F-35 ou l’histoire
d’une manipulation
Révélations sur un scandale d’État

Pierre-Alain Fridez
F-35 ou l’histoire
d’une manipulation
Révélations sur un scandale d’État
Éditions Favre SA
29, rue de Bourg
CH-1003 Lausanne
Tél. : (+41) 021 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com
Groupe Libella, Paris
Dépôt légal : septembre 2025
Tous droits réservés pour tous pays. Sauf autorisation expresse, toute reproduction de ce livre, même partielle, par tous procédés, est interdite.
Mise en page : SIR
Couverture : SIR
ISBN : 978-2-8289-2316-7
© 2025, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse
Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2020-2025.
INTRODUCTION
Unefois de plus, la procédure de remplacement de nos avions de combat s’apparente à ce que l’on peut qualifier de saga. Le choix surprenant par le Conseil fédéral du F-35A, l’avion américain produit par Lockheed Martin, en est l’illustration. Et sincèrement je pense que nous n’avons pas encore tout vu dans cette affaire. Il est vrai que, dans notre pays, ce type d’acquisition n’a jamais été une longue histoire tranquille. Il suffit de se rappeler le scandale des Mirages dans les années 60, marqué par des surcoûts faramineux qui avaient conduit à réduire de près de moitié le nombre d’avions finalement livrés par la France, ou encore l’échec retentissant en vote populaire en 2014 de la procédure d’acquisition de 22 Gripen E, un avion qui n’existait à l’époque que sous forme de prototype et dont le processus de développement n’était de loin pas terminé. Quarante ans plus tôt, une situation similaire liée à une demande d’helvétisation des avions avait d’ailleurs concerné le Mirage. Et à la suite de cette aventure malheureuse, il avait été décidé à l’époque de réformer en profondeur les principes régissant les procédures d’acquisition de l’armement militaire. Seuls les systèmes aboutis, ayant atteint leur « maturité d’acquisition », c’est-à-dire dont le développement était terminé et l’adaptation à la troupe vérifiée avec succès, pouvaient être achetés. Respectés lors de l’acquisition des F/A-18 C/D dans les années 90, ces préceptes ont été soigneusement oubliés
F-35 ou l'histoire d'une manipulation
ces dernières années par l’apprenti sorcier qu’est devenu armasuisse. Cela s’est vérifié à l’occasion du processus d’acquisition développé pour remplacer le F-5 Tiger vers les années 2010, ou encore aujourd’hui avec l’histoire du F-35A, comme nous le verrons plus en détail.
Mais des soupçons d’incompétence et le manque de résultats ne concernent pas que les avions de combat. Pensons à la débâcle en lien avec les drones israéliens… Édifiant !
À l’époque de l’acquisition du Mirage, le Conseil fédéral, pour son grand malheur, avait suivi aveuglément quelques officiers supérieurs regroupés autour du colonel divisionnaire Étienne Primault. Faire confiance à un petit groupe… l’histoire semble se répéter !
Entouré du plus grand silence, sans aucune transparence, la procédure d’acquisition en cours du F-35A semblait se dérouler jusqu’à récemment au mieux, sans accroc, dans les délais prévus et selon les modalités convenues. Je résume ainsi les informations obtenues régulièrement dans le cadre des séances de la commission de politique de sécurité du Conseil national dont je suis membre.
Tout allait pour le mieux. Sauf que, depuis quelques mois, inquiétudes, doutes et interrogations se sont invités sur le sujet…
Il y eut tout d’abord l’élection de Donald Trump, l’imprévisible, le menaçant, l’isolationniste, le prophète de l’America first en ce début d’année 2025. Ensuite le conflit russo-ukrainien est également passé par là avec les menaces que la Russie de Poutine ferait peser sur l’Europe et qui inquiètent d’autant plus que le nouveau président américain parle de se désengager des alliances passées, menaçant de priver l’Ancien Monde du soutien historique des États-Unis.
Dans ce contexte le choix d’un avion de combat américain semble tout à coup de moins en moins logique et les critiques fusent. Les USA garderont-ils un contrôle sur nos
avions, avec la possibilité de les clouer au sol ? Comment se passera la gestion des pièces de rechange ? Les délais de livraison pourront-ils être respectés ? Le choix d’un avion de chasse européen ne serait-il pas plus pertinent ?
En automne 2024, on apprenait officiellement que le moteur du F-35 devrait être changé… Une routine selon Viola Amherd, sauf que ce changement de moteur sera à notre charge. On nous avait pourtant assuré de prix résolument fixes dans ce dossier. Le pire réside dans le fait que, dans un premier temps, les avions nous seront livrés avec les anciens moteurs et que les nouveaux seront installés plus tard, sans délai, ni prix connu à ce jour.
Puis ce fut l’annonce surprise de la démission inattendue de Viola Amherd en janvier 2025, un départ subit et pour le moins précipité, la conseillère fédérale n’ayant même pas pris la peine d’en informer, semble-t-il, son parti au préalable… Une impression de fuite de celle qui rêvait tellement de voir arriver, elle toujours à la tête du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), « son » Euro féminin en Suisse en ce mois de juillet 2025…
Et dans le même temps les mauvaises nouvelles s’enchaînent :
– Révélations d’inquiétudes financières à hauteur de plusieurs milliards concernant différents dossiers dans le département militaire du DDPS.
– L’entreprise Ruag éclaboussée par une histoire de malversation financière à hauteur de dizaines de millions de francs sur un fond de dysfonctionnements multiples et d’un défaut de surveillance de la part du département militaire. Dans ce contexte, une information d’un lanceur d’alerte aurait été étonnamment minimisée.
–
La démission surprise du chef de l’armée, Thomas Süssli.
ou l'histoire d'une manipulation
– Fin février, les départs coup sur coup de plusieurs des principaux responsables du projet F-35 chez armasuisse et dans les Forces aériennes : Peter Winter, Darko Savic, Peter Merz… Pourquoi ? Alors que l’arrivée prochaine du F-35A, leur projet phare auquel ils avaient tant contribué, était sur le point de se concrétiser. Pourquoi une telle débandade ?
Existe-t-il un lien entre certaines de ces annonces et le départ précipité de la conseillère fédérale ? On peine à imaginer que non. Mais en constatant que plusieurs protagonistes du dossier du F-35 quittent subitement le bateau avec elle, on se dit que l’on n’a peut-être pas encore tout vu. On a par ailleurs remarqué, non sans surprise que les candidatures du Centre à la succession de Viola Amherd au Conseil fédéral ne se sont pas bousculées pour reprendre ce département.
L’explication probable du sauve-qui-peut général surviendra quelques mois plus tard. Fin juin, le microcosme politico-militaro-journalistique à Berne s’étrangle littéralement : la pierre angulaire du processus d’acquisition du F-35A s’écroule. Il n’y aura pas de prix garanti, de prix fixe. Juste une mauvaise interprétation suisse, selon les autorités américaines…
Le département militaire et Viola Amherd auraient été informés officiellement en août 2024 (encore du temps de l’administration Biden !) que le prix final du F-35A allait augmenter de peut-être un milliard par rapport à ce qui avait été convenu au moment des négociations et de la signature du contrat. Dans un premier temps, l’information reste gardée top secret à l’interne du département et, chose impensable, le Conseil fédéral n’en sera averti que quatre mois plus tard, soit en décembre 2024. Bonjour l’ambiance au sein du collège gouvernemental où Viola Amherd devait être dans ses petits souliers et fort mal à l’aise !
Le Parlement, les médias et la population suisse devront attendre fin juin 2025, juste après la session parlementaire, pour obtenir cette information explosive. Bonjour la transparence.
Le Conseil fédéral tient alors immédiatement à minimiser la portée de l’affaire et les éventuelles responsabilités des autorités suisses. Il porte un discours assumé : la Suisse n’a fait aucune erreur, ce sont les Américains qui ne respectent pas leurs engagements. Et la Suisse va s’employer à rétablir le bon ordre des choses, par la voie diplomatique.
Bon courage avec l’administration Trump…
Je n’ai guère été étonné par ces divers rebondissements, comme c’est certainement le cas des personnes qui auront pris la peine de lire attentivement le livre que j’ai publié durant l’été 2022, Le choix du F-35. Erreur grossière ou scandale d’État ? (Éd. Favre).
Un choix incohérent ne pouvait déboucher que sur des problèmes et de mauvaises surprises. Nous en sommes là aujourd’hui, et il est temps de mettre à plat l’ensemble du dossier d’acquisition, de révéler les manquements et les manipulations qui l’ont accompagné et de tenter de rattraper ce qui peut l’être encore.
Ce second livre sur le F-35A vise à y contribuer. Reprenons toute l’histoire à son début si vous le voulez bien.
LE DÉPARTEMENT MILITAIRE ET ARMASUISSE ONT
APPRIS DE L’ÉCHEC DU GRIPEN
Après l’échec de la votation populaire du 18 mai 2014 sur l’achat de 22 Gripen le 18 mai 2014, par 53,4 % de NON, le Conseil fédéral a remis l’ouvrage sur le métier quelques années plus tard.
Il ne s’agissait plus comme en 2014 d’acquérir, à côté de nos 33 F/A-18, une seconde flotte d’avions de combat pour remplacer le F-5 Tiger devenu obsolète et pouvoir ainsi disposer de deux flottes distinctes tout en augmentant au passage notablement le nombre de nos avions de chasse performants disponibles (33 F/A-18 + 22 Gripen = 55 appareils), mais cette fois de tout simplement remplacer nos actuels 30 F/A-18 vieillissants, dont la durée d’utilisation prévue initialement jusqu’en 2025 avait été prolongée, après une remise à niveau suite à l’échec de 2014, jusqu’en 2030.
Le Conseil fédéral aurait appris de ses déconvenues passées, mais je pense plutôt qu’il a dû être séduit par un discours porté par le département militaire et armasuisse permettant d’éviter le risque de revivre une telle mésaventure : plus question de poser, à l’avenir, lors d’une votation sur un sujet aussi sensible, une question soumise au peuple portant sur le choix d’un type précis d’avion de combat. Plus question d’offrir un avion à la vindicte populaire et de transformer chaque électrice et électeur de ce pays en un potentiel spécialiste en aéronautique et aviation militaire.
Non, cette fois le Conseil fédéral a pris l’option de soumettre au corps électoral un concept général portant à la fois sur l’acquisition de nouveaux avions de combat et en prime, enfin, d’un système de défense sol-air crédible, une véritable lacune dans la protection du pays. Le projet Air2030 réclamait au peuple suisse une enveloppe de 8 milliards de francs au total, 6 pour de nouveaux avions de combat et 2 pour le système Patriot, choisi depuis lors. Avec en substance une question simple posée au souverain qui forçait notablement les chances de victoire du OUI : « Voulez-vous protéger l’espace aérien de la Suisse ? » Posé ainsi, l’objet paraissait une évidence et semblait devoir s’imposer sans problème.
Le peuple ne devait donc se prononcer que sur un principe et la procédure d’acquisition devait cette fois s’accompagner d’une modification de taille de la pratique afin d’éviter soigneusement tout débat public sur le choix précis de l’appareil et de ne pas risquer à nouveau un possible écueil en votation populaire. Le choix proprement dit de l’avion serait réservé à la seule appréciation du Conseil fédéral. En l’espèce, une première pour notre démocratie directe exemplaire qui tend souvent au contraire à aller dans le détail, jusqu’à déterminer par exemple s’il faut ou non couper les cornes des vaches. En cas d’acceptation du concept Air2030 par le peuple, le collège gouvernemental choisirait le futur avion de chasse et aurait juste besoin par la suite de l’aval du Parlement, une formalité avec une majorité confortable du centre et de la droite, régulièrement peu critique sur les achats militaires, permettant d’éviter toute mauvaise surprise.
Autre élément important : depuis plusieurs décennies, le département des affaires militaires était dirigé en permanence par un membre de l’UDC. Ueli Maurer n’avait guère brillé lors de la campagne de 2014 et certaines de ses interventions, disons maladroites, n’avaient pas favorisé son camp. L’accession à la tête du Département des affaires militaires d’une conseillère fédérale du Centre s’est révélée
Le département militaire et armasuisse ont appris de l’échec du Gripen
en définitive un élément déterminant dans le résultat serré du vote en 2020, favorisant un soutien renforcé du vote féminin et déplaçant vers le centre-gauche le curseur de l’électorat potentiellement susceptible d’adhérer au projet du Conseil fédéral.
Déterminant, car il s’en est fallu de peu. Après une campagne assez morne et des sondages prédisant régulièrement une victoire du camp du OUI à hauteur d’environ 60 %, le 27 septembre 2020 le peuple suisse a tranché du bout des lèvres avec une différence d’à peine 8515 voix (1 605 839 OUI, soit 50,1 %, contre 1 597 324 NON, soit 49,9 %).
Il est important de souligner que durant toute la campagne, le Conseil fédéral avait porté un message simple : l’espace aérien suisse devait être protégé. Il était indispensable de se doter des moyens d’assurer une police aérienne crédible et une protection de notre espace aérien. Dans les documents de propagande, en particulier dans la brochure électorale, le Conseil fédéral décrivait de manière précise les raisons de procéder à ces acquisitions et les engagements essentiels qu’il leur réservait :
• Service de police aérienne : « Au quotidien, l’armée utilise des avions de combat pour le service de police aérienne. Elle veille à ce que chacun respecte les règles de trafic aérien et vient en aide aux avions en détresse. Elle intervient lorsqu’un avion pénètre sans autorisation dans notre espace aérien. Les avions de combat peuvent alors le sommer de se poser et l’escorter jusqu’à un aérodrome. Ils protègent aussi de grandes manifestations, comme la rencontre annuelle du Forum économique mondial (WEF) à Davos, ou des conférences internationales, comme celles organisées au siège de l’ONU à Genève. »
• Menace terroriste et tensions internationales : « En cas de menaces terroristes persistantes, l’armée doit intensifier le contrôle de l’espace aérien pour tout
le temps que dure la menace. Les avions de combat peuvent alors intervenir lorsqu’un petit avion ou un avion de ligne détourné menace de commettre un attentat. Si des tensions se manifestent entre des États à proximité de la Suisse, les avions de combat ont pour mission de contrôler l’espace aérien et de faire en sorte qu’aucun avion étranger ne survole notre territoire sans autorisation. »
• Conflits armés : « En cas d’attaque contre la Suisse, l’armée utilise des avions de combat pour défendre son espace aérien […] Les avions effectuent en outre des vols de reconnaissance et des missions contre des cibles ennemies au sol. »
Dans le texte de son argumentaire, le Conseil fédéral mettait donc essentiellement en avant l’importance de disposer des moyens permettant d’effectuer des missions de police et de défense aériennes pour protéger notre pays. À aucun moment, il n’était question explicitement de procéder à des attaques en territoire étranger.
Le choix de l’avion
Après l’acceptation par le peuple du Message sur Air2030, la mission de l’équipe chargée de la procédure d’acquisition proprement dite s’en est trouvée grandement facilitée. Il fallait lancer les soumissions, retenir une liste d’avions de combat susceptibles de correspondre au cahier des charges, puis évaluer les avions. Le tout sans pression, en toute confidentialité, car en finalité, il fallait juste transmettre les conclusions des évaluations à un seul interlocuteur, l’adjudicateur, le Conseil fédéral.
Libéré du souci du choix d’un avion susceptible d’être soumis ultérieurement à un vote populaire, n’importe quel avion pouvait faire l’affaire : il n’était pas nécessaire de
Le département militaire et armasuisse ont appris de l’échec du Gripen s’entourer de précautions particulières pour anticiper d’éventuelles susceptibilités, comme le fait de choisir un avion américain. Le peuple n’avait à ce stade, dorénavant, plus rien à dire. La précaution « stratégique » introduite dans la procédure donnait les pleins pouvoirs à armasuisse, au DDPS et en finalité au Conseil fédéral, qui restait le seul à convaincre. Dans un livre écrit en 2020, Sécurité et défense de la Suisse. Casser les tabous, oser les solutions (Éd. Favre), je dissertais déjà sur les avions candidats en pleine procédure d’évaluation et je m’attardais sur les défauts du F-35, un avion hors de prix coûtant 40’000 CHF l’heure de vol et faisant peser une dépendance importante à l’égard des États-Unis (déjà à l’époque sous l’ère Trump 1). J’écrivais : « Le système logistique autonome (SILA, en anglais ALIS) qui équipe l’avion est un système informatique complexe qui recueille et analyse en continu les données de l’avion. Il est utilisé pour la planification des ressources, l’analyse des menaces, les diagnostics de maintenance et la planification et commande des pièces de rechange. Tous les F-35 doivent continuellement mettre à jour leurs dossiers ALIS avant et après chaque vol. Les données de chaque F-35 sont lues et envoyées via internet à l’ordinateur central ALIS au Texas. Les données sont alors transmises au US Reprogramming Laboratory et à Lockheed Martin, puis les données mises à jour sont ensuite renvoyées via l’ordinateur central à tous les F-35 du monde entier… Ainsi les États-Unis disposent potentiellement d’un contrôle actif sur ces avions, sur leurs missions, et ils pourraient potentiellement intervenir en tout temps sur les logiciels et agir au pire selon la méthode du cheval de Troie » (source : étude ACAMAR Analysis et Consulting, octobre 2019).
En vote populaire, je pense sincèrement que le F-35 n’aurait eu aucune chance devant le peuple. Une majorité des protagonistes de cette affaire l’avait bien compris…
La procédure entourant le choix de l’avion avait en fait déjà débuté depuis deux ans lorsque s’est déroulée la
ou l'histoire d'une manipulation
votation populaire sur Air2030, depuis 2018 plus précisément, par la sélection des candidats : deux européens, l’Eurofighter Typhon d’Airbus et le Rafale de Dassault, et deux américains, le F/A-18 Super Hornet de Boeing et le F-35A de Lockheed Martin, étaient sur les rangs.
À noter qu’un cinquième candidat, un candidat sérieux, avait été recalé, selon mes informations sur le conseil des évaluateurs suisses : le Gripen E du suédois SAAB. Refusé en votation à l’époque en 2014, l’avion souffrait selon eux d’un sérieux déficit d’image au sein de la population suisse. La campagne contre l’avion des opposants en 2014 avait été grandement favorisée par le constat d’un avion encore en plein développement et des mauvais résultats lors des tests pratiqués sur sa version précédente, le Gripen C/D, un modèle naturellement moins performant.
Par ailleurs, je me souviens bien des informations critiques sur cet avion fournies à l’époque anonymement à la presse durant la campagne référendaire, sous la forme de documents provenant très probablement de l’interne, vu leur qualité et leur caractère hautement confidentiel. Sans doute une contribution de membres des forces aériennes ou de collaborateurs d’armasuisse, peu enthousiastes à l’idée du choix fait à la hâte par Ueli Maurer, pressé à l’époque par le Parlement de choisir un avion. Certains auraient probablement préféré un avion plus performant, et nous avons toujours pensé que le rejet du Gripen avait trouvé des alliés à l’interne du département militaire.
Dans l’intervalle, le développement du Gripen E avait largement dépassé le stade du prototype et représentait un avion abouti à la fin de la décennie (plus que le F-35 en fait… comme on le verra). L’avion suédois correspondait de mon point de vue tout à fait à ce dont la Suisse aurait eu besoin. Un candidat sérieux, donc un concurrent susceptible de déranger certains projets… Seul défaut du Gripen E : une partie de son équipement technologique
Le département militaire et armasuisse ont appris de l’échec du Gripen étant d’origine américaine, la même problématique d’un possible contrôle de l’avion par l’Oncle Sam pouvait être argumenté.
Avant même la prise de décision sur le projet Air2030 par le Parlement en décembre 2019, le Conseil fédéral avait donc lancé la procédure d’acquisition des nouveaux avions de combat et armasuisse avait procédé dès l’été précédent à l’évaluation des différents avions en lice à travers toute une série de tests.
Le choix de l’avion par le Conseil fédéral a eu lieu lors de sa séance du 30 juin 2021 et a fait l’effet d’une bombe : à la surprise générale, le Conseil fédéral s’était mis d’accord sur le F-35A du constructeur américain Lockheed Martin.
Lors de la conférence de presse donnée par le Conseil fédéral le 30 juin 2021, juste après la décision, les journalistes présents apprenaient que le F-35A serait d’une part l’avion disposant largement de la plus haute utilité globale et que, d’autre part, il présenterait les coûts les plus faibles. Durant les trente années d’exploitation prévues, le F-35A serait près de 2 milliards de francs meilleur marché que ses concurrents. Il serait le plus avantageux sur le plan de l’acquisition et de l’exploitation. Les coûts d’acquisition au moment des offres de février 2021 s’élevaient à 5,068 milliards de francs et se situaient clairement dans le cadre du volume financier de 6 milliards de francs (selon l’indice des prix à la consommation du mois de janvier 2018) approuvé par le peuple lors de la votation sur le projet Air2030 en septembre 2020. 5,068 milliards… le premier chiffre transmis par le Conseil fédéral. Le match était plié, il n’y avait pas photo.
Un résultat surprenant pour un avion furtif caractérisé par ses capacités de projection en profondeur en territoire ennemi et acheté essentiellement par des pays membres de l’OTAN dans un but précis, tel l’Allemagne, afin de pouvoir « porter le feu nucléaire de l’OTAN »
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