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de architectura

Le Parlement Écossais de Enric Miralles et Benedetta Tagliabue

Quand l’international contemporain rencontre le patrimonial traditionnel : « Le Déconstructivisme Critique »

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Vu du ciel, il apparaît comme une immense masse organique et feuilletée, comme un objet de verre et d’acier aux lamelles multiples et fragmentées par le tracé des voiries. Le Parlement Écossais dessiné par le duo d’architectes italohispanique Enric Miralles et Benedetta Tagliabue a réussi son pari, par-delà les vives polémiques, à devenir en l’espace de quelques années seulement le nouvel emblème de la nation écossaise. Incrusté harmonieusement dans la topographie rude et sinueuse de la capitale historique Edinbourg et de son quartier Holyrood, ce nouveau joyau d’architecture contemporaine a été inauguré en 2004 après des travaux au coût titanesque (414,000,000 £) et une attente de près de 5 ans sans lieu de représentation démocratique. Une attente récompensée l’année suivante pour les architectes et leurs commanditaires par la plus haute distinction architecturale du Royaume Uni : le Prix Sterling. Cette récompense suprême n’a pas manqué de faire ressortir de l’eau sombre et trouble des « lochs » la polémique sur ce bâtiment à peine sorti de tourbe. En effet, si l’on ne s’arrête pas au seul aspect financier, le Parlement Écossais à su résister aux différents cris de révolte de la « vox populi ».

Tout d’abord quant au style architectural prononcé de l’édifice: Oscillant entre un déconstructivisme affirmé et un post-modernisme de façade, il n’a pas manqué de susciter l’incompréhension, par le conservatisme encore présent de l’élite intellectuelle très soucieuse de la préservation de son patrimoine médiéval historique et de ses rues ondulées et pavées de gris suie. Une critique qui aurait pu être totalement fondée aux vues de notre époque où l’architecture déconstructiviste s’évertue à l’excès à une « totale rupture historique » en négligeant des notions fondamentales telles que la « mémoire » et la « particularité/identité » du lieu. Néanmoins, le Parlement Ecossais de Miralles fait ici figure d’exception. En effet, en plus de révéler l’unicité du lieu, d’en marquer la continuité et d’en épouser avec ses formes abstraites et arrondies les détails topo-morphiques, le Parlement se fend d’une vue séquencée mais panoramique sur l’environnement urbain verdoyant et irrégulier propre à la ville. Comme on le sait l’Ecosse est une nation qui, durant des siècles, n’a cessé de se révolter contre la Couronne pour réclamer son indépendance. Cette autre polémique réside donc à propos du site choisi pour ce nouveau symbole national de l’Ecosse qui s’implante à proximité de la Royal Mile : l'artère principale d’Edimbourg qui relie le château d'Holyrood (résidence officielle d’Elizabeth II) et le château d'Edimbourg (longtemps occupé par les rois anglais). L’on comprend donc aisément que le rapport populaire vis-àvis de l’establishment monarchique soit sujet sensible et d’autant plus actuel à l’heure du Brexit. Il n’en reste pas moins que ce bâtiment, par un jeu de questions-réponses continu, exprime un dialogue complexe mais lisible avec le « topos » environnant. Par le choix de son positionnement et de sa forme déstructurée, ce Parlement Écossais flambant neuf se veut être dans les prochaines années un témoignage que «l'architecture contemporaine internationale» a encore (peut être) quelque chose à exprimer. Le « Deconstructivisme Critique », un possible remède à l’« Anti-Esthétique » ?

Vincent Richard du Perron et Matias Herras

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