Catalogue de l'exposition "Ode à la femme" de Rachid Sebti

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Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger



Ode Ă la femme

Rachid Sebti


L’Espace Rivages que la Fondation Hassan II inaugure avec l’exposition de Rachid Sebti est un signe des temps qui changent et des mutations rapides que connaît la communauté des Marocains établis à l’étranger. Il fut un temps, pas si lointain, où nos émigrés de l’autre rive n’avaient à nous conter que le récit de leur déracinement et de leur solitude et l’histoire des souffrances et des frustrations de leur expérience migratoire. À l’époque, la Fondation Hassan II avait aménagé son rez-de-chaussée en espace d’écoute, de soutien et de conseil pour soulager le mal-être de nos concitoyens et tenter de fournir des réponses aux difficultés qu’ils rencontraient ici et ailleurs. Fort heureusement, ce temps est révolu. Les Marocains de l’extérieur ont fait des études et parfois des études prestigieuses, ils ont acquis des formations parfois dans des domaines de pointe, ils ont exercé des métiers parfois parmi les plus nobles, ils ont assumé des responsabilités parfois de très haut niveau. À la force de leur volonté, ils ont fait leur place au soleil dans les activités les plus diverses allant de l’art à la politique, en passant par les finances, le commerce, la culture et la science. Devenus intarissables, ils nous content leurs prouesses et leurs exploits et nous donnent à voir, à lire et à écouter les produits de leur création et de leur talent. C’est pour accompagner cette mutation et pour faciliter l’expression de cette richesse que la Fondation Hassan II met aujourd’hui à la disposition de nos créateurs et artistes de l’extérieur un nouvel espace convivial d’exposition, de rencontres, d’échanges et de dialogue baptisé « Espace Rivages ». Tant mieux si le hasard a voulu que ce nouvel espace soit inauguré avec une exposition de Rachid Sebti, artiste belgo-marocain de talent, qui nous invite dans son univers de grâce et d’élégance à savourer le doux mélange de l’audace et de la pudeur. D’autres artistes suivront en provenance d’autres pays ayant d’autres parcours et représentant d’autres écoles. Ils seront tous chaleureusement accueillis par la Fondation Hassan II et aussi par tous ceux qui viendront à leur rencontre.

Omar Azziman Président délégué de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’étranger


Ode à la femme Arrêt sur image. Chaque œuvre de Rachid

l’éclipse du temps. Les toiles défilent

Sebti semble de ces instants happés par

ressacs d’abyssales souvenances gravées

l’œil du photographe qui sait saisir le

dans la chair, sous la chair.

moment unique, le fragment de vie, fugace, comme jailli d’une brèche du temps. Arrêt sur image. Le geste du peintre se fait oublier, celui de la main, du pinceau qui sculpte patiemment dans la toile courbures et cambrures et fragrances de femmes, délicates plissures d’étoffes printanières ou précieuses, princières, de caftans brodés or, sensuelles plissures de draps, aveuglants de blancheur dans les bris de soleil et glissés là, comme une caresse, sur une chute de reins, un corps dénudé offert au sommeil ou replié, gracile parenthèse, sur une étrange solitude, à la fois douce et saisissante, gracile parenthèse épelant quelque chose d’un rêve inassouvi, figée sur

Arrêt sur image. Ou réminiscences de scènes d’enfance, de ces scènes qui refluent comme autant de mirages, à l’ombre des paupières closes sur un regard pris à l’envers aux fils d’un autre monde qui vit, vibre là, dans la chair, sous la chair. Un monde tout de courbures, de cambrures et fragrances de femmes. Un monde où la terre épouse l’ocre de leur peau, mêlée dans les mêmes coulées frissonnantes des lumières. Un monde qui bat au rythme de leurs joies, de leurs jeux, défaille cercle d’un « bonheur partagé » sur vertige de zelliges où se découpe la silhouette d’une jeune fille dansant un chant scandé par des femmes

imprenable désir, étouffé.

à ses pieds, fleurit champs de coquelicot où

Arrêt sur image, ou percées de mémoires.

annonce le printemps, se suspend à des

Le geste du peintre se fait oublier, dans

regards pensifs, à des regards complices

l’écho d’un « bendir » ou d’une « taârija »


oublieux des brises océanes qui glissent sous les chemises échancrées, monde, qui se pend à l’intensité d’yeux jetés au loin, à l’horizon sans horizon, des yeux, bouleversants d’incrédule quiétude, grands ouverts entre « les volets bleus », au-dessus de lèvres closes ou absentées sous le drapé d’un « haïk » enroulé assourdissant mutisme, monde, qui voile et étreint de ses brumes jalouses voluptueuses langueurs de Hammam, croule soudain à l’orée du lit d’une « nuit de noces » où trône, voûtée, écrasée par une angoisse pesante et, pourtant, d’une beauté étrangement éthérée, une femme aux traits tirés, inquiets, attendant, les mains accrochées au rebord du matelas, l’instant d’un amour étranger à ses rêves. Et son déshabillé de chuter aux épaules, comme pour traduire son désarroi. Ensorcelants jusants de mémoires qui habitent l’artiste et dont il se fait le passeur. Les toiles exhalent parfums de terre inaugurale. D’une terre faite femme. Toute l’œuvre de Rachid Sebti est d’ailleurs un hymne à la femme, sublimée jusque dans « la corvée » sur les terrasses où, pendus à l’étendoir, les draps humides érigent un paravent qui l’exile du monde découpé, au loin, puzzle de maisonnées ciselées dans le ciel, dans le jour, blafard ; femme, sublimée jusque dans la solitude qui émane, parfois,

de ces regards prenants qui vous fixent, vous interpellent, vous empoignent, ou vous ignorent, perdus dans une rêverie hors-letemps et ses contraintes et ses traîtrises ; femme, sublimée dans les chatoiements de tissus et les tremblées diluviennes du ciel incandescent qui inondent sa peau. Mais, quelle que soit la scène que l’artiste nous donne à voir, il se dégage toujours de ces femmes une force insensée, une envoûtante majesté. Et c’est là, certainement, que se fait fulgurant le talent de Rachid Sebti qui, en réalité, nous donne plus à ressentir qu’à voir, en nous plongeant dans l’univers intérieur de ces femmes, dans l’intimité d’une « dormeuse », d’un « moment de rêverie » langoureux, des corps mêlés dans la matrice du bain maure ; en nous enveloppant dans des atmosphères à ce point captivantes et palpables que nous avons le sentiment de faire partie du tableau. Car il y a aussi cette intimité-là qui s’installe, immédiatement  : cette intimité, prégnante, entre l’œuvre et le spectateur. Rachid Sebti, cet orfèvre du corps, cet alchimiste de la féminité, fixe les univers contrastés de sa terre natale. La condition même des femmes qu’il met en scène crève la toile. Et nul doute qu’il y a à lire là, dans le travail de l’artiste, quelque chose d’une critique sociale qu’il a, en quelque

sorte, choisi de mettre en exergue en la dépassant dans le sublime hommage qu’il rend à la beauté, à la grâce et à cette générosité faites femme. Balayant ainsi, dans ce geste symbolique, dans cette ode qui résonne comme un cri d’amour, toutes les frontières entre la femme asservie ou cloîtrée et la femme libre, une liberté ellemême toute relative. Ne restent que l’éclat des visages, la puissance des regards, le délié, l’élégance, le mystère éblouissants de ces corps de désirs à déchiffrer dans les flamboiements des peaux dénudées ou les sinuosités, parlantes, des tuniques. Ne restent que ces espaces exclusivement féminins où s’échangent les secrets, les silences et les rires, où les corps se libèrent, à l’ombre des regards, dans la joie complice d’une fête, d’une danse, ou un moment de torpeur alanguie. Né à Larache, Rachid Sebti est resté imprégné des couleurs, silhouettes et parfums de sa terre natale. De cette luminosité ensorcelante, aussi, particulière à ces villes du Nord et qui a ébloui tant d’artistes et de poètes d’outre-mer. Et sa palette épouse, avec une subtilité incomparable, l’incarnat de cette terre de bleu et de blanc et de soleils ruisselant magique, opaline cécité, parcourue de souffles marins. Cette terre saline et de vastes étendues verdoyantes.

Cette terre qui, à l’abri des murets, laisse éclore floraisons mosaïques et splendeurs émouvantes, poignantes, de femmes. Et si l’artiste, après de brillantes études à l’Ecole nationale des Beaux-Arts de Tétouan, s’est installé en Belgique où il a poursuivi sa formation à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, il n’a jamais vraiment quitté cette ville sienne où il revient souvent et qui continue de l’obséder. Loin du faste orientaliste ou d’une approche purement esthétique du nu féminin, Rachid Sebti échappe à tout courant artistique, à toute école. Lui-même, d’ailleurs, insiste sur son aversion pour les « tendances » et son admiration pour les artistes, les vrais, ceux qui sortent des sentiers battus, savent résister aux phénomènes de mode et accèdent à l’universel par leur singularité, jusqu’à en devenir intemporels. C’est le cas des œuvres de Rachid Sebti. Il est, certes, un peintre figuratif, mais qui a fait de la figuration un espace sensible de l’invisible, des mouvements intérieurs de l’âme et du corps dont la nudité, tout en transparence, est représentée avec une indicible finesse, une pudeur infinie, douce et humble, comme une révérence.

Bouthaïna Azami












Hommage à l’immigration Propos recueillis par Fatiha Amellouk Après l’Ecole des Beaux-Arts de Tétouan, Rachid Sebti émigre vers la Belgique pour poursuivre ses études à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles où il s’installe. Il y reçoit plusieurs distinctions, notamment la Médaille du Gouvernement belge et le Prix de la ville de Bruxelles. Il y remporte plusieurs médailles et titres honorifiques à l’issue de concours de peinture et de dessin. En 2001, il réalise un timbre-poste tiré à six millions d’exemplaires, puis en 2006 ce sera une palette de cinq timbres sur le thème « la Wallonie Idyllique ». Il crée également quatre timbres pour La Poste marocaine. e-taqafa : Quelle est la particularité de cette

exposition à l’Espace Rivages ? Rachid Sebti :

Depuis sa création, la Fonda-

tion Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger a la mission d’être à l’écoute des différents soucis que ceux-ci vivent dans leur pays d’accueil. Cette tâche tellement nécessaire, a résolu maints problèmes sociaux. Le choix que la Fondation fait actuellement en créant cet espace qui touche à l’art et à la


culture comble un déficit. En resserrant les liens entre les créateurs (artistes peintres, écrivains, poètes etc..) et le Maroc, elle remplit un grand vide. En effet, nous pouvons constater que ce sont les institutions étrangères au Maroc qui proposent ce genre de services aux artistes marocains de l’extérieur. L’espace Rivages est donc une nécessité et une justice.

particularité de ma peinture. La femme que Dieu a créée pour être la compagne de l’homme mérite mieux que la place que la société lui réserve. Mes œuvres tendent à représenter la femme dans ce qu’elle a de beau. Depuis toujours, elle a été le sujet d’inspiration des plus grands créateurs. Je peins la femme universelle et non pas la femme marocaine uniquement.

e-taqafa : Y a-t-il une particularité au niveau

e-taqafa :

des œuvres exposées ?

artistique au Maroc actuellement ?

Quand j’étais étudiant dans les années soixante-dix, j’ai connu de près le racisme au quotidien. L’immigration continue à augmenter car les candidats à cette aventure considèrent qu’ailleurs est toujours mieux que chez eux. J’ai côtoyé certains d’entre eux de près et je me suis inspiré longuement de leurs regards et des silences que l’on retrouve d’ailleurs dans toutes mes œuvres. Je resterai toujours sensible à ces êtres démunis en hommage auxquels j’ai créé une œuvre « Le rêve brisé ».

Rachid Sebti : Le Maroc

Rachid Sebti :

e-taqafa : Vous restez par ailleurs fidèle à votre

thème de prédilection. Pourquoi cette fascination pour la femme ?

Je ne suis pas sensible à la femme en elle-même, mais aux problèmes que celle-ci rencontre dans notre société. Je veux mettre à jour tous les «non-dits» qui n’ont pas été résolus et qui font la

Rachid Sebti :

Que pensez-vous du mouvement

vit un dynamisme très

positif grâce à un homme : Sa Majesté le Roi que j’apprécie énormément. Auparavant, l’art était secondaire au Maroc. L’intérêt pour l’art et la culture est devenu une réalité. Nous disposons actuellement de musées et d’évènements culturels internationaux organisés avec professionnalisme et qui font notre fierté. Ce dynamisme nous encourage pour aller de l’avant et renforcer le statut de l’art marocain à l’international. e-taqafa : Et Le Maroc ? Rachid Sebti :

Je suis originaire d’un beau

pays, grâce à Dieu, qui se développe jour après jour. Je ne peux que souhaiter que le domaine culturel soit valorisé et trouve réellement sa place dans cette société en plein essor. Fatiha Amellouk pour e-taqafa.ma

















Fragment d’un itinéraire Hind Sebti Un des plus importants peintres figuratifs du Maroc, Rachid Sebti l’est assurément ! Mais il s’agit d’une figuration qui s’affirme, à l’écart de toute école ou de tout courant artistique contemporain. L’œuvre s’impose par sa cohérence, son originalité et sa technicité. Ici, rien de facile ou d’impromptu. Tout découle d’une volonté supérieure, d’une recherche minutieuse, que l’on devine dans chaque toile. Son talent est mêlé à l’humilité d’un grand artiste dont le souci premier est de créer et non de plaire.

Ses créations se vendent toujours dans de

Né à Larache, Rachid Sebti apprend le dessin dès l’âge de six ans. Son père, sensible à ces prédispositions, l’encouragea dans cette voie. C’est ainsi que Rachid Sebti poursuivit de brillantes études artistiques à l’Ecole des Beaux-Arts de Tétouan, en compagnie notamment de Mohamed Drissi.

lique ». Ce travail ne pouvait que renforcer à

Elève brillant, diplômé talentueux, il monte quelques expositions de sculpture dans plusieurs grandes villes du Maroc. Malgré ses premiers succès, et bien que de nombreuses opportunités s’offrent à lui, Rachid Sebti, suivant les conseils du grand philosophe Aziz Lahbabi, se rend en Belgique pour y parfaire sa formation.

quatre timbres en 2007.

Muni d’une bourse d’études, il se rend à Bruxelles où il fut le premier Marocain à s’inscrire à l’Académie Royale des BeauxArts. Là, il excella tant en peinture, qu’en gravure. Remarqué pour ses qualités il se vit récompensé, à la fin de ses études, des plus grandes distinctions à savoir, le prix de Maîtrise, la Médaille du Gouvernement belge, et le Prix de la Ville de Bruxelles.

du Sud. On trouve ses œuvres dans plu-

Rachid Sebti suivit également une formation de styliste d’ameublement en Italie. Il a été directeur artistique d’une importante société de meubles et de papiers peints.

nombreux pays. Tout au long de sa carrière, il remporta plusieurs distinctions. C’est ainsi qu’il fut remarqué par le gouvernement belge qui lui confia la création d’un timbre-poste tire à six millions d’exemplaires en 2001. En juin 2006, il lui fut commandé une palette de cinq timbres sur le thème « La Wallonie idyll’international, l’image de ce talentueux créateur. Son pays n’est pas resté à l’écart, ainsi la Poste marocaine lui confia la réalisation de

L’artiste a participé à de nombreuses expositions tant individuelles que collectives en Europe, aux États-Unis et en Afrique sieurs musées au Maroc : au Musée d’Art Moderne de Tétouan et au Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain de Rabat. Plusieurs publications sur le travail de l’artiste ont été éditées dont La femme

vénérée, La lumière d’ailleurs, Sur les traces de Rachid Sebti, Le drapé de l’émotion et le dernier en date étant Le sacre du corps.



Huiles sur toile «  Ce que je cherche ce n’est pas le réel ni l’iréel, mais le beau dans la race humaine »

162 x 30 cm

35 x 46 cm

116 x 89 cm

76 x 61 cm

116 x 89 cm

162 x 30 cm

100 x 80 cm

Rachid Sebti Tél. : 06 60 52 07 75 courriel : sebtira@yahoo.fr 70 x 50 cm

90 x 60 cm

116 x 89 cm


116 x 89 cm

100 x 80 cm

116 x 89 cm

116 x 89 cm 90 x 60 cm

100 x 80 cm

116 x 89 cm

116 x 89 cm

100 x 80 cm

100 x 80 cm

80 x 100 cm

90 x 60 cm

116 x 89 cm

100 x 80 cm

100 x 80 cm

100 x 100 cm

116 x 89 cm

116 x 89 cm

100 x 80 cm


Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger Espace Rivages 67, Boulevard Ibn Sina, Agdal, Rabat. Tél. : (212) 037 67 02 01/04/07 Fax : (212) 037 67 02 35

crédits photos : Hassan El Manssouri Khadir Raylan Karim Sebti graphisme : Sabah El Jabli Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation des responsables, est illicite et constitue une contrefaçon.



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