Créer son jardin résilient - Les Editions Ulmer

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Habiter un cocon vert, fleuri et comestible

DIDIER WILLERY

résilient son jardin Créer

S’inspirer de la nature

Alliances végétales adaptées aux variations climatiques

Sommaire

Introduction 8

Entrer en RÉSILIENCE 19

J’apprends à CONNAÎTRE MON TERRAIN en l’observant 61

J’adapte mes GESTES ET MÉTHODES au plus proche de la nature 83

J’IMBRIQUE LES PLANTES dans l’espace et dans le temps 149

Quelques PHYTOSYSTÈMES

inspirants 195

Annexes 246

Bibliographie 249

Table des matières 250

Index 252

La nature, ma source d’inspiration

On compare souvent les plus beaux espaces naturels à de formidables jardins. Ils n’en sont pas (dans toutes les définitions, un jardin suppose un enclos et une production humaine), mais ce sont de formidables sources d’inspiration. Je trouve fascinant d’apprendre à lire un paysage, botaniquement parlant. J’en ai tiré de nombreux enseignements, que je pensais simples et anodins (souvent simplement esthétiques), mais qui, une fois appliqués au jardin, lui ont donné sa dimension résiliente.

Il y a des plantes partout !

Hormis dans les déserts très chauds et arides, ou très froids et glacés, on trouve des plantes partout dans le monde, sur tous types de sols et sous toutes sortes de climats. Certaines sont très polyvalentes et peuvent pousser dans des conditions très variées, d’autres au contraire très spécifiques de situations particulières. Les plantes de jardin ne font pas exception et la gamme est tellement riche aujourd’hui (environ 80 000 variétés selon les derniers guides Plant Finder) que l’on peut facilement trouver des plantes pour végétaliser certains endroits compliqués. Il suffit de regarder combien de plantes parviennent à pousser sans rien, sur des murs ou sur une roche en montagne, pour se rendre à l’évidence : en dehors des légumes et des fleurs horticoles très gourmandes, la quasi-totalité de la flore capable de pousser chez nous est assez frugale et adaptable.

BIO-INSPIRÉ

S’inspirer de la nature, de la manière dont poussent les plantes librement, est pour moi la meilleure manière d’apprendre à cultiver une plante. De nombreuses randonnées en espaces naturels, en Europe et un peu plus loin m’ont à chaque fois apporté des quantités d’informations importantes. Je n’ai toutefois pas cherché à copier ce que j’ai vu, mais transposé une situation ou une manière de pousser au jardin. Observer la ciboulette sauvage auprès des ruisseaux alpins m’a fait prendre conscience de l’importance de l’humidité dans sa culture et comprendre pourquoi je perdais mes plantes chaque été d’une attaque de rouille. Depuis qu’elle pousse près du bassin, tout va bien !

Un mini-jardin naturel dans le creux d’une roche dans les Alpes. Les plantes fabriquent le sol à mesure qu’elles perdent ou piègent des feuilles et qu’elles se décomposent.

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Patchwork : un massif traditionnel « à l’anglaise ».

Les plantes vivent les unes dans les autres

La plupart de nos jardins sont conçus soit comme des albums de timbres, avec des plantes-échantillons de chaque espèce sagement disposées les unes à côté des autres, soit comme des patchworks où l’on oppose des à plats de couleurs. Même s’il y a beaucoup de végétaux différents, ils n’offrent qu’un ensemble de monocultures sans interactions autres que visuelles. Or, la végétation des espaces sauvages s’apparente davantage à un tissage fin et minutieux, à un tapis persan aux motifs épousant les infimes variations de nature du sol et de microclimats. Les plantes sont étroitement imbriquées les unes dans les autres et s’organisent pour obtenir la quantité de lumière qui leur est nécessaire pour assimiler des réserves et repousser l’année suivante. Au fil d’une année, la superposition commence souvent près du sol (perce-neige, crocus), pour se terminer avec des grands asters ou soleils vivaces à 1,50 m ou 2 m de hauteur. En lisière de forêt, on peut observer au-dessus des plantes herbacées différents étages d’arbustes, petits arbres et arbres, tous imbriqués pour former un ensemble cohérent et résilient.

Les plantes s’épanouissent les unes après les autres

Le manteau végétal finement composé se renouvelle chaque année, avec plus ou moins les mêmes individus mais en quantités différentes. Certaines années, l’éclairement et la météo sont plus favorables à certaines espèces qui présentent alors un optimum de végétation, et parfois beaucoup moins l’année suivante. Les milieux et les conditions évoluent progressivement en accueillant des broussailles, puis des arbustes et des arbres, puis le sous-bois. On ne retrouve pas forcément les mêmes plantes au même endroit indéfiniment. Il y a donc une double succession, annuelle et pluriannuelle. Prendre en compte la succession annuelle en plantant un jardin permet d’optimiser l’espace tout en couvrant mieux le sol. Mais il reste rare qu’un jardinier prévoit l’évolution au fil des années. Pourtant, comprendre l’évolution de ce que l’on plante, puis la suivre au fil des années, donne au jardin et au jardinier toute leur résilience : je ne m’attends pas à retrouver mon jardin absolument identique chaque année, mais au contraire j’imagine et apprécie un stade différent de l’année précédente.

Mon premier potager, petit et étroit mais foisonnant de diversité comestible et colorée.

Les plantes des massifs étroitement imbriquées comme dans une prairie.

Tissage fin : un massif « naturaliste », finement composé.
Entr E r E n résili E nc E 43

Sol acide ou alcalin

Sol acide

pH < 6,8

Un sol acide est composé de couches d’humus non décomposé (tourbe) généralement à cause de l’absence d’air (marécage), ou de froids intenses (altitude), ou encore d’un sous-sol constitué de roche ancienne granitique ou schisteuse sur lequel les feuilles mortes forment un sol végétal. Les litières d’aiguilles de conifères (pins, thuyas, etc.), comme celles de feuilles de hêtres et de chênes sont fortement acides.

L’échelle de pH définit l’acidité ou l’alcalinité d’un sol. Cette nature détermine très nettement la végétation spontanée et potentielle. Comme nombre de plantes prestigieuses (rhododendrons, hortensias, etc.) et très réputées chez les jardiniers poussent en sol

PLANTES

PLANTES

Fougère aigle Pteridium aquilinum Digitale Digitalis purpurea Oxalis petite oseille Oxalis acetosella Hortensia fleur rose (pH 7) Fougère Blechnum sp. Bruyère d’été Calluna vulgaris Hortensia fleurs bleues Rhododendron Rhododendron sp.
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non calcaire, la plupart pensent qu’un sol alcalin est une calamité où rien ne pousse. C’est faux, car un très grand choix de plantes a absolument besoin de calcaire pour bien se développer, à commencer par la plupart des légumes, qui préfèrent des sols neutres ou légèrement alcalins.

Pimprenelle Sanguisorba minor

BIO-INDICATRICES CULTIVÉES

Viorne lantane Viburnum lantana

SOL

ACIDE À NEUTRE

Pivoine arborescente Paeonia suffruticosa

Érable champêtre

Acer campestre ‘Postelense’, ‘Schwerinii’

Genêt précoce

Cytisus praecox

Fétuque glauque

Festuca glauca

Chêne pédonculé Quercus robur

Lis blanc

pH

Un sol alcalin est composé de calcaire, bien visible sous forme de craie, ou totalement indétectable autrement que par la présence de plantes indicatrices. Les sols argilo-calcaires sont plutôt riches et fertiles, car la matière organique s’y décompose très rapidement. Les sols calcaires pentus ou caillouteux sont plutôt drainés et secs, et donc plus pauvres, dotés d’une végétation plus clairsemée. Le calcaire bloque l’assimilation du fer, ce qui provoque des chloroses (feuilles anormalement jaunes) chez certaines plantes qui poussent davantage sur des sols acides.

Alternatives

SOL NEUTRE À ALCALIN

Rhododendrons hybrides R. hybrida

Érable du Japon

Acer palmatum ‘Ukigumo’, ‘Aureum’, ‘Bloodgood’

Genêt à balais

Cytisus scoparius

Laîche des montagnes Carex atrata

Chêne rouge d’Amérique Quercus rubra

Lilium candidum Lis royal Lilium regale

Hydrangea aspera

Hydrangea macrophylla

Photinia x fraseri Pieris japonica

alcalin
Sol
> 7,2 If Taxus baccata
Camellia Camelia sp. Œillets Dianthus sp. Seringat Philadelphus sp.
J’appr E nds à connaîtr E mon t E rrain 65

Le jeune arbre (2-3 ans après

Tête coupée à hauteur voulue avant qu’elle ne dépasse 5 cm de diamètre

Repousses sur le tronc et au sommet

On laisse la cime se développer

CRÉER UN TÊTARD

PAS TOUJOURS INDISPENSABLE

Rappelons qu’aucune plante n’a naturellement besoin d’être taillée même si la taille existe dans la nature, effectuée par différents éléments (le vent, le sel, le gel, les animaux brouteurs, les chenilles, etc.). Le jardinier taille des arbres et arbustes pour améliorer leur floraison ou leur fructification, ou encore réduire leur encombrement. On peut éviter de tailler en adoptant des plantes à croissance lente et à végétation compacte. Il existe aujourd’hui de nombreuses variétés de fruitiers de petit développement, ou encore colonnaires, qui ne demandent aucune taille particulière pour fructifier en abondance. Des panacées pour le jardin résilient et les jardiniers qui ne souhaitent pas apprendre à tailler…

Je tétarise certains arbres

J’aime beaucoup les saules, ils poussent bien chez moi et me réjouissent avec des gerbes de jeunes branches aux écorces vivement colorées en hiver. Mais ils poussent très vite et deviennent trop imposants pour les dimensions de mon lopin. Je les ai donc tétarisés, en actualisant cette méthode ancestrale par une taille annuelle au lieu d’une coupe décennale (dans la région, on appelle ces arbres des têtards ou des halleux, mais plus généralement, on les surnomme trognes). J’ai obtenu mes saules très simplement en faisant des plançons (grandes boutures de branches de 3-4 cm d’épaisseur et 2,5 m de longueur), enfoncés dans le sol d’une cinquantaine de centimètres. L’année suivante, j’ai peu à peu supprimé les pousses le long du tronc pour ne garder que celles du sommet. Je les coupe chaque fin d’hiver afin d’obtenir une tête cicatrisant très bien, pour limiter la vigueur des sujets. J’ai fait de même avec des érables produisant un joli feuillage, des aulnes, des figuiers ornementaux, des platanes, tilleuls, etc. Leur feuillage est alors bien plus beau (feuilles plus grandes, mieux colorées) tout en gardant ces arbres sous contrôle par une seule taille annuelle. Par ailleurs, cette silhouette traditionnelle se fond bien dans le paysage campagnard du fond du jardin. À la différence des têtards anciens, les troncs ne se creusent pas puisque l’eau n’a pas d’entrée dans le bois comme c’était le cas lorsque l’on coupait des branches de grosse section. Ces arbres aux branches souples n’ont pas non plus de prise au vent et restent éternellement jeunes… et résilients !

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Trois saules (Salix alba ‘Nova’) plantés en 1992 sont taillés en têtard pour valoriser leurs couleurs de jeune bois tout en les gardant sous contrôle.

Taille annuelle en fin d’hiver des jeunes trognes de 10 ans (Salix alba). Ailanthus altissima ‘Purple Dragon’ Acer platanoides ‘Princeton Gold’
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Acer x freemanii ‘Autumn Blaze’

Je commence avec des plantes pionnières

La nature a prévu des plantes capables de pousser dans les cailloux, sur de l’argile ou du sable, bref, là où il n’y a pas de sol végétal à proprement parler. Leur mission est d’en créer un, dans lequel d’autres plantes viendront s’installer à leur tour. Parmi elles, certaines offrent de magnifiques floraisons aussi attrayantes pour le jardinier que pour la faune, amorçant ainsi le début de chaînes alimentaires et écologiques.

02 août

Des vivaces à effet très rapide

Quelques plantes herbacées pérennes, qui vivent 2 à 5 ans mais sont souvent classées parmi les plantes vivaces, sont de parfaites pionnières, idéales pour meubler très vite une plantation et lui donner un aspect mature en quelques mois. Certaines peuvent survivre plus longtemps en se ressemant ailleurs dans le jardin, mais toutes libèrent la place assez rapidement pour des plantes à durée de vie plus longue. Elles participent au décor tout en améliorant le sol à notre place et permettent par exemple de patienter que des pivoines ou des hostas prennent les 3-4 ans nécessaires pour atteindre leur parfait développement sans dopage ni arrosage.

16 août

La verveine de Buenos Aires (Verbena bonariensis) et le fenouil bronze (Foeniculum vulgare ‘Purpureum’) donnent très vite beaucoup d’opulence à une jeune plantation.

Mes vivaces pionnières préférées

❍ Anthémis des teinturiers (Anthemis tinctoria)

❍ Coronille (Coronilla varia)

❍ Fenouil vivace (Foeniculum vulgare)

❍ Gaillarde (Gaillardia aristata)

❍ Gaura (Gaura lindheimeri)

❍ Giroflée (Erysimum hybrida)

❍ Lupin (Lupinus x polyphyllus)

❍ Marguerites (Leucanthemum vulgare et L. maximum)

❍ Scabieuse des champs (Scabiosa columbaria)

❍ Verveine de Buenos Aires (Verbena bonariensis)

La verveine de Buenos Aires (Verbena bonariensis) s’est mélangée spontanément aux salicaires (Lythrum salicaria) qui se sont développées naturellement dans cette partie argileuse et toujours humide.

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4 août 151

Framboises en compagnie

Lorsque l’on trouve des framboises sauvages dans la nature, elles poussent en lisière forestière sous un demicouvert, souvent au bas d’une pente ou d’un talus. Les plantes se déplacent vers la lumière, à mesure que les arbres grandissent derrière eux. Elles ne sont pas seules, mais souvent entremêlées d’épilobes, de géraniums vivaces (G. sylvaticum) ou d’ancolies (Aquilegia vulgaris) qui aiment les mêmes situations. Dans des conditions similaires, mes framboises s’insèrent dans le décor et produisent en abondance.

Hémérocalles (Hemerocallis ‘Corky’)

Avril
Ruban de Bergère (Phalaris arundinacea ‘Picta’) Pommier nain ‘Surprize’
28 juin 11 mai 8 septembre 234
Narcisses (Narcissus ‘Hawera’)

Aléas climatiques, dégradation des sols, invasions parasitaires sont les nouvelles données avec lesquelles le monde du jardin va devoir composer et s’adapter. En s’appuyant sur de multiples essais, Didier Willery repense notre compréhension du végétal et propose un nouveau pacte avec la nature : le jardin résilient. Il nous invite à créer un jardin-cocon, véritable refuge pour le jardinier et la biodiversité, où les alliances végétales, inspirées de la nature, composées de végétaux adaptés à leur milieu et correctement assemblés, se développent et se régénèrent pratiquement toutes seules.

Comprendre son jardin : analyser le sol, comprendre les microclimats, s’inspirer de la nature, où les plantes poussent naturellement les unes avec les autres, transposer ces observations aux plantes de jardin, ornementales et comestibles… autant de clés pour créer un jardin résilient et diversifier la palette végétale.

Adapter ses gestes pour se rapprocher de la nature : planter, tuteurer, arroser, tailler… les techniques et les gestes sont revisités pour optimiser la reprise, la croissance et le développement des végétaux, et donc leur résistance aux aléas climatiques. Ces nouvelles pratiques révolutionnent les (mauvaises) habitudes en revenant aux principes fondamentaux qui évitent souffrances physiques pour le jardinier, pollutions et dégradation de l’environnement.

Imbriquer les plantes dans l’espace et dans le temps : comme l’union fait la force, les communautés végétales se révèlent bien plus résistantes aux aléas. Fini les jardins « présentoirs », vive les « phytosystèmes » ! Qu’elle soit rase ou imposante, chaque plante protège tout en étant protégée, en pleine terre comme en pot.

Des inspirations pour créer un jardin résilient : une trentaine d’imbrications végétales existant dans le jardin de l’auteur sont décortiquées et analysées pour comprendre comment les plantes s’organisent et se complètent dans l’espace et au fil des mois.

Le jardin résilient, un nouveau pacte avec la nature.

éditeur du vivant

PRIX TTC FRANCE : 28 € ISBN : 978-2-37922-378-5 ,!7IC3H9-ccdhif!
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