Bruxelles culture novembre 2020

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CINÉMA : KOM HIER DAT IK U KUS Drame familial de Sabine Lubbe Bakker et Niels van Koevorden, avec Tanya Zabarylo, Tom Vermeir, Wine Dierickx, Valentijn Dhaenens et Tijmen Govaerts. Belgique-Pays-Bas 2020, 100 min. En néerlandais sous-titré français. Sortie le 4 novembre. Résumé du film – C’est l’histoire d’une jeune femme, Mona, qui a dû tout assumer sur le plan familial depuis sa plus tendre enfance. A 10 ans, elle perd sa maman dans un accident de voiture et doit accepter une marâtre hystérique fuyant son rôle de mère pour la charger d’être la nounou de sa demi-sœur. A 25 ans, elle rencontre un auteur en panne d’idées, qui la charge d’être sa muse en tyrannisant l’équipe de théâtre que dirige Mona. A 35 ans, elle est la seule qui soutienne leur père dentiste atteint d’un cancer incurable. Elle est épuisée d’avoir dû donner tout d’elle-même sans personne à qui se plaindre, sans retour et sans aucune gratitude. Quand ne sera-t-elle plus la bouée de personne ? Commentaire – Basé sur le best-seller de Griet Op de Beeck qui a participé au scénario, Kom hier dat ik u kus (Viens ici que je t’embrasse) est l’analyse approfondie du devoir qui anime Mona depuis qu’elle est toute petite. Le sentiment d’être la petite fille sage qu’il faut, l’amoureuse parfaite qu’elle deviendra, celle sur qui tout le monde peut compter, à commencer par sa famille. Cela s’appelle le « surmoi » en psychanalyse : le sentiment inconscient de la culpabilité que développe le film. La caméra au début est instable, à l’image de cette enfant qui devra chercher son chemin dans une famille de névropathes qui la culpabilisent. Elle en viendra à se mutiler à table, en se brûlant le bras, pour exprimer sa détresse devant les reproches que lui adresse sa belle-mère. Tanya Zabarylo joue le rôle à la perfection. On se demande jusqu’où ira son abnégation devant la charge qui pèse sur ses frêles épaules. Jusqu’à ce qu’elle s’effondre dans la douche sous le poids des responsabilités qu’elle doit endosser. Le film avance peu à peu dans l’étau qui se resserre autour d’elle, d’abord dans le cas de sa belle-mère qui la manipule, puis dans celui de son copain qui prend le relais en lui volant ses idées. Elle est leur mère à tous, la mère qu’on se déchire. Elle est leur bouée de sauvetage quand rien ne va plus. Et tout se passe comme si l’âne ne ployait jamais sous le poids du fardeau que l’habitude, le sentiment du devoir accompli fait porter à Mona depuis son plus jeune âge. A noter aussi Wine Dierickx dans son rôle de mégère névrosée (on lui conseille un bon médecin) qui passe ses nerfs sur la famille et prend des pilules de bonheur. Des cigarettes, de la boisson et des coups de fil interminables avec ses amies. Ce drame familial est signé par un tandem de réalisateurs. Sabine Lubbe Bakker, d’origine belge, est néerlandaise. Après avoir vécu au Brésil et en Syrie, elle a réalisé des documentaires pour la télévision hollandaise, avant de tourner Ne me quitte pas (2013), coréalisé avec Niels van Koevorden, auteur lui aussi de plusieurs documentaires. Ils reprennent ici leur association pour un film poignant qui s’inscrit dans la veine sociale du cinéma flamand. Avis – Si vous avez envie de savoir ce qui se passe dans la tête d’une « bonne fille » de Flandre, allezy, vous ne serez pas déçu(e) : ce docudrame vous y plonge à fond. Cinéma-vérité sur la famille et sur le sentiment du devoir qu’elle inocule en profondeur. Michel Lequeux


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