AU-DELÀ des CONCEPTIONS Il se passe bien des choses dans un mélange réactionnel Lorsqu’on décrit une réaction chimique au moyen d’une équation de réaction du type « réactifs à produits », on décrit une réaction, mais on ne décrit pas précisément tout ce qui se produit dans le mélange réactionnel. En effet, les molécules ne savent pas quelle équation on a écrit et elles ne se soucient pas de nos préférences. Les molécules réagiront si elles font des collisions efficaces entre elles, même parfois selon des équations réactionnelles auxquelles les chimistes n’ont pas pensé.
Le solvant peut agir comme réactif Le solvant utilisé peut parfois compliquer la situation. En effet, comme le solvant est en plus grande concentration que les réactifs, qui baignent littéralement dans d’innombrables molécules de solvant, celui-ci « s’invite » parfois dans les réactions. Par exemple, si on fait une substitution nucléophile en présence d’un solvant polaire protique, une molécule de solvant peut jouer le rôle du nucléophile en partageant les électrons de son atome d’oxygène et on obtiendra des produits inattendus et indésirables, comme dans l’exemple suivant :
Réaction attendue
+
Cl
+
K C
–
N
N
+
+
K Cl
–
Autre réaction qui se produit, si le solvant est l’eau Cl
+
OH
H 2O
+
+
H (aq)
+
–
Cl (aq)
Dans ce cas, la réaction de solvolyse est indésirable, car son premier effet est de diminuer le rendement en nitrile de la réaction, puisqu’une partie du substrat est gaspillée en alcool. Pour éviter de transformer le substrat halogéné en alcool, on aurait dû préférer un solvant différent. Le choix d’un solvant aprotique aurait été judicieux.
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D’autres types de réactions peuvent se produire Une autre réaction de substitution nucléophile, l’éthérification, peut mener à des produits inattendus. Supposons que nous voulions synthétiser du méthoxyéthane, CH3-O-CH2CH3. Une façon simple de préparer un tel éther est de faire chauffer un mélange de deux alcools, le méthanol et l’éthanol, en milieu acide, selon l’équation réactionnelle suivante :
Réaction attendue
H3C OH
+
H3C CH2 OH
Δ, H+
H3C O CH2 CH3
+
H 2O
Il serait pourtant naïf de croire que seule cette réaction se produirait. En effet, rien n’empêche deux molécules de méthanol de réagir entre elles pour former du méthoxyméthane, CH3OCH3, ou encore deux molécules d’éthanol de réagir entre elles pour former de l’éthoxyéthane, C2H5OC2H5. Les trois éthers se trouveront donc en réalité dans le mélange réactionnel après chauffage. De plus, vous venez de voir que le fait de chauffer un alcool en présence d’un acide permet de transformer un alcool en alcène. L’éthanol sera donc partiellement transformé en éthène : H3C CH2 OH
Δ, H+
H 2C
CH2
+
H 2O
Le rendement de l’éther attendu, le méthoxyéthane, sera plus faible parce qu’une partie des réactifs ont réagi pour former des produits différents de ceux qu’on attendait. La synthèse de Williamson (la réaction d’un halogénure d’alkyle avec un alcoolate) permettrait un meilleur rendement d’éthérification, mais une réaction d’élimination est encore possible dans ce cas. En conclusion, il faut garder à l’esprit que plusieurs réactions peuvent survenir dans les mêmes conditions expérimentales. Lorsqu’on travaille sur papier, il faut être en mesure de prédire quelles sont les réactions les plus nuisibles au rendement. On essaiera ensuite d’optimiser en laboratoire. © 2013, Les Éditions CEC inc. • Reproduction interdite
Chapitre 7 • Chimie organique
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