De Sampiero à Napoléon

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DE SAMPIERO À BONAPARTE

et un repaire, que les conditions locales, comme la pauvreté des ressources et une population peu nombreuse, peuvent justier. En 828, Boniface II, qui est à la fois comte de Lucques, de Pise et de Luni, est chargé de la défense des côtes de la mer Tyrrhénienne. En 846, la Corse est placée sous l’autorité de son ls, Adalberto Ier, marquis de Tuscia (ce ef est l’ancienne Étrurie). Mais ce n’est qu’en 1016 que les Sarrasins abandonnèrent la Corse après que les Pisans eurent inigé à leur otte une défaite décisive. De leur passage dans l’île subsistent des traces laissées dans la toponymie, dans de nombreux patronymes et dans la langue corse parlée aujourd’hui. Les seigneurs toscans, puis ligures, sont détenteurs de domaines dans l’île. Deux familles puissantes peuvent être individualisées : les Obertenghi19 d’origine toscane, propriétaires de domaines en Corse dès le XIe siècle, établis dans l’En deçà des monts et les Cinarchesi, possesseurs de efs dans l’Au-delà des monts, dont la liation remonterait au Juge de Corse20, et dont Giudice de Cinarca serait l’héritier. Enn, dans le Cap, apparaît une féodalité ligure : les Da Mare et les Avocari de Gentile. À leur côté existe, outre une seigneurie faite de familles de moindre lignage, la féodalité ecclésiastique des évêchés21 et des monastères. Dès cette époque, le recours aux armes apparaît comme une nécessité, à ce peuple dont le terroir, foyer de guerres locales, est un enjeu militaire pour des intérêts extérieurs22. Descendant des Obertenghi, Arrigo, dit Bel Messere « parce que la nature lui avait donné la beauté du corps aussi bien que toutes les autres qualités23 », tient d’eux le pouvoir comtal. À sa mort le pouvoir comtal va se dissoudre. Cette dissolution du lien de vassalité s’étend à l’ensemble hiérarchique : la seigneurie banale est née, dont l’origine est pour certains à rechercher dans les chefferies de village24. Pour Ambroise Ambrosi-Rostino, « les Corses sont retombés dans leur ancienne barbarie. Ils se sont groupés en petites communautés indépendantes […]. Les sentiments violents l’emportent »25. Cette chefferie de village de type clanique évoluera au XIIe siècle vers un certain féodalisme. On peut dater de cette époque l’ère des châteaux dans l’île (l’incastellamento). Pour Scalfati toutefois, on ne peut parler en Corse, 19. Oberto Ier, petit-ls présumé d’Adalberto est en 950 désigné marquis de la marche de Ligurie orientale, comte de Luni ; il a la tutelle de la Corse, qui est dès lors incluse dans la marche de Ligurie. On voit en lui le fondateur de la famille des Obertenghi, qui se divise en quatre rameaux : Este, Malaspina, Pallavicini et Massa. 20. AMBROSI-ROSTINO, Ambroise, Histoire des Corses et de leur civilisation, op. cit., p. 90 : « Kurnou Archôn [archôn désigne l’attributaire d’une fonction judiciaire], fonctionnaire byzantin, qui, resté dans l’île, aurait transmis ce titre à ses descendants. ». 21. Vescovato, village de Haute-Corse au nom évocateur, en porte témoignage. 22. VERGÉ-F RANCESCHI, Michel, Histoire de la Corse : pays de la grandeur, t. I , 1re partie, « Des origines aux temps de Sampiero », ch. II, p. 96. 23. Id., p. 119. 24. POMPONI, F., Histoire de la Corse, Paris : Hachette, 1979, p. 51. 25. AMBROSI-ROSTINO, Ambroise, Histoire des Corses et de leur civilisation, op. cit., p. 79.


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