Hassan Fathy, offrir un logement économe et écologique pour tous

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Collée-Hernandez Emma Hassan Fathy, offrir un logement économe et écologique pour tous S5SA / Méthodologie de l’écriture Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble

Photo de couverture, Source : © Pottery court stairs roof workshop, RWWAC, Architect Ramses Wissa Wassef, 1962. Photo 2

Introduction Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la Révo lution Industrielle bouleverse la société ainsi que la façon de se loger suite à l’exode rural et l’augmentation exponentielle des populations ouvrières en ville partout en France et en Europe. Les populations rurales émigrent en masse vers les villes, augmentant la superficie de ces dernières.

2 “Social architecture is the conscious design of an environment that encourages a desired range of social beha viors leading towards some goal or set of goals. The environ ment social architec ture influences may be social systems, or digital spaces such as media tools (sometimes synonymous with Web 2.0) and UX strategy. In building de sign it can refer to the architecture of social spaces such as bars and restaurant.” Social Architecture, Wikipédia, source : consultéSocial_architecture,en.wikipedia.org/wiki/https://le21/12/2019, Claudia Gatsby, Social Architecture: A New Approach To Designing Social Spaces, Huffington Post 06/05/2014

La question de l’impact social de l’architecture est alors re mis en avant en s’interrogeant sur les conséquences socié tales de la pensée du logement. Cette conscience de l’im pact de la production des architectes est toujours présente dans les constructions actuelles et dans la vie des populations. Nous pourrions l’appeler une « architecture sociale » car engagée dans une volonté de répondre aux problèmes de la société, tel que le besoin d’offrir un logement décent 1 pour tout le monde. Cependant dans la langue courante, l’expression « architecture sociale » 2 est souvent utilisée pour désigner une architecture destinée à des personnes aux revenus Cependant,modestes.laquestion des inégalités sociales n’est pas la seule forme de conscience architecturale. Nombreux sont les projets architecturaux alliant qualité du logement à des questions d’écologie et d’impact environnemental. C’est par exemple le cas de la Lucy Carpet House, conçue en Alabama en 2002 par Rural Studio. Il s’agit d’un logement à caractère social puisqu’il a accueilli une famille margina lisée qui n’avait pas les moyens de construire un logement 1 En France, les carac téristiques d’un loge ment décent ont été dé finies dans l’article 87 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement ur bains. Elles reprennent des notions minimales de sécurité et de san té des locataires mais aussi de confort, de salubrité et de surface.

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Les habitudes de l’habitat sont bouleversées par le nouveau mode de vie découlant du travail à l’usine.

4 (Figure 1) Rural studio, Lucy Carpet House, source : http://ruralstu dio.org/project/lucy-carpet-house/ (Consulté le 07/12/2019)

décent. Sa construction a eu un impact environnemental re lativement faible du fait de l’utilisation de matériaux recy clés pour la réalisation des murs. Les murs de la maison ont été en effet réalisés à partir de carrés de moquette fournis gracieusement par un fabricant. La production de matière première a ainsi été fortement diminuée. (Voir figure 1)

Ainsi, il incombe à l’architecte une certaine respon sabilité dans la réalité des constructions. Une responsabilité notamment pour les trois thématiques que sont l’écologie, l’architecture sociale et l’économie de ressources. Certains architectes semblent y parvenir comme par exemple Hassan Fathy dans le projet de reconstruction du village de Gourna. Comment répondre à ces trois problématiques simultané ment ? Et quelles sont les liaisons entre elles ? Nous allons ainsi tenter d’apporter des réponses à ces problématiques en deux temps, d’abord en questionnant les relations entre écologie, architecture sociale et éco-res sources, puis en étudiant leurs applications dans le travail de Hassan Fathy. En effet, son travail avec la terre crue, no tamment dans le projet de reconstruction de Gourna est un exemple d’architecture qui semblent relier ces trois sujets.

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Cependant répondre à ces deux thèmes, l’architecture so ciale et l’impact écologique, remet en question notre façon de construire. Si les problèmes environnementaux sont liés à notre surconsommation de ressources, c’est un aspect à prendre en compte pendant la conception d’un projet. Re mettre en cause cette surutilisation des ressources nous en courage à repenser les systèmes constructifs et les logiques de chantier aujourd’hui à l’œuvre. La pensée de l’architecte devrait donc s’aligner sur une logique d’économie de ressources à toutes les échelles du projet.

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Leurs propos s’appuient sur la conscience d’ap partenir à un tout avec lequel il faut vivre en harmonie et non pas en surexploitant les ressources. Selon ces concepts, une approche holistique du projet architectural serait donc essentielle pour limiter l’impact écologique du projet. En effet, la conception et la réalisation d’une architecture High- Tech 5 demande beaucoup plus de moyens financiers, matériels et intellectuels pour être mis en place. Une pensée des systèmes constructifs économie en ressources serait donc la solution à l’impact écologique de la construction.

L’impact écologique, l’architecture sociale et l’économie de ressources

3 STEEL James, « En quête d’une architecture écologique holistique ». Dans Habiter écologique quelles architectures pour une ville durable ? , exposi tion, Paris, Cité de l’ar chitecture et du patri moine, Institut français d’architecture. Paris Acte Sud/ Cité de l’ar chitecture et du patri moine, 2009, pp.35-37.

World atlas, What is High Tech architecture, disponible sur Consultétech-architecture.html,articles/what-is-high-www.worldatlas.com/https://le09/12/2019

4P.35STEEL James, « En quête d’une architecture écologique holis tique ». Dans Habiter écologique quelles architectures pour une ville durable ? , exposi tion, Paris, Cité de l’ar chitecture et du patri moine, Institut français d’architecture. Paris Acte Sud/ Cité de l’ar chitecture et du patri moine, 2009, pp.35-37.

Ainsi, l’économie de ressources parait pertinente pour di minuer l’impact écologique. Elle permet de le limiter. Nous pouvons désormais nous demander pourquoi cette approche est d’autant plus pertinente dans le domaine de l’architec ture sociale, quand l’aspect financier entre en ligne de jeu.

L’économie de ressources comme solution à l’impact écologique Suite à une prise de conscience de l’impact écologique du secteur du bâtiment, une « dichotomie » est apparue dans la manière de répondre à cette problématique de l’impact écologique 3. Elle place au centre du débat le progrès scientifique. S’opposent ici « ceux qui croient que seule la science peut remédier à la dégradation accélérée de la nature à laquelle nous assistons aujourd’hui à ceux qui pensent que, pour agir, nous ne devons recourir qu’à des moyens passifs et non technologiques » 4. Ainsi, trois courants de pensée reprennent ce second positionnement : la phénoménologie, le régionalisme critique et la théorie mimétique.

P.37 5 “High-tech architec ture is an architectural technique characte rized by integrating high-tech industrial and nismturemodernismofasthevementThestructurecomponentstechnologicalintotheofabuilding.architecturalmoemergedin1960sandisseenacharacterizationthetransitionfromarchitectopost-moderarchitecture”

Pourtant le terme « économie » est ainsi défini par le diction naire CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale) : « Art de gérer 6 ». L’économie de ressources serait ainsi simplifiée à l’art de gérer les ressources, et ainsi être un principe applicable à tous projets architecturaux. Nous avons vu précédemment que l’impact écologique d’un bâtiment reposait en partie sur l’utilisation des ressources pendant sa construction. Pour approfondir cette idée nous allons désormais nous intéresser au lien entre architecture sociale et impact écologique et comprendre que ces deux notions ne sont pas seulement liées par leur aspect écono mique. Une architecture qui répond aux inégalités sociales et éconologiques

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En 2003, l’économiste et sociologue Eric Maurin écrit les propos suivants dans un article portant sur les inégalités des enfants en France : 6 CNRTL, définition économie, disponible sur : fr/definition/économie.https://www.cnrtl. le 07/12/2019.

Consulté

Quant à l’expression « économie de la ressource », un terme interpelle : « économie », souvent associée à une réduction des dépenses. En s’intéressant au financement du logement social en France, nous pouvons voir que la contribution majoritaire vient de « prêts ». (Voir figure 2) Le logement social est donc principalement financé par des acteurs pri vés. Etant donnée le fonctionnement du monde capitaliste dans lequel nous vivons, nous pouvons en conclure que le bénéfice économique est une des priorités de ces acteurs privés. Il s’agit dès lors de pourvoir un logement décent en minimisant les coûts de construction. Une des façons d’y parvenir est de réduire les coûts de ressources. Ainsi donc, l’économie de ressources est un système pertinent pour l’architecture sociale.

Architecture sociale et économie de la ressource liées par des enjeux financiers

8(Figure -2 ) Christian Tutin, Le financement du logement social en France : un modèle sans équivalent en Europe. Séminaire franco-coréen Le logement social en France, une expérience centenaire et ses leçons, Mars 2017, Séoul, Corée du Sud. Ce diagramme met en avant les différentes sources de financement du logement social en France. Il y apparait très nettement que plus des trois quarts des contributions viennent de « prêts ». Source : https://halshs.archives-ouvertes.fr/ halshs-01683908/document, consulté le 07/12/2019.

Inégalités entre enfants devant la formation initiale : plus du tiers des enfants appartenant aux 20 % des familles les plus pauvres redoublent dans le primaire, soit un taux d’échec trois fois plus élevé que celui des enfants des 20 % de familles les plus riches. Plus tard, au collège, deux tiers des adolescents des familles parmi les 20 % les plus pauvres sont en échec scolaire contre une toute petite minorité des adolescents des 20 % de familles les plus riches. Au fil de la scolarité et dès le plus jeune âge, des inégalités considé rables se creusent ainsi entre les enfants les plus pauvres et les autres. Point clef, une grande partie des difficultés des enfants des familles pauvres trouvent leur origine dans les mauvaises conditions de logement et la ségrégation urbaine dont ils souffrent. Aujourd’hui encore, un adolescent sur cinq vit dans un logement surpeuplé (au moins 2 enfants par chambre) et le surpeuplement – à origine sociale égale – augmente d’environ 50 % le risque d’échec à l’école » 7 .

Dans son texte, le sociologue français s’interroge sur les systèmes de reproductions des inégalités sociales. Il met ici en avant leur côté cumulatif à travers l’exemple de la réus site scolaire. Le revenu des parents possède un réel impact sur la réussite scolaire des enfants puisque cela influe sur les conditions d’existence comme par exemple l’accès à certaines sorties culturelles.

7 Éric Maurin, « La métamorphose du salariat », Sciences humaines, n° 136, mars 2003, Auteur in connu, « Le caractère cumulatif des inéga lités », Annabac, dis ponible sur : 03/12/2019.galites,tere-cumulatif-des-ineannales-bac/le-caracwww.annabac.com/https://-Consultéle

D’autre part, il parait intéressant ici d’établir un lien entre inégalités sociales et écologiques 8. Dans leur travail, Marianne Chaumel et Stéphane La Branche, deux chercheurs indépendants, étudient la notion d’ « inégalités écologiques », afin de la définir, ils établissent un parallèle entre inéga lités sociales et inégalités écologiques 9. Ces deux notions, l’inégalité sociale et l’inégalité écologique, sont définies comme « complémentaires et en interaction constante ». La notion d’inégalité écologique apparaît comme une conséquence directe de cet entremêlement des problématiques sociales et environnementales. Ceci semble confirmer la nécessité d’aborder la question des inégalités sociales pour traiter celle des inégalités écologiques.

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9 Marianne Chaumel et Stephane La Branche, « Inégalités écolo giques : vers quelle définition ? », Espace populations sociétés, 2008, pp.101-110. Dis ponible sur : journals.openedition.https:// org/eps/2418, Consulté le 07/12/2019.

8 Auteur inconnu, « différences entre indivi dus ou groupes sociaux portant sur des avantages ou des désavan tages dans l’accès à des ressources sociale ment valorisées », SES Webclasse, inégalités sociales, disponible sur : ciales,fr/notion/inegalites-sohttp://ses.webclass.-Consultéle 07/12/2019.

«

Ainsi, si les inégalités sociales sont cumulatives, elles en gendrent des inégalités écologiques. En répondant à des problématiques sociales, l’architecte aurait aussi un impact sur les inégalités écologiques. Pour conclure, l’architecture sociale, l’économie de ressources et l’impact écologique sont intimement liés. Ces trois thématiques peuvent aller de pair en répondant à des problématiques qui se recoupent comme le manque de moyens des futurs habitants, leur volonté d’avoir une certaine qualité de vie. L’économie de ressources permet de limiter l’impact écologique du bâti. L’architecture sociale et économie de la matière ont une relation basée sur l’aspect financier du projet. Enfin, le terme d’inégalité écologique met en avant une inégalité sociale parmi d’autres : la dif ficulté pour les milieux défavorisés à prendre en compte l’aspect environnemental. Ainsi, résoudre les inégalités sociales aurait une influence sur l’impact écologique. Hassan Fathy (1900-1989) est un architecte égyptien. Tout au long de sa carrière, il a tenu une position engagée. Il s’est illustré par sa volonté d’offrir un logement de qualité aux paysans égyptiens en utilisant des briques de terres crue. En 1945, le département des antiquités égyp tiennes le contacte pour reconstruire le village de Gourna, proche de Louxor. Un des enjeux de cette commande est d’éloigner les populations des tombeaux pharaoniques pour éradiquer le pillage. Ce projet n’est cependant jamais ache vé, du fait de la situation politique et sociale, notamment le fait que les habitants étaient opposés au projet. Ce pro jet reste malgré tout un travail majeur de l’architecte dans lequel sont exprimés de nombreux idéaux. Nous allons désormais étudier comment les trois notions clé de cette recherche (l’architecture sociale, l’impact écologique et l’économie de ressources) ont imprégné la conception du projet.

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11Arles.1996.p186Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.p186

Sa vie durant, Hassan Fathy a lutté pour offrir aux paysans égyptiens un logement décent. Pour ce faire, il a repensé le système constructif afin de limiter les coûts de construction.

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Hassan Fathy a donc repenser le système constructif du village de Gourna en se penchant sur la question des savoir-faire traditionnels. Nous allons désormais nous pencher sur l’importance de la tradition dans le travail de l’ar chitecte.

L’économie de matière s’impose donc lors de la conception du projet. Ainsi l’architecte utilise de la terre crue : un matériau bon marché et qui ne nécessite pas de coûts de transport puisque déjà présent sur le site. Une autre source de coûts dans la construction est celle de la main d’œuvre. Hassan Fathy répond à ce problème en formant une main d’œuvre locale 10. En plus de réduire les coûts de construction, cela s’inscrit dans une logique à long terme. « J’espérais aussi que nous pourrions patiemment rétablir les techniques qui fleurissaient jadis dans la région, mais qui se sont perdues […] » 11 .

Architecture sociale, impact écologique et économie de ressources dans le travail de Hassan Fathy à UnGournalogement de qualité malgré le manque de moyens financiers

En effet, en apprenant aux habitants de Gourna à construire leurs propres maisons en terre, l’architecte s’assure de leur qualité de vie sur le long terme. Tout d’abord parce que les villageois sont capables de réparer et entretenir leur loge ment. Ensuite, parce que dans le cas de l’extension d’un logement ou de la construction d’une nouvelle maison, ils pourront utiliser ces savoir-faire traditionnels, solutions à leur manque de moyens financiers.

10 Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud.

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Dans ses différentes prises de position, Hassan Fathy se dé clare en faveur d’un retour aux savoir-faire traditionnels. Il s’élève contre l’importation de systèmes constructifs occidentaux en Egypte. Les techniques de construction qu’il utilise sont celles venues de la tradition égyptienne. Presque disparues aujourd’hui, elles sont cependant encore pré sentes dans certaines régions égyptiennes comme la Nubie. (Voir figure 3). Il s’engage même en faveur de la tradition : « La tradition n’est pas forcement désuète et synonyme d’immobilisme. De plus, la tradition n’est pas obligatoirement ancienne, mais peut très bien s’être constituée récemment » 12. Afin de permettre de trouver des solutions adaptées aux modes de vie locaux, il est important pour un architecte de s’intéresser aux savoir-faire prépondérants selon les régions. Ces traditions reflètent le mode de vie des populations. Ainsi, il est plus aisé de concevoir un logement adapté à leurs be Danssoins. la campagne égyptienne, ces savoir-faire sont souvent associés à une économie de ressources. Par exemple, dans la région de Louxor, il est courant de voir des portes « sabras ». Les motifs qui les constituent sont réalisés à partir de fines lamelles de bois assemblées entre elles. Le bois étant un matériau relativement couteux, c’est une technique de réutilisation qui permet de réaliser des portes à faible coût. (Voir figure 4) Nous avons vu auparavant que l’architecture sociale ne pouvait s’aligner sur un modèle d’architecture high-tech. C’est ce que démontre la construction traditionnelle. Le logement social est souvent synonyme de simplicité, il se réfère à une architecture low-tech et non high-tech pour des questions de moyens. Cependant, il est important que ce manque de moyens n’impacte en rien la qualité de vie des habitants. C’est pourquoi la tradition architecturale évoquée 12 Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud, Arles, 1996, p.59.

L’importance des savoir-faire traditionnels

13 (Figure-3) Maison du village de Dahmit en Nubie. Cette maison a été réalisée en briques de terre crue. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.p. 314

14 (Figure-4) Porte de la grande mosquée de Gourna. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.p314. Crédit : Hassia.

Cet ensemble de traditions constructives témoignent des spécificités de chaque site. Chaque site a des ressources qui lui sont propres, cette différence qui influe sur les loge ments. Dès lors, une similarité apparait entre ces logements. Cela crée une cohésion et un système d’organisation propre au site. Un sentiment d’appartenance peut alors se déve lopper pour la population. Nous allons désormais étudier comment cela impacte sur la question environnementale.

Lors de sa conception du projet du Nouveau Gourna, Hassan Fathy réalise une analyse fine du site. A ces éléments physiques s’ajoutent une dimension sociologique dans le fonctionnement du village.

dans ces propos est importante puisqu’elle offre des solu tions de mise en œuvre des matériaux parfaitement adaptés aux besoins.

13 BERTINI Viola, SAMAR DAMLUJI Salma, Hassan Fathy Earth & Utopia, Laurence King Publishing ltd, 2018. p.187.

En 2018, lors de la parution de leur livre Hassan Fathy Earth and Utopia, BERTINI Viola et SAMAR DAMLUJI. Salma reprenaient la citation suivante : “When we considered the movement of the sun in orientating our buildings to control insolation, and wind movement in securing ventilation, we are introducing a cosmic and geodesic element in our de sign. When we considered human needs, both somatic and spiritual, we are forcibly relating our buildings to this cosmic order on a still higher level than that implied by orientation, we are relating it to that wider universe embodied in a man as a microcosm”

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13 .

Création d’un « microcosme »

Dès lors que ce constat est établi, il parait important pour l’architecte de conserver cet équilibre, ce « microcosme » comme il l’écrit. Une fois la conscience d’appartenir à cet ensemble établi, il convient de le respecter. Pour ce faire le choix d’un impact écologique faible semble évident. Cette intention se retrouve dans plusieurs détails techniques et sont fortement liés à une logique d’économie de ressources.

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Tout d’abord dans le choix de matériaux, puisque la terre est un matériau à impact écologique relativement faible. La brique en terre crue possède bien des avantages de ce point de vue : pas de transport puisque la ressource est présente sur le site, la boue sèche au soleil (sans avoir besoin d’apporter une nouvelle source d’énergie donc) et le matériau est non polluant en cas de destruction du projet. Mais également dans le choix d’orientation des maisons (Figure 5) ou celui d’un système de ventilation passif. On retrouve dans les maisons conçues par Hassan Fathy des Malkafs (capteurs d’air). Nous pouvons d’ailleurs ici noter que c’est un système traditionnel des maisons arabes. (Fi gure 6) Dans son projet de reconstruction de Gourna, Has san Fathy exprime plusieurs principes qui reprennent les thématiques de notre sujet : l’architecture sociale, l’économie de ressources et la diminution de l’impact écologique dans la construction. En construisant en terre crue, il offre un logement économique, écologique et de qualité à des fa milles défavorisées. Son projet d’apparence utopiste se veut d’être un modèle en Egypte. Les concepts devenus réalité sont tirés d’une analyse approfondie du site, de l’organisa tion sociale de l’ancien village de Gourna, des savoir-faire traditionnels, du climat, des ressources disponibles sur place, des demandes du projet, de la relation qu’entre tiennent les paysans avec leurs terres. C’est cette qualité d’observateur, en identifiant les besoins du projet, qui fait le mérite du travail de Hassan Fathy.

Pour conclure, économie de ressources, impact écologique et architecture sociale sont trois enjeux architec turaux profondément liés. En économisant des ressources, l’architecte diminue l’impact écologique. Pour des raisons économiques, l’architecture sociale est associée à l’écono mie de ressources. Enfin, la difficulté de répondre aux

Conclusion

17 (Figure 5) Mur de loggia à Gourna.. Les ouvertures sont orientées face au vent pour permettre une meilleure circulation de l’air. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.

(Figure18 6) Fonctionnement du système des malkaf. Source : Fathy H., Natural Energy and Vernacu lar Architecture, University of Chicago Press, USA, 1986. Blowtext educair, Ventilare, disponible sur : http://www.blowtex-educair.it/Blowtexsoft%20per%20web/etimologia.htm, Consulté le 14/12/2019

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En affirmant sa volonté de loger la paysannerie égyptienne, Hassan Fathy s’est retrouvé confronté à cette complexité. Dans son village du Nouveau-Gourna, ses réflexions autour de l’architecture sociale, de l’économie de ressources et de l’impact écologique ont influencé le choix des matériaux, la revalorisation des savoir-faire locaux ou l’importance don née au site. Le choix de la brique comme matériaux permet d’avoir un impact écologique faible. De plus, sa mise en œuvre bon marché est adaptée au budget du logement social. Le fait de revaloriser le savoir-faire traditionnel permet de se rendre compte que la solution la plus adaptée est sou vent économe en ressources et en moyens financiers. En fin, Hassan Fathy analyse le site pour penser un projet qui s’inscrit dans un ensemble plus grand. Cela permet de dé velopper une certaine conscience écologique. Ensuite, cette analyse permet de définir précisément les ressources du site et le mode de vie de ceux qui y vivent pour leur proposer un logement adapté. Ces diverses réflexions sont l’illustration du fait que la pensée de Hassan Fathy intègre la complexité dans les enjeux architecturaux. Pourtant, malgré tout le travail de réflexion de Hassan Fathy, le village du Nouveau-Gourna n’a pas été entiè rement construit. Cela démontre l’importance du contexte socio-politique dans lequel nous construisons. En clamant sa position d’architecte engagé dans sa volonté de mieux loger le peuple égyptien, Hassan Fathy a tenté d’influencer

enjeux environnementaux par les populations défavori sées peut être considérée comme une inégalité sociale. Construire une architecture qui répond à des critères so ciaux signifie aussi construire une architecture à faible im pact environnemental. Il se dégage ici un modèle de cercle vertueux. Cette relation positive se crée lorsque le projet est pensé comme un ensemble complexe. Chaque détail doit être pris en compte comme appartenant à un ensemble plus grand. Chercher à rendre un projet architectural qualitatif signifie donc réfléchir à tous ces détails. Ainsi, si l’architec ture sociale peut être simple par sa forme, elle se doit d’être complexe dans sa pensée.

20 ce contexte. Même si le projet du Nouveau-Gourna ne peut pas être considéré comme une réussite complète, nous pourrions désormais nous intéresser à l’héritage de cet ar chitecte utopiste. Peut-on lui attribuer une amélioration des conditions de vie dans les campagnes égyptiennes ? Et comment la diffusion de ses idées influence-t-elle la pensée des architectes d’aujourd’hui ?

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Bibliographie

Ouvrages : BERTINI Viola, SAMAR DAMLUJI Salma, Hassan Fathy Earth & Utopia, Laurence King Publishing ltd, 2018 Cité de l’architecture et du patrimoine, Institut français d’architecture, Habiter écologique quelles architectures pour une ville durable ?, exposition, Paris, Paris Acte Sud/ Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009 FATHY Hassan, Construire avec le peuple, éditions Actes sud, Arles, 1996. BRAUNGART Michael, MCDONOUGH William, Cradle to cradle créer et recycler à l’infini, éditions Manifestê, Articles2011. et rapports : STEEL James, « En quête d’une architecture écologique holistique ». Dans Habiter écologique quelles architectures pour une ville durable ? , exposition, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, Institut français d’architecture. Paris Acte Sud/ Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, pp.35-37 Marianne Chaumel et Stephane La Branche, « Inégalités écologiques : vers quelle définition ? », Espace populations sociétés, 2008, pp.101-110. Disponible sur : https://journals.openedition.org/eps/2418, Consulté le 07/12/2019 L’état du mal-logement en France 21e rapport, Fondation Abbé-Pierre, source : 03/11/2019:SmokeConsultésourceLucyProjet_21e_rapport_2016.pdf,fr/documents/pdf/letat_du_mal-logement_en_france_-https://www.fondation-abbe-pierre.Consultéle09/11/2019architecturaux:CarpetHouse,parRuralStudioen2002enAlabama,:http://ruralstudio.org/project/lucy-carpet-house/,le03/11/2019House,parRuralStudioen1994enAlabama,sourcehttp://ruralstudio.org/project/smoke-house/,Consultéle

Tutin, Le financement du logement so cial en France : un modèle sans équivalent en Europe. Sé minaire franco-coréen Le logement social en France, une expérience centenaire et ses leçons, Mars 2017, Séoul, Corée du Sud. Ce diagramme met en avant les différentes sources de financement du logement social en France. Il y apparait très nettement que plus des trois quarts des contri butions viennent de « prêts ». Source : chives-ouvertes.fr/halshs-01683908/document,https://halshs.arconsultéle 07/12/20199 Page 13 : Maison du village de Dahmit en Nubie. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.p. 314 Page 14 : Porte de la grande mosquée de Gourna. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996.p314. Crédit : Hassia. Page 17 : Mur de loggia à Gourna. Source : Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Actes Sud. Arles.1996. Page 18 : Fonctionnement du système des malkaf. Source : Fathy H., Natural Energy and Vernacular Architecture, University of Chicago Press, USA, 1986. Blowtext educair, Ventilare, disponible sur : 14/12/2019Blowtexsoft%20per%20web/etimologia.htm,http://www.blowtex-educair.it/Consultéle

22 Table des illustrations Couverture : © Pottery court stairs roof workshop, RWWAC, Architect Ramses Wissa Wassef, 1962. Photo 2 Page 4 : Rural studio, Lucy Carpet House, source : http:// ruralstudio.org/project/lucy-carpet-house/ (Consulté le Page07/12/2019)8:Christian

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