

Jacques Gubler
Giampietro Fontana
Jacques Gubler
Giampietro Fontana
Peintures, montages, allégories
Cet ouvrage est publié avec l’aimable soutien de

Éditions Favre SA
29, rue de Bourg
CH-1003 Lausanne
Tél. : (+41) 021 312 17 17 www.editionsfavre.com
Groupe Libella, Paris
Dépôt légal en Suisse en novembre 2025.
Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue une contrefaçon et une atteinte à la propriété intellectuelle.
Graphisme et mise en page : recto verso
ISBN : 978-2-8289-2312-9
© 2025, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse.
Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2025.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d’astres, et lactescent Arthur Rimbaud, Bateau Ivre, ligne 21-22
Chapitre 1
Les années de guerre
Entrée en matière
Quand je ferme les yeux pour mieux revoir les peintures de Giampietro Fontana, le témoignage de l’architecte tessinois Livio Vacchini survient en mémoire : « Le travail consiste en la poursuite acharnée d’ une image parfaite. Cette recherche ne va pas sans exaltation et obsession. L’obsession nous immunise contre les divagations de toutes sortes. Nous devons cultiver l’idée que toute action, même minime, doit s’inventer. »1
Demande préalable
« Comment puis-je savoir ce que je vais dire ? » Cette question vient de Marc Bloch et de son Apologie pour l’histoire2. Je tente une réponse. Mon intérêt pour la peinture de Giampietro Fontana va de pair avec une longue amitié, ponctuée de souvenirs précis et intenses : un concer t à Montreux du pianiste philadelphien hard bop, Ray Bryant ; une visite au Kunstmuseum de Berne à l’exposition rétrospective de Mondrian ; une escapade à Marseille où il régatait sur le yacht Le Pharaon (Fig. 1) ; des heures de rédaction et relecture des pages dactylographiées, produites en appui méthodique aux 24 planches peintes de sa thèse ; une rencontre imprévue en août 1996 à Berlin où Anne-Françoise Comte-Fontana et Giampietro passaient leurs vacances d’été et où je me trouvais en

1 Le Pharaon. Copie sérigraphique, s. d., vers 1975, photographie du yacht Le Pharaon de Me Teychené, bateau vainqueur en 1971 de la régate La Giraglia. Mythique, ce yacht aurait appartenu en son temps à Gaston Defferre, maire de Marseille. Équipier, Gp Fontana est à bord. Commémoration autobiographique.
compagnie de Heidemarie. Les témoignages recueillis à Castellamonte, TO, auprès de la sœur et du neveu du peintre m’ont été précieux. Les amies et les amis qui l’avaient fréquenté m’ont permis d’entrevoir des perspectives inimaginables et d’ouvrir des questions sans réponse. Ma formation (autrement dit ma déformation professionnelle) d’historien de l’art m’a conduit à la mise en ordre chronologique des documents. Ces documents existent sous quatre formes : peinte, écrite, radiophonique, cinématographique. Leur inventaire a été entrepris par les architectes Marina et Philippe Cornu. « Les Cornu » ont fondé en 2021 l’Association Giampietro Fontana, prenant en main le secrétariat. Leur veine archivistique a permis de réunir les images, catalogues d’exposition et articles de presse en un document informatique intitulé Le Cartable de l’artiste de Lausanne à Menton. Sonnant à la porte des propriétaires de la peinture « fontanienne »3, « Les Cornu » ont organisé une vaste campagne photographique. De mon côté, pour entamer l’histoire de la question, j’ai scruté la bibliographie, réduite à une liste de titres qui tiennent sur les doigts de deux mains4. J’ai cherché à recueillir quelques autographes sur papier : lettres manuscrites, échanges de vœux annuels, partage d’aquarelles polychromes grivoises entre copains. Ceci nous ramène à la difficulté et à la nécessité de publier un livre qui puisse conférer à Giampietro un prénom reconnu parmi les centaines de Fontana qui peuplent déjà l’histoire de l’art. Le sous-titre du bouquin, « Peintures, montages, allégories », esquisse le programme de mon autopsie5 critique. Il faut d’emblée définir les notions d’allégorie, de collage et de montage. Et ceci en mode sommaire, comme disait le chanteur Boby Lapointe qui jouait de la guitare sommaire6. Allégorie – et j’abrège ici la définition donnée par Bloch et von Wartburg – dérive du verbe grec allêgorein, soit « employer des termes autres », parler autrement, non par lapsus tar pour bar, mais par veine poétique7. Le cinéaste Peter Greenaway précise la bipolarité sophistiquée et populaire de l’allégorie : « L’allégorie a navigué le plus souvent dans l’underground. […] Ce fut un grand moyen de communication auprès des personnes illettrées, mais aussi […] l’occasion pour les personnes savantes et les artistes d’utiliser un langage intime de signes et de symboles »8 (Fig. 2 et 3).

2 Feu d’artifice tiré à l’aube, s. d., vers 1976, technique mixte, montage sur carton bistre, 50 x 70 cm. Vénus prête son poing efficace à la révolution féministe.
> 3 Groupe familial attendant l’autoroute, 1975-1976, acrylique et technique mixte sur toile, 100 x 100 cm. Personnes et paysage phantasmatiques dans un environnement lacustre.

La notion de collage provient des aventures du surréalisme. Le collage est copulation, autocélébration, compilation d’une foultitude d’images oniriques, érotiques. Le collage est ouvert à la poétique de l’aléatoire9. Quant à l’opération de montage, elle procède par assemblage de plusieurs composantes. La métaphore mécanique du montage force à préméditer le choix des composantes en fonction de la poursuite d’un résultat. Dans le champ des avant-gardes internationales, le français montage est repris en allemand, en russe, en anglais. Il s’applique le plus souvent à la photographie. On parle alors de photomontage. L’usage du négatif permet d’obtenir un effet d’homogénéité, sans couture apparente entre les parties. Par analogie, le montage existe en peinture. En raison de la rationalité qui préside au choix des composants, le montage est l’antipode du collage (Fig. 4 et 5).
Giampietro Fontana expérimente les possibilités expressives du montage à travers les 24 planches de sa recherche sur l’Architecture italienne des années 1960. Attaché à l’iconographie de la tour de Babel, il produira d’autres séries qui évoqueront l’architecture de Zurich et l’architecture du canton de Vaud.

4 PGR, Groupe avec CRS à la dérive, 1978. Montage en citation du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Dans le catalogue de l’exposition à la galerie Numaga d’Auvernier, en octobre 1979,
Enrico Castelnuovo écrit : Ce sont des notables, comme sortis d’un roman de Sciascia, réunis ici sur un radeau, rassemblés là dans un gigantesque ex-voto bourgeois, pour témoigner de la grâce reçue.
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