Else #5 // June 2013

Page 1

ELSE APPLIED

BOOK

COLLECTED

CONTEMPORARY

FOCUS

FOUND

HAUNTED

HISTORY

OBJECT

SERIAL

STILL

MAGAZINE

PHOTOGRAPHY

05 > 9 7 7 2 2 3 5 043008

issue 5, 2013

by Elysée Lausanne

CHF 14.00 | EUR 12.00 | GBP 10.00 | USD 16.95 | JPY 2000.00 | CAD 19.95 | AUD 21.95 www.elsemag.ch


Jacques Henri Lartigue Picasso, 1955 Collection PKB

We share your love for art because we understand its worth. By tradition. PKB Privatbank Lugano Bellinzona Genève Zürich Antigua Panamá

www.pkb.ch

Financial Advisory Asset Management Corporate Banking Mortgages

Partner of the Musée de l’Elysée, Lausanne


Crédits

1 Antidote aux flous Tests de vision édités par la Keystone View Company entre 1930 et 1960 2 Claude Closky, Photos d’écran Galerie Mitterand+Cramer, Genève et Galerie Laurent Gaudin, Paris

Impressum

ELSE est une publication du Musée de l’Elysée. ELSE est publié grâce au soutien généreux du Cercle du Musée de l’Elysée. Le Musée de l’Elysée est une institution du Canton de Vaud. Editeur Musée de l’Elysée 18 avenue de l’Elysée 1006 Lausanne, Suisse

3 X Marks the Spot By various authors 4 Red Dots © 1970 by Südwest Verlag GmbH & Co. KG. München. 5 La Normalité Collection privée

Directeur de publication | Rédacteur en chef Sam Stourdzé

8 Norman Mustill, Twinpak © Nova Press Broadcast / Norman Ogue Mustill

Comité éditorial Jean-Christophe Blaser Yannick Bouillis Florent Brayard Clément Chéroux Joan Fontcuberta Erik Kessels Christoph Schifferli Joachim Schmid Véronique Terrier Hermann

9 Christian Lutz, La Peur de (se) voir © Christian Lutz, de la série In Jesus’ Name, 2013

Secrétariat de rédaction Elsa Frémont

10 Laia Abril, Thinspiration © THINSPIRATION / Laia Abril

Traduction | Relecture Frédérique Destribats

11 Zone d’irréalité Collection privée

Publicité | Relation Presse Julie Maillard julie.maillard@vd.ch

6 Anita Cruz-Eberhard, Digital Ikebanas © Anita Cruz-Eberhard 7 Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières © Mihal Vithkuqi, Ilo Frashëri, Agron Kruti

12 Victor Hasselblad, Le Petit oiseau va sortir © Hasselblad Foundation 13 L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken, Ikeda Publishing, Tokyo 1969 Collection Christoph Schifferli, Zurich Couverture : Robert Mitchum, Thunder Road, 1958 Remerciements Merci à tous les artistes, à tous les auteurs, aux équipes du Musée de l’Elysée et de IDPURE, ainsi qu’à tous ceux qui, par leur aide et leur soutien, ont permis à ce numéro de voir le jour, et plus particulièrement à Sören Gunnarsson, Gunilla Knape, Yannick Lüthy, Bo Myhrman et Cecilia Sandblom.

Abonnements Manuel Sigrist manuel.sigrist@vd.ch Conception | Réalisation This is Not www.thisisnot.ch Caractères Suisse Int’l, swiss typefaces www.swisstypefaces.com Impression | Conseils techniques Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SA Dominique Freymond www.courvoisier.ch Distribution Elsa Frémont elsa.fremont@vd.ch

www.elsemag.ch www.elysee.ch © 2013, droits réservés / Musée de l’Elysée

Les auteurs sont seuls responsables de leurs contributions. En aucun cas, ELSE ne peut être tenu responsable pour les textes, documents et photographies publiés dans le présent volume. La reproduction de tout ou partie de la présente publication, sous toute forme que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite et préalable de l’éditeur.

Imprimé en Suisse

ISSN : 2235-0438


Paolo Woods, State Sebastião Salgado, Genesis Deux expositions au Musée de l'Elysée Du 20 septembre 2013 au 5 janvier 2014 Radio Men Kontre 95,5 FM. Men Kontre (“United Hands” in Creole) is the radio of the Catholic diocese of Les Cayes. Sister Melianise Gabreus is one of the stars of the radio. Even if there are no official figures, father Elysee, who runs the radio, affirms that Sister Melianise’s program on daily life advice is extremely popular among listeners. More than 50 percent of Haitians are illiterate, and only 25 percent have regular access to electricity. But 90 percent listen regularly to the radio. Les Cayes, Haiti.

État de Vaud Musée de l’Elysée 18, avenue de l’Elysée CH - 1006 Lausanne


Editorial Je veux voir Des usages multiples de la photographie, il en est un qui rassemble des pratiques aux finalités disparates. C’est le « Je veux voir », exigence clamée par les photographes, qu’ils soient artistes, amateurs ou scientifiques. Chez le regardeur, la revendication est plus globale : « Je veux tout voir », comme si le tout garantissait la liberté de voir. Le diffuseur, lui, oppose sa volonté de contrôle à la liberté du regardeur, de l’enjolivement des images jusqu’à leur censure. C’est la lutte des images dans un trio avec l’auteur, le diffuseur et le regardeur. C’est une question de pouvoir et de révolte. Le pouvoir central installe le photographe officiel des frontières mais l’usage privé de la photographie lui est formellement interdit 7 , tandis que le pouvoir de la presse retouche avant publication ses photographies de cinéma 11 . Ici, on efface un personnage, là, on recadre, on sélectionne ce que l’on veut donner à voir. La fabrique des icônes modernes est en marche, de la propagande au glamour… Mais les images se révoltent et, avec elles, leurs auteurs. Si la partie se joue sur le terrain de la possibilité de voir, alors c’est tout le régime de diffusion qui est repensé, comme dans ces autoportraits de jeunes filles anorexiques postés en ligne 10 . Ils s’échangent, se commentent, hors des canaux habituels de diffusion. Comme ce travail sur une église évangélique dont une décision de justice vient d’interdire la diffusion 9 . Mais déjà le photographe réagit en barrant ses images du texte de la plainte. La liberté de voir s’exerce comme un contrepouvoir. Faut-il donc à ce point avoir peur des images pour en réclamer le contrôle ? Comme cet animal qui se passerait bien de l’ajout d’un point rouge sur sa photographie 4 . C’est la désignation de la zone de tir, le signe de l’impact mortel. Sans lui, il gambade, avec, il meurt. La photographie, et plus encore l’usage que l’on en fait, est le marqueur d’une époque, le révélateur de notre relation à l’autre, au monde et à nousmême. En témoigne cet album de famille qui porte en lui l’horreur 5 . Pétrifiés, on se dit que ce n’est pas des images dont il faut avoir peur. Sam Stourdzé

I Want to See One of the multiple uses of photography brings together practices with contrasting purposes. It is the “I want to see”, claimed by many photographers — whether scientific, amateurs or artists. For the beholder, the claim is more global : “I want to see everything”, as if this everything warranted the freedom to see. The distributor, for his part, opposes his will to control to the beholder’s freedom, from the embellishment of images to their censorship. This is the struggle of images in a trio with the author, the distributor and the beholder. This is a matter of power and rebellion. The central authorities establish the official photographer of the borders, yet strictly forbidding him any private use of photography 7 , while the power of the press retouches his cinema stills prior publication 11 . A character erased here, some cropping there, selecting what will be made visible. The factory of modern icons is on its way, from propaganda to glamour… But images rebel, along with their authors. If the game is to be played on the field of the possibility to see, then the whole distribution system is rethought, as with these self-portraits of anorexic young girls posted on line 10 . They are exchanged, commented, away from the usual distribution channels. As with this series about an Evangelical church, the publication of which was recently prohibited by a court decision 9 . Already, the photographer has reacted by crossing out his images with the text of the complaints lodged. The freedom to see operates as a force of opposition. Should the fear of images justify reclaiming their control ? As with this animal, which could certainly do without this red dot added over its photograph 4 . It designates the shooting target, the sign of the deadly impact. Without it, it can gambol ; with, it dies. Photography, and much more so the use that we make of it, is the marker of an era, the revealer of our relationship with the other, the world, and ourselves. As reflected in this family album that bears horror in it 5 . Petrified, we think to ourselves that it is not images we should be afraid of. ELSE 5


CatĂŠgories

Applied 1

4 11 13

focus 2 5 7 12

object 1

2

5

Book 4 8 13

Found 3 10

Serial 2 3 6 9 12

Collected 1

11

HAUNTED 2 3

still 11

Contemporary 2 6 7 9 10

History 5 7 12


Sommaire 1 p. 6

Antidote aux flous Applied | Collected | Object 2 p. 16

Claude Closky, Photos d’écran Contemporary | Focus | Haunted | Serial 3 p. 22

X Marks the Spot Found | Haunted | Serial 4 p. 28

Red Dots Applied | Book 5 p. 35

La Normalité Focus | History | Object 6 p. 42

Anita Cruz-Eberhard, Digital Ikebanas Contemporary | Serial 7 p. 48

Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières Contemporary | Focus | History 8 p. 56

Norman Mustill, Twinpak Book

9 p. 60

Christian Lutz, La Peur de (se) voir Contemporary | Serial 10 p. 66

Laia Abril, Thinspiration Contemporary | Found 11 p. 70

Zone d’irréalité Applied | Collected | Still 12 p. 78

Victor Hasselblad, Le Petit oiseau va sortir Focus | History | Serial 13 p. 84

L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken Applied | Book

ELSE 5


Ella Maillart, Descente du col de Djengart, Kirghizie soviétique, 1932 © Fonds Ella Maillart/Musée de l’Elysée

A travers les collections du Musée de l’Elysée Photographies d’Ella Maillart « Voyage en Asie centrale » Exposition du lundi 27 mai au vendredi 28 juin 2013 de 8h30 à 17h30 (fermé le samedi et dimanche). Entrée libre. UBS SA Place St-François 16 Lausanne

Nous n’aurons pas de répit www.ubs.com © UBS 2013. Le symbole des clés et UBS font partie des marques protégées d’UBS. Tous droits réservés.


© Marcel Imsand, Collection Musée de l'Elysée, Lausanne

Partenaire de vos loisirs comme de vos projets d’avenir Retraites Populaires est partenaire de la Nuit des images qui aura lieu les 27 et 28 juin 2013 dans les jardins du Musée de l'Elysée à Lausanne. A l'occasion de la troisième édition, Retraites Populaires s'associe en particulier à la Nuit des enfants qui propose un programme pédagogique et ludique à découvrir en famille. www.retraitespopulaires.ch

Votre avenir, notre mission.


applied Contemporay collected Serial 1

object

Antidote aux flous Présenté par Werner Kühler

Diplopie, amblyopie, asthénopie, ou exophorie, déficience de la stéréopsie, problèmes de convergence ou de fusion, défaut de focalisation, d’accommodation et de coordination… C’est pour détecter, voire corriger quelquesunes de ces anomalies oculaires que les tests de vision reproduits ici ont été mis au point dès les années 1930 par l’un des plus importants éditeurs de vues stéréoscopiques, la Keystone View Company. Rendus obsolètes par les progrès de l’ophtalmologie, privés du « telebinocular » qui permet de les visionner, ces tests nous apparaissent aujourd’hui comme un extraordinaire répertoire de formes abstraites et d’images incongrues. Clément Chéroux

6

Antidote aux flous

Diplopia, amblyopia, asthenopia, or exophoria, stereopsis deficiency, converging or fusion problems, lack of focus, accommodation or coordination… The vision tests reproduced here were devised from the 30s on by one of the major stereoscopic views publishers, Keystone View Company, in order to detect and even cure some of these visual impairments. Made obsolete with ophthalmological advances, deprived of the “telebinocular” enabling their viewing, they could be regarded today as an extraordinary repertory of abstract forms and incongruous images. Clément Chéroux


ELSE 5


Applied

8

Collected

Object


Antidote aux flous

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Applied

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Collected

Object


Antidote aux flous

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Applied

12

Collected

Object


Antidote aux flous

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Applied

14

Collected

Object


Antidote aux flous

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contemporary focus 2

haunted

Serial

Claude Closky Photos d’écran Présenté par Véronique Terrier Hermann

Claude Closky est un artiste à la fois régulier et singulier. Très tôt interpellé par le vaste territoire des bases de données chiffrées et visuelles, il s’est intéressé avant tout à ces formes de diffusion et de représentation médiatiques qui assurent la visibilité du quotidien. À la manière de Bouvard et Pécuchet, il s’essaie dès lors à rassembler ces lots innombrables de chiffres et d’images. En 1989, il publie Les 1000 premiers nombres classés par ordre alphabétique, puis Les 365 jours de l’année 1991 classés par ordre de taille, les Trois mille quatre cent quinze vendredis 13, en 1992, et le Calendrier lunaire en 2013. Toutefois, on ne saura jamais ce qui poussa l’artiste, le 1er janvier 2001, à 1 heure et 1 minute du matin, à prendre une photographie de son écran d’ordinateur. Est-ce que, alerté par cette conjonction de facteurs temps, il aura été pris d’un léger vertige à cet instant infime où les chiffres opèrent leur magie ? Il réalisa alors — comme pour cet examen appelé fond de l’œil —, un travail d’auscultation, par la photographie, du fond de l’écran. C’est à partir de cette première révélation que l’artiste ne manquera aucun rendez-vous avec ce genius loci de nos écrans. Il constituera ainsi une collection inédite d’images, blanches, neutres, diaphanes, très délicatement traversées par leur aura ou autres spectres…

Le 1er janvier 2001, 1h01

16

Claude Closky, Photos d’écran

Claude Closky is an artist both regular and singular. Very early on fascinated by the vast territory of quantified and visual databases, he focused primarily on these forms of media diffusion and representations providing visibility to the quotidian. In a style reminescent of Flaubert’s Bouvard and Pécuchet, he thus tried to collect these innumerable lots of figures and images. In 1989, he publishes The first 1000 numbers classified in alphabetical order, then The 365 days of 1991 classified by size, Three thousand four hundred and fifteen Fridays 13 in 1992, and the Lunar Calendar in 2013. However, we’ll never know what drove the artist to take a photograph of his computer screen on January 1st, 2001, at precisely 1:01 a.m. Could it be that, alerted by this conjunction of time factors, he was caught in a slight dizziness caused by that minute moment during which numbers operate their magic ? He thus proceeded with an auscultation of the fundus of the screen through photography, comparable to the eye fundus examination. As a result of this first revelation, the artist will miss none of his appointments with our screens’ genius loci, thus compiling an original collection of images — white, neutral, diaphanous, very delicately penetrated by their aura or other spectres...


Le 2 février 2002, 2h02

ELSE 5


Contemporary

18

Focus

Haunted

Le 3 mars 2003, 3h03

Le 4 avril 2004, 4h04

Le 5 mai 2005, 5h05

Le 6 juin 2006, 6h06

Serial


Claude Closky, Photos d’écran

Le 7 juillet 2007, 7h07

Le 8 août 2008, 8h08

Le 9 septembre 2009, 9h09

Le 10 octobre 2010, 10h10

ELSE 5


Contemporary

Le 11 novembre 2011, 11h11

20

Focus

Haunted

Serial


Claude Closky, Photos d’écran

Le 12 décembre 2012, 12h12

ELSE 5


found 3

X Marks the Spot PrĂŠsentĂŠ par Joachim Schmid

22

haunted

X Marks the Spot

Serial


ELSE 5


Found

24

Haunted

Serial


X Marks the Spot

ELSE 5


Found

26

Haunted

Serial


X Marks the Spot

Dallas, Dealey Plaza. Le lieu où John F. Kennedy a été assassiné est une véritable étape touristique. Deux X géants sur le bitume marquent l’endroit où le président a été mortellement atteint – au milieu de la bretelle d’accès à l’autoroute. De nombreux visiteurs attendent le passage des voitures pour courir sur l’un des X, se prendre en photo, et quitter rapidement la bretelle. Certaines de ces images finissent sur des sites en ligne de stockage d’images comme Flickr, sur lesquels on trouve aussi des légendes comme celle-ci: «Je ne sais pas pourquoi j’ai ressenti ce besoin pressant de me tenir debout près de ce X mais, comme tout le monde, il m’a semblé que c’était la chose à faire.» Au cas où quelqu’un se serait posé la question.

Dallas, Dealey Plaza. The site where John F. Kennedy was assassinated is a major tourist magnet. Two giant X’s on the pavement mark the spot where the president was fatally shot – in the middle of a freeway on-ramp. Many visitors wait for a gap in traffic, hurry to one of the X’s, get their photos taken, and leave the road before the next car arrives. Some of those photos end up on online photo hosting sites such as Flickr where we also find captions like this one: “I don’t know why I felt the need to stand by the X but judging from everyone else, it would appear to be the thing to do.” Just in case anyone should have wondered.

ELSE 5


applied 4

book

Red Dots Présenté par Erik Kessels

Les ouvrages de références, les livres éducatifs ou les manuels d’utilisateurs ont toujours constitué une grande source d’inspiration pour trouver des images peu communes. Souvent, ces ouvrages servent à raconter des histoires en images, des images très utiles, donc. Extraire ces images de leur contexte original en modifie soudain le sens. Dans ce cas précis, les images proviennent d’un manuel de chasse, et plus précisément pour améliorer son efficacité à la chasse. Dans le contexte de cet ouvrage, le point rouge indique au chasseur la cible idéale. Cependant, hors de ce contexte, ces images d’animaux sauvages associées à de simples points rouges deviennent subitement une référence esthétique aux premières œuvres de John Baldessari. Ce point rajouté est un tel élément graphique dominant qu’il confère une touche romantique à l’image, tout en supprimant la violence du propos initial. De nombreux artistes et photographes réalisent aujourd’hui de fantastiques travaux, mais il se trouve encore tant de trésors cachés dans ces documentations que l’on peut trouver sur les rayons des bibliothèques ou dans les librairies d’occasions poussiéreuses. Cherchez-les.

28

Red Dots

Reference books, instructional books and users manuals have always been a big inspiration to find unusual imagery. Often, these books are used to show and tell certain stories through photographs, thus very useful photographs. By removing these images from their original context, they suddenly change meaning. In this case the images come from a book about hunting, and specifically about how to hunt efficiently. The red dot in the context of the book gives the hunter the ideal target point. However outside the context of the book, these images of wild animals combined with the simple red dots suddenly represent an aesthetic referring to John Baldessari’s earliest works. The dot is such a dominant added graphic element that it somehow romanticizes the image while taking away its initial brutal purpose. There are many artists and photographers making wonderful new work nowadays, but there are so many more hidden treasures to be found in such reference material in libraries and dusty second-hand bookstores. Go find them.


ELSE 5


Applied

30

Book


Red Dots

ELSE 5


Applied

32

Book


Red Dots

ELSE 5


Applied

34

Book


focus 5

history

object

La Normalité Présenté par Florent Brayard

On y voit ce que l’on veut : un certain bonheur allemand, un certain ennui allemand, une certaine normalité allemande. Une famille allemande part brièvement à la campagne dans les années 30 : au nombre de robes de la petite fille, on dirait trois ou quatre jours. L’enfant est le cœur de l’album, conçu pour qu’elle puisse se souvenir toujours, elle qui est trop petite encore pour que ces journées où il ne se passa rien d’important s’inscrivent durablement dans sa mémoire. C’était sans doute à l’occasion d’une visite aux grands-parents, un couple bourgeois dans un cas, et l’on aura fait une excursion ; une dame seule, peut-être veuve et sans doute moins aisée dans l’autre. Le père a bien préparé le voyage. Il a acheté plusieurs pellicules —  il y a 55 photos au total et, comme beaucoup ne sont pas réussies, il est probable que peu ont été jetées. C’est lui qui tient l’appareil, sauf quand il le passe une ou deux fois à son épouse, pour être à son tour dans l’image. Le voyage s’est terminé à Berlin, puisque l’album se clôt sur une photographie du château de Charlottenburg, prise comme pour finir la pellicule et la donner plus vite à développer. On n’est pas sûr que, dans l’album, les images aient été collées dans le bon ordre. Il y a des tentatives de panoramique et tous les poncifs de la photographie amateur. L’homme a de grosses lunettes d’écaille. C’est peut-être un intellectuel — ou un comptable. On ne sait pas. Tous sont morts. On trouve des dizaines d’albums similaires sur les marchés aux puces de Berlin, pour trois sous. L’ennui photographique en somme.

La Normalité

It can be considered any which way : a sense of some German happiness, some German boredom, some German normality. In the 30s, a German family leaves for a short journey to the countryside : judging from the number of the little girl’s dresses, one would guess three or four days. The child is at the heart of this album, so she can always remember — as she is still too young for these days when nothing of importance occurred to be durably inscribed in her memory. It might have been on the occasion of a visit to the grandparents, a bourgeois couple in one case, and they will have done an excursion ; a single woman, maybe a widow, and probably less wealthy on the other. The father has prepared the journey. He bought several rolls of film —  there are 55 photographs in total and it is likely that few of them were discarded since a number of them are not that good. He is the one holding the camera, except on one or two occasions when he hands it to his wife, so he can also be in the picture. The journey ended in Berlin, as the album closes on a photograph of Charlottenburg castle, taken as if to finish the roll of film in order to have it quickly processed. It is uncertain whether the images in the album were pasted in the proper order. There are some tentative panoramic views and other typical amateur clichés. The man has large tortoiseshell glasses. He may be an intellectual — or an accountant. No one knows. They are all dead. Dozens of similar albums can be found in Berlin’s flea markets for a dime or so. In other words, photographic boredom.

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Focus

36

History

Object


La Normalité

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Focus

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History

Object


La Normalité

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Contemporary

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Haunted


La Normalité

L’ennui photographique : on a pris l’album, on l’a feuilleté et on l’a reposé. Puis on y revient. Une image ne colle pas. Bien sûr, il y a aussi des photographies de paysage, puisque la nature est si belle autour de Berlin au printemps, et une du château de Charlottenburg qui est, après tout, un monument remarquable, mais pourquoi ce panneau, et pourquoi a-t-il été disposé seul sur la page ? Juden ist die Luft in Buckow unzuträglich ! « À Buckow, l’air est malsain pour les juifs. » Alors, comme à chaque fois, on s’interroge, c’est insondable : il y a une brèche dans l’idée que nous nous faisons du monde ; le nazisme est cette brèche. Juden ist die Luft in Buckow unzuträglich ! C’est là une phrase pour Victor Kemplerer, le philologue juif rescapé qui, mieux que nul autre, a su décrire la Lingua Tertii Imperii, la langue tordue, pervertie, du IIIe Reich. Elle renvoie à cette autre phrase que, selon la légende, son médecin avait dite un siècle plus tôt à Frédéric-Guillaume IV de Prusse : « Majesté, à Buckow, les poumons marchent sur du velours. » Buckow, au climat doucereux, est un lieu de villégiature pour les artistes en tous genres, peintres, poètes ou musiciens, venus de Berlin pour trouver l’inspiration. Après 1933, les peintres, poètes et musiciens juifs ne sont plus bienvenus à Buckow. Ni les autres juifs. Cela, on le sait. Cela et tout le reste aussi, malheureusement. Ce qu’on n’arrive jamais à comprendre, c’est comment le nazisme s’incarnait, se vivait —  comment avoir pu être nazi. Qu’est-ce qu’on immortalise en photographiant le panneau à l’entrée de Buckow ? Le bon mot ? Une œuvre de salubrité publique en train d’être accomplie ? Les juifs dehors ! et on était d’accord avec ça ? Ce n’est pas la Shoah. On n’a pas encore tué des juifs par milliers dans les fosses ukrainiennes ou baltes, on n’en a pas encore gazé à Auschwitz. Mais ça y mène, et nous, nous le savons. Sans l’antisémitisme du peuple allemand, si savamment cultivé par Goebbels et les autres, Auschwitz n’aurait pas pu avoir lieu. Le crime a été rendu possible par le fait qu’il était normal et souhaitable et encouragé, et aussi à la mode et même dans le sens de l’histoire, d’être antisémite. Et bien peu y ont résisté. On ferme l’album, on se dit que l’histoire est finie. Elle n’est jamais finie. Parce que la petite fille a grandi et qu’elle a gardé l’album, intact, jusqu’à sa mort. Si elle a 5 ans en 1935, elle en a 15 en 1945. Elle a fini par savoir, et ses parents aussi, que tous les juifs ont été assassinés, les juifs allemands comme les autres. Après coup, la photographie amusée du panneau de Buckow, c’est comme un permis de tuer délivré par avance. Et personne n’a songé à la faire disparaître. Nous ne savons pas si l’antisémitisme de ses parents, documenté par l’album, a jamais gêné l’enfant choyée ou si elle l’a porté comme une malédiction. Mais nous savons que le nazisme est pour toujours une pierre dans notre jardin à nous, dans la simple idée d’un jardin — et une insulte même pour les pierres, qui après tout n’ont rien fait, et dont aucune n’a jamais pu être à ce point hideuse.

Photographic boredom : we picked up the album, leafed through it, and put it back down. Then we return to it. An image does not fit. Of course, there are also landscape photographs, as nature is so beautiful in the Spring around Berlin, and one of Charlottenburg castle — after all, a remarkable monument. But why this road sign ? And why is it the only image on the page ? Juden ist die Luft in Buckow unzuträglich ! “The air is unhealthy for Jews in Buckow”. So, as usual, we wonder, it is unfathomable : there is a breach in our idea of the world. Nazism is that breach. Juden ist die Luft in Buckow unzuträglich ! Here is a sentence for Victor Kemplerer, the surviving Jewish philologist who knew, better than anyone, how to describe the Lingua Tertii Imperii — the warped, perverted language of the Third Reich. It refers to a famous opinion reportedly expressed a century before by his doctor to Frederick William IV of Prussia : “Your Majesty, lungs are walking on velvet in Buckow.” Buckow and its syrupy climate is a vacation resort for artists of all kinds, painters, poets or musicians, arriving from Berlin to find their inspiration. After 1933, Jewish painters, poets, and musicians are no longer welcome in Buckow ; nor are any other Jews, for that matter. We know this, this and all the rest as well, unfortunately. What we never manage to grasp is how Nazism was lived, embodied — how can one become a Nazi. What is being immortalized when photographing this road sign at the entrance of Buckow ? The quip ? A public health protection measure being implemented ? Jews out ! And everyone agreed to that ? This is not the Shoah ; Jews have not yet been killed by the thousands in Ukrainian or Baltic pits ; gas chambers are not yet operating in Auschwitz. But it is headed that way, and we know it. Without the anti-Semitism of the German people, so carefully cultivated by Goebbels and the others, Auschwitz could not have happened. The crime was made possible by the fact that it was normal and desirable and encouraged, and also in fashion, and even in the flow of history, to be anti-Semitic. Well, few have resisted. We close the album and tell ourselves that the story is over. It is never over. Because the little girl has grown up, and because she has kept the album, intact, until her death. If she is 5 in 1935, she is 15 in 1945. Finally, she has found out, as well as her parents, that all the Jews have been murdered, whether or not German. After the fact, the amused photography of the Buckow sign is like a license to kill delivered in advance. And no one has considered removing it. We do not know whether the parents’ anti-Semitism, documented through the album, has ever disturbed the pampered child or if she wore it like a curse. But we do know that Nazism is forever a stone in our very own backyard, in the simple idea of a backyard — and an insult even to stones, which, after all, have done nothing, as none of them could ever be so utterly hideous.

ELSE 5


Contemporay Serial 6

Anita Cruz-Eberhard Digital Ikebanas Présenté par Sam Stourdzé

La série Digital Ikebanas s’inspire de l’art traditionnel japonais de la composition florale, une discipline du zen apparue au VIIe siècle. Les arrangements d’Anita Cruz-Eberhard suivent les règles de la discipline : composition sculpturale minimaliste aux lignes gracieuses, associant des formes et espèces naturelles variées. Anita Cruz-Eberhard fait partie de cette génération d’artistes travaillant sur le thème de l’appropriation, domaine qui s’est largement étendu grâce au réseau Internet et à la photographie digitale. Ses compositions florales, qu’elle qualifie de « trompe-l’œil », témoignent du caractère illusoire de l’authenticité photographique. Elles sont réalisées à partir d’images collectées dans des bases de données en ligne des départements de biologie d’universités internationales. Malgré leur caractère réaliste — depuis la reproduction des végétaux jusqu’à l’arrangement des compositions —, ces ikebanas n’existent que sous la forme d’images digitales ou de tirages photographiques, et explorent la relation entre artifice et nature. Anne Lacoste

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Anita Cruz-Eberhard, Digital Ikebanas

The series Digital Ikebanas is inspired by the traditional Japanese art of floral composition, one of the disciplines of Zen appeared in the 7th century. Anita Cruz-Eberhard’s arrangements strictly abide to the rules of the discipline : a gracious minimalist sculptural composition combining a variety of natural forms and species. Anita Cruz-Eberhard belongs to a generation of artists working on appropriation, a field to which the rise of the Internet and digital photography has greatly contributed. Her floral compositions, qualified as “trompe-l’œil”, bear witness to the illusory nature of photographic authenticity. They are realized with a variety of images collected on the online databases of biology departments of international universities. In spite of their realistic nature —  from the reproduction of plants through composition arrangements —, these Ikebanas exist only in the form of digital images or prints, and explore the links between artifice and nature. Anne Lacoste


ELSE 5


Contemporary

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Haunted Serial


Anita Cruz-Eberhard, Cruz, Anekas Digital Ikebanas

ELSE 5


Contemporary

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Serial


Anita Cruz-Eberhard, Digital Ikebanas

ELSE 5


contemporary focus 7

history

Anouck Durand Mihal, photographe des frontières Présenté par Véronique Terrier Hermann

Historienne de formation, la photographe Anouck Durand a gardé un réel goût pour les archives. Après avoir troqué la rigueur de l’historien pour la liberté du narrateur, elle se donne tout loisir pour tricoter ou détricoter les mailles de l’histoire, notamment en réinvestissant les histoires des autres. Elle prend pour base leurs albums de photos, images jaunies et oubliées qu’elle va rechercher, collecter, dépoussiérer des malles familiales ou des fonds photographiques remisés, oubliés, écartés, ou réellement effacés, comme en témoignent ces nombreux albums évidés. Une fois rassemblées ces photographies anonymes mais aussi officielles — par trop signées par un pouvoir autoritaire —, elle mène sa propre enquête afin de rédiger des nouvelles ou des romans-photos qui retracent le parcours de ces photographes officiels où se mêlent histoire publique et histoire privée. Ainsi, pour cette nouvelle, Mihal, photographe des frontières, Anouck Durand s’est vu confier un premier album de photos réalisé sous le régime communiste albanais. À force d’en tourner et retourner les pages, elle veut en savoir plus. Elle contacte la famille, fouille ce qu’il reste des fonds personnels, croise cet album avec d’autres, mais aussi avec des publications de l’époque. Dénouant le fil de l’intrigue, elle rédige son histoire sur le ton familier de celui qui a compris. Et, au-delà de l’intérêt pour ces images, elle nous raconte l’histoire d’un photographe de propagande pris dans le paradoxe de sa charge officielle et de son quotidien.

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Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières

The photographer Anouck Durand maintained a deep interest for archives from her training as a historian. Having swapped the rigor of the historian for the freedom of the narrator, she feels at leisure to stitch and unstitch history, notably by reinvesting the stories of others. She starts out with their photo albums, forgotten, worn out images that she seeks, collects, unearths from old family trunks or from archival funds fallen into oblivion or even erased, as the many albums with missing images show. After collecting these anonymous, yet official photographs — as they are signed by an authoritarian power —, she conducts her own investigation in order to write short stories or photonovels, tracing back these official photographers’ routes that blend both public and private history. So, for this short story entitled Mihal, Photographer of the Borders, Anouck Durand was entrusted with a first photo album realized under the Albanian communist regime. Turning the pages over and over again, she wants to know more. She contacts the family, searches into what is left of the personal archives, cross-checking this album with others and period publications. Unstitching the narrative thread, she relates her story with the familiar tone of the one who has understood. And, beyond the interest for these images, she tells us the story of a propaganda photographer trapped into the paradox of his official position and his quotidian.


A Korça, Albanie, une ville d’environ 60 000 habitants, les photographes appartenaient à deux groupes distincts: les photographes de coopérative (au nombre de 16, ils étaient au « service de la population », en charge des photographies de famille) et les photographes d’usine (l’usine de chaussures et le combinat textile), responsables de la photographie d’émulation qui mettait en scène les ouvriers les plus méritants.

In Korça, Albania, approximately 60,000 inhabitants, photographers belonged to two distinct groups : cooperative photographers (16 photographers “dedicated to the population,” in charge of photographing families), and factory photographers (shoe factory and textile conglomerate), practising an emulating photography, staging the most deserving workers.

Deux photographes étaient isolés : le photographe Two photographers were isolated : the judicial judiciaire et Mihal Vithkuqi, « photographe photographer, and Mihal Vithkuqi, “Photographer des frontières ». of the Borders.”

ELSE 5


Contemporary

Focus

History

Le livre d’or

Guestbook

En 2010, je rencontre ta famille qui me confie un livre d’or. En albanais, « livre d’impressions ». Toutes tes expositions ont pour titre « sur la frontière ». C’est aussi ton titre: Mihal Vithkuqi, photographe des frontières. Tu travailles dans une zone interdite d’accès à la population. Cette zone vous sépare de vos ennemis, les monarchofascistes grecs et les sociaux-traîtres yougoslaves.

In 2010, I meet your family and they entrust me with a guestbook. In Albanian : “Book of Impressions”. Each of your exhibitions is entitled “On the Border”. It is also your title : Mihal Vithkuqi, Photographer of the Borders. You work in a strictly restricted area. This zone stands between you and your enemies, the Greek fascist monarchists, and the Yugoslav social-traitors.

Le 23 mai 1982 Mihal représente de façon tout à fait réaliste l’esprit de sacrifice inculqué par le Parti pour protéger les frontières de notre patrie afin de conserver intact notre projet de construction du socialisme. Je remercie Mihal pour sa venue dans notre ville, et je pense que cette exposition est d’un haut niveau artistique. Page 1 du livre d’or

23 May 1982 In the most realistic ways, Mihal represents the sense of self-sacrifice, trained by the Party to protect the borders of our Homeland in order to preserve our project for a Socialist construction. I do thank him for visiting our town, and I believe this exhibition was of high artistic level. Page 1 of the guestbook

Le 27 mai 1982 Merveilleuse exposition qui illustre parfaitement la lutte et l’esprit de sacrifice de notre peuple contre l’ennemi et, surtout, la grande vigilance des travailleurs envoyés par le Parti et le camarade Enver Hoxha pour protéger nos chères frontières. Camarade Mihal est un merveilleux propagandiste, il récolte du matériel et ne rechigne jamais à expliquer sa façon de travailler. Il a une grande force de persuasion et inspire l’enthousiasme et la fierté. Son travail est un exemple pour nous tous. Page 7 du livre d’or

27 May 1982 A marvelous exhibition that clearly shows the struggle and sense of sacrifice of our people against the enemy, and most of all, the high vigilance of the workers sent over by the Party and comrade Enver Hoxha to protect our dear borders. Comrade Mihal is a marvelous propagandist; he picks up material and is always willing to explain his working method. He is highly convincing, inspiring enthusiasm and pride. His work is an example for all of us. Page 7 of the guestbook

Pour retrouver ce que tu exposais, j’ai cherché tes photographies dans les magazines de cette époque. Les soldats vigilants, prêts à défendre la patrie étaient nombreux ; et ils étaient souvent photographiés.

In order to find what you exhibited, I searched for your photographs in period magazines. There were many vigilant soldiers, ready to defend the Homeland ; and they were often photographed.

Visitors always write the same things and repeat Tous les visiteurs écrivent la même chose et répètent that your work is of high ideological artistic level que ton travail est d’un haut niveau idéologique and that you are successful in showing soldiers’ et artistique et que tu parviens à montrer la vigilance vigilance. But I cannot find the photographs des soldats. Mais je ne retrouve pas les photothe book is referring to. All the photographs of graphies dont parle ce livre. Toutes les photos the exhibition have been destroyed when de tes expositions ont été détruites à la fin du régime. the regime collapsed. So Mihal, what have you Alors, Mihal, qu’as-tu photographié ? photographed?

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Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières

ELSE 5


Contemporary

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Focus

History

L’album frontière Je trouve chez toi un album de photos qui n’ont jamais été publiées ou exposées. Il documente les captures réalisées par les gardes frontière. Mais il est loin d’être complet; ta famille reconnaît avoir détruit très récemment une partie de ces photos.

The album of borders At your home, I find an album, the photographs of which have never been published or exhibited. It documents the border guards’ catches. But it is incomplete; your family admits to having recently destroyed part of these photographs.

Dans les légendes, il est question des arrestations des « transgresseurs des frontières ». Le mot désigne les traîtres qui veulent quitter le pays.

The captions mention the arrest of “border trespassers”. The word designates traitors who want to leave the country.


Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières

Celles qui n’ont pas été détruites sont accablantes. Those that haven’t been destroyed are overwhelming.

Cet album était à usage de l’armée uniquement. Les visiteurs de tes expositions n’ont jamais vu ces photos-là. On voit clairement qu’au lieu de vous protéger des espions qui tentent d’infiltrer le pays, les gardes frontière sont les gardiens d’une prison: l’Albanie. Ceux qui tentent de s’enfuir sont fusillés ou déportés dans des villages de «relégation», ils ne réapparaissent jamais.

This album was for military purposes only. Visitors to your exhibitions never saw such images. It appears clearly that rather than protecting from spies attempting to infiltrate the country, border guards are the wardens of a prison: Albania. Those who try to escape are either shot down or deported to “relegation” villages. They will never reappear.

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Contemporary

Focus

History

Seule une boîte de pellicule a échappé à la destruction de ton laboratoire.

Only one box of film escaped from the destruction of your laboratory.

J’y trouve bien des militaires et des mitrailleuses

The film shows many soldiers and shot guns but, this time, they all are smiling and relaxed.

mais, cette fois, les voilà souriants et détendus.

Lorsque l’on croit assister à une chasse à l’homme, When one is led to believe that it is a manhunt. It is actually staged… c’est une mise en scène… And it amuses you. Et elle vous amuse.

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Même la zone apparaît sous un nouveau jour. Les militaires et la population se retrouvent pour la fêtes des frontières. Vous dansez sous les slogans d’Enver Hoxha qui vous rappelle que vous devez défendre vos frontières, avec vigilance.

A new light is shed onto this area. The soldiers and locals meet at the border party. You dance to the slogans of Enver Hoxha reminding you that you must protect your borders, vigilantly.


Anouck Durand, Mihal, photographe des frontières

Sur les films apparaissent d’autres images, qui sont si difficiles à trouver pour cette période, dans ce pays.

Other images appear on the film ; they are hard to find for this period in this country.

des instantanés de vie de familles, des mariages, des fêtes.

Snapshots of families, weddings, parties.

Comme ton travail était classé « secret défense », tu n’as pas eu à rejoindre la coopérative des photographes de la ville. C’est exceptionnel, il n’y avait plus de photographe privé dans le pays. Tout le monde était sous surveillance. Tu travaillais chez toi, avec ton propre agrandisseur, un Beseler, que ton beau-père t’avait envoyé des Etats-Unis. Et tu pouvais développer ce que tu souhaitais, sans surveillance, photographier ta famille et tes amis. Pourtant, utiliser, pour ton usage privé, des pellicules fournies par l’État était strictement interdit. Cela s’appelle du détournement de bien d’État. Parce qu’il possédait une simple radio, ton oncle, l’homme que l’on dirait sans bras, à gauche sur cette photo, a été envoyé en prison pour espionnage. Une peine de huit ans. Braver les interdits est dangereux.

Since your work was considered “top secret”, you did not need to join the city’s photographers cooperative. This is exceptional ; there were no more private photographers in the country. Everyone was under surveillance. You worked at home, with your own enlarger, a Beseler that your fatherin-law had sent you from the United States. And you could do what you wanted, without surveillance, and photograph your family and friends. However, using government-supplied films for your own private purposes was strictly forbidden. This is called misappropriation of government property. Because he owned a simple radio, you uncle, the man that seems to be armless, to the left on this image, was sent to prison for spying and served an eight-year sentence. It is forbidden to break the rules. ELSE 5


book 8

Norman Mustill Twinpak Présenté par Yannick Bouillis

Twinpak de Norman Ogue Mustill nous donne l’occasion de présenter aux lecteurs une prestigieuse maison d’édition issue du mouvement Beat : Nova Broadcast Press, fondée par Jan Herman dans les années 1960, qui fut également collaborateur de Dick Higgins. Twinpak nous rappelle, si besoin est, que le mouvement littéraire Beat fut aussi — pour partie — un mouvement artistique. Pour preuve, ce très beau Planet noise, poème concret de Liam O’Gallagher ; ou bien ce Publit, autre livre de poésie concrète de l’artiste allemand Ferdinand Kriwet (cf. Else #3) ; un livre de Dick Higgins (qui travaillait aussi comme éditeur chez Something Else Press) ; d’Alison Knowles, sa femme, qui publie le très conceptuel Journal of the Identical Lunch (demandant à ses proches amis de répéter le même repas dans la semaine et d’en décrire l’acte) ; ou encore un livre de Wolf Vostell. C’est donc chez Nova Broadcast Press que Norman Ogue Mustill, collagiste d’un nombre appréciable de magazines et livres Beat, publiera son meilleur livre d’artiste/de poésie, Twinpak. Si Flypaper (Beach Books) et Mess Kit (Nova Broadcast Press), ce dernier avec un très beau collage en dépliant, sont deux excellents livres d’inspiration manifestement surréaliste, c’est bien Twinpak qui apparaît le plus délicat.

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Norman Mustill, Twinpak

Twinpak by Norman Ogue Mustill gives us an opportunity to introduce readers with a prestigious publishing house proceeding from the Beat movement : Nova Broadcast Press, founded in the 60s by Jan Herman, who was also collaborating with Dick Higgins. Twinpak reminds us, should it be necessary, that the literary Beat movement was also — partly — an artistic movement. Proof be it the beautiful Planet noise, a concrete poem by Liam O’Gallagher ; or this Publit, another volume of concrete poetry by German Ferdinand Kriwet (see ELSE #3); a book by Dick Higgins (who was also editor at Something Else Press) ; another by Alison Knowles, his wife, who published the quite conceptual Journal of the Identical Lunch (asking her close friends to repeat the same meal over the same week and to record it in writing) ; and a book by Wolf Vostell. So it is at Nova Broadcast Press that Norman Ogue Mustill, collagist for a number of appreciable Beat magazines and books, will publish his best poetry/artist book, Twinpak. While Flypaper (Beach Books) and Mess Kit (Nova Broadcast Press), which includes a beautiful collage folding, are two excellent books clearly inspired by Surrealism, Twinpak is certainly the most delicate.


ELSE 5


Book

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Norman Mustill, Twinpak

ELSE 5


Contemporay Serial 9

Christian Lutz La Peur de (se) voir Présenté par Sam Stourdzé

Depuis 2003, Christian Lutz se consacre à une trilogie du pouvoir. Protokoll, le volet politique, a vu le jour en 2007, le temps de se fondre dans le paysage, d’en découvrir les coulisses. Avec la même vigueur, il aborde le pouvoir économique dans Tropical Gift, une étude des milieux nigérians du pétrole et du gaz. Lutz est un photographe au long cours qui s’investit dans ses projets, cherche du sens plutôt que le scoop. A l’aune de ses travaux passés, il contacte l’International Christian Fellowship (ICF), une église évangélique implantée à Zurich. Le pouvoir religieux doit clore sa trilogie. Avec l’accord des dirigeants de l’église, il suit pendant une année la congrégation et ses fidèles. En novembre 2012, il publie son troisième ouvrage chez Lars Müller Publishers, In Jesus’ Name. Quelques jours plus tard, 21 personnes, protagonistes des photographies, portent plainte par la voix d’un même avocat engagé par l’ICF. Elles obtiennent l’interdiction immédiate de la vente du livre. Depuis, Christian Lutz se bat pour démasquer les vraies raisons de l’interdiction et défendre la liberté d’expression et d’information. Il réagit en revisitant les 19 photographies interdites, livrant de nouvelles images, barrées d’un épais bandeau. Impossible désormais de reconnaître un visage. Sur ce trait d’effacement vient s’inscrire le texte de la plainte déposée par les plaignants, expression du préjudice. Lutz emprunte doublement au langage de la presse confrontée au droit à l’image : la disparition de l’identité d’un individu en masquant son regard, et la condamnation à publier en couverture le texte d’un jugement. Pourtant, dans ces photographies, rien de choquant, rien de sensationnel, simplement des attitudes, des scènes de vie. Le contraste est saisissant entre un texte qui s’impose comme une interprétation de l’image et l’image elle-même, dont il ne reste que la forme, l’ambiance. Les fragments d’image suffisent à contredire les mots, à créer un décalage, un malaise. De son œuvre condamnée, Lutz en a créé une seconde, plus forte encore. Sa trilogie, devenue quadrilogie, se déplace et évoque désormais le pouvoir judiciaire. A vouloir interpréter les images, on y projette ses croyances, on y imprime ses doutes avec, bientôt, la certitude d’y voir ce que l’on a peur d’y voir.

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Christian Lutz, La Peur de (se) voir

Christian Lutz has been focusing on a trilogy about power since 2003. Its political component, Protokoll, was released in 2007, the necessary time to blend into the landscape and get a clear backstage insight. With comparable energy, he tackled economic power in Tropical Gift, a study about Nigerian oil and gas circles. Lutz is a long distance photographer who invests himself in his projects, favoring meaning rather than scoop. Then he contacted the International Christian Fellowship (ICF), a Zurich-based evangelical church. Religious power was meant to be his trilogy’s final component. With agreements from the church’s leaders, he photographed the congregation and its followers over the span of a year. In November 2012, the third volume was published with Lars Müller Publishers, In Jesus’ Name. A few days later, a lawyer, hired by the ICF and representing 21 followers, protagonists in the photographs, filed a complaint and obtained an immediate ban on the book. Christian Lutz has been struggling since to determine the true reasons for this ban, standing up for the freedoms of expression and information. He reacted by revisiting each of the 19 banned photographs, delivering new images crossed out with a thick banner. It is now impossible to recognize a face. And, as an expression of the prejudice, the text of the complaint filed by the plaintiffs is printed over this obliteration. Lutz draws upon the language of the press confronted to image rights in two ways : the obliteration of an individual’s identity by covering up the eyes, and the publication of the court decision printed on the cover. And yet, there is nothing shocking or sensational in these photographs, only attitudes, slices of life. Troubling is the contrast between a text that imposes itself as an interpretation of the image, and the image itself, of which only the form, an atmosphere remains. Fragments are enough to contradict words, to create a gap, uneasiness. From a work banned stems a new, even stronger one. His trilogy becomes a quadrilogy, moving onward to evoke the judiciary. In the urge to interpret images, one tends to project in them one’s own beliefs, and doubts, and soon emerges the certainty to see in them what was feared.


ELSE 5

Content of the application: “ Figure 14 must be one of the grossest photographs in the collection. The picture could suggest paedophilia. Because you could think that Applicant 11a, in the green polo shirt, had got the 14-year-old (!) Applicant 11b, sitting in front of him, pregnant. Worse: you could think that the photo shows members of a sect that permits polygamy or even tolerates sex with children. In actual fact, Applicant 11a is the biological father of Applicant 11b. Applicant 7 is looking at the floor, and the two other men have their eyes shut, as if all three men were ashamed. The photo was taken as part of the “fathers and daughters” event. The picture is ambiguous and confuses the viewer. The picture is highly misleading and a massive infringement on the personal dignity of Applicants 7, 11a and 11b. ”

Contenu de la requête : « La photographie n° 14 est bien l’une des plus extrêmes du livre. L’image pourrait donner l’impression de pédophilie. Car on pourrait penser que le demandeur 11a, qui porte un polo vert, a mis enceinte la demanderesse 11b, âgée de 14 ans ( !), assise devant lui. Pire encore : on pourrait penser que la photo montre les membres d’une secte qui permet la polygamie ou autorise les relations sexuelles avec les enfants. En fait et en vérité, le demandeur 11a est réellement le père de la demanderesse 11b. Le demandeur 7 regarde par terre, et les deux autres hommes ont les yeux fermés, comme si tous trois avaient honte. La photo a été prise à l’occasion de l’activité « fathers and daughters ». L’image a deux – voire plusieurs – sens et induit en erreur l’observateur. L’image prête hautement à confusion et porte atteinte à la personne du demandeur 7 et 11a, ainsi qu’à celle de la demanderesse 11b. »


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Content of the application: “ The 25-year-old Applicant 8 is wearing a camouflage suit and headband; he looks exhausted and is staring into space; he is particularly not looking at the man to his left. It is unclear what the participants’ role play has to do with the military. The question of what religion has to do with military service is equally open. ”

Contenu de la requête : « Le demandeur 8, âgé de 25 ans, porte une tenue de camouflage avec un bandeau autour du front. Il a l’air épuisé et regarde dans le vide ; il ne regarde pas l’homme situé à sa gauche. Ce que le jeu de rôle des participants a à voir avec le militaire n’est pas clair. De même, qu’est-ce que la religion à affaire avec le service militaire ? »

Contemporary Serial


Content of the application: “ The 20-year-old Applicant 4 is the focus of image 15. She has her eyes closed and the image suggests that she would like to baptise another young woman, who is sitting in the bathtub. In the background are snowboards, drying after use. The picture looks condescending to the viewer. If it could be a baptism or a prayer, then the viewer could well expect that the "ritual" would take place in a more appropriate setting, and not just in a shower or other wet room. Or else: is the girl in the bathtub slitting her wrists? This is the very impression given by the text at the end of the book”

Contenu de la requête : « La demanderesse 4, âgée de 20 ans, est au centre de l’image n° 15. Elle a les yeux fermés. La photo donne l’impression qu’elle veut baptiser une autre jeune fille, qui se trouve assise dans la baignoire. En arrière plan, des snowboards qui, vu leur disposition, doivent être en train de sécher. L’image fait un effet condescendant pour le spectateur. Comme il pourrait s’agir d’un baptême ou d’une prière, le spectateur pourrait s’attendre à ce que le « rituel » se déroule dans un environnement adéquat et non dans une salle de bains ni dans un lieu humide. Ou alors : la jeune fille dans la baignoire s’ouvre-t-elle les veines ? Le texte à la fin du livre conduirait à cette interprétation. »

Christian Lutz, La Peur de (se) voir

ELSE 5


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Content of the application: “ The 29-year-old Applicant 18 is standing upright and the focus of the image. He has laid his right hand on his heart, his left is touching the shoulder of another man. He has his eyes closed. It seems as though he is seeking to heal his colleague by the laying on of hands, or convert him. There is a lot of scope for interpretation here too, and misleading. ”

Contenu de la requête : « Le demandeur 18, âgé de 29 ans, se tient debout au centre de l’image. Sa main droite est posée sur son cœur, sa main gauche touche l’épaule d’un autre homme. Il a les yeux fermés. Il semble vouloir guérir son collègue en apposant sa main ou le convertir. Ici aussi, beaucoup d’interprétations sont possibles et peuvent prêter à confusion. »

Contemporary Serial


Content of the application: “ The 20-year-old Applicant 4 is wearing only a bikini. Her breasts are very clearly perceptible. She has her eyes closed and is shouting or singing. Her arms are outstretched. She is holding a plastic water pistol in her right hand. The photo gives the impression that she is joining in some kind of game with weapons. The image could be reduced to sex and violence. The offensive nature of the picture infringes on the dignity of the individual. ”

Contenu de la requête : « La demanderesse 4, âgée de 20 ans, ne porte qu’un bikini. Sa poitrine est très clairement reconnaissable. Elle a les yeux fermés, elle crie ou chante. Ses bras sont largement ouverts. Dans sa main droite, elle tient un pistolet à eau, en plastique. La photo donne l’impression qu’elle est impliquée dans un jeu avec des armes. On pourrait réduire l’image à une affaire de sexe et de violence. Le mode offensif de représentation est blessant pour la personne. »

Christian Lutz, La Peur de (se) voir

ELSE 5


Contemporay found 10

Laia Abril Thinspiration Présenté par Joan Fontcuberta

Avec Thinspiration, Laia Abril nous propose un projet documentaire postphotographique. D’un côté, il reflète une situation affligeante : celle de filles anorexiques qui ont opté pour cette pathologie comme « style de vie ». De l’autre, ce travail est le résultat d’une rephotographie d’images trouvées sur des blogs et des sites spécialisés que des adolescentes partagent pour se vanter de leur corps squelettique. Laia Abril nous propose un voyage dans le monde du désir obsessionnel et des limites de l’autodestruction qu’engendre Internet. Si habituellement les photos sont un moyen de construire l’identité, dans le cas présent, elles sont plutôt une façon de la détruire. Laia Abril se demande si ces photographies aident ces jeunes filles à prendre conscience de la réalité ou si l’appareil photographique n’est pas devenu un stratagème de plus pour contrôler leur corps et perpétuer la distorsion de leur propre image. Jusqu’où la photographie risque-t-elle d’aggraver leur maladie ? L’artiste cherche la réponse en rephotographiant les autoportraits, tentant d’établir un lien entre leur caméra et la sienne. Elle pose son trépied devant l’écran de son ordinateur et, lorsqu’elle regarde dans le viseur, elle est face aux jeunes filles, dans leur chambre, dans leur salle de bain… Et, narcissiques, elles posent de façon provocatrice — révélant visuellement le lien entre obsession et autodestruction. 66

Laia Abril, Thinspiration

With Thinspiration, Laia Abril presents a postphotography documentary project. On one hand, it reflects a distressing situation, that of anorexic girls who have selected this pathology as a “way of life”. On the other hand, this work is the result of a re-photography of images found on dedicated blogs or sites and shared by adolescent girls to boast about their skeletal body. Laia Abril offers us a journey into the world of obsessive desire and the limits of selfdestruction generated by the Internet. While photographs are usually a means to forge an identity, in the present case, they are more a way to destroy it. What Laia Abril questions is whether photographs help these young girls acknowledge reality or has the camera become one more scheme to control their body and perpetuate the distortion of their own image. At what point will photography exacerbate their illness ? The artist tries to find an answer by re-photographing the self-portraits, searching to establish a link between their camera and hers. So she places her tripod in front of her computer’s screen, and as she looks into the viewfinder, she is facing the young girls, in their bedroom, in their bathroom… Narcissistically, they start adopting provocative poses — unveiling a visual response to the link between obsession and self-destruction.


ELSE 5


Contemporary

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Found


Laia Abril, Thinspiration

ELSE 5


applied 11

collected

still

Zone d’irréalité Présenté par Sam Stourdzé

Le cinéma — art du XXe siècle — a accompagné nos vies et donné corps à nos modèles. La presse illustrée — source d’information du XXe siècle jusqu’à ce qu’elle soit détrônée par la télévision — nous a tenus en haleine face à la gravité et aux futilités du monde. Réunis par l’intérêt commun de la course à l’audience, le cinéma a créé des stars que son don d’ubiquité a rendu universelles, tandis que la presse illustrée a pris soin d’étaler leurs vies sur papier glacé. Complice, le cinéma a nourri la presse de ses photographies de plateau, et la presse n’a pas hésité à les détourner. Elle s’est appropriée l’image de cinéma — image de l’illusion de la réalité — et l’a redessinée pour qu’elle colle à sa réalité. Lorsque la rédaction du Chicago Tribune a eu besoin d’illustrer un article sur Clark Gable, et que la photothèque ne disposait que d’un portrait en compagnie de sa femme, on a fait disparaître la femme. Lorsque le journal réclamait un gros plan de Dirk Bogarde, mais ne possédait qu’un plan américain, de surcroît portant un enfant, on effaçait la tête de l’enfant et retouchait son blouson. D’ailleurs, la photographie utilitaire à usage immédiat ne perd pas son temps. Inutile de gommer un corps s’il n’apparaît pas dans la reproduction. D’effacements en retouches, de recadrages en détourages, la photographie de cinéma retrouvée dans les archives de la presse disparaît sous les coups de pinceaux. Ce n’est plus le théâtre des illusions, mais la reconstruction d’une image pour entretenir le rêve des lecteurs. On peinturlure les clichés, on les couvre de signes cabalistiques, on désigne la zone de réalité, et on laisse derrière soi des clichés hybrides. On a créé un hors-champ visible, une image de rebut dans l’image.

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Ann Dvorak, 1931

Cinema — art of the 20th century — has escorted our lives and given life to our models. The illustrated press — the 20th century’s source of information before it was dethroned by television — has kept us breathless as we were faced with the world’s gravities and trivialities. United in a common interest for audience ratings, cinema created stars that its ubiquitous quality made universal, while the illustrated press took great care to spread their lives over its glossy pages. Teaming up, cinema fed the press with its stills, and the press did not shy out long before diverting them. It took hold of the image of cinema — an illusion of reality — and redesigned it to befit its own reality. When the editorial staff of the Chicago Tribune needed to illustrate an article about Clark Gable, and as their stocks held only a portrait of him with his wife, they obliterated the woman. When the newspaper needed a close shot of Dirk Bogarde, but only held an American shot, moreover carrying a child, the child’s head was erased and the jacket retouched. Utilitarian photography for immediate use does not waste any time. There is no point in erasing a body if it does not appear in the reproduction. From obliteration to retouching, from cropping to trimming, cinema photography found in the archives of the press vanishes under the brush strokes. It is no longer the theater of illusions, but the reconstruction of an image to entertain readers’ dreams. Images are smeared, covered up with cabalistic signs, pointing out to the reality zone, leaving behind hybrid shots. A visible off-camera was created, a scrap image within the image.


Zone d’irréalité

Antony Perkins, Psycho, 1960

Cliff Robertson, Kurt Pecher et Carol Christensen, The Big Show, 1961

Johnny Sheffield et Beverly Garland, Times & Roslyn, 1954

ELSE 5


Applied

Collected

Danielle Darrieux, Lady Chatterley’s Lover, 1959

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Woody Allen, Sleeper, 1974

Still


Zone d’irréalité

Clark Gable (avec son épouse), 1931

ELSE 5


Applied

Collected

Deborah Kerr et Burt Lancaster, From Here to Eternity, 1954

74

Brigitte Bardot, A Very Private Affair, 1962

Still


Zone d’irréalité

Ava Gardner, The Naked Maja, 1959

ELSE 5


Applied

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Addams Family, 1977

Collected

Still


Zone d’irréalité

Dirk Bogarde (et Jon Whiteley), The Stranger in Between, 1952

ELSE 5


focus 12

history

Serial

Victor Hasselblad Le Petit oiseau va sortir Présenté par Clément Chéroux

La légende de l’appareil Hasselblad est connue bien au-delà des frontières de la Scandinavie. Lorsque, au début de la Seconde Guerre mondiale, l’armée de l’air suédoise présenta à Victor Hasselblad un appareil de photographie aérienne capturé sur un avion de reconnaissance allemand en lui demandant s’il était en mesure d’en fabriquer un semblable, il répondit « non », ajoutant après un instant de silence qu’il pouvait faire « beaucoup mieux ». Le petit appareil qui sortit peu après des chaînes de montage de l’usine de Göteborg était une merveille d’intelligence et de précision. Ce fut, dans le domaine de la photographie, l’un des grands succès industriels de l’Europe de l’aprèsguerre. À tel point qu’au début des années 1960, lorsque la NASA envoya ses premiers vols habités dans l’espace, elle équipa ses cosmonautes d’appareils de la marque suédoise. Les premiers clichés souvenirs pris sur le sol lunaire par Neil Armstrong et Buzz Aldrin le furent à travers l’objectif d’un Hasselblad. Si l’on connaît la saga de cet appareil de haut vol, on sait moins que son concepteur, Victor Hasselblad, était passionné par les oiseaux. Dès son plus jeune âge, il passait des journées entières à les observer dans la campagne suédoise. C’est en les étudiant qu’il commença à s’intéresser à la photographie. Son premier article, publié en allemand avant qu’il ait 20 ans, s’intitulait « Wie photographiere ich Vögel » (Comment je photographie les oiseaux). En 1935, il publiait encore un livre sur les oiseaux migrateurs. La conception même de son appareil semble avoir été déterminée par sa passion d’ornithologue : il est suffisamment léger pour pouvoir être emmené en randonnée, il facilite la visée couchée, il s’équipe aisément de puissants téléobjectifs. Bref, il est idéal pour photographier les oiseaux. Jusqu’à la fin de sa vie, Victor Hasselblad ne cessera d’ailleurs de traquer l’espèce rare, de l’épier, de l’étudier et d’en capturer l’image, comme si le dicton populaire couramment associé au photographe — « Attention, le petit oiseau va sortir ! » — avait été inventé pour lui.

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Grue, Suède, circa 1960

The legend of the Hasselblad camera shines far beyond the borders of Scandinavia. Early in the Second World War, when the Swedish Air Force showed Victor Hasselblad an aerial camera taken from a German reconnaissance aircraft, asking whether he might be able to build a similar one, he replied “no”, adding after a silent pause that he could do “much better”. The small camera that came out of the Goteborg factory lines was a marvel of intelligence and precision. It is one of the greatest industrial successes of the European post-war period in the field of photography. So much so that in the early 60s, as NASA was launching its first inhabited space flight, the astronauts were equipped with the Swedish camera. The first images taken on the lunar ground by Neil Armstrong and Buzz Aldrin were shot through the lens of a Hasselblad. While the saga of this top-flight camera is well acknowledged, less is known of its designer’s passion for birds. Early on, Victor Hasselblad spent his days observing them in the Swedish countryside. And his interest for photography actually stemmed from his bird watching. His first article, published in German before he was 20, was entitled “Wie photographiere ich Vögel” : “How I photograph birds”. In 1935, he published another book about migratory birds. The very design of this camera seems to have been determined by his ornithological passion : it is light enough to be taken on hikes, easy to use when lying down, and can easily be equipped with powerful telephoto lenses. In short, it is ideal for bird photography. So Victor Hasselblad ceaselessly searched for the rare species, peeping, studying, and capturing an image of it ; as if the popular saying commonly associated to the photographer — “Beware, watch the birdie!” — had been invented for him.


Erna Hasselblad avec les petits d’une chouette de Tengmalms, Suède, circa 1960

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Brésil, 1963

Brésil, 1963

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Brésil, 1963


Victor Hasselblad, Le Petit oiseau va sortir

Brésil, 1963

Brésil, 1963

Brésil, 1963

Brésil, 1963

Brésil, 1963

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BrĂŠsil, 1963

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Victor Hasselblad, Le Petit oiseau va sortir

BrĂŠsil, 1963

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L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken Présenté par Christoph Schifferli

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L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken


Amateurs de tatouages, bondages, petites culottes de collégienne, cascade de cyprine, vagins-pieuvres et autres japonaiseries érotiques, ce livre n’est pas pour vous ! L’ouvrage du sexologue Sha Kokken s’adresse non à des voyeurs, mais à de jeunes couples inexpérimentés. Son répertoire de positions amoureuses n’a d’autre fonction que d’aider à surmonter les préjugés, conjurer les peurs et promouvoir une sexualité harmonieuse dans le cadre du mariage. Un projet donc qui ressemble à celui de la célèbre Docteur Ruth, la pruderie en plus. Car on trouvera difficilement plus désincarné que ce traité, dans un pays où l’art de l’estampe nous avait pourtant habitués au spectacle très explicite de pénis en érection, déformés par le gonflement des veines, de vulves outrageusement velues et de visages grimaçant de plaisir. On est loin aussi des shijuhatte, ces quarante-huit positions que décrit la tradition à l’époque Edo et dont certaines seraient si acrobatiques qu’elles requérraient, selon les experts, une souplesse de judoka. Pas question de prendre des risques, avec la méthode de Sha Kokken. C’est le confort qui compte, pas la performance. Pas question non plus de sortir des sentiers battus, les positions restent très sages, très conventionnelles. Avec ses modèles exclusivement féminins, en collant, body et chaussons, il est très difficile de deviner qu’on est en présence d’un manuel d’éducation sexuelle, et pas de relaxation ou gymnastique médicale. Et le fait qu’on ait eu recours à des actrices, et jamais à des acteurs, lesquelles simulent les positions en l’absence totale de partenaire, ajoute encore à la confusion. Sha Kokken… ou comment œuvrer à la libération sexuelle sans jamais parler de la chair, du désir, du jeu. Son livre fait figure d’anti-Kamasutra, tant la part du refoulement y paraît grande. Serait-ce l’influence du protestantisme américain dominant sur la société japonaise d’après-guerre ? Jean-Christophe Blaser

If you like tattoos, bondage, high-school girl panties, cascade of vaginal fluid, octopus-vaginas or any other erotic japonaiseries, this book is not for you ! This volume by sexologist Sha Kokken is not for voyeurs, but rather for inexperienced young couples. The purpose of this index of love positions is only to help overcome preconceived ideas, conjure fears, and foster a harmonious sexual life within marriage — like the project of the famous Doctor Ruth, only more prudish. It will indeed be somewhat difficult to come across anything more disembodied than this treatise, in a country where the art of etching has accustomed us to the very explicit sight of an erected penis deformed by swollen veins, an outrageously hairy vulva, or faces wincing out of pleasure. And we are far from the shijuhatte, the forty-eight positions described by the Edo Era tradition, some of which would be so acrobatic that they would require the suppleness of a judoka, according to experts. No such risks with Sha Kokken’s method. What matters here is comfort, not performance ; and the point is also not to leave the trodden paths : the positions are quite conventional and well behaved. Since the models in tights, leotard and slippers are exclusively female, it makes it quite difficult to guess that this is about sexual education, rather than about medical relaxation or gymnastics. This confusion also comes from the fact that these actresses simulate positions in the absence of any partner. Sha Kokken… or how to contribute to sexual liberation without ever speaking of flesh, desire, or play. In light of such great inhibition, his book is more like an anti-Kama Sutra. Could this stem from the overwhelming influence of American Protestantism on Japanese Post-War society ? Jean-Christophe Blaser

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L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken

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L’Amore nella vita sessuale di Sha Kokken

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L’amore nella vita sessuale di Sha Kokken L’Amore

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Biographies Laia Abril Laia Abril (1986, Barcelone) est photographe documentaire et journaliste. Son projet personnel sur les troubles alimentaires a été exposé et apprécié à l’international, tout comme ses projets éditoriaux, publiés dans de nombreuses revues internationales. Elle a rejoint Fabrica, la résidence d’artiste du centre de recherche Benetton, en 2009 en tant que photographe et responsable photo pour leur revue Colors.

Laia Abril (1986, Barcelona) is documentary photographer and journalist. Her personal project about eating disorders has been exhibited and appraised worldwide, as her editorial projects, featured in many international magazines. She joined Fabrica — the artist residency of the Benetton research centre — in 2009, where she works as photographer and photo editor for their magazine Colors.

Jean-Christophe Blaser Conservateur au Musée de l’Elysée, Lausanne. Il a notamment été cocommissaire de l’exposition reGeneration : 50 photographes de demain, présentée en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. Commissaire indépendant d’expositions de photographie et d’art contemporains, il est président de Kunstart, association qui gère le CAN, Centre d’art de Neuchâtel.

Curator at the Musée de l’Elysée in Lausanne, co-curator for the exhibition reGeneration : 50 Photographers of Tomorrow, shown in Europe, the United States and China. Independent curator for photography and contemporary art exhibitions, he manages Kunstart, the association that runs Neuchâtel Art Center (CAN).

Yannick Bouillis Après des études de philosophie, Yannick Bouillis (1972, France) devient journaliste (Asahi Shimbun — affaires européennes) puis marchand de livres rares et contemporains (livres d’artistes / photographie / graphisme). Il est aujourd’hui spécialisé dans les questions de l’image (photographie et nouveaux médias) et s’intéresse aux nouvelles médiations dans l’art (muséalités et pratiques éditoriales innovantes… ). Basé entre Arles et Amsterdam, il est le créateur et directeur d’Offprint Paris et d’Amsterdam Art Book Fair. Il prépare un essai sur la relation entre poésie et art contemporain.

After studying philosophy, Yannick Bouillis (1972, France) is journalist for Asahi Shimbun (European affairs) before becoming a dealer in rare contemporary books (Artist books / Photography / Graphic Design ). He specializes on issues related to the image (photography and new media), interested in innovative mediations in art (museality, editorial practices…). Based in Arles and Amsterdam, he is the founder and director of Offprint Paris and Amsterdam Art Book Fair. He is presently authoring an essay on the links between poetry and contemporary art.

Florent Brayard Florent Brayard est chercheur au CNRS (Centre de recherches historiques). Il a publié plusieurs livres sur le négationnisme et l’histoire de l’extermination des juifs. Son dernier livre, Auschwitz, enquête sur un complot nazi, a été publié au Seuil en 2012.

Florent Brayard is a researcher at CNRS (Center for Historical Research). He has authored several books about negationism and the history of the extermination of the Jews. His latest book : Auschwitz, enquête sur un complot nazi (Auschwitz, an Investigation into a Nazi Plot) (Le Seuil, 2012).

Clément Chéroux Conservateur pour la photographie au Centre Pompidou — Musée national d’art moderne. Historien de la photographie, docteur en histoire de l’art, il dirige la revue Études photographiques. Il a été commissaire de nombreuses expositions, dont Mémoires des camps : photographies des camps de concentration et d’extermination nazis, 1933-1939 (2001), La subversion des images : surréalisme, photographie, film (2009), Edvard Munch : l’œil moderne (2011), Derrière le rideau, L’esthétique Photomaton (2012). Clément Chéroux tient à remercier Sören Gunnarsson et Gunilla Knape.

Photography curator at the Centre Pompidou — Musée national d’art moderne. A photography Historian and Doctor in art history, he runs the magazine Études Photographiques. He curated numerous exhibitions, including Mémoire des camps : Photographies des camps de concentration et d’extermination nazis, 1933-1939 (2001), La Subversion des images : surréalisme, photographie, film (2009), Edvard Munch : l’œil moderne (2011), Derrière le rideau, L’esthétique Photomaton (2012). Clément Chéroux wishes to thank Sören Gunnarsson and Gunilla Knape.

Claude Closky Artiste, vit à Paris. Il a également été commissaire d’exposition, dont This & There à l’occasion des 10 ans du Pavillon, laboratoire de création du Palais de Tokyo, Paris (2012), et A la une au Magasin (CNAC de Grenoble, 2005). Il a conçu et dirigé le site Internet du Mudam de Luxembourg de 2000 à 2006. Des informations sur ses activités présentes et passées sont disponibles sur les sites www.closky.info et ww.closky.info (avec 3 et 2 w).

Artist; lives in Paris. He also curated several exhibitions, notably This & There on the occasion of the 10th anniversary of the Pavillon, Creative Laboratory of the Palais de Tokyo (Paris, 2012), and A la une, at the Magasin (CNAC Grenoble, 2005). He designed and managed Mudam’s Internet site in Luxembourg from 2000 to 2006. Information on his past and present activities is available on www.closky.info and ww.closky.info (with 3 and 2 ws).

Anita Cruz-Eberhard Appartenant à une génération qui a grandi et vit dans un monde multiculturel, sa motivation lui vient d’un large spectre d’expériences créatives et sociales. Elle travaille par thème et/ou média, utilisant des approches multidisciplinaires dans l’expression visuelle, des techniques de la photographie traditionnelle et de design, divers médias, aux nouvelles technologies contemporaines. Elle est exposée dans divers musées, galeries et festivals à travers le monde.

Anita Cruz-Eberhard belongs to a generation that grew up and lives with multiple cultures ; her motivation stems from a large spectrum of creative and social experiences. She works by themes and/or media, using multidisciplinary approaches to visual expression, from traditional photography and design techniques, mixed media, to new technology. She is exhibited internationally in galleries, museums and at festivals.

Anouck Durand Anouck Durand, photographe, travaille sur les liens entre images et narration à travers l’écriture de romans-photos créés à partir de collectes d’archives et de photographies. En collaboration avec Gilles de Rapper, anthropologue et chercheur au CNRS, elle mène des recherches sur la photographie durant la période communiste en Albanie. Ils ont conjointement publié Ylli, les couleurs de la dictature, monographie d’un magazine de propagande. Joan Fontcuberta Vit et travaille à Barcelone. Depuis quarante ans de travail photographique prolifique, il a développé une œuvre tant artistique que théorique centrée sur les conflits entre nature, technologie, photographie et vérité. De nombreux musées lui ont consacré une exposition personnelle, dont le MoMA de New York, le Chicago Art Institute et le Valencia IVAM, et ses œuvres ont rejoint les collections d’institutions internationales, dont le Metropolitan Museum of Art, le San Francisco MoMA, la National Gallery of Art, le Folkwang Museum, le Musée national d’art contemporain — Centre Georges-Pompidou, le Stedelijk Museum, le MACBA, le MNCARS.

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Anouck Durand is a photographer working on the links between images and narrative through photo novels created from collected archival material and photographs. In collaboration with Gilles de Rapper, anthropologist and researcher at CNRS, her research focuses on photography under the Communist regime in Albania. They have copublished Ylli, les couleurs de la dictature (Ylli, the Colors of Dictatorship), a monograph on a propaganda magazine. Joan Fontcuberta lives and works in Barcelona. With nearly four decades of prolific dedication to photography, he has developed both an artistic and theoretical work, focused on the conflicts between nature, technology, photography and truth. He’s had solo shows at New York MoMA, Chicago Art Institute or Valencia IVAM among others, and his work has been collected by the Metropolitan Museum of Art, San Francisco MoMA, National Gallery of Art, Folkwang Museum, Musée national d’art contemporain — Centre GeorgesPompidou, Stedelijk Museum, MACBA, MNCARS and others.


Victor Hasselblad Né dans une famille prospère de la classe moyenne suédoise de négociants en fournitures photographiques, Victor Hasselblad (1906-1978) se passionne pour l’ornithologie et la photographie. Après avoir étudié en Allemagne, en France et aux États-Unis, il ouvre en 1937 son propre magasin de fournitures photographiques. Pendant la guerre, il commence à fabriquer du matériel photographique, dont l’appareil qui portera son nom et fera sa fortune. À la fin de sa vie, il lègue sa fortune à une fondation qui récompense chaque année le talent d’un photographe par une prestigieuse distinction que beaucoup considèrent comme le « prix Nobel » de photographie.

Born in a Swedish prosperous middle-class family of photographic equipment retailers, Victor Hasselblad (1906-1978) developed a passion for ornithology and photography. After studying in Germany, France and the United States, he opened his own photographic equipment store in 1937. During the war, he started to conceive and design photographic equipment, including the camera that will bear his name and make his fortune. At the end of his life, he donated his fortune to a foundation that annually honors the talent of a photographer through a prestigious award that many consider as the “Nobel Prize” in photography.

Erik Kessels Directeur de création chez KesselsKrammer, une agence internationale de communication indépendante (Amsterdam, Londres et Los Angeles). Kessels (1966) a publié plusieurs ouvrages de photographie vernaculaire chez KesselsKramer Publishing, dont la série In Almost Every Picture. Il est l’un des éditeurs du magazine alternatif Useful Photography. Il a été commissaire de nombreuses expositions, 24hrs of Photos et Album Beauty (2012), et a coorganisé From Here On (2011).

Creative Director at KesselsKramer, an independent international communication agency (Amsterdam, London and Los Angeles). Kessels (1966) published several books of vernacular photography through KesselsKramer Publishing, including the series In Almost Every Picture. He is co-editor for the alternative magazine Useful Photography. Kessels curated many exhibitions, 24hrs of Photos (2012) and Album Beauty, and co-curated From Here On (2011).

Werner Kühler Photographe et collectionneur allemand (1968, Bochum). Après des études dans une école d’art à Düsseldorf, il décide de ne pas devenir artiste, mais de pratiquer, au gré des occasions ou des commandes, tout l’éventail de la photographie appliquée. Depuis une quinzaine d’années, il collectionne la photographie vernaculaire.

German photographer and collector (1968, Bochum). After studying at a Dusseldorf Art school, he decides not to become an artist, but rather to practise, on occasion or to order, the full range of applied photography. He has been collecting vernacular photography for fifteen years.

Anne Lacoste Anne Lacoste est conservatrice au Musée de l’Elysée. Après cinq ans chez Christie’s, à Paris et à Londres, elle a commencé sa carrière de conservatrice au J. Paul Getty Museum à Los Angeles. Depuis 2005, elle a travaillé sur des projets d’expositions et de publications couvrant l’histoire de la photographie incluant notamment les monographies de Felice Beato, Paul Strand, Irving Penn, Luc Delahaye, Mitch Epstein, et des thématiques telles que la photographie contemporaine américaine, le portrait et plus récemment le photomaton.

Anne Lacoste is curator at the Musée de l’Elysée. After five years at Christie’s in Paris and London, she began her curatorial career at the J. Paul Getty Museum in Los Angeles. Her exhibition and publication projects cover the history of photography including Felice Beato : A Photographer on the Easter Road ; Irving Penn : Small Trades, Recent History : Photographs by Luc Delahaye ; Mitch Epstein : American Power ; Behind the Curtain : The Aesthetics of the Photobooth.

Christian Lutz Christian Lutz étudie la photographie à l’Ecole supérieure des arts de l’image « Le 75 », à Bruxelles. Avec In Jesus’ Name (2012), il clôt une trilogie sur le pouvoir, développée dans les deux précédents ouvrages, Protokoll (2007) —  sur les codes de représentation politique — et Tropical Gift (2010) — sur le pouvoir économique. En 2012, il signe également Meetings avec l’éditeur Notari, et Aux dépens du réel aux éditions du Musée de Bagnes. Distingué par de nombreux prix, son travail est exposé dans le monde entier et fait régulièrement l’objet de publications.

Christian Lutz studied photography at the Ecole supérieure des arts de l’image “Le 75”, in Brussels. With In Jesus’ Name (2012), he concludes a trilogy on power, initiated with Protokoll (2007) — about the political codes of representation — and developed in Tropical Gift (2010) — about economic power. In 2012, he also published Meetings (Notari Publishing), and Aux dépens du réel (Musée de Bagnes). He has received numerous awards, been exhibited worldwide and regularly published in magazines.

Christoph Schifferli Né en 1950 à Zurich, il a étudié la sinologie et l’histoire économique à Paris ; en 1980, il effectue des recherches en Asie, ainsi que diverses activités dans le secteur technologique et l’édition. Depuis 1983, il est principalement engagé dans le domaine du multimédia et Internet. Christoph Schifferli collectionne la photographie et les livres d’artistes des années 1980.

Born in 1950 in Zurich, he studied Sinology and Economic History in Paris ; in 1980 he did research in Asia, and held various positions in publishing and the technology sector. Since 1983, he is mostly focused on multimedia and Internet. Christoph Schifferli collects photography and artist books from the 1980s.

Joachim Schmid Joachim Schmid est un artiste basé à Berlin qui travaille avec la photographie anonyme depuis le début des années 1980. Il été exposé de par le monde et a intégré de nombreuses collections. En 2007, Photoworks et Steidl ont publié une monographie intitulée Joachim Schmid : Photoworks 1982-2007, en association avec sa première exposition rétrospective. En 2012, les éditions Johan & Levi ont publié le livre Joachim Schmid e le fotografie degli altri (Joachim Schmid et les photographies des autres) à l’occasion d’une exposition au Museo di fotografia contemporanea à Milan.

Joachim Schmid is a Berlin-based artist who has been working with found photographs since the early 1980s. His work has been exhibited internationally and is included in numerous collections. In 2007, Photoworks and Steidl published a comprehensive monograph, Joachim Schmid : Photoworks 1982–2007, on the occasion of his first retrospective exhibition. In 2012, Johan & Levi Editore published Joachim Schmid e le fotografie degli altri (Joachim Schmid and Other People’s Photographs) on the occasion of an exhibition at Museo di fotografia contemporanea in Milan.

Sam Stourdzé Directeur du Musée de l’Elysée et rédacteur en chef d’ELSE, il étudie les mécanismes à l’œuvre dans la circulation des images, avec pour champ de prédilection les rapports entre photographie, art et cinéma. Il a publié plusieurs livres et organisé de nombreuses expositions.

Director of the Musée de l’Elysée and Chief Editor for ELSE magazine. He studies the mechanisms at work in the dissemination of images, with a focus on the links between photography, art and cinema. He has published several books and curated many exhibitions.

Véronique Terrier Hermann Docteure en histoire de l’art, professeure à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes, elle travaille plus particulièrement sur les liens qu’entretient l’art contemporain avec le cinéma et le documentaire. Elle participe notamment au programme de recherche Start Making Sense !, Cinéma et art contemporains transforment l’essai, à l’Head-Genève.

Holding a Doctorate in Art History and Professor at the Ecole supérieure des beaux-arts in Nantes, her research focuses more specifically on the links between contemporary art and cinema and documentary. She is notably involved in the research program Start Making Sense !, Cinema and Contemporary Art Convert the Try, at Head-Geneva.

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Courvoisier


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