre des cabines téléphoniques ! Cependant, je pense qu’il faut mettre des limites. Prenons l’exemple des « open-space ». Les gens ne se lèvent plus. Ils ne se déplacent plus. Ils s’envoient des mails. Si on se déplace, on est vu, tout le monde sait qui se lève pour aller discuter avec untel ! Dans certaines organisations, cela peut prendre de l’importance. Il y a une sorte de contrôle des collègues ou de la hiérarchie. Tout ce que l’on veut dire discrètement, on le fait à présent par mail, sans être vu... On peut même envoyer… et effacer quasi instantanément ! On pense garder le contrôle. En fait, c’est mémorisé et accessible pendant longtemps par ceux qui gèrent le réseau sur le plan technique. On est obligé de faire avec internet et les réseaux informatiques. Pour le travail et pour la vie en société!

Cependant les impacts « positifs » des NTIC sont notables et sans doute déterminants pour l’avenir : l’accès à la connaissance et à la culture, l’extension du pouvoir d’agir dans le travail mais aussi dans la vie quotidienne, les loisirs, le travail collaboratif, l’interactivité en temps réel... Il s’agit donc de trouver des équilibres qui structurent le « vivre et travailler ensemble ». Mais cela exige des organisations et des modes de gestion du travail apprenants et intelligents socialement. Les modèles dominants aujourd’hui dans le monde du travail sont très loin de ces prérequis. Comment préserver sa santé ? XV : En mettant les NTIC au service de l’organisation… L’organisation de travail, la structuration collective des objectifs et des process, se pensent avant le choix de la technologie. Le choix des NTIC et leur mise en œuvre, du mail au workflow, de l’internet aux forums de discussion intranet, de la mise en commun des connaissances aux vidéoconférences… doivent intégrer un système organisé qu’elles contribuent à optimiser et non à structurer ou déstructurer.

DOSSIER

« On ne peut pas revenir en arrière et remettre des cabines téléphoniques ! »

L’automatisation et l’informatisation des années 80 et 90 ont transformé le travail en déplaçant le curseur du travail physique vers le travail cognitif. Les NTIC facilitent la mise en place et permettent d’optimiser les organisations au sein desquelles l’ensemble des dimensions du travail et des rapports sociaux sont impactés. Quel conseil donner à un patron de TPE-PME ? XV : Il faut toujours se poser une question : dans mon organisation, à quoi va servir tel type de NTIC… au service de quoi, de qui, pour quelle efficacité réelle ? En d’autres termes, il faut arrêter d’introduire des outils pour les outils ou parce que les concurrents le font ! Il faut éviter le piège qui consiste à laisser à la technologie et a fortiori aux NTIC, le soin d’organiser le système de production et le travail humain. Le prix à payer du côté de la performance, des rapports sociaux et de la santé est trop élevé pour les entreprises qui n’ont pas la structure financière de leurs sœurs du CAC 40 !!!

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Santé au travail de la Somme (ASMIS)

Le Conseil général de la Somme expérimente le télétravail De Septembre 2013 à Juillet 2014, 30 agents volontaires du Conseil général de la Somme ont expérimenté le télétravail, dans le cadre d’un projet issu de l’Agenda 21 et du Plan de Déplacement Inter Administration (PDIA). Suivi par un Comité de Pilotage1, cette expérimentation témoigne de l’engagement du Conseil général de la Somme vis-à-vis du développement durable et la protection de l’environnement. Son service de santé au travail, l’ASMIS (Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme) a réalisé une évaluation, en recueillant l’avis des salariés et en apportant son expertise extérieure. « Avec ce projet expérimental, nous visons trois objectifs : réduire les déplacements domicile-travail, augmenter la qualité de vie au travail, contribuer à améliorer l’organisation du temps de travail » témoigne Hélène Vandendriessche, chargée de projet Télétravail au Conseil général de la Somme. 2 500 personnes travaillent au Conseil général de la Somme. « Nous avions reçu 70 candidatures. Nous avons retenu 30 agents, avec l’accord explicite de leurs cadres, sur des critères de métiers, de lieu de domicile, de statuts titulaire ou contractuel et de quotité de temps de travail ». Premiers constats « Le dossier de candidature permettait au salarié de se projeter, et au cadre de formaliser son

accord sur le plan de l’autonomie et de l’adaptation technologique. Une charte a été élaborée. Une convention est signée entre le salarié retenu, son cadre et l’Administration. Une fiche de suivi a été mise en place » précise Hélène Vandendriessche. Pendant 1 à 2 jours par semaine ou 4 à 8 jours par mois, 25 agents ont travaillé à leur domicile, et 5 agents sur un site proche. L’ordinateur et la solution de téléphonie (indépendante du téléphone personnel) ont été fournis par le Conseil général. Le télétravailleur et son cadre ont bénéficié d’une formation préalable. « Aucun abandon n’a été constaté. Le sentiment de satisfaction est très élevé. Le stress lié aux déplacements est supprimé le jour télétravaillé, mais aussi la veille et le lendemain matin.

Le sentiment d’accomplissement personnel est augmenté. Le cadre adapte son mode de management : autonomie du télétravailleur et confiance, communications et relations avec le collectif de travail. Des temps d’échanges doivent d’ailleurs être préservés. La plupart des télétravailleurs ont ajusté leurs journées en fonction du collectif de travail : pic d’activité, absence de collègues ». Quels impacts sur la santé ? Avec l’aide d’Isabelle Priol, psychologue du travail et Sophie Legrand, infirmière de santé au travail, le docteur Agnès Chatelain, médecin du travail à l’ASMIS, a conçu un questionnaire qui a permis à chacun de s’exprimer : « Dans l’ensemble, les agents expriment une grande satisfaction. Une

majorité d’entre eux signale une augmentation de leur capacité de travail et de leur productivité, avec diminution de leur stress professionnel ou personnel. On constate des améliorations sur le plan du sommeil ou des douleurs ressenties. Il faut être très attentif à la préservation des relations au sein de l’équipe de travail et de la maîtrise des émotions personnelles du fait de l’autonomie du télétravailleur. Le télétravail relève d’une démarche personnelle ». Les agents souhaitent poursuivre. Pour Hélène Vandendriessche : « Le nombre d’agents qui pourraient postuler à terme est une inconnue. Les raisons personnelles de demander le télétravail sont très différentes d’un agent à un autre ».

1. Le comité de pilotage est constitué de représentants du personnel, de la déléguée au développement durable, du secrétaire général, du directeur de la DSIMG et de la DRRH.

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VOUS AVEZ DIT « TÉLÉTRAVAIL » ? « Le télétravail : une ressource pour la qualité de vie au travail et la performance de l’entreprise ». Tel était le titre d’une demi-journée d’information et d’échanges organisée par le CESTP-ARACT de Picardie, à Boves, le 7 octobre 2014. L’ASMIS (Santé au Travail de la Somme) et le Conseil général de la Somme ont présenté les premiers résultats d’une expérimentation relative au déploiement du télétravail1. Yves Lasfargue, chercheur et directeur de l’OBERGO (Observatoire du Télétravail et de l’ERGOstressie) a réalisé un exposé général. Mustapha Seksaoui, responsable de l’innovation, de l’emploi et de l’espace Cré@tis à Saint-Quentin, a présenté le projet de Centre de télétravail qui va s’ouvrir dans cette ville. Christophe Thuillier, directeur d’Agesys à Noyon a apporté son témoignage. Entreprise & Santé était présent.

DOSSIER

QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL

1 Le Code du travail Le télétravail a sa définition légale : articles L. 2222 – 09 à 11 du Code du travail. Il se définit comme suit : «toute forme d’organisation du travail, dans laquelle un travail qui aurait pu être fait dans les locaux de l’employeur, est effectué par ses salariés hors ses locaux, de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci ».

2 Un accord explicite et réversible Le télétravail est inclus dans le contrat de travail ou relève d’un avenant. Il s’agit donc d’un double volontariat : employeur et salarié. Le contrat ou l’avenant doit être nécessairement écrits. Le cas échéant, les instances représentatives du personnel doivent être consultées. Si le lieu de télétravail est le domicile, l’employeur n’y a pas de « droit d’entrée », en application stricte du Code civil qui donne la définition du domicile privé. Les deux parties s’engagent sur la réalisation de conditions de travail adéquates.

3 Un enjeu de qualité de vie Le télétravail ne s’applique pas à tous les métiers et toutes les tâches. Quand il est possible, le télétravail permet un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, en réduisant ou en supprimant les déplacements domicile-travail. Sur un plan personnel, il s’y associe une réduction des frais de transport. Sur le plan collectif, le télétravail concourt au développement durable. Au niveau d’une entreprise, il s’agit d’une modalité de travail qui implique autonomie et confiance vis-à-vis du salarié en télétravail. Le collectif de travail ne doit pas être perdu de vue : les relations interpersonnelles et l’identité de groupe doivent être préservées.

4 Des impacts sur la santé L’impact majeur sur la santé est une réduction du stress personnel et professionnel. Avec tous les corollaires qui s’y attachent : mieux-être, meilleur sommeil, réduction des douleurs ressenties, réduction de la consommation de médicaments. Les conséquences sociales et familiales concourent au cercle vertueux : meilleur qualité de vie, meilleure performance, meilleure satisfaction de soi, meilleure santé. Le télétravail requiert d’assumer l’autonomie et de travailler sur des objectifs à atteindre en parfaite confiance. Si ces éléments ne sont pas là, le cercle vertueux peut être rompu…

5 Des développements attendus Tout le monde est unanime : le télétravail est amené à se développer. Il s’agit bien d’une modalité de travail au sein d’une entreprise, parmi d’autres. Important : le télétravail ne doit pas être confondu avec une solution « clé en main » de maintien dans l’emploi. 1. Voir ce numéro d’Entreprise & Santé, page 15.

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Point de vue de Gérard VALLERY Professeur des universités en psychologie du travail et ergonomie Université de Picardie Jules Verne, Amiens

4 clés de lecture sur les relations entre santé mentale et nouvelles technologies Le stress au travail et la santé mentale au travail sont des thèmes de recherche et d’intervention privilégiés pour Gérard Valléry, responsable de la filière Ergonomie et Psychologie du travail à l’Université de Picardie Jules Verne et directeur du Master II « Facteurs Humains et Systèmes de Travail » au sein de cette même Université. Membre du Centre de Recherche en Psychologie, il travaille sur trois thèmes principaux : les risques psychosociaux et l‘usure professionnelle, la conception et l’usage de nouvelles technologies, l’analyse et l’évolution des situations de travail dans les relations de service. Par exemple, la relation de « face à face » cède la place à une relation « à distance », médiatisée par des outils de plus en plus complexes. Les Centres d’appel en sont un des exemples les plus aboutis… Entreprise & Santé a demandé à Gérard Valléry de nous livrer quelques clés de lecture.

CE N’EST PAS EN SOI LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) QUI POSENT QUESTION, MAIS LEUR MODE D’UTILISATION ET D’INTÉGRATION DANS LES ORGANISATIONS DU TRAVAIL COMME DANS NOS VIES QUOTIDIENNES. L’usage des nouvelles technologies est devenu très intensif. Nous sommes tous reliés, quels que soient le lieu et le moment, avec des pressions plus ou moins implicites et fortes. Il y a de plus en plus une rupture spatiotemporelle entre nos différents univers de vie (travail/non travail),

ATTENTION : IL FAUT TRAVAILLER SUR LA GESTION DES ÉMOTIONS AUTANT QUE SUR LA TECHNOLOGIE ELLE-MÊME. Le service auprès d’usager, de bénéficiaire ou de client est en plein développement. Les relations avec l’agent sont parfois intenses, selon les situations et la nature du service rendu (par exemple au sein de structures à caractère social comme les CAF ou Pôle Emploi où les relations peuvent être tendues). La gestion de cette relation met en œuvre un stress spécifique, car elle mobilise les affects et les émotions dans une situation de fortes contraintes. Par exemple, dans les centres d’appel, qu’ils soient internalisés (au sein des entreprises) ou externalisés (prestataires d’entreprises-clientes), il peut être difficile pour les agents de gérer ces émotions au travail, compte tenu des contraintes liées aux objectifs de travail. Au sein d’une banque par exemple, en centre d’appel internalisé, la relation client reste un métier en cohérence avec l’ensemble des fonctions de l’établissement. Les agents

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au sens où les frontières sont de plus en plus floues ; « brouillées » par l’usage des TIC … Certains n’arrivant plus à se détacher du travail. Nous avons, chacun d’entre nous, besoin de moments sans travail, de prise de distance… Schématiquement, les contraintes sociales et organisationnelles associées à l’usage des TIC créent stress, anxiété et parfois une désorientation dûe à une forte dépendance aux outils qui peut induire des difficultés d’ordre sociales et familiales. La question n’est donc pas seulement attachée au travail et aux conditions d’utilisation des TIC mais aussi sociétale (isolement, intensification, intrusion dans la vie privée, nouveau rapport au temps…).

réalisent du conseil de premier niveau, des prises de rendezvous, peuvent être en lien avec les agences… tout en restant dans le métier bancaire. Ici l’activité s’inscrit dans une continuité, y compris en termes d’emplois (perspective d’évolution de carrière au sein de la banque). A contrario, en centre d’appel externalisé, les agents ont des situations très différentes à gérer puisqu’ils doivent traiter, dans une même séquence de travail, différentes demandes pour plusieurs entreprises-clients (après vente, prise de rendez-vous, conseils, téléassistance, etc.). Une forte polyvalence est requise : elle enrichit les tâches mais crée des contraintes par la diversité des situations à traiter. En effet, il faut savoir adopter (et adapter) des logiques d’échanges et de communication très différentes d’un appel à un autre, selon les interlocuteurs et les objectifs prescrits par l’entreprise. Il faut donc travailler sur la gestion de ces émotions, autant que sur les technologies elles-mêmes qui peuvent faciliter les interactions comme les contraindre.

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DOSSIER LA CONCEPTION DES OUTILS ET DES USAGES DOIT ÊTRE PLURIDISCIPLINAIRE : DÉCIDEURS, UTILISATEURS ET ERGONOMES. L’ergonome aide à la conception des outils et des situations de travail. L’usage des nouvelles technologies doit être facilitateur pour l’utilisateur. Et l’outil est indissociable de son usage. Et il doit rester un outil : être facilitateur, sans devenir lui-même une contrainte. Cette

QUEL EST LE PARTAGE DE TRAVAIL ENTRE L’HOMME ET LA MACHINE ? UNE QUESTION RÉCURRENTE ! La robotisation et l’automatisation continuent de progresser. Des systèmes informatisés traitent « de A à Z » des processus administratifs complets et complexes, reléguant l’homme a un rôle de supervision ou de contrôle ponctuel. En industrie, certains robots deviennent de plus en plus autonomes, capables d’apprendre des tâches simples … La question de la place de l’homme reste posée : quel est le partage de travail entre l’homme et la machine ? Les nouvelles technologies se développent sans nous abstraire de cette question ; voire même la renouvelle de manière plus cruciale. Soit l’homme a très peu de liberté, de marges d’action et devient un exécutant dans un système technique complexe, sous contrôle permanent, sous couvert de traçabilité et d’efficacité. C’est alors une organisation « néotaylorienne » qui se met en place avec l’appui, le soutien des technologies ; plutôt leur mise

conception repose sur une triade au sein d’une démarche de projet : la réalisation technique, le donneur d’ordre, les utilisateurs finaux. Le donneur d’ordre doit formaliser clairement l’évolution attendue du nouvel outil par rapport à ce que l’entreprise veut. Les utilisateurs finaux doivent être associés, car c’est eux qui supporteront le coût cognitif et psychique. C’est avec eux que l’on peut réduire ce coût par une meilleure adaptation de l’outil à leur travail comme à leurs besoins.

en usage dans un choix d’organisation donné. Soit les nouvelles technologies renforcent les possibilités d’action, de coopération, d’accroissement des connaissances et d’aides à la décision autour d’une maîtrise des outils par les hommes ; comme l’exemple des outils collaboratifs qui permettent/facilitent une distribution de connaissances autour de projets partagés (exemple d’architectes répartis sur la planète qui collaborent autour d’un même projet de conception partagé). Bien-sûr, les choix ne sont pas binaires entre des technologies « assujettissantes » ou « développementales » de l’homme car on trouve nombreuses situations intermédiaires, selon les contextes et notamment les modalités d’organisation du travail retenues. En conclusion, nous retiendrons l’idée qu’il n’existe pas de déterminisme technologique strict en matière de TIC ; des choix existent et dépendent essentiellement du sens que l’on veut donner au travail par le déploiement de technologies au service de l’homme, de sa santé et de son développement.

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Centre d’appels téléphoniques externalisés

La polyvalence au cœur des téléopérateurs Quand vous passez un appel pour un rendez-vous ou un service après-vente, vous arrivez peut-être sur une plate-forme téléphonique qui sollicite immédiatement un téléopérateur. Celui-ci s’adapte alors instantanément à votre demande… Les téléopérateurs de deux centres d’appels téléphoniques externalisés, adhérents à l’ASMIS (Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme), ont apporté leur concours à une recherche-action en ergonomie. Celle-ci a fait l’objet d’une thèse de doctorat (voir encadré). Ces centres d’appels ont pour particularité d’être des centres de relations clients prestataires, qui prennent en charge tout ou partiellement la gestion de la relation des clients d’entreprises. Ils travaillent donc, sous de fortes contraintes économiques, pour des donneurs d’ordre très différents. Les téléopérateurs sont polyvalents. Cette polyvalence relève d’un triple enjeu : satisfaction du client qui appelle, satisfaction du donneur d’ordre, satisfaction du téléopérateur. Il en va de la pérennité du centre d’appels…

L’étude des impacts de l’organisation de travail est au cœur de cette démarche ergonomique. Un comité de pilotage a été créé pour en assurer le suivi général (voir encadré). Les objectifs et la méthodologie ont été présentés en CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) avant la mise en œuvre de l’étude.

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Quatre questionnements majeurs constituent autant d’objectifs de recherche : •Q uelle activité réelle de travail des téléopérateurs ? •Q uelle analyse possible de la polyvalence ? •Q uelles stratégies d’adaptation sont développées, dans un cadre contraint sur le plan technique et organisationnel ? •Q uel impact de la polyvalence

en termes de santé pour les téléopérateurs (contraintes et apports) ? Une méthodologie rigoureuse L’étude a été conduite sur quatre phases successives : approche exploratoire, prédiagnostic, analyse de l’activité, diagnostic. Dans chaque entreprise, ont eu lieu des entretiens, des observations

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ouvertes, des prises de note, des temps de verbalisation, des double-écoutes et des analyses d’enregistrements. L’ensemble conduit donc à une analyse du fonctionnement général (organisation, outils, qualité du travail et indicateurs, missions, recrutement et parcours du téléopérateur) et de l’activité réelle de travail des téléopérateurs .


La relation de service Elle est complexe : le cycle d’activité comprend des missions très variées, en réponse à de multiples attentes (employeur, client donneur d’ordre, client final). Sa qualité est quantifiée au travers des indicateurs et des normes.

L’organisation L’imprévisibilité des flux est « relative » ; les ressources sont mobilisables dans l’urgence ; les modifications de procédures de travail peuvent mettre en difficulté les salariés et l’entreprise. L’organisation doit donc être anticipatrice, réactive et vigilante.

La polyvalence Elle est une solution contre la monotonie et la répétitivité. Il faut bien en repérer les limites : stress, temps d’adaptation aux missions, risques d’erreurs, appréhension au démarrage de mission, saturations… Elle relève d’une « escalade de compétences » et de prises de décision à différents niveaux : • Contrat avec l’entreprise prestataire • Recrutement et mobilisation de personnel (managers et téléopérateurs) • Management des équipes en production. Au niveau des téléopérateurs, la polyvalence appelle l’acquisition de compétences techniques particulièrement reconnues par les clients finaux ; entre curiosité et prise de risque, l’apprentissage est permanent. Préserver la proximité entre le manager et les téléopérateurs est essentiel. Or l’augmentation d’exigences des donneurs d’ordre accroît la charge de travail administrative pour les superviseurs.

DOSSIER

6 points majeurs d’attention pour les entreprises

Les outils Ils doivent être analysés au regard de leur caractère facilitateur. Le terme « outil » est pris au sens large : configuration des plateaux, supports informatiques et écrits, exploitations statistiques à des fins d’optimisation de la rentabilité, etc. Les procédures correspondent à deux actions différentes : prise de connaissance et application. Le passage de relais pour le traitement du dossier client nécessite une coopération qui est parfois « sous tension ». La diffusion des informations reste parfois difficile à maîtriser.

Le management Les superviseurs et les chefs de plateau doivent être attentifs à mettre de l’humain dans un environnement technologique qui conditionne au formalisme. La qualité de la relation humaine entre le téléopérateur et le superviseur est essentielle.

La santé Répondre aux exigences de plus en plus fortes des donneurs d’ordres représente un défi permanent pour les centres d’appels. La concurrence entre prestataires vient ajouter une pression supplémentaire. Aussi, le métier change en profondeur avec de nouvelles modalités de contact avec les clients finaux, notamment par le biais d’internet et de l’e-mailing. Plus que jamais, allier performance et polyvalence des téléopérateurs constitue un enjeu capital. Il convient de porter une attention particulière à propos de la santé mentale des téléopérateurs dans ce contexte. Il en va de leur bien-être comme de la pérennité des entreprises.

Quand l’ASMIS soutient une thèse… Service de Santé au Travail de la Somme, l’ASMIS (Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme), conseille 10 300 entreprises adhérentes et suit leurs 126 700 salariés, dont 13 000 agents de la fonction publique et 6 200 travailleurs temporaires. L’ASMIS emploie 150 salariés, dont 44 médecins, 9 infirmiers, 27 intervenants en prévention des risques professionnels, 49 assistants de santé au travail. C’est dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la REcherche (CIFRE) passée avec l’Université de Picardie Jules Verne, que l’ASMIS a soutenu le travail d’une recherche action menée par Alexandre Dedourge, ergonome doctorant. Cette recherche-action fait l’objet de sa thèse de doctorat, placée sous la direction de Gérard Valléry, professeur en ergonomie, Université de Picardie Jules Verne, Centre de Recherche en Psychologie, Cognition, Psychisme et Organisations. Entre ses entreprises adhérentes et l’Université, l’ASMIS ouvre ainsi un lien qui concourt au progrès des connaissances.

Le comité de pilotage L’étude ergonomique de l’activité réelle de travail chez les téléopérateurs en centre d’appels téléphoniques externalisés a été réalisée grâce à la mise en place d’un comité de pilotage pluridisciplinaire composé de : • Rachel Ajroud, Ergonome, Responsable du Service Expertise Technique et Organisationnelle, ASMIS (Association Santé Médecine Interentreprises du département de la Somme) • Bernadette Bouchard-Cugier, Médecin du travail, ASMIS • Alexandre Dedourge, Ergonome doctorant, ASMIS, UPJV (Université de Picardie Jules Verne) • Elisabeth Foulques, médecin du travail, ASMIS • Gérard Vallery, Professeur en Ergonomie, UPJV - Centre de Recherche en Psychologie, Cognition, Psychisme et Organisations. L’étude a pu être menée grâce au concours de deux centres d’appels externalisés, adhérents à l’ASMIS.

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Tous connectés

Pour le meilleur... et pour le pire ? « Réponses en temps réel sans s’accorder un temps de réflexion, d’analyse ou de documentation, sollicitations en temps réel désorganisant la planification des tâches et accroissant les modes zapping/multitâches qui nuisent à la concentration, à la synthèse et à la mise en perspective, sollicitations à tout moment des collaborateurs hors du temps de travail, rumeurs et désinformation, harcèlements, déstabilisations, atteintes à l’image, incidences pernicieuses de la géo-localisation, sentiments de perte de sens et du libre arbitre, manipulations, pertes d’écoute et sentiments d’isolement ». Voici comment un rapport récent, élaboré pour le Ministère du travail1, présente les risques liés à un développement non maîtrisé des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) au sein de l’entreprise. Pourtant, les NTIC peuvent améliorer les relations humaines, donc la santé psychique des salariés et de l’employeur. Les relations humaines au sein de la famille, des amis, des collègues de travail et de loisirs influencent notre bien-être et notre épanouissement, notre santé psychique ou mentale. En entreprise, les relations humaines et l’organisation du travail sont au cœur du Risque PsychoSocial (RPS). Sans oublier que le stress s’exprime par le corps : accélérations du rythme cardiaque, sueurs, augmentation du taux de

cortisol dans le sang, etc. Des facteurs psychiques entrent dans l’origine du mal de dos, de l’hypertension artérielle, de problèmes digestifs et de troubles du sommeil, etc. Dans le cadre de sa mission sur le stress, confiée par le Ministère du travail, Henri Lachman a demandé à Capgémini une étude sur une autre dimension : l’impact des NTIC sur le corps social.

LES « MOINS » Les NTIC présentent le risque d’une déshumanisation des relations interpersonnelles au travail. Ceci peut avoir des conséquences sur la qualité au niveau des performances individuelles ou collectives et/ou au niveau des productions. Une entreprise est un ensemble délicat… De par leurs conséquences sur l’organisation ou le fonctionnement, les NTIC peuvent porter atteinte à la cohésion et la cohérence de l’entreprise. Enfin, les NTIC peuvent également porter atteinte à la sphère privée, qui se doit d’être protégée. L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est essentiel pour chacun d’entre nous et le corps social dans son ensemble.

LES « PLUS » Le paradoxe est que les NTIC peuvent être un « vecteur de développement des relations interpersonnelles ». En apportant « une information et une communication plus ouvertes, riches et rapides entre toutes les composantes de l’entreprise », les NTIC permettent de mieux se situer et se comprendre. Une organisation plus souple et adaptative peut s’ensuivre. En apportant « une dynamique de travail collaboratif et d’innovation », les NTIC peuvent favoriser la collaboration et la solidarité, l’interactivité et développement de compétences mutuelles. Des atouts pour une PME ou une TPE ! Les NTIC permettent d’aller vers « une organisation apprenante donnant accès à une formation utile, adaptée et accessible à tout moment en fonction des besoins, mise au service du développement du projet professionnel et de l’efficacité individuelle et collective ». Le changement et la mobilité peuvent être mieux partagés. Encore faut-il « bénéficier d’une dynamique entrepreneuriale motivante et d’une reconnaissance transparente de ses compétences et de ses contributions ». Les NTIC peuvent contribuer à un environnement qui apporte « plus de lien, plus de sens, et plus d’attention aux autres ». Tout ceci est à mettre en perspective des générations montantes qui ont grandi dans le tout numérique…

Le «Des atouts pour une PME ou une TPE ». 1. Contribution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) à la qualité des relations interpersonnelles dans une organisation de travail, www.travailler-mieux.gouv.fr

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DOSSIER

97 % des entreprises sont connectées. 7 conseils pour être bien !

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Près de 70 % des salariés travaillent sur écran et plus de 30 % d’entre eux ont un outil connecté mobile au travail (tablette, téléphone, smartphone, ordinateur portable, informatique embarquée…). Ceci est variable en fonction de la branche d’activité et du métier. Avec le développement rapide des outils mobiles et de la croissance exponentielle des applications disponibles, on peut imaginer qu’à court terme plus de 90 % des salariés soient connectés pour tout ou partie de leur travail. Selon le baromètre 20131 Orange/Terrafémina : 61 % des sondés estiment que l’impact est positif sur la qualité du travail, 60 % que l’impact est positif sur la relation avec les clients, usagers ou administrés ; 40 % estiment que l’impact est négatif (57 % chez les cadres) pour l’équilibre entre vie privée et professionnelle, 42 % que l’impact est négatif (60 % chez les cadres) sur le niveau de stress au travail. Aujourd’hui : « Le commercial ne “voit” plus le client, le vendeur ne “voit” plus le stock, l’opérateur ne “touche” plus la vanne… Il ne s’agit plus d’agir directement mais de recueillir, traiter et transformer des volumes d’information toujours plus importants. Cette transformation du travail aboutit à modifier les notions de temps et d’espace : les délais sont raccourcis par l’instantanéité des échanges numériques, le travail à distance est possible. Les utilisateurs de TIC doivent en outre s’adapter à la rapidité des évolutions de ces technologies » (Source : L’impact des TIC sur les conditions de travail, Paris, 2010, Rapport coordonné par Tristan Klein et Daniel Ratier, Comité d’Action Stratégique, Direction Générale du Travail, Note de synthèse n°266, Février 2012, www.stratégie.gouv.fr).

Partir de l’usage et non de l’outil, respecter la vie privée La tendance est de s’équiper du dernier outil, du dernier logiciel ou de la dernière application disponible… Outre le fait d’apporter des changements en permanence avec nécessité de réapprentissage récurrent, il n’est pas sûr qu’une « plus value » économique soit apportée. Une réflexion préalable sur l’usage est nécessaire : utilité réelle, agrément et désagrément apportés… L’approche ergonomique est ici très précieuse ! L’usage adéquat demande de respecter la vie privée et les temps de « non travail ».

Préserver le dialogue direct entre les personnes Pour le bien-être de chacun, il est nécessaire de préserver les échanges directs et classiques : entretiens, réunions, moments de pauses. La relation interpersonnelle directe, sans média, est nécessaire à notre équilibre psychique. Elle concourt à la cohésion et la cohérence du collectif de travail.

Préserver l’équilibre entre l’autonomie et le contrôle Chacun d’entre nous a besoin d’autonomie et de confiance dans la réalisation des tâches qui lui sont confiées. Les systèmes d’information peuvent faciliter cette autonomie. Ils peuvent également la réduire dans un souci de contrôle permanent. Ce contrôle permanent peut conduire à une perte d’adaptabilité et d’initiatives, avec souffrance sur le plan psychique.

1. Sondage en ligne effectué par l’institut CSA auprès de 803 personnes actives âgées de plus de 18 ans, du 12 au 14 février 2013.

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Un des principes de base est : « la bonne information, au bon moment, à la bonne personne ». L’analyse des situations de travail montre souvent que de nombreuses informations sont disponibles sans « plus value » réelle par rapport à la tache à effectuer. Des informations peuvent être utiles pour se repérer et se situer dans le processus de travail. D’autres peuvent concourir à un sentiment de désorientation.

Attention aux interventions intempestives et aux «urgences»

DOSSIER

Eviter les situations de surcharge informationnelle

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L’observation des situations de travail révèle que, dans de très nombreux cas, des informations ou des questionnements sont adressés immédiatement aux collègues, dès qu’ils émergent. Les collègues pensent devoir répondre immédiatement. Cette « instantanéité permanente » est génératrice de pressions psychologiques fortes, sans utilité réelle. Cette pression permanente est génératrice de stress inutile.

Former et informer, accompagner les changements L’appropriation des usages adéquats est essentielle pour une utilisation optimale des systèmes de communication et d’information. Cette appropriation passe par des temps d’information, de formation et de dialogue. Ces temps font figure de véritables investissements, évitant les dérives ultérieures dans l’usage des différents supports de communication et d’échanges. Ils renforcent la cohésion du collectif de travail. Ils concourent à la réduction des angoisses individuelles ou collectives.

Anticiper les situations de panne et d’incidents Pannes et incidents surviennent sans prévenir. Souvent dans un contexte de pression temporelle ou de contact avec les clients… Ils sont générateurs de stress importants. Ces situations de travail en « mode dégradé » doivent être envisagées avec les opérateurs concernés, afin de les tranquilliser et de leur permettre de développer les habiletés et les attitudes adéquates. Il est essentiel de prévoir les procédures à adopter face à ces situations. En conclusion : Un dialogue constructif avec les salariés et leurs représentants est gage de succès dans le déploiement d’un système d’information et d’échanges. Ce déploiement doit être progressif et validé en situation réelle de travail.

CHAQUE ENTREPRISE bénéficie d’une expertise indépendante en santé au travail,

Prénom et nom :.................................................................................................................................................................................

Adresse :...................................................................................................................................................................................................... ..............................................................................................................................................................................................................................

grâce à son médecin du travail et ses collaborateurs. Je note ses

Mail :. .............................................................................................................................................................................................................

Téléphone : . ............................................................................................................................................................................................

coordonnées.

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ZOOM SUR

Vallée de la Lys

Des priorités pour un secteur Les entreprises adhérentes du SIMUP (Santé au Travail de la Vallée de la Lys) bénéficient de prestations d’accompagnement axées sur sept priorités : la prévention des Troubles Musculo-Squelettiques, du risque CMR (Cancérogène-Reprotoxique-Mutagène), du risque amiante, des risques psychosociaux, la prévention de la désinsertion professionnelle, ainsi que l’évaluation des risques et la traçabilité des risques professionnels. La détermination de priorités résulte de l’application de la loi du 20 juillet 2011, relative à l’organisation de la médecine du travail. Ces priorités ne se substituent pas aux missions classiques, définies par le texte de loi. Etablie suite à un diagnostic local, la détermination de ces sept priorités résulte d’une concertation entre les médecins du travail et les Intervenants en Prévention des Risques Professionnels, salariés du SIMUP. Elles ont été adoptées par le Conseil d’administration, composé à parité de représentants des employeurs et de représentants des salariés. Enfin, elles ont fait l’objet de la signature d’un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) avec la DIRECCTE Nord-Pas-de-Calais et la CARSAT Nord-Picardie. Le renforcement des dialogues L’élaboration du CPOM est l’occasion d’études et d’échanges sur les besoins locaux en santé au travail. Les études reposent sur les indicateurs locaux disponibles en santé au travail. C’est la phase de diagnostic local. Il doit identifier les besoins et les attentes des entreprises adhérentes et de leurs salariés. Les échanges avec la DIRECCTE notamment, permettent d’intégrer les priorités régionales et nationales. N’oublions pas qu’il existe aujourd’hui un Plan National de Santé au travail, décliné en Plans Régionaux de Santé au Travail. Pour le Nord-Pas-de-Calais, le deuxième Plan Régional de Santé au Travail est en cours d’application, pour la période 2010-2014, sous l’autorité de la Préfecture de région.

Le renforcement des dynamiques Hervé Morel, directeur du SIMUP, considère que l’obligation de signer un CPOM est une opportunité : « Dans la vallée de la Lys, nous avons une longue habitude de coopération avec les différents acteurs régionaux et locaux de la santé au travail. Ce partenariat nous permet d’apporter aux entreprises adhérentes des prestations encore plus performantes. La loi de 2011 nous conduit à formaliser ces partenariats. C’est l’occasion de renforcer ces dynamiques au service de nos entreprises adhérentes et de leurs salariés ».

Santé au Travail de la Vallée-de-la-Lys (SIMUP) Le premier contrat dans le NORD-PAS-DE-CALAIS et la PICARDIE Depuis la loi du 20 juillet 2011 portant réforme de l’organisation de la médecine du travail, chaque service interentreprises de santé au travail doit signer un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) avec la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) et la CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail), après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés De gauche à droite: Philippe Le Fur, DIRECCTE représentatives au niveau national et de l’ARS (Agence Régionale de Santé). Nord-Pas-de-Calais, Patrick Vandamme, SIMUP, Olivier Suzanne, CARSAT Nord-Picardie D’une durée de 5 ans, le CPOM prévoit des priorités d’actions pour le Service Interentreprises de Santé au Travail. Parmi les 17 Services de Santé au Travail du Nord-Pas-de-Calais - Picardie, le SIMUP (Santé au Travail de la Vallée de la Lys) a signé son CPOM le 20 juin 2014, en présence de Patrick Vandamme, président, Philippe Le Fur, DIRECCTE Nord-Pas-de-Calais, Olivier Suzanne, CARSAT Nord Picardie. C’est le premier CPOM signé en Nord-Pas-de-Calais - Picardie !

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ZOOM SUR

industriel fort Plasturgie PRÉVENTION DU RISQUE CHIMIQUE CHEZ ONDULYS : UNE ASSOCIATION GAGNANTE Groupe de 1 200 salariés, Onduline est un des leaders mondiaux de la couverture ondulée bituminée. Les produits transparents sont fabriqués sur deux sites : un aux Etats-Unis, un en France. Le site français est situé à Comines, ville frontalière avec la Belgique. 38 salariés y fabriquent des éléments de couverture transparents, sous la marque Onduclair®, à partir de polyesters et de polycarbonates. Chez Onduclair, le risque chimique, c’est du sérieux ! Le SIMUP (Santé au Travail de la Vallée de la Lys) et la CARSAT collaborent depuis plusieurs années dans le suivi de prévention de ce risque chimique. C’est tout naturellement que cette collaboration a trouvé place dans le CPOM du SIMUP. « Dans un de nos ateliers, nous transformons des polyesters composés à 40 % de styrène. Le principal solvant est à base d’acétone » nous situe Serge Poudroux, directeur du site. « Les salariés de cet atelier sont en surveillance médicale renforcée. Et nous avons un plan continu de mesures atmosphériques et d’actions de prévention, pour l’exposition au styrène et à l’acétone. Ce plan est conduit en partenariat étroit avec le SIMUP et la CARSAT. Pour le styrène, nous avons des taux dans l’air respiré des salariés concernés de 6 à 10 ppm, alors que la Valeur Limite d’Exposition Professionnelle sur 8 heures est à 50 ppm (Valeur en cours de révision). C’est le résultat d’un travail de longue haleine ». Le suivi médical est assuré par le docteur Agnès Desurmont, médecin du travail au SIMUP. Freddy Lefebvre est le contrôleur de sécurité qui suit l’entreprise pour la CARSAT Nord Picardie.

Le regard de la santé Conseil ler en hygiène sécurité, Thomas Blanquin est Intervenant en Prévention des Risques Professionnels au sein du SIMUP : « Dans le CPOM, nous avons un axe prioritaire de travail sur les CMR, cancérogènes-mutagènes et reprotoxiques. Nous avons inclus la réduction des expositions au styrène dans la mise en œuvre de polyesters stratifiés en plasturgie. D’où l’accompagnement d’Onduclair ». Serge Poudroux précise : « Thomas Blanquin nous a aidé dans l’inventaire de tous les risques chimiques, tout au long du processus de fabrication. Ceci nous permet d’apporter une réponse à chaque risque identifié ». Par exemple, dix salariés bénéficient d’un dosage bisannuel de marqueurs biologiques d’exposition, dans le cadre de la surveillance médicale renforcée assurée par le docteur Agnès Desurmont.

Le regard de la technique Pour Freddy Lefebvre, « L’important c’est le dialogue dans le respect des secrets professionnels, dont le secret médical et les secrets de fabrication. Il nous faut être complémentaires et se coordonner en prenant chacun une partie du suivi de l’accompagnement de l’entreprise. La CARSAT réalise des prélèvements d’air respiré par les salariés. Au fil du temps, les règlementations évoluent. L’entreprise vit. Avec notre Laboratoire Interrégional de Chimie Toxicologique, nous assurons un suivi pour évaluer les améliorations apportés aux salariés ».

L’importance de l’humain « Nous sommes habitués aux normes d’une part, et aux processus d’évaluation d’autre part. C’est important. Nous organisons des "minutes sécurité", à raison d’un quart d’heure par semaine pour que chaque salarié puisse faire remonter un éventuel problème. Chaque mois, nous avons une réunion sécurité, avec les cadres responsables de production et les partenaires sociaux. Nous développons en permanence une véritable culture sécurité ! Nous ne sommes pas là pour abîmer nos salariés» conclut Serge Poudroux.

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ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE

>E xposition aux fumées de soudage

SACHONS CHASSER LE CHROME HEXAVALENT !

Les chaudières à condensation ont de l’avenir, car elles génèrent de substantielles économies d’énergie. Chez YGNIS, en 2012, elles représentent 40 % de la fabrication pour 25 % en 2009. Les aciers inox, utilisés pour fabriquer ces chaudières à condensation, contiennent 18 à 22 % de chrome. Lors du soudage, une partie de celui-ci part en fumée, sous forme de chrome hexavalent. A partir du 1er janvier 2014, la Valeur Limite d’Exposition au chrome hexavalent devient contraignante (VLE RC). A partir du 1er juillet 2014, le taux acceptable est divisé par 50 : il passe de 0,05 mg/m3 d’air à 0,001 mg/m3. Médecin du travail à l’AISMT, Nathalie Muller suit YGNIS à Cauroir : « Trois pistes ont été explorées par l’entreprise : le procédé, la torche aspirante, la cagoule ventilée. Ces recherches ont été abordées au Comité d’Hygiène, de Sécurité et Conditions de Travail ». Être en dessous de la VLE RC « En pratique, nous devons obtenir des taux de chrome hexavalent inférieurs à 90 % de la VLE RC (Valeur Limite d’Exposition Réglementaire Contraignante). Cette marge de sécurité de 10 %

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A Cauroir près de Cambrai, 2 600 chaudières collectives sont fabriquées, chaque année, par les 140 salariés d’YGNIS INDUSTRIE, appartenant au groupe ATLANTIC. Au gaz ou au fioul, ces chaudières sont destinées à des habitations collectives ou des immeubles de bureaux, des industries ou des hôpitaux, en France et en Europe. Chez Ygnis, les chaudières à condensation sont en acier inoxydable. Les fumées de soudage sur acier inox contiennent du chrome hexavalent. A partir du 1er juillet 2014, les valeurs limites d’exposition au Chrome hexavalent sont abaissées. Un véritable travail de recherche appliquée a été mené en liaison avec l’AISMT (santé au travail de Cambrai) et le concours de la CARSAT Nord Picardie (Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail).

lors des contrôles nous donne l’assurance que les taux restent dans les normes en production régulière», explique Boris Bouchez, responsable technique à Ygnis. « Après consultation des fournisseurs et des centres de recherche sur le soudage, nous avons entrepris des essais en ateliers, avec l’appui technique de la CARSAT Nord Picardie ». Le procédé… « Agir sur le procédé est la première piste. Le but est de réduire le niveau de poussière émise et le taux de chrome hexavalent contenu dans ces poussières ». Des essais ont été faits avec des fils et gaz de soudages différents, sous des régimes variables. « Nous avons d’abord repéré un fil de soudage efficace ne nécessitant pas de changement de procédé… D’origine japonaise, il n’est pas distribué en France. En changeant de procédé et avec une formation des soudeurs, on observe une réduction notable des taux ». Ceci valide une première série d’investissements : réseau de gaz, postes à souder, accompagnement des soudeurs. L’aspiration à la source et les EPI… Boris Bouchez poursuit : « Nous avons

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poursuivi nos recherches en essayant des torches aspirantes, censées capter 80 % des fumées émises. Les performances observées en situations réelles sont moins bonnes (<50%), mais permettent quand même de diminuer l’exposition des soudeurs. » Ceci valide une deuxième série d’investissements : réseau d’aspiration, torches aspirantes, équilibreurs, accompagnement des soudeurs. « Enfin, nous avons changé de cagoules ventilées pour retenir les plus performantes, de type TH3 ». Mélinda L’hévéder est Intervenante en Prévention des Risques Professionnels à l’AISMT : « Cet important travail, mené par l’entreprise, lui permet de s’engager dans un plan d’actions précis et évalué ».

YGNIS Industrie, Fabrique de chaudière collective 140 salariés Boris Bouchez, responsable technique CAUROIR SANTÉ AU TRAVAIL DE CAMBRAI (AISMT)


INTERVIEW De par son parcours professionnel, Brigitte Pamart connaît le monde du travail, aussi bien au sein de petites et moyennes entreprises qu’au niveau d’un grand groupe industriel… C’est toujours avec brio qu’elle parle de santé au travail, en étant très vigilante à respecter l’expression des salariés et des employeurs. Question d’éthique ! Médecin du travail depuis 1989, elle est restée en contact permanent avec le monde universitaire et l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. C’est donc tout naturellement qu’elle a accepté d’être la coordinatrice du thème Pénibilité, véritable « fil rouge » du 33ème congrès national de santé au travail. Ce congrès s’est tenu à Lille en juin 2014. Le comité scientifique était présidé par le professeur Paul Frimat. Il a réuni plus de 3 000 professionnels et scientifiques venus de toute la France.

Brigitte Pamart Coordinatrice du thème Pénibilité au 33ème Congrès national de Santé au Travail, Lille 2014.

De nombreux congressistes estiment que, partant d’une bonne idée, on arrive sur un dispositif très, très compliqué. Et très limitatif Comment définir la pénibilité au travail en 2014 ? BP : Il faut prendre connaissance des six décrets parus au Journal Officiel du 10 octobre 2014 ! Ces décrets déterminent les conditions de mise en œuvre du compte individuel de pénibilité. Dès le 1er janvier 2015, la tenue d’un compte individuel est obligatoire pour les salariés exposés à l’un des quatre facteurs suivants : travail de nuit, travail en horaires alternant, travail répétitif, travail en milieu hyperbare. De 2016 à 2020, la tenue de comptes individuels de pénibilité sera obligatoire pour les postures pénibles, les

manutentions manuelles de charges, l’exposition aux agents chimiques, aux vibrations mécaniques, aux températures extrêmes et au bruit. Les décrets sont pris en application de la loi du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites. Chaque année, pour chaque salarié répondant aux critères défi-

nis par ces décrets, l’employeur doit faire une déclaration individuelle à la CARSAT. Attention : pour chaque facteur de risque, il y a donc des définitions règlementaires très précises et des seuils d’intensité et de durée d’exposition au-delà desquels la déclaration est obligatoire. Elle ouvre droit à un décompte de points. A terme, le cumul de ces points permet au salarié de faire valoir le droit à une formation, à une réduction du temps de travail ou à un départ en retraite anticipée à taux plein, au titre d’une compensation. C’est le volet social de ces textes.

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INTERVIEW : Brigitte Pamart Journal Officiel du 10 octobre 2014

RIS

QUE

Cette définition est très règlementaire… BP : Oui ! Actualité oblige… Mais la pénibilité peut et doit se définir et se comprendre en dehors de ces textes. Ceux-ci sont d’ailleurs très limitatifs. Par exemple, les risques psychosociaux ne sont pas pris en compte. Et pour les dix facteurs de risques dont je viens de parler, les définitions et seuils règlementaires sont excluant. Ils excluent de la « pénibilité légale et règlementaire » nombre de salariés. Car ces seuils sont difficiles à atteindre. Donc, accumuler des points n’est pas à la portée de tous… Certains s’interrogent d’ailleurs sur le bien-fondé scientifique de ces différents critères. Mais ils existent. Et ils s’imposent à nous. En pratique, quels en sont les impacts pour les entreprises ? BP : L’impact est d’abord financier. Si le facteur de risque existe : il fait l’objet d’une déclaration en application de la règlementation. L’entreprise devra une cotisation supplémentaire. Pour un risque, tel taux de cotisation. Pour deux risques et plus, un autre taux… Il y a également un impact pour ses orientations en matière de prévention : l’entreprise se préoccupe, en priorité, des risques visés par la règlementation. Avec un effet pervers éventuel : l’entreprise ne se focalise plus que sur ces risques en matière de prévention. Par exemple, pas de prévention du risque psychosocial ! Ou bien moins de prévention du risque routier, alors qu’il s’agit de la première cause de mortalité par accident du travail. En santé au travail, il faut savoir ne pas mettre le focus exclusivement sur un risque. Sur ce point, l’approche par branche professionnelle est pertinente : elle permet d’aborder l’ensemble des risques d’un métier 28

• Décret n° 2014-1155 du 9 octobre 2014 relatif à la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, aux modalités de contrôle et de traitement des réclamations • Décret n° 2014-1156 du 9 octobre 2014 relatif à l’acquisition et à l’utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité • Décret n° 2014-1157 du 9 octobre 2014 relatif au fonds de financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité • Décret n° 2014-1158 du 9 octobre 2014 relatif au document unique d’évaluation des risques et aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité • Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité • Décret n° 2014-1160 du 9 octobre 2014 relatif aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité Pourquoi élargir la réflexion audelà de ces textes ? BP : Les textes ouvrent des droits à une compensation sociale accordée en cas d’exposition à des facteurs de risques, définis sur des critères stricts de niveaux et de durée. En dessous : pas de compensation ; au dessus : compensation possible pour le salarié exposé. Pour financer les mesures de compensation sociale, l’employeur paie donc une cotisation supplémentaire. C’est une avancée réelle sur le plan social. Mais, l’employeur a aussi une obligation de prévention en matière de sécurité et de santé au travail de son ou ses salariés. Il ne faut pas l’oublier ! Sous cet angle, il faut bien avoir une réflexion qui va au-delà des critères définis par les textes en matière de compensation. Il en va de la performance d’une entreprise. Préserver l’humain, c’est préserver l’entreprise ! Surtout à une époque où la durée de vie professionnelle augmente. Quels enseignements le Congrès de Lille a-t-il apporté ? BP : Le thème de la pénibilité a été très porteur. Les congressistes ont exprimé de très grandes attentes. Les services de santé au travail ont un rôle majeur en matière de prévention de la pénibilité. Les textes règlementaires donnent un cadre sur le volet social. Quant au volet prévention, beaucoup reste à inventer. Les priorités définies par les plans nationaux ou régionaux de santé au travail portent sur des facteurs de pénibilité. L’approche pluridisciplinaire, développée au sein des services de santé au travail, est incontournable. Une question persiste : que faire pour améliorer la situation des salariés intérimaires ou précaires ? En effet, que ce soit pour le volet prévention ou le volet social, ils risquent de passer à côté de leurs

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droits… Et pour la fonction publique ? Beaucoup de questions sont encore en suspens… Enfin, de nombreux congressistes estiment que, partant d’une bonne idée, on arrive sur un dispositif très, très compliqué. Et très limitatif. Comment faire ? Comment réussir la prévention de la pénibilité au travail ? BP : Partager les expériences et développer les échanges de pratiques. A ce sujet, les services de santé au travail peuvent apporter une contribution majeure. Car ils conseillent toutes les entreprises, dans le strict respect des secrets de fabrication et du secret médical. Des entreprises de grande taille travaillent sur des logiques « métiers » : à tel métier, correspondent telles actions pour réduire la pénibilité. Ces approches sont importantes à partager avec des PME ou TPE. Par ailleurs, l’information et la formation ont toute leur importance. Enfin, garder une vision globale des situations de travail. Préserver l’humain et ne pas oublier l’expression des salariés. Comprendre le salarié, le collectif, l’organisation de l’entreprise et son historique. Quels conseils donner à une TPE ou une PME ? BP : Le dispositif est complexe. Il faut donc ne pas hésiter à s’adresser à son service de santé au travail, qui peut aider l’entreprise. Sans faire à sa place. Le service de santé au travail a une mission de conseil. Il peut donc aider à l’élaboration d’une politique de prévention et de plans d’actions.


Partager les expériences et développer les échanges de pratiques. Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité 4 facteurs de pénibilité à partir du 1er janvier 2015 •T ravail de nuit : une heure de travail entre minuit et 5 heures pour une durée minimale de 120 nuits par an. •T ravail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre minuit et 5 heures, avec une durée minimale de 50 nuits par an. •T ravail répétitif : Temps de cycle inférieur ou égal à une minute ou 30 actions techniques ou plus par minute avec un temps de cycle supérieur à 1 minute, pour une durée minimale fixée à 900 heures par an. •T ravail en milieu hyperbare : interventions réalisées sous une intensité minimale de 1200 hectopascals pour une durée minimale de 60 interventions ou travaux par an. 6 facteurs de pénibilité à partir du 1er janvier 2016 •M anutentions manuelles de charges : lever ou porter des charges unitaires minimales de 15 kg, pousser ou tirer des charges unitaires minimales de 250 kg, déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au dessus des épaules pour une charge unitaire minimale de 10 kg, pour une durée minimale de 600 heures par an ; cumul de manutentions et de charges pour une intensité minimale de 7,5 tonnes cumulées par jour, pour une durée minimale de 120 jours par an. •P ostures pénibles : maintien des bras en l’air à une hauteur située au dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés, pour une durée minimale de 900 heures par an. •V ibrations mécaniques : vibrations transmises aux mains et aux bras pour une valeur minimale d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 2,5 m/s² et pour une durée de 900 heures par an ; vibrations transmises à l’ensemble du corps pour une valeur minimale d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 0,5 m/s² et pour une durée minimale de 450 heures par an. • Agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R-4412-3 et R-4412-60, y compris poussières et fumées : exposition à un agent chimique dangereux relevant d’un ou plusieurs classes ou catégories de danger définies à l’annexe I du règlement (CE) 1272/2008 et figurant dans un arrêté du ministère du travail, le seuil est déterminé pour chacun des agents chimiques dangereux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou le contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté du ministre chargé du travail et du ministre chargé de la santé. • Températures extrêmes : température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius pour une durée minimale de 900 heures. • Bruit : exposition au bruit rapporté à un période de référence de 8 heures d’au moins 80 décibels(A) pour une durée minimale de 600 heures par an ou exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels(A) pour une durée minimale de 120 fois par an.

BIOGRAPHIE express Ancien interne en Médecine du Travail (Lille - promotion 1987,) elle effectue dès 1989 des remplacements dans différents services interentreprises ou autonomes de la région. Pendant 3 ans, elle exerce comme médecin du travail en services inter-entreprise dans le Nord-Pas-de-Calais. En 19941995, elle devient Chef de Clinique au CHRU de Lille. A partir de 1995, elle intègre le groupe Renault et devient médecin du travail en service autonome. D’abord à l’usine MCA de Maubeuge pendant 5 ans, puis chez Renault à l’usine Georges Besse de Douai. Aujourd’hui, elle est médecin responsable du service médical de cette usine, qui comprend 3 médecins, 6 infirmier(e)s de santé au travail et une secrétaire médicale. •1991 : Doctorat de médecine •1991 : D ES de Médecine du travail (Diplôme d’Etudes Spécialisées) •Novembre 1993 - Novembre 1995 : Chef de clinique au CHU de Lille •1997 : D EA de Droit social (Diplôme d’Etudes Approfondies) •1987 : D U Réparation du dommage corporel (Diplôme d’Université) •1991 : D EST en Ergonomie du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

Brigitte Pamart est en outre : Membre de la Commission Régionale de Prévention des Risques Professionnels Nord Pas de Calais, au titre de personne qualifiée. Membre du Conseil d’administration de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. Membre de la commission pédagogique de la FMC de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. Membre du Réseau « addiction et travail » (depuis sa création en 1993). Présidente du Groupement des Médecins d’Entreprise (GME), Brigitte Pamart met ses compétences au service du partage d’expériences et de connaissances.

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AUX ALENTOURS

Santé Travail Sambre Avesnois

Votre cotisation est un investissement ! Le Quesnoy, Bavay, Hautmont, Maubeuge, Solre-le-Château, Landrecies, Fourmies, Trélon… Des noms qui évoquent autant l’histoire et le tourisme, que l’industrie lourde et l’artisanat. Le travail de la Pierre Bleue ou du verre, ou la fabrication du Maroilles, évoquent même des savoir-faire artisanaux très recherchés… Ces communes font partie des 150 communes de l’arrondissement d’Avesnes-surHelpe, qui réunit plus de 230 000 habitants. Le parc régional de l’Avesnois et la base de loisirs de Val Joly évoquent un pays de bocage et de forêt, d’accueil et de qualité de vie. Plus de 3 000 TPE et PME adhèrent à SANTÉ TRAVAIL SAMBRE AVESNOIS, pour préserver la santé de leurs 33 000 salariés. Ce service de santé au travail offre la modernité à ses adhérents, témoin du dynamisme de l’Avesnois.

Présidé par Daniel Pottier, SANTÉ TRAVAIL SAMBRE AVESNOIS est entré de plainpied dans le XXIème siècle. François Catry, directeur, témoigne : « Depuis trois ans, une mutation profonde du service est engagée. Nous ne sommes plus en retard. Voire même, au contraire, en avance ! Notre dynamisme est à la hauteur de nos ambitions, au service de nos 3 133 entreprises adhérentes ». L’humain est au cœur du nouveau logo, souligné d’une phrase très claire : « Investissons sur le capital santé de votre entreprise ». La volonté de mieux communiquer avec les bénéficiaires est, elle aussi, clairement affichée grâce, entre autres, au nouveau site internet : www.sante-travail-sa.fr Des compétences au plus près des entreprises L’Avesnois est très étendu. SANTÉ TRAVAIL SAMBRE AVESNOIS comprend 5 centres fixes et des centres au sein de 60 entreprises. Huit médecins du travail constituent l’équipe médicale, qui va bientôt accueillir deux nouveaux médecins du travail ; trois médecins sont en formation de Médecine du Travail sous le statut de médecin collaborateurs. Cette équipe de 13 médecins et 8 secrétaires médicales est coordonnée par les docteurs Bernard Klodzinski sur le secteur de Louvroil et Gilles Fombonne sur le secteur de Fourmies. Les entreprises adhérentes bénéficient, en 30

outre, des compétences d’assistantes de santé au travail, d’infirmières de santé au travail, d’un ingénieur HSE, d’un psychologue du travail et, bientôt, d’un ergonome. L’innovation au cœur des projets Des groupes de travail fonctionnent sur le mode « Projet » : Démarche EVREST, Démarche de Progrès en Santé au Travail, Prévention des TMS et Prévention durable des TMS avec l’accompagnement de l’ARACT, Programme régional Bien-Être au Travail avec le soutien du Conseil Régional Nord-Pas-deCalais et l’animation de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. De nouvelles façons de travailler avec les entreprises L’exemple le plus emblématique est la mise en place du binôme « Assistante Santé Travail – Infirmière Santé Travail ». Expérimenté avec une entreprise, cette démarche de suivi en santé au travail, réalisé en liaison étroite avec le médecin du travail, tend à se généraliser. « Tout ceci est inclus dans notre projet de service » précise François Catry. Il conclut : « Au sein du Conseil d’Administration paritaire et de notre Commission de Contrôle composée de représentants des syndicats de salariés et de représentants des employeurs, nous bénéficions d’un dialogue social constructif entre les partenaires sociaux ».

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Carte d’identité • 3 133 entreprises adhérentes implantées sur les 150 communes de l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe • Le suivi de Santé au Travail de 33 353 salariés de tout secteur d’activités (Commerces, Services, Industries, BTP, ...). • 5 Centres fixes • 60 Centres en entreprise, • Une équipe d’experts au service de la Santé au Travail : - Un directeur - Une assistante de direction -U n responsable administratif-Système d’Information et Social -U ne responsable Relations Adhérents -U ne coordinatrice de secteur – responsable Comptabilité générale et fournisseurs -U ne coordinatrice de secteur – référente Qualité/Formation - secrétaire pôle Pluridisciplinarité - 1 0 médecins du travail et 3 médecins collaborateurs - 8 secrétaires médicales - 6 infirmières en santé au travail - 5 assistantes en santé au travail - 1 ingénieur HSE - 1 psychologue du travail - 2 formatrices (Sauvetage Secouriste du Travail, Prévention du Risque lié à l’Activité Physique, Prévention du Risque lié à l’Activité Physique en Sanitaire et Social, Gestes et Postures) - 1 ergonome


AGENDA

ACTU

rents de l’ASMIS Réservé aux adhé me : www.asmis.net) (Santé au travail de la Som

rents du CEDEST Réservé aux adhé rque : www.cedest.net)

(Santé au Travail de Dunke > Les 13 et 27 Novembre 2014 à 8h30 LA ST, QUELLE EVOLUTION DE DE CE DU NT ME RÉ AG EL NOUV SANTE AU TRAVAIL ? ristelle onique Alexandre, directrice, et Ch Petits déjeuners animés par Vén plinaire Asseman, coordonnatrice pluridisci er

1 juillet 2012. du 20 juillet 2011, applicable depuis le loi la de t ulen déco ntes orta imp cées Des avan on de la periodicité des septembre 2014. Il permet une modulati s. 5 le is depu t men agré vel nou un a Le CEDEST on collective suivi infirmier et d’actions de préventi visites d’aptitude, en contrepartie d’un dans l’espace adhérent du site internet. Toutes informations complémentaires Grande-Synthe Lieu : CEDEST - Rue Galilée - 59760

nts de l’AISMT Réservé aux adhéi :re www.aismtcai.com ) (Santé au Travail de Cambra DE LA SANTÉ ! OUVERTURE D’UN CENTRE…RUE

n Interentreprises de Santé et A Caudry, l’AISMT (Associatio veau centre, qui est un modèle Médecine du Travail) ouvre un nou respect de l’environnement. Ce de développement durable et de ville de Caudry et Le Cateau. centre regroupe celui du centre s rendez-vous pour l’AISMT. Prè Modernité et Qualité sont au riés sala 000 35 reprises (sur les de 10 000 salariés et leurs 800 ent de ces nouvelles conditions ier éfic bén que suit l’AISMT) vont bois du plus bel effet, ce centre d’accueil. Conçu avec une ossature g s locales, Il bénéficie d’un parkin a été construit par les entreprise ! nue cun… Bienve de 25 places. Pour le confort de cha

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