Histoire naturelle de la Corse

Page 1



Origine du peuplement végétal

Étage supralittoral

Schéma des étages de la vie littorale sur une côte rocheuse

Végétation halophile

+ 1/+ 2 m

Étage médiolittoral

0m

Étage infralittoral

Éboulis Herbier de posidonies

- 20/-50 m m

Tombant Grotte

Salinité

Étage circalittoral

Fruticées et maquis littoral

Plaine Plantes halophiles : criste, statice, insectes, lézards…

Étage supralittoral

Les étages sous-marins Lichens Algues, patelles, balanes…

Étage É ta médiolittoral m é

+

L’étage supralittoral ou zone des embruns représente une étroite bande aux conditions de vie parfois extrêmes. Dans cette zone de transition entre le milieu marin et le milieu terrestre, les organismes vivants ne sont jamais immergés. Pour coloniser ce milieu hostile, ils doivent être capables de supporter les nombreuses variations des facteurs écologiques*. Il leur faut résister au déferlement des vagues, à la force et aux caprices des vents, au sel et aux températures parfois excessives. Deux principaux modes de vie y sont observés :

L’étagement de la végétation sur une côte rocheuse

– fixé, il s’agit principalement de végétaux ancrés solidement et très robustes ; – mobile, caractérisant des espèces capables de se réfugier dans le moindre interstice afin d’échapper aux conditions extrêmes.

• L’ACTION DU SEL

La salinité des eaux autour de la Corse est assez forte : 38,5 g/l en moyenne. Le « sel » est en réalité un ensemble de substances dissoutes dont les principales sont le chlorure de sodium, le chlorure de magnésium, le sulfate de magnésium et le sulfate de calcium. Échappé de la mer à la faveur des embruns, le sel imprègne les sols et les rochers littoraux dans lesquels il s’accumule. Il attire l’eau contenue dans les organismes vivants et ainsi participe à leur dessiccation*. Certaines espèces,

telle la criste-marine ou percepierre (a baschichja) possèdent des adaptations physiologiques leur permettant de supporter un environnement salé. Elles sont qualifiées d’halophytes*. Certains végétaux accumulent dans leurs tissus des réserves d’eau. Ils prennent alors l’aspect caractéristique des « plantes grasses ». Chez les animaux amenés à consommer de l’eau de mer, des systèmes de régulation permettent de limiter une augmentation trop importante de la concentration sanguine en sel.

Accumulation de cristaux de « sel » dans le creux d’un rocher

Les oiseaux marins possèdent par exemple au niveau du crâne, des glandes à sel qui éliminent par les narines les excès de substances.

113

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 113

10/06/2017 17:39:57


Aspects originaux de la biodiversité

L’étage médiolittoral (intertidal) ou zone des marées présente de faibles marées, 30 à 40 cm au maximum, qui réduisent cet étage sur les côtes méditerranéennes. Cette zone marque la limite entre les eaux basses et les eaux hautes. En fonction de l’agitation de la mer, les organismes vivants y seront tantôt immergés, tantôt émergés. Ils doivent donc résister au choc des vagues et à l’émersion. Cet étage est marqué par la présence d’algues encroûtantes. De nombreux mollusques tels les patelles ou les moules, mais aussi des crustacés comme les crabes ou les balanes sont présents (cf. p. 143). L’étage infralittoral est une zone toujours immergée. La faune et la flore y sont très abondantes. En fonction de la limpidité des eaux, la limite inférieure de - 20 à - 50 m est marquée par la disparition de l’herbier de posidonies (u tassone). Les algues y sont nombreuses tout comme les oursins et les holothuries. Les petits poissons sont abondants, en particulier les girelles, les sars, les gobies et les blennies. Le mérou brun (a lucerna), le denti (u dentice) et le corb (u corbu), ainsi que d’autres espèces, telle la langouste rouge (l’aligusta), peuvent y être observés (cf. p. 146). L’étage circalittoral, dépassant les 100 m de profondeur, est caractérisé par un faible éclairement. Seules quelques algues arrivent à subsister. L’herbier de posidonie ne peut s’y développer. Cet étage est le domaine de la langouste, des cigales de mer, du corail rouge et des gorgones. Certaines algues rouges y édifient des fonds durs appelés coralligènes (cf. p. 155 et p. 160).

L’étage médiolittoral ou intertidal

Sar à tête noire (u sant’Antonu, u sguaradu), Diplodus vulgaris et ballet de castagnoles (a castagnola, u diavulellu), Chromis chromis

114

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 114

10/06/2017 17:40:05


Origine du peuplement végétal

-

Tombant en lumière naturelle (- 40 m) tapissé de gorgones rouges (u curallu bastardu), Paramuricea clavata

Dans chacun de ces étages, les organismes vivants peuvent être regroupés en deux grands ensembles : le benthos et le pelagos. – Le benthos rassemble les espèces vivant en contact direct ou à proximité du fond. Certaines y sont fixées (espèces sessiles) d’autres s’y déplacent (espèces vagiles).

Paroi tapissée d’anémones de mer encroûtantes jaunes, Parazoanthus axinellae

– Le pelagos regroupe les espèces se développant en pleine eau. Il est constitué par le plancton et le necton. Le plancton représente l’ensemble des organismes vivants dont le déplacement est soumis aux mouvements des courants marins. Il peut être dissocié en deux groupes, le plancton végétal ou phytoplancton et le plancton animal appelé zooplancton. La très grande majorité du plancton est constituée d’espèces minuscules difficilement observables à l’œil nu. Le necton regroupe l’ensemble des organismes capables de se déplacer de façon autonome, parfois contre les courants, comme les poissons et des mammifères marins.

115

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 115

10/06/2017 17:40:09


La mer

dans les filets de pêche. Deux espèces se rencontrent habituellement dans les eaux corses, en particulier au cours des mois d’été : la tortue Caouanne (a cuppulata di mare), la plus répandue, et la tortue Luth. Toutes ces espèces sont protégées (). Leur reproduction sur des plages insulaires reste cependant un phénomène exceptionnel. En 2002, des œufs de tortue Caouanne ont été trouvés à Palumbaghja. Cette observation demeure à ce jour le seul cas officiellement avéré de ponte sur le littoral français métropolitain. Portées par les courants, les méduses (a medusa) se déplacent sur plusieurs milliers de kilomètres. Abondantes l’été, elles viennent régulièrement s’échouer sur les côtes insulaires. Parmi les espèces rencontrées se distinguent la méduse pélagie et la vélelle (i ruzi). D’autres taxons peuvent être néanmoins observés telle la méduse rayonnée, la méduse œuf au plat ou la méduse rhizostome. Adaptés à la vie pélagique, certains mollusques ressemblent parfois à une méduse. C’est le cas du plus grand nudibranche de Méditerranée, Tethys fimbria. Cette ressemblance de forme, qui traduit une adaptation aux contraintes d’un même milieu de vie, est appelée phénomène de convergence.

Méduse pélagie, Pelagia noctiluca

Tethys fimbria

141

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 141

10/06/2017 17:42:26


Le littoral

Puffin cendré (u parlanti), Calonectris diomedea Puffin cendré blotti dans un chaos rocheux

Au large, seuls quelques oiseaux sont présents, en particulier les puffins. Le plus commun, le puffin cendré (u parlanti) est un petit albatros méditerranéen migrateur. Son corps, de couleur brun clair sur le dos, est plus clair sur sa partie ventrale. La tête et la nuque sont grises. Il mesure une cinquantaine de centimètres de long et son envergure atteint 1,20 m. Son vol, au ras de l’eau, est lent et glissé, entrecoupé de battements lourds. Le puffin est capable de voler plusieurs centaines de kilomètres par jour et vient à terre uniquement pour se reproduire. Sur l’île Lavezzu, chaque année, 350 couples nichent dans les chaos rocheux. Depuis l’éradication des populations de rats noirs en 2000, on observe beaucoup plus de jeunes à l’envol. En automne, le puffin cendré quitte les côtes de Corse pour rejoindre le continent africain. Plus loin, entre l’île et le continent, une autre espèce, beaucoup plus discrète peut parfois être aperçue, le puffin yelkouan qui malheureusement ne niche plus en Corse.

Les fonds rocheux Sur la côte ouest, mais aussi le Capicorsu et le sud de l’île, de Bunifaziu à Sulinzara, la côte rocheuse est déchiquetée par de nombreuses falaises. À quelques centaines de mètres du rivage, le fond marin disparaît rapidement dans le bleu intense de la mer. Très rarement uniformes, ces substrats durs, aux anfractuosités abondantes abritent et protègent de très nombreux organismes vivants. La biodiversité y est remarquable. C’est ici que l’étagement des peuplements est le plus facilement observable.

142

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 142

10/06/2017 17:42:30


La mer

1

2

Dans l’étage médiolittoral (cf. p. 114), afin de lutter contre des conditions de vie parfois extrêmes, de nombreux organismes vivants ont développé diverses adaptations essentielles à leur survie. Pour assurer une solide fixation sur les rochers, les algues (l’alghe) présentent des crampons et les moules sécrètent une touffe de fils collants appelée byssus. Chez un petit poisson, le lepadogaster (l’appiciga scoghju, a succhja scogliu), les nageoires pelviennes et une partie des nageoires pectorales forment une puissante ventouse. Afin de résister aux périodes d’émersion, les patelles emprisonnent dans leur coquille, bien collée à la roche, une quantité d’eau de mer indispensable à leur respiration. Certains crabes transportent une réserve d’eau dans la cavité branchiale de leur coquille. Un discret mollusque, la littorine, possède des poumons qui lui permettent de supporter l’absence d’eau.

Étage médiolittoral (1)

1. Padine, Padina pavonica, algue brune 2. Cystoseire, Cystoseira sp., algue brune 3. Actinie (a pumata di mare), Actinia equina), cnidaire 4. Crabe verruqueux (u granciu pilosu), Eriphia verrucosa, crustacé

3

4

143

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 143

10/06/2017 17:42:37


Le littoral

5

Étage médiolittoral (suite) 5. Patelle géante (a patella maiò), Patella ferruginea, mollusque gastéropode 6. Gibbule toupie (a patrozzula), Phorcus turbinatus, mollusque gastéropode 7. Patelles moussues (a patella murzosa, a lappera murzosa), Patella ulyssiponensis, et colonies de petites moules, Mytilaster minimus 8. Lépadogaster (l’appiciga scoghju, a succhja scogliu), Lepadogaster lepadogaster, poisson osseux

7

6

144

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 144

10/06/2017 17:42:47


La mer

11

12

13

153

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 153

10/06/2017 17:43:45


Le littoral

14 15

14. Serran-écriture (a barchetta), Serranus scriba, poisson osseux 15. Serran-chevrette (u blasgiu), Serranus cabrilla, poisson osseux 16. Triptérygion nain mâle (a bacciulosa testa nera), Tripterygion melanurum, poisson osseux

16

154

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 154

10/06/2017 17:43:50


La mer

1 À plus grande profondeur, notamment dans l’étage circalittoral (cf. p. 114), les refuges obscurs sont le domaine du mérou brun (a lucerna), de la mostelle (a mustella), du corb (u corbu), et du denti (u dentice). C’est là que l’on rencontre aussi la langouste rouge (l’aligusta), le homard (u lupacante), la grande cigale (a cicala) et l’oursin diadème (u zinu du fondu). Les colonies d’anémones de mer encroûtantes jaunes tapissent les rochers obscurs. Sur les tombants, les gorgones rouges (u curallu bastardu) se dressent en éventail, perpendiculairement au sens du courant, afin de capturer les microparticules nourricières. Près d’elles évoluent, en bancs serrés, les élégants barbiers (a castagnola rossa).

2

1. Halimeda, Halimeda tuna, algue verte 2. Gorgone rouge (u curallu bastardu), Paramuricea clavata, cnidaire 3. Bernard-l’ermite (u granculu), Dardanus sp., crustacé. Noter la présence d’anémones recouvrant la coquille qui l’abrite.

3

155

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 155

10/06/2017 17:43:56


Les cô te s roch e u s e s et l e s î l ot s s ate l l i te s

Des organismes vivants soumis à de fortes contraintes Les côtes rocheuses subissent tout au long de l’année un climat parfois très rude. Les tempêtes de printemps et d’automne alternent avec un été sec aux températures parfois caniculaires. Depuis plusieurs siècles, l’impact de l’homme qui a régulièrement occupé certains sites (tours génoises, phares et sémaphores) a également joué un rôle important. Le prélèvement de bois et l’introduction de bétail ont fortement contribué à la dégradation des milieux, en particulier sur les îles, tout comme l’installation de nombreuses colonies d’oiseaux marins (piétinement, nidification et déjections).

1

Sur les côtes siliceuses (granites, rhyolites…) se développent des groupements végétaux typiques du littoral. Certaines espèces présentent cependant quelques caractéristiques particulières. Les végétaux des falaises, comme l’arméria de Soleirol, sont en général vivaces*. Leurs racines pénètrent profondément dans la moindre fissure et les rameaux s’étalent sur les replats. D’autres espèces, telles la passerine hérissée et l’immortelle d’Italie, préfèrent les pentes moins fortes et les sols plus riches.

1. Arméria de Soleirol, Armeria soleirolii 2. Criste-marine ou perce-pierre (a baschichja), Crithmum maritimum 3. Erodium de Corse, Erodium corsicum 4. Euphorbe pin (u lattone marinu), Euphorbia pithyusa

2 4

3

179

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 179

10/06/2017 17:47:52


Le littoral

5 6 7

8

9

180

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 180

10/06/2017 17:48:01


Les cô te s roch e u s e s et l e s î l ot s s ate l l i te s

10 5. Ficoïde, Mesembryanthemum nodiflorum 6. Immortelle d’Italie (a murza), Helichrysum italicum subsp italicum 7. Obione, Halimione portulacoides 8. Passerine hérissée (u mundulacciu), Thymelaea hirsuta 9. Statice articulé, Limonium articulatum 10. Séneçon cinéraire (u mundulacciu biancu), Senecio cineraria 11. Frankénie ou bruyère marine, Frankenia laevis 12. Lotier faux cytise, Lotus cytisoides

11

12

181

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 181

10/06/2017 17:48:12


Le littoral

1 2

Pour les animaux, la vie est également difficile, beaucoup s’enfouissent dans le sable le jour afin d’éviter les grosses chaleurs, d’autres se protègent parmi les végétaux qui leur offrent l’eau indispensable à leur survie. 1. Pimélie, Pimelia bipunctata 2. Phalérie, Phaleria bimaculata 3. Œdipode turquoise, Oedipoda caerulescens 4. Puce de mer, Talitrus saltator

4

3

204

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 204

10/06/2017 17:51:21


Le s pl age s

1

2

3

1. Genêt de Salzmann, Genista salzmannii var. salzmannii 2. La lande du Ricantu 3. Linaire jaune, Linaria flava subsp. sardoa 4. Luzerne des sables, Medicago marina 5. Scrophulaire trés rameuse, Scrophularia ramosissima

4 Près d’Aiacciu, une formation originale, la lande du Ricantu, se caractérise par la scrophulaire très rameuse et le genêt de Salzmann. C’est la seule région de Corse où ce genêt est présent en formations denses et étendues. Cette végétation buissonnante est particulièrement adaptée aux sols sableux et très arides. Elle s’accompagne d’un cortège diversifié de plantes et d’une litière de lichens qui caractérise les stades les plus évolués de la lande. De petites clairières abritent une plante discrète et rarissime, endémique de Corse et de Sardaigne : la linaire jaune.

5

205

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 205

10/06/2017 17:51:27


Le s m aq u i s

2

4 5

1. Asperge à feuilles aiguës (u sparagu), Asparagus acutifolius 2. Arbousier (l’arbitru), Arbutus unedo 3. Calicotome velu (u prunu tupinu), Calicotome villosa 4. Bruyère à balai (a scopa feminile), Erica scoparia 5. Bruyère arborescente (a scopa maschile), Erica arborea

3

233

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 233

10/06/2017 17:55:03


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

6

7 6. Cyclamen étalé (u fior di cuccu), Cyclamen repandum subsp. repandum 7. Cytise velu (l’emera), Cytisus villosus 8. Chèvrefeuille étrusque (u liaboscu), Lonicera etrusca 9. Daphné garou (u patellu), Daphne gnidium 10. Genévrier oxycèdre (u ghjineperu, u ghjacciu), Juniperus oxycedrus subsp. oxycedrus

8

9

234

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 234

10/06/2017 17:55:18


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

Végétation des îles Sanguinaires

• LES CYTINETS

Sous les cistes, au ras du sol, il est fréquent d’observer de petites plantes jaunes et rouges, les cytinets (a marculella), Cytinus hypocistis. Ces derniers sont des végétaux parasites des cistes. Ils ne possèdent pas de chlorophylle* et ne peuvent donc pas synthétiser, grâce à la photosynthèse*, les molécules organiques indispensables à la vie. Les substances sont donc prélevées dans les racines des cistes grâce à de petits organes

appelés suçoirs. Il existe deux sous-espèces de cytinet. • le cytinet à fleurs jaunes et à feuilles rouges associé au ciste de Montpellier et au ciste à feuilles de sauge : Cytinus hypocistis subsp. hypocistis. Il parasite les cistes à fleurs blanches. • le cytinet à fleurs blanches et à feuilles rouge rosé, associé au ciste de Crète : Cytinus hypocistis subsp. clusii. Il parasite les cistes à fleurs roses.

Vivre en milieu sec Une grande partie de l’année, en particulier l’été, les végétaux doivent lutter contre le manque d’eau. De nombreuses plantes du maquis ont ainsi développé des dispositifs adaptatifs permettant, d’une part, d’augmenter la capacité d’alimentation en eau et, d’autre part, de limiter les pertes par transpiration.

Les stratégies végétales Un certain nombre de végétaux méditerranéens effectuent leur cycle vital avant l’été, période pendant laquelle ils ne subsistent que sous la forme de graines ou d’organes souterrains. D’autres pratiquent une véritable diapause* estivale. Quant aux végétaux sempervirents*, ils sont munis de dispositifs permettant de réduire au maximum l’évapotranspiration (cf. p. 31) pendant une période où les précipitations sont rares ou absentes. Les dispositifs limitant les pertes d’eau Cytinet (Cytinus hypocistis subsp. hypocistis)

Chez certaines espèces, la face supérieure est très souvent cutinisée* et recouverte d’une couche de cire imperméable et luisante. Comme chez l’olivier, la face inférieure peut être

Maquis thermoméditerranéen

242

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 242

10/06/2017 17:56:24


Le s m aq u i s

1

2

3

1. Akis bacarozzo, insecte coléoptère 2. Larve de cicadelle écumeuse, Philaenus spumarius, insecte homoptère 3. Grillon provençal (u grillu), Gryllus bimaculatus, insecte orthoptère 4. Criquet égyptien (u grillettu), Anacridium aegyptium, insecte orthoptère

4

255

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 255

10/06/2017 17:58:05


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

5

6 7

8

5. Mante religieuse, Mantis religiosa, insecte mantoptère 6. Papillon citron (a farfalla), Gonepteryx rhamni, insecte lépidoptère 7. Papillon Jason (a farfalla), Charaxes jasius, insecte lépidoptère 8. Graphosome ponctué, Graphosoma semipunctatum, insecte hétéroptère

256

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 256

10/06/2017 17:58:14


Le s m aq u i s

9 10

9. Cétoine dorée, Cetonia aurata, insecte coléoptère 10. Volucelle zonée, Volucella zonaria, insecte diptère 11. Scorpion à queue jaune (u scurpione), Euscorpius flavicaudis, arachnide 12. Poliste (a vespa), Polistes gallicus, insecte hyménoptère

11

12

257

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 257

10/06/2017 17:58:26


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

L’exploitation de l’habitat Dans le maquis, les végétaux se répartissent verticalement, formant, en fonction de leur taille, des strates. Quatre strates sont communément distinguées. Cigale (a cicala), Cicada orni

La strate arborescente regroupe les arbres de plusieurs mètres de hauteur. Un arbre possède un tronc unique ligneux, d’où partent de nombreuses branches ramifiées, par exemple le chêne, le frêne, l’olivier ou le genévrier. La strate arbustive est la strate des arbustes et des arbrisseaux dont la taille n’excède pas quelques mètres. Un arbuste se reconnaît à ses troncs minces et multiples et à son port en buisson, comme le ciste, le lentisque, le calicotome ou le myrte. La strate herbacée est constituée par l’ensemble des « herbes » comme les graminées, les fougères ou les asphodèles. La strate muscinale (mousses, lichens et champignons) est localisée à la surface du sol et sur les rochers ; sa hauteur ne dépasse pas quelques centimètres. L’étude des strates a mis en évidence les nombreux rapports exercés entre elles. Les couches supérieures, par exemple, protègent du soleil, jouent un rôle de coupe-vent et permettent le maintien d’une humidité plus importante au sol. Elles y créent de véritables microclimats et favorisent ainsi le développement d’espèces plus fragiles et moins exigeantes en lumière comme certaines plantes d’ombre tel le petit houx. Chaque végétal trouve ainsi sa place. L’espace occupé par la végétation est maximal. L’énergie solaire indispensable à la production de matière organique (photosynthèse*) est ainsi utilisée de façon très rationnelle. Au niveau des organes souterrains, c’est une exploitation maximale de l’eau et des sels minéraux qui est observée. Certaines racines se développent près de la surface et absorbent les minéraux des zones superficielles, d’autres descendent plus profondément vers la roche mère. Le cas des plantes grimpantes – par exemple le chèvrefeuille – est plus original puisque leur mode de vie permet de les rencontrer dans toutes les strates. La stratification correspond donc à une utilisation maximale du milieu de vie. Cette exploitation efficiente se retrouve aussi chez les animaux. Deux groupes ont été particulièrement étudiés, les fauvettes et les cigales (a cicala). Ces dernières sont représentées, en Corse, par quatre espèces dont trois s’avèrent endémiques, Tibicina corsica corsica, Tibicina nigronervosa, Cicadetta fangoana ; la quatrième, Cicada orni, est également présente sur le continent. Les différents travaux scientifiques ont ainsi mis en évidence une utilisation « partagée » des ressources alimentaires à travers, non seulement l’espace exploité, mais aussi la nature des végétaux consommés. Chez les fauvettes, la fauvette passerinette (a capinera corpiaranciu) et la fauvette mélanocéphale (a campa-

258

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 258

10/06/2017 17:58:36


Cl ai r i è re s , prai r i e s et rocai l l e s

Prairies et pelouses dans le Cortenais

Les petites prairies et pelouses Les pelouses sont dominées par des plantes annuelles parmi lesquelles les asphodèles, les orchidées et les graminées. Jaunies par le soleil en été, c’est au moment des floraisons printanières qu’elles offrent bien souvent un spectacle multicolore.

1

2

1. Asphodèle (u candelu, u taravellu), Asphodelus sp. 2. Anémone des jardins, Anemone hortensis subsp. hortensis

273

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 273

10/06/2017 20:04:59


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

3 4 6 3. Calament népéta (a nepita), Clinopodium nepeta subsp. nepeta 4. Géranium mou, Geranium molle subsp. molle 5. Grande amourette (a campanella), Briza maxima 6. Crocus corse (u zafranu corsu), Crocus corsicus 7. Queue-de-renard (a coda di volpe), Lagurus ovatus

7

5

274

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 274

10/06/2017 20:05:16


Cl ai r i è re s , prai r i e s et rocai l l e s

5 6

7

5. Malmignatte (a zinevra, malmignatta), Latrodectus mactans tredecimguttatus 6. Tarentule radiée (a tarentula), Hogna radiata 7. Porte-queue de Corse (a farfalla), Papilio hospiton 8. Xylocope violet, Xylocopa violacea

8

279

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 279

10/06/2017 20:05:53


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

9 9. Lapin de Garenne (u cunigliulu), Oryctolagus cuniculus 10. Lézard sicilien (a bucertula), Podarcis sicula campestris

Les mammifères sont, en revanche, beaucoup plus discrets. Les excréments de renard (a volpe) ou de lapin (u cunigliulu) mais aussi les sols labourés par les sangliers (u cignale, u signari) témoignent de leur passage.

10

280

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 280

10/06/2017 20:05:58


Les fleuves et les zones humides

15 16

13

14

319

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 319

10/06/2017 20:12:09


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

1

2 D’une façon générale, Les fleuves constituent des milieux naturels riches en espèces animales, insectes, poissons, amphibiens et oiseaux.

3a

1. Cincle plongeur (a gallina d’acqua, a merula d’acqua), Cinclus cinclus 2. Martin-pêcheur (u vergatu), Alcedo atthis 3a et b. Anguille (l’anguilla), Anguilla anguilla 4. Blennie fluviatile, Blennius fluviatilis 5. Couleuvre verte et jaune (a sarpa), Coluber viridiflavus 6. Rainette sarde (a ranunchjella, a ranuchjinu), Hyla sarda 7. Dicoglosse sarde (a variulata), Discoglossus sardus 8. Grenouille de Berger (a ranochja, a botta), Pelophylax lessonae bergeri

3b 4

320

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 320

10/06/2017 20:12:23


Les fleuves et les zones humides

11

12 13

15 16

14

323

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 323

10/06/2017 20:12:41


Les plaines, col l i ne s et val l é e s

• LA TRUITE CORSE (SALMO TRUTTA DE TYPE MACROSTIGMA)

La truite Corse (a truta, a truita, a pescia), (Salmo trutta de type macrostigma) est une sousespèce de la truite commune (Salmo trutta) ou truite fario. Les analyses génétiques menées en Corse ont démontré la distinction entre la truite corse et les autres types identifiés sur le continent et dans l’île (atlantique, méditerranéenne et arc-en-ciel).

L’aspect du corps, sa coloration et ses ponctuations varient énormément avec l’âge et le milieu de vie des individus.

La taille des adultes atteint en moyenne 20 à 30 cm de long. Leur robe, brun sombre avec des reflets dorés, présente des points noirs regroupés dans la partie antérieure du corps. Chez la truite corse, de grosses taches rouges fusionnent parfois en plaques sur les flancs de l’animal. Il est important de noter que la truite macrostigma présente un grand polymorphisme.

Elle se déplace entre les trois secteurs constituant son domaine vital : zones de repos, de croissance, et de reproduction. La truite se reproduit en période hivernale de novembre à janvier. Les œufs sont enfouis dans le substrat graveleux caractéristique des frayères*. Les alevins se nourrissent grâce à leurs réserves vitellines pendant une vingtaine de jours. Après cette période

La truite macrostigma est une espèce d’eau fraîche (température généralement comprise entre 0° C et 20° C) et oxygénée. Elle est aujourd’hui essentiellement recensée en altitude, à l’extrême amont de quelques cours d’eau.

les jeunes truitelles peuvent se déplacer et se nourrir. Espèce carnivore et territoriale, la truite adulte chasse à vue. En l’absence de petits poissons, elle se nourrit principalement de larves d’insectes, de vers, de mollusques, de petits crustacés et d’insectes volants.

rivières au moment des périodes de pêche amateur. Elle ne s’est cependant jamais adaptée aux eaux corses, disparaissant après les nombreux lâchers dont elle fit l’objet.

Originaire de la côte ouest des États-Unis d’Amérique (Montagnes Rocheuses), la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) fut introduite en Corse à des fins commerciales et afin de « repeupler » certaines

324

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 324

10/06/2017 20:12:48


La montagn e

Pin Lacicio et hêtre dans la forêt de Vizzavona

Pin laricio

Les pinèdes Symbole de la Corse, le pin laricio (u làriciu) édifie de magnifiques forêts. Supportant des conditions climatiques beaucoup plus sèches que le hêtre et le sapin, il s’étend donc préférentiellement aux adrets, sur les substrats rocailleux. La variété corse du pin laricio, avec celle de Calabre et de Sicile, représente une espèce endémique de ces différentes régions méditerranéennes. Avec un fût parfaitement rectiligne, l’arbre peut atteindre une hauteur de 50 m. Son écorce gris argentée se présente sous la forme de grandes plaques irrégulières et ses branches, à la différence du pin maritime (u pinu maritimu), portent de petits cônes de 4 à 8 cm. La longévité du pin laricio est aussi l’une de ses caractéristiques. Elle se compte, en effet, en siècles. À l’étage montagnard (cf. p. 119), le pin laricio forme, sur les reliefs peu accidentés, des forêts denses que l’on retrouve dans les massifs de Bavedda, d’Aïtone, du Valdu Niellu ou de Vizzavona. Il peut d’ailleurs parfois y constituer aussi de belles formations mixtes, en particulier avec le hêtre. Lorsque la pente devient raide ou après des dégradations souvent d’origine anthropique* (incendies, coupes, pâturage), le recouvrement par la strate arborescente ne représente que

Le tronc du pin laricio de la forêt d’Aïtone 336

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 336

10/06/2017 20:15:01


Le s forêt s d’al t i tu de

40 à 70 % de la surface, le sous-bois plus ensoleillé permet le développement de buissons tels l’épine-vinette de l’Etna (a spinella) ou l’anthyllide d’Hermann (u lepru corsu).

Pineraie à làrici

Le pin laricio fut longtemps utilisé comme bois de marine (mâture et bordage), comme bois gras et en menuiserie. De nos jours, il est exploité comme bois d’œuvre dans la fabrication de charpentes, de coffrages, de caisserie et de menuiserie. Dans la forêt d’Aïtone, en aval du col de Saltu, un laricio mesure 5,5 m de circonférence et 30 m de hauteur. Il serait âgé de 800 ans !

Laricio au col de Bavedda

337

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 337

10/06/2017 20:15:15


La montagn e

Vue générale d’un four (Ascu)

• LA FABRICATION DU GOUDRON ET DE LA POIX

En 1819, un rapport sur la fabrication du goudron et autres produits résineux dans les forêts de Corse, daté du 26 août, indiquait que les arbres de la forêt d’Aïtone servaient alors à la fabrication du goudron, mais que, compte tenu des multiples défauts dans la technique employée par les insulaires, il était nécessaire de faire construire un four « pédagogique » dont la vocation était de devenir « une usine école où les goudronniers du pays viendront apprendre leur métier ». Des plans des fourneaux à goudron corse ont été publiés (Archives nationales. Marine GGI n° 27). « Ils reposent sur un tertre plus ou moins élevé, leur capacité intérieure dont la forme est à peu près celle d’un œuf posé sur son petit bout, a communément 2,6 à 3 m de hauteur sur 1,60 à 2 m de diamètre à la partie la plus large. On laisse au sommet une ouverture suffisante pour qu’un homme puisse y passer ; un trou pratiqué au centre du foyer communique avec le canal qui vient aboutir extérieurement

au-dessus d’une fosse creusée en terre. Le trou est grossièrement maçonné en moellons cimentés avec une sorte de terre argileuse. Les parois intérieures restent brutes, sans revêtement ni enduit quelconque. Comme les hauteurs où ces fours se construisent sont couvertes de neige pendant presque tout l’hiver il ne se fait de goudron en Corse que dans la belle saison. On prend à cet effet les arbres qui sont tombés à vétusté ou que les vents ont rompus et déracinés (…). Ces bois sont tronçonnés, fendus et dépecés en bûchettes de 0,5 à 1 m (…) on les porte immédiatement au fourneau où elles sont empilées autour d’une perche implantée dans le trou du foyer et qui sert à diriger la construction du bûcher. Quand le four est chargé, on retire la perche et on allume par le haut

sans boucher l’ouverture, afin de donner passage à l’air destiné à alimenter l’incendie. À mesure que le goudron distille, il se rend par le canal qui reste ouvert dans la fosse extérieure, sans éprouver aucune cuisson au fond du fourneau. L’écoulement est ordinairement terminé au bout de 24 heures (…). Quand le goudron est suffisamment refroidi, on l’entonne dans des outres qui se transportent à dos de mulet…

rendent 10 à 15 % de goudron. On n’attend pas que le four soit refroidi pour le nettoyer et pour procéder à une nouvelle fournée. On y fait rentrer un homme nu enveloppé de fougères auquel on descend des paniers pour l’enlèvement du charbon… Les fours de 10 quintaux sont servis par 7 hommes ; on en met 10 à ceux de 20 quintaux… »

La charge du four varie de 100 à 200 quintaux métriques de bois, selon leurs dimensions. Ils

338

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 338

10/06/2017 20:15:23


Le s forêt s d’al t i tu de

15 16

13

14

343

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 343

10/06/2017 20:16:17


La montagn e

• LE LOIR

Le loir (a ghjira), Glis glis melonii, est, avec le lérot (u topu mascaratu), Eliomys quercinus, l’une des deux espèces de rongeurs à queue touffue (les Gliridés), vivant en Corse. Il est souvent confondu avec l’écureuil qui n’existe pas sur notre île.

méfiant, il se réfugie au moindre danger dans un nid confectionné dans un tronc d’arbre creux qu’il partage avec d’autres individus. Le loir se reproduit en mai. Les femelles donnent naissance, au bout d’une trentaine de jours de gestation, à des portées de 2 à 8

Le loir (a ghjira), Glis glis melonii

soin au préalable de boucher toutes les ouvertures du nid sauf une. C’est à la sortie de cette dernière, seule échappatoire du loir dérangé par la fumée, que l’animal sera assommé par le chasseur.

Le lérot (u topu mascaratu), Eliomys quercinus

Le loir est un animal à fourrure laineuse épaisse de couleur grise. Adulte, il mesure une vingtaine de centimètres de long sans la queue (qui atteint quinze centimètres) et a une couleur plus foncée. Il possède deux petites oreilles rondes et deux yeux noirs. En Corse, le loir vit presque exclusivement dans les hêtraies, à une altitude comprise entre 1 000 et 1 600 m. À la belle saison, il est très actif et se déplace de branche en branche, se nourrissant principalement de faînes*, feuilles et bourgeons de hêtres. D’autres fruits et de petits insectes peuvent compléter ses repas. Très

petits qui passeront le premier hiver avec leurs parents. Après avoir accumulé une grande quantité de graisse, les adultes pouvant peser jusqu’à 300 g, le loir entre en hibernation et dort de la fin du mois octobre au début du mois de mai. Considéré depuis l’époque romaine comme « un mets de roi », il fut longtemps chassé en Corse entre les mois d’octobre et de novembre, période à laquelle il est le plus « gras ». Après avoir repéré, en particulier grâce aux traces laissées par les animaux (excréments ou feuilles rongées), un trou occupé, le chasseur l’enfume, ayant pris

346

Histoire_naturelle_Corse_02_ojk.indd 346

10/06/2017 20:16:36


Par t i e i i i

• PARTIE III

Un patrimoine à sauvegarder

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 403

10/06/2017 21:09:42


De De nombreuses nombreuses menaces •

Les espèces introduites De nombreuses dégradations, très souvent d’origine

La dispersion des espèces vivantes représente, à l’échelle des temps géologiques, un phénomène courant mais amplifié par les activités des hommes. Ainsi, dès la Préhistoire, les migrations humaines ont accentué la dissémination d’espèces cultivées plus ou moins domestiquées, mais également des espèces commensales originaires du Moyen-Orient. Quelques siècles plus tard, à la fin du XVIe siècle, la découverte du Nouveau Monde entraîna en Europe l’introduction d’espèces exotiques à des fins médicales ou d’ornementation. Si le phénomène reste dans un premier temps relativement limité, les changements socio-économiques des années 1970, en particulier l’explosion des transports et du tourisme de masse, ont accentué les introductions.

anthropique, fragilisent l’équilibre écologique des milieux naturels. Pollutions diverses, urbanisation, introduction d’espèces envahissantes ou incendies participent à la destruction des habitats et ainsi à l’appauvrissement de la biodiversité. La Corse possède encore un capital nature préservé, participant à l’identité de l’île. Afin de protéger cette richesse, il est urgent d’intégrer dans les différentes politiques de développement des réponses durables essentielles

Parmi les nouvelles espèces introduites dans un milieu naturel, certaines vont s’installer durablement et persister comme des espèces indigènes ou autochtones. Elles sont qualifiées de plantes naturalisées et sont fréquemment observées dans les jardins d’ornementation.

à la sauvegarde de notre patrimoine naturel.

1

2

404

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 404

10/06/2017 21:09:43


D eLe n om s e sbre pè ce u s se si nmt rodu e n ace i te ss

3 En revanche, certaines peuvent provoquer des modifications importantes de la composition, de la structure et du fonctionnement d’un écosystème. Elles sont alors qualifiées d’envahissantes ou d’invasives. Aujourd’hui, les introductions d’espèces, volontaires ou involontaires, constitueraient la troisième cause de perte de biodiversité après la modification du climat et la destruction des habitats.

Modalités d’introduction de quelques espèces rencontrées sur l’île De façon volontaire Pour la nourriture Parmi les végétaux, le figuier de Barbarie (a ficandiana) que l’on observe fréquemment sur l’île, est l’une des premières plantes originaires d’Amérique tropicale introduite en Europe par les Espagnols, en particulier pour l’exploitation de ses fruits.

4

1. Le jardin exotique classé de l’Hôtel de la Collectivité territoriale de Corse à Aiacciu 2. Freesia, Freesia corymbosa, originaire d’Afrique du Sud 3. Fougère arborescente, Dicksonia antartica, originaire de Tasmamie et d’Australie 4. Oxalis , Oxalis pes-caprae, également originaire d’Afrique du Sud 5. Agave, Agave americana, et raquette à aiguillon solitaire, Opuntia monacantha, provenant tous deux d’Amérique centrale. 7. Figuier de Barbarie, Opuntia ficus-indica, articles (feuilles) appelés raquettes, et fruits

6 5

405

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 405

10/06/2017 21:09:49


De nombreuse s me nace s

1 2

3 Pour l’ornementation

1. Griffes de sorcière, Carpobrotus acinaciformis 2. Développement des griffes de sorcière sur l’île de La Pietra à L’Île-Rousse 3. Ailante glanduleux ou vernis de Chine, Ailanthus altissima 4. Herbe de la Pampa, Cortaderia selloana

4

C’est au XIXe siècle que les griffes de sorcière (Carpobrotus edulis et Carpobrotus acinaciformis), originaires d’Afrique du Sud, ont été introduites en Corse autour des phares, comme plante d’ornement, mais aussi pour stabiliser les talus. Aujourd’hui, elles se sont développées sur tout le littoral insulaire : rochers, dunes en arrière des plages, mais aussi îlots. D’autres espèces peuvent être malheureusement citées, comme l’herbe de la Pampa, l’ailanthe, le mimosa commun (u mimusà) originaire de Tasmanie ou la jussie, une plante aquatique observée pour la première fois en 2007 près de l’aéroport de Figari. Pour les loisirs Certaines introductions à visée cynégétique* connurent des développements divers. Celle du colin de Virginie dans les années 1960 fut un échec, celle du colin de Californie permit l’acclimatation de l’oiseau qui peut être observé dans la plaine d’Aléria où il occupe des milieux ouverts (maquis bas, clairières et cultures). Les lâchers de lapin de garenne (u cunigliulu) entraînèrent une prolifération de l’espèce qui fut notamment classée nuisible en Balagna. L’exemple de la pêche en eau douce est édifiant. En Corse, le peuplement allochtone des poissons dulçaquicoles (dont le cycle de vie se déroule entièrement en eau douce) n’est constitué que de quatre espèces (cf. p. 315) : la truite corse (a truta, a truita, a pescia), Salmo trutta de type macrotigma ; la truite méditerranéenne, Salmo trutta de souche méditerranéenne ; la blennie fluviatile, et l’épinoche (u spinarellu). Mais, depuis plus d’un siècle, plus de vingt autres espèces ont été introduites dans les fleuves, les rivières et retenues d’eau : l’achigan à grande bouche ou black-bass, le brochet, le carassin commun, le carassin doré

406

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 406

10/06/2017 21:10:06


Le s e s pè ce s i n t rodu i te s

ou poisson rouge, la carpe, le chevaine, l’esturgeon commun, la gambusie, le gardon, le goujon, la grémille, l’omble de fontaine, la perche, le poisson-chat, le rotengle, le sandre, le silure glane, la tanche, la truite arc-en-ciel, la truite atlantique, le vairon. Si certaines introductions ne semblent pas avoir posé de problèmes – par exemple la truite arc-en-ciel qui ne se reproduit pas ou l’esturgeon dont les tentatives d’élevage semblent avoir avorté –, d’autres espèces, en revanche, se sont parfaitement adaptées à leur nouveau milieu de vie au point d’éliminer plusieurs espèces autochtones. C’est notamment le cas de l’omble de fontaine dont les lâchers dans certains lacs de montagne comme le Melu, le Capitellu ou Bastani, au cours des années 1970, entraînèrent la disparition de la truite et de l’euprocte de Corse (u tarentella, u vechju, u vechjottu). Un autre exemple est celui de la tortue de Floride. Les jeunes individus, importés en tant qu’animaux de compagnie, grossissent très vite et atteignent rapidement une taille supérieure à 25 cm. Les adultes sont alors souvent rejetés dans le milieu naturel ou ils entrent en compétition avec la tortue cistude (a cistudine). La tortue de Floride menace fortement la cistude, car elle se reproduit plus vite et pond beaucoup d’œufs, donc peuple plus vite le milieu de vie. De plus, de taille supérieure, elle mange davantage et la nourriture devient plus rare pour la cistude.

1

2

Pour la lutte biologique Le cas typique est celui de la gambusie qui fut introduite dans les étangs littoraux afin de lutter contre le paludisme (ou malaria). Le poisson se nourrit en effet des larves d’anophèles, le moustique vecteur du paludisme. Pour diverses utilisations Nous pouvons citer par exemple la canne de Provence (a canna), d’origine asiatique, utilisée comme brise-vent ou pour la fabrication des cannisses, mais aussi l’eucalyptus (u calitu) en particulier l’eucalyptus globuleux largement planté à partir de 1865 au bord des routes. On prêtait aux eucalyptus, à travers leurs effluves balsamiques, un pouvoir répulsif contre les moustiques.

1. Omble de fontaine, Salvelinus fontinalis 2. Tortue de Floride, Trachemys scripta elegans 3. L’eucalyptus globuleux, Eucalyptus globulus 4. Pastel du teinturier, Isatis tinctoria, observé fréquemment au printemps le long des routes. Ses feuilles macérées permettent d’extraire un pigment bleu appelé « indigo » qui sert à teindre les tissus

4

3

407

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 407

10/06/2017 21:10:19


De nombreuse s me nace s

BASTIA

San Fiurenzu Rutali Vulpajola Campitellu

Bigornu Lentu

Les employés de la carrière de Canari, et sans doute antérieurement ceux qui ont travaillé dans le Nebbiu et en Castagniccia, ont dû payer un lourd tribut aux maladies pulmonaires : plaques pleurales, cancers broncho-pulmonaires et mésothéliomes. Plusieurs dizaines d’ouvriers ont payé de leur vie, quelquefois après un long temps de latence, leur exposition aux fibres de chrysotile.

Campulongu PONTE À A LECCIA

Col de Pratu

Mursiglia

Nocariu Mufrage

San Pedrone S. Andrea di Cotone Bustanicu Sermanu Matra Moita Tunnel Zalana Moulin de Altiani Grenier Cabiteppe San Martinu Arbitro

CORTI

Chiose GHISONI

Au-delà de la population « des travailleurs de l’amiante » positionnée en première ligne, il reste à se poser la question des conséquences de l’exposition à ce que l’on pourrait appeler « l’amiante environnemental ». Il existe en effet en Haute-Corse des dizaines de communes (133 des 236 communes) où les serpentinites affleurent. Parmi elles, nombreuses sont celles où l’on rencontre des filonnets ou des amas blanchâtres de chrysotile. Dans quelques-unes de ces communes (Bastia, Bustanicu, Muratu par exemple), il a parfois été mesuré des concentrations en fibres 5 à 6 fois supérieures au seuil réglementaire.

Fiumorbu

Les affleurements de serpentinites en Castagniccia

Au-delà de la simple enquête épidémiologique destinée à analyser les répercussions de la présence de ces fibres sur l’état de santé des populations résidentes, un certain nombre de mesures sont ou vont être prises : – protection des personnels lors des chantiers de terrassement ou de construction ; – stockages protégés des matériaux terrassés ; – normes particulières lors de la construction d’établissement recevant du public, et en particulier dans le cas des établissements scolaires comme à Muratu.

Le radon 0

30 km

Les granites contiennent naturellement, à l’état de traces, un certain nombre de produits radioactifs tels que l’uranium, le thorium, le potassium 40, etc. C’est dans les désintégrations successives de l’uranium et du thorium que le radon, un gaz radioactif, trouve son origine. Sa propre désintégration (période de 4 jours) donne naissance à des éléments eux-mêmes radioactifs (différents isotopes du polonium, du bismuth et du plomb), puis au plomb non radioactif. Le radon est un gaz rare, inodore, incolore et lourd. Il émet des rayonnements ionisants alpha. Il diffuse à partir du sol et se dilue dans l’air. Il peut s’accumuler dans l’atmosphère confinée d’un bâtiment et y atteindre parfois des concentrations élevées. Celles-ci se mesurent en becquerels par mètre cube (Bq/m3). Un becquerel correspondant à une désintégration radioactive par seconde. On considère qu’il faut intervenir dans les habitations si le seuil atteint 400 Bq/m3 et que des travaux importants doivent être réalisés si le seuil atteint ou dépasse 1 000 Bq/m3.

Répartition des roches amiantifères

Compte tenu de l’origine du radon, on ne sera pas étonné que ce gaz soit relativement abondant en Corse, les granites y étant largement répandus.

422

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 422

10/06/2017 21:11:51


De nombreuse s me nace s

supraméditerranéen (cf. p. 118). Il est en effet possible d’observer : – des champs entretenus et régulièrement pâturés ; – des pelouses surincendiées servant de lieux de pacages temporaires ; – des cistaies variant de 0,5 à 1,5 m de haut ; – des maquis bas, des maquis moyens ; – des maquis hauts ; – et des lambeaux forestiers. N’oublions pas aussi que les incendies ont un coût financier très important pour l’État, les collectivités mais aussi pour les familles touchées : Destructiion d’une résidence secondaire par un incendie

– des coûts de prévention (création de pistes, de pare-feu, de bornes, de débroussaillage…) ; – des coûts de lutte (pompiers, avions canadairs…) ; – des coûts correspondant à la biomasse végétale perdue ; – des coûts pour la réhabilitation des terrains incendiés (enlèvement des troncs calcinés, reboisement…). Enfin les incendies sont parfois meurtriers, comme à Palasca en Balagna en l’an 2000 où deux pompiers périrent en intervention le 17 septembre.

L’urbanisation autour de l’étang de Biguglia

426

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 426

10/06/2017 21:12:03


L a dégradat i on de s h abi tat s

Les digues du port interrompent la dérive littorale, ici sud-nord, et provoquent l’accumulation du sable au sud et l’érosion au nord.

D’autres atteintes aux milieux naturels Diverses pratiques participent, de façon plus ou moins importante, à la dégradation des habitats naturels. Quelques exemples peuvent être présentés. – L’urbanisation non maîtrisée autour des étangs et lagunes peut entraîner le rejet d’eaux usées. L’incendie des roselières détruit les sites de nidification et certains travaux peuvent combler des canaux. – La construction des ports et des digues peut modifier les

Filets de pêche abandonnés

courants marins et transformer certaines plages, qui tendent à disparaître faute d’apports sableux. – L’ouverture de pistes en montagne ou sur certaines arrièreplages favorise le passage des véhicules tout-terrain qui dégradent les sites naturels. – Le piétinement important de certaines zones sensibles comme les dunes ou les pozzines, en particulier en saison estivale, est aussi une source d’altération des habitats. – Les prélèvements excessifs (chasse ou pêche non réglementée et braconnage) ont également par le passé causé d’importants dégâts. En mer, la récolte de la grande patelle (a patella maiò) a accentué sa disparition alors que les fouilles archéologiques ont montré sa présence dans tout le bassin méditerranéen il y a plusieurs millénaires. Aujourd’hui, les mesures de protection mises en œuvre ont permis à l’espèce de se développer à nouveau. Autre cas similaire, celui de la grande nacre (a niacara) qui fut pendant de nombreuses années récoltée ou détruite par les ancres et les chaluts.

427

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 427

10/06/2017 21:12:09


Des Des ressources naturelles à valoriser •

L’eau douce La préservation du patrimoine remarquable d’un territoire n’est pas incompatible avec son développement économique. La Corse dispose de ressources naturelles exceptionnelles qui non seulement représentent un bien commun, mais constituent également un formidable potentiel pour un développement

Les précipitations abondantes mais irrégulières sont mal réparties dans le temps (cf. p. 25). Une grande partie de l’eau tombée brutalement sur un relief hardi, ou les roches imperméables dominent, ruisselle et rejoint en quelques heures la mer. Pendant des siècles, la force motrice potentielle des torrents n’a pu être utilisée que saisonnièrement, lorsque leurs débits étaient suffisants. De modestes retenues (piova) permettaient d’actionner les meules des moulins pendant quelques heures après avoir été remplies.

Les barrages

durable générateur d’emplois mais aussi de plus d’autonomie

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les premiers barrages significatifs voient le jour : pénitenciers de Castellucciu ou de Coti-Chiavari, usine de l’Argentella. De relative faible capacité – quelques dizaines de milliers de m3 –, ils sont destinés à fournir de l’eau pour l’irrigation ou pour le fonctionnement des machines à vapeur. Les premiers barrages de dérivation importants (canal de la Gravona) datent de la même période.

vis-à-vis de l’extérieur. Toutes ces activités qu’il convient de soutenir et d’encourager reposent sur la connaissance et la préservation des habitats naturels.

Il faudra attendre le premier quart du XXe siècle pour voir se développer les premiers barrages destinés à alimenter de petites usines hydroélectriques fonctionnant pour la plupart au fil de l’eau (Prunelli di Casaconi sur le Golu, Bastelica, Ghisoni, Abatescu, Ocana, etc.). Quant aux grands barrages, ils n’apparaissent qu’à partir de la deuxième moitié du siècle.

1. Barrage de dérivation de la Gravona, point de départ du canal de même nom 2. Barrage de Prunelli di Casaconi

Les sites les plus favorables – cuvette de grande capacité pour le stockage, gorges à l’aval pour le barrage et dénivelée signi-

1

2

428

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 428

10/06/2017 21:12:13


L’eau dou ce

18 Les barrages et retenues d’eau de Corse

ficative pour la chute d’eau et l’usine – ne sont pas nombreux dans l’île : seuls Calacuccia sur le Golu et Tolla sur le Prunelli. Ils sont équipés en premier. Des emplacements plus modestes font ensuite l’objet d’aménagement : Sampolu sur le Fium’Orbu, Rizzanesi. Parallèlement, on assiste au suréquipement de certains des premiers projets avec la réalisation de plusieurs usines en cascade turbinant la même ressource (pont de la Vanna sur le Prunelli, à l’aval de l’usine d’Ocana ; Sovenzia, turbinant de l’eau d’une dérivation du Tavignani, vers la retenue de Calacuccia). Un certain nombre de microcentrales sont également construites (Bucugnanu, Guazza, etc.).

1. Padule 2. Codole 3. Liamone (projet) 4. Tolla 5. Ulivesi (projet) 6. Rizzanesi 7. Urtolu 8. Figari 9. U Spidali 10. Sampolu 11. Alzitone 12. Teppa Rossa 13. Bravona (projet

2

17

16 15 14 13

abandonné)

14. Alisgiani 15. Peri 16. Calacuccia 17. Guazzu 18. Acqua Tignesa

3

12

4

Aujourd’hui, un peu plus d’un quart de l’énergie électrique consommée en Corse est d’origine hydraulique, ce qui représente un ratio largement supérieur au continent (en 2013, 24 % par EDF et 3 % par des tiers, soit 200 mégawatts).

5

Au moins deux projets existent encore dans les cartons : barrages sur le Liamone et sur le Taravu (Olivese).

7

La mise en valeur de la Plaine orientale, l’augmentation des besoins en eau à usage domestique entraînent la multiplication des barrages ou des retenues collinaires à usage d’irrigation et/

1

11 10

6

9

1. Barrage de Calacuccia 2. Barrage du Rizzanesi 3. Barrage d’U Spidali 4. Retenue collinaire de Peri

1

2

3

4

8

429

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 429

10/06/2017 21:12:24


Des ressou rce s nature l l e s à val ori se r

De nombreux objets en marqueterie de pierres (tables, tableaux, autels, etc.) ont été réalisés par l’Office des pierres dures de Florence en employant le vert d’Orezza. Une tentative récente d’ouverture d’une carrière, près de Carchettu, s’est soldée par un échec. En effet, si la roche est très dure, elle est aussi très hétérogène et souvent très fracturée. La richesse en smaragdite y est par ailleurs variable. Il est donc difficile et très onéreux d’obtenir de grandes plaques de couleur homogène.

Les pyromérides Découvertes au début du XIXe siècle, les filons de pyromérides, appelés alors eurite globuleux, granite globaire, voire porphyre Napoléon, ont suscité de nombreux espoirs comme roches ornementales. Espoirs sans avenir par suite de la fracturation de la roche, de sa difficulté d’exploitation et de l’absence de marché.

Une table en marqueterie de pierres dures. Le fond est en vert d’Orezza (Musée de Milan)

Dans un verre rhyolitique, les sphérolites peuvent aller de quelques millimètres à plus de 10 cm. Les sphérolites sont constitués par de petits cristaux aciculaires de feldspaths et de quartz. Deux hypothèses s’opposent quant à leur origine :

1. Sphérolites (Coll. A. Leccia) 2. Pyromérides, échantillon poli (Coll. A Leccia) 3. Pyromérides à l’embouchure du Fangu

– pour certains ils se seraient formés par dévitrification du verre volcanique ;

1

– pour d’autres ils proviendraient de la cristallisation d’un verre en surfusion et, dans ce cas, leur formation ressemblerait un peu à celle des orbicules de la diorite.

La filière pierre Dans les années 1990, existent en Corse trois usines de transformation travaillant les granites (Granicorse, France voirie urbaine et S.A. Gr. A) et une unité utilisant le cipolin (SATI pierre). Ces usines exploitent les matériaux de plusieurs carrières. Une jeune filière pierre est alors en train de naître. Elle s’appuie sur un potentiel de roches ornementales varié qui paraît important.

3 2

440

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 440

10/06/2017 21:13:25


Roch e s et m i n e rai s

Aïtone, carrière de granite à riebeckite*

Des usines modernes viennent d’être créées et élus et pouvoirs publics semblent concernés. Vingt-cinq ans plus tard, les usines sont fermées à l’exception de celles utilisant les cipolins du Cap et de quelques carrières exploitant les lauzes en Castagniccia. Qu’elles sont les causes de l’échec de la filière pierre ? Les roches exploitées dans le cadre de cette filière s’adressaient à trois marchés principaux : le grand public, la voirie et le bâtiment, auxquels on pouvait ajouter quelques marchés particuliers : blocs pour sculptures, dallage de luxe et surtout la couverture de lauzes en Castagniccia et dans le Cap. – Le marché grand public concerne essentiellement des matériaux de type « pierre de Brandu » c’est-à-dire du cipolin. Il s’agit d’un matériau qui offre un aspect naturel, assez facile à poser en dallage, dont le prix est compétitif. La roche est non poreuse, ingélive, inaltérable, mais le marché corse est très étroit. – Dans le cas de la voirie, les produits (granites et cipolins) sont utilisés pour le dallage des trottoirs ou des rues piétonnes, pour les escaliers, etc. Le problème particulier de ce marché est la difficulté de trouver des poseurs. Le granite corse n’était pas concurrentiel dans ce type de marché et si les cipolins, proposés en palette, rencontrent peu de produits concurrents directs, ils sont soumis à une demande assez irrationnelle qui dépend essentiellement des concepteurs des projets. – Le bâtiment est le marché le plus exigeant. Il concerne les panneaux de façade, surtout en granite, plus exceptionnellement en cipolin. Le granite est alors scié en panneaux de trois centimètres d’épaisseur, polis ou « flammés » sur une face. Un autre marché, moins important en surface, s’adresse aux carrelages et plans de travail. Ce sont les poseurs qui tiennent le marché et les produits corses sont en concurrence directe avec les produits continentaux et étrangers, en particulier italiens et espagnols, mais également chinois. À l’heure actuelle, ce sont les teintes colorées, rouge, rose et jaune, qui ont la faveur des acheteurs. Malheureusement les granites rouge et rose de Portu, le rose de Zonza et les granites bleu et vert d’Evisa se sont révélés très fracturés. La fracturation ne permet pas d’obtenir les parallélépipèdes de grand volume que l’on peut débiter avec des châssis multiples, ce qui constitue un handicap rédhibitoire. Une des rares variétés très peu fracturées, le granite d’Algajola, est semble-t-il, de teinte trop sombre pour espérer à court terme conquérir des marchés. De plus, à Portu, le changement de couleur dans la masse donne des produits trop hétérogènes. Quant aux granites gris insulaires, ils ne peuvent pas concurrencer les produits vosgiens ou ceux du Massif central ou de Sardaigne.

Le monolithe d’Algajola est un bloc de monzosyénite* de 17, 36 m de long, d’un diamètre de 2,74 m, et qui comporte 32 faces. Taillé en 1838-1839, il devait servir de soubassement à une statue monumentale de Napoléon. Les coûts de levage et de transport vers Aiacciu ne permirent pas la réalisation du projet

Étroitesse des marchés insulaires, concurrence importante exercée par des régions (Bretagne, Massif central) ou des pays (Italie…) où l’exploitation industrielle des roches est une tradition séculaire ou (Chine, Inde…) à la main-d’œuvre peu coûteuse

441

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 441

10/06/2017 21:13:36


1

Des ressou rce s nature l l e s à val ori se r

2 4 d 5

3

Carte des concessions et gisements 6 7 9

Calvi

14 13

8

10 15 a 12 c

Bastia

e

g

j

et enfin fracturation des massifs granitiques, conséquence d’une histoire géologique chaotique, ont conduit les exploitations insulaires à fermer assez rapidement, à l’exception des exploitations de cipolins et de lauzes.

18 21 h 20

11

16

L’emploi obligatoire des lauzes de couverture dans certains villages du Cap, en Castagniccia ou dans la vieille ville de Bastia a permis le développement ou le maintien de quelques carrières.

17 i

b

Outre la production de dallage pour la voirie, la carrière de « Petre Scritte » commercialise, pour le dallage de luxe, des plaques de cipolin sciées toutes faces et polies. Elle réalise avec des blocs plus massifs, polis ou bouchardés, des éléments de cheminées, des éviers, des marches d’escalier, etc.

19

Aiacciu

Portivechju

Gisements ayant fait l’objet d’une concession et/ou d’une exploitation

Roches sédimentaires : Miocène et Quaternaire Roches sédimentaires : Permien à Éocène

1. Ersa

Sb

Schistes lustrés

2. Meria

Sb

Houillier

3. Luri-Castellu

Sb

Gneiss et micaschistes

4. Canari

Am

Granitoïdes U1 et U2a

5. Farinole-Olmeta

Fe

Granitoïdes U2b et U3

6. Pratu

Pb

7. Cardu

Cu

8. Frangone

Cu

9. Monticellu

F, Pb

10. Lozari

Cu, As

11. Matra

As

Pb, Cu

12. Ponte à a Leccia

Cu

b. Tavacu

Pb

13. Argentella

Pb, Cu

c. Merusaglia

Mn

14. Tartaghjine

Pb

d. Olmeta

Am

15. Saint Augustin

Cu

e. Biguglia

Mg

16. Linguizetta

Cu

f. San Pedrone

Am

17. Vezzani

Cu

g. Scata

Cu, Fe

18. San Quilicu

Cu

h. Erbajolu- Fociccia

Cu, Fe

19. La Finosa

Pb

i. Castellucciu

Cu

20. Prunelli

Cu

21. Osani

C

Diorite et gabbros Rhyolite Ophiolite

Gisements ayant fait l’objet de recherches

a. Pietralba

j. Orzella

En conclusion, il existe un marché local assez étroit pour les cipolins et les lauzes. La production granitière se résume à la fabrication par quelques tailleurs de pierre de « quadri » utilisés localement pour l’édification de murs de soutènement ou de rares maisons en Corse-du-Sud. Les roches insulaires, produites en trop petite quantité par de rares carrières sont peu ou pas exportées, victimes sur leur sol même de la concurrence internationale.

Les minerais et l’exploitation minière en Corse La présence de plus de 400 indices minéralisés recensés à ce jour en Corse et l’existence, à la fin du siècle dernier et au début de ce siècle, de quelques exploitations minières momentanément rentables, ont pu faire croire à l’importance du potentiel minier de l’île. La diversité des formations géologiques insulaires et l’histoire complexe de leur mise en place expliquent l’extrême diversité des minerais découverts en Corse. À l’exception de l’or, qui n’a jamais été mis en évidence de façon formelle, et du diamant, inexistant, on trouve dans l’île tous les minerais, au moins à l’état de traces : cuivre (Cu), plomb (Pb), zinc, argent, antimoine (Sb), arsenic (As) bien sûr, mais aussi nickel (Ni), magnésium (Mg), fer (Fe), manganèse (Mn), sans oublier molybdène (Mo), tungstène (W), étain (Sn), bismuth (Bi), fluor (F), baryum (Ba), terres rares, cobalt (Co), minerais uranifères, etc. On trouve également un gisement d’anthracite à Osani, et de l’amiante, longtemps exploitée en carrière, en particulier à Canari, dans le Capicorsu. Cette énumération ne doit toutefois pas faire oublier que la dernière exploitation minière a fermé ses portes en 1965 (Canari). En réalité, l’amiante n’est pas une substance concessible et à ce titre son exploitation obéit à la législation des carrières. La dernière mine exploitée est celle de la Finosa (Ghisoni). Elle a cessé son activité en 1958.

442

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 442

10/06/2017 21:13:40


Des mesures d e p rote c ti on né ce ssai re s

d’habitats et des espèces animales et végétales figurant aux annexes I et II de la directive européenne « Habitats naturelsfaune-flore » (92/43 CEE) du 21/05/1992. Les sites marins peuvent être mixtes (terrestres et marins) ou exclusivement marins. En Corse, tous les sites Natura 2000 sont mixtes. Les sites sont dans un premier temps définis localement par un comité de pilotage réunissant les représentants de l’État, les collectivités territoriales, les propriétaires et exploitants ainsi que d’autres acteurs comme les organismes consulaires ou les associations de protection de la nature. La désignation d’un site Natura 2000 se fait :

1

– sur décision de la commission européenne arrêtant la liste des sites d’importance communautaire ; – par arrêté du ministre chargé de l’environnement désignant la zone comme site Natura 2000.

1. Massif montagneux du Cintu 2. La Scala di Santa Regina 3. Delta de l’Osu 4. Marais de Lavu Santu et littoral de Fautea

2

Localement, le document d’objectifs d’un site Natura 2000 est officialisé par un arrêté préfectoral portant approbation du document d’objectifs du site Natura 2000. Les deux principaux objectifs des sites Natura 2000 sont : – de conserver ou rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié la désignation du site Natura 2000 ; – d’éviter la détérioration des habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative les espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié la désignation du site Natura 2000.

4 3

470

Histoire_naturelle_Corse_03_ok.indd 470

10/06/2017 21:17:03


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.