ÊTRE VIVANT
Vivant : celui qui vit, un être animé qui se distingue d’une matière inerte (comme une pierre). « Vivre » reste difficile à définir, car aucun consensus n’existe aujourd’hui. Toutefois, des caractéristiques partagées, des indispensables communs à toutes les formes de vies peuvent être identifiés.
LA VIE EN SUSPENS
Les plantes brouillent parfois les limites de la définition de la vie.
Les graines, les spores de fougères ou encore les pollens peuvent être en état de dormance durant des années. Mortes en apparence, elles ne croissent pas, ne communiquent pas, leur organisation biologique est parfois mise à mal et leur métabolisme est ralenti. Pourtant, toutes les structures nécessaires à l’activité vitale sont bien présentes, attendant les conditions idéales pour s’enclencher. D’autres organes semblent également sans vie, tels les bourgeons, les rhizomes, les oignons ou les tubercules, jusqu’à ce qu’ils utilisent leurs réserves pour lancer la croissance en des temps plus cléments. Parfois même, la plante entière paraît ressusciter, comme certaines mousses ou sélaginelles (voir p. 65).
➊ ÊTRE CONSTITUÉ DE MATIÈRE ORGANIQUE
C’est être composé d’atomes essentiels, comme l’hydrogène, l’oxygène, le carbone et l’azote. Ces éléments sont à la base de tout ce qui constitue n’importe quel être vivant : ils construisent la cellule et tous les éléments qui la forment. Comme dans un puzzle, chaque pièce participe à la construction de structures essentielles, comme l’eau, H2O, qui est composée de deux pièces d’hydrogène entourant une pièce d’oxygène.
➍ SE REPRODUIRE
La reproduction sexuée permet l’obtention d’un nouvel être unique issu de deux parents de sexes différents. Les plantes peuvent également se multiplier par :
• Par division cellulaire (une cellule est divisée et donne deux cellules identiques);
• Par multiplication végétative, comme les boutures qui créent un clone d’elles-mêmes.
➋ ÊTRE COMPOSÉ D’AU MOINS UNE CELLULE !
La cellule est le fondement de chaque être vivant ; c’est l’unité de base de la vie. Chaque cellule est délimitée par une membrane, une structure organique qui la sépare de son environnement, gardant protégés tous ses éléments internes et permettant l’échange d’informations entre eux et l’extérieur. C’est une sorte d’usine avec des murs, dont toutes les tâches sont réalisées en suivant un manuel d’instructions très précis : le matériel génétique.
➎ COMMUNIQUER
Il n’y a pas d’exceptions à cette règle. La communication implique l’émetteur d’une information et un récepteur. Ce n’est pas une erreur, bien au contraire, de dire qu’une cellule communique. Tout le vivant, du plus petit au plus grand, échange des informations, cela fait définitivement partie d’un des essentiels !
➌ PORTER UN MATÉRIEL GÉNÉTIQUE
Tous les êtres vivants possèdent ce matériel, comme l’ADN ou l’ARN. Véritable bibliothèque d’informations, il contient toutes les instructions nécessaires au développement, à la reproduction ou encore à la survie de l’organisme. Certains livres de cette bibliothèque sont copiés et transmis aux descendants lors de la reproduction.
➏ ÊTRE CAPABLE DE MOURIR !
La mort est une étape à part entière du cycle de vie. Ce processus enclenche la décomposition de ce qui constitue l’organisme, ce qui va permettre de « nourrir » d’autres êtres vivants et, ainsi, de boucler le cycle de la vie.
500 MILLIONS D’ANNÉES
Les premières plantes sortent de l’eau
HÉPATIQUES
Immersion+
Spores+
Vaisseaux–
Racines–
Feuilles–
Graines–
Fruits–
Période du Ordovicien
Cette période marque un tournant dans l’histoire évolutive des plantes. Certaines algues vertes vont peu à peu s’affranchir du milieu aquatique. Apparaissent alors les premières plantes terrestres ; elles sont petites, regroupées en tapis et encore très dépendantes de l’eau. On les appelle « hépatiques », pour leur forme évoquant parfois un foie.
SORTIR DE L’EAU, OUI, MAIS PAS SANS PROTECTION : LA CUTICULE
Cette petite couche hydrophobe, faite de cires et de lipides, recouvre les parties aériennes des plantes terrestres. La cuticule est présente dès l’apparition des hépatiques sous sa forme la plus simple. Plus ou moins épaisse selon le climat, elle permet de limiter les pertes en eau des plantes et forme une barrière de protection contre les pathogènes.
460 MILLIONS D’ANNÉES
Les mousses s’installent sans racines
MOUSSES
OU BROPHYTES
Immersion+/-
Spores+
Vaisseaux–
Racines–
Feuilles–
Graines–
Fruits–
Période du Cambrien
Les mousses, ou bryophytes, ouvrent un nouveau chapitre du vivant sur la terre ferme. Capables d’absorber l’eau sans avoir de racines, directement à la surface de leur corps, elles restent encore très dépendantes de l’eau pour se reproduire.
Une fenêtre ouverte sur l’extérieur, le stomate.
LES STOMATES : LES PLANTES SE DOTENT DE FENÊTRES DYNAMIQUES
Pour survivre sur terre, les plantes doivent réguler leur contenu en eau : trop peu, elles flétrissent ; trop, et leurs racines, privées d’air, s’étouffent doucement. Pour cela, elles disposent de stomates, minuscules ouvertures encadrées par deux cellules spécialisées. Apparues chez certaines mousses et devenues essentielles chez les plantes vasculaires, ces structures face à face s’ouvrent ou se ferment en quelques secondes, permettant aux plantes de transpirer, de laisser passer les gaz, facilitant ainsi les échanges avec l’air tout en répondant à leurs besoins.
VOIR P. 85
Scopelophila
Anthoceros punctatus
➏ LES FRUITS : ils cachent les graines
Qui dit fleur dit fruit, si la fécondation a lieu. Le fruit est un tissu formé à partir de l’ovaire, destiné à protéger les graines et à favoriser leur dispersion, souvent en attirant des animaux friands de sa chair sucrée ou fermentée. La métamorphose du fruit a un seul dessein : assurer la protection des graines et leur dissémination jusqu’à l’endroit et au moment favorables à la germination. Chaque graine abrite une plante en devenir : des cotylédons gonflés de réserves, parfois les premières feuilles ( plumules), la future racine (radicule) et la tige (tigelle), le tout protégé par un tégument. Selon leur structure, les plantes sont dites monocotylédones, avec une seule feuille
embryonnaire, comme les céréales, ou dicotylédones, avec deux cotylédons. La diversité des fruits botaniques est immense : charnus comme l’avocat, secs et ouverts comme le petit pois, fermés comme le blé… Voué à être détruit, le fruit sera mangé, il sera détérioré ou il s’ouvrira afin de laisser toute la place à la graine.
L’ANECDOTE VERTE
D’un point de vue culinaire, certains « fruits » sont en réalité autre chose. La fraise, par exemple, est le réceptacle floral du fraisier. Les vrais fruits sont en fait les petits grains secs que l’on voit à sa surface : ce sont eux qui contiennent les graines.
LE FRUIT QUI PORTE LES GRAINES
Réceptacle
La graine
Épicarpe
Mésocarpe
Endocarpe
La radicule (première racine)
Les cotylédons (feuilles embryonnaires, riches en réserves)
L’albumen (organe de réserve) Le tégument
Le fruit
FRUITS ET GRAINES :
LA TOMATE PERÇOIT DES INFORMATIONS DANS L’AIR ET ACTIVE SES DÉFENSES
Cette étude de Pasquale Casconea et son équipe, réalisée en 2015, explore la capacité de la tomate à percevoir des composés organiques volatils (COV, voir p. 133) émis par d’autres plantes et à activer ses défenses en réponse36. Elle implique des notions de communication entre plantes, qui marquent un grand pas en avant dans la compréhension des échanges entre plantes.
❶ Des plants de tomate sont exposés à un COV émis par des plantes en situation de stress.
❷ Les tomates perçoivent le COV, elles modifient leur propre profil de COV et activent des processus de défense.
Ces chercheurs de l’université de Turin ont voulu savoir si un COV largement émis par les plantes en situation de stress (notamment lors d’attaques d’insectes herbivores) pouvait à lui seul déclencher une réponse défensive chez la tomate contre les pucerons (Macrosiphum euphorbiae). Pour cela, des plants de tomate ont été exposés à l’atmosphère dégagée par des plants de tabac produisant ce COV de stress.
Les résultats montrent que les tomates exposées à ce seul COV deviennent moins attractives : les pucerons s’installent moins, se développent plus lentement, et leur reproduction est réduite. Simultanément, les tomates deviennent plus
❸ Les pucerons se développent moins bien sur les tomates exposées, et les plantes deviennent plus attractives pour un parasitoïde naturel des pucerons.
attractives pour le parasitoïde Aphidius ervi, témoignant d’une défense indirecte renforcée. Cette double réponse est liée à une reprogrammation du métabolisme de la plante, avec une émission accrue de COV spécifiques impliqués dans les réponses de défense et dans l’attraction des ennemis naturels des ravageurs.
Cette étude démontre que la tomate est capable de détecter activement un signal volatil précis émis par une autre espèce végétale et d’adapter sa physiologie de manière anticipée et stratégique. La perception de ce COV implique le déclenchement d’une réponse biologique complexe, comparable à un système d’alerte précoce.
composés de l’air
Toutes les parties vertes sont toxiques pour les animaux.
Les racines sont peu profondes, ce qui rend la tomate sensible à la sécheresse.
La tomate Solanum lycopersicum
Les feuilles, très lobées, sont spécifiques à la tomate, et les composés volatils qu’elles émettent sont utilisés pour la défense du plant, mais aussi pour attirer certains pollinisateurs. C’est à cet endroit qu’elles perçoivent aussi les COV émis.
Poils microscopiques (trichomes), situés au niveau des feuilles, des tiges et des sépales. Ils jouent un rôle crucial dans la défense de la plante
Famille : Solanaceae. Division : plante à fleurs. Habitat : environnements chauds, bien drainés, en plein soleil. Où la trouve-t-on ? Originaire d’Amérique du Sud (Pérou), elle s’est répandue mondialement après son introduction en Europe au xvie siècle. Aujourd’hui, elle est cultivée partout dans le monde, en particulier dans les régions tempérées et subtropicales. Qui est-elle ? Plante herbacée annuelle ou vivace de 50 cm à plus de 2 m selon les variétés. Sa floraison survient généralement entre 4 et 7 semaines après la germination. Pourquoi est-elle étudiée ? C’est un modèle pour étudier le développement et la maturation des fruits, ainsi que les réponses aux stress. Son génome est entièrement séquencé, ce qui facilite la recherche en génétique. Riche en lycopène, elle présente aussi un fort intérêt nutritionnel et économique à l’échelle mondiale.

Fixées au sol, les plantes ont développé une autre manière d’exister. Elles ne chassent pas, elles fabriquent leurs propres ressources. Elles ne fuient pas le danger, elles sacrifient une partie de leur organisme. Elles ne se cachent pas, elles se réorientent judicieusement. Ni réflexes ni simples réactions mécaniques, ces comportements révèlent une sensibilité végétale passée sous silence. De nouvelles découvertes bouleversent notre perception, nous rapprochant de ce que sont fondamentalement les végétaux : des êtres vivants actifs, évolués et sensibles. Les autrices, deux scientifiques, nous invitent dans ce livre à déplacer notre regard sur les plantes, en racontant autrement ce qu’elles sont, ce qu’elles font et ce qu’elles rendent possible.
• L’histoire de nos relations avec les plantes. À la croisée des disciplines scientifiques, de l’anthropologie à l’ethnobotanique, les autrices retracent les usages, les croyances et les récits associés aux plantes, et questionnent notre manière de penser le végétal.
• Les singularités des plantes à la loupe. De l’infiniment petit d’une cellule, constituant commun à tout le vivant, aux spécificités propres des plantes, chaque détail de leur anatomie dévoile leur incroyable adaptation sur Terre.
• Des expériences sensibles illustrées. Toucher sans peau ni doigts, réagir au son des pollinisateurs ou encore voir la lumière sont autant de capacités insoupçonnées mais bien réelles des plantes. Ces révélations sont le fruit d’années de recherches scientifiques, que cet ouvrage appelle à découvrir.