Faire son papier - Les Editions Ulmer

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ILLUSTRé PAR LOUNA DESVAUX

faire son papier

RECYCLÉ, ARTISANAL, VÉGÉTAL

5 INTRODUCTION ............................................................................... 6 AUX ORIGINES DU PAPIER ARTISANAL ..................................... 8 LE MATÉRIEL PAPETIER ........................................................... 18 FABRIQUER DU PAPIER RECYCLÉ ............................................ 38 PERSONNALISER SON PAPIER .................................................. 52 LE VÉGÉTAL ET LE PAPIER ..................................................... 86 LES USAGES DU PAPIER ARTISANAL ............................................ 110 LES ENJEUX ÉCOLOGIQUES DU PAPIER ................................ 128 ANNEXES.................................................................................... 136
SOMMAIRE

INTRODUCTION

Ma passion pour le papier est née le jour où une amie a sorti de son sac à dos un cadre avec une moustiquaire dessus, d’anciens cours du lycée et un mixeur. Elle m’a montré pour la première fois comment faire du papier. Depuis ce jour-là, j’ai essayé, tâtonné beaucoup, créé, en conservant mon amour pour la matière papier : que cette pâte sans forme se modèle en mille choses, à plat ou en volume, que la matière devienne solide tout en restant souple une fois sèche, qu’elle soit teinte avec des plantes ou elle-même plante, continue de me fasciner. J’adore mettre mes deux mains dans un seau de pâte fraîchement mixée, si douce, et imaginer ce que cela va devenir : car le papier artisanal est tout à fait sur-mesure. J’aime que le papier puisse évoquer les engagements, les histoires, les sujets, qui me portent : que ce soit par les fibres qui le composent, ou bien par son usage en tant que support de dessin ou d’impression.

Créer son propre papier, trouver des stratégies et des processus créatifs pour faire vivre aujourd’hui cette pratique, permet de transformer à l’infini une feuille d’imprimante jetée, un livre que plus personne ne lit, ou des orties de bord de route. C’est aussi une transformation de regard : on crée du beau avec ce qu’on a sous la main et avec ce que certains ou certaines considèrent comme des déchets.

Le procédé de fabrication du papier, accessible à tous et nécessitant peu d’outils, a des horizons immenses, et il existe quantité de chemins d’expérimentations à partir de la création d’une pâte à papier — ce qui s’opère entre le mouillé et le sec, sur ces fibres microscopiques qui s’emmêlent, pour créer du papier, a quelque chose de magique.

Faire son papier, c’est enfin perpétuer des gestes traditionnels de fabrication, c’est continuer de faire parler les gestes des papetiers et papetières précédents.

Et quelle fierté de ne pas acheter de papier industriel, au processus de fabrication plutôt obscur, mais d’en modeler de ses propres mains !

Ce livre est destiné à celles et ceux qui, comme moi, se passionnent pour la matière papier et veulent créer leur propre papier, à leur échelle, sans grand outillage. Il s’adresse aussi aux créateurs et créatrices de papier qui ont déjà mis la main à la pâte (à papier), parfois jusqu’au coude, qui aimeraient créer d’autres papiers, fabriquer leurs propres outils papetiers, et aller plus loin dans la création papetière.

Feuilles artisanales colorées en papier recyclé. Les pâtes à papier sont créées à partir de papiers de couleur récupérés et de papiers sérigraphiés issus d’affiches de spectacle. Les feuilles sont exposées lors de la fête de Gutenberg, à Strasbourg.

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7 introduction

AUX ORIGINES DU PAPIER

ARTISANAL

L’histoire du papier artisanal est jalonnée par des inventions technologiques et techniques, que le papier soit composé de roseaux, de chiffons textile ou encore de bois…

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BREF HISTORIQUE

AU COMMENCEMENT, DU PAPYRUS AU PAPIER

L’histoire de la création du papier suit plusieurs trajectoires, suivant ce qu’on entend par « papier ». Le papyrus, du latin papyrus et du grec pápyros, est créé en Égypte il y a cinq millénaires. Des bandelettes végétales, issues du souchet du Nil (Cyperus papyrus), sont tissées pour être utilisées comme support d’écriture et de dessin. Le papyrus navigue ensuite jusqu’en Europe par le biais des échanges vers la Grèce puis dans l’Empire romain. Bien qu’il donne son nom au papier, le papyrus est plutôt l’ancêtre du papier car c’est une technique de tissage et non l’enchevêtrement de fibres indépendantes — qui caractérise le vrai papier.

En parallèle, en Chine, une myriade de fibres végétales sont expérimentées comme support d’écriture : ces fibres sont pilonnées, dispersées dans une cuve d’eau et prélevées feuille par feuille avec un tamis. Ces essais ont dû durer des centaines d’années, et ce que l’on sait, c’est qu’en 105 après J.-C., Caï Lun, alors chef des ateliers impériaux sous la dynastie des Han, améliore les recettes pour fabriquer de la pâte à papier et du papier. Il préconise d’utiliser des fibres issues de l’écorce de mûrier, des morceaux de chanvre, des chiffons de lin, ainsi que des filets de pêche, pour faire du papier. Il pérennise de ce fait à cette période la technique papetière et sa diffusion en Chine.

L’art papetier chinois, transmis ensuite en Japon et en Corée, reste un secret bien gardé jusqu’en 751, date à laquelle des troupes abbassides remportent une victoire à la bataille de Talas, près de Samarcande, alors un haut lieu culturel arabe. Des prisonniers sont faits parmi lesquels des papetiers chinois, que les vainqueurs font travailler à la production de papier et à la révélation des secrets du papier chinois. À partir de là, la technique du papier se diffuse avec la conquête et les voyages arabes ; on en retrouve des traces à Bagdad en 793, au Caire en 900, au Maroc à Fez en 1100, en Espagne en 1056, en Sicile en 1102, à Fabriano en Italie en 1276, et en France au début du xive siècle.

En France justement, on utilise alors beaucoup le parchemin (issue d’une peau animale) comme support d’écriture. Mais onéreux à fabriquer, il est petit à petit remplacé par le papier créé avec des chiffons de tissus. Ce savoir, transmis depuis la Chine jusqu’en Europe, est transformé par les Arabes, qui utilisent surtout le lin et le chanvre qui sont alors pour eux des fibres locales, ainsi qu’un amidon de froment en guise de colle.

Depuis le xive siècle, et jusque très tardivement dans l’histoire du papier européen, c’est donc à partir de fibres végétales et locales, de vieux tissus de

Le Moulin du Got, avec sa roue à eau, à SaintLéonard-de-Noblat.

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11 bref historique

Carte du monde, créée à Emmaüs Scherwiller, lors d’une résidence artistique. Cette feuille géante de 190 par 140 cm a été formée sur un tamis papetier créé avec un sommier de lit récupéré. Les pâtes à papier sont, pour le fond, la pâte à papier beige (plusieurs intérieurs de livres jaunis) ; pour les continents, la pâte noir bleuté : des rebuts de papiers noirs, bleus, et des cartes routières de récupération.

dure encore aujourd’hui, dans quelques rares moulins à papier. Ce sont dans les moulins à eau que l’on transforme la matière précieuse, étape par étape. Les chiffons sont macérés, défibrés successivement par la meule, qui, connectée à la roue à eau du moulin, écrase les fibres. Puis c’est la pile à maillet qui est utilisée, une imposante machine en bois dont les bras parsemés de gros clous trouent les tissus macérés au préalable dans un pourrissoir. Plus récemment, au xviie siècle, la pile hollandaise révolutionne la fabrication papetière en écourtant drastiquement le temps de fabrication de la pâte à papier.

L’apparition du papier à partir de pâte de bois, ou pulpe de bois, n’arrive qu’au xixe siècle, quand les papetiers n’ont pas assez de matière première avec les chiffons pour satisfaire la demande en papier, croissante. Ils trouvent alors dans les forêts une autre source de fibres de cellulose intéressante : le bois. Inventions et brevets sont mis en place pour fabriquer du papier en continu, et non plus feuille par feuille, nécessitant moins de main-d’œuvre. L’invention d’une telle machine, en 1799, est due à Louis-Nicolas Robert, un employé de la papeterie Didot-Saint Léger, qui crée une machine à papier autonome produisant des feuilles jusqu’à 15 mètres de long. La machine à papier continu perdure, et les usines fabriquent désormais des rouleaux de papier dont la longueur se mesure en kilomètres.

Aujourd’hui, il ne reste plus beaucoup de moulins à papier en France et dans le monde, et les usines à papier qui existent fabriquent des papiers spéciaux, comme le papier à cigarette ou le papier beaux-arts. L’essentiel de la production mondiale de papier se situe en Chine, États-Unis, Brésil, Japon, et Canada.

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DEUX OUTILS PHARES DU MONDE PAPETIER

La pile à maillet

Cette machine transforme les chiffons de chanvre et de lin en pâte à papier. Les tissus sont d’abord mis à fermenter dans un espace clos et humide pendant quelques semaines, avant d’être placés dans des cuves pour y être déchiquetés par l’action du maillet. Au-dessus de ces cuves se trouvent des grands bras en bois comportant une multitude de clous, qui viennent arracher et séparer les fibres les unes des autres. La pile à maillet est mise en mouvement mécaniquement par l’action des rouages connectés à la roue à eau. Défibrer correctement les fibres et obtenir une pâte à papier est très long et bruyant, et nécessite plusieurs jours. Pour voir une pile à maillet, rendez-vous au moulin Richard de Bas, au moulin Fontaine-de-Vaucluse ou encore au moulin du Verger.

La pile hollandaise

Elle remplace progressivement la pile à maillet, du fait de sa plus grande rapidité, mais également parce qu’elle ne nécessite pas de fermentation des chiffons avant le défibrage. Inventée aux Pays Bas au xviie siècle, elle se compose d’une grande cuve où l’on place les chiffons et l’eau, et d’une pile sur un côté qui vient appuyer et écraser les fibres pour les séparer les unes des autres.

L’opération de fabrication de pâte ne prend plus que quelques heures, selon les fibres qu’on veut raffiner. Encore aujourd’hui, c’est la machine la plus efficace pour faire de la pâte à papier à l’échelle artisanale, pour fabriquer de la pâte de papier à partir de tissus issus de fibres végétales, de plantes fibreuses ou de papiers existants.

En général, tous les moulins à papier et tous les ateliers de papier indépendants disposent d’une pile hollandaise. Indispensable pour un atelier de papier artisanal professionnel, il reste difficile de s’en procurer une, car les fabricants sont très rares et elle doit être importée d’Asie ou d’Espagne.

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bref historique

De la pâte à papier à la feuille, tout ce qu’il faut savoir pour créer son atelier artisanal et maîtriser les gestes papetiers. Laura Conill, designeuse et papetière, propose des techniques simples avec peu de matériel, qui permettent de se réapproprier ce savoir-faire et de se lancer dans la création de papiers originaux.

Créer son atelier et ses outils papetiers, dans une cuisine, un garage ou à l’extérieur, avec une presse, un tamis papetier, un mixeur…, c’est ouvrir le champ des possibles et s’inscrire dans une démarche écologique et low-tech.

De la cueillette à la feuille, une présentation des différentes fibres végétales (poireau, orties, gazon…) et des plantes tinctoriales (ronces, peaux d’oignons, gaude…) pour fabriquer, teindre et personnaliser le papier.

pas à pas de toutes les étapes de fabrication du papier, de la préparation aux techniques simples (inclusions de fibres, végétales ou de pâtes de couleur, par versement, par pochoir…), tout ce qu’il faut savoir pour créer, enrichir et protéger son papier.

Papier recyclé, papier teinté, papier végétal, papier avec filigrane ou inclusion de pâtes de couleur… une invitation à mettre la main à la pâte.

ISBN : 978-2-37922-364-8

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