Le crime de la Divine (Ed. Favre, 2025) - EXTRAIT

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DE LA DIVINE LE CRIME Bernard Chappuis

Éditions Favre SA

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Dépôt légal : 2025

Rang : 01

Imprimé en Bulgarie par Flex

Tous droits réservés pour tous pays. Sauf autorisation expresse, toute reproduction de ce livre, même partielle, par tous procédés, est interdite.

Mise en pages : SIR

Correction : Marie de Coulon

Couverture : C atherine Duval

Photo de couverture : © Istock ilbusca

ISBN : 978-2-8289-2258-0

© 2025, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse.

Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2020-2025.

LE CRIME DE LA DIVINE Bernard Chappuis

LeTKM (Théâtre Kléber-Méleau) et la ville de Venise sont des personnages en soi. À Venise cependant, la pièce d’interrogatoires de la « Questura » (quartier général de la police) et la géographie particulière du quartier où l’héroïne se perd relèvent de l’imagination de l’auteur. Pour sa part, le fantôme de Sarah Bernhardt s’invite au TKM. Tous les protagonistes contemporains de ce polar, à l’exception de la médiatrice culturelle Vanessa Lopez (TKM), sont imaginaires. En outre, le fonctionnement des brigades de la police cantonale vaudoise est purement littéraire.

Livre de fiction, Le crime de la Divine se veut un hommage passionné et référencé aux romans à énigme et à l’art de la peinture dans l’histoire du polar.

« À partir de ce jour, je m’armai pour la lutte, aimant mieux mourir en plein combat que m’éteindre dans les regrets d’une vie manquée. »

Ma double vie, Sarah Bernhardt (1844-1923), tragédienne, écrivaine, sculptrice et peintre parisienne.

« Comme l’éclat du Soleil l’emporte sur la lumière des étoiles, Titien resplendit plus que tous les autres peintres non seulement d’Italie mais du monde entier. »

Giovannie Paolo Lomazzo (1538-1592), peintre, critique d’art, écrivain et poète milanais.

Les personnages

Lilas Traymiro, surnommée « l a mentaliste », l’ex-inspectrice lausannoise est devenue célèbre en relevant le défi d’un crime en chambre hermétiquement close au Musée Sherlock Holmes à Lucens (Meurtre impossible à la Maison Rouge). Après avoir démissionné de la police de sûreté vaudoise, elle fonde l’Agence de détectives Fell (Hier, vous tuerez le trompettiste et Panic Circus). Parallèlement, elle publie deux essais, Autopsie du roman à énigme et Dames de polar. Avant d’être policière, elle a survécu à un terrible accident en tentant de sauver un enfant prisonnier d’un incendie.

Julie Jeanneret , compagne de Lilas, métisse, artiste peintre super cotée et hackeuse éthique en prime. Membre active de l’Agence Fell.

Aki et Juliette Traymiro, parents de Lilas, propriétaires du salon de thé littéraire Les horizons perdus à Lausanne.

Henri Maillard , ex-commissaire lausannois à la retraite. Ce collectionneur de timbres qui se bat contre un début d’embonpoint s’active désormais comme détective auprès de l’Agence Fell.

Thomas Müller, inspecteur principal de police à Lausanne.

Sarah Müller-Zürcher, inspectrice de police à Lausanne.

Bernard Kaufman, inspecteur de la police scientifique.

Ferenc Vep, vieille connaissance de Lilas et de Julie sous le nom de Moriarty. Directeur d’une galerie à Hajdúszoboszló (Hongrie).

Irma Vep, fille de Ferenc Vep qui porte bien son nom vampiresque.

Au TKM (Théâtre Kléber-Méleau, à Renens-Malley)

Carole Blanche, autrice et actrice interprétant Sarah Bernhardt.

Séraphin Brullé, metteur en scène parisien.

Matthieu Jäger, artiste plasticien contemporain.

Daniel Rochat , acteur interprétant Oscar Wilde.

Valentin Borghini, acteur interprétant George Bernard Shaw.

Ludovic Kovacs, acteur interprétant Arthur Conan Doyle.

Michael Ferguson, acteur interprétant Henry Irving.

Personnalité réelle

Vanessa Lopez , médiatrice culturelle et guide au TKM.

À Venise

Dottore Brunetti, ex-propriétaire de tableaux de maîtres, dont un Titien non répertorié.

Nino Cadrini, intendant du Dottore Brunetti.

Gino Caminelli, dessinateur et auteur, vendeur occasionnel dans la librairie Acqua Alta, ami de Julie.

Ispettore Sesto et vice ispettrice Fanella , flics à la Questura de Venise.

Ispettore superiore Gazzola , flic à la Questura .

Chapitre 1

L’ombre du corbeau

Jeudi

Le plan de travail se présentait comme un tableau. En haut à gauche reposait une rame de feuilles de papier A4 blanc. À droite, trois quotidiens pliés en deux – Le Temps, 24heures, La Liberté –étaient scrupuleusement alignés. On pouvait encore discerner des enveloppes, un paquet de timbres postaux estampillés 1 franc 20, deux tubes de colle, une paire de ciseaux, une règle et un crayon. La parfaite petite panoplie du corbeau à l’ancienne. Chaque élément de cet arrangement avait été acquis dans un commerce différent. L’obsession d’un esprit dérangé ou suprêmement organisé ? Deux mains enveloppées de gants chirurgicaux s’activèrent sur ce plan de travail. La longue et fastidieuse besogne pouvait commencer.

Une heure et des poussières plus tard, une feuille A4 blanche apparut enrichie de découpages de différents caractères de police :

Arrêt ez immédiatement cette pièce sur Sa ra h Bern h ar d t si non vous en pay erez le prix †

La croix découpée dans un avis mortuaire de La Liberté et collée à la suite du texte ne laissait planer aucun doute sur la nature du message.

Les deux mains s’attelèrent à un deuxième puis à un troisième message similaires. Ensuite, ce fut au tour des enveloppes

d’entrer dans la danse. Rédigée en lettres majuscules, une première adresse se matérialisa.

CAROLE BLANCHE

ROUTE DU PILLON

1865 LES DIABLERETS

Une deuxième enveloppe était adressée à Séraphin Brullé, au TKM et une troisième à Matthieu Jäger à Mollie-Margot. La police pourrait toujours perdre son temps à chercher des traces d’ADN sur les lettres et les enveloppes. Elle ne trouverait rien, du moins pas les siennes. L’anonymographe avait pris des précautions disproportionnées pour proférer cette menace explicite. Les trois lettres partiraient de trois offices postaux différents, ceux de Malley, de Renens et d’Epalinges.

Chapitre 2

Celle qui se prenait pour Sarah Bernhardt

Lausanne, mardi matin

Lilas Traymiro engagea sa Jeep sur la place privée du salon de thé littéraire Aux horizons perdus appartenant à ses parents. Un luxe à Lausanne. La place de parc s’entend. Au centre de la vitrine trônaient ses deux essais sur le roman policier, Autopsie du roman à énigme et Dames de polars. Derrière les piles de bouquins, des découpages de titres de journaux tapissaient la paroi : « Comment deux détectives lausannoises ont retrouvé un Vermeer ? ». On n’est jamais aussi bien servi que par sa famille.

Au premier étage, au-dessus de la librairie, l’Agence Fell occupait une grande pièce servant auparavant à l’entreposage des livres. Un coup de peinture, un éclat de neuf, une nouvelle affectation. Seul un ordinateur déparait un mobilier et des affiches de cinéma datant des années 40-50. Ce n’était certes pas Humphrey Bogart qui accueillait le client, mais une jeune femme athlétique et au look singulier. Ou un débonnaire ex-commissaire de la police lausannoise.

Henri Maillard avait ouvert l’agence tôt le matin. Non pas que les visiteurs se bousculaient. Il pouvait ainsi œuvrer sereinement à ses collections de timbres consacrées aux châteaux du monde. Alors que Lilas franchissait le seuil de la porte, un déclic perfusa son cerveau.

– Salut Henri, j’ai un job perso pour toi.

– Bonjour Lilas. Comment puis-je te rendre service ?

– Tu te souviens que Julie et moi avons reçu un tableau de Ferenc Vep, alias Moriarty, lors de la fête consacrant notre union.

La toile anonyme évoque une scène de la vie quotidienne d’une place de village au pied d’un château en 1610, probablement en Hongrie royale. Tu t’en doutes, notre priorité a été de nous assurer qu’elle n’avait pas été volée. Au-delà de son apparente simplicité, ce tableau acquis légalement par Ferenc Vep éveille la curiosité par l’abondance de détails. Est-ce que le peintre y a caché un message posthume ? Or, nous n’avons aucune idée du lieu géographique précis qu’il représente. Le château situé en arrière-plan reste notre meilleure piste. S’il y a une personne capable de découvrir son origine, c’est bien toi. Tu réalises une fiche historique pour chacun de tes timbres. La solution est peutêtre parmi ta collection. – Tu imagines bien que ça me botte !

Alors que la détective décachetait une enveloppe contenant une facture, une de plus, une femme ouvrit la porte sans frapper et pénétra prudemment dans l’agence. Des cheveux rebelles bataillant entre le roux et le blond vénitien, des yeux bleu pervenche et une bouche rouge cerise ne pouvaient qu’aimanter les regards. Idem pour sa maigreur dissimulée par une robe en soie noire et dont le décolleté laissait entrevoir une poitrine menue. Sa taille ne devait pas excéder les 155 centimètres. Le fantôme de Sarah Bernhardt se tenait devant Lilas. De chair et de sang toutefois, il dévoila un filet de voix juste assez éraillé pour le caractériser :

– Merci à l’Agence Fell de me recevoir. Je me nomme Carole Blanche, autrice et comédienne. Je… bref, je suis là pour solliciter votre aide.

– Et nous pour vous écouter, enchaîna Lilas placidement.

– Oui bien sûr, je suis un peu émue.

Décontenancée surtout par l’apparence de la boss de l’Agence Fell avec son allure de guerrière d’heroic fantasy, ses yeux vert céladon et ses cheveux brun foncé coupés très court. Une apparence plutôt rassurante en définitive.

– Voilà. J’ai reçu un message anonyme préoccupant en tant qu’autrice de la pièce intitulée Le crime de Sarah Bernhardt. Le mieux est que je vous le montre.

La visiteuse sortit de son sac à main, une feuille de papier pliée en quatre puis la déploya promptement devant Lilas.

– Quelqu’un d’autre a-t-il touché ce message ? demanda la détective machinalement.

– Non, personne.

Lilas et Henri détaillèrent longuement la menace anonyme.

Les deux détectives remarquèrent que de légers traits de crayon avaient été effacés d’un coup de gomme. Ils avaient permis un alignement parfait des groupes de lettres. Les différentes polices de caractères authentifiaient plusieurs provenances, sans doute de journaux locaux.

– « Sinon vous en payerez le prix ». L’intimidation est explicite, releva Lilas. La croix qui ponctue le texte est redondante, mais révèle la détermination du corbeau. Pourquoi ne vous adressez-vous pas à la police avec cette lettre ?

– Pour y faire quoi ? I l y a un peu moins d’une année, on a hacké mon compte en banque. Une somme conséquente au regard de mon petit train de vie. Sans doute avais-je péché par naïveté. Tout le monde s’est montré désolé pour moi, notamment l’employé de la banque et le flic qui a enregistré ma plainte. Désolé durant dix secondes puis « au revoir Madame, on vous rappellera si on a du nouveau ». J’attends toujours. Les menaces anonymes, les injures et les appels à la haine alimentent chaque jour les réseaux sociaux. Que voulez-vous que la police entreprenne avec ma lettre anonyme ?

– En quoi cette lettre vous paraît-elle plus préoccupante qu’un message électronique sous pseudo ?

Retrouvant sa voix, la visiteuse déclama, un brin emphatique :

– De tout temps, un pressentiment angoissant m’a mise en garde contre les événements prêts à fondre sur moi.1

Lilas et Henri échangèrent un regard interrogateur, « u ne victime ou une timbrée ? ».

– Je suppose que vous paraphrasiez Sarah Bernhardt, poursuivit la boss de l’agence. Pour quelle raison vous intéressez-vous à elle ?

– Parce qu’elle est la huitième merveille du monde. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais Oscar Wilde, le grand poète et dramaturge irlandais.

– A llez à l’essentiel s’il vous plaît. Même si nous ne sommes que des détectives, nous savons qui est Oscar Wilde. De plus, c’est votre opinion qui nous importe, pas la sienne. Pourquoi cette pièce ?

– J’ai toujours été fascinée par Sarah. Comment dire ? Pour elle, le monde entier est un théâtre. Tout devient mythique quand elle raconte l’attaque de son train spécial entre Saint-Louis et Cincinnati par des émules de Butch Cassidy et le Kid ou sa dérive en compagnie de sa sœur sur un « esquif de glace » au fil du fleuve Saint-Laurent. Est-ce la vérité ou des affabulations ? Quelle importance. Elle-même allègue que la légende prévaut sur l’histoire.2 J’admire cette femme qui dormait dans un cercueil en bois de rose lorsqu’elle se retrouvait seule, pas souvent certes, et qui dialoguait avec deux Victor Hugo dans sa maison. Le grand et vieil écrivain dans son lit et un lion gâteux enfermé à la cave. La Divine est unique. J’emploie le terme de Divine à dessein. Jamais aucune personne sur cette Terre n’a reçu autant de surnoms différents dans une vie : De « Fleur de lait » et « la Négresse blonde » lors de son enfance au couvent à « la Voix d’or », « L’Impératrice du théâtre », la « Reine de la pose », « l ’indomptable », « la Berma » chez Proust ou juste « The Super Star » au sommet de sa gloire à New York. Mais aussi, « Mademoiselle Révolte », « Madame Sans Gêne », « la Scandaleuse », « la juive errante », « la grande toquée », « la Parisienne perverse », « Sarah Barnum », « l ’Impératrice du vice » selon les ligues de vertus américaines et j’en passe. Pour elle, Cocteau a créé le terme de « monstre sacré »3. Sarah était tout cela à la fois. Mieux encore, une femme livre, une femme

libre, une femme ivre de théâtre et de peinture. Elle incarne de surcroît un paradoxe absolu : le narcissisme et l’altruisme portés à l’incandescence.

– Je loue votre ferveur. Mais nous n’avons nul besoin que vous nous récitiez une biographie de Sarah Bernhardt.

– Veuillez m’excuser pour ces digressions. La vie de Sarah Bernhardt est tellement folle et intense que je peine à cerner l’essentiel. Dans ma pièce, la grande tragédienne est invitée par Oscar Wilde à l’hôtel Langham, à Londres. George Bernard Shaw, Henry Irving et Arthur Conan Doyle complètent la tablée. Je suppose que même des détectives doivent connaître ces noms.

Lilas sourit. Elle appréciait cette femme, sa passion démesurée pour la grande tragédienne, ses réparties et son humour.

– L a recherche de l’identité d’un corbeau est problématique. La fameuse « a ffaire Grégory », du nom de ce petit garçon retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne, en témoigne largement. En ce qui vous concerne, on peut imaginer un artiste jaloux, un fanatique de Sarah qui refuse que l’on touche à son honneur ou à sa mémoire, un farceur qui veut juste vous faire peur, un déséquilibré, un amoureux bafoué ou un amant contrarié.

Un amant contrarié, j’en doute en ce qui me concerne. Je ne cultive pas une image de femme forte, voire dominatrice comme pouvait l’être Sarah Bernhardt. Cette dichotomie entre sa vie amoureuse hyper active et une possible frigidité est abordée dans ma pièce. Je ne pouvais pas me priver de cette phrase devenue culte qui résume crûment sa relation au sexe : « L’amour, c’est un coup d’œil, un coup de rein et un coup d’éponge. » 4 Pardon, je m’égare, je ne pense pas que cela soit le sujet.

– M alheureusement lorsqu’on s’empare d’une affaire, tout devient prétexte à devenir un sujet. Une autre manière pour vous dire que l’Agence Fell accepte votre requête.

L’actrice inspira longuement avant de relâcher son souffle.

– Je vous remercie infiniment. Maintenant, j’ai un autre souci. Je ne suis pas riche, ni même aisée à la suite de l’extorsion dont j’ai été victime.

– L’Agence Fell module ses tarifs selon ses clients. Quand cette pièce sera-t-elle jouée ?

– Le TKM l’affiche dans cinq semaines.

– Pour l’instant, il vous en coûtera dix francs par jour jusqu’à la Première. Ensuite, si cette menace est toujours d’actualité, nous aviserons. En attendant, nous allons exercer une surveillance sans contrainte. À ce propos, je vous remercie de nous prévenir chaque matin de vos déplacements programmés. Nous conservons le message du corbeau. Nous allons le faire expertiser bien que je doute que l’on y trouve d’autres empreintes digitales que les vôtres. D’autre part, nous avons besoin de votre CV décrivant notamment votre parcours professionnel. Il nous faut également les noms et les professions de vos proches, de vos amis et collègues, des individus avec qui vous auriez peut-être eu des altercations, voire encore de potentiels ennemis. Je préjuge que de nombreuses personnes sont au courant de l’existence de cette pièce ?

– Plusieurs centaines sans doute. Cette création étant au programme du Théâtre Kléber-Méleau à Renens, l’information a été envoyée aux agendas et aux rédactions culturelles des médias romandes lors de la présentation de la saison. Les premières répétitions commencent dans deux jours.

– C e qui nous fera jeudi. Notre présence dans la salle est évidemment souhaitable.

– Je m’occupe d’avertir la direction du théâtre et notre metteur en scène.

La comédienne partie, un Henri dubitatif interpella Lilas :

– Pourquoi avoir accepté cette affaire… quasiment gratuitement qui plus est ? Au-delà de cette lettre anonyme, notre cliente me paraît un peu à l’ouest, non ?

– E xaltée plutôt. Visiblement, elle soigne son apparence physique depuis plusieurs semaines. Carole vit déjà son rôle. Le TKM programme sa pièce, cela me suffit. J’ai accepté de l’aider, car je suis intriguée par la Bernhardt depuis que je l’ai découverte comme personnage de fiction dans des polars historiques.5 Mon attrait pour cette figure emblématique du star-system n’estompe pas pour autant un regard critique sur son égotisme, ses excentricités, son caractère difficile et, parfois, son irresponsabilité. Elle a été tout et son contraire.

– Tu exclus donc que notre cliente se soit elle-même envoyé cette lettre pour une opération marketing autour de sa pièce ?

– Je n’ai aucune certitude. Néanmoins, je suis persuadée qu’elle ne cherche pas à faire le buzz pour sa création. Du moins, pas de cette manière.

Henri hocha la tête, à demi convaincu. Il n’insista pas. Une autre question cependant le taraudait.

– J’ai parfois été confronté à des « corbeaux » durant ma carrière de flic. Or, je ne me suis jamais préoccupé de l’origine de cette expression. Tu la connais évidemment ?

– Je ne suis pas sûre. Je mettrais bien une pièce sur Louis Chavance, un auteur de polars oublié, qui a écrit en 1932 la première version du scénario du Corbeau réalisé onze ans plus tard par Henri-Georges Clouzot. Concernant la paternité du terme, le nom du cinéaste prime à l’évidence sur celui du scénariste. Le film s’inspire d’un interminable fait divers qui a commencé en 1917. Pas encore de « C orbeau » dans cette affaire, mais un « Œil de Tigre » qui inonde de lettres anonymes les habitants de Tulle. En 1943, l’histoire a pris une tout autre dimension dans la France occupée par l’armée allemande. Des lettres signées « L e Corbeau » prétendaient révéler les secrets honteux de notables d’une petite ville de province. Depuis l’expression s’est généralisée aux auteurs de lettres anonymes.

– Allons-nous vraiment surveiller notre cliente dans ses déplacements pour tenter de profiler un éventuel suspect ? Ce n’est pas le mode opératoire d’un corbeau.

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